Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-20.317, F-P+B (N° Lexbase : A5202KDZ)
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N7125BT3
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Le 24 Mai 2013
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 364593, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3193KDM)
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N7090BTR
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, deux arrêts, n° 12-14.566 (N° Lexbase : A3197KDR) et n° 12-16.082 (N° Lexbase : A3199KDT), F-P+B+I
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N7135BTG
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 23 Mai 2013
Dès son interpellation, l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'est pas titulaire d'un titre de séjour peut se voir informé par les services de police, lors de son audition, qu'il est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine et s'il a pu présenter des éléments pertinents qui pouvaient influer sur le contenu de la décision (CAA Bordeaux, 5ème ch., 30 avril 2013, n° 12BX02988 [LXB= A5439KDS]). L'article L. 551-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers (N° Lexbase : L7194IQI) indique que, sauf assignation à résidence, laquelle peut intervenir à tout moment sur décision du juge judiciaire (Cass. civ. 1, 29 février 2012, n° 11-30.085, F-P+B+I N° Lexbase : A7142IDU), "l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire", notamment lorsqu'il fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant, ou lorsqu'il doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour. L'interpellation aux fins de placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ressortit à la police administrative (Cass. civ. 1, 28 mars 2012, n° 11-30.454, F-P+B+I N° Lexbase : A9979IGP). Toutefois, l'étranger présentant des garanties de représentation suffisantes ne peut faire l'objet d'une mesure de placement en rétention (TA Toulouse, 29 novembre 2011, n° 1105312 N° Lexbase : A1824H4C), ce qui n'est pas le cas s'il ne justifie d'aucun domicile fixe en France, ayant été interpellé dans un squat situé sur un terrain privé (CAA Lyon, 5ème ch., 10 janvier 2013, n° 12LY00186 N° Lexbase : A6092KDY).
La rétention est décidée par l'autorité administrative (la préfecture), puis, éventuellement, prolongée par le juge des libertés et de la détention. Dans un arrêt du 12 avril 2012, la Cour de cassation a, ainsi, rappelé que le premier président d'une cour d'appel ne peut ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger, mais seulement prolonger une telle mesure (Cass. civ. 1, 12 avril 2012, n° 11-11.904, F-P+B+I N° Lexbase : A6029II7). Elle est limitée au temps strictement nécessaire à son renvoi : la décision de placement en rétention, prise par le préfet, est valable cinq jours et ne peut pas dépasser quarante-cinq jours. L'importance de la décision n° 12-16.082 du 15 mai 2013 tient au fait qu'elle rappelle clairement que ce délai ne peut excéder sept jours en cas de placement en garde à vue. Par cette même décision, les Sages ont rappelé que le placement en rétention, s'il est justifié, doit respecter les droits de la défense, être limité dans le temps et être lié à l'impossibilité de procéder immédiatement à l'exécution de la mesure d'éloignement. Ils ont ensuite, en 2003, posé le principe selon lequel un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet (Cons. const, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 N° Lexbase : A1952DAK). En 2011 (Cons. const, décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 N° Lexbase : A4307HTP), ils ont précisé, comme le rappelle la Cour suprême dans la décision rapportée, que, lorsque l'étranger a été placé en rétention administrative à l'issue d'une garde à vue, la protection constitutionnelle de la liberté individuelle exige que la durée de celle-ci soit prise en compte pour déterminer le délai avant l'expiration duquel une juridiction de l'ordre judiciaire doit intervenir. La durée de la garde à vue peut être portée à quarante-huit heures en cas de renouvellement de la mesure par le procureur de la République. L'étranger privé de sa liberté ne peut donc être effectivement présenté à un magistrat du siège après l'expiration d'un délai de sept jours à compter du début de la garde à vue.
II - L'arrêt n° 12-14.566 revient sur les droits de l'étranger en rétention, en rappelant que "celui-ci doit pouvoir demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin et qu'il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix". Dans le domaine voisin des zones d'attentes, il a été jugé qu'une requête en annulation de la procédure de maintien tirée de l'absence d'assistance par un interprète, ne peut être annulée si l'intéressé parle le français et qu'à aucun moment il n'a demandé l'assistance d'un interprète (Cass. civ. 2, 25 janvier 2001, n° 99-50.067, F-P+B N° Lexbase : A4156ARD). Lorsqu'un étranger, maintenu dans une zone d'attente située dans une gare, un port ou un aéroport, demande l'assistance d'un interprète, celui-ci doit nécessairement être présent aux côtés de l'intéressé qui en sollicite l'assistance (Cass. civ. 2, 7 octobre 1999, n° 98-50.038, F-P+B N° Lexbase : A5112CGG). L'assistance par téléphone de l'interprète est donc assimilée à une non-assistance et, lorsque cette irrégularité se manifeste au cours de la procédure administrative de maintien en zone d'attente, elle entraîne la nullité de la procédure judiciaire.
Si l'expulsion est exclusivement destinée à assurer l'ordre et la sécurité publics et n'est pas forcément considérée comme une sanction (CE 2° et 6° s-s-r., 20 janvier 1988, n° 87036, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7553APG), le Conseil constitutionnel a, toutefois, affirmé qu'elle constitue une mesure qui restreint l'exercice d'une liberté publique (Cons. const, décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986, précitée). Il peut arriver que le maintien en rétention administrative, ou en zone d'attente, soit décidé alors que l'étranger est placé en garde à vue, et qu'il prenne immédiatement effet au terme de cette mesure. Cela se produit, par exemple, lorsqu'à l'occasion d'un contrôle d'identité, un ressortissant étranger est en situation irrégulière sur le territoire national, et qu'après avis donné au procureur de la République, une mesure d'éloignement est préférée à des poursuites pénales, ou encore, lorsqu'à sa descente d'avion, un étranger est trouvé, lors du contrôle des visas de transit aéroportuaires, en possession de documents falsifiés ou usurpés. Il appartient alors au juge, saisi par l'autorité administrative, de se prononcer, comme gardien de la liberté individuelle, sur les irrégularités attentatoires à cette liberté individuelle, invoquées par l'étranger (Cass. civ. 2, 24 février 2000, n° 99-50.001 et n° 99-50.002, F-D).
Rappelons par ailleurs, que depuis 2012 et trois décisions importantes de la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, trois arrêts, n° 11-30.371 N° Lexbase : A4775IQW, n° 11-19.250 [LXB=A4776IQX ] et n° 11-30.530 N° Lexbase : A5008IQK, FS-P+B+R+I), suivant en cela un avis rendu le 5 juin 2012 par la Chambre criminelle (Cass. crim., 5 juin 2012, n° 11-19.250 [LXB=A1793INQ ] et lire N° Lexbase : N2346BT3) impulsé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 28 avril 2011, aff. C-61/11 [LXB=A2779HPM ] et lire N° Lexbase : N4212BSS, CJUE, 6 décembre 2011, aff. C-329/11 N° Lexbase : A4929H3X), la garde à vue pour les étrangers au seul motif qu'ils sont dépourvus de papiers est irrégulière, cette procédure étant donc à manier avec précaution. Toujours sur un plan formel, il a été jugé récemment que les motifs de l'appel formé contre une prolongation en rétention administrative doivent figurer dans la déclaration d'appel transmise au greffe de la cour. Après cette déclaration motivée, un mémoire complémentaire ajoutant des moyens nouveaux peut toutefois être transmis jusqu'à l'expiration du délai d'appel (Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 12-17.093, F-P+B+I N° Lexbase : A5749KA8). En outre, le Conseil d'Etat a jugé que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4, de la CESDH (N° Lexbase : L4786AQC), qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet, ni pour effet, de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative (CE 2° et 7° s-s-r., 4 mars 2013, n° 359428, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3221I98).
Ces deux décisions, par le rappel des règles de prolongation de la rétention administrative mais aussi des droits des personnes placées dans cette situation, assurent donc un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière tout en respectant la protection de la liberté individuelle de ces derniers, une conciliation plus que jamais nécessaire en ces temps de renforcement du contrôle des politiques migratoires.
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Réf. : Lois du 17 mai 2013, organique n° 2013-402 (N° Lexbase : L7928IWK) et n° 2013-403 (N° Lexbase : L7927IWI)
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N7120BTU
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cons. const., deux décisions du 16 mai 2013, n° 2013-667 DC (N° Lexbase : A4405KDI) et n° 2013-668 DC (N° Lexbase : A4406KDK)
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N7124BTZ
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Décret n° 2013-400 du 16 mai 2013 (N° Lexbase : L7885IWX), modifiant le décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009, relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel (N° Lexbase : L1242IG4)
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N7126BT4
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : Décret n° 2013-408 du 16 mai 2013 (N° Lexbase : L7931IWN)
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N7127BT7
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Le 25 Mai 2013
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 25 mars 2013, n° 364950, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3297KBQ)
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N7095BTX
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 23 Mai 2013
Philippe Proot : Si l'on entend le terme de "clause" au sens strict, il s'agira d'une condition d'exécution stipulée dans l'un des cahiers des charges déterminant les conditions dans lesquelles le marché est exécuté (C. marchés publ., art. 13 N° Lexbase : L2673HPP), et celle-ci devra respecter les dispositions de l'article 14 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2674HPQ) (qui y fait référence depuis le code de 2001), aux termes desquelles : "les conditions d'exécution d'un marché ou d'un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l'environnement et progrès social. Ces conditions d'exécution ne peuvent pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats potentiels. Elles sont indiquées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation". Il s'agira donc, par exemple, de l'emploi, lors de l'exécution du contrat, d'un pourcentage de personnes engagées dans une démarche d'insertion (1), et il faudra veiller à ne pas avantager un candidat, en particulier en stipulant une condition que seul un candidat serait à même de mettre en oeuvre (ou que seuls les soumissionnaires nationaux pourraient remplir).
Si, plus largement, l'on entend en revanche par-là la fameuse "clause de mieux-disant social", c'est-à-dire en réalité un critère d'attribution et donc de choix d'une offre, il s'agira d'un critère relatif aux "performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté" selon la formulation de l'article 53 du même code et qui, comme tel, devra être non discriminatoire et lié à l'objet du marché (étant par ailleurs rappelé qu'il s'agit, à ce stade, d'apprécier et comparer les mérites des offres et non des candidats). Partant, deux hypothèses sont envisageables :
- celle, tout d'abord, du marché ayant précisément pour objet l'insertion professionnelle, hypothèse qui, en pratique, était jusqu'à présent la seule susceptible d'être admise compte tenu de la jurisprudence nationale, et où il s'agira donc d'apprécier les moyens ou méthodes mis en oeuvre pour permettre à des personnes en difficulté de retrouver un emploi de façon pérenne (le critère en cause pouvant ici se confondre avec celui de la valeur technique) ;
- celle, ensuite, et désormais, du marché dont l'objet est tout autre mais qui, pour autant, "eu égard à son objet, est susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion" (selon la formulation de l'arrêt du 25 mars 2013), et où il s'agira, cette fois, d'apprécier les moyens et méthodes mis en oeuvre (formation, tutorat, motivation...) pour permettre à des personnes en difficulté de profiter de leur embauche et de leur affectation à l'exécution du marché pour opérer un retour à l'emploi ou accroître leurs chances de réussir, par la suite, un tel retour.
Mais, dans ce dernier cas de figure, même si le lien avec l'objet du marché est apprécié plus souplement que par le passé, un tel critère -le Conseil d'Etat le rappelle expressément- ne doit pas être discriminatoire et doit permettre au pouvoir adjudicateur d'apprécier objectivement les offres ; il faudra donc non seulement que le marché soit bien susceptible d'être exécuté, au moins en partie (et sans doute dans une proportion qui ne soit pas dérisoire ni totalement sans rapport avec la pondération de ce critère), par des personnes en difficulté pour trouver un emploi (il s'agira donc sans doute de marchés ayant pour objet des travaux ou des tâches de manutention, de déménagement, de rangement, d'entretien...) mais, également, qu'il ne soit apprécié et noté que les propositions concrètes des candidats qui seront mises en oeuvre dans le seul cadre de l'exécution du marché et donc pour les seules personnes en difficulté qui y seront affectées, de façon à ne noter que lesdites propositions et non la qualité de la politique sociale de l'entreprise (2).
On peut, en outre, penser, puisque le critère est celui des performances en matière d'insertion et que le Conseil d'Etat prend soin de relever dans l'affaire qui lui était soumise les éléments qui étaient à ce titre pris en compte pour apprécier ces performances, qu'il ne s'agira donc pas seulement de noter une proposition (ou promesse) d'emploi de personnes en difficulté, mais qu'il faudra aussi et surtout apprécier l'aide qui, au-delà d'une embauche probablement temporaire (puisque liée à l'exécution d'un marché donné), sera apportée à ces personnes pour favoriser leur démarche d'insertion ; à moins -la jurisprudence nous le dira sans doute un jour- que la performance puisse se mesurer au seul nombre ou au seul pourcentage de personnes dont l'emploi est ainsi escompté.
Il est, enfin, à noter qu'un tel critère a été admis alors même qu'en l'espèce, le pouvoir adjudicateur n'avait "pas repris de telles exigences dans le cadre des clauses d'exécution du marché". Cela peut paraître étonnant si l'on compare avec ce qu'a semblé exiger le juge dans une affaire où a été déniée la possibilité de faire de la rapidité d'intervention en matière de maintenance un sous-critère, pondéré à 10 %, dès lors que celle-ci n'était pas prévue dans les documents de la consultation, qui ne prévoyaient aucune exigence en termes de délais d'intervention, ni aucune pénalité pour retard d'intervention (3). Toujours est-il qu'il faut donc en déduire que le mieux-disant social peut désormais emprunter deux voies distinctes et a priori non nécessairement cumulatives : la condition d'exécution imposée de façon uniforme à l'attributaire, quelle que soit l'offre retenue, et le critère d'attribution, appréciant, au contraire, le mérite particulier de chaque offre sur ce point.
Lexbase : Quelle était jusqu'à présent la position du juge administratif vis-à-vis des clauses sociales, notamment depuis l'arrêt "Commune de Gravelines" du 25 juillet 2001 ?
Philippe Proot : Très restrictive puisque, dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a jugé que le critère relatif aux "propositions concrètes faites par les soumissionnaires en matière de création d'emplois, d'insertion et de formation" était "sans rapport avec l'objet du contrat ou avec ses conditions d'exécution" (4). Comme le soulignait Denis Piveteau dans ses conclusions, "le déblaiement d'une douve et le tri de déchets, qui sont des travaux de main-d'oeuvre, se prêtent peut-être assez bien à des objectifs d'embauche de chômeurs ou de réinsertion professionnelle, mais ils ne les visent pas, et ne les impliquent pas nécessairement pour leur exécution".
Et cette approche restrictive mais frappée au coin du bon sens a été confirmée encore récemment. Depuis la modification du Code des marchés publics de 2004 par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49), l'article 53 du code admet certes un critère lié aux "performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté", mais il était exigé que "ce critère présente un lien avec l'objet du marché" et, à propos d'un marché "relatif au déménagement, stockage et transfert de mobilier et machines-outils", il était nié "que les prestations attendues présenteraient, par nature, un lien avec les performances en matière d'insertion de publics en difficulté" (5).
Lexbase : La CJUE, dans une décision C-368/10 du 10 mai 2012, avait adopté une position équivalente concernant les normes environnementales. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Philippe Proot : En réalité, on peut remonter dix ans plus tôt pour mesurer l'évolution de la jurisprudence communautaire, et même vingt-cinq ans plus tôt pour ce qui est du critère social (6). Sous l'empire des précédentes Directives, et en relevant de façon incidente que le Traité CE prévoyait que les exigences de la protection de l'environnement devaient être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et des actions de la Communauté, la Cour a, ainsi, admis qu'il n'était pas requis que chacun des critères d'attribution soit de nature purement économique et qu'il pouvait être pris en compte des critères écologiques, pour autant qu'ils soient (notamment) liés à l'objet du marché (7). Elle en a déduit un an plus tard la possibilité de retenir, pour l'attribution d'un marché de fourniture d'électricité, un critère relatif à la fourniture d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, ce qui constituait un pas supplémentaire, dès lors que la caractéristique en cause ne s'incorporait pas au produit fourni (8).
En 2012 (9), la CJUE a eu à connaître d'un marché de fournitures et d'exploitations de distributeurs de boissons chaudes dans lequel il était exigé que le café et le thé à fournir soient munis des labels "Eko" (produits issus de l'agriculture biologique) et "Max Havelaar" (produits issus du commerce équitable) et où il était prévu un critère d'attribution accordant des points supplémentaires pour la fourniture d'autres ingrédients (lait, cacao, sucre) répondant à ces mêmes labels. Sur le premier point, la Cour condamne dans le cadre d'un marché de fournitures le recours à un label spécifique plutôt que la référence aux spécifications que l'octroi de ce label sanctionne (et qui n'est qu'un moyen parmi d'autres permettant de prouver dans son offre que l'on satisfait auxdites spécifications). Sur le second point, elle condamne également cette même référence à un label déterminé mais elle admet, néanmoins, le principe de tels critères, qu'elle considère liés à l'objet du marché, en se fondant sur le considérant n° 46 de la Directive (CE) 2004/18 et ses arrêts de 2002 et 2003.
Pour la prise en compte du caractère issu de l'agriculture biologique des fournitures, elle relève que ce considérant admet la prise en compte de critères qualitatifs, notamment relatifs aux caractéristiques environnementales des produits, et admet que la prise en compte d'un tel caractère puisse donc constituer un critère à caractère environnemental ; et ce caractère impliquant un faible emploi de pesticides, elle y voit une caractéristique intrinsèque des produits et estime donc ce critère lié à l'objet du marché. Pour la prise en considération du caractère issu du commerce équitable des fournitures, elle relève que le considérant n° 46 énonce qu'"un pouvoir adjudicateur peut utiliser des critères visant à la satisfaction d'exigences sociales répondant notamment aux besoins [...] propres à des catégories de population particulièrement défavorisées auxquelles appartiennent les bénéficiaires/utilisateurs des travaux, fournitures, services faisant l'objet du marché" et en déduit qu'il y a "dès lors lieu d'admettre que les pouvoirs adjudicateurs sont également autorisés à choisir des critères d'attribution fondés sur des considérations d'ordre social, lesquelles peuvent concerner les utilisateurs ou les bénéficiaires des travaux, des fournitures ou des services faisant l'objet du marché, mais également d'autres personnes" ; elle y voit donc un critère à caractère social, alors même qu'il concernerait d'autres personnes que les bénéficiaires du marché. Puis, par analogie avec la fourniture d'électricité selon des sources renouvelables, elle admet que rien ne s'oppose à ce qu'un critère social vise le fait qu'un produit soit issu du commerce équitable (caractéristique qui ne s'incorpore donc pas au produit) et estime qu'il peut être lié à l'objet du marché. Il est donc admis qu'un critère d'attribution puisse être lié à l'objet du marché, tout en portant sur la façon dont une fourniture est produite ou une prestation effectuée, ce qui ouvre donc la porte à une prise en compte de la réalisation par des publics en difficulté.
Lexbase : Au final, pensez-vous que cette décision aura un impact significatif sur le développement éventuel du critère d'insertion ?
Philippe Proot : Sur la possibilité d'y recourir, assurément, puisqu'un tel critère pourra désormais être utilisé dans des marchés n'ayant pas spécifiquement pour objet l'insertion professionnelle de publics en difficulté mais pouvant, néanmoins, indirectement contribuer à celle-ci. Alain Ménéménis, commentateur autorisé, estime (10) que cet arrêt s'inscrit dans le même mouvement que l'arrêt de la CJUE du 10 mai 2012 et qu'un arrêt du Conseil d'Etat jugeant que l'article 5 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2665HPE), qui impose au pouvoir adjudicateur de définir ses besoins "en prenant en compte des objectifs de développement durable", lui impose, en conséquence, de concilier "des objectifs de protection et de mise en valeur de l'environnement, de développement économique et de progrès social" (11). Cette dernière décision, et celles du juge communautaire, montrent à la fois l'importance du texte (même lorsqu'il ne s'agit que d'un considérant) et comment il suffit, néanmoins, de quelques mots formulant des objectifs en termes très généraux pour apprécier de façon soudain plus souple le lien d'un critère social avec l'objet du marché. Après ce volontarisme du juge, il restera à voir celui du législateur communautaire, avec l'adoption des nouvelles Directives, et celui des pouvoirs adjudicateurs, à qui il restera à faire usage ou non de ce critère.
(1) Cf. les différents exemples qu'en donne le considérant n° 33 de la Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU).
(2) Il a, ainsi, été récemment jugé que "le critère de sélection relatif au 'volet social' de l'entreprise n'était pas en rapport avec l'objet du marché" : CE 2° et 7° s-s-r., 15 février 2013, n° 363921, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5391I88), Contrats-Marchés publ. n° 104, note Devillers.
(3) CE 2° et 7° s-s-r., 1er avril 2009, n° 321752, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5008EE9), JCP éd. A, n° 2170, note Linditch.
(4) CE 7° et 5° s-s-r., 25 juillet 2001, n° 229666, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1249AW8), Rec. p. 391, BJCP, 2001/19, p. 490, concl. Piveteau, AJDA, 2002, p. 46, DA n° 212, note Piveteau, Contrats-Marchés publ., n° 188, note Eckert, CP-ACCP, novembre 2001, p. 30, note Richer.
(5) CAA Douai, 2ème ch., 29 novembre 2011, n° 10DA01501, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9705IB3).
(6) Dans une décision célèbre mais ambigüe (CJCE, 20 septembre 1988, aff. C-31/87 N° Lexbase : A8451AUK), la Cour avait répondu que "la condition de l'emploi de chômeurs de longue durée est compatible avec la Directive si elle n'a pas d'incidence discriminatoire directe ou indirecte à l'égard des soumissionnaires provenant d'autres Etats membres de la communauté. Une telle condition particulière supplémentaire doit être obligatoirement mentionnée dans l'avis de marché". Et elle a, par la suite, précisé que "la condition de l'emploi de chômeurs de longue durée, qui était en cause dans cette affaire, avait servi de base pour exclure un soumissionnaire et ne pouvait, dès lors, que constituer un critère d'attribution du marché" et non une condition d'exécution (CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-225/98 N° Lexbase : A5919AYU).
(7) CJCE, 17 septembre 2002, aff. C-513/99 (N° Lexbase : A3655AZE) : à propos de l'utilisation d'autobus faiblement polluants.
(8) CJCE, 4 décembre 2003, aff. C-448/01 (N° Lexbase : A3433DAE).
(9) CJUE, 10 mai 2012, aff. C-368/10 (N° Lexbase : A9037IKW).
(10) Achatpublic.info, 12 avril 2013.
(11) CE 2° et 7° s-s-r., 23 novembre 2011, n° 351570, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9965HZ4).
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newsid:437095
Réf. : CAA Marseille, 6ème ch., 8 avril 2013, n° 10MA04246, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0599KDK)
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N7128BT8
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Le 28 Mai 2013
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newsid:437128
Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 7 mai 2013, n° 364833, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1555KDX)
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N7087BTN
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : CE 7° s-s., 15 mai 2013, n° 360101, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5404KDI)
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N7129BT9
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Le 28 Mai 2013
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Réf. : Décret n° 2013-409 du 17 mai 2013, relatif à la représentation des parties en première instance devant la cour administrative d'appel (N° Lexbase : L7969IW3)
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N7130BTA
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Le 29 Mai 2013
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N7119BTT
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Le 23 Mai 2013
- CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 357031 (N° Lexbase : A5394KD7) : lorsque la transmission de l'acte d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public relevant des dispositions des articles L. 2131-1 (N° Lexbase : L2000GUM), L. 2131-6 (N° Lexbase : L8661AAZ) et L. 2131-12 (N° Lexbase : L8667AAA) du Code général des collectivités territoriales au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le préfet à même d'en apprécier la portée et la légalité, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'exécutif de la collectivité ou de l'établissement public dont l'acte est en cause, dans le délai de deux mois suivant sa réception, de compléter cette transmission. Dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer l'acte au tribunal administratif court à compter soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'exécutif refuse de compléter la transmission initiale.
- CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 344716 (N° Lexbase : A5337KDZ) : si l'intéressé, condamné pour avoir soumis plusieurs étrangers en situation irrégulière à une activité de confection dans un sous-sol, installé en France depuis 1995 et en situation régulière depuis 2003, y vit avec son épouse et ses deux fils, nés en 1990 et 1999, tous deux scolarisés, et y exploite un fonds de commerce de restauration depuis 2007, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent ses parents et sa soeur. Ainsi, eu égard à la gravité de son comportement, la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégée par l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR).
- CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 353010 (N° Lexbase : A5384KDR) : lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision d'autorisation d'exploiter une ICPE, le juge de pleine juridiction des installations classées, il lui appartient de prendre en compte l'ensemble des éléments de l'espèce, et, notamment la possibilité, reconnue à l'administration par l'article L. 514-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L3392IED), d'autoriser elle-même, dans un tel cas de figure, la poursuite de l'exploitation jusqu'à ce qu'il soit statué à nouveau sur la demande d'autorisation.
- CE 3° et 8° s-s-r., 17 mai 2013, n° 355524 (N° Lexbase : A5387KDU) : à l'inverse de ce qu'ont estimé les juges d'appel (CAA Lyon, 3ème ch., 4 novembre 2011, n° 10LY02866 N° Lexbase : A4474H89), la demande de reclassement présentée par un agent contractuel de droit public reconnu médicalement inapte, de manière définitive, à occuper son emploi n'a pas à préciser la nature des emplois sur lesquels il sollicite son reclassement (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E9196EPB).
- CE 3° et 8° s-s-r., 17 mai 2013, n° 356489 (N° Lexbase : A5391KDZ) : les personnes recrutées sur des emplois vacants des corps de catégorie C par un contrat de droit public dénommé "parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat" ("PACTE"), qui ont la qualité d'agent de l'Etat lorsqu'elles sont recrutées sur des emplois de l'Etat, ont vocation à être titularisées dans le corps correspondant à l'emploi occupé. Il appartient, dès lors, à l'autorité administrative de vérifier qu'elles remplissent les conditions requises pour cette titularisation, et en particulier la condition fixée par les dispositions de l'article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (N° Lexbase : L6938AG3) (absence de condamnation pénale incompatible avec l'exercice des fonctions), sans attendre le moment de leur titularisation (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E0227EQH).
- CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 361823 (N° Lexbase : A5407KDM) : l'irrecevabilité d'une requête non motivée, qui ne l'a pas été avant l'expiration du délai de recours et qui, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 411-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3005ALU), n'est plus régularisable, ne peut être couverte par la production tardive d'un mémoire motivé après l'expiration de ce délai à l'avocat du requérant qui a annoncé un mémoire complémentaire dans sa requête (voir, dans le même sens, CE 3° et 8° s-s-r., 26 mars 2012, n° 340466, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0186IHD).
- CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 340554 (N° Lexbase : A5332KDT) : les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient le juge administratif pour l'application et l'interprétation de cette disposition. Il appartient à celui-ci d'en faire application, le cas échéant, d'office (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E4999EXG).
- CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 354593 (N° Lexbase : A5386KDT) : le requérant a invoqué devant le tribunal administratif, pour obtenir le remboursement des frais exposés pour la réfection d'un mur qu'un précédent jugement devenu définitif avait regardé non comme un ouvrage public, mais comme sa propriété, la responsabilité de la commune pour dommages de travaux publics. La cour administrative d'appel (CAA Marseille, 2ème ch., 3 octobre 2011, n° 09MA01186 N° Lexbase : A6653HY3) a communiqué aux parties, en application de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3102ALH), le moyen relevé d'office tiré de ce que, le mur appartenant au domaine public communal, l'indemnisation des sommes exposées pour sa réparation ne pouvait être assurée sur le terrain de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Dans ces conditions, le requérant, bien que n'ayant invoqué initialement que la responsabilité pour dommages de travaux publics, est recevable à se prévaloir devant la cour de l'enrichissement sans cause que l'exécution des travaux de réfection du mur avait procuré à la commune.
- CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 352308 (N° Lexbase : A5378KDK) : la production du certificat de dépôt de la lettre recommandée suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification d'une copie du recours contentieux prescrite à l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7749HZZ) lorsqu'il n'est pas soutenu devant le juge qu'elle aurait eu un contenu insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3824EXW).
- CE 9° et 10° s-s-r., 17 mai 2013, n° 337120 (N° Lexbase : A5329KDQ) : il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 332-6 (N° Lexbase : L1513IPQ) et de l'article L. 332-15 (N° Lexbase : L2315IEH) du Code de l'urbanisme que, seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation de lotir le coût des équipements propres à son lotissement. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs lotissements et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le lotisseur.
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par Mathieu Disant, Maître de conférences à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I) et membre du Centre de recherche en droit constitutionnel (CRDC)
Le 23 Mai 2013
Plus retentissante est la décision portant sur l'article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative à l'organisation des cultes en Alsace-Moselle (Cons. const., décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 N° Lexbase : A2772I88). Cet article prévoit la prise en charge par l'Etat du traitement des pasteurs des églises consistoriales. Au fond, le Conseil constitutionnel devait trancher la question de savoir si le principe constitutionnel de laïcité garanti par l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4) comportait non seulement la liberté de conscience, la neutralité de l'Etat, l'égalité de traitement entre les cultes, mais aussi la règle de non-subventionnement de l'exercice des cultes et le principe de non-reconnaissance des cultes ; étant entendu qu'il fallait déterminer si ce dernier fait, ou non, interdiction à l'Etat de financer l'exercice du culte et si le principe de non-reconnaissance interdit aux pouvoirs publics d'accorder un statut ou un soutien public à des cultes déterminés.
I - Champ d'application
A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC
1 - Notion de "disposition législative"
Une QPC ne peut être régulièrement dirigée que contre une "disposition législative", ce qui exclut la contestation de dispositions de nature réglementaire (à propos de dispositions sur l'aide juridique, voir Cass. QPC, 12 mars 2013, n° 12-90.073, F-D N° Lexbase : A5013KAW), ce qui est valable pour les dispositions d'une ordonnance n'ayant pas fait l'objet de ratification législative (à propos de dispositions du Code du sport, voir Cass. QPC, 8 janvier 2013, n° 12-86.537, F-D N° Lexbase : A5074I3C). A cet égard, avec une certaine rigueur, la Cour de cassation refuse de renvoyer une QPC qui "ne tend, sous le couvert d'une critique d'une disposition législative [...] qu'à contester la conformité à la Constitution des dispositions, de nature réglementaire" (Cass. QPC, 21 janvier 2013, n° 12-19.870, FS-P+B N° Lexbase : A9102I3I, Cass. QPC, 14 février 2013, n° 12-23.968, F-D N° Lexbase : A1549I8U). Cette position génère un angle mort du contentieux.
2 - Statut de l'interprétation/de l'application de la loi
Tout justiciable a le droit de contester via une QPC la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative. La contestation doit concerner la portée que donne à une disposition législative précise l'interprétation qu'en fait la juridiction suprême de l'un ou l'autre ordre. Une QPC dirigée contre "la jurisprudence de la Cour de cassation édictée dans [un] arrêt" ne vise aucune disposition législative et, aux yeux de la Cour de cassation, se borne à contester une règle jurisprudentielle sans préciser le texte législatif dont la portée serait, en application de cette règle, de nature à porter atteinte à la Constitution (Cass. QPC, 27 février 2013, n° 12-40.100, F-D N° Lexbase : A9974I8W).
Encore faut-il, également, que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente. La détermination de l'existence d'une jurisprudence constante est sous la main de la juridiction suprême, et la Cour de cassation y porte un contrôle particulièrement restrictif. La Chambre commerciale juge "sans objet" une QPC dirigée contre l'article L. 643-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L3945HBQ) et la jurisprudence établie au visa de cet article, au motif qu'il n'existe pas, en l'état, d'interprétation jurisprudentielle constante autorisant, sur le fondement de la disposition législative critiquée, la contestation d'opérations réalisées par le débiteur entre la clôture de sa liquidation judiciaire et la reprise de celle-ci (Cass. QPC, 29 janvier 2013, n° 12-40.089, F-D N° Lexbase : A6871I4A). La première chambre civile juge de même s'agissant de l'article 267-1 ancien du Code civil (N° Lexbase : L2836DZ3), compris comme permettant d'opposer une forclusion à la partie qui formule une demande devant le juge, sans que cette demande ait été soumise préalablement au notaire ainsi compris : "il n'existe pas, en l'état, d'interprétation jurisprudentielle constante des dispositions législatives contestées conduisant à opposer une forclusion à la partie qui formule une demande devant le juge, sans que cette demande ait été soumise préalablement au notaire" (Cass. QPC, 13 février 2013, n° 12-19.354, F-D N° Lexbase : A1551I8X).
Plus contestable et bien fragile est la solution rejetant une QPC au motif qu'elle "ne critique pas une interprétation jurisprudentielle constante, par la Cour de cassation, du texte visé, mais une méthode d'évaluation des biens expropriés que les juges du fond peuvent souverainement retenir" (Cass. QPC, 14 mars 2013, n° 12-24.995, FS-D N° Lexbase : A5012KAU). Etait ici contestée, au regard du droit de propriété, l'interprétation jurisprudentielle de l'article L. 13-13 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2935HLB) pour ce qui concerne les modalités d'évaluation de l'indemnité d'expropriation : d'une part, la jurisprudence évalue de manière constante les biens de rapport expropriés en appliquant la méthode de la comparaison et, d'autre part, les juridictions appliquent de manière constante un abattement forfaitaire (généralement de 40 %) sur la valeur des biens de rapport lorsqu'ils sont occupés, sans aucune relation avec la valeur vénale du bien qui n'a de valeur que s'il est occupé et sans aucun rapport avec les indemnités d'éviction allouées aux occupants. Sans entrer ici sur le fond, on discerne clairement que la question de la compensation intégrale est pourtant indissociable de ces interprétations.
3 - Disposition n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution
Une QPC qui tend aux mêmes fins que la question sur laquelle le Conseil constitutionnel a statué doit être rejetée (voir CAA Paris, 4ème ch., 12 février 2013, n° 10PA00941 N° Lexbase : A3007KBY, à rapprocher de Cons. const., décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011 N° Lexbase : A5588HUI). Il en est de même, selon un principe désormais bien acquis, pour une QPC dirigée contre une disposition législative déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une précédente décision QPC (voir CE 1° et 6° s-s-r., 20 février 2013, n° 345728, mentionné aux tables du recueil Lebon [LXB=A2739I8X) ]).
A propos de la disposition de l'ordonnance organique ne permettant pas que soit posée une QPC devant la cour d'assises, la Cour de cassation juge que "la nature organique de cette loi implique que sa conformité à la Constitution ait été préalablement vérifiée par le Conseil constitutionnel" (Cass. crim., 9 janvier 2013, n° 12-81.626, F-P+B+R N° Lexbase : A0796I3U). Cette solution est valable également devant le Conseil d'Etat.
Sans relever strictement de la condition du "déjà jugé", une précédente décision QPC peut en elle-même priver de sérieux une nouvelle question. Ainsi, la portée de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée avec effet immédiat par la décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 (N° Lexbase : A1688GRX) s'étend à celles de ces dispositions qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance allouée aux anciens membres des forces supplétives ayant servi en Algérie. Une QPC à l'encontre de ces dispositions est donc dépourvue d'objet : le refus d'accorder le bénéfice de l'allocation au motif que l'intéressé relevait du statut civil de droit commun est dépourvu de base légale (CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 345648, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8540KAK).
La question de la prise en compte des changements de circonstances qui peut justifier le réexamen d'une disposition déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel est d'application souvent délicate. Elle connaît quelques précisions.
Le juge est amené à apprécier si un changement de circonstances de droit se caractérise au regard de la portée de modifications affectant le dispositif législatif examiné. Ainsi, le Conseil d'Etat a jugé que tel n'est pas le cas avec l'ajout par le législateur de nouveaux éléments devant être pris en compte pour la création d'une zone de développement de l'éolien : la portée des dispositions relatives à la création de telles zones déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005 (N° Lexbase : A1637DKT) ne se trouve pas affectée (CE 6° s-s., 30 janvier 2013, n° 363673, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4400I4Q).
La Cour de cassation reconnaît clairement que l'intervention d'une nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel peut constituer un changement de circonstances. Mais l'opération fait l'objet d'une interprétation stricte et semble exclue dès lors que les textes en cause sont rédigés de manière différente. C'est ainsi que la Chambre sociale vérifie que les vices relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (N° Lexbase : A5658IKR) (à propos du harcèlement sexuel) n'affectent pas les dispositions du Code du travail (à propos du harcèlement moral) déclarées conformes à la Constitution dans la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 (N° Lexbase : A7587AXB) (Cass. soc., 1er mars 2013, n° 12-40.103, FS-P+B N° Lexbase : A9983I8A). Cette solution fait écho à une série d'arrêts rendus par la Chambre criminelle relevés dans notre précédente chronique (1).
4 - Applicabilité d'une disposition législative au litige
Une disposition législative n'est pas applicable au litige au sens de l'article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : L0276AI3), si elle est sans influence sur la validité des dispositions réglementaires contestées. Si l'agression sexuelle fait partie des infractions pour lesquelles une inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) est prévue en cas de condamnation, l'éventuelle inconstitutionnalité de ce délit est jugé par le Conseil d'Etat sans influence sur les modalités d'inscription et de tenue de ce fichier, dans lequel sont, également, enregistrés les auteurs d'infractions autres que l'agression sexuelle (CE 1° et 6° s-s-r., 11 janvier 2013, n° 363463, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0872I3P). On peut, toutefois, se demander si cette solution ne méconnait pas, dans son principe, la possibilité dont dispose le Conseil constitutionnel de faire remonter les effets de sa décision jusqu'à la remise en cause de ce type de mention ou d'inscription (1).
Conformément au caractère abstrait du contrôle QPC, le Conseil d'Etat rappelle de façon constante que les conditions matérielles de mise en oeuvre de la disposition législative en litige ne peuvent utilement être invoquées pour contester sa constitutionnalité (CE 6° s-s., 30 janvier 2013, n° 363670, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4399I4P).
Quoi qu'en principe les deux opérations soient distinctes, l'appréciation de l'applicabilité de la disposition contestée n'est pas toujours déconnectée des moyens invoqués. Ces derniers permettent au juge de cibler le point d'article contesté, lequel peut ne pas être applicable au litige et emporter l'inapplicabilité des dispositions législatives dans leur ensemble (CE 9° et 10° s-s-r., 23 janvier 2013, n° 358751, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9096I3B).
Dans une affaire remarquable, le Conseil d'Etat a jugé que la décision du ministre chargé de l'Energie qui met en oeuvre les décisions du groupe de travail franco-allemand relatives au transport en Allemagne des déchets nucléaires traités en France a pour fondement l'accord franco-allemand et non les dispositions l'article L. 542-2-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L9624INR). En conséquence, ces dispositions législatives, bien qu'elles précisent les conditions dans lesquelles des combustibles usés ou des déchets radioactifs peuvent être introduits sur le territoire national, ne peuvent être regardées comme applicables au litige (CE 1° et 6° s-s-r., 8 mars 2013, n° 364462, inédits au recueil Lebon N° Lexbase : A3230I9I).
B - Normes constitutionnelles invocables
Dans sa décision n° 2012-288 QPC du 17 janvier 2013 (N° Lexbase : A2951I3P), le Conseil constitutionnel se penche précisément sur la conformité à la Constitution, et en particulier au droit à un recours juridictionnel effectif, des restrictions légales au droit d'agir en nullité d'un acte juridique. Il contrôle, notamment, les objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur et examine la portée des limitations et restrictions apportées par la loi, celles-ci devant être proportionnées à l'objectif poursuivi.
Pour la première fois, le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur le principe de laïcité dans le cadre de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ) et sur une disposition du droit cultuel alsacien-mosellan. Alors que la question a pu être débattue en doctrine, le Conseil a jugé que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit (n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 N° Lexbase : A2772I88). On notera qu'à l'occasion de cette importante décision, le Conseil constitutionnel ne livre pas de définition limitative du principe constitutionnel de laïcité, mais énumère des règles essentielles qu'il impose et qui peuvent se concilier entre elles.
Par sa décision n° 2012-289 QPC du 17 janvier 2013 (N° Lexbase : A2952I3Q), le Conseil constitutionnel a utilement précisé sa jurisprudence relative au principe de non-cumul des poursuites, en jugeant que "le principe de la nécessité des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire ou administrative en application de corps de règles distincts devant leurs propres ordres de juridictions".
II - Procédure devant les juridictions ordinaires
A - Instruction de la question devant les juridictions ordinaires et suprêmes
1 - Introduction de la requête
Lorsque le Bâtonnier de l'Ordre des avocats agit dans le cadre d'une mission d'auxiliaire de justice chargée de la protection des droits de la défense, comme c'est le cas lorsqu'il exerce les prérogatives qui lui sont données à l'occasion d'une perquisition dans un cabinet d'avocat, il n'est pas une partie et ne peut donc soulever un moyen d'inconstitutionnalité du texte appliqué (Cass. QPC, 8 janvier 2013, n° 12-90.063, F-D N° Lexbase : A5069I37).
De façon constante, un intervenant justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien des conclusions présentées par une des parties au litige est susceptible d'intervenir au soutien d'une QPC soulevée par cette partie. Toutefois, il est jugé qu'un intervenant n'est pas recevable, eu égard aux conséquences susceptibles d'en résulter quant au règlement du litige tel que déterminé par les conclusions des parties, à soulever de sa propre initiative une QPC qui n'aurait pas été invoquée par l'une des parties (CE 2° et 7° s-s-r., 22 février 2013, n° 356245, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5336I87). Cette solution ne remet pas en cause la faculté pour un intervenant justifiant, en l'état du dossier, d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien des conclusions présentées par une des parties au litige, d'intervenir au soutien d'une QPC soulevée par cette partie (CE 9° et 10° s-s-r., 26 janvier 2012, n° 353067, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4271IBS). Elle n'interdit pas non plus à une partie de se réapproprier, par mémoire distinct et motivé, une QPC qui aurait été initialement soulevée par un intervenant (CE 1° et 6° s-s-r., 14 avril 2010, n° 328937, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2624EZ9).
Le président de la Section du contentieux et les présidents de sous-section peuvent, lorsqu'ils sont saisis d'une requête manifestement irrecevable au sens du 4° de l'article R. 122-12 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5968IG7), juger par ordonnance prise sur le fondement de cet article qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel, au motif qu'elle n'est ni nouvelle ni sérieuse, une QPC portant sur la disposition législative dont résulte l'irrecevabilité manifeste de la requête (CE, 27 février 2013, n° 366323, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4425KDA).
2 - Présentation de la requête
Pour illustrer la rigueur de l'exigence du mémoire distinct et motivé que requiert la QPC, on mentionnera une série d'arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 3ème ch., 7 février 2013, n° 12LY01919 N° Lexbase : A6093KDZ, n° 12LY01937 N° Lexbase : A6094KD3, n° 12LY01938 N° Lexbase : A6095KD4, n° 12LY01939 N° Lexbase : A6096KD7).
Ne peut constituer une QPC susceptible d'être examinée comme telle par le juge du renvoi un mémoire qui, soulevant une série de questions étrangères à la Constitution et sans formulation directe avec d'éventuelles difficultés constitutionnelles, est rédigé de telle façon qu'il s'apparente à demande en interprétation de la loi (Cass. QPC, 19 février 2013, n° 13-80.336, F-D N° Lexbase : A9980I87).
3 - Modalités d'examen de la question
On rappellera que les juridictions suprêmes, dans le cadre du second filtre, se prononcent sur le renvoi de la QPC telle qu'elle a été soulevée dans les mémoires distincts produits devant la juridiction qui l'a transmise. Les moyens soulevés pour la première fois sont jugés irrecevables, comme a fortiori ceux qui auraient été écartés par la juridiction de transmission (Cass. QPC, 20 mars 2013, FS-P+B, n° 12-40.104 N° Lexbase : A9043KA8 et 12-40.105 N° Lexbase : A9046KAB). En effet, le juge s'estime saisi dans la limite des dispositions dont la question de la conformité à la Constitution a fait l'objet de la transmission (CE 6° s-s., 6 février 2013, n° 363955, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4659I7P). Les requérants sont, eux aussi, liés par la question transmise. Ainsi, la Cour de cassation précise que les requérants ne peuvent modifier par voie de mémoire la question transmise (Cass. QPC, 22 janvier 2013, n° 12-90.065, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9110I3S).
On relèvera que, saisi d'une QPC portant sur la base légale de la décision dont la suspension est demandée au titre de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), le juge du référé suspension ne procède à son examen qu'après avoir réglé la question de l'urgence (solution implicite, voir CE 4° et 5° s-s-r., 27 février 2013, n° 364751, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6777I8I). La question de l'urgence n'est pas "plus" prioritaire, elle est plutôt préalable.
4 - Portée de la décision relative à la transmission et au renvoi de la question
Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel estime qu'une requête est privée d'objet et prononce un non-lieu à statuer, la QPC à l'appui de cette requête n'a pas à être transmise. Ainsi juge le Conseil d'Etat en application des articles R. 222-1 (N° Lexbase : L2818HWB) et R. 771-8 (N° Lexbase : L5756IGB) du Code de justice administrative, tout en écartant le grief tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) développé à leur encontre (CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2013, n° 362163, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3274I7E).
B - Le filtre du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation
L'appréciation du caractère sérieux de la question donne lieu à une jurisprudence trop volumineuse pour pouvoir être rapportée intégralement dans cette chronique. On soulignera deux difficultés transversales.
D'une part, l'appréciation du caractère sérieux par les juridictions du premier filtre s'avère parfois problématique. Il existe une tentation de confondre les deux niveaux de filtrage, au risque de ruiner "l'entonnoir du filtre" (2), comme l'illustre un jugement du tribunal de grande instance de Nice dans lequel le juge recherche un "motif sérieux de déclarer fondée la demande de QPC", là où devrait présider une approche purement négative tendant à vérifier si "la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux" en application de l'article 23-2 de l'ordonnance organique. Au cas d'espèce, le tribunal de grande instance estime que l'article L. 611-1-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L8928IU9), qui crée une procédure de retenue d'un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français, ne constitue pas une entrave à l'exercice des droits de la défense, ces dispositions ayant pour objectif de rechercher des éléments sur une situation administrative et non de recueillir d'éventuels éléments concernant la commission d'une infraction. La QPC est donc clairement jugée comme dépourvue de caractère sérieux (TGI de Nice, 1er mars 2013, n° 79/2013).
D'autre part, l'appréciation du caractère sérieux par les cours suprêmes montre la tendance du juge du renvoi à se prononcer sur le fond de la constitutionnalité des dispositions contestées, en particulier lorsqu'est en cause le principe d'égalité (not., Cass. QPC, 9 janvier 2013, n° 12-86.753, F-D N° Lexbase : A9106I3N, Cass. QPC, 14 février 2013, n° 12-40.097, F-D N° Lexbase : A1552I8Y, Cass. QPC, 28 février 2013, n° 12-23.706, F-D N° Lexbase : A9978I83, CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 363928, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5392I89, CE 1° et 6° s-s-r., 1er mars 2013, n° 364366, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9326I8W). De façon générale, cette immixtion s'observe lorsque le juge estime qu'il y a atteinte à un principe constitutionnel, tout en estimant que cette atteinte est justifiée (not., Cass. QPC, 8 janvier 2013, n° 12-86.591, F-D N° Lexbase : A5070I38, Cass. QPC, 12 février 2013, n° 12-90.072, F-D N° Lexbase : A4388I8Z) ou non disproportionnée. L'appréciation de la proportionnalité de l'atteinte conduit à des jurisprudences très intrusives dans l'office du Conseil constitutionnel (voir, Cass. QPC, 15 janvier 2013, n° 12-40.086, F-D N° Lexbase : A5072I3A, Cass. QPC, 5 février 2013, n° 12-90.069, F-D N° Lexbase : A1548I8T, Cass. QPC, 20 février 2013, n° 12-85.116 N° Lexbase : A9981I88, Cass. QPC, 6 février 2013, n° 12-90.071 N° Lexbase : A4389I83, Cass. QPC, 20 février 2013, n° 12-40.095, FS-P+B N° Lexbase : A4387I8Y), au point que la jurisprudence se trouve parfois auto-interprétée comme garantissant la proportionnalité de l'atteinte (Cass. QPC, 10 janvier 2013, n° 12-40.084, FS-P+B N° Lexbase : A0926I3P, Cass. QPC, 13 février 2013, n° 12-40.096, FS-P+B N° Lexbase : A1556I87). De même, le juge de renvoi s'estime abusivement compétent pour convoquer des principes constitutionnels dont l'existence ou le contenu n'est pas authentiquement affirmée (ainsi, à propos de "la protection renforcée de l'enfance", Cass. QPC, 22 janvier 2013, n° 12-90.065, F-P+B N° Lexbase : A9110I3S). Cette dernière affaire est d'autant plus critiquable au fond que la Cour y juge proportionnée à l'objectif, certes louable, de protection de l'enfance, une interdiction totale de l'implantation de commerces.
Sur le fond, on peut relever la réticence de la Cour de cassation à renvoyer des questions portant sur des aspects de procédure pénale (voir, s'agissant de la composition de la commission de l'application des peines réunie en milieu carcéral, Cass. QPC, 9 janvier 2013, n° 12-86.832, F-D N° Lexbase : A6596I7G, des dispositions qui confèrent au procureur de la république le pouvoir discrétionnaire de choisir le mode de poursuites, Cass. QPC, 6 mars 2013, n° 12-90.078, F-D N° Lexbase : A3243I9Y, des recours contre les arrêts incidents des cours d'assises, Cass. QPC, 6 mars 2013, n° 12-88.152, F-D N° Lexbase : A6011KAU ou de la notification du droit au recours contre les ordonnances, Cass. QPC, 19 mars 2013, n° 12-84.957, F-D N° Lexbase : A9041KA4). On notera la même réticence concernant les griefs mettant en cause la clarté ou l'imprécision de la loi ou de notions qu'elle emploie, et le risque d'arbitraire que pourrait alors susciter le pouvoir d'appréciation ou d'interprétation du juge. La Chambre criminelle absorbe systématiquement la difficulté dans "l'office du juge pénal" (Cass. QPC, 9 janvier 2013, n° 12-82.627, F-D N° Lexbase : A0927I3Q, Cass. QPC, 29 janvier 2013, n° 12-90.070, F-D N° Lexbase : A6594I7D, Cass. QPC, 30 janvier 2013, n° 12-90.066, F-D N° Lexbase : A6869I48, Cass. QPC, 20 février 2013, n° 12-90.074, F-D N° Lexbase : A9977I8Z, Cass. QPC, 27 mars 2013, n° 12-84.784, F-D N° Lexbase : A3965KBH, Cass. QPC, 27 mars 2013, n° 12-85.115, F-P+B N° Lexbase : A3974KBS, et n° 12-84.189, F-D N° Lexbase : A3972KBQ, à rapprocher de Cass. QPC, 19 mars 2013, n° 12-82.163, F-D N° Lexbase : A3967KBK, Cass. QPC, 19 mars 2013, n° 12-85.617, F-D N° Lexbase : A3970KBN, Cass. QPC, 19 mars 2013, n° 12-90.077, F-D N° Lexbase : A9036KAW).
On ne souligne sans doute pas assez que les décisions relatives à l'appréciation du renvoi par les juridictions suprêmes apportent parfois de précieuses précisions quant à l'interprétation de la loi, en particulier pour déterminer si le dispositif en cause relève du champ d'application du principe constitutionnel invoqué. Ainsi, en refusant de renvoyer une QPC fondée sur les principes constitutionnels régissant la matière répressive, on apprend que la décision de refuser, de suspendre ou de retirer un permis de visite ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition, mais une mesure de police administrative tendant à assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité au sein de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions (CE 1° et 6° s-s-r., 20 février 2013, n° 364081, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5342I8D).
III - Procédure devant le Conseil constitutionnel
A - Organisation de la contradiction
1 - Interventions devant le Conseil constitutionnel
Les observations en intervention des tiers à l'occasion d'une QPC transmise au Conseil constitutionnel sont de plus en plus courantes, ce qui témoigne du caractère abstrait et d'intérêt collectif de l'examen que le Conseil opère et, dans le même temps, suscite. On peut ainsi relever que le Conseil constitutionnel a admis les interventions volontaires de trois sociétés dans la suite des questions relatives à la rémunération pour copie privée (Cons. const., décision n° 2012-287 QPC du 15 janvier 2013 N° Lexbase : A1221I3M), de sociétés de tabac et d'allumettes (Cons. const., décision n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013 N° Lexbase : A8253I33), ou encore de l'UNEDIC (Cons. const., décision n° 2013-299 QPC du 28 mars 2013 N° Lexbase : A0763KBU). On mentionnera tout particulièrement, compte tenu de leur ampleur, quatre séries d'observations en intervention (dont celles de l'association République sans Concordat, de l'Institut du droit local alsacien-mosellan, de présidents de consistoires, et de l'archevêque de Strasbourg...) dans l'affaire relative au traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements d'Alsace-Moselle (Cons. const., décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 N° Lexbase : A2772I88).
En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé que l'association "Confédération française du commerce et de gros interentreprises et du commerce international" (CGI), qui a déposé une intervention dans l'affaire n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 (N° Lexbase : A0762KBT), n'a pas justifié d'un "intérêt spécial" à présenter des observations conformément à l'article 6 du règlement du 4 février 2010. Son intervention n'a, dès lors, pas été admise. Ce refus d'admission, après avoir été précisé dès le premier considérant de la décision, est mentionné expressément dans son dispositif. Il semble, toutefois, postérieur à la clôture de l'instruction car l'intervenant a présenté des observations orales lors de l'audience publique (ce qui n'est pourtant pas possible sans y avoir été dûment autorisé...).
2 - Procédure orale
Dans l'affaire n° 2012-293/294/295/296 QPC du 8 février 2013 (N° Lexbase : A5794I7Q), le greffe du Conseil constitutionnel a notifié la décision n° 2012-287 QPC du 15 janvier 2013 (N° Lexbase : A1221I3M) aux requérants, les informant de ce qu'à la suite de cette décision, compte tenu de l'identité de disposition contestée, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler ces affaires à une audience publique. Le requérant ne s'y est pas opposé, comme il aurait pu le faire, sans grand intérêt toutefois, d'autant plus que la disposition en cause a été censurée par le Conseil constitutionnel. La procédure est ainsi parvenue à son terme sans audience publique.
3 - Composition du Conseil constitutionnel
On retiendra que l'audience publique du 19 mars 2013 (Cons. const., décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 N° Lexbase : A0762KBT) s'est déroulée en présence des nouveaux membres du Conseil constitutionnel : Mme Claire Bazy Malaurie (déjà membre depuis trois ans), Nicole Belloubet, Nicole Maestracci, nommées en février respectivement par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, et le Président de la République.
B - Effets dans le temps des décisions du Conseil constitutionnel
Le bénéfice de l'abrogation prononcée par le Conseil constitutionnel peut se trouver circonscrite afin de tenir compte de modifications rétroactives introduites par la loi (3). Cette solution trouve une illustration inédite dans l'affaire n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013.
(1) Cons. const., décisions n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011 (N° Lexbase : A7447HX4) (la mention selon laquelle le crime ou le délit présente un caractère "incestueux" ne peut plus figurer au casier judiciaire et doit ainsi être retirée), n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012 (N° Lexbase : A4116IB3), (tous les condamnés ayant été radiés sur les listes électorales peuvent demander leur réinscription sur ces listes), à rapprocher déjà de Cons. const., décisions n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010 (N° Lexbase : A8020EYP) et n° 2011-222 QPC du 17 février 2012 (N° Lexbase : A5831ICX).
(2) Notre ouvrage, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, n° 151 et s. et n° 307 et s..
(3) Sur le sujet dans son ensemble, voir nos obs., Les effets dans le temps des décisions QPC. Le Conseil constitutionnel, 'maître du temps' ? Le législateur, bouche du Conseil constitutionnel ?, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2013, n° 40.
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