Jurisprudence : CE 2/7 SSR., 15-05-2013, n° 364593, publié au recueil Lebon

CE 2/7 SSR., 15-05-2013, n° 364593, publié au recueil Lebon

A3193KDM

Référence

CE 2/7 SSR., 15-05-2013, n° 364593, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8210110-ce-27-ssr-15052013-n-364593-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

Un contrat de mobilier urbain est une convention d'occupation du domaine public et ne présente pas le caractère d'un marché public, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 15 mai 2013 (CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 364593, publié au recueil Lebon).



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


364593


VILLE DE PARIS


M. Frédéric Dieu, Rapporteur

M. Bertrand Dacosta, Rapporteur public


Séance du 24 avril 2013


Lecture du 15 mai 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi, enregistré le 17 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la Ville de Paris, représentée par son maire ; la Ville de Paris demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA03922 du 17 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement n° 0516044/6-1 du 24 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé la délibération du conseil de Paris du 26 septembre 2005 autorisant son maire à signer avec la société JC Decaux une convention ayant pour objet l'installation et l'exploitation de colonnes et de mâts porte-affiches et lui a enjoint de procéder à la résiliation de la convention signée le 18 octobre 2005 avec la société JC Decaux, au plus tard à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la notification de l'arrêt ;


2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;


3°) de mettre à la charge de la société CBS Outdoor le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le remboursement de la contribution juridique au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 avril 2013, présentée pour la société CBS Outdoor ;


Vu le code de l'environnement ;


Vu le code général des collectivités territoriales ;


Vu le code des marchés publics ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,


- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la Ville de Paris, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société CBS Outdoor et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société JC Decaux ;






1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 26 septembre 2005, le conseil de Paris a autorisé le maire de Paris à signer avec la société JC Decaux une convention ayant pour objet l'installation et l'exploitation, sur le domaine public de la Ville, de 550 colonnes et 700 mâts porte-affiches ; que cette convention a été signée le 18 octobre 2005 ; que, saisi par la société CBS Outdoor, anciennement dénommée Giraudy Viacom Outdoor, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 24 avril 2009, annulé la délibération du 26 septembre 2005 au motif que la conclusion de la convention litigieuse, qui devait être regardée non comme une convention d'occupation du domaine public mais comme une convention de délégation de service public, n'avait pas été précédée de la procédure de publicité et de mise en concurrence prévue par les dispositions L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir écarté la qualification de délégation de service public et retenu celle de marché public, a rejeté l'appel de la Ville de Paris tendant à l'annulation de ce jugement et lui a enjoint de procéder à la résiliation du contrat dans un délai de huit mois à compter de la notification de l'arrêt ;


Sur l'intervention de la société Jean-Claude Decaux :


2. Considérant que la société JC Decaux a intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;


Sur le pourvoi :


3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. " ; qu'il résulte de l'article 2 du même code que les dispositions de celui-ci sont applicables aux marchés conclus par les collectivités territoriales ;


4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que la convention signée le 18 octobre 2005 entre la Ville de Paris et la société JC Decaux stipule à son article 4 : " (.) La Ville de Paris détermine en concertation avec le cocontractant les emplacements des colonnes et des mâts porte-affiches afin d'assurer une répartition homogène des différentes installations de l'ensemble des mobiliers urbains. (.) Les emplacements ne peuvent être modifiés et retenus qu'après accord exprès de la Ville de Paris pour chacun d'eux. (.) " ; que selon l'article 10 de la même convention : " Le cocontractant affecte à l'affichage des théâtres et des cirques les supports suivants, aux conditions telles que précisées ci-après: / - 150 colonnes historiques à la colle, à plus ou moins 10 %, devront être destinées exclusivement à l'affichage des théâtres à des conditions tarifaires préférentielles. / - 100 colonnes lumineuses, historiques ou modernes, à plus ou moins 10 %, devront être destinées exclusivement à de l'affichage pour les théâtres et les cirques. Le cocontractant appliquera des tarifs préférentiels pour ces annonceurs. / Le total des colonnes destinées aux catégories particulières d'annonceurs ne peut excéder 250 unités. / Le cocontractant accorde un tarif privilégié sur 65 mâts porte-affiches et sur 160 colonnes lumineuses pour les films " d'art et essai " " ; qu'en outre, selon l'article 22 de la convention : " La Ville de Paris aura le droit de faire effectuer par ses agents toutes les vérifications, au besoin sur site, qu'elle jugera utiles pour s'assurer que les clauses du contrat seront régulièrement observées et que ses intérêts seront sauvegardés. (.) Le compte-rendu annuel (.) comportera un volet financier et un volet d'activité. (.) Le volet d'activité présente une analyse de la qualité de l'exploitation des édicules. Il comprend toutes les justifications relatives à l'affichage réservé, prévu à l'article 10 (notamment les conditions tarifaires mises en œuvre) et tous éléments relatifs au fonctionnement de la convention (.) " ; qu'enfin, l'article 23 de cette convention stipule : " [d]es sanctions (.) pourront être prononcées par la Ville de Paris en cas de : (.) irrespect des dispositions relatives à l'affichage réservé (.) " ;


5. Considérant que la convention litigieuse prévoit ainsi l'affectation d'une partie de ces mobiliers à l'affichage de programmes de théâtres, cirques et films d'art et d'essai à des tarifs préférentiels, dans le respect des prescriptions des articles 22 et 23 du décret du 21 novembre 1980 fixant la procédure d'institution des zones de réglementation spéciale prévues aux articles 6 et 9 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, aujourd'hui codifiées aux articles R. 581-45 et 46 du code de l'environnement, et disposant respectivement que les colonnes porte-affiches sont exclusivement destinées à recevoir l'annonce de spectacles ou de manifestations culturelles et que les mâts porte-affiches sont exclusivement utilisables pour l'annonce de manifestations économiques, sociales, culturelles ou sportives ; que si cette affectation culturelle des mobiliers, résultant des obligations légales précitées, répond à un intérêt général s'attachant pour la Ville, gestionnaire du domaine, à la promotion des activités culturelles sur son territoire, il est constant qu'elle ne concerne pas des activités menées par les services municipaux ni exercées pour leur compte ; qu'ainsi, la cour a commis une erreur de qualification juridique en déduisant des clauses mentionnées au point 4 que la convention devait être regardée comme un marché public conclu pour répondre aux besoins de la Ville, au sens de l'article 1er du code des marchés publics ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la Ville de Paris est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;


6. Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;


7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. / Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat (.) " ;


8. Considérant que, si la délibération attaquée autorisant la signature de la convention litigieuse est motivée par l'intérêt général s'attachant pour la Ville, gestionnaire du domaine, à la promotion des activités culturelles sur son territoire, elle ne concerne pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les activités des services publics municipaux ni celles qui seraient exercées pour leur compte ; qu'il ressort également des pièces du dossier que la Ville n'a pas entendu créer un service public de l'information culturelle mais seulement utiliser son domaine conformément aux prescriptions légales régissant les colonnes et mâts porte-affiches pour permettre une promotion de la vie culturelle à Paris ; que les obligations mises à la charge de l'occupant du domaine public à cette fin sont soit conformes aux exigences posées par les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles R. 581-45 et R. 581-46 du code de l'environnement, soit prises, s'agissant notamment de l'emplacement des mobiliers, dans l'intérêt de la gestion du domaine ; que, par suite, la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du 26 septembre 2005 au motif que la convention dont elle autorisait la signature présentait le caractère d'une délégation de service public soumise à une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence ;


9. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société CBS Outdoor à l'encontre de la délibération du 26 septembre 2005 ;


10. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la convention litigieuse n'a pas été conclue pour répondre aux besoins de la Ville et ne peut être, pour ce seul motif, qualifiée de marché public ; qu'au surplus, l'article 11 de cette convention prévoit que la société JC Decaux versera à la Ville de Paris une redevance d'occupation du domaine public proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de l'exploitation publicitaire des colonnes et mâts porte-affiches implantés sur le domaine public de la Ville ; que cette redevance varie de 41 % à 55 % du chiffre d'affaires réalisé par la société JC Decaux et comprend une part fixe garantissant un montant de 9 050 000 euros par an ; qu'ainsi, la convention ne prévoit ni la renonciation de la personne publique à percevoir des redevances ni la perception de redevances inférieures à celles normalement attendues du concessionnaire autorisé à occuper le domaine public aux fins d'y installer des supports publicitaires ; que la seule circonstance que l'occupant exerce une activité économique sur le domaine ne peut caractériser l'existence d'un abandon de recettes de la part de la personne publique ; que, par suite, cette convention ne peut être regardée comme comportant un prix payé par la personne publique à son cocontractant ; que, pour ce motif également, la convention ne peut être qualifiée de marché public ; que les moyens tirés d'une méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;


11. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que la société CBS Outdoor ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la délibération du 26 septembre 2005 autorisant le maire de Paris à signer la convention d'occupation du domaine public litigieuse, de l'irrégularité de la procédure de publicité et de mise en concurrence que la ville s'était imposée dans un premier temps, en vue de la conclusion d'une convention comportant des clauses différentes, et qui a été annulée par une ordonnance du 25 juillet 2005 du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure initiale ne peuvent qu'être écartés ;


12. Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposent à une personne publique d'organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un contrat d'occupation d'une dépendance du domaine public, ayant dans l'un ou l'autre cas pour seul objet l'occupation d'une telle dépendance ; qu'il en va ainsi même lorsque l'occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel ; que si, dans le silence des textes, l'autorité gestionnaire du domaine peut mettre en œuvre une procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence, afin de susciter des offres concurrentes, en l'absence de tout texte l'imposant et de toute décision de cette autorité de soumettre sa décision à une procédure préalable, l'absence d'une telle procédure n'entache pas d'irrégularité une autorisation ou une convention d'occupation d'une dépendance du domaine public ; qu'ainsi, la Ville de Paris n'était pas tenue de mettre en œuvre une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence avant de décider de conclure la convention d'occupation du domaine public litigieuse avec la société JC Decaux ;


13. Considérant, en dernier lieu, que si la société CBS Outdoor soutient que le montant de la redevance d'occupation du domaine public prévue par le contrat ne tient pas compte des avantages de toute nature retirés par la société JC Decaux de la gestion du domaine, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fixation du montant de cette redevance serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

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