Réf. : Rapport d'information n° 3 (2025-2026) sur les frais de justice, déposé le 1er octobre 2025
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par La Rédaction
Le 10 Octobre 2025
Un rapport de la Commission des finances du Sénat consacré aux frais de justice a été déposé le 1er octobre 2025. Comme le rappelle le rapport en introduction, les frais de justice englobent les dépenses de procédure, à la charge définitive ou provisoire de l'État, qui résultent d'une décision de l'autorité judiciaire ou de celle d'une personne agissant sous sa direction ou son contrôle.
Il s'agit par exemple des honoraires des experts et des interprètes-traducteurs, des frais de gardiennage de biens saisis, des interceptions téléphoniques et des frais résultant de nombreuses autres mesures ordonnées par un magistrat ou un officier de police judiciaire dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Les frais de justice ne comprennent pas les rémunérations et les dépenses courantes du ministère de la justice, ni les frais d'avocat payés par les parties au procès ou l'aide juridictionnelle dont certaines de ces parties peuvent bénéficier.
Constituant une charge croissante pour l’État (de 473 millions en 2013 à 716 millions en 2024), du fait de la complexité croissante des enquêtes le rapport propose plusieurs pistes pour mieux le encadrer : budgétiser correctement afin de mettre fin à la dette économique des frais de justice, mettre fin aux dépenses qui ne contribuent pas à la résolution de l’enquête (frais de gardiennage et de scellés, interceptions judiciaires, recours à des interprètes, expertises psychologiques) et favoriser les retours financiers (développer l'affectation à des services publics de biens saisis, étendre le principe de recouvrement des frais de justice dans un procès pénal à l'ensemble des personnes condamnées, améliorer le circuit de recouvrement des frais de justice et des amendes pénales, instaurer de nouveau une contribution au titre de l'introduction d'une instance devant une juridiction).
Le tableau de mise en œuvre des propositions s’étale du printemps 2026 à l’année 2027.
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Réf. : Autorité de la concurrence, avis 25-A-09 du 31 juillet 2025
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 10 Octobre 2025
Un avis du 31 juillet 2025 de l’Autorité de la concurrence réalise un bilan de la réforme de 2015 concernant les conditions d'installation et les tarifs réglementés de certaines professions du droit. Dans cet avis, on retrouve des recommandations sur les règles de postulation des avocats à la Cour.
Aujourd'hui, les règles de postulation sont énoncées par l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ.
Il ressort de cet article que les avocats « peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel.
Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l'aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l'affaire chargés également d'assurer la plaidoirie ».
Auparavant, la mission de postulation des avocats ne pouvait être exercée que devant le tribunal d'inscription de l'avocat.
C'est avec la loi n° 2015-990, du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, que la mission de postulation de l'avocat a été étendue, par principe, à l'ensemble des tribunaux de grandes instances (devenus tribunaux judiciaires), du ressort de la cour d'appel dans laquelle il a établi sa résidence professionnelle.
Ensuite, l'Autorité constate qu'il ressort des travaux préparatoires de l'époque, que le législateur avait écarté l'attribution d'une compétence nationale de postulation, en raison des faibles avancées en matière de dématérialisation.
Or, avec le développement du RPVA et l'arrivée de Portalis, l'Autorité constate que les raisons de ce rejet ne sont plus d'actualité.
C'est pourquoi, elle formule au Gouvernement les recommandations suivantes :
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par Justine Pocard, Docteure en Droit privé et sciences criminelles
Le 08 Octobre 2025
Mots-clés : médiation • juge • procédures • accès au juge • délais • prescription • forclusion
La médiation intègre de plus en plus les procédures, notamment civiles et administratives et devient l’un des moyens privilégiés pour les justiciables de régler leurs conflits d’un commun accord. Cette intégration doit ainsi entrer en harmonie avec les principes procéduraux existants. Or, il s’avère que certaines difficultés se présentent quant à la conciliation entre la médiation et le principe d'accès au juge, notamment au regard des délais d'action. La prescription et la forclusion peuvent ainsi entraver l’accès au juge si aucune mesure de suspension ou d’interruption ne viennent protéger ce droit fondamental.
Cet article fait suite à une intervention à la conférence « Médiation – Enjeux théoriques et défis pratiques » en date du 13 octobre 2023, organisée par la Clinique doctorale de droit et de médiation de Lorraine en partenariat avec l’Institut François Gény et le DU « Médiation et autres modes alternatifs de règlement des différends ».
Le phénomène de l’amiable, et notamment de la médiation, tend à se généraliser dans le paysage juridique français. La procédure française fait, en ce sens, l’objet d’un mouvement de déjudiciarisation encourageant les modes alternatifs de règlement des litiges [1]. Ces derniers sont donc au centre des préoccupations actuelles, comme en témoignent la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle [2], la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice [3], ainsi que la loi d’orientation et de programmation 2023-2027 [4].
Que le contentieux soit administratif ou judiciaire, la médiation fait désormais partie de la procédure française. Elle est devenue un véritable objectif de politique juridique, tel que cela a été énoncé par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, dans un discours en date du 13 janvier 2023. Il a notamment affirmé que l’objectif de cette politique de l’amiable était de raccourcir les délais de procédure, et par voie de conséquence, de désengorger les tribunaux [5]. En outre, la politique de l’amiable doit permettre « une justice où le citoyen est placé au cœur de la décision » [6]. Cette politique permet avant tout aux parties de se saisir elles-mêmes de leur litige, d’être actrices de leur litige.
La médiation concourt donc à la pacification des rapports sociaux et à la régulation d’une demande de justice de plus en plus forte et diverse. Elle intègre à cet égard la procédure judiciaire et administrative française, mais doit pouvoir se fondre dans l’ensemble des principes juridiques existants et notamment, le droit d’accès au juge. Il faut donc établir un juste rapport entre l’existence de ce droit fondamental avec l’instauration de modes alternatifs, tels que la médiation, qu’elle soit judiciaire, conventionnelle ou légale.
Si, dans une certaine mesure, la médiation vient effectivement limiter le droit d’accès au juge (I), son instauration dans le système juridique semble toutefois contrôlée et justifiée (II).
I. La médiation comme limite de l’accès au juge
Pour déterminer les risques que la médiation présente pour le droit d’accès au juge (B), il convient avant tout de déterminer le contenu de ce droit (A).
A. L’existence d’un droit fondamental d’accès au juge
Plusieurs textes internationaux et européens garantissent directement ou indirectement ce droit : l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948 N° Lexbase : L6814BHT [7], l'article 14§1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 N° Lexbase : L0300A9Y [8].
Principalement, l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR instaure un droit à un procès équitable : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, […] ».
C’est sur ce dernier article que se fondent les principes de justice, à savoir la continuité, la publicité, la gratuité, les droits de la défense, etc.. Surtout, c’est sur le fondement de ce dernier article qu’un droit d’accès à un juge a pu être véritablement instauré [9] par la jurisprudence européenne à partir de l’arrêt « Golder » rendu en 1975 [10]. Cet arrêt se prononce essentiellement sur l’accès au juge en matière civile. Ce droit a également été affirmé en matière pénale par l’arrêt « Deweer » en 1980 [11].
Ainsi, la garantie de l’accès au juge est « essentielle à la mise en œuvre subséquente des autres garanties à un procès équitable » [12]. Pour reprendre les termes de l’arrêt « Golder », les juges énoncent qu’ils ne comprendraient pas « que l’article 6 par. 1 [art. 6-1] décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties à une action civile en cours et qu’il ne protège pas d’abord ce qui seul permet d’en bénéficier en réalité : l’accès au juge ». L’accès au juge a donc été décrit comme « la garantie de la garantie » [13].
Ce droit d’accès au juge que l’on nomme parfois « droit à un recours juridictionnel », ou encore « garantie d’accès à un tribunal » [14] est défini comme « le droit pour toute personne physique ou morale, française ou étrangère d’accéder à la justice et y faire valoir ses droits » [15]. Ce droit d’accès ne doit cependant pas être entendu restrictivement comme le seul droit de pouvoir saisir un juge [16]. Plus largement, le droit d’accès au juge s’étend sur toute la durée de la procédure, de l’introduction de l’instance à l’exécution des décisions. Il comprend donc « un droit au jugement, et un droit à l’exécution du jugement, selon les standards européens (équité, publicité, célérité des processus) » [17]. Ce droit d’accès au juge permet la reconnaissance et la protection des droits garantis en droit interne et européen [18].
Si ce droit est donc bel et bien affirmé par la jurisprudence, il n’a de sens que s’il est effectif. C’est pourquoi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) [19] exige que les États mettent tout en œuvre pour rendre ce droit effectif, aucune entrave ne devant se présenter [20].
L’effectivité du droit d’accès au juge peut être entravée par le coût des procédures, par des formalités administratives préalables à la saisine d’un juge, la perte du droit aux voies de recours ou encore la question des délais. Il appartient donc aux différents États de tenter, autant que possible, de supprimer ces différents obstacles ou a minima de faire en sorte que le droit ne soit pas atteint dans sa substance.
B. Les risques engendrés par l’instauration de la médiation
L’instauration de la médiation, qu’elle soit obligatoire, conventionnelle ou demandée par le juge, peut représenter un risque pour ce droit fondamental, notamment parce qu’elle peut allonger les délais de procédure ou encore entraver de manière temporaire la saisine d’un juge. Elle peut donc représenter une limite pour le droit d’accès au juge. Quelques exemples permettent d’illustrer le propos.
Le premier exemple porte sur les clauses contractuelles de médiation obligatoire [21] : il est en effet possible d’insérer une clause dans un contrat par laquelle les parties au contrat vont prévoir qu’en cas de litige, elles devront obligatoirement tenter une médiation avant de pouvoir saisir un juge. Si l’accès au juge n’est pas supprimé, il est toutefois retardé.
Le second exemple porte sur la médiation rendue obligatoire par le législateur [22] : il est des situations dans lesquelles la loi impose aux justiciables de tenter une médiation avant toute saisine d’un juge. Dans ce cas, c’est la loi elle-même qui impose une entrave à l’accès au juge.
La médiation peut ainsi représenter un risque pour ce droit prétorien. Toutefois, érigé en véritable droit fondamental, le droit d’accès au juge fait l’objet d’une protection et d’une surveillance particulière.
II. La médiation, une limite du droit d’accès au juge justifiée et contrôlée
Si le droit d’accès au juge est fondé sur la CESDH, il ne constitue pas, pour autant, un droit absolu [23], ainsi que l’a énoncé la CEDH dans l’arrêt « Golder ». Un contrôle et un encadrement sont donc établis, notamment par la CEDH (A). Toutefois, la question des délais présente un risque pour le droit d’accès au juge en matière de médiation (B).
A. Le contrôle et l’encadrement exercés par les institutions
Une latitude est laissée aux États d’établir une réglementation qui pourrait limiter ce droit d’accès à un juge. Néanmoins, la CEDH pose des critères permettant de légitimer les limites apportées à ce droit fondamental. Elle estime que ces « limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l’article 6 par. 1 que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » [24]. En application de ces critères, la Cour a admis des limites fondées sur l’intérêt général et sur le respect d’une bonne administration de la justice.
Cette question portant sur la limitation de l’accès au juge s’est posée devant la CEDH. Le contentieux portait notamment sur l’irrecevabilité d’une demande en justice sanctionnant une absence de tentative préalable obligatoire de solution amiable [25].
La réponse de la Cour a été univoque : elle estime que les objectifs liés à la médiation permettent de justifier l’entrave à l’accès au juge. En effet, la Cour relève que les buts légitimes poursuivis par cette médiation préalable sont, notamment, la bonne administration de la justice et, plus particulièrement, le désengorgement du rôle des tribunaux de demandes susceptibles d’être réglées à l’amiable [26]. En outre, ce recours préalable n’exclut pas la saisine d’un juge en cas d’échec, il ne fait que la reporter [27].
La médiation obligatoire en tant que telle est une limitation au droit d’accès au juge, mais le droit en lui-même ne se trouve pas atteint dans sa substance. L’instauration de la médiation n’est donc pas rédhibitoire, mais fera l’objet de contrôles quant aux modalités de son instauration.
Le Conseil d’État s’est également prononcé sur la compatibilité entre le droit d’accès à un juge et l’instauration de la médiation obligatoire en droit interne. Pour reprendre quelques éléments chronologiques [28], la médiation obligatoire a été instaurée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cette obligation a été insérée dans le Code de procédure civile à l’article 750-1, par un décret de 2019 [29]. Ainsi, à peine d’irrecevabilité, pouvant être relevée d’office par le juge, la demande en justice doit être précédée d’une tentative de règlement amiable du litige. Toutefois, l’instauration obligatoire d’une tentative de médiation obligatoire et payante a pu susciter des craintes au regard du droit d’accès au juge. Deux critiques ont pu être observées, à savoir les difficultés liées au coût des procédures amiables, puisque seule la conciliation est gratuite, cette difficulté en entraînant une seconde, les conciliateurs de justice ne sont pas assez nombreux pour faire face à l’augmentation des demandes [30]. Il en résulte, soit l’allongement considérable des délais d’accès à la justice, soit l’augmentation du coût d’accès à la justice. C’est au regard de ces critiques que le Conseil d’État est intervenu. Ce dernier, dans une décision du 22 septembre 2022, a donc annulé ce texte [31] en considérant qu’un de ses éléments manquait de précision, notamment au regard des conditions d’indisponibilité des conciliateurs de justice [32]. L’article 750-1 du Code de procédure civile a donc fait l’objet d’une réécriture [33] afin d’entrer en conformité avec ce droit fondamental d’accès au juge. Ainsi, depuis le 1er octobre 2023, le recours à la médiation est de nouveau obligatoire s’agissant des petits litiges civils, dont l’enjeu est inférieur à 5000€.
En outre, si l’instauration de la médiation n’est pas contraire à l’article 6§1 de la CESDH, elle l’est d’autant moins que la Convention elle-même consacre la possibilité d’un règlement amiable des différends dans son article 39 §1 [34].
Enfin, le Conseil de l’Europe a établi en ce sens des recommandations [35] visant à encourager le développement de la médiation tout en protégeant le droit fondamental d’accès au juge. Parmi ces recommandations, il est expressément prévu que « même si les parties utilisent la médiation, l’accès au tribunal devrait être disponible, car il constitue la garantie ultime de protection des droits des parties ».
Qu’elles soient européennes ou nationales, les politiques juridiques tendent donc à favoriser autant que possible la mise en place de la médiation. En contrepartie, elles veillent au respect de la CESDH et notamment de l’accès au juge.
À l’analyse des différentes règles, on peut finalement remarquer qu’il n’existe pas de franche opposition entre l’accès au juge et la médiation ; il s’agit davantage d’une conciliation établie entre l’un et l’autre, afin de mêler à la fois les objectifs de la médiation, mais également le droit fondamental d’accès au juge.
D’ailleurs, la figure du juge n’est jamais très loin de la médiation. Bien qu’en retrait, le juge reste présent dans la procédure de médiation judiciaire. Il entretient par exemple un dialogue permanent avec le médiateur lorsque la médiation a été ordonnée en cours d’instance [36]. Il peut également, in fine, homologuer la décision résultant de l’accord de médiation [37].
Une question reste toutefois en suspens, à savoir celle de l’interprétation de l’article 2238 du Code civil.
B. Le problème des délais d’action : vers un besoin de contrôle ?
Ainsi qu’il a été exposé, le recours à la médiation ne prive, en principe, « jamais un justiciable de la possibilité de saisir ensuite la juridiction compétente pour connaître du litige » [38]. Il ne fait que le reporter. Toutefois, le régime des délais d’action, qu’il s’agisse de délai de prescription ou de forclusion, relatifs à la médiation peuvent constituer une entrave à cette possibilité reportée de saisir un juge. Il ne faut, en effet, pas que les parties voient leur action prescrite ou forclose alors qu’elles ont tenté une médiation préalable.
S’agissant de la prescription, une directive de 2008 [39] est venue préciser qu’il est nécessaire que la médiation soit une cause de suspension de la prescription pour respecter le droit d’accès au juge.
En matière administrative, la question ne semble soulever aucune difficulté, puisqu’il existe un texte prévoyant la suspension de la prescription pour la médiation préalable obligatoire, la médiation conventionnelle (CJA, art. L. 213-6 N° Lexbase : L1810LBN) et la médiation à l’initiative du juge (CJA, art. L. 213-13 N° Lexbase : L1297MAB). Pour la médiation ordonnée par le juge administratif, il n’y a pas de texte spécial, mais la saisine d’un juge entraîne l’interruption de la prescription. N’étant pas dessaisi par le fait d’ordonner une médiation, il n’apparaît pas utile de prévoir un texte spécial.
En matière civile, la question semble plus délicate : l’article 2238 du Code civil N° Lexbase : L1053KZZ [40] prévoit, depuis 2008 [41], que le recours à la médiation est une cause de suspension de la prescription [42]. Autrement dit, dès lors que les parties à un litige entament une procédure de médiation, le cours de la prescription est temporairement suspendu jusqu’à la fin de celle-ci. A priori, il semblerait que le risque d’entrave du droit d’accès au juge soit enrayé, puisque la prescription ne court pas durant ce laps de temps. Toutefois, le domaine d’application de l’article fait débat. En effet, à la lecture d’un rapport rédigé par Monsieur Émile Blessig, il semblerait qu’il ne soit cantonné qu’à la médiation judiciaire, autrement dit, la médiation ordonnée par un juge en cours d’instance avec accord des parties [43]. Cette restriction pose plusieurs difficultés.
Tout d’abord, la saisine d’un juge interrompt la prescription jusqu’à la fin de la procédure [44]. Or, si l’article est cantonné à la médiation judiciaire, cette limitation « priverait donc la réforme de tout effet utile sur ce point » [45]. L’effet interruptif de prescription rend, en effet, inutile une suspension de la prescription [46]. Il est donc étonnant de prévoir cette limitation aux seules médiations judiciaires.
Ensuite, si l’on s’en tient à une analyse littérale de l’article, il ne semble pas qu’il ne fasse référence qu’à la médiation judiciaire. À la lecture du premier alinéa de l’article, il est prévu que « [l]a prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ». Il semblerait plutôt qu’il fasse référence à une médiation conventionnelle : « les parties conviennent de recourir à la médiation ». En ce sens, l’article L. 213-6 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1810LBN [47] prévoit, en des termes identiques, la suspension de la prescription dans un article régissant la médiation à l’initiative des parties. Il y a donc un décalage entre les volontés législatives de restreindre l’article 2238 à la seule médiation judiciaire et la rédaction de l’article du Code de justice administrative. Dans la même perspective, il est fait référence à l’article 2238 du Code civil N° Lexbase : L1053KZZ dans d’autres dispositions, laissant entendre l’application générale de la suspension de la prescription. En effet, ces dispositions spéciales ne concernent pas des cas de médiations judiciaires, mais extrajudiciaires [48]. Il est donc surprenant qu’une telle limitation soit envisagée pour l’article 2238 du Code civil N° Lexbase : L1053KZZ. Cela étant, bien que la formulation semble renvoyer à la médiation conventionnelle ou que d’autres articles s’y réfèrent pour évoquer la suspension des cas de médiation extrajudiciaires, la formulation reste restrictive et ne semble pas englober la diversité des procédures de médiation qui existent.
Enfin et surtout, si cet article se trouve appliqué de manière aussi restrictive, il entre en contradiction avec le droit fondamental d’accès au juge et les exigences européennes [49]. Les parties à un litige risquent, en ayant recours à la médiation, de voir leur possible action en justice prescrite et donc de se voir refuser tout accès à un juge, alors même que le différend n’est peut‑être pas résolu. Il serait donc nécessaire, pour respecter ce droit fondamental, ainsi que la directive, que cet article s’applique de manière extensive, dès lors qu’un médiateur est saisi [50]. Une interprétation de la jurisprudence dans ce sens pourrait mettre un terme à ce débat.
Le problème de l’accès au juge peut également se poser dès lors que le délai d’action se trouve enserré dans un délai, non pas de prescription, mais de forclusion [51]. En effet, selon l’article 2220 du Code civil N° Lexbase : L7188IAH [52], les causes de suspension applicables aux délais de prescription, et notamment en cas d’ouverture d’une procédure de médiation ne sont pas applicables aux délais de forclusion. Certains juges ont à ce titre déclaré une demande irrecevable au motif que le délai était forclos, alors pourtant qu’une procédure de médiation avait été diligentée par les parties au litige [53]. Ces décisions, bien qu’appliquant le droit positif, constituent une entrave à l’accès au juge, ne respectant pas ce droit fondamental. Aussi, pour les plaideurs peu scrupuleux, le recours à la médiation pourrait ainsi viser à obtenir l’extinction de l’action et surtout l’extinction « à moindres frais la contestation de la partie adverse » [54]. De ce point de vue, des comportements opportunistes pourraient émerger afin d’obtenir l’extinction de l’action et ne pas élever le litige devant un juge, en cas d’échec de cette procédure amiable. De plus, le délai de forclusion est un délai permettant de sanctionner l’inaction des plaideurs. Cependant, l’organisation d’une médiation préalable ne ressort pas d’une inaction, au contraire. Pour remédier à cette problématique, deux solutions peuvent être proposées : d’une part, Madame Nathalie Fricero estime qu’il serait opportun pour les plaideurs engageant une procédure préalable de médiation de saisir dans le même temps un juge, ce qui permettra de suspendre le délai, même de forclusion [55]. D’autre part, il serait possible, pour les juges, d’écarter les dispositions françaises au profit des dispositions européennes relatives à l’accès au juge, afin de permettre une suspension des délais de forclusion et d’entrer en conformité avec le droit européen [56].
Conclusion
En conséquence, si la médiation est « indubitablement une limitation au droit d’accès à un tribunal » [57], il n’en demeure pas moins qu’elle est admise en raison des objectifs qu’elle poursuit. Elle doit toutefois faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité, les juges veillant au respect de ce droit fondamental et à ce qu’il ne soit pas atteint dans sa substance. Ainsi, l’effectivité de ce droit reste contrôlée, bien que les questions portant sur le champ d’application de la suspension des délais de prescription et de forclusion puissent rester en suspens.
Dans cette perspective de respect du droit d’accès au juge, la médiation est en quelque sorte appréhendée avec crainte, et peut être présentée comme un risque d’entrave au droit fondamental. Plutôt que de l’appréhender avec crainte, la médiation pourrait aussi être envisagée comme un moyen d’accès à la justice, autre que la seule justice étatique [58]. Ce moyen d’accès à une justice renouvelée permettrait de venir au secours d’une justice étatique en crise [59]. Il s’agit d’un moyen d’accès à une justice conventionnelle certainement moins coûteuse, dont l’issue est soumise à la confidentialité et pourrait être mieux acceptée. Enfin, les parties deviennent actrices de leur propre litige, le soustrayant ainsi à l’aléa judiciaire tant redouté.
[1] Pour ne reprendre que des exemples, les litiges en matière familiale et en matière sociale (C. trav., art. 1411-1 N° Lexbase : L1878H9G) comprennent une phase de médiation ou de conciliation obligatoire préalable à toute saisine du juge.
[2] Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle N° Lexbase : L1605LB3.
[3] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.
[4] Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023‑2027 N° Lexbase : L2962MKW.
[5] Politique de l’amiable une “révolution culturelle” annoncée, in JCP G., n° 3, 2023, chron. 112.
[6] Politique de l’amiable une “révolution culturelle” annoncée, in JCP G., n° 3, 2023, chron. 112.
[7] « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi ».
[8] « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ».
[9] Ch. Lefort, Procédure civile, 5e éd., coll. Cours, Dalloz, 2014, n°35 et suiv..
[10] CEDH, 21 fév. 1975, Golder c./ Royaume-Uni, no 4451/70, spéc. §39 N° Lexbase : A1951D7E.
[11] CEDH, 27 sept. 1980, Deweer c./ Belgique, n° 6903/75, spéc. §48.
[12] S. Guinchard, C. Chainais, C. S. Delicostopoulos, et al., Droit processuel – Droit commun et droit comparé du procès équitable, 12e éd., coll. Précis, Dalloz, 2023, n°312, p. 606.
[13] S. Guinchard, V° « Procès équitable – Valeur processuelle de la garantie d’accès à un tribunal », in Rép. de Proc. civ., Dalloz, mars 2017 (actu. Juin 2023), spéc. n°11.
[14] Les trois termes sont considérés comme synonymes : S. Guinchard, C. Chainais, C. S. Delicostopoulos, et al., Droit processuel – Droit commun et droit comparé du procès équitable, 12e éd., coll. Précis, Dalloz, 2023, n° 298 et 299, p. 593.
[15] L. Favoreu, Th. Renoux, Le Contentieux constitutionnel des actes administratifs, Encyclopédie Dalloz, 1992, p. 90.
[16] N. Fricero, L’accès au juge - Introduction, in Revue annuelle des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, 2008, p. 15, spéc. n°7, p. 17.
[17] N. Fricero, L’accès au juge - Introduction, in Revue annuelle des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, 2008, p. 15, spéc. n° 7, p. 17.
[18] N. Fricero, L’accès au juge – Introduction, in Revue annuelle des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, 2008, p. 15, spéc. n° 7 et 8, p. 17 : « L’accès au juge est donc l’instrument d’effectivité des droits et du droit subjectif ».
[19] CEDH, 9 oct. 1979, Airey c./ Irlande, n° 6289/73, spéc. §26 N° Lexbase : A2971EBN.
[20] S. Amrani Mekki, Accès à la justice et déséquilibre économique, in Les déséquilibres économiques et le droit économique, L. Boy (dir.), Larcier, 2014, p. 83.
[21] Remarque : La Cour de cassation a jugé que l'existence d'une clause de médiation dans un contrat entraîne l'irrecevabilité de la demande devant un juge étatique jusqu'au moment du constat de l'échec de la médiation : Cass. civ. 1, 8 avril 2009, n° 08-10.866 N° Lexbase : A4982EGM.
[22] V. not. C. pr. civ., art. 750-1 N° Lexbase : L5912MBL. Adde. G. Maire, Médiation et obligation, Retour sur la médiation obligatoire en matière civile, in Signatures internationales, n° 8, p. 71.
[23] CEDH, 21 février 1975, n° 4451/70 (N° Lexbase : A1951D7E spéc. §38 ; V. Berger, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, 13e éd., Hors collection Sirey, Dalloz, 2014, p. 211 et suiv.
[24] CEDH 28 mai 1985, Ashingdane c/ Royaume-Uni, req. n° 8225/78, spéc. §57.
[25] S. Guinchard (dir.), Droit et pratique de la procédure civile – Droit interne et européen,10e éd., coll. Dalloz Action, Dalloz, 2021, n°311.78.
[26] CEDH, 26 mars 2015, Momcilovic c/ Croatie, req. n° 11239/11 ; CEDH, 3e sect., 24 oct. 2017, Nesterenko et Gaydukov c/ Russie, req. n° 20199/14 N° Lexbase : A5181WWS.
[27] Remarque : bien qu’une médiation obligatoire puisse exister, il n’en demeure pas moins qu’il est possible de passer outre dès lors qu’une urgence le justifie : La procédure de médiation préalable obligatoire ne prive pas une partie de la faculté d'introduire un référé lorsqu'il existe un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent (Cass. civ. 1, 24 novembre 2021, n° 20-15.789, FS-B N° Lexbase : A78297CX, D. actu., 9 déc. 2021, obs. N. Hoffschir). N’est-ce pas sur le fondement de l’accès à la justice que l’on pourrait expliquer cette solution ? (V. S. Guinchard, V° « Procès équitable – Valeur processuelle de la garantie d’accès à un tribunal, in Rép. de Proc. civ., Dalloz, Mars 2017 [actu. Juin 2023], spéc. n° 275).
[28] V. en ce sens : G. Maugain, L’extraordinaire histoire de l’article 750-1 du Code de procédure civile : le rétablissement, in Dalloz actu., 23 mai 2023.
[29] Décret, n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile N° Lexbase : L1923MYU.
[30] G. Maire, Médiation et obligation, Retour sur la médiation obligatoire en matière civile, in Signatures internationales, n° 8, p. 71, spéc. p. 77 : « D’une part, seule la conciliation menée par un conciliateur de justice est gratuite, les autres modes (médiation confiée à un médiateur ou procédure participative organisée par un avocat) étant payants. D’autre part, il est acquis que les conciliateurs de justice ne sont pas suffisamment nombreux pour faire face à l’augmentation mécanique des demandes (liée à l’élargissement du domaine de l’obligation de tentative de l’amiable) ».
[31] CE, 5e-6e ch. réunies, 22 septembre 2022, n° 436939 N° Lexbase : A16328KN.
[32] CE, 5e-6e ch. réunies, 22 septembre 2022, n° 436939 N° Lexbase : A16328KN, spéc. n°42 : « S'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours juridictionnel, l'indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».
[33] Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative N° Lexbase : L6288MHD.
[34] « À tout moment de la procédure, la Cour peut se mettre à la disposition des intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de l’affaire s’inspirant du respect des droits de l’Homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles ».
[35] Recommandation (98) 1 sur la médiation familiale ; Recommandation (99) 19 sur la médiation en matière pénale ; Recommandation (2001) 9 sur les modes alternatifs de règlements des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées ; Recommandation (2002) 10 sur la médiation en matière civile.
[36] CJA, art. R. 213-9 al. 2 et 3 N° Lexbase : L9583LDB: « Le médiateur tient le juge informé des difficultés qu'il rencontre dans l'accomplissement de sa mission. Le juge met fin à la médiation à la demande d'une des parties ou du médiateur. Il peut aussi y mettre fin d'office lorsque le bon déroulement de la médiation lui apparaît compromis ».
[37] C. pr. civ., art. 131-1 suiv. N° Lexbase : L4720NA3 et CJA, art. L. 771-3-2 N° Lexbase : L2526IRY.
[38] L. Cadiet, Th. Clay, Les modes alternatifs de règlement des conflits, 3e éd., coll. Connaissance du droit, Dalloz, 2019, p. 128.
[39] Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale et notamment son article 8 N° Lexbase : L8976H3T : « Les États membres veillent à ce que les parties qui choisissent la médiation pour tenter de résoudre un litige ne soient pas empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une procédure d’arbitrage concernant ce litige du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation ».
[40] C. civ., art. 2238, al. 1er N° Lexbase : L1053KZZ : « La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article L. 125-1 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L7315LPM».
[41] Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I.
[42] Avant 2008, la jurisprudence ne considérait pas que le recours à un médiateur était une cause de suspension de la prescription (exemple : Cass. civ. 2, 8 juin 1988, Bull. civ. II, n°137 ; JCP E, 1989, II, 15511, note J.-J. Taisne ; RTD civ., 1989, p. 701, obs. J. Mestre). Cela était regrettable au regard des exigences d’accès au juge.
[43] Rapport n° 847 du 30 avril 2008, p. 49 : « Votre rapporteur s’est interrogé sur l’opportunité d’étendre l’application de ce dispositif aux cas où les parties recourent à une « médiation » qui n’est pas judiciaire ».
[44] C. civ., art. 2242 : « L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ».
[45] A. Hontebeyrie, V° « Prescription extinctive », in Rép. civ., Dalloz, Fév. 2016 (Actu. sept. 2023), n° 357.
[46] N. Fricero, Ô temps, suspend ton vol… Procédure judiciaire ou amiable et prescription extinctive, in Mélanges en l’honneur du doyen Georges Wiederkehr – De code en code, coll. Études, mélanges et travaux, Dalloz, 2009, p. 327, spéc. p. 331.
[47] « Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d'un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d'écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation.
Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ».
[48] C. trav., art. L. 7345-11 N° Lexbase : L3050MCX : « La saisine de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi aux fins de médiation suspend la prescription de l'action civile et pénale à compter du jour de sa saisine. En application de l'article 2238 du code civil, celle-ci court à nouveau pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois lorsque le médiateur déclare la médiation terminée » ; CPI, art. L. 327-6, al. 3 N° Lexbase : L9447LBI : « Les effets de la saisine du médiateur en matière de prescription de l'action civile et administrative obéissent aux dispositions de l'article 2238 du Code civil N° Lexbase : L1053KZZ» ; C. mon. fin., art. L. 621-19, al. 4 [LXB= L8790LQM] : « La saisine du médiateur de l'Autorité des marchés financiers suspend la prescription de l'action civile et administrative à compter du jour où le médiateur est saisi. En application de l'article 2238 du Code civil, celle-ci court à nouveau pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois lorsque le médiateur de l'Autorité des marchés financiers déclare la médiation terminée ».
[49] CEDH 26 mars 2015, Momcilovic c/ Croatie, req. n° 11239/11 ; CEDH, 24 octobre 2017, Nesterenko et Gaydukov c/ Russie, req. n° 20199/14, spéc. §52 N° Lexbase : A5181WWS : « La Cour observe en outre que la procédure de transaction en cause ne saurait en aucune manière préjuger de la demande en dommages et intérêts des requérants contre l'état. Il interrompt notamment l'exécution de la prescription légale période et, au cas où le ministère public n’accepterait pas le règlement, les demandeurs restent pleinement libres d'introduire une action devant le tribunal compétent » (nous soulignons).
[50] V. Kayser, La loi portant réforme de la prescription en matière civile et les modes alternatifs de résolution des conflits, in JCP E., 2008, p. 1938, spéc. n°22 ; Ph. Malaurie, La réforme de la prescription civile, in Defrénois, n°18, 2008, p. 2029.
[51] Sur la distinction entre délai de prescription et de forclusion : F. Rouvière, La distinction des délais de prescription, butoir et de forclusion, in LPA, 2009, n°152, p.7 ; N. Balat, Forclusion et prescription, in RTD Civ., 2016, p. 751.
[52] C. civ., art. 2220 : « Les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre ».
[53] V. not. CA Bordeaux, 8 mars 2021, n° 18/06848 N° Lexbase : A40344KM ; TA Nîmes, 1er fév. 2023, n° 2300264 N° Lexbase : A67999BG ; TJ Paris, 24 octobre 2024, n° 23/15574 [LXB=A06446D].
[54] N. Balat, Forclusion et prescription, in RTD Civ., 2016, p. 751, spéc. n° 7 : « soit deux parties, à qui il reste quelques mois pour faire valoir leurs droits, qui conviennent de recourir à une médiation (laquelle suspend la prescription, mais non la forclusion : C. civ., art. 2238) pour rechercher une solution amiable à leur différend ; si la médiation échoue, il suffit à la partie qui bénéficierait de l'extinction d'alléguer que le délai en cause, écoulé sans le jeu de la suspension, n'est pas de prescription mais de forclusion, pour éteindre à moindres frais la contestation de la partie adverse ».
[55] N. Fricero, Médiation et contrat, in AJ contrat, 2017, p. 356, spéc. n°7 ; Procédure civile, in D., 2022, p. 625. Adde. C. civ., art. 2241, al. 1er : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
[56] V., en ce sens : Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre, n° 73-13.556 N° Lexbase : A3545DMA GAJC, 15ème éd., n°3, p. 27 ; CE, Ass., 20 octobre 1989, n° 108243, Nicolo N° Lexbase : A1712AQH, Lebon n°190 ; GAJA, 15ème éd., n° 96, p. 683.
[57] S. Guinchard (dir.), Droit et pratique de la procédure civile – Droit interne et européen, 10e éd., coll. Dalloz Action, Dalloz, 2021, n°311.78.
[58] M.-E. Ancel, Avant-propos, in Les médiations : La justice autrement ? Dans les matières pénale, civile et commerciale – Réflexions théoriques, pratiques et philosophiques, M.-E. Ancel, M. Castillo (dir.), Arghos Diffusion, 2011, p. 6 ; L. Cadiet, L’accès à la justice – Réflexions sur la justice à l’épreuve des mutations contemporaines de l’accès à la justice, in D., 2017, p. 522 ; Conseil européen et la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, « Boite à outils pour le développement de la médiation », [en ligne] : Dans ce document, il est affirmé que le recours à la médiation peut faciliter l’accès à la justice.
[59] F. Terré, Sur l’image de la justice, in Mélanges Pierre Drai, Dalloz, 2000, p. 121 ; F. Terré, Crise du juge et philosophie du droit : synthèse et perspectives, in La crise du juge, coll. La pensée juridique, LGDJ, 1996, p. 157.
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Réf. : Avis, 25 septembre 2025, n° 25-70.013, FS-B N° Lexbase : B5281BWI
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N3007B3R
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 29 Septembre 2025
La Cour de cassation précise dans un avis que la procédure d’injonction de payer n’est, dans aucune de ses deux phases, soumise à l’obligation d’une tentative préalable de résolution amiable du différend, prévue par l’article 750-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6401MHK.
Faits. Le 30 avril 2025, la Cour de cassation a reçu une demande d’avis formée par le tribunal judiciaire de Vannes.
Questions posées. Au sein de cette demande, les juges vannetais posent, aux juges du Quai de l’horloge, les questions suivantes :
Réponse. Tout d’abord, la Cour de cassation prend le soin de rappeler les dispositions relatives à la procédure d’injonction de payer, et celle de l’article 750-1 du Code de procédure civile. Ensuite, la Cour souligne que cet article prévoit des dispenses de l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend, notamment lorsque les circonstances de l’espèce nécessitent qu’une décision soit rendue non contradictoirement. Dans le cadre de la procédure d’injonction de payer, sa mise en œuvre débute par une phase non contradictoire, qui entraîne le prononcé d’une ordonnance dont le débiteur peut faire opposition. Dans la première phase de la procédure, la Cour considère que tant les objectifs de célérité et de bonne administration de la justice qu’elle poursuit, que son caractère non contradictoire jusqu’à l’opposition, sont incompatibles avec l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend. Dans la seconde phase, quand bien même le caractère contradictoire est rétabli, aucune disposition du Code de procédure civile, ne prévoit ni n’organise l’application de l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend, pour la procédure d’injonction de payer. Par conséquent, la Cour de cassation est d’avis que la procédure d’injonction de payer n’est, dans aucune de ses deux phases, soumise à l’obligation d’une tentative préalable de résolution amiable du différend, prévue par l’article 750-1 du Code de procédure civile.
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Réf. : Cass. civ. 2, 3 juillet 2025, n° 22-24.675, F-B N° Lexbase : B7776APP
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N2747B37
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation précise sa jurisprudence au sujet de la tierce opposition (V. Cass. civ. 2, 23 juin 2016, n° 15-14.633 N° Lexbase : A2508RUG). Elle considère que la tierce opposition n'est pas recevable lorsque son auteur, à défaut d'intérêt pour agir, ne pouvait intervenir à l'instance ayant donné lieu à la décision qu'elle attaque.
Faits et procédure. M. [V], décide d’assigner, par-devant le juge des référés d’un tribunal judiciaire, M. [G] ainsi que plusieurs sociétés dans le cadre d’un litige de construction immobilière. Par une ordonnance du 9 décembre 2019, le juge des référés, désigne un expert judiciaire pour mener une mesure d’instruction in futurum. Par une requête déposée le 11 mars 2021, M. [V] a saisi le tribunal, d’une demande de récusation de l’expert. Cette demande est rejetée par une ordonnance et M. [V] a interjeté appel sur cette dernière. Par un arrêt du 1er octobre 2021, la Cour d’appel de Cayenne a infirmé l’ordonnance, puis a accueilli la demande de récusation de l’expert. Par la suite, la société Bolouman, qui avait été assignée par M. [V], décide de formuler une tierce opposition à cet arrêt. Par une décision du 30 septembre 2022, la Cour d’appel de Cayenne déclare irrecevable la tierce opposition de la société Bolouman. Cette dernière décide d’attaquer la décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa tierce opposition. Au soutien de son pourvoi, la société Bolouman affirme qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle a attaqué. Ensuite, elle considère que celui au contradictoire duquel la mesure d’instruction a été ordonnée est un tiers à la procédure de récusation de l’expert, engagée par une autre partie. De ce fait, la demanderesse au pourvoi considère que ce tiers est recevable à former tierce opposition contre la décision qui prononce la récusation dudit expert. Or, les juges du fond ont considéré qu’à l’égard d’une décision de justice prononçant la récusation de l’expert, est nécessairement irrecevable en son action en tierce opposition tous tiers ou toutes parties au procès, autre que le requérant. La Cour d’appel a déduit que compte tenu du fait que la société Bolouman, n’avait pas d’intérêt pour intervenir à l’instance ayant donné lieu à la décision qu’elle attaque, elle était irrecevable à former tierce opposition à ladite décision. En statuant ainsi, la société Bolouman considère que la Cour d’appel a violé les articles 234 N° Lexbase : L1725H4N, 235 N° Lexbase : L1727H4Q, 582 N° Lexbase : L6739H7Q et 583 N° Lexbase : L6740H7R du Code de procédure civile.
Solution. La Cour de cassation rejette l’argumentation de la société. Après avoir rappelé la lettre des articles 234 et 235 du Code de procédure civile, la Cour rappelle qu’elle juge que le requérant de la récusation est la partie à la procédure de récusation. Ensuite, les juges du droit rappellent les dispositions de l’article 583 du Code de procédure civile. Ces derniers considèrent qu’il résulte de l’ensemble de ces textes que la tierce opposition n'est pas recevable lorsque son auteur, à défaut d'intérêt pour agir, ne pouvait intervenir à l'instance ayant donné lieu à la décision qu'elle attaque. Ensuite, la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond, et elle décide de rejeter le pourvoi de la société Bolouman.
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Réf. : Arrêté du 29 août 2025, fixant la liste des dispositifs de communication électronique auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0130NBG
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N2818B3R
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 10 Octobre 2025
L’arrêté du 29 août 2025 fixe la liste des dispositifs de communication électronique auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du Code de procédure civile.
Tout d’abord, l’arrêté réalise des modifications de forme et abroge plusieurs autres arrêtés relatifs à la communication électronique.
Ensuite, l’arrêté contient une annexe qui établit la liste des dispositifs de communication électronique, de la manière suivante :
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Réf. : Cass. civ. 2, 18 septembre 2025, n° 23-10.454, F-B N° Lexbase : B1749BTX
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N2947B3K
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation précise sa jurisprudence au sujet de la communication électronique. Elle considère que l’enregistrement et la conservation des échanges et des messages mis à la disposition de la juridiction, par les applications Winci CA et Comci CA, ne relève pas de la responsabilité des parties. De ce fait, les juges du fond doivent prendre en considération les messages RPVA qui n’auraient pas été enregistrés sur les applications.
Faits et procédure. Le 10 octobre 2019, Mme [X] a relevé appel d’un jugement du 3 octobre 2019 rendu par un tribunal judiciaire, l’ayant déboutée de sa demande en paiement d’une somme, formée contre M. [F] [B]. Après l’introduction de son recours en appel, Mme [X] assigne à nouveau M. [F] [B], le 24 avril 2020, en paiement d’une autre somme. Le 4 mars 2021, le juge de la mise en état du tribunal s’est dessaisi de cette procédure, au profit de la Cour d’appel, qui a joint les instances. Par une ordonnance du 1er février 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré prescrite l’action engagée le 24 avril 2020. Mme [X] a déféré cette décision à la Cour d’appel. La Cour a été saisie du déféré par voie de requête qui a été remise en version papier et électronique. Ensuite, la Cour a statué sur ce recours dans un arrêt du 4 octobre 2022. Par la suite, Mme [X] a décidé d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi / Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable son déféré à l’encontre, de l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état. Au soutien de son pourvoi, Mme [X] affirme qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Ensuite, Mme [X] affirme que les courriers électroniques expédiés par les agents de la juridiction ou les avocats, et le journal de l’historique des échanges, sont enregistrés et conservés au moyen de dispositif de stockage mis à disposition à des juridictions au travers des applications Winci CA et ComCI CA. Au cours de l’instance visant à déférer l’ordonnance du Conseiller de la mise en état à la Cour d’appel, Mme [X] verse aux débats deux messages RPVA datant du 10 février 2022. Le premier émane de son conseiller et vise à envoyer au greffe la requête en déféré. Le second est un accusé de réception du premier message par le greffe. Or, pour déclarer irrecevable le déféré de Mme [X], les juges du fond ont constaté que cette dernière n’explique pas le fait que les deux messages dont elle se prévaut n’ont pas été enregistrés sur le RPVA. De ce fait, la Cour a estimé ne pas avoir été saisie régulièrement d’un déféré. En statuant ainsi, Mme [X] estime que la Cour d’appel a violé notamment l’article 930-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7249LE9.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation du demandeur au pourvoi, en cassant et en annulant l’arrêt de la Cour d’appel. Tout d’abord, la Cour rappelle la lettre des articles 930-1, 748-3 N° Lexbase : L3237NA7, 748-6 N° Lexbase : L3233NAY du Code de procédure civile, et l’article 7 de l’arrêté du 20 mai 2020. Ensuite, la Haute juridiction affirme que la responsabilité de l'enregistrement et de la conservation des échanges et des messages mis à la disposition de la juridiction par les applications Winci CA et Comci CA, ne peut incomber aux parties. Par conséquent, les juges du droit estiment que la Cour d’appel aurait dû prendre en considération les deux messages RPVA versés aux débats par Mme [X].
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N2889B3E
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par Sâmi Hazoug, Maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles à l’UMLP, Membre du CRJFC et du CDPF.
Le 10 Octobre 2025
Cette chronique annuelle revient sur les décisions marquantes en procédure civile, sans prétendre à l'exhaustivité. On signalera notamment les clarifications apportées au point de départ du délai d'opposition à une injonction de payer, la précision des modalités de répartition des frais de référé‑rétractation, ainsi que deux arrêts – d'autant plus remarquables que les décisions demeurent rares en la matière – concernant le mécanisme de renvoi au fond par la « passerelle ».
Sommaire
A. Créance - Assureur subrogé – Dégradations locatives (non)
Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-21.501, FS-B
B. Délai d'opposition – Point de départ – Saisie des rémunérations – Intervention du créancier
Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-15.682, F-B
Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-18.166, F-B
A. Ordonnance sur requête – Usucapion – Adversaire non déterminable (non)
Cass. civ. 3, 13 mars 2025, n° 24-12.891, FS-B
Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 23-14.133, F-B
C. Référé-rétractation – Charge des frais – Partie défenderesse (non)
Cass. civ. 2, 21 novembre 2024, n° 22-16.763, F-B
III. Référés
A. Juge des référés – Devoirs et pouvoirs
Cass. civ. 3, 19 septembre 2024, n° 22-21.831, FS-B
Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-12.787, FS-B
B. Juge des référés (oui) – Juge de la mise en état (non) – Différence d'objet (oui)
Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-19.719, F-B
C. Renvoi au fond (« passerelle ») à hauteur d'appel (non)
Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-23.483, F-B
Cass. com., 19 mars 2025, n° 22-24.761, F-B
A. Créance – Assureur subrogé – Dégradations locatives (non)
Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-21.501, FS-B N° Lexbase : A42260CI [1]
Le recouvrement d’une créance peut, selon l’article 1405 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6337H7T, être demandé suivant la procédure d’injonction de payer, notamment lorsqu’elle a une cause contractuelle. Que faut-il alors entendre par « cause contractuelle » ? À cette question, l’arrêt sous commentaire apporte une réponse classique s’inscrivant dans la continuité de décisions antérieures. D’une certaine façon, c’est sa confrontation à l’analyse des juges du fond qui est le plus intéressant ici. En l’espèce, des bailleurs avaient obtenu de l’assureur garantissant les obligations locatives des locataires, une indemnisation correspondant à des dégradations du bien loué après sa restitution par ces derniers.
Subrogé, l’assureur obtint une ordonnance enjoignant aux locataires de lui payer le montant de l'indemnité versée aux bailleurs. Le jugement rendu en dernier ressort condamnera les locataires au paiement.
La voie de la contestation leur semblant pertinente, ce dont pourrait attester la cassation obtenue, un pourvoi est formé. Les juges du fond avaient considéré que la créance étant née du contrat de bail, avait une cause contractuelle, et que son montant était clairement déterminé et indiqué, tant dans la lettre adressée par l'agence mandataire des bailleurs aux locataires, que dans la quittance subrogative émise par l’assureur. Il faut bien admettre que la créance déterminée avait bien une « cause contractuelle », comme l’exige le texte mis en œuvre. Mais c'était méconnaître l'interprétation qu’en fait la Cour de cassation retenant de longue date que la créance doit être déterminée « en vertu des seules stipulations du contrat » [2]. Le rapport fût-il direct avec le contrat, est insuffisant pour faire de la créance une créance ayant une cause contractuelle au sens de l’article 1405, 1°.
Est-ce à dire qu’une créance de réparation locative échappera nécessairement au champ d’application de l’injonction de payer ? [3] Oui s’il y a lieu à fixation puisqu’alors la créance n’aura pas découlé directement des stipulations du contrat. Dans le cas contraire, la solution inverse sera retenue. La Cour de cassation a d’ailleurs déjà eu l’occasion de préciser que la créance procédant de la mise en œuvre d’une clause pénale a bien une cause contractuelle [4].
B. Délai d’opposition – Point de départ – Saisie des rémunérations – Intervention du créancier
Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-15.682, F-B N° Lexbase : A80546BW [5]
Voilà une belle décision nécessitant la mobilisation des régimes de la saisie des rémunérations et de l’injonction de payer. En l’espèce, une ordonnance portant injonction de payer rendue sur requête, avait été signifiée aux débiteurs, puis, après apposition par le greffe de la formule exécutoire le 28 février 2018, les deux significations étaient intervenues par remise de l'acte à l'étude de l'huissier de justice. Le créancier intervint par la suite, au titre de cette ordonnance, à une procédure de saisie des rémunérations engagée par un autre créancier. La répartition a lieu et les débiteurs forment opposition à l’ordonnance portant injonction de payer. Pour la déclarer irrecevable, les juges du fond retiennent que le créancier rapporte la preuve de l'existence d'une mesure rendant indisponibles les biens du débiteur, en l'espèce une saisie des rémunérations, notifiée au débiteur en application de l'article R. 3252-31 du Code du travail N° Lexbase : L1689LSD dès lors que les fonds saisis avaient, à cette date, été répartis au titre de la créance faisant l'objet d'une intervention.
En somme, c’est la date de la mesure qui est prise en compte. Il est vrai qu’en l’absence de signification à personne, l’article 1416 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6356H7K fait courir le délai d’opposition à compter de « la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur ». Le raisonnement mérite quelques éclaircissements car il est possible d’objecter que la saisie s’autorisait d’un autre titre que l’injonction de payer. Le lien entre les deux n’est pas nécessairement évident. Mais l’article R. 3252-31 du Code du travail N° Lexbase : L8789LRX invoqué prévoyait, le texte étant maintenant abrogé, qu’ « après que le juge a vérifié le montant, en principal, intérêts et frais, de la créance nouvelle faisant l'objet d'une intervention à une saisie en cours, le greffier avise le débiteur et les créanciers qui sont parties à la procédure de cette intervention. ». Les débiteurs avaient été informés de l’intervention et du titre qui l’autorisait, à savoir l’injonction de payer. Dès lors, que le délai d’un mois pour y faire opposition avait commencé à courir, pouvait s’envisager.
D'ailleurs ce n’est pas tant le chemin emprunté qui appelle la cassation prononcée, que le manque de précision dans la détermination de la date exacte. La cour d’appel avait en effet considéré que la notification avait eu lieu « au plus tard le 11 octobre 2018 ». Cela était peut-être effectivement le cas, sans pouvoir cependant être vérifié. Ce qui explique une cassation pour manque de base légale et non pour violation de la loi. La deuxième chambre civile reproche au juge du fond d’avoir statué ainsi sans avoir constaté la date à laquelle l'intervention avait été notifiée au débiteur. Or la notification en question devait être faite par voie postale, appelant alors la mise en œuvre de l’article 668 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6845H7N au titre duquel la date d’une telle notification est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. Il fallait donc être plus précis. Cette approche permet de mieux comprendre l’énoncé de la Cour de cassation, à savoir que « le point de départ de l'opposition à une ordonnance portant injonction de payer qui n'a pas été signifiée à personne est, en cas d'intervention d'un créancier à une procédure de saisie des rémunérations, la date de notification de l'intervention au débiteur ». La pleine connaissance du débiteur est ce qui importe et il y lieu de correctement en fixer le moment.
Cela signifie également, et la formule sortie de son contexte pourrait laisser croire l’inverse, que le point de départ de l’opposition à une ordonnance portant injonction de payer qui n’a pas été signifiée à personne n’est pas nécessairement celle de la date de la notification de l’intervention au débiteur à la procédure de saisie des rémunérations. L’information du débiteur point de départ à retenir peut en effet lui être antérieure. Ainsi, si le créancier ayant engagé une mesure d’exécution forcée infructueuse, par exemple sur un compte bancaire insuffisamment alimenté, intervient ultérieurement à une procédure de saisie de rémunérations engagée par un autre créancier, le délai n’aurait pas à courir à compter de la notification de l’intervention, mais bien de celle de la première mesure, soit dans le cas de figure envisagée, la date de la dénonciation de la saisie du compte. Sans être substantiellement modifiée, la solution devra être adaptée au nouveau régime de la saisie des rémunérations prévoyant, sous peine de caducité, la dénonciation de l’intervention au débiteur dans un délai de huit jours à compter des significations prévues aux premiers alinéas de l’article R. 222-17 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2323IT9.
Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-18.166, F-B N° Lexbase : A4419633 [6]
Lorsque la signification de la décision n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable, aux termes de l’article 1416 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6356H7K, jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, « suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur ». En l’espèce, agissant sur le fondement d'une ordonnance portant injonction de payer non signifiée à personne, un créancier a fait pratiquer le 6 avril 2018, une saisie-attribution entre les mains de la banque du débiteur, dénoncée le 13 avril 2018.
Ce dernier forma opposition à l'ordonnance le 27 juillet 2020.
Un juge des contentieux de la protection déclara irrecevable l'opposition formée et confirma l'ordonnance d'injonction de payer, par un jugement du 15 juin 2021 dont le débiteur a relevé appel qui aboutira à une confirmation. C’est ce seul aspect qui conduira à la cassation.
En effet, au soutien de son pourvoi, le demandeur soutenait également la recevabilité de l’opposition au motif que du fait d'un solde inférieur à la somme à caractère alimentaire, laissée à la disposition du débiteur en application de l'article L. 162-2 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5836IRL, au jour où est dressé le procès-verbal de la mesure d'exécution, la saisie‑attribution n'avait pas pu avoir pour effet une indisponibilité et n’avait donc pas pu faire courir le délai d'opposition. Certes, ce texte impose-t-il au tiers saisi de laisser à disposition du débiteur personne physique une somme à caractère alimentaire dans la limite du solde créditeur au jour de la saisie. Celle‑ci n’en est pas moins atteinte dans un premier temps par la saisie. D’ailleurs, c’est bien l’intégralité des sommes qui devra être déclarée au titre de l’article R. 211-20 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2226ITM, sans en déduire le montant insaisissable. Il faut bien cependant reconnaître l’habilité de la démarche : le montant étant insaisissable, la mesure n’a pu la rendre indisponible et partant le délai n’avait pu commencer à courir. Ce d’autant que le débiteur a le droit à une mise à disposition immédiate de cette somme minimale, soit une dérogation à l’indisponibilité. Mais plus que le résultat de la saisie, ce sont ses effets inhérents qui sont à considérer. Au demeurant, techniquement cette mesure n’emporte pas indisponibilité, mais attribution au créancier.
Cela étant, la solution s’explique mieux en contemplation de la logique de l’opposition que du mécanisme de la saisie-attribution. L’alternative consacrée, à savoir une signification à personne ou une première mesure d’exécution, doit conduire au même résultat : la connaissance du débiteur qui pourra alors décider d’agir ou de renoncer. C’est ce qui explique qu’à la question de savoir si le délai pour former opposition à une ordonnance portant injonction de payer qui n'a pas été signifiée à personne partait en cas de saisie‑attribution, du jour de la saisie ou de celui où la saisie a été dénoncée, la Cour de cassation était d’avis, notamment pour respecter les droits de la défense, qu’il courait à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur [7], préconisation qui a depuis été consacrée [8] et qui est régulièrement rappelée. La pleine connaissance du débiteur devrait conduire à retenir la même solution dans tous les cas où une mesure est pratiquée à l’insu du débiteur [9].
L’opposition était donc bien tardive. Toutefois, en confirmant à la fois le jugement qui l’avait déclarée irrecevable et l’ordonnance, les juges d’appel avaient consacré l’excès de pouvoir des premiers juges. Le prononcé de l’irrecevabilité dessaisissait, en effet, le juge qui ne pouvait dès lors s'intéresser au fond. Pour autant, la cassation prononcée n’aura guère profité au débiteur puisqu’elle s’est limitée, de façon heureuse, au seul retranchement du chef de dispositif ayant confirmé l'ordonnance litigieuse.
A. Ordonnance sur requête – Usucapion – Adversaire non déterminable (non)
Cass. civ. 3, 13 mars 2025, n° 24-12.891, FS-B N° Lexbase : A572264P [10]
À la croisée du droit des biens et de la procédure civile, la question de procédure posée trouvera une réponse pleinement convaincante dans le régime du droit substantiel. Il avait été demandé par requête au président d'un tribunal judiciaire de constater l'acquisition, par usucapion, de la propriété de diverses parcelles occupées dont les propriétaires n’étaient pas, selon le demandeur, identifiables en l'absence d'information actualisée détenue par les services chargés de la publicité foncière. En réponse au rejet prononcé, un pourvoi est formé s’appuyant sur un moyen en deux branches dont il est utile de rapporter le contenu.
Selon le demandeur :
En somme, il est notamment reproché de ne pas avoir tenu compte de l’impossibilité d’identifier un défendeur. Il est vrai qu’en une telle hypothèse, l’embarras du demandeur qui souhaite voir reconnaître son droit est compréhensible. Il ne pourrait ni assigner un contradicteur, ni s’abstenir d’en assigner un. Le caractère provisoire de l’ordonnance exclusive de la reconnaissance d’un droit réel immobilier n’appellera pas de réponse de la Cour de cassation qui se limitera à l’impossibilité d’assigner un défendeur. Ce qui autorise à considérer que les caractères propres au droit de propriété étaient indifférents à la résolution de litige à ce stade.
Nul n’ignore les prescriptions de l’article 493 du Code de procédure civile prévoyant le recours à une procédure non contradictoire lorsque « le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». Il faudra bien évidemment établir cette nécessité neutralisant provisoirement le contradictoire. La perspective reste cependant celle d’un contradicteur potentiel déterminé. Qu’en est-il s’il ne l’est pas ? Dans son arrêt Férodo [11], dans un contexte très particulier, la Chambre sociale avait admis l’emprunt de la voie de la procédure sur requête. L’impossibilité de désigner une potentielle partie adverse, ne doit ainsi pas priver un justiciable d’une décision. Or en l’espèce, le requérant rapportait que les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne contenaient aucune mention permettant d'identifier un propriétaire pour les parcelles revendiquées. Ne devait-il pas dès lors être recevable en sa demande ?
Non, répond la Cour de cassation en opérant de façon pédagogique en plusieurs temps. D’abord, elle rappelle le caractère imprescriptible du droit de propriété qui ne s’éteint pas par non‑usage. Donc si un propriétaire est déterminé, son droit toujours existant en fera le contradicteur légitime devant être appelé à l’instance. Ensuite, et c’est le cœur de l’analyse, elle précise le régime juridique idoine : « les articles 539 N° Lexbase : L6689H7U et 713 N° Lexbase : L6862LEU du Code civil ainsi que les articles L. 1122-1 N° Lexbase : L4491IQE et L. 1123-1 N° Lexbase : L1219MLQ et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques organisent la dévolution des biens immobiliers dont les propriétaires sont décédés sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, ainsi que celle des biens sans maître ou présumés sans maître ». Un bien sans maître aura bien un maître in fine. Elle ajoute que l'acquisition par l'État des biens visés aux articles 539 et 713 du Code civil, dans sa version antérieure, pour ce dernier texte, à la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 N° Lexbase : L0835GT4, se produisait de plein droit même en l'absence de toute formalité d'envoi en possession ou de déclaration de vacance (pt. 8). Il en résulte alors de façon fort logique que celui qui se prévaut d'une usucapion oppose toujours son droit à un autre propriétaire. L’absence de mention dans les fiches présentées était impuissante à établir l’absence de partie adverse. Pour finir, elle ajoute que les articles 809 et suivants du Code civil N° Lexbase : L9884HNE permettent à tout intéressé de faire nommer un curateur à succession vacante lorsqu'il ne se présente personne pour réclamer une succession.
Le conclusif pourrait cependant quelque peu étonner. La Cour de cassation y retient en effet l’absence de motif légitime à ne pas appeler d’adversaire, alors que c’est son existence même qui était discutée. Il faut y voir probablement une volonté d’exclure définitivement la voie de la requête, en ce sens que non seulement il y a bien une partie adverse, mais aussi que l’absence de son identification dans les documents établis par le service de la publicité foncière ne constitue pas un motif légitime de ne pas l’appeler. Le demandeur devra bien procéder par voie contradictoire en recherchant son adversaire. L’exclusion déduite ici ne se limite pas pour autant à l’établissement de la propriété par usucapion et s’étend logiquement aux actions confessoires de servitudes notamment, puisque le fonds servant aura lui aussi nécessairement un titulaire.
Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 23-14.133, F-B N° Lexbase : B3032AAK [12]
Pourquoi faire apparaître le référé-rétractation dans cette rubrique et non dans celle consacrée aux référés ? Car s’il emprunte la procédure du référé, il s’inscrit dans la continuité de l’ordonnance sur requête dont il constitue le recours approprié qu’exige l’article 17 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1137H4U et qu’il ne s’exerce pas devant le juge des référés. En dépit de son importance pratique évidente, son régime n’est pas toujours des plus clairs [13], comme en témoigne d’ailleurs l’arrêt sous commentaire.
Il y est rapporté que dans le cadre d’une suspicion de concurrence déloyale, une ordonnance sur requête fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile avait été obtenue du président d’un tribunal de commerce ordonnant des mesures d’instructions in futurum. La suite des « faits et procédure » est déjà plus étonnante : « Par une ordonnance du 12 mai 2022, le juge des référés d'un tribunal de commerce, a débouté la société Ioda Group [qui avait introduit la requête] de sa demande de voir dire caduques les assignations qui avaient engagé l'instance jointe devant lui, dit recevables ces assignations et réduit la portée de la mesure d'instruction ». La question n’était certes pas discutée, il n’est pour autant pas inutile de se souvenir que le juge du référé-rétractation est le seul juge de l’ordonnance sur requête, soit celui des requêtes et non celui des référés [14], même si le juge du référé-rétractation est bien saisi d’un référé [15]. Il convient probablement de comprendre que le juge qui a rejeté la demande de caducité était celui du référé-rétractation. C’est d’ailleurs ce qui résulte de l’énoncé du moyen. À hauteur d’appel, la caducité sollicitée est obtenue, s’ensuit un pourvoi soutenant une fausse application des articles 857 N° Lexbase : L1475I87 et 858 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0834H4N.
Le premier de ces textes prévoit bien en son second alinéa, la remise, sous peine de caducité, de l’assignation au greffe au plus tard huit jours avant l’audience. Il relève cependant de la procédure au fond. Or, une telle exigence ne se retrouve pas aux articles 872 N° Lexbase : L0848H48 à 873-1 N° Lexbase : L0852H4C du même code régissant la procédure de référé devant la juridiction présidentielle du tribunal de commerce. En l’absence de disposition spéciale, c’est le seul droit commun qui devait être mis en œuvre, soit celui applicable devant toutes les juridictions [16]. Et ni l’article 485, ni l’article 486 ne comportent une telle exigence. Rappelant l’inclusion des deux derniers textes dans les dispositions communes à toutes les juridictions, la Cour de cassation en déduit la soumission du référé, et donc du référé‑rétractation, devant le tribunal de commerce aux seules dispositions communes à toutes les juridictions en matière de référé. La caducité, prononcée au titre de dispositions régissant la seule instance au fond, ne pouvait dès lors être encourue.
Rappelons que devant le tribunal judiciaire, la solution inverse s’appliquera puisque l’article 754 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5412L8X prévoyant la caducité faute de remise relève des dispositions communes à toutes les procédures devant cette juridiction [17].
C. Référé‑rétractation – Charge des frais – Partie défenderesse (non)
Cass. civ. 2, 21 novembre 2024, n° 22-16.763, F-B N° Lexbase : A95886HL [18]
Lorsqu’une mesure d’instruction est ordonnée sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3150NAW, la partie adverse est-elle une partie perdante au sens de l’article 696 du même code ? La tentation est grande de répondre par l’affirmative puisque le prononcé de la mesure témoigne de l’inopérance des moyens du contradicteur. Le contraire avait cependant déjà été jugé en matière de référé probatoire au motif, relativement peu éclairant, que la partie défenderesse « ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du Code de procédure civile » [19] . Pourquoi ne peut‑elle l’être ? C’est ce que précise l’arrêt sous commentaire.
Une société, alléguant des pratiques déloyales de deux de ses anciens associés et de la société qu’ils avaient créée, avait obtenu une mesure d’instruction par ordonnance sur requête fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile. Ces derniers déboutés de leur demande en rétractation, interjetèrent appel. Ils se pourvoient ensuite en cassation, reprochant notamment à l’arrêt de confirmer l'ordonnance entreprise qui les avait condamnés solidairement aux dépens de première instance, ainsi qu’à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM, et de les avoir condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer à la partie adverse la somme de 5 000 euros au titre, encore, de l'article 700. Ils soutenaient à cette fin une violation des articles 696 N° Lexbase : L7542LZD et 700.
Le moyen qualifié de pur droit, sera reçu et prospérera. La Cour de cassation pose, au visa des deux textes, un motif ciselé : « la partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction, ordonnée sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, ou demanderesse à la rétractation d'une telle mesure, ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du Code de procédure civile, cette mesure d'instruction n'étant pas destinée à éclairer le juge d'ores et déjà saisi d'un litige mais n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond ». La solution est ainsi bien rattachée à l’application de l’article 145 du Code de procédure civile. Peu importe alors que la mesure ait été obtenue par voie d’ordonnance sur requête ou à l’issue d’un référé probatoire.
La partie adverse, tant en référé probatoire qu’en référé‑rétractation, n’est pas une partie perdante au sens de ces deux textes et n’aura à supporter ni les dépens, ni les frais irrépétibles, en raison de la nature de la mesure obtenue. Celle-ci ne s’inscrit pas dans un litige en cours, même s’il y a bien évidemment un litige. La saisine du juge ne tend en réalité qu’à préparer un éventuel procès qui est bien cela : éventuel ; car le résultat obtenu peut conduire à ne pas l’engager. La mesure aura permis d’évaluer les chances de succès de l’action au fond. Le motif légitime à son obtention avait d’ailleurs été admis lorsqu’elle ne tendait, pour une action en contestation de reconnaissance de paternité, qu’à en évaluer les chances de succès [20]. Il est alors parfaitement cohérent que le demandeur initial en supporte seul la charge.
La construction n’est toutefois achevée que si le perdant au fond ne peut échapper à leur imputation [21]. Or le juge peut le condamner aux frais d’une autre instance, s’il s’agit de « frais relatifs à une instance ayant préparé celle dont le juge est saisi » [22]. Le demandeur initial ne les supportera donc à titre définitif que s’il n’agit pas au fond ou qu’il y perd. Le mécanisme d’ensemble est ainsi bien équilibré.
III. Référés
A. Juge des référés - Devoirs et pouvoirs
Cass. civ. 3, 19 septembre 2024, n° 22-21.831, FS-B N° Lexbase : A97315ZG [23]
Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-12.787, FS-B N° Lexbase : A42270CK [24]
Devoirs – La limite aux pouvoirs du juge des référés qu’est la contestation sérieuse n’est nullement insurmontable, la prévention d’un dommage imminent ou la cessation de l’illicite doivent d’ailleurs le conduire à prononcer les mesures qui s’imposent, à condition de ne pas trancher la contestation sérieuse. Ainsi se comprend l’articulation des anciens articles 808 N° Lexbase : L0695H4I et 809 N° Lexbase : L0696H4K du Code de procédure civile, dont la substance se retrouve aux actuels articles 834 N° Lexbase : L8604LYC et 835 N° Lexbase : L8607LYG du même code. La coordination entre l’exclusion et la marge de manœuvre est assez claire, encore faut-il s’entendre sur ce sur quoi elle porte. De façon utile, un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 19 septembre 2024 vient rappeler qu’il incombe au juge de trancher une contestation sérieuse lorsqu’elle se situe sur le terrain de la recevabilité.
En l’espèce, des lots avaient été confiés par des sociétés, en leur qualité de maître d’ouvrage, notamment à un groupement de deux sociétés avec désignation d’un mandataire commun. Or c’est celle non désignée qui assigna en référé le maître de l’ouvrage. La demande sera rejetée. Le premier moyen du pourvoi appellera une cassation pour chacune de ses branches auxquelles les réponses apportées permettent de correctement appréhender les deux versants que sont, à l’aune de la contestation sérieuse, l’étude de la recevabilité et l’absence de pouvoirs.
D’une part, il est reproché à l’arrêt déféré d’avoir rejeté la demande au motif qu’il existe des contestations sérieuses concernant la « capacité à agir » de la demanderesse, question relevant en réalité de l’intérêt et non de la capacité. Au visa des articles 31 N° Lexbase : L1169H43 et 808 N° Lexbase : L5582LTW du Code de procédure civile dans sa rédaction applicable, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de ces textes que toute personne qui justifie d'un intérêt légitime au succès d'une prétention peut introduire une instance en référé et il appartient au juge des référés de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée d'un prétendu défaut de qualité du demandeur, que la contestation de cette qualité par la partie adverse soit ou non sérieuse. La mention d’un défaut de « qualité » prétendu s’autorise certainement d’un replacement du débat sur son exact terrain qu’est la fin de non-recevoir, alors que la capacité relève des vices de fond. La contestation, même sérieuse, du défaut de qualité, au sens substantiel, de représentant de la demanderesse, n’autorisait pas une économie de l’étude de la recevabilité. Le juge des référés devait se prononcer sans pouvoir se défausser au titre de la contestation.
La solution n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été rappelée dans un arrêt de la troisième chambre civile du 30 janvier 2019 [25], et dégagée par une décision de la Chambre sociale du 22 juin 1993 [26]. Pourquoi alors cette confusion ? Outre la regrettable référence à une « capacité à agir », la chose s’explique probablement par l’effet du mandat conféré, qui sera au demeurant écarté au titre de la deuxième branche du moyen. Le raisonnement des juges du fond était vraisemblablement de considérer que faute d’avoir été désignée comme mandataire, la demanderesse ne pouvait agir, y compris pour son propre compte. Plus exactement, cette faculté aurait été subordonnée à la détermination de l’étendue des pouvoirs de représentation conférés, qui faisait l’objet d’une contestation sérieuse et aurait nécessité de trancher ce point de droit substantiel. Pour autant, la contestation sérieuse obstacle au prononcé d’une mesure fondée sur l’ancien article 808, ne peut glisser au niveau de la recevabilité où elle n’est nullement prévue. C’est dès lors le droit commun qui s’applique, faisant obligation au juge, fût-il des référés, de se prononcer.
D’autre part, la « capacité à agir » va à nouveau être mobilisée par les juges du fond au titre cette fois de l’existence d’une contestation sérieuse, pour refuser l’octroi d’une provision sollicitée par application de l’ancien article 809, alinéa 2 du Code de procédure civile. Ce raisonnement sera également censuré. Les conseillers d’appel avaient considéré, à tort, que la nature conjointe ou solidaire de l’engagement des créancières nécessitait, tout comme la délimitation des pouvoirs du mandataire, de se prononcer au fond. L’interprétation des accords conclus aurait nécessité une interprétation caractérisant une contestation sérieuse fondant un non-lieu à référé. L’existence de la créance n’était pourtant pas sérieusement contestable. En effet, la désignation d’un mandataire ne prive pas le représenté de son droit d’agir. Or, que le groupement soit conjoint ou solidaire, une créance existait bien, seule son étendue pouvait être discutée et non son existence : la demanderesse devait se limiter à la créance des travaux par elle réalisée en cas d’engagement conjoint et pouvait étendre sa demande au paiement du solde global si le groupement était solidaire. La nature de l’engagement était ainsi indifférente à l’octroi d’une provision.
Pouvoirs – L’importante solution consacrée par la deuxième chambre civile après avis de la troisième, intéressera en premier les spécialistes du droit de l’urbanisme. Elle ouvre cependant des perspectives qui méritent que l’on s’y attarde. Dans cet arrêt du 27 mars 2025, se posait la question de l’autorisation d’une partie à exécuter à la place et aux frais de l’auteur d’un trouble manifestement illicite. Il est permis de rapidement évacuer le second aspect : l'exécution forcée d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'ayant lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, le juge des référés ne peut ordonner, sauf disposition légale contraire, que celle-ci aura lieu aux risques du bénéficiaire des travaux irréguliers.
Pour ce qui est de la faculté de substitution, il est nécessaire de replacer la question dans son contexte. En l’espèce, une commune reprochant à un administré de contrevenir aux dispositions du PLU, l’assigna devant le juge des référés d'un tribunal judiciaire afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 835 du Code de procédure civile, l'arrêt des travaux en cours et la remise en état de la parcelle.
Le juge des référés, considérant que la violation évidente des règles d'urbanisme et l'absence de remise en état, malgré mise en demeure, caractérisaient un trouble manifestement illicite par l'atteinte portée à un milieu naturel protégé, a ordonné, sous astreinte, l’interruption des travaux en cours et de procéder à la remise en état de la parcelle et, à défaut d'exécution dans le délai imparti, a autorisé la commune à procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire.
Le contradicteur releva appel de la décision. La cour d’appel infirma l'ordonnance déférée en ce qu'elle autorise la commune à procéder aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire, a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande et a confirmé la décision pour le surplus. Pourvoi est alors formé qui conduira à la transmission pour avis à la troisième chambre civile de cette question : « « Le juge des référés, qui, saisi par une commune sur le fondement de l'article 835 du Code de procédure civile, constate un trouble manifestement illicite du fait de travaux réalisés en violation des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU), et ordonne au bénéficiaire de ces travaux de les interrompre et de remettre les lieux en état, peut-il autoriser la commune, à défaut d'exécution de la remise en état, à y procéder d'office aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ? ».
Ici, le recours à l’article 835 du Code de procédure civile s’imposait en l’absence de texte spécifique. En effet, comme le relève Monsieur le haut conseiller Brillet dans son rapport [27], l’existence de telles dispositions permettant à la commune d’agir sans autorisation judiciaire préalable, rend le recours au juge des référés inutile. Ce n’est qu’en leur absence que la question de savoir si ce juge peut tirer de l’article 835 du Code de procédure civile le pouvoir d’autoriser une substitution se pose. L’opportunité d’une telle modalité assurant l’effectivité de la décision est difficilement discutable. Toutefois, les particularismes de la matière appelaient une vérification préalable. Certes, l’article L. 480-9 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L5014LUA prévoit-il que « si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n'est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol ». Mais le jugement dont il est question s’entend de celui rendu au titre des dispositions qui précédent ce texte, visant le seul juge pénal. Par ailleurs, le pouvoir d’y procéder d’office signifie que le remplacement n’aura pas été ordonné. La réponse à la question posée, ne pouvait donc y être trouvée.
La Cour de cassation, va lui fournir une assise dans une approche globale, en articulant les différents textes. Elle rappelle à ce titre l’article L. 480-9 du Code de l’urbanisme, mais aussi les prescriptions des articles L. 480-14 et L. 481-1, IV, dernier alinéa du même code pour poser qu’il en résulte qu'en conférant à l'autorité spécialement chargée de veiller au respect des règles d'urbanisme la possibilité de procéder, elle-même, à la remise en état ou à la démolition, lorsque l'intéressé ne s'est pas exécuté à l'expiration du délai qui lui avait été imparti, le législateur a entendu assurer, sous le contrôle du juge, l'effectivité et la rapidité des mesures, judiciairement ordonnées, propres à faire cesser l'atteinte constatée aux règles d'urbanisme.
Du contrôle a posteriori au prononcé a priori, il n’y a qu’un pas qui est franchi, à juste titre nous semble-t-il. Le juge des référés peut donc l’ordonner. Le contraire en cas de trouble manifestement illicite, porterait atteinte, selon la Cour, à l'objectif d'intérêt général de respect effectif des prescriptions d'urbanisme.
La solution est susceptible de deux lectures, l’une minimaliste et l’autre maximaliste. La première s’autorise des précautions prises en rattachant ce pouvoir aux principes régissant le droit de l’urbanisme. La Cour ne s’est en effet pas contentée du seul visa de l’article 835 ; ce qui aurait manifestement consacré une solution générale. Pourtant, il reste permis de considérer que la substitution pourra être ordonnée en dehors de ce cas. Il peut même être soutenu que non seulement elle pourrait l’être, mais qu’elle devra l’être lorsqu’elle constituera la mesure adaptée, soit la mesure nécessaire au sens de l’article 484 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6598H7I. Une telle mesure suppose pour reprendre la formule d’André Perdriau « qu'elle soit adaptée au but recherché et qu'elle n'aille pas au-delà » [28]. Nécessaire et proportionnée, il s’agira de la mesure idoine que doit ordonner le juge, y compris s’il s’agit d’un remplacement. Un tel pouvoir ne constituerait que la mise en œuvre des textes de droit commun et se trouverait subordonné à une double proportionnalité de la mesure : constituer par sa nature la réponse adaptée [29] et ne pas porter atteinte par ses effets à un droit fondamental [30]. L’exposé du régime du droit de l’urbanisme signifierait alors bien autre chose que la délimitation de ce pouvoir. Il s’agirait plutôt de faire entendre que même dans ce cadre très particulier, ce pouvoir, en ce qu’il est général, est de mise. Dans les situations qui s’y prêtent, le plaideur aura donc tout intérêt à demander face à un débiteur récalcitrant ou à une urgence, que l’exécution puisse être assurée par le créancier, ce cependant, à ses risques et périls.
B. Juge des référés (oui) – Juge de la mise en état (non) – Différence d’objet (oui)
Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-19.719, F-B N° Lexbase : A51936QE [31]
À compter de sa désignation et jusqu’à son dessaisissement le juge de la mise en état est seul compétent, notamment pour « ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ». Le lecteur aura reconnu la lettre de l’article 789, 4° du Code de procédure civile. Or les mêmes pouvoirs sont reconnus au juge des référés. La concurrence est perceptible, alors qu’elle n’existe pas. Il n’y a en effet pas lieu à une saisine de l’un ou de l’autre au gré de l’humeur du requérant. Ce sera l’un ou l’autre car un seul pouvait connaître de la demande. Il faudra vérifier le moment de la désignation et celle du dessaisissement du juge de la mise en état pour correctement s’orienter. Reste-t-il possible de saisir le juge des référés alors que celui de la mise en état a été désigné ? La deuxième chambre civile avait déjà eu l’occasion de l’admettre car la compétence du juge de la mise en état ne constitue pas un obstacle à une mesure d’instruction in futurum, sauf évidemment si l’instance au fond porte sur le même litige à la date de saisine du juge du provisoire [32]. La solution peut être étendue et la recevabilité d’une demande de provision devant le juge des référés au titre d’un litige distinct de celui soumis au juge du fond, n’appelle aucune réserve.
Qu’en est-il si les demandes procèdent du même litige ? La formulation quelque peu absolutiste du texte de l’article 789 pourrait conduire à exclure le recours au juge des référés. Telle a été la lecture des juges du fond dans l’arrêt censuré par la deuxième chambre civile. Deux personnes avaient acquis des parcelles ayant par la suite fait l’objet d’une préemption d’une SAFER. Les premiers saisissent le juge du fond en contestation de ce droit. Pour sa part, la seconde va se tourner vers le juge des référés afin de voir ordonner sous astreinte la libération des parcelles occupées. Le juge dit n’y avoir lieu à référé, suivi en cela par la cour d’appel. Au soutien de la cassation sollicitée est avancé un moyen utile à rapporter, en ce qu’il permet de mieux circonscrire la réponse qui lui sera apportée. Il est soutenu en substance que le juge de la mise en état ne dispose d'une compétence exclusive qu'au regard de l'objet du litige dont est saisi au fond le tribunal. Ce qui est exact, et il sera revenu sur ce volet. Conséquemment, en retenant que le juge des référés était incompétent en raison de la désignation d'un juge de la mise en état dans le cadre de l'instance au fond engagée aux fins de contestation de l'exercice du droit de de préemption, quand la demande de la SAFER, tendant à l'expulsion d’occupants qui exploitaient lesdites parcelles sans droit ni titre, n'avait pas le même objet que celle dont était saisi au fond le tribunal, la cour d'appel aurait violé l'article 789 du Code de procédure civile.
Au visa de ce texte dont elle rappelle la lettre, la Cour de cassation répond que « la désignation du juge de la mise en état dans une instance, en application de ce texte, ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés afin de statuer sur un litige lorsque l'objet de ce litige est différent de celui dont est saisi la juridiction du fond ». Le critère de répartition est donc l’objet du litige. Ce qui peut appeler deux lectures au moins, de la solution. La première, quelque peu maximaliste, conduit à s’attacher à la différence objective des objets en présence [33]. D’une part, une demande concernant la propriété, et d’autre part, une autre relative à un trouble de la possession. Indiscutable, la distinction pourrait, si elle était mal comprise, nourrir l’idée d’une répartition matérielle. Une seconde lecture s’autorisant d’une décision antérieure de la Cour de cassation peut être proposée. Elle a notre préférence, d’autant qu’en définitive les deux approches se rejoignent.
Dans un arrêt en date du 15 juin 2017 [34] honorée d’une diffusion maximale, la troisième chambre civile s’était déjà prononcée sur cette question. Le demandeur soutenait notamment que la seule question à se poser était celle de « l’aptitude » du juge de la mise en état de prononcer la mesure sollicitée devant le juge des référés. Dès lors qu’il aurait pu le faire, il restait seul compétent. À ce titre, il reprochait au juge du fond de s’être intéressé aux objets des demandes. La réponse, éclairante, apportée était que si les litiges avaient la même origine, leur objet était différent et que, si la demanderesse évoquait au fond la publication de la sommation, elle n'en tirait aucun droit particulier. Aussi la cour d'appel avait exactement déduit de ces seuls motifs que le juge des référés était compétent en dépit de la saisine du juge de la mise en état.
Articulé avec la solution consacrée par la deuxième chambre civile, l’ensemble prend tout son sens. Les objets doivent être différents, la chose est entendue, et il ne suffit pas que le juge du fond soit saisi d’une question proche pour exclure la compétence du juge des référés. En l’espèce, pour une raison que l’on ignore, la SAFER n’avait pas demandé reconventionnellement l’expulsion des acquéreurs. Certes, le débat portait sur la propriété et la conséquence de la reconnaissance de l’efficacité du droit de préemption aurait dû conduire à l’expulsion. Mais si elle n’avait pas été demandée, elle n’entrait pas dans l’objet du litige déterminé par les prétentions respectives des parties. Il en résulte de façon parfaitement logique que le juge de la mise en état, ne pouvait connaître d’une telle demande. Il ne saurait en effet connaître de questions qui échappent au juge du fond. Chargé de la mise en état, le périmètre de sa connaissance du litige ne peut être plus large que l’affaire qu’il met en état [35].
Ainsi, les questions posées relevaient bien l’une de la propriété et l’autre de la jouissance paisible. Cela n’était néanmoins pas figé. Dit autrement, il faudra vérifier ce qui aura été soumis au fond avec la possibilité d’une extension autorisant la saisine du juge de la mise en état probablement préférable à une multiplication des procédures. Même s’il est vrai que la différence de régime des recours ouverts contre les décisions des juges de la mise en état et des référés pourrait nourrir l’éclatement. Quel épilogue pour cette affaire ? La SAFER pourra saisir le juge des référés pour se heurter à l’existence d’une contestation sérieuse. L’occupation a bien lieu au titre d’une acquisition, non remise en cause, antérieure à la préemption, qui n’a rien d’illicite et le dommage imminent résultant d’une exploitation est particulièrement hypothétique. Faudrait-il étendre l’objet du litige pour se tourner vers le juge de la mise en état ? Il est tout aussi douteux qu’il puisse ordonner l’expulsion de propriétaires qui n’ont rien d’occupant sans droit ni titre, comme mesure provisoire d’un litige portant sur la validité de la préemption. En toutes hypothèses, l’affaire ayant été introduite au fond en 2021, les parties auront probablement obtenu une décision au fond avant que ne soit rendu cet arrêt…
C. Renvoi au fond (« passerelle ») à hauteur d’appel (non)
Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-23.483, F-B N° Lexbase : A42190CA [36]
Dans un litige portant sur la remise en état d’un ouvrage, une ordonnance du juge des référés condamnant une partie et son assureur fut rendue. Appel est interjeté, la cour reconnaissant l’existence d’une contestation sérieuse ordonna le renvoi en formation collégiale pour qu’il soit statué au fond sur le fondement de l’article 837 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9158LTD. La décision de renvoi fera l’objet d’un pourvoi dont la recevabilité sera discutée sur un point technique tenant à sa nature qui ne sera qu’évoqué ici. Sur la possibilité pour le juge d’appel de mettre en œuvre la faculté offerte par l’article 837, sans surprise, la réponse est négative.
S’agissant de la recevabilité, le défendeur considérait que la décision de renvoi s'analysant en une mesure d'administration judiciaire, n'est pas susceptible de recours, même pour excès de pouvoir. Pour répondre il fallait s’interroger sur la nature même de cette décision : mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours, acte juridictionnel exposé aux recours ou encore acte hybride dont cette nature n’exclurait pas une remise en cause ultérieure [37]. La cour s’abstient de trancher le débat et préfère aborder la question sous un autre angle. Au titre d’une motivation enrichie, elle rappelle l’admission de la recevabilité du pourvoi contre les décisions rendues en référé dès lors que le juge épuise sa saisine et qu’il ne reste saisi d’aucune demande distincte de la mesure d’instruction ou de la mesure provisoire qu’il ordonne (pt. 8) [38]. Or la cour d’appel avait bien épuisé sa saisine en rejetant la demande pour contestation sérieuse et en ordonnant le renvoi. Le caractère hybride ne semble, en effet, pas faire obstacle à la recevabilité du recours. Vient le tour de la recevabilité du moyen qui aurait été nouveau et incompatible avec la position adoptée devant les juges du fond. L’argument est rapidement balayé. Le moyen est qualifié de pur droit en ce qu’il n’appelle l’appréciation d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, et il n'est pas incompatible avec l'argumentation développée antérieurement.
Sur le pouvoir du juge d’appel d’user du renvoi au fond, l’arrêt déféré l’avait retenu au titre de l’article 837 du Code de procédure civile. Pourtant ce texte relevant des seules dispositions particulières au tribunal judiciaire ne prévoit cette possibilité qu’en cas d’urgence et à la demande d’une partie adressée soit au président du tribunal judiciaire soit au juge des contentieux de la protection saisi en référé. La cassation pour violation de la loi pouvait alors difficilement être évitée. Est-ce à dire que la passerelle n’a pas droit de cité en appel ? Certes, il y a l’argument de texte. Elle n’est prévue qu’en première instance et les dispositions qui la régissent sont sans application en appel. Il eût été assez difficile, sans être impossible, d’en étendre le champ d’application alors que ce pouvoir est clairement réservé. Il ne faut cependant pas oublier que la technique avait prospéré bien avant sa consécration textuelle [39]. L’inapplication de l’article 857 ne signifie pas nécessairement l’impossibilité de renvoyer. Reste à savoir alors si la Cour de cassation l’admettrait. Il est vrai que cela conduirait au sacrifice d’un degré de juridiction [40]. Mais l’exercice de cette faculté reste subordonné à la caractérisation d’une urgence et il est refusé à la cour d’appel de renvoyer au fond devant les juges de première instance [41], la passerelle pourrait ainsi mieux valoir que l’impasse.
Cass. com., 19 mars 2025, n° 22-24.761, F-B N° Lexbase : A501768C [42]
Lorsque l’affaire, à la demande d’une des parties et si l’urgence le justifie, est renvoyée par le juge des référés à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond, l’objet du litige est-il définitivement figé ? Sous l’empire d’anciens textes, il avait été jugé que oui [43]. À juste titre, la Chambre commerciale, puisqu’il s’était agi de l’application de l’article 813-1 du Code de procédure civile, considère que non. Dans ce litige, était également posée une question de prescription qui fera l’objet d’une substitution de motif. Plus intéressante, surtout dans le cadre de cette chronique, était la deuxième branche du premier moyen selon laquelle l’ordonnance du juge des référés renvoyant au fond détermine l'objet du litige dont le tribunal se trouve saisi. Par conséquent, ce dernier ne peut connaître des demandes non visées dans l'ordonnance qui n'auraient pas été préalablement soumises au juge des référés, puisqu'il n'en est pas saisi. n poussant la logique à l'extrême, on en viendrait à admettre que le juge du fond ne connaîtrait pas du fond car le juge des référés n’aurait pu le faire. Le renvoi pourrait se réduire à la correction d’une erreur d’aiguillage et les situations urgentes qui gagneraient à recevoir une décision au fond en bénéficiant de la fixation d’une date normalement prochaine seraient nécessairement exclues du bénéfice du mécanisme. D’une certaine façon, c’est la continuation du même litige devant un autre juge qui est défendue. Ce qui sans être totalement faux, n’est pas non plus parfaitement vrai. Puisqu’il y a renvoi, c’est bien ce dont a été saisi le juge des référés, à tort ou à raison, qui sera soumis au juge du fond. Pour autant, l’objet n’est pas immuable. Comme l’écrivait il y a des années déjà le professeur Roger Perrot « C'est désormais un procès ordinaire devant le juge du principal qui prend le relais, et rien dès lors ne saurait interdire aux parties d'élargir leurs prétentions initiales, en formant une demande incidente (additionnelle, reconventionnelle ou en intervention forcée), dans toute la mesure où une demande de cette nature est recevable en cours d'instance, c'est-à-dire si elle présente un lien suffisant avec la demande initiale qui avait été formée en référé. On ne comprendrait pas pourquoi le fait que la juridiction du fond a été saisie par le jeu d'une passerelle consécutive à un référé pourrait faire obstacle à une évolution du litige, comme dans tout procès ordinaire. » [44].
La préconisation est entendue. En effet, au titre des articles 4 N° Lexbase : L1113H4Y et 70 N° Lexbase : L1285H4D du Code de procédure civile, l'objet du litige, déterminé par les prétentions respectives des parties, peut être modifié par des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles, lorsque celles‑ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. C’est ce que rappelle ici la Cour de cassation. Or, aucun texte spécial ne vient déroger à ces principes généraux. Conséquemment, les parties peuvent présenter devant le juge du fond de telles demandes qui n'avaient pas été présentées devant le juge des référés. Ce qui vaut au titre de l’article 873-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0852H4C mis en œuvre, s’applique à l’identique dans tous les autres cas où le renvoi au fond est prévu en première instance par l’un des nombreux textes qui le régissent, conduisant à relever que si la passerelle n’est pas de droit commun, elle est bien, selon la belle formule de Monsieur Barba [45], de « droit partagé ».
 
[1] Not. D. actualité, 4 avril 2025, obs. J.‑D. Barbier et S. Valade ; Loyers et copr., 1er juin 2025, n° 6, « Bail commercial - Un semestre de baux commerciaux . - Janvier – mai 2025 », n° 18, obs. A. Lecourt.
[2] V. par ex., Cass. civ. 2, 20 mars 1985, n° 84-10.246 N° Lexbase : A2917AAB ; Cass. civ. 2, 8 février 1989, n° 87-20.264 N° Lexbase : A9035AAU.
[3] Dans le sens de l’affirmative, v. J.‑D. Barbier et S. Valade préc..
[4] Cass. civ. 2, 8 février 1989 préc. énonçant qu’ « en matière contractuelle la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat, y compris, le cas échéant, la clause pénale ».
[5] Not. Ph. Casson, Un an… de procédure d’injonction de payer (mars 2024-mars 2025), Procédures, mai 2025, n° 5, chron. 4, n° 6 ; R. Laher, Procédures, janv. 2025, n° 1, comm. 6 ; Lexbase éd. Privée, 14 nov. 2024, obs. Y. Ratineau N° Lexbase : N0933B3X ; D. actualité, 18 nov. 2024, obs. K. Castanier.
[6] Not., JCP G, 2025, act. 359, obs. Ph. Casson ; Procédures, mai 2025, n° 5, comm. 114, obs. R. Laher.
[7] Cass. avis, 16 septembre 2002, n° 02-00.003 N° Lexbase : A7546CHX, not. RTD civ., 2003. 142, obs. R. Perrot.
[8] V. Cass. civ. 2, 11 décembre 2008, n° 08-10.141, FS-P+B N° Lexbase : A7285EBG, PB, not. D., 2009. 759, obs. J.‑M. Sommer ; Procédures, mars 2009, n° 3, comm. 71, obs. R. Perrot.
[9] Dans le même sens, v. R. Perrot préc..
[10] Not. JCP N, 23 mai 2025, n° 21, comm. F. Vern ; JCP G, 23 juin 2025, n° 25, act. 779, obs. M. Hoyer.
[11] Cass. soc., 17 mai 1977, n° 75-11.474 N° Lexbase : A9650AAN, PB, not. JCP G, 1978, II. 18.992, note Y. Desdevises ; RTD civ., 1978. 602, obs. J. Normand.
[12] Not. D. actualité, 12 juin 2025, obs. R. Raine ; Procédure, 1er juin 2025, n° 7, comm. 171, obs. S. Amrani Mekki.
[13] Sur l’ensemble de la question, v. not., Le référé rétractation Mécanisme juridique insolite ?, dir. S. Pierre‑Maurice, Mare & Martin 2025, et plus particulièrement les propos introductifs d’Yves Strickler, p. 13, et la contribution de Nicolas Cayrol : « originalités du référé rétractation ? », p. 73.
[14] V. par ex. Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-11.323, F-P+B+I N° Lexbase : A05473M9, not. D. actualité, 11 juin 2020, obs. G. Sansone ; D., 2021. 543, obs. N. Fricero, qui rejette les pouvoirs du juge des référés saisi reconventionnellement : « Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci. Ayant constaté que le juge des référés avait été saisi par la société Vivauto d'une demande de mainlevée du séquestre des documents appréhendés en exécution de l'ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2017 et que la société DLH avait formé, à titre reconventionnel, une demande en rétractation de cette ordonnance, la cour d'appel en a exactement déduit que cette demande formée devant un juge, qui n'était pas le juge des requêtes, était irrecevable ».
[15] Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 20-21.925, F-B N° Lexbase : A27717R3, not. D. actualité, 21 avr. 2022, note N. Hoffschir ; RTD civ., 2022. 971, obs. N. Cayrol.
[16] Le référé-rétractation est soumis aux règles du référé. V. sur la question not. Ph. Hoonakker, Ordonnances sur requête, in Droit et pratique de la procédure civile- Droit interne et européen 2024-2025, dir. S. Guinchard, Dalloz action, 11e éd., spéc. n° 435.94, p. 1351.
[17] Pour un exposé détaillé, v. R. Raine préc..
[18] Not. RTD civ., 2025. 155, obs. Ph. Théry.
[19] V. Cass. civ. 2, 10 février 2011, n° 10-11.774, F-P+B N° Lexbase : A7345GWX.
[20] Cass. civ. 1, 4 mai 1994, n° 92-17.911, not. D., 1994. 545, note J. Massip ; D., 1995. 113, obs. F. Granet‑Lambrechts ; RTD civ., 1994. 575, obs. J. Hauser ; JCP G, 1995. I. 3813, n° 10, obs. S. Bernigaud.
[21] Pour un développement sur cet aspect, v. Ph. Théry préc..
[22] V., Cass. civ. 3, 17 mars 2004, n° 00-22.522, F-P+B N° Lexbase : A5897DBZ ; Cass. civ. 2, 28 mai 2003, n° 01-12.612, F-P+B N° Lexbase : A6750CK9, Gaz. Pal., 7-8 avr. 2004, p. 17, obs. E. du Rusquec.
[23] Not. D. actualité, 10 oct. 2024, obs. A. Jeannerod ; Lexbase Affaires, déc. 2024, n° 818, obs. S. Hazoug N° Lexbase : N1300B3K.
[24] Not. Procédures, juin 2025, n° 6, comm. 142, obs. S. Amarani Mekki ; JCP G, 16 juin 2025, n° 24, act. 737, obs. Y. Strickler.
[25] Cass. civ. 3, 30 janvier 2019, n° 17-27.528, F-D N° Lexbase : A9755YUT.
[26] Cass. soc., 22 juin 1993, n° 91-40736 N° Lexbase : A6670ABN.
[27] Disponible sur le site de la Cour de cassation, spéc. p. 10 et s..
[28] A. Perdriau, Le contrôle de la Cour de cassation en matière de référé, JCP, 1988. I. 3365, n° 32. V. également, N. Cayrol, Le contrôle de proportionnalité des mesures conservatoires et de remise en état ordonnées en référé, RTD civ., 2016, 449.
[29] V. par ex. Cass. civ. 3, 15 février 2018, n° 16-17.759, F-P+B N° Lexbase : A7651XDQ.
[30] V. par ex. Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 19-10.375, FS-P+B+I N° Lexbase : A17463BB, not. Constr.-Urb. 2020, comm. 37, note P. Cornille ; RTD civ., 2020, 428, note (crit.) W. Dross.
[31] Not., D. actualité, 30 janv. 2025, obs. R. Raine ; D., 2025. 110, obs. N. Fricero ; Procédures, mars 2025, n° 3, comm. 52, obs. R. Laffly ; RTD civ., 2025, 159, obs. N. Cayrol.
[32] Pour le juge des requêtes, v. Cass. civ. 2, 30 septembre 2021, n° 19-26.018, F-B N° Lexbase : A046548Q, not. Procédures, déc. 2021, n°12, comm. 316, obs. Y. Strickler ; JCP G, 18 oct. 2021, n° 42, act. 1085, obs. D. Cholet.
[33] Pour un exposé détaillé, v. N. Cayrol, préc..
[34] Cass. civ. 3, 15 juin 2017, n° 16-12.817, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6829WHE.
[35] Dans le même sens, R. Raine préc..
[36] Not., D. actualités, 9 avr. 2025, obs. M. Barba ; Procédures, juin 2025, n° 6, comm. 141, note S. Amrani Mekki.
[37] Pour une analyse détaillée de cet aspect v. M. Barba préc. et réf. citées.
[38] V. Cass. mixte, 7 mai 1982, n° 79-11.814 N° Lexbase : A4594CGA et 79-12.006 N° Lexbase : A4596CGC.
[39] Sur l’évolution, v. J.‑B. Racine, La technique de la “passerelle” en droit judiciaire privé, in Mélanges Julien, Edilaix 2003, p. 354.
[40] En ce sens, Mme Amrani Mekki et M. Barba préc..
[41] Cass. civ. 3, 8 octobre 2003, n° 02-10.708, FS-P+B N° Lexbase : A7202C9M, not. JCP G, 2004. I. 133, obs. L. Cadiet ; RDI, 2004, 124, obs. Ph. Malinvaud. Mais là aussi, c’est l’application d’un texte réservé au tribunal de grande instance alors qui est refusé, la cour avait pris soin de le préciser sans énoncer d’interdiction générale : « Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'une partie ne pouvait demander au juge d'appel, sur le fondement de l'article 811 du nouveau Code de procédure civile, de saisir directement le juge du premier degré, la cour d'appel, par ce seul motif, a légalement justifié sa décision ».
[42] Not., D. actualité, 26 mars 2025, obs. M. Barba.
[43] V. par ex., Cass. civ. 2, 7 décembre 2000, n° 98-16.399 N° Lexbase : A5500AWM et la note de M. Croze, JCP G, 14 févr. 2001, n° 25, II. 10474. L’auteur y rappelle que « [cette solution] était admise quand l'autorisation d'assigner à jour fixe était donnée par voie de requête. Dans ce cas, en effet, le demandeur ou l'appelant doit joindre ses conclusions sur le fond à la requête (NCPC, art. 788 et 918) et il ne peut plus en déposer d'autres contenant des prétentions ou moyens non inclus dans la requête, sauf pour répondre à l'argumentation adverse (Cass. civ. 2, 10 décembre 1986, Bull. civ. II, n° 187 ; Gaz. Pal., 1987, 2, p. 537, note E. du Rusquec ; RTD civ., 1987, p. 407, obs. R. Perrot ; - 26 nov. 1990, Bull. civ. II, n° 248 ; RTD civ., 1991, p. 406, obs. R. Perrot) ou pour soulever une fin de non-recevoir (qui n'est pas une défense au fond : Cass. civ. 2, 26 juin 1996, Procédures, 1996, comm. n° 249, obs. R. Perrot) ».
[44] R. Perrot, Référé. La “passerelle” : le demandeur est-il prisonnier de sa demande en référé ?, RTD civ., 2001, 209, obs. sur Cass. civ. 2, 7 décembre 2000 préc..
[45] D. actualité, 26 mars 2025 préc..
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Réf. : Décret n° 2025-619 du 8 juillet 2025 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile N° Lexbase : L3039NAS
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par Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, directeur scientifique de l’ouvrage Lexbase « Procédure civile »
Le 07 Octobre 2025
Mots-clés : mesures d’instruction in futurum • communication électronique • procédure orale • Magicobus II • procédure orale
Le décret « Magicobus II » s’intègre dans la nouvelle politique de la Chancellerie qui consiste à réformer régulièrement la procédure civile par petites touches pour corriger en temps réels les difficultés rencontrées par les professionnels. Ce nouveau texte aborde longuement la question de la numérisation des procédures et de la communication électronique. Il précise et modifie les règles de compétences pour les mesures d’instruction in futurum et il redéfinit à la marge les règles communes applicables aux procédures orales.
La méthode dite « Magicobus » est désormais bien connue des spécialistes de la procédure civile. Initiée en 2024 avec le décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 (dit "Magicobus I") N° Lexbase : L8086MXR, elle traduit la mise en œuvre d’une politique de la Chancellerie qui consiste à réformer la matière au fil de l’eau, en tenant compte des demandes des praticiens (magistrats, greffiers, avocats, etc.). Le nouveau décret n° 2025-619 suit cette ambition politique en opérant des modifications d’ampleur variable. Ce faisant, on constate que derrière l’objectif affiché de simplification de la procédure civile, s’opèrent des choix qui consistent à simplifier le travail au sein des juridictions, tout en alourdissant la charge supportée par les parties et leurs avocats. Ainsi, la simplification de produit pas d’effet universel. L’allégement obtenu d’un côté de la barre ne profite pas toujours à ceux qui se trouvent de l’autre côté.
Pour la grande majorité de ses dispositions, le décret est entré en vigueur le 1er septembre 2025. Certaines dispositions nécessitant des adaptations techniques, leur application a été reportée dans le temps, comme nous le verrons plus loin. Le décret, dont la compréhension est ardue, est complété par une circulaire très pédagogique dont la lecture s’avère indispensable pour saisir la portée de la réforme [1].
Du point de vue du droit commun procédural, le décret s’attaque à trois questions sensibles : la dématérialisation des procédures, la procédure orale et les mesures d’instruction in futurum. De façon plus pointilliste, le texte aborde certains aspects des procédures spéciales (appel, recours en révision, saisine pour avis, procédures sociales, etc.). Cette étude se concentre sur les trois volets majeurs de la réforme et mentionne plus rapidement les autres modifications.
I. La dématérialisation des procédures civiles
La numérisation de la procédure civile avance à petits pas et les progrès techniques - sur les réseaux de communication ou sur les plateformes - doivent être complétés par un cadre juridique qui sécurise les procédures et assure leur régularité. C’est l’ambition du décret, qui vise à ouvrir plus généralement le recours à la numérisation des actes de procédure et à la communication électronique entre les acteurs.
Consentement à la communication électronique
Le principe du consentement à la communication électronique existe depuis l’origine de ce procédé (CPC, 748-2 N° Lexbase : L3235NA3) [2]. Ce consentement a toujours posé des difficultés pratiques, de sorte qu’une présomption de consentement a été instituée. Cette présomption a concerné en premier lieu les avocats, lorsqu’ils adhèrent au RPVA, et progressivement à d’autres professions (commissaires de justice). Désormais, l’article 748-2 s’applique à tous les auxiliaires de justice, dès lors que ces derniers adhèrent à un dispositif de communication électronique fixé par arrêté. Cette modification permet notamment d’étendre la présomption de consentement aux experts judiciaires qui communiquent via la plateforme OPALEXE.
L’autre extension concerne les justiciables qui consentent à la communication électronique lorsqu’ils utilisent certaines applications accessibles via le « portail du justiciable ». Actuellement, un régime dérogatoire est prévu à l’article 748-8 CPC N° Lexbase : L1416I8X pour ceux qui utilisent ce portail. Ce régime dérogatoire va progressivement disparaître et l’utilisation du portail du justiciable se verra appliquer les dispositions communes de la communication électronique. Concrètement, cette évolution va se produire en deux temps. À partir du 1er novembre 2025, le justiciable qui déposera une requête numérique sur ce portail ou qui consultera l’espace relatif à son instance consentira automatiquement et de façon irrévocable à la communication électronique (CPC, art. 748-2 al. 3). La circulaire précise que ce consentement vaut pour une instance, mais qu’il ne s’étend pas aux instances qui naissent de l’exercice d’une voie de recours (notamment l’appel et l’opposition). Dans un second temps, le régime dérogatoire du portail du justiciable sera supprimé. Cette échéance se produira avec la publication d’un arrêté du garde des Sceaux, au plus tard le 30 juin 2029. Ce report d’entrée en vigueur est justifié par le fait que le portail du justiciable ne permet de délivrer que les avis, convocations et récépissés lorsque le Code de procédure civile prévoit qu’ils leur sont adressés par le greffe « par tous moyens ». Dans l’avenir, la Chancellerie envisage de communiquer aux justiciables les décisions civiles nativement numériques via le portail du justiciable et d’alléger ainsi la procédure de notification. L’ambition est donc de faire de ce portail un dispositif sécurisé d’échange direct avec les justiciables.
Fonctionnement de la procédure dématérialisée
La dématérialisation de la procédure facilite le stockage des actes et des dossiers de la procédure. Ainsi, les décisions nativement numériques [3] peuvent être conservées dans un minutier électronique qui se déploie progressivement au sein des juridictions [4].
S’agissant de l’échange des documents, dans le nouveau droit de la communication électronique (CPC, art. 748-3 N° Lexbase : L1183LQU) l’avis électronique de réception et l’avis électronique de mise à disposition font l’objet d’un régime commun. Ces deux procédés établissent la preuve d’une communication électronique depuis une plateforme ou sur un réseau pour tous les envois, remises et notifications d’actes. La circulaire précise ainsi que delà du RPVA, l’équivalence entre ces deux types d’avis permet de transmettre des décisions de justice par l’intermédiaire des plateformes (et notamment le portail du justiciable). À l’avenir, les décisions de justice signées électroniquement pourront ainsi être stockées dans le minutier électronique et être mises à disposition sur le portail des justiciables. L’avis électronique de mise à disposition sera communiqué au destinataire et vaudra preuve de la communication de l’acte [5].
C’est dans ce même esprit que l’article 676 CPC N° Lexbase : L3234NAZ est modifié pour alléger le travail du greffe au moment de la notification d’une décision de justice en format numérique. Dans le régime ancien, le greffe devait établir une copie certifiée conforme de la décision de justice numérique avant de procéder à sa notification. Désormais, cet article prévoit que lorsque le jugement est établi numériquement en application de l'article 456 CPC N° Lexbase : L3154NA3, sa notification peut être faite par la transmission d'un exemplaire dont la signature électronique est valide. Cette signature valide doit prendre la forme d’une signature dite « qualifiée » au sens du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique N° Lexbase : L9036LGR. La signature qualifiée est le plus haut degré de sécurité. Le respect de cette norme technique permet notamment d’établir une présomption de fiabilité du procédé de signature. Concrètement, une fois que la décision de justice est signée électroniquement, le greffe est dispensé de l’étape de certification. Il doit simplement procéder à sa notification par la transmission par voie électronique d’un exemplaire de la décision. Si le jugement doit être signifié, il est prévu que le commissaire de justice édite une copie du jugement sur support papier (CPC, art. 653 N° Lexbase : L4834IST). Avec le décret « Magicobus II », c’est lui qui dispose de la compétence pour certifier conforme de cette copie papier, préalablement à sa signification. Le procédé de certification de la copie papier est ainsi externalisé vers les commissaires de justice.
La dématérialisation concerne également le dossier de la procédure. Cette dématérialisation a déjà été prévue réglementairement depuis le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005. Elle concerne à la fois le répertoire général, le dossier et le registre (CPC, art. 729-1 N° Lexbase : L6936H7Z). Toutefois, l’adoption de ce texte n’a pas été suivie de sa mise en œuvre, de sorte que la gestion électronique des documents est encore au stade de l’expérimentation. Le nouvel article 729-1 al. 2 CPC accompagne ce passage au « tout numérique » en permettant au greffier de procéder à des opérations de numérisation ou, à l’inverse, de matérialisation des pièces du dossier et en certifiant leur conformité aux originaux [6]. Lorsque les pièces sont numérisées, leur support papier est alors restitué aux parties. La conservation sous forme numérique des pièces du dossier présente de nombreux avantages, et notamment celui mentionné dans la circulaire, qui concerne la transmission du dossier entre juridictions, par exemple, lorsqu’une décision d’incompétence est rendue ou lors de l’exercice d’une voie de recours.
La réglementation technique de la procédure numérique
Depuis leur création, la communication électronique et la numérisation des actes suscitent une inflation normative qui prend la forme d’arrêtés dits « techniques ». Pour se déployer, la procédure numérique doit répondre à des normes techniques de sécurité qui sont précisées dans de multiples arrêtés, propres à chaque juridiction. Cette réglementation est généralement très abstraite, et comporte pas, voire peu de normes juridiques [7]. Cette sécurisation juridique des « dispositifs de communication électronique » change totalement de modèle avec le décret. L’article 748-6 N° Lexbase : L1184LQW prévoit à présent qu’un arrêté du garde des Sceaux fixe une liste des dispositifs auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications [8]. C’est donc un modèle d’agrément de chaque dispositif technique qui est adopté, contrairement au modèle antérieur qui concernait chaque juridiction. L’agrément du garde des Sceaux nécessite au préalable que le responsable du traitement justifie de sa conformité aux dispositions du Code relatives à la communication électronique. Concrètement, les normes techniques ne vont pas changer, mais d’un point de vue réglementaire, seule la liste contenue dans l’arrêté ministériel devra être actualisée lorsqu’un nouveau dispositif sera opérationnel. Le processus de certification réglementaire est ainsi simplifié.
En définitive, ces nombreuses modifications juridiques annoncent de véritables changements procéduraux, et permettent d’espérer une plus grande fluidité dans la gestion des procédures. La numérisation concerne le stockage des actes et pièces, la communication entre les acteurs du système judiciaire, et elle doit également profiter aux parties qui se défendent seules ou qui souhaitent suivre leur procédure en ligne grâce au portail du justiciable.
II. La clarification partielle des procédures « mixtes orale/écrite » et « orale sans audience »
La procédure orale se décline différemment devant le tribunal judiciaire et les juridictions spécialisées, mais un droit commun a été instauré en 2010 (CPC, art. 446-1 et suiv. N° Lexbase : L1138INH). Ces dispositions aménagent une procédure mixte, à la fois orale et écrite, qui peut être utilisée de façon graduelle en combinant plusieurs mécanismes. À côté de ces dispositions communes cohabite une procédure spéciale dite « sans audience », applicable uniquement devant le tribunal judiciaire qui permet aux parties de basculer dans une procédure entièrement écrite, alors même que les caractéristiques de l’affaire la destinent à une procédure orale (CPC, art. 828 et suiv. LXB=L9960HN9]).
La distinction entre la procédure mixte orale/écrite et la procédure sans audience n’a pas toujours été explicite. Il semblerait qu’en pratique, la concurrence entre ces deux procédures ait conduit à une très faible utilisation de la procédure sans audience, plus formelle et donc plus lourde (elle nécessite l’accord de toutes les parties). Le décret « Magicobus » tente de clarifier les caractéristiques de ces deux procédures pour mieux les distinguer.
Le régime de la procédure mixte orale/écrite est composé de plusieurs couches qui peuvent se combiner entre elles :
1/ les parties peuvent demander à être dispensées de se présenter à l’audience. Elles formulent alors leurs prétentions et moyens par écrit, même si elles ne sont pas représentées ou assistées par un avocat ;
2/ le juge peut organiser les échanges (écritures, pièces) entre les parties, sous la forme d’un calendrier de procédure ;
3/ les parties assistées ou représentées par un avocat peuvent être contraintes de formuler leurs prétentions et moyens en suivant le formalisme de la procédure écrite (conclusions qualificatives et récapitulatives, structurées en distinguant les moyens et les prétentions au sein de motifs et d’un dispositif, numérotation des pièces assorties d’un bordereau annexé).
4/ lorsque les parties ne sont pas toutes assistées ou représentées par un avocat, elles peuvent donner leur accord pour que leurs écritures soient récapitulatives.
Ce système est relativement complexe, puisqu’il est nécessaire de distinguer les situations dans lesquelles les parties sont assistées, représentées, ou se défendent seules. Il faut encore dissocier les situations dans lesquelles les parties sont contraintes - par le code ou par le juge – à respecter certaines formes ou à réaliser certaines diligences, et les situations dans lesquelles elles doivent donner leur accord.
Le décret apporte plusieurs modifications de forme et de fond à ce régime. Sur la forme, le texte distingue d’abord en deux articles nouveaux (CPC, art. 446-2-1 N° Lexbase : L3152NAY et 446-2-1 N° Lexbase : L3152NAY) la situation dans laquelle les parties sont toutes représentées ou assistées par un avocat et celle dans laquelle une partie au moins ne l’est pas.
- Dans la première hypothèse, si les parties ont toutes opté pour la procédure mixte orale/écrite, elles sont soumises au même formalisme que celui de la procédure écrite ordinaire devant le TJ.
- Dans la seconde hypothèse, le formalisme disparaît. Il n’est plus question d’écritures structurées (motif/dispositif), de conclusions qualificatives (formulation des prétentions, des moyens et indication des pièces), ou encore du bordereau de communication de pièces. En revanche, les parties non assistées ou représentées par un avocat peuvent accepter le régime des conclusions récapitulatives, de sorte que le juge n’est saisi que du dernier jeu d’écritures.
La clarification des deux régimes n’est que partielle et le texte reste bien mal rédigé. Par exemple, en cas de situation complexe, avec des parties représentées et d’autres qui se défendent seules, on ne sait pas si les avocats représentants sont soumis automatiquement aux conclusions récapitulatives, voire qualificatives et structurées. En revanche, la circulaire précise que la création de deux nouveaux articles, autonomes vis-à-vis de l’article 446-2, permet de recourir au formalisme des écritures, indépendamment du calendrier de procédure. Formalisme et calendrier forment ainsi des couches distinctes de la procédure mixte orale/écrite. Ces couches peuvent se combiner, mais cela n’est pas automatique.
Une autre modification a son importance. Elle porte cette fois sur l’article 446-2 CPC qui concerne le calendrier de procédure. Désormais, le juge peut fixer les délais du calendrier après avoir simplement recueilli l’avis des parties (inchangé). Il peut également imposer les conditions de communications des prétentions, moyens et pièces des parties assistées ou représentées par un avocat (nouveauté). Seules les parties non assistées ou représentées par avocats doivent donner leur accord sur les modalités des échanges (inchangé). Le changement est ici modeste et on imagine volontiers que le juge pourra imposer aux avocats un mode de communication via le RPVA, ce qui ne devrait pas poser de difficulté majeure.
Une dernière modification attire l’attention. Les trois articles que nous venons d’évoquer [9] débutent par la formule « lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure ». Cette formule paraît sibylline, mais la circulaire insiste sur ce point, notamment pour souligner le changement introduit dans le même temps à l’article 828 CPC. Cette disposition concerne la procédure sans audience dans le cadre de la procédure orale devant le tribunal judiciaire. Nous l’avons dit plus haut, cette procédure sans audience est une procédure purement écrite [10]. Son régime renvoie aux articles 446-2-1 et 446-2-2 CPC. Toutefois, la procédure sans audience peut débuter « à tout moment de la procédure » (CPC, art. 828). Dès lors, le décret a ajouté que les deux dispositions relatives au formalisme des écritures s’appliquent à la procédure sans audience « sans condition de renvoi des débats à une audience ultérieure ». La modification semble s’imposer, puisqu’en procédure sans audience, il ne peut y avoir d’audience ultérieure.
Toutefois, en toile de fond, une question importante n’a pas été tranchée par le décret « Magicobus II ». En évoquant le renvoi à une audience ultérieure, les articles 446-2 et suivants suggèrent l’idée que les parties doivent se présenter à une première audience afin d’être autorisées à échanger par écrit en vue des audiences ultérieures. Cette règle de la « première présentation » n’est inscrite nulle part. Pourtant, elle permettrait de distinguer utilement la procédure mixte orale/écrite, qui débute par une audience de présentation (ou d’orientation) et peut s’achever par une audience de plaidoirie, et la procédure sans audience, qui peut évincer toute audience. La réalité est plus complexe. D’une part, la disposition clé n’a pas été modifiée par le décret « Magicobus ». Il s’agit de l’article 446-1 qui prévoit que les parties peuvent être dispensées par le juge de se présenter à l’audience. Cette disposition ne précise pas si la dispense de présentation doit être sollicitée lors d’une première audience (de présentation) ou si elle peut être formulée par écrit. La cohérence voudrait qu’en procédure sans audience, la demande puisse être formulée simplement par écrit alors qu’en procédure orale ordinaire elles doivent être présentées oralement lors de la première audience. Toutefois la procédure sans audience est trop formaliste. Elle nécessite l’accord de toutes les parties et du juge. À l’inverse, en procédure orale ordinaire, la dispense de présentation peut concerner qu’une seule partie et le Code de procédure civile ne définit pas son formalisme. Dès lors, en pratique, certaines parties à une procédure orale ne se présentent jamais devant le juge et se contentent d’envoyer des écritures et des pièces au greffe de la juridiction. Cette pratique - qui est documentée même dans la presse généraliste - laisse perplexe [11].
Le droit commun de la procédure orale conserve sa part de mystère et le décret « Magicobus II » est passé à côté d’une occasion de réécrire ce régime plus en profondeur pour le clarifier. Il est probable que la procédure sans audience ne présente pas un réel intérêt par rapport à la procédure mixte orale/écrite, et il serait préférable d’assouplir cette dernière procédure, d’un côté en autorisant les parties à être dispensées de présentation à tout moment de la procédure (et donc avant la première audience). Cela permettrait à une partie de saisir le juge par simple envoi de ses écritures, pièce et dépôt du dossier, alors même que son adversaire pourrait choisir de se présenter et de plaider sa cause. Il serait également opportun de créer deux régimes nettement distincts pour les parties représentées ou assistées d’un avocat (des écritures formalisées) et celles qui ne le sont pas (des écritures informelles).
III. La redéfinition de la compétence territoriale pour les mesures d’instruction in futurum
Il s’agit là d’une question qui a donné lieu à un important débat en amont de la publication du décret. Ce débat trouve son origine dans une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation selon laquelle le juge compétent pour ordonner une mesure d’instruction est, soit le président de la juridiction appelée à connaître d'un litige éventuel sur le fond, soit celui de la juridiction du lieu où doit être exécutée la mesure demandée [12].
Cette option de compétence, avantageuse pour le demandeur, a posé une difficulté pratique dans les litiges portant sur des biens immobiliers (sinistres, vices de construction, etc.). Nombre de ces litiges impliquent de grandes entreprises et leurs assureurs, dont les sièges sociaux, ou ceux de leurs avocats, sont situés dans la région parisienne. En application de l’option de compétence, le tribunal judiciaire de Paris a été saisi d’un nombre croissant de demandes visant à ordonner des mesures d’instruction sur l’ensemble du territoire français. À plusieurs reprises, au cours de l’année 2024, le cette juridiction a adopté une position contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation [13]. Cette position audacieuse était soutenue par des arguments convaincants. Ainsi, le juge qui ordonne l’expertise est chargé de son contrôle, ce qui justifie le besoin de proximité avec le lieu de la mesure. De plus, la désignation d’un expert local réduit le coût de la mesure et renforce la confiance dans la connaissance que l’expert peut avoir du contexte local. Enfin, une grande distance entre le juge et le lieu de l’immeuble rend plus difficile un transport sur les lieux et la recherche d’une solution amiable avec les parties. En définitive, en matière immobilière, l’option de compétence est peu rationnelle et difficilement compatible avec la nature de la mesure d’instruction, puisqu’il est toujours nécessaire de se rendre sur place pour constater les désordres.
Dans un communiqué de presse [14], le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris a pris position contre la jurisprudence du tribunal judiciaire parisien. Les avocats ont soulevé plusieurs arguments rhétoriques (Paris est une place du droit, le procès civil est la chose des parties), mais ils ont également mis en avant un argument économique : lorsque les parties sont domiciliées à Paris, ainsi que leurs avocats, elles doivent avoir recours à un avocat postulant pour les représenter devant le juge du lieu de l’immeuble. Cela accroît le coût de leur action.
Dans un arrêt qui a également donné lieu à un communiqué de presse [15], la cour d’appel de Paris a contredit la position adoptée par le tribunal judiciaire et elle a fait une application stricte de l’option de compétence instaurée par la Cour de cassation.
Une telle difficulté pratique devait être tranchée par la Chancellerie et le décret « Magicobus » lui en donne l’occasion. L’article 145 CPC N° Lexbase : L1497H49 est augmenté de deux alinéas. L’alinéa 2 consacre la position de la Cour de cassation et l’option de compétence entre la juridiction susceptible de connaître l’affaire au fond et celle du ressort dans laquelle la mesure doit être exécutée. Toutefois, l’alinéa 3 institue une dérogation lorsque la mesure porte sur un immeuble. La juridiction compétence est alors exclusivement celle du lieu où l’immeuble est situé. Le décret consacre donc dans le même temps le principe posé par la Cour de cassation et sa dérogation dans le contentieux immobilier, inspirée par la position du tribunal judiciaire de Paris.
La solution est équilibrée, mais encore une fois, on regrette que la méthode « Magicobus » passe à côté de l’essentiel. En effet, le régime des mesures d’instruction in futurum est l’un des plus complexes que connaît la procédure civile. Il donne lieu à un contentieux très volumineux devant la Cour de cassation. Pourtant, l’article 145 CPC ne comportait jusque-là, qu’un seul alinéa. À l’inverse, son régime jurisprudentiel est touffu et peu lisible. Réforme après réforme, la Chancellerie passe à côté de l’article 145 sans y apporter l’attention nécessaire. Brutalement, à l’occasion d’une fronde du tribunal parisien, cette disposition est gonflée de deux alinéas, qui traitent uniquement de la question de la compétence, alors que bien d’autres sujets posent des difficultés. C’est toute la difficulté de cette méthode de réforme par petites touches, souvent dénoncée, car elle manque de recul et d’une vision d’ensemble [16].
IV. Les modifications ponctuelles dans les procédures spéciales.
Les autres dispositions du décret « Magicobus » modifient de façon ponctuelle certaines procédures spéciales. Nous les mentionnons rapidement.
La suppression de l’intervention des parquets dans la procédure de changement de nom
Jusqu’à présent, le changement de nom en marge de l’acte d’état civil nécessitait une réquisition du procureur de la République. Cette formalité est supprimée de sorte que c’est désormais l’officier d’état civil qui opère la modification « au vu d'une ampliation du décret autorisant le changement de nom » (décret n° 94-52 du 20 janvier 1994, art. 7 nouveau).
Appel d’un jugement statuant sur un recours en révision
L’article 600 CPC N° Lexbase : L8424IUK est complété par un alinéa qui prévoit expressément l’hypothèse de l’appel du jugement statuant sur un recours en révision. Si le recours a été formé par voie de citation, il incombe alors à l’appelant de dénoncer sa déclaration d'appel au ministère public. Cette formalité était déjà prévue à l’égard du demandeur en première instance. Elle est répliquée en appel. Le non-respect est sanctionné par l’irrecevabilité du recours.
Le transfert des compétences du premier président de la cour d’appel à la formation collégiale
Un article 959-1 N° Lexbase : L3160NAB est inséré dans le Code de procédure civile [17] pour permettre au premier président de la cour d’appel de renvoyer une affaire qui relève de sa compétence devant la formation collégiale de la cour. Selon la circulaire, il s’agit de transférer à la cour des dossiers complexes ou sensibles. Elle précise également que, si les parties sont avisées par tout moyen du renvoi, ces dernières ne disposent pas du droit de solliciter ce renvoi. Le mécanisme du renvoi est uniquement à la discrétion du premier président.
Compétence de la Cour d’appel Paris en matière d’arbitrage international
En matière d’arbitrage international, les recours contre les sentences arbitrales rendues en France ont été concentrés devant la cour d’appel de Paris par la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 N° Lexbase : L7624MRS. Par voie de conséquence, l’article 1519 - qui prévoyait à l’origine la compétence de la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue - est modifié. La disposition prévoit désormais une compétence exclusive de la cour d’appel de Paris.
Modifications en matière sociale
Deux modifications procédurales sont apportées par le décret.
En premier lieu, la compétence du tribunal judiciaire pour connaître des contestations relatives à la désignation des délégués syndicaux et des représentants syndicaux est étendue à la catégorie des représentants de proximités.
En second lieu, le décret actualise des dispositions relatives à la procédure de contestation relative à la consultation des salariés sur les accords d’entreprise, notamment pour que les règles de la procédure orale leur soient appliquées.
Saisine pour avis de la Cour de cassation
L’article 1031-2 CPC N° Lexbase : L3803LD9 prévoyait que la décision sollicitant l’avis de la Cour de cassation était notifiée aux parties. Désormais, les parties sont simplement « informées de cette décision et de la date de transmission du dossier par tout moyen ».
[1] Circulaire de présentation du décret n° 2025-619 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile, CIV/07/2025, N°NOR : JUSC2520030C N° Lexbase : L4018NA3.
[2] Sauf dans les hypothèses où la communication électronique est obligatoire, c’est-à-dire dans les procédures écrites (et à jour fixe) devant le tribunal judiciaire, la cour d’appel et la Cour de cassation.
[3] CPC, art. 456 N° Lexbase : L3154NA3 : ces décisions sont signées numériquement.
[4] Arrêté du 18 mars 2024 autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Minutier électronique civil » N° Lexbase : L4001M7C.
[5] Dès lors que le destinataire a consenti à cette forme de communication.
[6] La circulaire indique que la certification aura lieu par l’apposition de la signature électronique du greffier.
[7] Nous renvoyons toutefois à l’article des Corinne Bléry et Noëmie Reichling, qui montrent que certaines dispositions de ces arrêtés créent des droits pour les parties, lesquels risquent de disparaître, C. Bléry, N. Reichling, Magicobus 2 : le retour de la procédure civile « magique », Gaz. Pal., n° 25, 22 juill. 2025.
[8] Arrêté du 29 août 2025 fixant la liste des dispositifs de communication électronique auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0289NBC ; Arrêté du 29 août 2025 modifiant l'arrêté du 24 octobre 2019 relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via la plateforme sécurisée d'échange de fichiers « PLINE » et « PLEX » N° Lexbase : L0266NBH et l'arrêté du 24 octobre 2019 autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données personnelles dénommé « PLINE » et « PLEX » N° Lexbase : L1455M7Z.
[9] CPC, art. 446-2, 446-2-1 et 446-2-2.
[10] Elle a été créée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice à l’article 212-5-1 COJ N° Lexbase : L6740LPC.
[11] On en trouve une intéressante illustration dans un article publié par le Monde, R. Rivais, Quand le loueur de voitures vous facture une prétendue égratignure, 25 août 2025.
[12] Le premier arrêt référencé par la circulaire est ancien : Cass. civ. 2, 17 juin 1998, n° 95-10.563 N° Lexbase : A5066ACM.
[13] Sur cet historique, cf. V.-O. Dervieux, La proximité au cœur du décret « Magicobus 2 » portant réforme de la procédure civile, Actu Juridique Lextenso, 15 juill. 2025 ; O. Dufour, Magicobus 2 réécrit l’article 145 du CPC et entérine la jurisprudence du Tribunal de Paris, Actu Juridique Lextenso, 17 avr. 2025.
[14] Communiqué du barreau de Paris suite aux décisions du tribunal judiciaire de Paris, 25 juin 2024. https://www.avocatparis.org/conseil-de-l-ordre/communique-du-barreau-de-paris-suite-aux-decisions-du-tribunal-judiciaire-de
[15] Communiqué de presse, 24 octobre 2024, https://www.cours-appel.justice.fr/sites/default/files/2024-10/CP_CA_PARIS_24_10_24_art_145.pdf
[16] Voir la position réitérée de Corinne Blery sur ce sujet, in C. Bléry, N. Reichling, Magicobus 2 : le retour de la procédure civile « magique », Gaz. Pal., N° 25, 22 juill. 2025.
[17] Un chapitre « disposition commune » est créé pour accueillir cet article.
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 10 Octobre 2025
L’actualité en procédure civile a été chargée du mois de juillet au mois d’août 2025. Afin de rester à la page, nous vous proposons de revenir sur les nouveautés estivales.
1. La nouvelle procédure de saisie des rémunérations du travail est entrée en vigueur
Le décret n° 2025-125 du 12 février 2025 N° Lexbase : L2044MYD, a instauré une nouvelle procédure de saisie des rémunérations du travail, dite « déjudiciarisée ». Conformément à l’article 6 de ce décret, cette nouvelle procédure est entrée en vigueur le 1er juillet 2025. À compter de cette date, il n’est plus nécessaire d’introduire une requête auprès du juge de l’exécution du domicile du débiteur. Le créancier peut directement faire appel au service d’un commissaire de justice répartiteur.
2. Magicobus II est arrivé !
Le 8 juillet 2025, la Chancellerie a publié le décret n° 2025-619, portant diverses mesures de simplification de la procédure civile N° Lexbase : L3039NAS. Ce décret appartient à la famille des décrets dits « magicobus ». L’une des mesures importantes de ce décret réside dans la réforme de l’article 145 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1497H49. Cette dernière apporte des précisions quant à la juridiction territorialement compétente pour statuer sur des mesures d’instruction qui portent notamment sur des immeubles. Par principe ce décret entre en vigueur le 1er septembre 2025 et il est applicable aux instances en cours. Toutefois, plusieurs exceptions, que nous avons évoquées dans une précédente brève (cf brève du 10 juillet 2025 N° Lexbase : N2646B3E), s’appliquent pour cette date d’entrée en vigueur. La vigilance est de mise ! Pour de plus amples informations sur ce décret, une circulaire de présentation n°CIV/07/2025 du 10 juillet 2025 a été publiée le 16 juillet 2025 au JORF.
3. Précisions sur les actions de groupes
1. Pris en application de l’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 N° Lexbase : L4775M9Q, le décret n° 2025-653 du 16 juillet 2025 N° Lexbase : L4160NAC précise les tribunaux judiciaires compétents pour connaître des actions de groupe.
2. Ensuite, le décret n° 2025-734 du 30 juillet 2025 N° Lexbase : L6897NAP achève la réforme de l’action de groupe, en réalisant les adaptations manquantes dans le Code de procédure civile.
3. Enfin, la réforme de l’action de groupe issue de l’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 N° Lexbase : L4775M9Q, et ses décrets d’application n° 2025-653 du 16 juillet 2025 N° Lexbase : L4160NAC et n° 2025-734 du 30 juillet 2025 N° Lexbase : L6897NAP, ont fait l’objet d’une circulaire de présentation n° CIV/09/2025 du 1er août 2025 et publiée au JORF du 5 août 2025.
4. Nouvelles réformes des MARD
Les modes amiables de résolution des différends ont fait l’objet d’une réforme par un décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 N° Lexbase : L4870NAM. Sans être exhaustif, l’une des mesures importantes de ce décret est que la mise en état conventionnelle devient le principe, et la mise en état judiciaire l’exception. Conformément à son article 25, ce décret entre en vigueur le 1er septembre 2025 et il est applicable aux instances en cours à cette date. À noter que ce décret a reçu quelques modifications de formes par un décret rectificatif publié au JORF du 23 août 2025.
5. Réforme de la procédure applicable au contentieux aérien
Par un décret n° 2025-772 du 5 août 2025 N° Lexbase : L7820NAU, un préalable amiable obligatoire est instauré pour les actions relatives au contentieux de l’indemnisation des passagers d’un vol. Ce texte prévoit que l’assignation qui est délivrée, par le ou les passagers d’un vol, doit être précédée d’une tentative de médiation devant un médiateur de la consommation. L’article 2 de ce décret prévoit que cette réforme entre en vigueur, dans un délai de 6 mois à compter de sa publication au JORF.
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Réf. : Cass. civ. 2, 4 septembre 2025, n° 22-17.437, FS-B N° Lexbase : B1277BNM
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de la communication des pièces par le cotisant (V. Cass. civ. 2, 7 janvier 2021, n° 19-19.395, n° 19-20.035 N° Lexbase : A88374BW). Elle considère que ce dernier ne peut pas produire pour la première fois devant le juge, une pièce que l’URSSAF a expressément demandée lors du contrôle ou de la phase contradictoire.
Faits et procédure. L’URSSAF a procédé au contrôle de l’association [3], sur la période du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2010. À la suite de ce contrôle, l’organisme a adressé une lettre d’observation au cotisant, suivie d’une mise en demeure. Au sein de ces documents, l’URSSAF décide de redresser l’association [3], au titre du régime de retraite par raccordement pour la période 2008-2010, n’ayant pas versé de contributions patronales pour financer ce régime au cours de cette période. Par la suite, l’association [3] a formulé un recours gracieux devant la commission de recours amiable. Lors de ce recours, l’association [3] produit pour la première fois, une attestation par laquelle l’assureur certifie ne pas avoir perçu de contributions de la cotisante pour le financement de ce régime de retraite. La communication de cette pièce avait été sollicitée au cours du contrôle et de la phase contradictoire. Ensuite, le cotisant décide de formuler un recours devant le pôle social d’un tribunal judiciaire. Un jugement est rendu, puis un appel est interjeté devant la cour d’appel de Lyon, qui statue sur ce recours dans un arrêt du 12 avril 2022 (CA Lyon, 12 avril 2022, n° 19/04412 N° Lexbase : A36347TR). Par la suite, l’association [3] décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de valider le chef de redressement, relatif aux cotisations et contributions dues sur la participation patronale aux régimes de retraite supplémentaire. Au soutien de son pourvoi, l’association [3] affirme notamment qu’en vertu de l’article 563 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6716H7U un cotisant est recevable à invoquer tout moyen, en produisant au besoin des pièces nouvelles à hauteur d’appel, qui n’ont pas été présentées au cours de la phase de contrôle. Or, pour rejeter l’attestation produite pour la première fois à hauteur d’appel, les juges du fond ont considéré que l’association [3], ne démontre pas qu’elle n’était pas matériellement en mesure de produire ce document dans la durée du contrôle. De ce fait, les juges lyonnais ont considéré que cette pièce n’a pas été communiquée en temps utile. En statuant ainsi, l’association [3] considère que les juges lyonnais ont violé les articles 563 du Code de procédure civile et R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4373MHG.
Solution. La Cour de cassation rejette l’argumentation de l’association [3]. Tout d’abord, la Cour rappelle notamment la lettre de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR. Ensuite, la Cour affirme que le cotisant ne peut produire pour la première fois devant le juge, une pièce qui lui a été expressément demandée par l’organisme de recouvrement lors des opérations de contrôle ou de la phase contradictoire. Par conséquent, la Cour considère que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait de preuve débattus devant la cour d’appel, que cette dernière a considéré que l’attestation n’était pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du redressement.
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Réf. : Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 23-14.491, F-B N° Lexbase : B3410BRQ
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par Bertrand Jost, Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord
Le 16 Octobre 2025
Mots-clés : procédure civile • péremption • procédure orale • diligences • calendrier de procédure
La Cour de cassation rappelle de nouveau le domaine restreint de la péremption d’instance lorsque la procédure est orale, car les parties ne sont en principe tenues d’aucune diligence en amont de l’audience. Est tout de même réservé le pouvoir du juge d’organiser les échanges entre les parties.
1. On le sait, la péremption de l’instance en justifie l’extinction [1] et entraîne un cortège de conséquences regrettables [2]. Il faut y voir l’une des sanctions de la violation du devoir que fait peser sur les parties l’article 2 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1108H4S, aux termes duquel ces dernières « conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent ». Elle est en effet encourue si, pendant deux ans, aucune des parties ne prend « utilement dans le cours de l’instance » la moindre « initiative » manifestant sa « volonté de parvenir à la résolution du litige » [3].
Cependant, il arrive qu’aucune diligence utile ne soit à portée des parties : tel est le cas, par exemple, lorsque l’affaire est en état d’être jugée, que la date d’audience a été fixée et qu’il n’y a plus qu’à attendre - parfois plus de deux ans. La juridiction a alors la main et il revient au juge de « veille[r] au bon déroulement du procès », conformément à l’article 3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1111H4W. Dans un tel cas de figure, on ne saurait reprocher aux parties leur inaction, ce que la Cour de cassation a énoncé en 2004 [4]. En effet, « si de toute manière, [celles-ci] sont impuissantes à faire progresser l’instance par leurs propres moyens parce que ce pouvoir ne leur appartient pas, la péremption d’instance n’a plus de sens » [5] et n’a, partant, pas à être encourue. En toute hypothèse contestable, la solution inverse serait particulièrement inacceptable en l’état actuel du service public de la Justice : premières victimes de l’encombrement des juridictions, les justiciables ne sauraient de surcroît se voir imposer des « gesticulations inutiles » [6] pour éviter que des délais qui ne dépendent pas d’elles entraînent la péremption de leur instance.
2. Se sont ensuite présentées des espèces moins contrastées où, notamment, une date d’audience de plaidoiries avait été déterminée alors que l’affaire n’était pas encore en état d’être jugée. Les parties ne pouvant prétendre à la passivité, le délai de péremption aurait pu très légitimement continuer de courir dans l’intervalle jusqu’à ce que les derniers échanges utiles aient eu lieu ; afin d’éviter une certaine casuistique peut-être, la Cour de cassation a cependant jugé que « le cours du délai de péremption de l'instance est suspendu, en l’absence de possibilité pour les parties d’accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l’instance, à compter de la date de la fixation de l’affaire pour être plaidée » [7]. Si les parties n’accomplissent pas les diligences attendues d’elles pour faire progresser l’instance, elles s’exposent cependant à la radiation de l’affaire (simple mesure d’administration judiciaire [8]), laquelle fera courir un nouveau délai de péremption [9].
3. D’autres questions se sont posées : ainsi, revient-il aux parties de demander au moins une fois la fixation de l’affaire sous peine d’encourir la péremption ? La tendance fut un temps à l’affirmative, les parties étant tenues non seulement d’accomplir les diligences attendues d’elles pour faire progresser l’instance mais, en outre, de solliciter la fixation de l’affaire afin d’accélérer les choses [10] - ce qu’elles ne peuvent plus faire, on l’aura compris, une fois que la date de l’audience a été trouvée [11].
Le mouvement inverse est désormais bien amorcé : les parties ne sont plus tenues de solliciter la fixation de leur affaire pour esquiver la péremption. L’année 2024 a été riche en arrêts manifestant ce revirement, au nom du droit au procès équitable garanti par l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR : ainsi devant les cours d’appel au stade de la mise en état [12] ou in extremis devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT) [13] dont la compétence est désormais transférée à la cour d’appel d’Amiens [14]. La formule est toujours la même : « il ne saurait […] être imposé [aux parties] de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption ». Ainsi, si rien n’interdit aux plaideurs de solliciter la fixation afin de se rappeler au souvenir de la juridiction, ils n’encourent pas la péremption s’ils s’en abstiennent. C’est dire que celle-ci est de moins en moins « un piège facilitant l’épuration des rôles »[15] et que les juridictions en sont responsabilisées [16].
4. Sur tout cela, brochent les particularités de la procédure orale, qui veut que la matière de l’instance soit - en principe - déterminée à l’audience : de façon générale, « les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien » ; elles « peuvent […] se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit » [17]. Dès lors que la tendance est à les libérer de la charge de solliciter la fixation de l’affaire, la seule qui pouvait peser sur elles [18], elles ne sont - en principe - tenues d’aucune diligence en amont des audiences [19]. En bonne logique, il doit s’ensuivre que la péremption n’a - en principe - pas lieu d’être en procédure orale.
Le contentieux de la sécurité sociale en appel a servi, semble-t-il, d’incubateur pour parvenir à cette conclusion : la Cour de cassation avait déjà, au visa de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, énoncé dans deux affaires qu’en « procédure orale, à moins que les parties ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n'ont, dès lors, plus de diligences à accomplir en vue de l'audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe » [20] ; en particulier, elles n’ont pas à solliciter la fixation de l’affaire.
5. La deuxième chambre civile réitère encore dans l’arrêt rendu le 11 septembre 2025 [21]. Les textes mentionnés pour justifier la cassation y sont cependant différents : alors que la Cour de cassation avait auparavant visé (notamment) l’article 946 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8617LYS selon lequel la procédure sans représentation obligatoire devant une cour d’appel « est orale », elle exploite désormais un ensemble de textes un peu plus substantiels, qui mettent en évidence qu’aucune diligence n’est attendue des parties avant l’audience (les articles 446-1 N° Lexbase : L1138INH, 932 N° Lexbase : L1007H43, 936 N° Lexbase : L1428I8E et 937 N° Lexbase : L1431I8I).
La Cour précise de surcroît, ce qui est bienvenu, que « les parties ne sont pas [plus] tenues d’échanger des conclusions avant l’audience des débats » qu’elles ne doivent solliciter la fixation de l’affaire, sauf à ce que « le juge organise les échanges […] conformément à l'article 446-2 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6754LEU » (n° 11). Cette réserve, bien utile, conserve à la péremption un domaine résiduel lorsqu’est mis en place un calendrier de procédure. On ne peut que l’approuver, dès lors que le non-respect des délais impartis par le juge manifeste un certain désintérêt pour l’instance. Au demeurant, cela donne également un aspect contraignant systématique aux échéances : car si, selon l’article 446-2, un défaut de diligence peut entraîner la radiation de l’affaire ou l’irrecevabilité de prétentions, moyens et pièces tardifs, le juge n’a pas le devoir de prononcer de telles sanctions, laissées à sa main [22].
La récente promotion de la mise en état conventionnelle inviterait à considérer que la péremption est également encourue lorsque ce sont les parties ensemble qui ont organisé l’instruction de leur affaire. Cependant, une convention de mise en état simplifiée interrompt la péremption jusqu’au terme prévu ou jusqu’à la reprise de l’instruction judiciaire si elle prévoit des « actes de nature à faire progresser l’instance » [23] ; une convention de procédure participative aux fins de mise en l’état interrompt le délai de péremption jusqu’à son terme [24]. Dès lors, la question est évacuée lorsque les parties parviennent à s’entendre - ce qui manifeste, une fois encore, une certaine faveur (et une faveur certaine) à leur coopération spontanée. Si la convention n’est pas respectée, elle sera résolue et la mise en état judiciaire prendra le relais [25] ; la logique contractuelle prime la logique juridictionnelle.
6. Enfin, même si pour l’instant la question est restée relativement circonscrite au contentieux de la sécurité sociale, l’interprétation faite des textes vaut sans doute pour toutes les procédures orales devant les cours d’appels et la solution, par identité de raisons, doit être étendue aux juridictions de premier degré. Ainsi, que reste-t-il de la péremption dans les instances placées sous le signe de l’oralité ? Tant que le juge n’a pas imposé de diligences préparatoires ou n’a pas radié l’affaire du rôle pour une raison ou pour une autre, rien, de toute évidence.
[1] CPC, art. 385 N° Lexbase : L2273H4X.
[2] Tous les actes de procédure déjà réalisés deviennent inutiles (CPC, art. 389 N° Lexbase : L2282H4B) et les frais en sont mis à la charge du demandeur initial (CPC, art. 393 N° Lexbase : L6494H7N). Si la péremption survient en première instance, elle efface rétroactivement l’interruption de la prescription extinctive à l’égard de toutes les demandes formulées (C. civ., art. 2243 N° Lexbase : L7179IA7) ; si elle est constatée en appel ou sur opposition, elle confère automatiquement à la décision attaquée la force de chose jugée (CPC, art. 390 N° Lexbase : L6491H7K).
[3] Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-20.067, F-D N° Lexbase : A59220DP et n° 22-15.464, FS-B N° Lexbase : A42290CM, D. actu., 15 avril 2025, note R. Raine, JCPG, 2025.652, n° 2, obs. L. Veyre, Procédures 2025/5, comm. n° 108, note R. Laffly, Gaz. Pal., 2025, n° 14, p. 33, obs. S. Amrani-Mekki, Contentieux et recouvrement, n° 10, juillet 2025, obs. B. Jost.
[4] Cass. civ. 2, 12 février 2004, n° 01-17.565, FS-P+B N° Lexbase : A2681DBW, RTD civ., 2004, 347, obs. R. Perrot.
[5] R. Perrot, note préc..
[6] S. Amrani-Mekki, note sous Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882, FP-B N° Lexbase : A441859I, Procédures, 2024/12, comm. n° 270.
[7] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-25.012, F-P+B+I N° Lexbase : A90303CG, JCPG, 2020, 708, n°10, obs. L. Veyre. Contra, toutefois, dans la procédure à bref délai devant la cour d’appel avant la réforme de 2023 (décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023) : Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 20-18.122, F-B N° Lexbase : A90897DY, D. actu., 5 janvier 2022, note N. Hoffschir.
[8] CPC, art. 383.
[9] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-25.012, F-P+B+I N° Lexbase : A90303CG, préc..
[10] Cass. civ. 2, 16 décembre 2016, n° 15-27.917, FS-P+B+I N° Lexbase : A2215SXC, D., 2017, 422, n°12, obs. N. Fricero ; Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 19-21.401, F-P N° Lexbase : A67724MR, p. 337 et 422, D. actu., 27 avril 2021, note C. Bléry.
[11] V. supra, n°2.
[12] Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 21-19.475, FS-B N° Lexbase : A41372SZ n° 21-19.761 N° Lexbase : A41302SR et n° 21-20.719 N° Lexbase : A41312SS, FS-B, D. actu., 20 mars 2024, note M. Barba, JCPG, 2024, 673, n° 2, obs. L. Veyre.
[13] Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882 N° Lexbase : A441859I, D. actu., 6 nov. 2024, note M. Plissonnier, Procédures, 2024/12, comm. n° 270, note S. Amrani-Mekki. À la date de la décision, cette juridiction avait disparu.
[14] COJ, art. D. 311-12 N° Lexbase : L8600LZK.
[15] M. Plissonnier, note préc.
[16] Rappelons, au demeurant, que négliger de juger « les affaires en état et en tour d’être jugées » entraîne la responsabilité de l’État pour déni de justice (COJ, art. L. 141-1 N° Lexbase : L7823HN3 et L. 141-3 N° Lexbase : L4739H9E).
[17] CPC, art. 446-1 N° Lexbase : L1138INH.
[18] Cass. civ. 2, 30 avril 2009, n° 07-16.467, FS-D N° Lexbase : A6439EGL : « la procédure étant orale les parties n’avaient pas d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
[19] CPC, art. 446-2 N° Lexbase : L3151NAX.
[20] Cass. civ. 2, 9 janvier 2025, n° 22-19.501, F-B N° Lexbase : A68016PL ; Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-21.033, F-D N° Lexbase : B2325ABQ.
[21] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 23-14.491, F-B N° Lexbase : B3410BRQ, D. actu., 24 sept. 2025, obs. K. Castanier.
[22] En témoigne l’usage du verbe « pouvoir » aux alinéas 3 et 4 de l’article 446-2 du Code de procédure civile.
[23] CPC, art. 129-3 N° Lexbase : L4706NAK.
[24] CPC, art. 130-3 N° Lexbase : L4712NAR.
[25] Pour les conventions de procédure participative, v. CPC, art. 130-6, 4° N° Lexbase : L4716NAW (la convention « prend fin » en cas d’inexécution par l’une des parties). Pour les conventions de mise en état simples, cela se déduit de l’article 129-2 al. 3 N° Lexbase : L4705NAI, permettant au juge de reprendre d’office l’instruction judiciaire si l’affaire n’est pas mise en état d’être jugée.
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Réf. : Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 22-20.458, F-B N° Lexbase : B3412BRS
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par Gaëlle Deharo, Full Professor – Droit privé ESCE International Business School Omnes Education Research Center CRJP – IRJS Paris 1 Panthéon Sorbonne Abstract
Le 10 Octobre 2025
Mots-clés : principe de concentration • majoration • demande • conclusions • prétention nouvelle
Sauf dans les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 910-4 du Code de procédure civile, lorsqu’une prétention présentée dans les premières conclusions est reprise dans les dernières avec une majoration de son montant, elle n’est recevable qu’à concurrence du montant fixé dans les premières conclusions.
À l’occasion de la liquidation des intérêts patrimoniaux poursuivie dans le cadre d’une procédure en divorce, un tribunal de grande instance avait condamné l’époux à payer une certaine somme à son ex-conjointe. Ce dernier avait interjeté appel de ce jugement mais la cour d’appel avait déclaré sa demande irrecevable. Statuant sous le visa de l’article 910-4 du Code de procédure civile, les juges du fond avaient retenu que « c’est à tort que l’appelant demande à la cour, dans ses dernières conclusions, la condamnation de l’intimée à lui payer une somme [supérieure à celle qui figurait sur ses premières conclusions] qui constitue une demande financière nouvelle » [1].
Un pourvoi fut formé contre cette décision.
La Haute juridiction était ainsi interrogée sur la question de savoir si l’augmentation, dans les dernières conclusions, du montant de la demande initiale constituait une nouvelle demande formulée en appel, ce qui en entraînait l’irrecevabilité, ou une simple augmentation de la demande initiale dont le juge demeurerait alors saisi. Accueillant l’argumentation du pourvoi, la deuxième chambre civile casse la décision de la cour d’appel.
Statuant sous les visas des articles 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 910-4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9354LTM, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse la décision des juges du fond : « sauf dans les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 910-4 du Code de procédure civile, lorsqu’une prétention présentée dans les premières conclusions est reprise dans les dernières avec une majoration de son montant, elle n’est recevable qu’à concurrence du montant fixé dans les premières conclusions » [2].
Alors que les argumentations respectives des juges du fond et de la cour d’appel débattaient de la nature de la demande majorée afin de déterminer si elle constituait, ou non, une nouvelle demande (I), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation prononce une solution équilibrée, accueillant la prétention initialement formée et déclarant irrecevable pour le surplus (II).
I. La majoration de la demande : une prétention nouvelle ?
Inspiré de l’arrêt « Césaréo », l’article 910-4 du Code de procédure civile impose aux parties de présenter, dès les premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Au terme de cet article, « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 N° Lexbase : L7036LEC et 908 N° Lexbase : L7239LET à 910 N° Lexbase : L7239LET, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures ». L’exigence de concentration, qui s’impose à peine d'irrecevabilité, alimente une importante jurisprudence (A) dans laquelle s’inscrit le débat soumis à la Cour de cassation en l’espèce (B).
A. L’application complexe de l’article 910-4 du Code de procédure civile
Le principe de concentration exige que les parties présentent, dès les premières conclusions et à peine d’irrecevabilité, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Toutes les demandes et tous les arguments qu’une partie souhaite faire valoir dans une affaire doivent donc être présentés dès le début du processus judiciaire [3]. En conséquence, si une nouvelle prétention devait ensuite être introduite, celle-ci serait considérée comme irrecevable[4], peu importe qu’elle tende aux mêmes fins que les prétentions initiales [5]. Au-delà de l’apparente simplicité de la formulation, l’application du principe de concentration des demandes ne va pas sans difficulté, alimentant une jurisprudence complexe.
Dans un arrêt du 28 février 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation avait retenu que l’irrecevabilité devait être prononcée lorsque la demande formulée dans les premières conclusions et celle qui était reprise dans les dernières conclusions ne constituent une même prétention [6]. Tirée de l’application de l’article 565 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6718H7X, cette solution simple n’épuise cependant pas les difficultés relatives à l’application de l’article 910-4 du même code.
D’abord parce qu’il convient de déterminer s'il s'agit de prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses [7] ou à faire juger des prétentions nouvelles [8]. À cet égard, la jurisprudence a précisé que, en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse[9]. Elle a encore jugé que la demande d’astreinte, quant à elle, n’étant pas une prétention sur le fond, n’est pas soumise à l’obligation de concentration imposée par l’article 910-4 [10]. En revanche, la demande d’inopposabilité de la décision d’une commission de surendettement constitue une demande au fond qui relève de l’article 910-4 du Code de procédure civile [11]. Enfin, les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond et ne sont donc pas soumises à l’article 910-4 du Code de procédure civile [12].
Ensuite, parce que la jurisprudence rappelle la distinction entre la prétention nouvelle et le moyen nouveau[13]. Si l'article 910-4 du Code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elles développent à l'appui de leurs prétentions [14]. Les parties doivent, en effet, être en mesure de faire évoluer le périmètre de leurs prétentions au gré de l’évolution du litige ou de l’argumentation adverse [15]. Aussi, la jurisprudence souligne que l'article 910-4 ne fait pas obstacle à la présentation d'un moyen nouveau dans des conclusions postérieures [16].
Enfin, parce qu’en cas de renvoi après cassation, l'article 910-4 s'applique devant la cour d'appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l'appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé [17].
C’est toutefois une autre difficulté qui faisait débat en l’espèce : si la demande avait le même objet tendant au partage de l’indivision, c’est le montant de la demande en paiement qui avait été majoré dans les dernières conclusions. La jurisprudence avait déjà eu l’occasion de préciser que la portée d’un appel est déterminée par les conclusions des parties qui peuvent restreindre les prétentions qu’elles soumettent à la cour d’appel [18].
B. La discussion sur le fond : demande financière nouvelle ou simple augmentation du montant de la demande ?
Les juges du fond avaient déclaré irrecevables les demandes de l’appelant en relevant ce dernier avait, dans ses dernières conclusions, majoré par rapport à ses prétentions antérieures, ce qui constituait, selon les juges du fond, des « demandes financières nouvelles » [19]. En l’espèce, la cour d’appel avait retenu que l’appelant n’avait pas repris la demande de condamnation de son épouse dans ses dernières écritures. Elle précisait que les conclusions initiales tendaient à voir condamner celle-ci au paiement de la somme de 6900 euros à l’issue des opérations de liquidation partage n’avaient pas été reprises dans les dernières conclusions qui sollicitaient, quant à elles, le paiement de la somme de 11 453, 91 euros. Les dernières conclusions ne sollicitant pas le même montant à l’issue des opérations de liquidation caractérisaient une demande nouvelle [20] : en d’autres termes, les dernières conclusions devaient donc reprendre non seulement le même objet, mais aussi le même montant. Les juges du fond concluaient donc, sous le visa de l’article 910-4 du Code de procédure civile que c’est à tort que l’appelant avait demandé, dans ses dernières conclusions, la condamnation de l’intimée au paiement.
Cette solution est critiquée par le pourvoi qui soutient quant à lui qu’il ne s’agit que d’une simple augmentation du montant formulé dans les conclusions antérieures et dont le juge demeurait saisi. La cour d’appel aurait ainsi, selon l’appelant, porté à son droit d’accès à un tribunal une restriction excessive et violé l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales [21]. Le pourvoi soutenait que la décision de la cour d’appel violait l’article 910-4 du Code de procédure civile dès lors que, selon le demandeur à la cassation, le juge d’appel demeurait saisi à hauteur du montant figurant dans les conclusions initiales. Si, en effet, les parties doivent, à peine d’irrecevabilité, présenter dès leurs premières conclusions l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, le juge demeure néanmoins saisi d’une prétention reprise par l’appelant dans ses conclusions récapitulatives dont il s’est borné à augmenter le montant par rapport à ses premières conclusions [22]. Le pourvoi ajoutait encore qu’ « en considérant qu’un appelant ne reprend pas, dans ses conclusions récapitulatives, une prétention formulée dans ses premières écritures à raison de ce qu’il en a augmenté le montant et, qu’ainsi, le juge d’appel n’est pas saisi de cette prétention à hauteur d montant figurant dans les premières écritures de l’appelant, la cour d’appel a porté au droit d’accès à un tribunal une restriction excessive en méconnaissance de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales » [23].
II. La solution équilibrée de la Cour de cassation
Alors que les premiers juges retenaient une approche financière de l’analyse de la « demande nouvelle », le pourvoi interrogeait la deuxième chambre civile sur les conséquences de celle-ci quant au droit d’accès au juge. Cette analyse a conduit la Cour de cassation à censurer la décision des juges du fond (A). S’inscrivant dans le contexte d’une évolution du droit positif, la solution interroge sur sa portée (B).
A. L’analyse procédurale de la Cour de cassation
Statuant sous les visas des articles 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et de l’article 910-4 du Code de procédure civile, la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel.
Après avoir rappelé les deux règles à l’œuvre dans la résolution de la question posée, la Cour de cassation constate que la cour d’appel a violé les articles 6§1 de la convention européenne et 910-4 du code de procédure civile. Aussi, elle vient énoncer la solution : « sauf dans les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 910-4 du Code de procédure civile, lorsqu’une prétention présentée dans les premières conclusions est reprise dans les dernières avec une majoration de son montant, elle n’est recevable qu’à concurrence du montant fixé dans les premières conclusions » [24]. Dès lors que l’appelant avait présenté, dans ses premières conclusions, une prétention tendant à voir liquider et partager les communauté et indivision à une certaine somme sont il avait majoré le montant dans ses dernières conclusions, sa demande était recevable à concurrence du montant demandé initialement [25] : le montant change mais la demande reste autant qu’elle avait déjà été exprimée.
La deuxième chambre civile a répété cette solution quelques jours plus tard, dans un arrêt du 18 septembre 2025 [26] : la Cour de cassation avait alors retenu que le demandeur ayant, dans ses premières conclusions, présenté une prétention tendant au paiement d’une certaine somme qu’il avait majoré dans ses dernières conclusions, la cour d’appel aurait dû déclarer recevable la demande à concurrence du montant demandé initialement.
De façon assez classique, la Cour de cassation rappelle en effet que « le droit d’accès au juge peut être limité à la seule condition que les mesures mises en œuvre poursuivent un but légitime, soient proportionnées au but visé et n’aient pas pour effet de restreindre cet accès d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même »[27]. Selon la jurisprudence, en effet, dès lors que les règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures avec représentation obligatoire sont dépourvues d'ambiguïté et présentent un caractère prévisible, leur application immédiate aux instances en cours ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique ni au droit à un procès équitable : « elles ne restreignent pas l'accès au juge d'appel d'une manière ou à un point tel que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même. Elles poursuivent un but légitime au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence une bonne administration de la justice, et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé » [28].
En l’espèce, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient démontrer la légitimité et la proportionnalité de l’atteinte en relevant que « demeurent recevables dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions, nées postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait » [29]. Aussi, lorsque, dans les dernières conclusions, le montant de la somme dont le paiement est demandé est majoré, celui-ci ne constitue pas une demande nouvelle, ce qui écarte l’irrecevabilité, mais la recevabilité est cependant limitée au montant initialement exprimée.
B. Portée de la solution
Bien qu’abrogées par l’article 1er du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, ces dispositions figurent désormais au sein de l’article 915-2 alinéa 2 du même code. Au terme de ces dispositions, les conclusions doivent déterminer l'objet du litige et contenir l'ensemble des prétentions sur le fond. L’exigence est assortie d’une lourde sanction lourde puisqu'à défaut de s’y conformer, les conclusions pourront être déclarées irrecevables [30].
La transposition des dispositions de l’article 910-4 du Code de procédure civile à l’article 915-2 devrait conduire à une certaine stabilité de la jurisprudence en la matière. Si, en effet, les questions sont complexes et le stress de l’avocat intense en la matière [31], le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 a repris, dans les mêmes termes, la formulation de l’article 910-4. A la suite d’un premier alinéa exposant les conditions dans lesquelles « l'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel », le nouvel article reprend la règle selon laquelle « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 N° Lexbase : L2389ML3 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'article 914-3, demeurent recevables, dans les limites des chefs du dispositif du jugement critiqués et de ceux qui en dépendent, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
[1] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 22-20.458, F-B.
[2] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 22-20.458, préc. n° 6.
[3] Cass. soc., 28 février 2024, n° 23-10.295 N° Lexbase : A14842QZ.
[4] V. par ex. Cass. civ. 1, 19 avril 2023, n° 20-22.211 N° Lexbase : A76189Q9.
[5] Irrecevabilité de la demande due au défaut de concentration des prétentions au fond dans les premières conclusions, Lexis veille, 20 mars 2024.
[6] Cass. soc., 28 févr. 2024, n° 23-10.295 N° Lexbase : A14842QZ ; S. Brissy, Concentration des prétentions au fond dès les premières conclusions : distinction de la nullité du licenciement et de l'absence de cause réelle et sérieuse, JCP S, 2024, 1132.
[7] Cass. civ. 1, 16 octobre 2024, n° 22-23.279, F-D, N° Lexbase : A46676BH.
[8] Cass. civ. 1, 14 novembre 2024, n° 23-19.156 N° Lexbase : A29506HQ ; Cass. soc., 26 juin 2024, n° 22-18.231 N° Lexbase : A01785MK.
[9] Cass. civ. 1, 11 mai 2023, n° 21-18.618 N° Lexbase : N5566BZ8 – A.-L. Lonné-Clément, [Brèves] Concentration des demandes en appel : dérogation au principe en matière de partage judiciaire, Le Quotidien, mai 2023 ; Anne-Lise Lonné-Clément, [Brèves] Concentration des demandes en appel : dérogation au principe en matière de partage judiciaire, Lexbase Droit privé - archive, mai 2023, n° 947 ; Cass. civ. 1, 9 juin 2022, n° 19-24.368, [LXB=A792574B], et n° 20-20.688 N° Lexbase : A791874Z ; A.-L. Lonné-Clément, [Brèves] Irrecevabilité des prétentions qui ne figureraient pas dans les premières conclusions : spécificité en matière de partage !, Lexbase Droit privé - archive, juin 2022, n° 910 ; J. Casey, [Brèves] Complexité du régime des irrecevabilités dans le droit du partage en appel, Lexbase Droit privé - archive, juillet 2024, n° 993.
[10] Cass. civ. 1, 1er octobre 2025, n° 24-17.411 N° Lexbase : B1035BYY.
[11] Cass. civ. 2, 28 mars 2024, n° 22-12.797 N° Lexbase : A23962XZ.
[12] Cass. civ. 2, 4 juillet 2024, n° 21-20.694 N° Lexbase : A68345M3 ; Cass. com., 18 juin 2025, n° 24-11.243 N° Lexbase : B5202AKU ; R. Laffly, Moyens, prétentions et concentration , Procédures n° 8, Août-septembre 2025, comm. 194.
[13] Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-18.382, F-B N° Lexbase : A26019BX ; A. Martinez-Ohayon, [Brèves] Procédure d’appel avec représentation obligatoire : rappel des règles et précision sur la recevabilité d’un moyen nouveau dans des conclusions postérieures, Lexbase Droit privé - archive, février 2023, n° 934.
[14] Cass. soc., 28 février 2024, n° 23-10.295 N° Lexbase : A14842QZ ; A. Martinez-Ohayon, [Brèves] Procédure d’appel et concentration des prétentions sous peine d’irrecevabilité, la demande de nullité du licenciement doit être soulevée dès les premières conclusions d’appelant, Lexbase Social, mars 2024, n° 976.
[15] Farid Seba, [Focus] Conclusions devant la cour d’appel, à fond la forme !, Lexbase Droit privé - archive, mars 2023, n° 939 ; Y. Ratineau, Panorama de jurisprudence : remettre toujours le métier sur l’ouvrage, Lexbase Droit privé - archive, juin 2022, n° 912.
[16] Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-17.859 N° Lexbase : A53922WM.
[17] Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 21-16.804 N° Lexbase : A646887P ; Cass. civ. 2, 12 janvier 2023, n° 21-18.762, F-B N° Lexbase : A645787B ; A. Martinez-Ohayon, [Brèves] Renvoi après cassation : la cassation d’un arrêt entraîne-t-elle l’anéantissement des actes et formalités de la procédure antérieure ?, Lexbase Droit privé - archive, janvier 2023, n° 931 ; N. Gerbay, La concentration temporelle des prétentions prévue à l'article 910-4 du CPC à hauteur d'appel devant la juridiction de renvoi après cassation : entre soulagement et inquiétudes, JCP G, 2023, act. 303.
[18] Cass. civ. 1, 9 juin 2022, n° 19-24.368 N° Lexbase : A792574B.
[19] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n° 7.
[20] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n° 7.
[21] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n° 3.
[22] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n° 3.
[23] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n° 3.
[24] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n°6.
[25] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n°8.
[26] Cass. civ. 2, 18 septembre 2025, n° 24-11.008 N° Lexbase : B1081BWX.
[27] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n°4.
[28] Cass. civ. 2, 29 septembre 2022, n° 21-10.334, n° 13 N° Lexbase : A21878MX.
[29] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, préc. n° 5.
[30] Cass. com., 26 février 2025, n° 23-23.094 N° Lexbase : A70176ZW.
[31] V. Ch. Lhermitte, [Le point sur...] Réforme de la procédure d’appel : vous vouliez de la simplification ? vous aurez de la lisibilité, Lexbase Droit privé - archive, janvier 2024, n° 969.
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Réf. : Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 23-10.564, F-D N° Lexbase : B3418BRZ
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de l’irrégularité de fond résultant du défaut de capacité du représentant d’une partie (V. Cass. civ. 2, 10 janvier 2019, n° 17-28.805 N° Lexbase : A9731YS9). Elle considère que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance peut être couverte jusqu’au moment où le juge saisi de cette instance statue.
Faits et procédure. Le 12 octobre 2021, M. et Mme [W] ont assigné plusieurs sociétés et un cabinet d’assurance, aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise. L’acte introductif d’instance de M. et Mme [W], comporte une irrégularité de fond relatif à la constitution de leurs représentants. Le 13 janvier 2022, le juge des référés d’un tribunal judiciaire a notamment constaté la régularité de l’acte d’assignation, et ordonné une mesure d’expertise. Le 2 mars 2022, M. [I], qui est le représentant de l’une des sociétés, a interjeté appel de cette ordonnance, par-devant la Cour d’appel de Bordeaux. Cette dernière statue sur ce recours dans un arrêt du 14 novembre 2022. Par la suite, ce même représentant décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de confirmer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal, en ce qu’il a constaté la régularité de l’acte d’assignation et ordonné une mesure d’expertise. Au soutien de son pourvoi, M. [I] affirme que le défaut de pouvoir du demandeur assurant la représentation d’une partie, constitue une irrégularité de fond qui affecte la saisine du juge. M. [I] affirme que la nullité d’une telle irrégularité ne peut être couverte, que si la cause de nullité a disparu au moment où le juge de première instance, irrégulièrement saisi, statue. Les juges bordelais ont une position différente. Ces derniers ont certes constaté que l’assignation du 12 octobre 2021 avait une irrégularité de fond sur la constitution des avocats de M. et Mme [W]. Or, la Cour d’appel a relevé qu’au jour de l’audience tenue devant elle, la procédure a été régularisée à hauteur d’appel. En statuant ainsi, le demandeur au pourvoi considère que les juges du fond ont violé l’article 121 du Code de procédure civile.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation du demandeur au pourvoi, en cassant et en annulant l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux. Après avoir rappelé la lettre des articles 117 N° Lexbase : L1403H4Q et 121 N° Lexbase : L1412H43 du Code de procédure civile, la Cour considère qu’il résulte de ces articles que l’irrégularité d’un acte introductif d’instance, peut être couverte jusqu’au moment où le juge saisi de cette instance statue. Par conséquent, les juges du quai de l’Horloge considèrent que l’irrégularité de l’assignation devant le tribunal judiciaire ne pouvait être régularisée au cours de l’instance d’appel.
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Réf. : Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 24-13.160 N° Lexbase : B3408BRN et n° 22-22.155, FS-B N° Lexbase : B3415BRW
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par Bertrand Jost, Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord
Le 14 Octobre 2025
Mots-clés : procédure civile • appel • principe de la contradiction • moyen relevé d’office • recevabilité des conclusions
L’intimé qui n’a pas conclu dans les délais devant la première cour d’appel ne peut pas conclure devant la cour d’appel de renvoi. Cependant, si la cassation qui a mené au renvoi trouve sa cause dans le relevé d’office d’un moyen de droit qui n’a pas encore été soumis à la contradiction, les parties peuvent déposer des conclusions relatives à ce nouveau moyen.
1. La procédure d’appel écrite est placée sous le signe des délais préfix les plus exigeants pour conclure une première fois - et cela vaut pour l’appelant comme pour l’intimé [1]. Les sanctions diffèrent, cependant : si le premier n’est pas diligent, il s’expose à la caducité de sa déclaration d’appel [2] - et cela entraînera aussitôt, du moins si elle est au principal, l’acquisition de la force de chose jugée par la décision attaquée [3]. En revanche, les conclusions tardives du second sont frappées d’irrecevabilité, laquelle doit être relevée d’office, qu’il soit intimé principal [4], incident ou sur appel provoqué [5]. Il en va de même pour l’intervenant forcé [6].
2. L’irrecevabilité pour dépassement des délais légaux est particulièrement redoutable : une fois prononcée, elle interdit à l’intimé de conclure pour tout le reste de la procédure d’appel. Mais qu’en est-il lorsque l’arrêt rendu par la juridiction de second degré est ensuite attaqué devant la Cour de cassation, cassé, et que l’affaire est renvoyée ? L’intimé est-il désormais libre de conclure sur tous les points remis en cause par la Haute juridiction devant la cour d’appel de renvoi ?
Sur cette question, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu, le 11 septembre 2025, deux arrêts qui méritent d’être placés en vis-à-vis [7]. L’un et l’autre rappellent la règle de principe prétorienne : devant la cour d’appel de renvoi, l’intimé retardataire ne bénéficie pas d’une levée de son irrecevabilité (I). Cependant, l’un des deux vient tempérer cet énoncé au nom du droit au procès équitable (II).
Ces solutions ont été rendues à l’aune du droit antérieur au décret de 2023 réformant la procédure d’appel [8] ; il est cependant à peu près certain qu’elles devraient être réitérées sous l’empire du droit actuel, dont l’esprit et la plupart des solutions n’ont pas changé.
I. La règle de principe
3. La Cour de cassation juge que la cassation de l’arrêt ne permet pas aux intimés défaillants de conclure de nouveau devant la juridiction de renvoi s’ils ont été déclarés irrecevables à conclure devant la première cour d’appel. La formule est toujours la même : les dispositions du Code de procédure civile relatives au renvoi après cassation ne « créent pas par elles-mêmes de droit pour l'intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables […] devant la cour d’appel initialement saisie, de conclure à nouveau » - et cela vaut aussi bien pour les affaires soumises à la procédure à bref délai (arrêt n° 22-22.155) que pour les affaires soumises à la procédure écrite ordinaire (arrêt n°14-13.160), les textes visés étant, selon le cas, l’article 905-2 (dont la substance se trouve désormais à l’article 906-2 [9]) ou l’article 909 du Code de procédure civile.
Par où l’on comprend que l’irrecevabilité devant la première cour d’appel, qui vient sanctionner la violation des délais pour conclure, a une portée particulièrement étendue : pour l’intimé retardataire, jusqu’à ce que l’affaire soit achevée, y compris devant la cour d’appel de renvoi, « le dossier risque d’être définitivement gelé » [10], « cristallisé » [11] : il ne pourra présenter aucun argument contre les prétentions de son adversaire - ce qui ne signifie pas pour autant qu’il succombera nécessairement, le juge pouvant considérer malgré tout et notamment que les critiques de l’appelant à l’égard du jugement sont mal fondées [12].
4. Justifications. L’assise de cette solution est d’abord l’article 625 alinéa 1er du Code de procédure civile N° Lexbase : L7854I4N, selon lequel « sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ».
« Avant », mais c’est-à-dire ? Faut-il repartir du début, comme si rien n’avait eu lieu sinon la déclaration d’appel ? Précieux, l’article 631, également exploité, précise qu’il faut reprendre l’instruction « en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ». La Cour de cassation en déduit, fort logiquement, que celle-ci « n’anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure » [13] autres que ceux qu’elle a ciblés.
Par effort de conceptualisation, la Cour de cassation énonce que la solution est liée à l’identité d’instance : « le renvoi n’introduit pas une nouvelle instance » [20]. C’est dire que la cour d’appel de renvoi hérite d’une instance passée, achevée, amputée puis réactivée, et non pas d’un nouveau rapport entre les parties et le juge. Mais le concept d’instance, s’il est pédagogique, n’est certainement pas justificatif de cette continuité - car le législateur eût parfaitement pu prévoir que, devant la cour d’appel de renvoi, la procédure fût nouvelle, vierge de tous les actes et formalités de la précédente. La règle trouve bien plus son explication dans le souci d’une économie de moyens (il vaut mieux exploiter les actes déjà accomplis pour préparer la décision problématique), d’une part, et le refus d’offrir aux parties un troisième degré de juridiction masqué, d’autre part.
II. Le tempérament
5. Position du problème. Tout en énonçant formellement cette règle de continuité des procédures d’appel successives, la Cour de cassation y apporte un tempérament. Dans l’une des deux espèces qu’elle avait à connaître [21], la cassation avec renvoi avait été motivée par un moyen de pur droit relevé d’office. Or, si les parties ont pu débattre devant la Haute juridiction de l’opportunité d’appliquer la règle de droit ainsi intégrée dans l’instance, par application des articles 16 N° Lexbase : L1133H4Q et 1015 N° Lexbase : L5802L8E du Code de procédure civile [22], la question peut n’avoir pas encore été discutée devant les juges du fond et risque, en raison du gel des conclusions, de ne l’être jamais.
Plus précisément, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :
6. Solution retenue. C’est bien à cette conclusion que la deuxième chambre civile parvient, en tirant argument du droit au procès équitable, sous l’angle de l’égalité des armes et surtout du principe de la contradiction.
Ainsi, lorsque les « termes du débat » ont été modifiés « devant la cour d’appel de renvoi saisie » par un moyen relevé d’office (n°16) - ce qui exclut les cassations disciplinaires – « que les parties n'avaient pas discuté contradictoirement devant les juges du fond » (n° 24), la Cour exige que l’intimé ait « la possibilité d’en tirer les conséquences devant la cour de renvoi », ce qui implique qu’il puisse « conclure sur le moyen relevé d’office et dans les limites de ce moyen » (n° 24). En l’espèce, la première cassation avait été faite au visa de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ, et elle était relative au domaine de la prescription décennale en matière de constructions [23] ; elle était donc substantielle. Il fallait, par conséquent, que les parties pussent s’exprimer devant la cour d’appel de renvoi sur la prescription éventuellement acquise de l’action en responsabilité fondée sur l’article 1792 du Code civil, cette question ayant été mise en jeu par la Cour de cassation sous un jour nouveau.
À cet égard, le visa de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde N° Lexbase : L7558AIR, et l’anamnèse subséquente de références à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, étaient-ils absolument nécessaires au raisonnement ? La solution est de bon sens et le droit national eût suffi à lui conférer toute sa légitimité. Néanmoins, en raison de la relative confusion entre hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs [24], cet ensemble a du moins le mérite de donner une justification d’une particulière intensité au tempérament apporté à la règle de principe.
Quoi qu’il en soit, la cour d’appel de renvoi avait, en l’espèce, appliqué l’idée de continuité des procédures : l’intimé ayant conclu trop tardivement devant la cour d’appel initiale, il ne pouvait conclure devant la cour d’appel de renvoi. Conforme à la jurisprudence antérieure mais contraire au tempérament nouveau, l’arrêt encourait inéluctablement la cassation.
7. Possibilités ouvertes devant la cour d’appel de renvoi. Ce tempérament est fermement circonscrit : pour la Cour de cassation, il n’est pas question de dégeler l’ensemble de la matière de l’instance pour l’intimé négligent, mais simplement de permettre de l’incrémenter en tenant compte de la modification des termes du débat. On pouvait s’attendre à ce que l’intimé fût invité à présenter de simples observations : il est en effet bien acquis qu’en cas de relevé d’office d’un moyen de droit par le juge, les débats n’ont pas à être rouverts, la possibilité de déposer des notes en délibéré étant suffisante pour assurer le respect de l’article 16 du Code de procédure civile et de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde [25]. Mais c’est justement à cet égard que l’égalité des armes est un argument décisif. Il ne suffit pas de soulever une discussion devant la cour de renvoi : la situation de l’intimé resterait trop défavorable si l’on en restait là. Aussi la Cour énonce-t-elle que celui-ci peut « conclure sur le moyen relevé d’office et dans les limites de ce moyen » (n° 24). Que signifie cette expression ?
L’espèce, cependant, offre un bel exemple de ce qu’il peut être difficile de savoir où arrêter de tirer le fil de ces moyens qui « découlent » du moyen de droit relevé d’office. La Cour de cassation, confrontée à un litige en droit de la construction, a relevé d’office la prescription de l’action en responsabilité, en réfutant la qualification faite par les juges du fond des éléments problématiques d’une maison trop humide : quelle marge de manœuvre reste-t-il à l’intimé s’il doit rester « dans les limites du moyen » ? Doit-il se contenter de discuter de la prescription de l’action qui n’est, donc, pas décennale ? Ou bien peut-il, par exemple, tenter d’invoquer d’autres fondements de responsabilité pour tenter d’obtenir une indemnité [27] ?
On gardera cependant à l’esprit que les prétentions nouvelles ne sont en principe pas recevables en appel (CPC, art. 564 N° Lexbase : L0394IGP) - puisqu’elles n’ont pas été connues par un premier juge - à moins qu’elles ne visent à « faire écarter les prétentions adverses » (même texte), ou qu’elles ne soient « l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire » des prétentions présentées au premier juge (CPC, art. 566 N° Lexbase : L7234LEN), ou qu’elles ne tendent « à la même fin » (CPC, art. 565 N° Lexbase : L6718H7X), ou qu’elles ne soient véhiculées par une demande reconventionnelle (CPC, art. 567 N° Lexbase : L6720H7Z).
Mais la Cour précise encore plus le périmètre des prétentions nouvelles recevables devant la cour d’appel de renvoi : elle exige que celles-ci soient compatibles avec l’article 910-4 alinéa 2 (ancien), dont la substance se trouve aujourd’hui à l’article 915-2 alinéa 3 N° Lexbase : L2423MLC. Que faut-il comprendre ?
Selon ce texte, sont recevables, même si elles sont formulées dans des conclusions complémentaires, « les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ». Cela est bien utile à l’intimé qui était irrecevable : le voilà susceptible de pouvoir répondre à l’appelant au moins partiellement, tant que ses réponses sont relatives (« se rattachent ») au nouveau moyen. Cependant, le moyen de droit relevé d’office pourrait, par exemple, permettre de formuler des prétentions accessoires ou tendant à la même fin que les prétentions principales déjà connues des juges de premier degré, sans qu’il soit réellement question de « répliquer » à l’adversaire. Faut-il que ces prétentions soient irrecevables ? L’idéal ne serait-il pas, plutôt, de les traiter devant la juridiction de renvoi une fois la boîte de Pandore ouverte ?
Mais peut-être faut-il comprendre autrement ce renvoi à l’article 910-4 ancien : celui-ci, comme l’article 915-2 nouveau, permet de formuler des prétentions destinées à « faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, […] de la survenance […] d’un fait ». Or la cassation au visa d’un moyen relevé d’office qui n’a pas été discuté peut être analysée comme un fait dont la survenance a fait naître des questions postérieurement aux premières conclusions [28] : la Cour juge elle-même que le relevé d’office est « un évènement postérieur à l’ordonnance du conseiller de la mise en état de nature à modifier les termes du débat opposant les parties » (n° 24). La Cour de cassation énoncerait alors deux fois la même chose en énonçant, d’une part, que l’intimé peut « former de nouvelles prétentions qui [se] rattachent » au moyen relevé d’office et, d’autre part, que ces prétentions doivent « entre[r] dans les prévisions de l’article 910-4 », la deuxième proposition développant la première au lieu d’y ajouter une condition supplémentaire. Ainsi, toutes prétentions liées à ces nouvelles questions (elles-mêmes liées au moyen de droit relevé d’office) et conformes aux articles 565 et suivants seraient susceptibles d’être introduites dans l’instance.
En toute hypothèse, l’échange des conclusions complémentaires permises par la Cour devra être réalisé dans les délais prévus à l’article 1037-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7045LEN.
| À retenir : Si l’intimé est irrecevable à conclure pour n’avoir pas respecté les délais devant la cour d’appel initiale, cette irrecevabilité perdure devant la cour d’appel de renvoi en cas de cassation. Cependant, si la cassation a été justifiée par un moyen de droit relevé d’office qui n’a pas encore été débattu devant les juges du fond, l’intimé peut conclure relativement à ce moyen devant la cour d’appel de renvoi. | 
[1] S’ils ne peuvent être interrompus ou suspendus, les délais légaux peuvent toutefois être étendus ou réduits par le conseiller de la mise en état (CPC, art. 911, al. 2) ou par la cour (CPC, art. 906-2 al. 6), et cela n’est qu’une mesure d’administration judiciaire.
[2] CPC, art. 908 N° Lexbase : L0162IPP (procédure avec mise en état, le délai étant de trois mois à compter de la déclaration d’appel), 906-2 al. 1er N° Lexbase : L2387MLY (procédure à bref délai, le délai étant de deux mois à compter de la fixation de l’affaire à bref délai).
[3] En effet, un autre appel serait irrecevable (CPC, art. 916 N° Lexbase : L2426MLG).
[4] CPC, art. 909 N° Lexbase : L2402MLK (procédure avec mise en état, le délai étant de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant), 906-2 al. 2 N° Lexbase : L2389ML3 (procédure à bref délai, le délai étant de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant).
[5] CPC, art. 910 N° Lexbase : L2403MLL (procédure avec mise en état, le délai étant de trois mois à compter de la notification de l’appel incident ou provoqué), 906-2 al. 3 (procédure à bref délai, le délai étant de trois mois à compter de la notification de l’appel incident ou provoqué, dès lors qu’y est jointe une copie de l’avis de fixation).
[6] CPC, art. 910 al. 2 (procédure avec mise en état), 906-2 al. 4 (procédure à bref délai).
[7] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 22-22.155, FS-B N° Lexbase : B3415BRW et Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 24-13.160, FS-B N° Lexbase : B3408BRN.
[8] Décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023.
[9] À l’occasion de la réforme de 2023, le délai pour conclure a toutefois été étendu à deux mois.
[10] R. Perrot, obs. sous Cass. civ. 2, 20 janvier 2005, n° 03-14.750, FS-P+B N° Lexbase : A0830DGT, RTD civ., 2005, 454.
[11] Selon la belle expression que l’on retrouve dans l’arrêt n° 24-13.160, au n°27.
[12] En témoigne, à cet égard, l’un de nos deux arrêts (n° 24-13.160) dans lequel, alors que l’intimé était irrecevable à conclure, la cour a confirmé la première décision.
[13] Cass. civ. 2, 18 janvier 2024, n° 21-22.798, F-D N° Lexbase : A41122GE inédit, n°10.
[14] En ce sens : Cass. civ. 2, 20 janvier 2005, n° 03-14.750, FS-P+B N° Lexbase : A0830DGT Bull. civ., 2005.II.16, n°19, RTD civ., 2005, 454, obs. R. Perrot préc..
[15] CPC, art. 915-2 al. 2.
[16] Sous réserve des prétentions complémentaires qui peuvent éventuellement être introduites en vertu de l’article 915-2 al. 3 du Code de procédure civile (équivalent à l’article 910-4 anc.), et dont l’échange devant la cour d’appel de renvoi est régi par l’article 1037-1.
[17] Cass. civ. 2, 18-01-2024, n° 21-22.798, F-D N° Lexbase : A41122GE, préc. À propos d’une ordonnance du conseiller de la mise en état supprimant une pension alimentaire : Cass. civ. 2, 10 novembre 1999, n° 97-19277, publié au bulletin N° Lexbase : A9678CGK, RTD civ., 2000, 92, obs. J. Hauser.
[18] À ce propos, v. L. Boré, La cassation des arrêts rendus sur déféré, D., 2024, 1192.
[19] Cass. civ. 2, 15 février 1995, n° 93-13213, publié au bulletin N° Lexbase : A7665ABI.
[20] La formule se trouve dans l’arrêt n° 24-13.160, mais elle se trouvait déjà dans des décisions antérieures (v. Cass. civ. 2, 18 janvier 2024, n° 21-22.798, F-D N° Lexbase : A41122GE, préc., n°9). Au demeurant, l’arrêt n° 24-13.160 énonce que la Cour de cassation avait déjà jugé cela dans l’arrêt du 20 janvier 2005 (préc.) alors que l’idée d’identité d’instance ne s’y trouve pas explicitement formulée.
[21] Cass. civ. 2, 11 septembre 2025, n° 24-13.160, FS-B N° Lexbase : B3408BRN.
[22] Dans le cas du relevé d’office d’un moyen de pur droit, conformément à l’article 620, l’article 1015 n’est qu’une déclinaison, dans le cadre de la procédure de cassation, de l’article 16 : il dispose que « lorsqu'il est envisagé de relever d'office un ou plusieurs moyens […], le président de la formation ou le ou les rapporteurs en avisent les parties et les invitent à présenter leurs observations dans le délai qu'ils fixent ».
[23] Cass. civ. 3, 13 juillet 2022, n° 19-20.231, FS-B N° Lexbase : A09538BW.
[24] B. Beignier, Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs ; Les principes généraux du droit et la procédure civile, Mél. Catala, Litec, 2001, p. 153.
[25] Encore récemment : Cass. civ. 2, 2 octobre 2025, n° 23-10.667, F-B N° Lexbase : B4985BYB.
[26] Ce qui entre dans la logique de l’article 563 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6716H7U selon lequel « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».
[27] La question du bien-fondé de ces moyens de droit supplémentaires ne doit se poser qu’après coup.
[28] Des décisions de justice modifiant les données du procès ont pu être analysées comme des faits nouveaux : v. Cass. civ. 2, 23 octobre 1991, n° 90-13.927 N° Lexbase : A2998CZ3 (à propos d’un jugement rectificatif de la décision attaquée devant la cour d’appel).
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 juillet 2025, n° 23-11.348 N° Lexbase : B2126ASK
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de la mention « appel total » dans la déclaration d’appel (V. Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-22.878 N° Lexbase : A13616RT). Elle considère que cette mention est valide, lorsque le jugement frappé d’appel ne contient qu’un seul chef de dispositif. Dans cette hypothèse, la Cour considère qu’il se déduit que l’appelant critique ce chef de dispositif dans sa déclaration d’appel.
Faits et procédure. Le 18 octobre 2018, Mme [X] a relevé appel d’un jugement rendu par un conseil de prud’hommes dans un litige l’opposant à la société Cap soleil et l’ayant déboutée de l’ensemble de ses demandes. Le jugement du Conseil de prud’hommes ne comporte qu’un seul chef de dispositif. Au sein de sa déclaration d’appel, Mme [X] mentionne qu’elle réalise un « appel total ». La Cour d’appel de Montpellier statue sur son recours dans un arrêt du 29 juin 2022 (CA Montpellier, 29 juin 2022, n° 18/01052, N° Lexbase : A260279A). Ensuite, Mme [X] décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de dire que l’effet dévolutif n’a pas opéré et que la Cour d’appel n’est pas saisie. Au soutien de son pourvoi, Mme [X] affirme que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs du jugement qui sont critiqués. Cependant, elle considère que la dévolution est nécessairement totale lorsque la décision frappée d'appel ne contient qu'un unique chef de dispositif. Dans le cas d’espèce, le jugement du Conseil de prud’hommes a statué sur l’ensemble des demandes de la demanderesse au pourvoi, par un seul et unique chef de dispositif. Pour constater que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré, les juges du fond affirment qu’aucune pièce n’est jointe à la déclaration d’appel, et qu’il n’existait aucune impossibilité pour l’appelante de viser les chefs de jugement critiqués. Selon la Cour d’appel, cette critique doit se faire expressément dans la déclaration d’appel et non par déduction. En statuant ainsi, Mme [X] considère que la Cour d’appel a violé l’article 562 du Code de procédure civile.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation de Mme [X], au visa des articles 562 N° Lexbase : L2381MLR et 901, 4° N° Lexbase : L2382MLS du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ. Après avoir rappelé la lettre de ces articles et le raisonnement des juges du fond, la Cour constate que le jugement frappé d’appel ne comprenait qu’un seul chef de dispositif déboutant l’appelante de l’intégralité de ses demandes. Par conséquent, la Cour considère qu’il se déduisait que Mme [X] critiquait nécessairement ce chef de dispositif dans sa déclaration d’appel. De ce fait, les juges du droit affirment que l’effet dévolutif a opéré et que la Cour d’appel était saisie. Ainsi, la Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier.
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Réf. : Cass. civ. 2, 2 octobre 2025, n° 22-23.161, F-B N° Lexbase : B4979BY3
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N3037B3U
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation précise sa jurisprudence au sujet de la déclaration d’appel (V. Cass. civ. 2, 10 juillet 2025, n° 23-11.348, F-B N° Lexbase : B2126ASK). Des appelants se sont contentés d’énumérer dans leur déclaration d’appel les demandes rejetées en première instance, au lieu de reprendre expressément le chef de jugement indiquant « débouter les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ». La Cour de cassation considère que cette énumération des demandes rejetées correspond aux chefs de jugement expressément critiqués, ce qui permet d’opérer l’effet dévolutif de l’appel.
Faits et procédure. Dans le cadre d’une cession de titres sociaux, M. [N] a assigné M. et Mme [P], par devant le tribunal de commerce de Paris. Devant cette juridiction, les consorts [P] exposent plusieurs demandes. Dans sa décision du 14 février 2020, le tribunal rejette les demandes des consorts [P], en indiquant notamment « débouter les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ». Dans ce cadre-là, le tribunal a condamné les consorts [P] à payer une certaine somme à M. [N]. Le 11 mars 2020, les consorts [P] ont interjeté appel de cette décision par-devant la cour d’appel de Paris. Au sein de leur déclaration d’appel, les consorts [P] énumèrent l’ensemble des demandes rejetées par le tribunal, sans faire référence à un des chefs du jugement. La Cour parisienne statue sur ce recours dans un arrêt du 15 septembre 2022. Par la suite, les consorts [P] ont attaqué cette décision devant la Cour de cassation.
Moyen relevé d’office / Appel. Dans son arrêt du 15 septembre 2022, la cour d’appel a considéré que l’appel des consorts [P] était dénué d’effet dévolutif. Pour statuer ainsi, la Cour relève que la déclaration d’appel se contente d’énumérer les demandes rejetées, sans énoncer de façon expresse les chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel. Aussi, les juges parisiens ont relevé qu’aucune déclaration rectificative n’a été déposée par les appelants, dans le délai imparti pour conclure au fond.
Au regard de ce raisonnement, la Cour de cassation a soulevé un moyen relevé d’office, conformément aux articles 1015 N° Lexbase : L5802L8E et 620 N° Lexbase : L6779H79 du Code de procédure civile.
Solution. La Cour de cassation casse et annule en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 septembre 2022. Tout d’abord, la Cour rappelle la lettre des articles 562 N° Lexbase : L2381MLR et 901 N° Lexbase : L2382MLS du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ. Ensuite, la Cour considère que malgré le fait que les appelants se sont contentés d’énumérer les demandes rejetées dans leur déclaration d’appel, ils ont limité l’objet de celui-ci aux chefs de jugement qu’ils avaient expressément énumérés et qui avaient rejeté un certain nombre de prétentions formées en première instance. De ce fait, l’appel des consorts [P] n’était pas dépourvu d’effet dévolutif. Ainsi, la Cour de cassation considère que l’énumération dans la déclaration d’appel, des demandes rejetées en première instance, correspond aux chefs de jugement qui sont critiqués devant la cour d’appel.
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Réf. : Cass. civ. 2, 3 Juillet 2025, n° 22-15.342, FS-B N° Lexbase : B7774APM
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet du recours à l’encontre d’une mesure d’administration judiciaire (V. Cass. civ. 2, 9 janvier 2020, n° 18-19.301, F-P+B+I N° Lexbase : A47583AH). Elle considère que quand bien la décision de radiation est une mesure d’administration judiciaire, elle peut faire l’objet d’un recours en cas d’excès de pouvoir lorsqu’elle entrave l’exercice du droit d’appel.
Faits et procédure. Les consorts [M] agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille et Mme [X] ont relevé appel d’un jugement d’un tribunal de grande instance, dans un litige les opposants à deux sociétés et la CPAM des Hauts-de-Seine.
En appel, un conseiller de la mise en état a enjoint l’avocat des appelants de synthétiser ses prétentions ainsi que les moyens qui les fondent en de nouvelles écritures ne devant pas excéder 35 pages. Le conseiller de la mise en état précise que l’avocat ne devra pas modifier la police du caractère et la mise en page. Le tout devra être réalisé dans un délai de 3 mois à peine de radiation de l’affaire. Par une ordonnance du 10 septembre 2020, la radiation de l’affaire a été prononcée par le conseiller de la mise en état, à défaut d’avoir satisfait à cette injonction. Les consorts [M] décident d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Critique de la recevabilité du pourvoi. Les défendeurs au pourvoi affirment que le moyen soulevé par les consorts [M] est irrecevable, en ce qu’il attaque des mesures d’administration judiciaire insusceptibles de tout recours.
Solution. La Cour de cassation rejette cette critique formulée par les défendeurs au pourvoi. Elle considère qu’il résulte de l’article 537 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6687H7S qu'une mesure d'administration judiciaire n'est susceptible d'aucun recours, fût-ce pour excès de pouvoir. Les juges du droit affirment que bien que l’article 383 du même code N° Lexbase : L2268H4R qualifie de mesure d’administration judiciaire la décision de radiation du rôle de l’affaire, qui sanctionne le défaut de diligence des parties, cette décision peut être attaquée. Dans ce cadre-là, la Cour considère que la décision de radiation peut faire l’objet d’un recours en cas d’excès de pouvoir lorsqu’elle entrave l’exercice du droit d’appel.
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Réf. : Cass. civ. 2, 2 octobre 2025, n° 22-23.038 N° Lexbase : B4986BYC
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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil
Le 14 Octobre 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de la signification à domicile (V. Cass. civ. 2, 12 juin 2025, n° 22-24.741, F-D N° Lexbase : B7699AKD). Elle considère que la seule confirmation du domicile par le facteur n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences mentionnées dans l'acte de signification, la réalité du domicile du destinataire de l'acte.
Faits et procédure. Le 18 avril 2018, plusieurs sociétés ont assigné M. G et Mme O par-devant le juge des référés d’un tribunal de grande instance. Ce juge statue sur l’action des sociétés, dans une ordonnance rendue le 11 juillet 2018, qui a été signifiée à domicile le 3 août 2018, par une remise à étude. La certitude du domicile de M. [G] et Mme [O], a été confirmée par le facteur. Le 13 juillet 2021, M. G et Mme O ont relevé appel de l’ordonnance du juge des référés. Immédiatement, les intimés à l’appel ont formé un incident aux fins de déclarer l’appel irrecevable en raison de sa tardiveté. Au cours de la procédure d’incident, les appelants ont transmis des inscriptions de faux incidentes portant sur les actes d’huissier de justice. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a statué sur cette difficulté dans un arrêt du 8 septembre 2022. Ensuite, M. G et Mme O ont attaqué cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi / appel. Les demandeurs au pourvoi font notamment grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, de voir déclarer irrégulier l’acte de signification de l’ordonnance de référé, et de déclarer irrecevable leur appel. Selon les demandeurs au pourvoi, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Selon eux, la seule confirmation du domicile par le facteur n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences mentionnées dans l'acte même de signification, la réalité du domicile du destinataire de l'acte. Dans sa décision, la Cour d’appel retient que l’huissier de justice mentionne dans son acte que, malgré l’absence de nom sur la boîte aux lettres, de courrier à l’intérieur de celle-ci et de gardien dans le lotissement, le domicile de M. G et Mme O a été confirmé par le facteur, sans qu’aucune autre diligence n’ait été réalisée. Par conséquent, les juges du fond ont considéré que la signification de l’ordonnance était régulière. De ce fait, les juges aixois ont déclaré irrecevable, comme tardif, l’appel de M. G et Mme O. En statuant ainsi, les appelants estiment que la Cour d’appel a violé l’article 656 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6825H7W.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation du demandeur au pourvoi, en cassant et en annulant l’arrêt de la cour d’appel. Tout d’abord, la Haute juridiction rappelle la lettre de l’article 656 du Code de procédure civile, et le raisonnement des juges aixois. Ensuite, la Cour considère que la seule confirmation du domicile par le facteur n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences mentionnées dans l'acte de signification, la réalité du domicile du destinataire de l'acte. Par conséquent, la Cour de cassation considère que la cour d’appel a violé l’article 656 du Code de procédure civile.
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Réf. : Cass. civ. 2, 3 juillet 2025, n° 23-20.538, F-B N° Lexbase : B7778APR
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 10 Octobre 2025
La Cour de cassation précise sa jurisprudence au sujet de la notification d’un titre exécutoire (V. Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-21.994 N° Lexbase : A25344SN). Elle considère que la seule jonction au commandement de payer valant saisie immobilière des décisions qui le fondent, ne peut valoir notification de ces dernières. Le juge doit vérifier si l’acte de signification du commandement avait aussi pour objet de signifier les décisions servant de fondement aux poursuites.
Faits et procédure. Agissant en vertu d’un jugement du 2 mars 1993, confirmé en appel le 24 octobre 1996, une société a fait délivrer le 12 mars 2021 un commandement de payer aux fins de saisie immobilière à Mme [B]. Au sein de ce commandement, sont jointes les décisions qui constituent le titre exécutoire de la société. Avant la signification de ce commandement, les décisions qui le fondent n’ont pas été signifiées à la débitrice. Ensuite, la société a assigné Mme [B] à comparaître à l’audience d’orientation. Lors de cette audience, Mme [B] a invoqué la prescription décennale des titres fondant les poursuites. Une décision de première instance est rendue, puis un appel est interjeté devant la Cour d’appel de Pau. Cette dernière statue sur ce recours, dans un arrêt du 17 janvier 2023 (CA Pau, 17 janvier 2023, n° 22/01941 N° Lexbase : A424389Z). Ensuite, Mme [B] décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer valide le commandement de payer valant saisie immobilière qui lui a été signifié par la société le 12 mars 2021. Au soutien de son pourvoi, Mme [B] affirme que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. Pour considérer le commandement valide, la Cour d’appel a relevé que le jugement du 2 mars 1993 et l’arrêt du 24 octobre 1996 avaient été notifiés à Mme [B] avec le commandement de payer. Compte tenu du fait que ces décisions ont été jointes au commandement, les juges du fond ont déduit qu’elles avaient bien été notifiées à la débitrice. En statuant ainsi sans constater que les décisions auraient été signifiées préalablement au début de la procédure de saisie, Mme [B] estime que la Cour d’appel a violé l’article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation de Mme [B], au visa des articles 503 et 675 N° Lexbase : L6868LE4 du Code de procédure civile. Après avoir rappelé la lettre de ces articles et le raisonnement de la Cour d’appel, la Cour de cassation considère que les juges du fond auraient dû vérifier si l’acte de signification du commandement de payer, avait également pour objet de signifier les décisions servant de fondement aux poursuites. Dans cette situation, la Cour considère que la seule jonction au commandement de payer valant saisie immobilière des décisions qui le fondent, ne peut valoir notification de ces dernières.
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Réf. : Décret n° 2025-553 du 18 juin 2025 modifiant le dispositif de recueil des informations statistiques auprès du Conseil national des barreaux N° Lexbase : L0947NAC ; Arrêté du 20 août 2025 fixant les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires N° Lexbase : L0293NBH
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par Aude Alexandre, avocat associé AARPI Trianon Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE, membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement
Le 14 Octobre 2025
Mot-clés : Tarif • tarifs réglementés • avocat • émoluments • droit proportionnel • postulation • saisie immobilière • partage • licitation • sûretés judiciaires • remontée des données,
Les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires ont été reconduits pour une nouvelle période de deux ans par l’arrêté du 20 août 2025.
Parallèlement, les travaux autour de l’élaboration du nouveau tarif se précisent. La remontée des données est désormais attendue pour les émoluments perçus par les cabinets à compter du 1er janvier 2025 et relatifs à l’ensemble des prestations réalisées en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation ou de sûretés judiciaires.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron » N° Lexbase : Z740323T, publiée au Journal officiel du 7 août 2015, a opéré un bouleversement majeur en abrogeant, le tarif de postulation issu du décret n° 60-323 du 2 avril 1960 portant règlement d'administration publique et fixant le tarif des avoués N° Lexbase : L2132G8H.
Ce tarif avait initialement été fixé pour les avoués de première instance et maintenu de façon artificielle par l’article premier du décret du 25 août 1972 N° Lexbase : L6642BHH le rendant applicable à la profession d’avocat. Son caractère provisoire était expressément rappelé et devait prendre fin dès la fixation d’un tarif de postulation et des actes de procédure.
Il aura donc fallu attendre des décennies avant que la loi précitée ne vienne bouleverser ce fragile équilibre.
Modification d’importance donc mais également consécration du principe de la fixation d’un tarif régissant les droits et émoluments perçus par l’avocat au titre des prestations effectuées en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires.
Si une réforme apparaissait particulièrement nécessaire au regard de l’ancienneté du tarif des anciens avoués de première instance et de son inadéquation avec l’économie contemporaine, celle-ci n’est toujours pas finalisée.
De nombreux acteurs [1] se sont mobilisés dès le mois d’août 2015 afin de parvenir à la rédaction du nouveau projet de tarif dont était chargée la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans les délais escomptés. Le chantier s’annonçait immense et les objectifs ambitieux : prendre en compte « les coûts pertinents du service rendu » tout en fixant « une rémunération raisonnable définie sur la base de critères objectifs » et ce, à l’échelle de l’exercice de la profession d’avocat intervenant en matière de saisie immobilière, licitation-partage et de sûretés judiciaires.
I. L’élaboration d’un tarif à durée limitée
Face à l’ampleur de la tâche, il était fait le choix d’un tarif à durée limitée dans l’attente de disposer des éléments nécessaires à l’écriture du tarif « définitif ».
A. Historique des arrêtés
Près de deux ans après la promulgation de la "loi Macron", le décret n° 2017-862 du 9 mai 2017 relatif aux tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires N° Lexbase : L4301MYX était enfin publié.
L’arrêté du 6 juillet 2017, publié au Journal officiel le 14 juillet 2017, fixait le tarif des avocats pour une période de deux années, comprise entre le 1er septembre 2017 et le 1er septembre 2019, avec entrée en vigueur au 1er septembre 2017.
| En ces matières, l’ancien tarif demeure donc applicable pour les procédures initiées avant le 1er septembre 2017. | 
Cette durée initiale de validité de deux ans avait laissé imaginer qu’il permettrait d’obtenir l’ensemble des données nécessaires à la rédaction du tarif définitif, cet objectif ambitieux allait vite être démenti tant la tâche s’avérait complexe à organiser.
Si les travaux se sont poursuivis, ce délai s’est avéré bien trop court pour que les différents interlocuteurs puissent se coordonner.
Un nouvel arrêté du 8 août 2019 était dès lors publié au Journal officiel du 30 août 2019 qui reprenait la majeure partie du tarif fixé par l’arrêté du 6 juillet 2017, tout en le reconduisant pour une nouvelle période de deux années.
Il contenait toutefois deux précisions d’importance.
La première découlait directement de l’évolution de l’article L. 322-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5874IRY résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC, consacrant la possibilité de recourir à la vente de gré à gré jusqu’à l’ouverture des enchères, en cas d’accord exprès entre le débiteur saisi et de l’ensemble des créanciers. Cette faculté ainsi gravée dans le marbre mettait ainsi fin à un débat doctrinal controversé sur la possibilité de vendre les biens saisis de gré à gré alors que cette forme de vente n’était pas prévue au Code des procédures civiles d’exécution qui, seul, envisageait la vente amiable autorisée par le JEX.
| Ainsi, l’arrêté du 8 août 2019 mettait fin à une nouvelle série d’interrogations quant à la perception de l’émolument proportionnel par l’avocat dans l’hypothèse d’une vente de gré à gré, alors que celui-ci n’était expressément prévu que dans le cadre de vente amiable judiciaire et modifiait l’article A. 444-191 du Code de commerce N° Lexbase : L8761LRW. Plus de place au doute sur cette question, en cas de vente de gré à gré avec mainlevée du commandement, l’avocat poursuivant la vente perçoit l'émolument proportionnel perçu par les notaires en application de l'article A. 444-91 N° Lexbase : L3314LWN du même Code. | 
La seconde concernait la distribution du prix de vente. L’arrêté du 8 août 2019 modifiait l’article A. 444-192 en précisant que lors d’une procédure de distribution du prix de vente d’un immeuble et en présence d’un seul créancier admis à faire valoir ses droits sur le prix de vente, l’émolument serait réduit de moitié. Contre toute attente, la formulation « lorsqu'il n'est pas fait de répartition entre plusieurs créanciers, un seul d'entre eux étant en mesure de percevoir un versement, cet émolument est réduit de moitié » allait donner lieu à de nouvelles difficultés auprès de certains praticiens, nous y reviendrons.
Cette nouvelle période biennale de reconduction du tarif devait, en outre, permettre de recueillir des données auprès des avocats praticiens et de faire évoluer le tarif dans les objectifs fixés initialement dans une recherche évidente de compétitivité.
La crise sanitaire liée au COVID-19 et l’arrêt brutal de l’activité de nombreux cabinets d’avocats auront balayé ce projet.
C’est donc de nouveau en pleine période estivale, que l’arrêté du 2 août 2021 était publié au Journal officiel du 15 août 2021, reconduisant le tarif jusqu’au 31 août 2023.
Outre la nouvelle prorogation, deux nouvelles modifications étaient apportées.
La formulation de l’alinéa 2 de l’article 444-192 du Code de commerce N° Lexbase : L3314LWN, telle qu’issue de l’arrêté du 8 août 2019 était de nouveau modifiée. Dans sa nouvelle rédaction, l’article renvoyait désormais expressément aux dispositions de l’article L. 331-1 du Code des procédures civiles d’exécution régissant la procédure de distribution en présence d’un créancier unique, mettant ainsi un point final aux difficultés d’interprétation précédemment évoquées.
Enfin, les remises qui peuvent être consenties par les avocats sur leurs émoluments proportionnels, telles que prévues à l’article L. 444-2 et dans les conditions fixées à l’article A. 444-202 du Code de commerce N° Lexbase : L5493L7L, applicables uniquement sur les tranches d’assiette supérieures ou égales à 100 000 euros passaient de 10 à 20 %.
L’arrêté du 23 août 2023 publié au Journal officiel du 29 août 2023 n’a pas apporté de modification d’ajustement ni de modification d’importance, signe que le tarif provisoire établi fonctionne et l’a reconduit pour une nouvelle période de deux ans. L’article
L’arrêté du 20 août 2025 publié au Journal officiel du 31 août 2025 reconduit donc notre tarif à l’identique jusqu’au 31 août 2027. L’article A. 444-187 du Code de commerce N° Lexbase : L5811MI3 est conséquemment modifié et prévoit désormais que les émoluments qui y sont prévus sont applicables jusqu’au 31 août 2027.
Les « anciens » tarifs demeurent applicables :
| Les tarifs fixés par l'arrêté du 6 juillet 2017 restent applicables aux instances ouvertes à partir du 1er septembre 2017 et jusqu'au 31 août 2019 inclus ; Les tarifs fixés par l'arrêté du 8 août 2019 restent applicables aux instances ouvertes à partir du 1er septembre 2019 et jusqu'au 31 août 2021 inclus ; Les tarifs fixés par l'arrêté du 2 août 2021 restent applicables aux instances ouvertes entre le 1er septembre 2021 et jusqu'au 31 août 2023 inclus. Les tarifs fixés par l'arrêté du 23 août 2023 restent applicables aux instances ouvertes à partir du 1er septembre 2023 et jusqu'au 31 août 2025 inclus | 
II. Vers l’établissement d’un tarif définitif
La reconduction du tarif jusqu’au 31 août 2027 marquera, à n’en pas douter, une période décisive des travaux autour de l’élaboration du tarif des avocats intervenant en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et des sûretés judiciaires.
Rappelons que l’objectif poursuivi par la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron » est d’assurer la couverture des « coûts pertinents du service rendu » tout en fixant « une rémunération raisonnable définie sur la base de critères objectifs » et ce, à l’échelle de l’exercice de la profession d’avocat intervenant en matière de saisie immobilière, licitation-partage et de sûretés judiciaires.
L’élaboration de ce tarif passe donc par une remontée des données comptables auprès des praticiens concernés telle que prévue à l’article R. 444-20 du Code de commerce N° Lexbase : L2447LGQ.
Après avoir été exclus du dispositif fixé par l’arrêté du 11 août 2018 relatif au recueil de données et d'informations auprès de certains professionnels du droit, les avocats ont été intégrés aux professionnels concernés par le décret n° 2020-179 du 28 février 2020 relatif aux tarifs réglementés applicables à certains professionnels du droit N° Lexbase : L2437LW8.
Ce décret a défini les modalités de détermination de taux de résultat moyen sur la base duquel le tarif devra être fixé en application de l’article L. 444-2 du Code de commerce N° Lexbase : L7322LPU et précise les modalités de collecte des données transmises annuellement par les instances professionnelles nationales.
Concernant les avocats, l’échéance de la remontée des données avait initialement était fixée à l’année 2023. Sur l’impulsion du groupe de travail « saisie-immobilière » de la commission Règles et Usages auprès du Conseil National des Barreaux, il a consécutivement été sollicité que l’année civile concernée par la remontée soit 2024 puis 2025 afin de permettre aux avocats de s’organiser.
Si dans un premier temps le projet de décret prévoyait que cette remontée ne concernerait que les avocats ayant perçu des émoluments au cours de l’année civile au titre de cinq prestations réalisées en matière de saisie immobilière et de licitation, le décret du 18 juin 2025 [2] consacre que cette remontée concernera en réalité les émoluments perçus dans l’ensemble des prestations réalisées inscrites au tableau 6 annexé à l'article R. 444-3 du Code de commerce N° Lexbase : L1587KGU à savoir :
Ledit décret prévoit en outre que le recueil des informations s’effectuera au titre de l’exercice 2025.
Concrètement cette première collecte de données interviendra le 30 juin 2026 et concernera les données de l'exercice 2025.
Un formulaire de déclaration sécurisé sera mis en ligne par le Conseil National des Barreaux à compter du 1er janvier 2026 et devrait être accessible jusqu'au 1er juin 2026.
Un récépissé d’accomplissement de l’obligation de déclaration sera délivré à l’issue de la déclaration.
Il est donc désormais impérieux pour les avocats concernés de tenir une comptabilité distinguant efficacement depuis le 1er janvier 2025 les honoraires, des émoluments, des débours.
Concernant la remontée des données dans le cadre de procédures diligentées par un avocat plaidant sous la constitution d’un avocat postulant, la remontée des données sera effectuée par l’avocat postulant qui a, seul, vocation à percevoir des émoluments en ces matières.
| Attention : Cette remontée devra être scrupuleusement être suivie par les praticiens concernés. Tout d’abord car à défaut d’y déférer des amendes administratives sont prévues par l’article L. 444-6 du Code de commerce N° Lexbase : L2496LDS à savoir de 3000 euros part avocat et de 15 000 euros par structure. Mais surtout car il est primordial que le nouveau tarif qui sera fixé soit le plus représentatif au regard des exigences posées par la « loi Macron » en corrélation avec la réalité économique de ces procédures, de leur coût de gestion pour les cabinets et du niveau de technicité nécessaire à leur mise en œuvre. | 
[1] Au nombre desquels le travail considérable de l’Association des Avocats Praticiens et des Procédures et de l’Exécution (AAPPE) conduits par l’ancienne présidente de la commission règles et usages au Conseil National des Barreaux (CNB), sur consultation de la DGCCRF.
[2] Décret n° 2025-553 du 18 juin 2025 modifiant le dispositif de recueil des informations statistiques auprès du Conseil national des barreaux N° Lexbase : L0947NAC.
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