Jurisprudence : CAA Paris, 4e, 12-02-2013, n° 10PA00941

Références

Cour administrative d'appel de Paris

N° 10PA00941
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
lecture du mardi 12 février 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 20 mai 2010, présentés pour le département de Paris, dont le siège est 4, rue Lobau à Paris RP (75196), par Me Foussard ; le département de Paris demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0713193/7-2 du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2006 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, fixant le montant du droit à compensation résultant pour les départements du transfert du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité en application de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de recalculer le montant du droit à compensation financière des départements ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance et d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de recalculer le montant de la compensation financière due aux départements ou, à tout le moins, au département de Paris, au titre de la décentralisation du revenu minimum d'insertion en tenant compte des dépenses réellement supportées par les départements à ce titre, reconstituées dans les comptes administratifs annuels et de réviser ce montant chaque année afin d'indexer la compensation financière versée par l'Etat sur l'évolution des dépenses réelles des départements, dans les conditions prévues aux articles L. 1614-1 et L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales ; à titre subsidiaire, d'arrêter le montant de la compensation financière des départements et, en tout cas, du département de Paris, sur la base des dépenses supportées au titre du revenu minimum d'insertion en 2003 et des dépenses réellement supportées en 2004 au titre de cette allocation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Charte européenne de l'autonomie locale ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 ;

Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 :

Vu de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Sanson, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Froger substituant Me Foussard, représentant le département de Paris ;

1. Considérant que la loi susvisée du 18 décembre 2003 a transféré aux départements la gestion du revenu minimum d'activité et prévu le versement par l'Etat à ces collectivités d'une compensation financière ; que, par un arrêté du 17 août 2006, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont fixé le montant et la répartition de la compensation financière due aux départements ; que le département de Paris a saisi le Tribunal administratif de Paris d'un recours en annulation de cet arrêté ; que, par un jugement du 18 décembre 2009, dont le département de Paris relève appel, le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour écarter le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué, le tribunal, après avoir cité l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, a énoncé que cet arrêté ne figurait pas au nombre des actes administratifs dont la motivation est prévue par cette loi ; que ledit arrêté, qui fixe le montant de la compensation financière résultant du transfert de compétence, ne constitue par une décision individuelle défavorable et n'entre donc pas dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il en résulte que le tribunal administratif a écarté à bon droit comme inopérant le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté ; que la circonstance que le tribunal n'aurait pas développé le raisonnement suivi pour écarter ce moyen, dès lors que la motivation retenue est exposé avec une précision suffisante, n'entache pas le jugement d'irrégularité ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Considérant que, par une décision du 30 juin 2011, le Conseil constitutionnel, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, s'est référé à ses décisions du 18 décembre 2003 et du 29 décembre 2003 par lesquelles il a déclaré conformes au principe de l'autonomie financière des collectivités locales garanti à l'article 72-2 de la Constitution, respectivement l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 et l'article 59 de la loi de finances pour 2004 ; qu'il a également déclaré conforme à la Constitution l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005, qui apporte des précisions sur la prise en charge par l'État des coûts liés à l'instauration du revenu minimum d'activité par les départements ; que la question prioritaire de constitutionnalité présentée par le département de Paris, qui tend aux mêmes fins que la question sur laquelle il a été ainsi statué, doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi susvisée du 18 décembre 2003, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité : " Les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances./ Au titre de l'année 2004, la compensation prévue au premier alinéa est calculée sur la base des dépenses engendrées par le paiement du revenu minimum d'insertion en 2003./Au titre des années suivantes, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des comptes administratifs des départements pour 2004 dans la loi de finances suivant l'établissement desdits comptes " ; qu'aux termes de l'article 59 de la loi susvisée du 30 décembre 2003, portant loi de finances pour 2004, modifiée par la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 : " I. - Les ressources attribuées au titre des transferts de compétences prévus par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité prévu à l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et des familles et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité./ Ces ressources sont composées, d'une part, du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Cette part est obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national./ La fraction de tarif mentionnée à l'alinéa précédent, calculée de sorte qu'appliquée aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2003 elle conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité, s'élève à :/ - 12,50 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ;/ - 13,56 euros par hectolitre s'agissant du supercarburant sans plomb contenant un additif améliorant les caractéristiques anti récession de soupape ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;/ - 8,31 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120° C./ Le niveau définitif de cette fraction est arrêté par la plus prochaine loi de finances après la connaissance des montants définitifs de dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité. Il tient compte du coût supplémentaire résultant pour les départements, d'une part, de la création d'un revenu minimum d'activité, et, d'autre part, de l'augmentation du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique./ Chaque département reçoit un pourcentage de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnée au deuxième alinéa. Ce pourcentage est égal, pour chaque département, au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité dans ce département et au montant des dépenses exécutées par ce département en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements./(...)/ Si le produit affecté globalement aux départements en vertu des fractions de tarif qui leurs sont attribuées par la loi de finances représente un montant annuel inférieur au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité, la différence fait l'objet d'une attribution d'une part correspondante du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'Etat./ Cette part de produit est répartie entre les départements selon les pourcentages mentionnés aux alinéas précédents (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le montant de la compensation financière est égal au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre des compétences transférées auquel s'ajoute la somme des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre du revenu minimum d'activité, ainsi que le surcoût résultant la même année, pour ces collectivités, de l'augmentation du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les dispositions législatives précitées en se fondant sur les dépenses de l'Etat en 2003 au titre du revenu minimum d'insertion et non sur celles supportées par les départements en 2004 au titre de la même allocation doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L.1614-1 du code général des collectivités territoriales : " Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées " ; qu'aux termes de l'article L. 1614-2 du même code : " Les charges correspondant à l'exercice des compétences transférées font l'objet d'une évaluation préalable au transfert desdites compétences (...) " ; que l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 et l'article 59 de la loi de finances pour 2004, qui alignent la compensation financière sur le montant des dépenses supportées par l'Etat à la date du transfert de compétence en matière de revenu minimum d'insertion ne contredisent pas les principes rappelés aux articles précités du code général des collectivités territoriales ;

7. Considérant que le principe de proportionnalité des ressources aux charges posé à l'article 9 de la Charte européenne des collectivités locales n'a pas été méconnu dès lors que les sommes allouées aux départements au titre de la compensation financière sont équivalentes aux dépenses de l'Etat en matière de revenu minimum d'insertion à la date du transfert de compétence ;

8. Considérant que la compensation sous forme d'une fraction de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers, établie à partir de la consommation constatée de ces produits, qui constitue un critère économique indépendant, est assortie d'un mécanisme correcteur en cas de baisse de rendement de la taxe ; que la fixation du mode de calcul du droit à compensation est soumise pour avis à la commission consultative sur l'évaluation des charges ; que les départements ont la maîtrise de l'utilisation des ressources issues de la compensation financière, qui ne sont pas affectées ; qu'ainsi cette compensation respecte le principe d'autonomie financière posé au même article de la Charte, alors même que les départements ne peuvent fixer ni le taux, ni l'assiette de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers ;

9. Considérant que le paragraphe 4 de l'article 9, qui pose en principe le caractère évolutif des ressources pour permettre de les ajuster à l'évolution des compétences exercées par les collectivités, n'implique pas l'indexation de la compensation financière sur l'évolution du coût des compétences transférées ; que l'exigence formulée à cet article peut ne concerner qu'une partie des ressources des collectivités locales ; que l'administration soutient par ailleurs sans être contredite que les départements disposent d'une certaine autonomie dans la gestion du revenu minimum d'insertion ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance par les dispositions législatives contestées des stipulations de la Charte européenne de l'autonomie locale doit être écarté ;

10. Considérant que, si le département de Paris invoque l'augmentation constante des dépenses liées au revenu minimum d'insertion et l'insuffisance du financement assuré par les dispositions législatives précitées, cette circonstance, qui peut justifier l'allocation par l'Etat de ressources complémentaires, ainsi qu'il y a déjà été procédé, n'est pas de nature à entacher l'arrêté litigieux d'illégalité ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département de Paris n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 17 août 2006 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le département de Paris, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent être rejetées ;


Sur les frais exposés :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande le département de Paris au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du département de Paris est rejetée.
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