Réf. : Cass. civ. 2, 14 mars 2013, n° 11-26.459, FS-P+B (N° Lexbase : A9686I9M)
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N6450BT3
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"
Le 04 Avril 2013
Résumé
En cas d'exposition au risque chez plusieurs employeurs, les conditions de délai de prise en charge de l'affection s'apprécient au regard de la totalité de la durée d'exposition au risque considéré. En cas d'exposition au risque au sein de plusieurs entreprises, l'employeur, qui fait l'objet d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable, est recevable à rechercher, devant la juridiction de Sécurité sociale, pour obtenir leur garantie, la faute inexcusable des autres employeurs au service desquels la victime a été exposée au même risque. |
I - Le régime de droit commun de l'exposition à une maladie
A - Durée d'exposition
1 - Régime légal et réglementaire
Il n'existe pas de régime général de la durée d'exposition, en matière de maladie professionnelle. Les tableaux des maladies professionnelles prévus à l'article R. 461-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7329ADS), ne fixent une durée minimum d'exposition au risque que dans un certain nombre de maladies limitativement définies :
Tableau | durée d'exposition |
n° 4 concernant les hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant | au moins 6 mois |
n° 15 ter concernant les lésions prolifératives de la vessie provoquées par les amines aromatiques et leurs sels et la N-nitroso-dibutylamine et ses sels | 5 ans |
n° 16 bis concernant les affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille | 10 ans |
n° 20 ter concernant les cancers bronchitiques primitifs provoqués par l'inhalation de poussières ou de vapeurs renfermant des arseno-pyrites aurifères | 10 ans |
n° 25 concernant les affections consécutives à l'inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline | 6 mois |
n° 30 concernant les affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante | 2 ans ou 5 ans |
n° 30 bis concernant les cancers broncho-pulmonaires provoqués par l'inhalation de poussières d'amiante | 10 ans |
n° 36 bis concernant les affections cutanées cancéreuses provoquées par les dérivés du pétrole | 10 ans |
n° 42 concernant la surdité provoquée par les bruits lésionnels | 1 an ou 30 jours |
n° 43 bis concernant les affections cancéreuses provoquées par l'aldéhyde formique | 5 ans |
n° 44 concernant les affections consécutives à l'inhalation de poussières ou de fumées d'oxyde de fer | 10 ans |
n° 44 bis concernant les affections cancéreuses consécutives à l'inhalation de poussières ou de fumées d'oxyde de fer | 10 ans |
n° 61 bis concernant les cancers broncho-pulmonaires provoqués par l'inhalation de poussières ou fumées renfermant du cadmium | 10 ans |
n° 69 concernant les affections provoquées par les vibrations et chocs transmis par certaines machines outils | 5 ans |
n° 70 ter concernant les affections cancéreuses broncho-pulmonaires primitives causées par l'inhalation de poussières de cobalt | 5 ans |
n° 90 concernant les affections respiratoires consécutives à l'inhalation de poussières textiles végétales | 5 ans ou 10 ans |
n° 91 concernant la broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon | 10 ans |
n° 93 concernant les lésions chroniques du segment antérieur de l'oeil provoquées par l'exposition à des particules en circulation dans les puits de mine de charbon | 2 ans |
n° 94 concernant la broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur de fer | 10 ans |
n° 97 concernant les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier | 5 ans |
n° 98 concernant les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes | 5 ans |
2 - Notion d'exposition habituelle
Les durées d'exposition varient donc d'une maladie à une autre, en fonction de ses caractéristiques propres, de son évolution, de sa dangerosité. La Cour de cassation exige que les victimes soient exposées de façon "habituelle" aux facteurs de risques. Le terme d'"habitude" ne se confond pas avec celui de "permanence". Dans un arrêt rendu le 28 mai 1998, la Cour de cassation a relevé que le tableau n° 30 des maladies professionnelles ne fixait pas de seuil d'exposition à l'agent nocif. Du 12 juin 1967 au 30 juin 1971 et du 1er mars 1983 au 30 décembre 1988, la victime avait travaillé dans le secteur "bielles" de l'atelier où étaient utilisées des machines dont les garnitures de freins contenant de l'amiante dégageaient des poussières de ce produit. Est ainsi caractérisée une exposition habituelle du salarié, au temps et au lieu du travail (5).
De même, la Cour de cassation entend l'exposition au risque de manière régulière. Elle s'est prononcée, en ce sens, dès 1976 (6). En l'espèce, un technicien au service du Commissariat à l'énergie atomique a été exposé au risque prévu par le tableau n° 6 annexé au décret du 31 décembre 1946 sur les maladies professionnelles, indépendamment du port par l'intéressé d'un film dosimétrique. Il exerçait son activité dans un hall où était installé, outre un simulateur de charge, une source neutronique placée dans un bâti de montage qui constituait une zone surveillée et qu'appelé à se rendre près du pupitre de contrôle et de test, il était nécessairement amené à passer près de ce bâti de montage de telle sorte que bien que ne travaillant pas continuellement dans la zone dangereuse, il faisait partie de la catégorie de travailleurs exposés aux rayonnements ionisants.
B - Succession d'employeurs
Depuis 1978 (7), en cas de succession d'employeurs, la Cour de cassation retient une solution simple et pragmatique : la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf pour cet employeur à rapporter la preuve contraire. La jurisprudence est constante (8).
La preuve contraire doit établir que l'affection du salarié résulte des conditions de travail du salarié au sein des entreprises dans lesquelles il avait précédemment travaillé (9).
II - Exposition à l'amiante et incertitude quant à l'imputabilité
A - Présomption d'imputabilité
Le tableau n° 30 des maladies professionnelles prévoit que sont susceptibles d'être considérés comme ayant provoqué les affections qui y figurent les travaux exposant à l'inhalation des poussières d'amiante, sans poser de conditions de durée ou d'intensité de l'exposition (10) :
- travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment (extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères) ;
- manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication (amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d'amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l'amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d'amiante et isolants) ;
- travaux de cardage, filage, tissage d'amiante et confection de produits contenant de l'amiante ;
- application, destruction et élimination de produits à base d'amiante (amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante ; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage).
- travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante ;
- travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante. Conduite de four ;
- travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante.
Le tableau n° 30 ne fixe pas de seuil d'exposition à l'agent nocif. Pour caractériser la maladie professionnelle, il suffit donc de relever une exposition habituelle du salarié à l'amiante, au temps et au lieu de travail (11). Si minime qu'ait pu être cette exposition, en l'absence de dose seuil, le lien de causalité avec l'affection ayant provoqué le décès ne peut être écarté (12).
B - Succession d'employeurs
1 - Le risque de l'incertitude pèse sur le dernier employeur
La solution a été retenue par petites touches, progressivement.
En 2008, la cour d'appel de Paris (13) a retenu que les employeurs successifs des demandeurs ont sciemment méconnu, non seulement les règles générales sur les poussières, mais aussi celles plus spécifiques du décret n° 77-949 du 17 août 1977. Cette négligence fautive a eu pour conséquence d'exposer l'ensemble des salariés au risque d'amiante, avec pour conséquence une réduction de leur espérance de vie. La société, en l'absence de convention avec les employeurs successifs, est donc tenue des obligations incombant à ces derniers du fait du contrat de travail de chacun des salariés, notamment, en ce qui concerne les conséquences du non-respect des prescriptions d'ordre public de santé et sécurité au travail applicables à une entreprise dont les salariés ont été de manière continue exposés à l'amiante.
En 2012, la Cour de cassation a formalisé plus clairement la solution : en cas d'exposition au risque chez plusieurs employeurs, les conditions de délai de prise en charge de l'affection s'apprécient au regard de la totalité de la durée d'exposition au risque considéré. Pour rejeter la demande des ayants droits de la victime, les juges du fond ont retenu que dans ses fonctions au sein de la société (et, en écartant les périodes pendant lesquelles il se trouvait en arrêt maladie), la victime n'avait effectivement exercé les travaux limitativement énumérés au tableau n° 16 bis que pendant neuf ans. Mais pour la Cour de cassation, les juges du fond devaient rechercher si la victime avait, dans ses fonctions exercées pour le compte de précédents employeurs, été exposée au même risque, de sorte que la durée totale d'exposition aurait été supérieure à dix années.
En 2013 (arrêt rapporté), la Cour de cassation confirme cette jurisprudence. En l'espèce, le salarié a été employé par plusieurs sociétés. Il a été reconnu atteint d'une maladie inscrite au tableau n° 30 E constatée par un certificat médical du 26 décembre 2005 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 67 %. Il a saisi une juridiction de Sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. La Cour de cassation confirme qu'en cas d'exposition au risque chez plusieurs employeurs, les conditions de délai de prise en charge de l'affection s'apprécient au regard de la totalité de la durée d'exposition au risque considéré. Le salarié avait été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante non seulement chez l'employeur mis en cause par lui mais aussi au sein des précédentes sociétés où il avait travaillé.
2 - Le risque peut être écarté
En effet, la caisse de Sécurité sociale peut refuser la prise en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles, par exemple de l'adénocarcinome bronchique dont est décédé un salarié ayant exercé ses fonctions en qualité de menuisier bois durant 38 ans chez deux employeurs successifs (14). Le fait que la victime ait travaillé pendant quinze ans dans une entreprise qui se chargeait de l'entretien des caravanes dont certaines comportaient de l'amiante, n'établissait pas que le travail de la victime, chez ses employeurs successifs, l'avait exposé habituellement à l'inhalation de poussière d'amiante.
En 1999, la Cour de cassation a rendu un arrêt permettant de mieux comprendre le mécanisme (15). L'employeur chez lequel le salarié a été exposé au risque a la charge de prouver, s'il entend invoquer le bénéfice de l'article 4 bis de l'arrêté du 1er octobre 1976 (modifié sur la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, pour la détermination de la valeur du risque), alors applicable, que ce salarié a été pareillement exposé au risque chez d'autres employeurs. En l'espèce, les juges du fond ont relevé que si l'expert n'a pas formellement exclu une possibilité d'exposition de 1963 à 1967, sur un chantier naval portugais, il a retenu l'absence de tout élément probant à cet égard. La cour d'appel a estimé, sans dénaturation, que la SAEP ne démontrait pas que le salarié avait été effectivement exposé au risque lors de son emploi antérieur
C - Conséquences juridiques attachées à la règle
1 - Recouvrement des indemnités AT-MP en cas de faute inexcusable
Il faut rappeler l'apport de la LFSS 2013 (article 86 de la loi n° 2012-1404, 17 décembre 2012, de financement de la Sécurité sociale pour 2013 N° Lexbase : L6715IUA). Lorsque le sinistre est imputable à une faute inexcusable, la caisse verse à la victime plusieurs indemnités (majoration du capital ou de la rente, indemnisation des préjudices), qu'elle peut ensuite recouvrer auprès de l'employeur (CSS, art. L. 452-1 à L. 452-3 N° Lexbase : L5302ADQ).
La LFSS 2013 a prévu que la reconnaissance de la faute inexcusable par décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour l'employeur de verser les sommes dont il est redevable à ce titre (CSS, art. L. 452-3-1 N° Lexbase : L6937IUH). Et ce, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie.
2 - Recours de l'employeur contre les précédents employeurs
La règle posée par la Cour de cassation, selon laquelle le dernier employeur est tenu responsable de la maladie contractée par le salariée, alors même que le salarié aurait été exposé à des facteurs de risques auprès des employeurs précédents, est assez injuste, car elle fait peser sur le dernier employeur le poids des conséquences juridiques attachées à l'exposition du salarié à ces facteurs. La Cour de cassation (arrêt rapporté) atténue les conséquences juridiques de cette règle.
En l'espèce, les juges du fond avaient déclaré l'employeur irrecevable en sa demande de mise en cause des précédents employeurs : hors le cas de l'appel en la cause de l'entreprise utilisatrice par l'entreprise de travail temporaire, seul le salarié reconnu atteint d'une maladie professionnelle est en droit d'attraire en justice l'employeur en vue de faire reconnaître sa faute inexcusable.
En cas d'exposition au risque au sein de plusieurs entreprises, l'employeur, qui fait l'objet d'une action en reconnaissance de sa faute inexcusable, est recevable à rechercher, devant la juridiction de Sécurité sociale, pour obtenir leur garantie, la faute inexcusable des autres employeurs au service desquels la victime a été exposée au même risque.
(1) Contentieux portant sur des mines d'amiante en Afrique du Sud (succursales localisées en Afriques du Sud), mais la maison mère était localisée en Angleterre : Chambre des Lords 20 juillet 2000 S.W.B. Lubbe c. Cape plc, et Christelle Chalas, L'application de la doctrine du forum non conveniens par le juge anglais, Revue critique de droit international privé 2002, p. 690.
(2) Accord du 28 décembre 2012 relatif à la prévention et à la réparation du risque amiante chez GRDF, LSQ, n° 16298 du 5 mars 2013.
(3) Cass. civ. 2, 29 novembre 2012, n° 11-24.269, F-P+B (N° Lexbase : A8692IX9) ; D., Asquinazi-Bailleux, Exposition au risque chez plusieurs employeurs et calcul des délais d'exposition, JCP éd. S n° 5, 29 janvier 2013, 1063.
(4) Cass. civ. 2, 14 mars 2013, n°11-26.459, F-P+B ([LXB=A9686I9M ]) ; D., 2013 p. 779.
(5) Cass. soc., 28 mai 1998, n° 96-22.361, inédit (N° Lexbase : A3073ATY).
(6) Cass. soc., 24 novembre 1976, n° 75-15.408, publié (N° Lexbase : A8797CIN).
(7) Cass. soc., 9 mars 1978, n° 76-13.724, publié (N° Lexbase : A6593C8P).
(8) Cass. civ. 2, 22 novembre 2005, n° 04-30.310, publié (N° Lexbase : A7564DLQ), JCP éd. S 2006, 1078, note G. Vachet ; Cass. civ. 2, 23 octobre 2008, n° 07-18.986, F-D (N° Lexbase : A9433EAM).
(9) Cass. civ. 2, 16 juin 2011, n° 10-18.165 (N° Lexbase : A7525HTU) ; JCP éd. S, 2010, 1559, note D. Asquinazi-Bailleux.
(10) Cass. soc., 7 mars 1996, n° 94-15.171, publié (N° Lexbase : A3075AT3).
(11) Cass. soc., 28 mai 1998, n° 96-22.361, inédit (N° Lexbase : A3073ATY). Si le tableau n° 30 ne fixe pas de seuil d'exposition à l'agent nocif, le fait qu'un salarié ait travaillé durant de longues périodes dans un atelier où étaient utilisées des machines dont les garnitures de frein contenant de l'amiante dégageaient des poussières de ce produit, suffit pour caractériser l'exposition habituelle de l'intéressé au risque, au temps et au lieu de travail.
(12) Cass. soc., 2 mars 2001, n° 99-16.342, (N° Lexbase : A1407ATB).
(13) CA Paris, 18ème ch., sect. C, 18 septembre 2008, n° 07/00454, (N° Lexbase : A5142EAP).
(14) Cass. civ. 2, 19 janvier 2006, n° 04-30.368, FS-D (N° Lexbase : A4062DME). Après avoir rappelé les activités professionnelles exercées successivement par M. X. et les conditions de leur exercice, la cour d'appel a estimé que les éléments de preuve produits par sa veuve n'établissaient pas que le travail qui avait été celui de la victime, chez ses employeurs successifs, l'avait exposé habituellement à l'inhalation de poussières d'amiante. Elle en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les conditions exigées pour la prise en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles de l'affection ainsi déclarée n'étaient pas réunies.
(15) Cass. soc., 28 octobre, n° 97-18358, inédit (N° Lexbase : A3071ATW).
Décision
Cass. civ. 2, 14 mars 2013, n° 11-26.459, FS-P+B (N° Lexbase : A9686I9M) Textes concernés : CSS, art. L. 452-1 (N° Lexbase : L5300ADN) et L. 452-4 (N° Lexbase : L7112IUX) Mots-clés : Amiante, faute inexcusable, exposition du salarié, facteurs de risques, durée d'exposition, appréciation, totalité des périodes d'exposition, employeur, dernier employeur, recours contre les précédents employeurs Liens base : (N° Lexbase : E4591ACZ) |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:436450
Réf. : Cass. soc., 20 mars, deux arrêts, n° 12-40.104, FS-P+B (N° Lexbase : A9043KA8) et n° 12-40.105, FS-P+B (N° Lexbase : A9046KAB)
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N6456BTB
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 04 Avril 2013
Résumé
"L'article 717-3 du Code de procédure pénale, en ce qu'il dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux droits garantis par les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU)? " |
I - Présentation de la QPC
Objet de la QPC. Ces deux QPC, transmises par le CPH de Metz, sont rédigées en des termes identiques : "L'article 717-3 du Code de procédure pénale, en ce qu'il dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux droits garantis par les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?".
Sérieux de la question posée. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, "la question présente un caractère sérieux, la disposition de l'article 717-3 du Code de procédure pénale étant susceptible d'avoir pour effet de porter atteinte au droit pour chacun d'obtenir un emploi, garanti par l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946, au droit de grève, garanti par l'article 7 de ce Préambule, et au droit, garanti notamment par l'alinéa 8 de ce Préambule, pour tout travailleur de participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".
Chances de succès. La rareté des transmissions de QPC a été soulignée, et regrettée, à plusieurs reprises (2). Même s'il nous semble que la Chambre sociale de la Cour de cassation joue son rôle de filtre avec un peu trop de zèle, singulièrement lorsque le demandeur conteste l'interprétation jurisprudentielle d'une disposition légale (3), le Conseil constitutionnel, par le caractère minimaliste du contrôle de constitutionnalité exercé en matière sociale, ne l'incite guère à assouplir sa position dans la mesure où les quelques questions qui sont transmises ont toute reçu, à une exception près (4), le même sort, le Conseil se retranchant derrière la marge de manoeuvre que la Constitution a entendu laisser au Parlement sur les questions intéressant le droit du travail.
Dans un contexte aussi sombre pour le rôle des QPC en droit du travail, et sans se fier aux statistiques qui inclinent à anticiper sur le rejet de cette nouvelle QPC, il convient d'en examiner la valeur, sur le plan constitutionnel.
II - Des chances de succès limitées
A - Droit d'obtenir un emploi
Présentation du grief. Selon la Haute juridiction, l'article 717-3 du Code de procédure pénale serait "susceptible d'avoir pour effet de porter atteinte au droit pour chacun d'obtenir un emploi".
La neutralité de la formule accompagnant la transmission. Le moins que l'on puisse dire, à titre liminaire, est que la formule qui accompagne la transmission ("susceptible d'avoir pour effet de porter atteinte") est des plus prudentes, et des plus modestes. Dans ses décisions les plus récentes, la Cour avait utilisé d'autres expressions proches mais moins prudentes ("en ce qu'elle est susceptible de porter atteinte [...]" (5)) où la Haute juridiction faisait état, au moins formellement, au caractère "sérieux" des arguments soulevés ("la question posée présente un caractère sérieux au regard de" (6)).
La Chambre sociale de la Cour de cassation n'avait, jusqu'à lors, utilisé cette expression qu'à une seule reprise lorsqu'il s'était agi de transmettre au Conseil une question portant sur l'exclusion des apprentis du décompte des effectifs, au regard du principe de participation (7), et tranche nettement avec les hypothèses où la Cour accompagne la transmission d'une formule explicitant l'analyse du caractère sérieux de l'argument, marquant ainsi ses propres doutes sur la constitutionnalités des dispositions contestées (8).
La neutralité de la formule accompagnant la transmission pourrait vouloir dire que la Cour de cassation transmet par devoir la question, et laisse au Conseil le soin d'apprécier la validité des arguments soulevés. La transmission serait d'ailleurs d'autant plus nécessaire qu'elle permettrait de lever les hypothèques qui pèsent sur le travail carcéral (9), à tout les moins les hypothèques constitutionnelles puisque la question de la conventionnalité demeure entière, mais sera, lorsque l'occasion lui en sera donnée, de la compétence de la Cour de cassation.
Reste à déterminer s'il y a bien atteinte au droit à l'emploi, et si cette atteinte est susceptible d'entraîner la censure du texte, ce dont on peut raisonnablement douter.
Egalité devant l'emploi. Il n'est pas inutile de rappeler que le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à se prononcer sur une hypothèse comparable, bien au contraire puisque généralement les recours portent sur l'égalité devant le droit à l'emploi et sur la constitutionnalité des politiques d'emploi favorisant telle ou telle catégorie de travailleurs particulièrement exposés au risque de chômage (10).
Dans toutes ces hypothèses, la non-discrimination devant l'emploi, évoquée par le sixième alinéa lui-même, pouvait être invoquée en raison de la prise en considération de l'âge des salariés, quoi que le texte, qui ne vise que trois motifs prohibés (les origines, les opinions et les croyances), ne mentionne pas l'âge, contraignant les demandeurs à invoquer alors la violation du principe d'égalité devant la loi.
Mais en l'espèce pareil argument, avancé par les demandeurs pour convaincre le défenseur des droits d'intervenir en leur faveur dans cette affaire, ce qu'il a fait d'ailleurs en considérant à son tour qu'il y avait rupture d'égalité (11), ne saurait prospérer car d'évidence les détenus ne se trouvent pas dans la même situation que les salariés, précisément parce que leur situation professionnelle découle directement de leur incarcération, et que par hypothèse toujours, cette situation a été légitimée par la condamnation pénale.
Compte tenu de la marge de manoeuvre laissée au Parlement et au Gouvernement pour apprécier les différences entre situation, et les motifs qui peuvent conduire à traiter les personnes différemment (12), il semble peu probable que le Conseil constitutionnel censurera les dispositions qui renvoient les détenus au travail à un régime dérogatoire. Le Conseil constitutionnel pourrait bien alors reprendre, en l'adaptant, la formule retenue dans sa décision du 19 novembre 2009, à propos de la loi pénitentiaire, où il avait affirmé que : "le régime disciplinaire des personnes détenues ne relève pas en lui-même des matières que la Constitution range dans le domaine de la loi", et "qu'il appartient cependant au législateur de garantir les droits et libertés dont ces personnes continuent de bénéficier dans les limites inhérentes aux contraintes de la détention" (13). Il pourrait éventuellement formuler des réserves pour détailler les garanties minimales dont les détenus doivent bénéficier.
Les détenues et le bénéfice du droit à l'emploi. Il convient à titre liminaire de déterminer si les détenus peuvent revendiquer le bénéfice du droit à l'emploi du Préambule de 1946, qui doit bénéficier à "chacun", et ce compte tenu de la situation de privation de libertés qui est la leur.
La réponse ne va pas de soi compte tenu du caractère catégoriel de nombreux droits proclamés dans le Préambule de 1946, et on pourrait se demander si les droits liés au travail, même s'ils ne sont pas formellement subordonnés à la qualité de "salarié", ne pourraient pas leur être "réservés" par nature (14).
La question est délicate, même si l'argument de texte nous semble ici décisif puisque le droit à l'emploi bénéficie à "chacun", et donc à tous, y compris aux détenus. Cette interprétation est d'ailleurs la seule conforme au principe de la dignité de la personne incarcérée, qui n'est pas frappée de mort civile par l'incarcération, comme le rappelle d'ailleurs la recommandation du Conseil de l'Europe de 2006 (15).
La conciliation du droit à l'emploi avec d'autres principes constitutionnels. La reconnaissance du droit à l'emploi doit toutefois être bien comprise. Il s'agit, en effet, du droit de travailler, au sens large, c'est-à-dire du droit à l'activité professionnelle, ce qui rejoint d'une certaine manière le principe de la liberté de l'activité professionnelle proclamé par le décret d'Allarde et décliné sur le fondement de l'article 2 de la DDHC (N° Lexbase : L1366A9H). Le droit à l'emploi ne crée pas au bénéfice des personnes aucun droit opposable à un "employeur" ou autre "fournisseur d'activité", car il convient de concilier ce droit avec d'autres droits de valeur constitutionnelle, telle la liberté d'entreprise qui entraîne le droit de choisir ses collaborateurs.
Contrat de travail et activité professionnelle. Priver les détenus du bénéfice du Code du travail, en leur appliquant un régime sui generis, apparaît alors comme une atteinte au droit à l'emploi qui est justifiée par la situation particulière du détenu qui est, faut-il le rappeler, privé de liberté (16), et ce alors même que le travail, et plus généralement l'activité professionnelle, sont fondés sur le principe de liberté (17).
Dès lors, il semble légitime que ce régime du travail carcéral, tel qu'il résulte des dispositions du Code de procédure pénale (18), ne relève pas du droit commun du travail salarié, car il ne s'agit pas d'un "travail" comme les autres mais d'une activité dont la finalité est également de préparer la réinsertion du détenu (19). On sait d'ailleurs que le Conseil constitutionnel a régulièrement concilié le droit à l'emploi avec d'autres droits, principes ou exigences constitutionnelles, ce qui ne confère pas à ce droit une vigueur particulière, le Parlement étant largement investi du pouvoir de justifier des motifs conduisant à cette conciliation (20).
La réalisation du droit à l'emploi via un régime sui generis. Il ne nous semble d'ailleurs pas possible de considérer que la mise à l'écart de la qualification de contrat de travail prive le détenu de tout droit à l'emploi, puisqu'il peut travailler en prison mais sous un statut adapté à l'incarcération. Il est donc inexact d'affirmer, comme le faisait le détenu dans cette affaire lors de la saisine du Défenseur des droits, que la mise à l'écart du contrat de travail "disqualifierait" la relation de travail "en simple relation de fait" ; le détenu relève, en effet, bien d'un statut professionnel particulier, ce qui est loin de caractériser une simple "situation de fait".
Le détenu n'est d'ailleurs pas privé de tous droits par le simple fait que le législateur écarte la qualification de contrat de travail au profit de celle de "contrat d'engagement" (21). Le régime du travail pénitentiaire garantit, par ailleurs, au détenu un certain nombre de droits qui sont bien entendu moins étendus que ceux des salariés : outre la signature d'un "contrat", devant indiquer "notamment la description du poste de travail, le régime de travail, les horaires de travail, les missions principales à réaliser et, le cas échéant, les risques particuliers liés au poste" (22), ils doivent percevoir une rémunération qui "ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0825H9G) [et qui] peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées" (23). Même si la rupture de l'acte d'engagement ne relève pas du droit du licenciement, la décision prise par le chef d'établissement, "eu égard à sa nature et à l'importance de ses effets sur la situation des détenus", constitue un acte administratif susceptible d'un recours pour excès de pouvoir (24) et le juge contrôle les motifs qui ont conduit l'autorité pénitentiaire à prendre la mesure discutée. Sans aller jusqu'à prétendre que l'administration devrait justifier d'une cause réelle et sérieuse, le juge administratif veillera à ce que la décision ne soit pas infondée (25).
Conclusion. Il ne nous semble donc pas, dans ces conditions, que le risque de censure soit sérieux, le Conseil considérant certainement que le Parlement n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que les détenus ne pouvaient pas conclure de contrat de travail, compte tenu de leur situation particulièrement liée au régime général de privation de libertés dans lequel ils se trouvent.
B - Droit de grève
La reconnaissance du droit de grève au bénéfice des détenus ? La question des bénéficiaires du droit de grève relève de la même problématique liminaire que celle du droit à l'emploi, compte tenu de l'absence de réserve textuelle sur ses bénéficiaires éventuels et de la situation chez certains de nos voisins (26).
Contrairement au droit à l'emploi qui nous semble, en quelque sorte, logiquement antérieur à la question du statut du travail, le droit de grève est consubstantiellement réservé aux salariés (du secteur privé comme public) puisqu'il s'agit du droit de se soustraire au lien de subordination patronale, ce qui explique que les travailleurs non subordonnés ne puissent revendiquer le bénéfice du droit de grève (singulièrement pas les travailleurs indépendants, ou les artistes interprètes). Les détenus sont certes "subordonnés" à l'administration pénitentiaire, mais pas dans le cadre d'un rapport juridique librement consenti, puisqu'ils sont privés de libertés par une décision de justice.
Le Conseil pourrait donc considérer qu'il appartient au législateur, dans le cadre des pouvoirs que lui a confié le Constituant, de déterminer la liste des travailleurs pouvant exercer le droit de grève, et d'en écarter, explicitement ou implicitement, ceux qui se trouvent dans une situation particulière, singulièrement en raison du fait qu'elles sont privées de liberté. Le Conseil pourrait ainsi expliciter le caractère catégoriel du droit de grève.
La reconnaissance d'atteintes justifiées. Même en admettant que le droit de grève puisse bénéficier aux détenus, ce dont nous doutons, on sait que, pour le Conseil constitutionnel, le Préambule de 1946 a autorisé le législateur à en tracer les limites et à opérer "la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte" (27), conciliation qui peut aller jusqu'à priver certaines catégories de travailleurs de toute faculté de faire grève (28).
On pourrait se demander si l'absence de toute faculté de faire grève est justifiée et proportionnée. Mais compte tenu de la situation très particulière des travailleurs détenus, et dans la mesure où le travail est conçu comme ayant une fonction de réinsertion professionnelle, plus que de contribution à l'activité économique d'autrui, alors il nous semble difficile de censurer l'article 717-3 du Code de procédure pénale, pour ce motif.
C - Principe de participation et exercice du droit syndical
Rejet. Il semble que comme pour le droit de grève, ces droits "sociaux" soient catégoriels et réservés par leur nature même aux seuls salariés des secteurs privés et publics ; c'est en ce sens qu'il conviendrait de comprendre la référence, dans le texte de l'alinéa 6 du Préambule de 1946, la référence au "travailleur".
Le Conseil constitutionnel pourrait donc considérer que l'exclusion du bénéfice de ces droits résulte de l'exclusion de la qualification de contrat de travail, laquelle résulte directement de la situation particulière des détenus qui se trouvent par principe privés de liberté.
Ajoutons enfin que l'administration pénitentiaire n'est pas une "entreprise", et que même si les détenus travaillent pour le bénéfice d'entreprises extérieures, ils n'ont pas vocation à faire partie de la communauté professionnelle compte tenu du régime de privation de liberté dans lequel ils se trouvent.
(1) CPH Paris, sec. activités diverses, 8 février 2013, n? 11/15 185 (N° Lexbase : A0400I9P), v. les obs. de S. Tournaux, Travail des détenus : vers l'application du droit commun du travail ?, Lexbase Hebdo édition sociale n° 520 du 21 mars 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6255BTT).
(2) Dernièrement v. notre chron., Nouveau refus de transmission d'une QPC concernant le statut des salariés protégés : quand la Cour de cassation est à la fois juge et partie..., Lexbase Hebdo n° 520 du 21 mars 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6254BTS).
(3) Cass. soc., 20 février 2013, n° 12-40.095, FS-P+B (N° Lexbase : A4387I8Y), v. notre chron., Nouveau refus de transmission d'une QPC concernant le statut des salariés protégés : quand la Cour de cassation est à la fois juge et partie..., préc..
(4) Cons. const., 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC (N° Lexbase : A1878IL7), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel et les salariés mandatés extérieurs à l'entreprise : premier impact (limité) de la QPC sur le Code du travail, Lexbase Hebdo n° 488 du 7 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2251BTK).
(5) Cass. soc., 2 février 2011, n° 10-40.058, FS-D (N° Lexbase : A9248GSC) : v. nos obs., Actualité de la QPC en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 429 du 24 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N4949BRQ).
(6) Cass. soc., 8 juillet 2010, n° 10-60.189, P+B (N° Lexbase : A2179E4H) : v. nos obs., Les syndicats catégoriels devant le Conseil constitutionnel, Lexbase Hebdo n° 404 du 22 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6449BPK) ; Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-40.025, FS-D (N° Lexbase : A9182E9X) ; Cass. soc., 9 janvier 2013, n° 12-40.085, FS-P+B (N° Lexbase : A7899IZL), v. nos obs., Interrogations sur la constitutionnalité du traitement réservé aux salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, Lexbase Hebdo n° 513 du 24 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5409BTI).
(7) Cass. soc., 16 février 2011, n° 10-40.062, F-D (N° Lexbase : A1762GXK). Cette QPC n'avait débouché sur aucune censure, (Cons. const., 29 avril 2011, n° 2011-122 QPC N° Lexbase : A2798HPC, Le Conseil constitutionnel valide l'exclusion de certaines catégories de travailleurs du décompte des effectifs, Lexbase Hebdo n° 438 du 5 mai 2011 - édition sociale N° Lexbase : N0702BSS).
(8) "Le moyen tiré de [...] présente un caractère sérieux en ce que [etc.]" : Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 10-40.036, FS-P+B (N° Lexbase : A1114GDM) : v. nos obs., QPC et droit du travail : ni trop, ni trop peu, Lexbase Hebdo n° 416 du 11 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N5623BQC) ; Cass. soc., 18 novembre 2011, n° 11-40.066, FS-P+B (N° Lexbase : A9520HZM) : v. nos obs., L'interprétation des décisions QPC de la Chambre sociale de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 464 du 1er décembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9005BSC) ; Cass. soc., 7 mars 2012, n° 11-40.106, FS-P+B (N° Lexbase : A4973IEW) (salariés mandatés) ; Cass. soc., 9 mars 2012, n° 11-22.849, FS-P+B (N° Lexbase : A4963IEK) (commission arbitrale des journalistes).
(9) Pour une analyse critique du travail en prison, lire P. Auvergnon et C. Guillemain, Le travail pénitentiaire en question, Perspectives sur la justice, La documentation française, 2006, 196 pages.
(10) Dernièrement la décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012, loi portant création des emplois d'avenir (N° Lexbase : A8271IUU).
(11) Décision n° MLD/2013-26 du 1er mars 2013.
(12) Sur ce contrôle minimaliste en matière d'égalité devant la loi, nos obs. s'agissant du régime dérogatoire plus favorable accordé aux journalistes : Décision n° 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012 (N° Lexbase : A1879IL8), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide les privilèges des journalistes professionnels en matière de licenciement, Lexbase Hebdo n° 486 du 24 mai 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2025BT8).
(13) Décision n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, loi pénitentiaire (N° Lexbase : A6694ENA), cons. 4.
(14) Il s'agirait des alinéas 5 (droit d'obtenir un emploi), de la liberté syndicale (al. 6), du droit de grève (al. 7) et du principe de participation, même si ce dernier est réservé au "travailleur".
(15) Recommandation 2006-2 du Comité des ministres aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes, art. I-1 ("les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'Homme"), I-2 ("les personnes privées de liberté conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d'emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire").
(16) Sur cette conciliation, l'article I-3 de la Recommandation préc. : "les restrictions imposées aux personnes privées de liberté doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposées".
(17) Le principe de liberté de l'activité professionnelle est fondé sur le décret d'Allarde du 2-17 mars 1791.
(18) C. pr. pén., art. 717-3 , 718 (N° Lexbase : L5642DYM) et D. 432 (N° Lexbase : L2335IP8) et s..
(19) C. pr. pén., art. D. 432-3 (N° Lexbase : L2305IP3).
(20) Voir notre étude sur le licenciement des assistants maternels et familiaux, décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011 (N° Lexbase : A1899HMB) [Licenciement des assistants maternels], v. nos obs., Le Conseil constitutionnel et les assistants maternels et familiaux, Lexbase Hebdo n°437 du 28 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0628BS3) et les décisions citées.
(21) C. pr. pén., art. R. 57-9-2 (N° Lexbase : L0358IPX).
(22) C. pr. pén., art. R. 57-9-2.
(23) C. pr. pén., art. 717-3, al. 4 et 5.
(24) Pour le Conseil d'Etat, "il en va autrement des refus opposés à une demande d'emploi ainsi que des décisions de classement, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus" : CE, ass., 14 décembre 2007, n° 290420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0917D3D), D., 2008, p. 1015.
(25) Arrêt préc. : "le comportement de M. A, affecté aux cuisines de la maison d'arrêt de Nantes, se caractérisait, deux mois après son arrivée dans ce service, par une mauvaise volonté à accomplir les tâches qui lui étaient dévolues, en particulier s'agissant de l'aide aux autres détenus, ainsi que par le climat conflictuel qu'il entretenait par ses gestes et commentaires ; qu'en décidant, pour ces raisons, dans l'intérêt du service et non pour des motifs disciplinaires, le déclassement de l'intéressé sur le fondement de l'article D. 99 précité, la directrice de la maison d'arrêt de Nantes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation".
(26) Situation dont le Défenseur des droits fait état pour considérer que sur cet aspect le Code de procédure pénale viole les droits collectifs fondamentaux des travailleurs détenus.
(27) Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail (N° Lexbase : A7991ACX), cons. 1.
(28) Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, loi relative à la liberté de communication (N° Lexbase : A8143ACL), cons. 78 : "ces limitations peuvent aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays".
Décisions
Cass. soc., 20 mars, n° 12-40.104, FS-P+B (N° Lexbase : A9043KA8) et n° 12-40.105, FS-P+B (N° Lexbase : A9046KAB) Renvoi au Conseil constitutionnel (QPC transmise par le CPH Metz, section activités diverses, 21 décembre 2012) Texte litigieux : C. pr. pén., art. 717-3 (N° Lexbase : L9399IET) Mots-clés : personnes incarcérées, travail, contrat de travail, question prioritaire de constitutionnalité |
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Réf. : Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-25.580, FS-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A2812KBR)
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-23.967, FS-P+B (N° Lexbase : A2789KBW)
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : CE, 4° et 5° s-s-r., 28 mars 2013, n° 350436 (N° Lexbase : A3249KBX)
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : Cass. soc., deux arrêts, 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8) et n° 12-11.690, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5935KA3)
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N6484BTC
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par Bernard Gauriau, Professeur à l'Université d'Angers, Avocat au barreau de Paris (Cabinet Idavocats)
Le 04 Avril 2013
Résumés
- Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I Le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L1277A98) n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. - Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, FS-P+B+R+I Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et, si les dispositions du Code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires. |
Dans la première espèce (n° 11-28.845), une éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et halte-garderie gérée par l'association Baby Loup, fut licenciée à son retour de congé parental (qui suivait son congé de maternité) le 19 décembre 2008 pour faute grave aux motifs, notamment, qu'elle avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l'association en portant un voile islamique. Estimant qu'elle avait été victime d'une discrimination au regard de ses convictions religieuses, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de son licenciement.
La cour d'appel a jugé que son licenciement était fondé et a rejeté en conséquence sa demande de nullité du licenciement. Les motifs retenus par les seconds juges s'articulaient de la façon suivante : tout d'abord, la cour d'appel a rappelé la teneur des statuts de l'association, lesquels tendent à : "développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et ...oeuvrer pour l'insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier, [...] répondre à l'ensemble des besoins collectifs émanant des familles, avec comme objectif la revalorisation de la vie locale, sur le plan professionnel, social et culturel sans distinction d'opinion politique ou confessionnelle". Elle en tire ensuite une première conséquence, à savoir une exigence de "neutralité du personnel dès lors qu'elle a pour vocation d'accueillir tous les enfants du quartier quelle que soit leur appartenance culturelle ou religieuse" étant entendu que "ces enfants, compte tenu de leur jeune âge, n'ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse, que tel est le sens des dispositions du règlement intérieur entré en vigueur le 15 juillet 2003, lequel, au titre des règles générales et permanentes relatives à la discipline au sein de l'association, prévoit que le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche". La cour juge, dans un second temps, que les restrictions ainsi prévues apparaissent justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché au sens des articles L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) et L. 1321-3 (N° Lexbase : L8833ITC) du Code du travail, étant considéré que la salariée, au titre de ses fonctions, était en contact avec les enfants.
Dans la seconde espèce (n° 12-11.690), une salariée avait été engagée par une caisse primaire d'assurance maladie en qualité de technicienne prestations maladie. Le règlement intérieur de la caisse a été complété le 10 février 2004 par une note de service interdisant "le port de vêtements ou d'accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit" et, notamment, "le port d'un voile islamique, même sous forme de bonnet". Elle fut licenciée le 29 juin 2004 aux motifs qu'elle portait un foulard islamique en forme de bonnet. Elle a pareillement saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la nullité de son licenciement en soutenant que celui-ci était discriminatoire au regard de ses convictions religieuses.
Comme dans la première espèce, la cour d'appel a rejeté la demande. Dans son pourvoi, la salarié fit valoir divers arguments. Tout d'abord, elle affirma que les principes de laïcité et de neutralité n'ont vocation à s'appliquer qu'à l'Etat, aux collectivités publiques, aux personnes morales de droit public et à leurs agents. En conséquence, celle-ci n'étant pas un agent de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'une personne morale de droit public, mais une salariée de droit privé travaillant pour le compte d'une personne morale de droit privé, elle ne pouvait se voir opposer semblables principes.
Ensuite, elle reprocha aux juges de ne pas avoir recherché si au regard des fonctions qu'elle exerçait, lesquelles ne la conduisaient pas à être en contact avec les assurés, l'interdiction qui lui était ainsi faite de porter un "foulard en bonnet", était justifiée au regard de la nature des tâches qu'elle avait à accomplir et proportionnée au but recherché. Enfin, elle rappela qu'un règlement intérieur ne saurait apporter de restriction générale à l'exercice d'une liberté fondamentale.
La Cour de cassation va rendre deux arrêts qui, pour être en sens contraires, n'en sont pourtant pas contradictoires.
Dans la première espèce, sous le visa des articles L. 1121-1, L. 1132-1 (N° Lexbase : L8834ITD), L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97) et L. 1321-3 du Code du travail, et de l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4799AQS), la Cour de cassation va casser l'arrêt rendu par la cour d'appel. Elle affirme dans un attendu de principe que "le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; qu'il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail ; qu'il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché".
Dans un second temps, elle souligne ce que la cour d'appel a constaté elle-même à savoir que le règlement intérieur de l'association Baby Loup prévoit que "le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche". Elle en déduit que la clause du règlement intérieur, "instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l'article L. 1321-3 du Code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul".
Dans la seconde espèce, la Cour de cassation, va au contraire, rejeter le pourvoi. Elle approuve, en effet, la cour d'appel d'avoir retenu "que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires".
Or, la salariée exerçait ses fonctions dans un service public en raison de la nature de l'activité exercée par la caisse, qui consiste notamment à délivrer des prestations maladie aux assurés sociaux, qu'elle travaillait en particulier comme "technicienne de prestations maladie" dans un centre accueillant en moyenne six cent cinquante usagers par jour, peu important que la salariée soit ou non directement en contact avec le public. La cour d'appel a eu raison d'en conclure que la restriction instaurée par le règlement intérieur de la caisse était nécessaire à la mise en oeuvre du principe de laïcité de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public.
C'est donc le domaine du principe de laïcité qui est ici précisé à l'occasion de deux arrêts qui ne resteront peut-être pas sans conséquences.
I - Domaine du principe de laïcité
Apparu en dehors du champ du droit du travail, il s'y manifeste désormais.
A - En dehors du champ du droit du travail
Selon l'article 1er de la Constitution, la République est laïque, "elle respecte toutes les croyances" tout en conservant une neutralité envers chacun d'entre elles (1).
Si le principe de laïcité n'a longtemps concerné que les programmes scolaires ou les enseignants eux-mêmes (2), la question a trouvé ces derniers temps à s'illustrer à propos de la réglementation du port des insignes religieux à l'école. Dans un avis rendu le 27 novembre 1989 (CE, Avis, 27 novembre 1989, n° 346893 N° Lexbase : X4358ADR, RFDA, 1990, 6), le Conseil d'Etat de souligner que "le principe de laïcité de l'enseignement qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect d'une part de cette neutralité par les programmes et par les enseignants, d'autre part de la liberté de conscience des élèves". Les élèves ont donc le droit d'exprimer leurs croyances religieuses mais dans une certaine limite : "dans la mesure où [son exercice] ferait obstacle à l'accomplissement des missions dévolues par le législateur au service public de l'éducation lequel doit notamment, [...] contribuer au développement de sa personne , lui inculquer le respect de l'individu, de ses origines et de ses différences, garantir et favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes [...]" (3).
Depuis, fut promulguée la loi du 15 mars 2004 (loi n° 2004-228 N° Lexbase : L1864DPQ) qui prohibe dans les écoles, collèges et lycées publics "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse", ce qui rend illégal le port du voile islamique ou le turban sikh (4).
Enfin, récemment, le Conseil constitutionnel (5) s'est prononcé après, saisine par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes. Il y affirme qu'"il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une 'République [...] laïque', la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte".
B - Au sein du droit du travail
La Chambre sociale opère une distinction.
- Tout d'abord, les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du Code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires. Il s'agit d'un écho lointain de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat du 13 mai 1938 (CE, 13 mai 1938, n° 57302, "Caisse primaire Aide et protection" N° Lexbase : A9731A7K, Rec. Lebon p. 417), dans lequel il a jugé que des personnes morales de droit privé pouvaient gérer des missions de service public, ce qui est le cas d'une caisse primaire d'assurance maladie.
- En revanche, le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail. Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.
Comme la Cour de cassation le relève dans son communiqué, les articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du Code du travail intègrent les dispositions de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4). Cette référence explique la formulation employée par la Cour de cassation, qui n'est pas rigoureusement conforme à la lettre des articles issus du Code du travail.
L'article L.1121-1 du Code du travail dispose, en effet, que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions "qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
Tandis que la Directive en question indique dans son 24ème considérant que : "[...] les Etats membres peuvent maintenir ou prévoir des dispositions spécifiques sur les exigences professionnelles essentielles, légitimes et justifiées susceptibles d'être requises pour y exercer une activité professionnelle". Si l'article 1er (objet) dispose que "la présente Directive a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement", l'article 4 ajoute (exigences professionnelles) que : "les Etats membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l'un des motifs visés à l'article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée".
Et la Cour de cassation de relever que "les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché", ce qui revient à faire la synthèse de tous ces textes.
N'oublions pas l'article 9 de la CESDH (liberté de pensée, de conscience et de religion), cité dans le visa de la première espèce, selon lequel "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".
II - Conséquences
Celles-ci sont de deux ordres.
- De lege lata, la Cour de cassation rappelle qu'un employeur privé s'il ne peut opposer aux salariés le principe de laïcité, lequel n'opère ni à l'intérieur, ni à l'extérieur du domaine privé de l'entreprise, peut limiter la liberté religieuse si cette limitation est justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.
Techniquement, c'est la clause du règlement intérieur litigieuse qui ne répond pas aux exigences de l'article L. 1321-3 (pour contenir de dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché) et par ricochet le licenciement prononcé sur son fondement qui est nul. Il s'évince de ce constat qu'un règlement intérieur pourrait limiter la liberté religieuse dans le cas contraire. On imagine ici, au titre d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante, des raisons relevant de la sécurité voire de la santé de la salariée, mais il semble que le seul argument du contact avec la clientèle ne saurait suffire.
- De lege ferenda, l'arrêt "Baby Loup" a provoqué de la part d'une partie de la classe politique un certain nombre de réactions. Parmi celles-ci, s'est manifestée la proposition d'étendre par voie législative à différents secteurs de la vie économique, notamment aux institutions privées gérant des services à l'enfance, la règle existant dans les administrations et les services publics, déduite du principe de neutralité des pouvoirs publics, d'interdiction générale, pour les agents, du port de signes religieux. Il n'est toutefois pas certain, qu'une loi, si elle voyait le jour, passerait le filtre du Conseil constitutionnel. Outre le principe de non discrimination, l'article 9 de la CESDH protège la liberté religieuse. Pour autant, si la liberté de religion protège les salariés contre des restrictions injustifiées visant la manifestation de leurs convictions, elle ne leur permet pas de prétendre à un traitement spécifique.
(1) Ph. Ardant, B. Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ, 2012, 24ème édition, n° 665.
(2) CE, 10 mai 1912, n° 46027, "Abbé Bouteyre" (N° Lexbase : A7183B78).
(3) V. L. Favoreux et alii, Droit des libertés fondamentales, Précis Dalloz, 2012, 6ème édition, n° 349.
(4) CE, 4° et 5° s-s-r., 5 décembre 2007, n° 285394 (N° Lexbase : A0203D3W), RFDA, 2008, 529, L. Favoreux et alii, op.cit. p.367.
(5) Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 (N° Lexbase : A2772I88) (Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) ; v. aussi, Le Moehrling, Traité de droit français des religions, Lexis Nexis, 2ème édition, 2013.
Décisions
- Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8) Cassation, CA Versailles, 11ème ch., 27 octobre 2011, n° 10/05642 (N° Lexbase : A9204HZW) Textes visés : C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P), L. 1132-1 (N° Lexbase : L8834ITD), L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97) et L. 1321-3 (N° Lexbase : L8833ITC), CESDH, art. 9 (N° Lexbase : L4799AQS) Mots-clés : principe de laïcité, employeurs de droit privé, service public, crèche, liberté religieuse, règlement intérieur Liens base : (N° Lexbase : E2668ETY) - Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5935KA3) Rejet, CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 9 novembre 2011, n° 10/01263 (N° Lexbase : A9004H3U) Textes visés : néant Mots-clés : principe de laïcité, organismes de droit privé, service public, caisses primaires d'assurance maladie, liberté religieuse, règlement intérieur Liens base : (N° Lexbase : E2668ETY) |
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Réf. : Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-27.130, F-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A8814I8X)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 04 Avril 2013
Résumé
N'est pas été licenciée à raison de son état de santé la salariée dont la procédure de licenciement disciplinaire a été engagée antérieurement à son arrêt-maladie. Le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable. Ce délai n'est ni suspendu, ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou une maladie non professionnelle du salarié. |
Commentaire
I - Les effets distincts de la suspension du contrat de travail selon la cause de l'altération de l'état de santé du salarié
Tel que le prévoit l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8834ITD), aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé. Un licenciement prononcé en raison de l'état de santé est nul comme, en principe, toute mesure discriminatoire en droit du travail (2).
Cette règle essentielle a cependant dû être pondérée pour permettre de traiter les situations dans lesquelles l'état de santé du salarié rend impossible la poursuite de la relation de travail. La première atténuation tient à l'inaptitude médicale du salarié puisque l'article L. 1133-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6057IAL) dispose que "les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées". La seconde, plus indirecte, mais peut être aussi plus discutable, relève de la situation dans laquelle les absences répétées ou prolongées d'un salarié désorganisent le fonctionnement de l'entreprise (3).
A l'exception de ces deux situations, il ne peut donc jamais être tenu compte de l'état de santé du salarié pour justifier un licenciement (4). Cette affirmation ne signifie pas, pour autant, qu'il soit impossible de licencier un salarié dont l'état de santé est altéré, à la condition que cela ne constitue pas la cause du licenciement. Cela peut parfois être le cas en matière de licenciement disciplinaire.
Quelques textes du Code du travail protègent le salarié dont l'état de santé est altéré. En effet, outre les règles spécifiques aux discriminations et à l'inaptitude, le salarié victime d'un risque professionnel ou la salariée en état de grossesse font l'objet de dispositions spéciales.
Pour le premier, l'article L. 1226-9 du Code du travail précise qu'au "cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie". Le licenciement pour motif disciplinaire, justifié par une faute grave ou a fortiori par une faute lourde peut donc être prononcé quand bien même le contrat de travail du salarié est suspendu en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (5).
Pour le second, l'article L. 1225-4 du Code du travail dispose que l'employeur "ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail" et poursuit en énonçant que, "toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse" ce qui permet, une fois encore, de recourir au licenciement disciplinaire à condition que cela soit sans rapport avec l'état de grossesse de la salariée (6).
De telles protections n'existent pas, en revanche, s'agissant du salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison de la survenance d'un risque non professionnel. Le salarié peut donc être licencié durant les périodes de suspension, la seule véritable protection résidant, dans ce cas, dans l'interdiction générale de prononcer un licenciement en raison de l'état de santé du salarié.
Alors même qu'ils seraient prononcés durant des périodes de suspension du contrat de travail, les licenciements prononcés pour faute grave doivent évidemment respecter l'ensemble des règles relatives à la procédure disciplinaire : convocation à un entretien préalable, tenue d'un entretien préalable et, surtout, respect des délais de prescription et des délais de procédure.
En effet, rappelons que seuls les faits survenus dans un délai inférieur à deux mois peuvent être sanctionnés par l'employeur (7), les faits plus anciens bénéficiant d'un délai de prescription très court. Un autre délai distingue les règles de licenciement de droit commun des licenciements disciplinaires puisque, l'article L. 1332-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5820ISD) impose que le licenciement prononcé à titre de sanction survienne dans un délai compris entre deux jours ouvrables et un mois après la date de l'entretien préalable. Le délai est computé de quantième en quantième, en jours ouvrables et francs (8).
Ce délai octroyé pour prononcer la sanction ne peut être modifié, interrompu ou suspendu que dans de rares situations. Sa durée peut tout d'abord être prorogée en raison du respect par l'employeur de procédures conventionnelles plus favorables qui peuvent retarder le moment de la décision de licenciement (9). Le délai peut encore être interrompu si le salarié a refusé une sanction disciplinaire ayant pour effet de modifier son contrat de travail, auquel cas c'est la date du second entretien qui devra être prise en compte pour computer le délai (10). En revanche, l'employeur ne peut se prévaloir d'un délai de réflexion supplémentaire octroyé au salarié, afin que celui-ci accepte de se conformer à ses directives, pour reporter la date butoir de prononcé de la sanction (11).
Une salariée avait été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. Trois semaines plus tard, avant que l'employeur n'ait pris la décision de prononcer le licenciement, la salariée était placée en arrêt maladie pendant près d'un mois. Une semaine après son retour dans l'entreprise, l'employeur prononçait finalement le licenciement pour faute.
La salariée saisit la juridiction prud'homale pour réclamer qu'elle prononce la nullité du licenciement prononcé, selon elle, en raison de son état de santé. Déboutée en cause d'appel, la salariée formait pourvoi en cassation sur le fondement d'arguments qui, pour certains étaient bien surprenants. En effet, invoquant les textes relatifs à la suspension du contrat de travail à la suite de la survenance d'un risque professionnel, la salariée soutenait que, n'ayant pas subi de visite médicale de reprise à l'issue d'une période de suspension pour cause non professionnelle d'une durée supérieure à vingt-et-un jours (12), son contrat de travail se trouvait toujours suspendu et que le licenciement était illicite. Elle soulevait un second argument selon lequel le prononcé du licenciement était survenu dans un délai supérieur à un mois et que l'employeur ne pouvait tenir compte de la suspension du contrat de travail pour proroger le délai de prononcé d'une sanction disciplinaire.
La Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur chacun des arguments, rejetant le premier mais acceptant le second.
Quant au premier, la Cour juge que "l'arrêt-maladie de la salariée avait une cause non professionnelle" si bien que "le moyen est inopérant en ce qu'il invoque la violation des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du Code du travail". Quoique l'argument ne semblait pas avoir été très clairement avancé, la Chambre sociale va plus loin en analysant la cause véritable du licenciement et en constatant que "la procédure de licenciement disciplinaire a[yant] été engagée antérieurement à son arrêt-maladie ", la salariée " n'avait pas été licenciée à raison de son état de santé".
Dit autrement, et pour résumer, le licenciement ne pouvait être attaqué ni sur la forme, ni sur le fond. Sur la forme, même si le contrat de travail de la salariée était toujours suspendu, cette suspension n'interdisait pas à l'employeur de prononcer un licenciement puisque l'arrêt de travail n'avait pas une origine professionnelle. Sur le fond, le licenciement n'était pas justifié par une cause discriminatoire, n'était pas justifié par l'état de santé de la salariée puisque la procédure de licenciement disciplinaire avait été engagée avant même que l'état de santé de la salariée soit altéré.
Quant au second argument, en revanche, la Chambre sociale donne raison à la salariée en jugeant, au visa de l'article L. 1332-2 du Code du travail, que "le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable et que ce délai n'est ni suspendu, ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou une maladie non professionnelle du salarié". Somme toute, l'employeur devait donc prendre la décision de licencier dans un délai d'un mois suivant l'entretien préalable, peu important qu'une suspension du contrat de travail soit survenue.
Dans l'ensemble, la solution rendue par la Cour de cassation est raisonnable et équilibrée même si, en y regardant de plus près, il demeure au moins une difficulté s'agissant du caractère insusceptible de suspension du délai pour prononcer la sanction disciplinaire.
II - La recherche d'harmonisation des régimes de suspension du contrat de travail liés à l'état de santé : entre rapprochement et incohérence
La solution est raisonnable en ce qu'elle refuse de caractériser un licenciement illicite. Quoique l'on relève les volontés législative et judiciaire, depuis quelques années, d'harmoniser autant que possible le régime juridique et les conséquences des risques professionnels (13) et non professionnels sur la relation de travail, le rapprochement reste imparfait. L'interdiction de licencier un salarié dont le contrat de travail est suspendu est réservée au salarié arrêté à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. La différence peut certes être considérée comme inopportune tant la situation de faiblesse dans laquelle est placée le salarié est finalement significativement la même que le risque soit d'origine professionnelle ou non. Si l'absence d'harmonisation totale peut donc être perçue comme une carence, il n'appartient pas à la Chambre sociale de la Cour de cassation de parachever le travail engagé.
L'argumentation de la Chambre sociale surprend davantage, toujours sur le premier moyen pris en sa seconde branche, en ce que la Cour conforte les juges d'appel qui avaient jugé que le licenciement n'était pas prononcé en raison de l'état de santé du salarié compte tenu de l'antériorité de la procédure disciplinaire. En elle-même, cette règle chronologique n'a rien de choquant même si l'on pourrait tout de même objecter qu'au moment où la procédure disciplinaire est engagée, le licenciement n'est pas encore décidé. L'antériorité de l'engagement de la procédure ne permet que de présumer que la véritable cause du licenciement est disciplinaire et n'est pas fondée sur l'état de santé de la salariée. Il est en revanche plus étonnant de relever que la question n'avait pas été véritablement soulevée par la salariée demandeur au pourvoi qui se contentait de placer le débat sur le terrain de la suspension du contrat de travail et non sur celui de la cause éventuellement discriminatoire du licenciement.
Il ne faut, toutefois, pas tirer de cette dernière partie de l'argumentation une portée trop importante. La formule utilisée par la Chambre sociale ("que la cour d'appel a retenu que") suggère qu'elle n'entend pas contrôler la qualification opérée par la cour d'appel en la matière, qu'elle s'en remet donc à son appréciation souveraine. En d'autres termes, il est peu probable que l'engagement d'une procédure disciplinaire avant un arrêt maladie permette de déduire, de manière générale, que l'état de santé n'est pas pris en compte dans la justification du licenciement.
La décision n'est pas seulement raisonnable, elle paraît en outre équilibrée. En effet, la première branche du premier moyen sur lequel la Chambre sociale prononce la cassation permet d'une certaine manière d'atténuer les carences précédemment dénoncées.
Comme nous l'avons vu, les hypothèses de suspension du délai d'un mois octroyé à l'employeur pour prononcer le licenciement disciplinaire sont exceptionnelles, si exceptionnelles que ce délai peut être qualifié de délai préfix (14). La règle est clairement confirmée s'agissant d'une suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou une maladie non professionnelle du salarié.
Là encore, la solution peut s'appuyer sur une base textuelle solide puisque le Code du travail n'envisage qu'une unique cause de suspension de ce délai, à savoir l'engagement de poursuites pénales. Faute que d'autres exceptions n'aient été prévues, la Chambre sociale ne peut en ajouter de nouvelles. On remarquera toutefois qu'elle n'entend pas trop s'enfermer sur ce terrain et qu'elle ne pose donc pas une règle générale écartant toute suspension mais qu'elle se contente d'écarter les suspensions liées à l'état de santé (15).
Le maintien d'une qualification de délai préfix permet en réalité à la Chambre sociale d'opérer un équilibrage entre règles de fond et règles procédurales. Sur le fond, la suspension du contrat de travail pour une maladie non professionnelle ne permet pas d'octroyer une protection particulière au salarié, l'employeur peut prononcer le licenciement durant la période de suspension. Mais, de façon corollaire, puisque l'employeur n'est pas privé du droit de licencier, il n'y a aucune raison de lui octroyer le bénéfice d'une interruption ou d'une suspension du délai d'un mois pour prononcer la sanction.
Cette remarque, somme toute logique, s'accorde cependant assez mal avec certaines hypothèses sous-tendues par la décision.
Alors que l'affaire portait clairement sur une suspension liée à la survenance d'un risque professionnel, ce que rappelle d'ailleurs fort clairement la Chambre sociale à propos de la seconde branche du second moyen, la motivation de la cassation semble être élargie à toutes les hypothèses d'arrêts de travail liés à l'état de santé du salarié, que le risque soit d'origine professionnelle ou non. Ainsi, le délai d'un mois est, dans tous les cas, insusceptible d'interruption ou de suspension.
Cette précision, sous forme d'obiter dictum, répond à l'idée parfois utilisée dans d'autres domaines, par exemple s'agissant des usages et des engagements unilatéraux de l'employeur, selon laquelle les arrêts de travail doivent répondre à un régime identique que le risque soit ou non d'origine professionnelle (16). Or, le procédé pose un double problème de cohérence.
Un premier problème, d'abord, sur le plan théorique puisque la Chambre sociale semble véritablement souffler le chaud et le froid, préservant les spécificités des arrêts de travail ne reposant pas sur une cause professionnelle s'agissant des effets de la suspension du contrat de travail et, dans un second temps, traitant de la même manière le délai à respecter pour notifier la sanction quel que soit l'origine de la suspension du contrat de travail. Ce traitement différent pourrait sans doute être accepté en adhérant à l'idée que les arrêts de travail doivent être toujours traités selon le même régime à l'exception des cas dans lesquels le législateur en a décidé autrement.
Ce traitement doit cependant être remis en cause en raison d'un second problème de cohérence posé, cette fois, pour des raisons techniques. En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur est privé du droit de licencier le salarié durant la période de suspension du contrat de travail sauf à ce que le salarié se soit rendu coupable d'une faute grave ou que son maintien dans l'entreprise soit impossible. La difficulté apparaît lorsque le salarié n'a pas commis de faute grave mais simplement une faute sérieuse. Privé du droit de licencier pour une faute sérieuse durant la suspension, il doit donc attendre l'issue de l'arrêt de travail. Si, toutefois, l'arrêt de travail est trop long et que le délai d'un mois pour prononcer la sanction est écoulé, l'employeur ne pourra plus prononcer la sanction. L'extension de la règle selon laquelle le délai est un délai préfix et qu'il ne peut être interrompu par une suspension du contrat de travail pour cause professionnelle mène, en définitive, l'employeur dans une impasse. D'une certaine manière, les arrêts de travail résultant de la survenance d'un risque professionnel peuvent, s'ils durent suffisamment longtemps, emporter une forme d'amnistie des fautes sérieuses commises par le salarié avant l'arrêt de travail.
Finalement, si l'on comprend bien la volonté d'équilibrer le régime juridique de la suspension du contrat de travail résultant d'un risque non professionnel, la recherche apparente d'harmonisation qui émane du traitement identique du délai de prescription de la notification de la sanction cache en réalité une redoutable incohérence technique dont la Chambre sociale aurait probablement pu s'abstenir.
(1) La discussion se place essentiellement sur le terrain du droit du travail. En effet, la distinction entre couverture des risques professionnels et des risques non professionnels en droit de la sécurité sociale est davantage justifiée, tant pour des raisons historiques (seuls les salariés bénéficiaient initialement des prestations d'assurances sociales) que pour des raisons d'opportunité (le poids financier et humain des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être placé sur les épaules des employeurs alors que le poids des atteintes à la santé sans lien avec le travail relève davantage de la solidarité et de l'intérêt général).
(2) C. trav., art. L. 1132-4 (N° Lexbase : L0680H93).
(3) Pour une illustration récente des liens ambigus entre santé du salarié et licenciement pour désorganisation de l'entreprise, v. Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.082, FS-P+B (N° Lexbase : A9750I9Y) et nos obs., Stress et épuisement professionnels : la Cour de cassation franchit le pas, Lexbase Hebdo n° 521 du 28 mars 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6354BTI).
(4) Le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé au mépris des règles procédurales imposées par le Code du travail (visite de reprise, double visite en cas d'inaptitude, délais entre les visites, etc.) est nul. V. par ex. en l'absence d'une double visite pour prononcer l'inaptitude, Cass. soc., 9 juin 2004, n° 02-42.644, inédit (N° Lexbase : A6220DCD).
(5) Cass. soc., 21 novembre 2007, n° 06-44.993, F-P+B (N° Lexbase : A7196DZK) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Licenciement pour faute grave d'un salarié accidenté, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3589BDB) ; CA Paris, pôle 6, ch. 3, 21 juin 2011, n° 09/06106 (N° Lexbase : A3330E44).
(6) La protection est d'ailleurs accrue en matière de grossesse ou de maternité puisque l'employeur ne peut prononcer le licenciement durant les périodes de suspension quand bien même la salariée aurait commis une faute grave ou que l'impossibilité de son maintien dans l'entreprise soit avéré, v. C. trav., art. L. 1225-4 (N° Lexbase : L0854H9I). L'employeur peut tout de même anticiper la fin de la période de suspension et engager la procédure de licenciement disciplinaire alors que le contrat de travail demeure suspendu, v. Cass. soc., 17 février 2010, n° 06-41.392, F-P+B (N° Lexbase : A0348ESP) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur peut anticiper la fin du congé de maternité et convoquer la salariée à l'entretien préalable à son licenciement pour faute grave, Lexbase hebdo n° 385 du 4 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4668BN9).
(7) C. trav., art. L. 1332-4 (N° Lexbase : L1867H9Z), ce délai étant suspendu en cas de poursuites pénales.
(8) C. trav., art. R. 1332-3 (N° Lexbase : L1733IAG).
(9) Par ex., Cass. soc., 13 février 2001, n° 98-45.912, publié (N° Lexbase : A3468ARU).
(10) V. Cass. soc., 27 mars 2007, n° 05-41.921, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7974DUU) et les obs. de Ch. Radé, Précisions sur la procédure applicable au salarié qui refuse une modification disciplinaire du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 255 du 5 avril 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6276BAP).
(11) Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-24.344, F-D (N° Lexbase : A0147H3T).
(12) Ce délai de vingt-et-un jours a, postérieurement aux faits jugés, été porté à trente jours par le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, relatif à l'organisation de la médecine du travail (N° Lexbase : L9907IRD), v. C. trav., art. R. 4624-22 (N° Lexbase : L1004ISY).
(13) Pour une illustration, v. Cass. soc., 25 mai 2011, n° 10-10.515, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8775HSS) et nos obs., Inaptitude et reprise du paiement du salaire : la fin d'une époque, Lexbase Hebdo n° 443 du 9 juin 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N4213BST).
(14) Il a déjà été jugé, pour une sanction consistant en une mise à pied disciplinaire, que la suspension du contrat de travail ne permettait pas de différer la mise à pied disciplinaire, sauf fraude du salarié, v. Cass. soc., 21 octobre 2003, n° 01-44.169, publié (N° Lexbase : A9405C99).
(15) On peut, par exemple, se demander si la règle posée pourrait être transposée à la suspension du contrat de travail de la salariée enceinte...
(16) Sur cette idée, v. notre étude, L'obiter dictum de la Cour de cassation, RTD civ. 2011, p. 45.
Décision
Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-27.130, F-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A8814I8X) Cassation partielle, CA Versailles, 28 septembre 2011, n° 10/04340 (N° Lexbase : A3244HYS) Textes concernés : C. trav., art. L. 1226-9 (N° Lexbase : L1024H9S), L. 1226-13 (N° Lexbase : L1031H93) et L. 1332-2 (N° Lexbase : L5820ISD) Mots-clés : suspension du contrat de travail, état de santé, procédure disciplinaire, articulation Liens base : (N° Lexbase : E2805ET3) |
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Réf. : Circ. DSS, n° 2013/110, du 19 mars 2013, relative à la revalorisation des pensions de vieillesse au 1er avril 2013 (N° Lexbase : L5218IW8)
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N6489BTI
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Le 06 Avril 2013
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Réf. : Avis n° 13-11 du 29 mars 2013, relatif aux effets sur la concurrence de la généralisation de la couverture
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N6490BTK
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : Cons. const., 28 mars 2013, n° 2013-299 QPC (N° Lexbase : A0763KBU)
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N6446BTW
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Réf. : Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-11.702, FS-P+B (N° Lexbase : A5761KAM)
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N6511BTC
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 04 Avril 2013
Résumé
Le tribunal d'instance qui a constaté que le salarié ne disposait pas d'une délégation écrite particulière d'autorité et que les éléments qui lui étaient soumis, et notamment la fiche de poste du salarié, n'établissaient pas qu'il soit amené à représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, en a exactement déduit qu'il pouvait être désigné représentant syndical au comité d'entreprise. Un protocole préélectoral, même signé aux conditions de validité prévues par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3764IBZ), ne peut exclure de l'éligibilité au comité d'entreprise, et par suite du droit à y être désigné représentant syndical, des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres. |
Observations
I - Les conditions de l'assimilation d'un salarié au chef d'entreprise
Présentation. Bien qu'elles soient peu contraignantes, le législateur a posé quelques conditions à l'électorat et à l'éligibilité aux institutions représentatives du personnel. Ainsi, et pour s'en tenir au seul comité d'entreprise, ne sont électeurs que les salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques (C. trav., art. L. 2324-14 N° Lexbase : L9758H8W). Quant à l'éligibilité à cette même institution représentative du personnel, elle est réservée aux électeurs (1) âgés de dix-huit ans révolus et travaillant dans l'entreprise depuis au moins un an, à l'exception des conjoints, partenaires liés par un PACS, concubins, ascendants, descendants, frères et soeurs ou alliés au même degré de l'employeur (2) (C. trav., art. L. 2324-15 N° Lexbase : L9759H8X). De même, la loi subordonne la faculté de détenir un mandat syndical à certaines conditions. Ainsi, dans les entreprises de plus de trois cents salariés, le représentant syndical au comité d'entreprise doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise fixées à l'article L. 2324-15 (C. trav., art. L. 2324-2 N° Lexbase : L3724IBK).
Dès lors qu'un salarié remplit les conditions précitées, il a donc vocation à être électeur et éligible au comité d'entreprise et est en mesure d'y être investi d'un mandat de représentant syndical. Mais il faut encore tenir compte de restrictions prétoriennes qui visent à exclure, dans le silence des textes mais de manière opportune, les salariés susceptibles d'être assimilés au chef d'entreprise. Cette exclusion est toutefois strictement entendue par la Cour de cassation qui la soumet à une double condition.
La double condition d'exclusion. La jurisprudence a progressivement précisé "les situations excluant pour un salarié le droit de vote et d'éligibilité, afin de circonscrire celles-ci aux cas dans lesquels le salarié exerce des fonctions pouvant le conduire à représenter l'employeur dans ses rapports avec les institutions représentatives du personnel" (3). Tout d'abord, dans un arrêt rendu le 21 mai 2003, elle a restreint l'exclusion de l'électorat aux salariés détenteurs d'une "délégation particulière d'autorité, établie par écrit, permettant de les assimiler au chef d'entreprise" (4). La Cour de cassation a, par la suite, précisé sa position en affirmant, dans une décision en date du 12 juillet 2006, que "ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel" (5).
A lire cette dernière décision, il apparaît clairement que la Cour de cassation a souhaité instituer deux critères d'exclusion ; l'un, formel, tenant à l'existence d'un acte juridique écrit déterminé (6) ; l'autre, plus pragmatique, résidant dans les fonctions concrètement exercées par le salarié. Certains auteurs semblent toutefois ne pas lire ces critères séparément. Il est ainsi souligné qu'"il faut donc vérifier, dans chaque hypothèse, si le salarié a dans sa mission le pouvoir de représenter l'employeur spécifiquement auprès des instances représentatives, notamment en présidant au nom de l'employeur les réunions des représentants du personnel ou en servant d'interlocuteurs à ces représentants" (7). On comprend ainsi que la délégation écrite particulière d'autorité n'aurait à être prise en compte que si elle stipule que le salarié est en droit de représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel (8). Ce n'est pourtant pas ce que pouvait laisser penser l'usage de la conjonction "soit" dans l'arrêt précité de 2006. En outre, cela signifierait qu'un salarié détenant le pouvoir d'embaucher, de sanctionner et de licencier ses collègues de travail pourrait être élu ou investi d'un mandat syndical, dès lors que la délégation de pouvoir qui lui a été consentie exclut tout pouvoir de représentation de l'employeur auprès des représentants du personnel.
L'arrêt sous examen, s'il ne lève pas complètement le voile sur cette ambiguïté, confirme à tout le moins l'existence de ce double critère d'exclusion.
Confirmation. Etait en cause, en l'espèce, la désignation de M. X en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise par un syndicat CGC. Contestant que le salarié, qui occupait les fonctions de directeur technique au sein de l'entreprise, remplissait les conditions requises pour assumer un tel mandat, la société employeur avait saisi le tribunal d'instance. Elle reprochait au jugement attaqué d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la désignation de M. X.
A l'appui de son pourvoi, l'employeur soutenait qu'il est fait interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents soumis à leur examen. En l'espèce, la fiche de poste du responsable technique d'affaires (RTA) précise que celui-ci a pour mission principale notamment de "contribuer à la progression des compétences des équipes ou des collaborateurs qu'il gère" et qu'il est plus précisément responsable "de la gestion des collaborateurs au niveau du projet en collaboration avec le RC (responsable commercial)", qu'il est l'unique interlocuteur des collaborateurs pour tous ces sujets même si les actions et décisions étaient prises par le binôme RC-RTA, qu'il est responsable de "la mise à disposition des moyens nécessaires pour réaliser les projets qu'il gère : pilote les actions pour obtenir les collaborateurs [...] dont il a besoin" et qu'il lui incombe d'engager "les actions suite aux demandes ou problèmes dont il a eu connaissance dans le périmètre qui lui est confié". Il en résulte que M. X, en sa qualité de responsable technique d'affaires, disposait du pouvoir de prendre les décisions nécessaires dans son périmètre, en ce qui concerne tant le recrutement et la gestion des équipes que la prise de décision suites aux différentes revendications et réclamations dont il avait connaissance, de sorte qu'il était bien titulaire d'un pouvoir de recrutement et de sanction et donc d'une délégation particulière d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise. En affirmant qu'il ne résulte pas de la fiche de poste du responsable technique d'affaires que celui-ci dispose du pouvoir de recruter, sanctionner ou licencier une personne, la gestion d'équipe devant être distinguée du pouvoir disciplinaire, et qu'aucune délégation particulière de pouvoir dont serait titulaire M. X n'était versée aux débats, le tribunal d'instance a dénaturé le document précité, et violé le principe susvisé.
Ces arguments n'auront pas trouvé grâce auprès de la Cour de cassation qui, pour confirmer la décision des juges du fond sur ce point, relève que "le tribunal d'instance, qui a, sans dénaturation, constaté que le salarié ne disposait pas d'une délégation écrite particulière d'autorité et que les éléments qui lui étaient soumis, et notamment la fiche de poste du salarié, n'établissaient pas qu'il soit amené à représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, en a exactement déduit qu'il pouvait être désigné représentant syndical au comité d'entreprise".
La lecture de ce motif n'est pas porteuse d'enseignements majeurs, la Cour de cassation s'en remettant à la décision des juges du fond. On ne sait toujours pas, avec certitude, si la délégation écrite particulière d'autorité doit comporter une stipulation relative à la représentation des salariés devant l'employeur pour produire un effet d'exclusion. Il est toutefois intéressant de relever que le tribunal d'instance saisi du litige avait énoncé qu'il ne résultait pas de la fiche de poste du salarié en cause que celui-ci disposait du pouvoir de recruter, sanctionner ou licencier une personne. On comprend ainsi que si tel avait été le cas, le salarié n'aurait pu assumer un mandat de représentant syndical au comité d'entreprise, sans qu'il soit nécessaire de vérifier qu'il pouvait, en sus, représenter l'employeur auprès des représentants du personnel.
II - L'impossibilité pour le protocole préélectoral de déroger à la loi
Le litige. Au soutien de son pourvoi, la société employeur soutenait encore que pour pouvoir être désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, un salarié doit notamment avoir la qualité d'électeur. En outre, dès lors que sa régularité n'est pas contestée, le protocole préélectoral remplissant la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail s'impose à tous, y compris au syndicat non signataire ayant formulé des réserves lors de la présentation de sa liste de candidats.
En l'espèce, le protocole préélectoral applicable dans l'entreprise stipulait que les managers commerciaux, à partir de la fonction de responsable d'agence, et notamment donc les directeurs techniques, n'avaient pas la qualité d'électeurs. La régularité de ce protocole, dont il était constant qu'il remplissait la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail, n'avait pas été contestée. En affirmant qu'un protocole préélectoral n'a vocation à s'appliquer que s'il est unanime et en déclarant que le syndicat ayant désigné le salarié en qualité de représentant syndical n'était pas lié par le protocole préélectoral du 28 octobre 2010 au prétexte qu'il ne l'avait pas signé et avait émis des réserves en présentant des candidats aux élections, pour en déduire la validité de la désignation de M. X, directeur technique ayant la fonction de responsable technique d'affaires, en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2324-4-1, L. 2324-2 et L. 2324-15 du Code du travail.
La solution. Là encore, l'argumentation de l'employeur n'est pas jugée recevable par la Cour de cassation. S'éloignant quelque peu de la décision des juges du fond qui, il est vrai et de ce point de vue, peut prêter le flanc à la critique, la Chambre sociale affirme "qu'un protocole préélectoral même signé aux conditions de validité prévues par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail, ne peut exclure de l'éligibilité au comité d'entreprise, et par suite du droit à y être désigné représentant syndical, des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres".
Cette solution doit être approuvée. Sans directement exclure des salariés de l'éligibilité au comité d'entreprise, le protocole préélectoral stipulait que les salariés assumant certaines fonctions ne pouvaient être électeurs au comité d'entreprise. Or, et ainsi que nous l'avons rappelé précédemment, l'électorat est la condition première de l'éligibilité, tandis que l'éligibilité est la condition pour être désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise. En d'autres termes, l'exclusion de l'électorat interdisait au final à ces salariés d'assumer un tel mandat.
La stipulation litigieuse en cause ne pouvait, à l'évidence, produire effet dans la mesure où elle allait au-delà des exigences légales relatives à l'électorat au comité d'entreprise. Pour le dire autrement, et à cet égard, le protocole était contraire à l'ordre public, fut-il simplement social. Le fait qu'il ait été conclu à la double condition de majorité prévue par la loi ne pouvait, en aucune façon, effacer cette contradiction à l'ordre public.
(1) L'électorat est donc la première condition de l'éligibilité.
(2) Là où la loi vise "l'employeur", il faut évidemment comprendre le chef d'entreprise et, plus exactement, les mandataires sociaux, quels qu'ils soient.
(3) M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier, Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles, Dalloz, 2ème édition, 2011, n° 331, p. 71.
(4) Cass. soc., 21 mai 2003, n° 02-60.016, publié (N° Lexbase : A1541B9X), Bull. civ. V, n° 171.
(5) Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 05-60.300, FS-P+B (N° Lexbase : A4688DQP), Bull. civ. V, n° 260.
(6) La référence à une "délégation d'autorité" surprend ; le droit privé nous ayant plutôt habitué à la "délégation de pouvoir". Il est difficile de savoir si l'usage de la première notion, de préférence à la seconde, procède d'une volonté délibérée.
(7) M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier, Y. Struillou : op. et loc. cit.
(8) Il est en revanche certain, à notre sens, qu'un salarié ne peut assumer un mandat syndical lorsque, en l'absence de délégation écrite particulière d'autorité, il est cependant, en fait, amené à représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel.
Décision
Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-11.702, FS-P+B (N° Lexbase : A5761KAM) Rejet, TI Vanves, 2 janvier 2012 Textes concernés : C. trav., art. L. 2324-2 (N° Lexbase : L3724IBK), L. 2324-4-1 (N° Lexbase : L3764IBZ) et L. 2324-15 (N° Lexbase : L9759H8X) Mots-clés : représentant syndical au CE, désignation, conditions, éligibilité, protocole préélectoral, assimilation au chef d'entreprise Liens base : (N° Lexbase : E1599ETE) |
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-22.733, FS-P+B (N° Lexbase : A2775KBE)
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Le 09 Avril 2013
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-12.179, FS-P+B, sur les 2 moyens (N° Lexbase : A2824KB9)
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-60.114, FS-P+B (N° Lexbase : A2645KBL)
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-60.186, FS-P+B (N° Lexbase : A2723KBH)
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Réf. : Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-28.269, FS-P+B (N° Lexbase : A2704KBR)
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Réf. : CE, 4° et 5° s-s-r., 28 mars 2013, n° 338289 (N° Lexbase : A3216KBQ)
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Réf. : Communiqué du ministère du Travail
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-26.539, FS-P+B (N° Lexbase : A2718KBB)
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-27.641, FS-P+B (N° Lexbase : A2751KBI)
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-12.892, FS-P+B (N° Lexbase : A2627KBW)
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Réf. : Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-27.964, FS-P+B, sur 1er moyen, 1ère branche et 2ème moyen pourvoi employeur, et sur 3ème moyen pourvoi salarié (N° Lexbase : A2624KBS)
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-20.369, FS-P+B (N° Lexbase : A2607KB8)
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Réf. : Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-27.964, FS-P+B, sur 1er moyen, 1ère branche et 2ème moyen pourvoi employeur, et sur 3ème moyen pourvoi salarié (N° Lexbase : A2624KBS)
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Réf. : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-20.737, FS-P+B (N° Lexbase : A2845KBY)
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Réf. : Cass. soc., 27mars 2013, n° 11-19.734 FS-P+B (N° Lexbase : A2827KBC)
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Réf. : Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-27.964, FS-P+B, sur 1er moyen, 1ère branche et 2ème moyen pourvoi employeur, et sur 3ème moyen pourvoi salarié (N° Lexbase : A2624KBS)
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Réf. : Décret n° 2013-266 du 28 mars 2013, relatif à la déclaration sociale nominative (N° Lexbase : L5097IWP)
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Réf. : Décret n° 2013-260 du 28 mars 2013, relatif au régime spécial de Sécurité sociale dans les mines (N° Lexbase : L5020IWT)
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Réf. : Cass. civ. 2, 28 mars 2013, n° 12-13.527, F-P+B (N° Lexbase : A2636KBA)
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Le 04 Avril 2013
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-12.803, F-D (N° Lexbase : A2735KBW) : la salariée n'ayant pas signé de contrat de travail prévoyant une période d'essai, cette clause ne peut pas lui être opposée postérieurement au commencement de son activité salarié ; par ailleurs, lorsque l'avenant signé postérieurement visant le renouvellement de la période d'essai, est lui-même contredit par l'engagement de l'employeur de maintenir le contrat de travail au-delà de la prétendue période de renouvellement, les parties n'ont pas convenues d'une période d'essai prenant effet à la date de signature de cet avenant (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8903ESK).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-23.168, F-D (N° Lexbase : A2767KB4) : toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige. Est potestative, la condition relative à l'application d'un accord collectif dépendant de la seule appréciation par l'employeur de l'importance du nombre des refus opposés par les commerciaux publicité à l'accord ; cette stipulation étant nulle, l'accord du 28 mai 2008 n'est pas opposable aux salariés et leur refus ne peut pas fonder un licenciement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8950ESB).
- Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-22.148, FS-D (N° Lexbase : A2618KBL) : le droit reconnu au salarié, par les articles L. 1232-4 (N° Lexbase : L1079H9T) et L. 1332-2 (N° Lexbase : L5820ISD) du Code du travail, de se faire assister lors de l'entretien préalable au licenciement ou à une sanction susceptible d'avoir une incidence sur sa présence dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, par un autre salarié de l'entreprise implique que ce dernier ne doit, du fait de l'assistance qu'il prête, subir aucune perte de rémunération ; les frais de transports exposés par un salarié afin d'assister des salariés de l'entreprise convoqués à un entretien préalable au licenciement ou à une sanction disciplinaire doivent lui être remboursé .
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-20.721, FS-D (N° Lexbase : A2696KBH) : la lettre, adressée par plusieurs cadres supérieures aux membres du conseil d'administration et aux dirigeants de la société mère, ne comportant pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs lorsqu'il est fait mentions de "décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l'entreprise" , ou de "désordre interne, détournement, abus d'autorité, conséquences financières et sociales désastreuse", ne peut justifier un licenciement pour faute grave (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4681EXN).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-28.502, F-D (N° Lexbase : A2816KBW) : est caractérisée la faute grave par le fait qu'une salariée a été licenciée en raison de son refus, réitéré après deux mises en demeure, de réintégrer son emploi à l'issue d'une période de formation professionnelle dont l'employeur n'avait pas accepté la prolongation (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9150ESP).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-11.868, F-D (N° Lexbase : A2769KB8) : le caractère discrétionnaire de la décision d'octroyer une prime n'exonère pas l'employeur de respecter le principe d'égalité de traitement dans l'octroi de cette prime ; produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte pris en raison du manquement de l'employeur de son obligation d'assurer un égal traitement aux conducteurs de l'entreprise concernant le versement d'une prime de fin d'année .
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-28.750, F-D (N° Lexbase : A2767KB4) : l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; est ainsi justifiée la prise d'acte lorsque l'employeur n'a pas satisfait à ses obligations en matière de délivrance d'une autorisation de conduite pour le type d'engin concerné, lesquelles concourent à la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs .
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-21.200, F-D (N° Lexbase : A2612KBD) : un accord d'entreprise instaurant une modulation du temps de travail ne comportant pas le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, ni la définition des contreparties dues au salarié en cas de réduction du délai de prévenance de sept jours, préalable à toute modification du programme indicatif, n'est pas opposable au salarié ; ce dernier devant être présent pendant les horaires d'ouverture du magasin compte tenu de la nature et du nombre de tâches qu'il avait à assumer, des exigences de sa fonction définies par une note de service ainsi que des effectifs dont il disposait, il ne jouissait pas de l'autonomie nécessaire dans l'organisation de son travail pour pouvoir relever d'une convention de forfait en heures sur l'année telle que prévue par l'article 5.7.3 de la Convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire (N° Lexbase : X0604AE4) .
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-10.061, F-D (N° Lexbase : A2747KBD) : lorsque sont attribuées, en raison d'un accord collectif, une prime de durée d'expérience aux salariés ayant au moins trois ans d'expérience, une prime familiale aux salariés chefs de famille et une prime de vacances à chaque salarié du réseau au mois de mai de chaque année, ces primes ont un caractère forfaitaire pour tous les salariés, y compris les salariés à temps partiel (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0490ETC).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-22.875, F-D (N° Lexbase : A2609KBA) : si l'ouverture du droit à un élément de la rémunération afférent à une période travaillée peut être soumis à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à la rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut pas être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0763ETG).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-26.494, F-D (N° Lexbase : A2610KBB) : est justifiée la différence de rémunération entre deux salariés par le maintien de la rémunération acquise par l'un des salarié en qualité d'agent de maîtrise avant sa rétrogradation dans les fonctions de cariste (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5502EX3).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-28.198, F-D (N° Lexbase : A2705KBS) : ne justifie pas le fait qu'une salariée ne se trouve pas dans la même situation que celle du salarié auquel elle se comparaît pour le versement d'une prime d'ancienneté, le fait que ce salarié avait déjà vingt-cinq années d'ancienneté dans cette entreprise à la date de l'embauche de celle-ci (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5502EX3).
- Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-28.068, F-D (N° Lexbase : A2766KB3) : repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; il appartient à la cour d'appel de rechercher si la différence de traitement résultant de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique (N° Lexbase : X0650AES) entre les cadres et les assimilés cadres en matière de prime d'ancienneté n'a pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes définies par la convention collective (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0721ETU).
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Réf. : TGI Paris, 12 mars 2013, n° 13/51193 (N° Lexbase : A3064KB4)
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Le 04 Avril 2013
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