Jurisprudence : CA Paris, 6, 7, 13-10-2011, n° S 08/07917, Confirmation partielle

CA Paris, 6, 7, 13-10-2011, n° S 08/07917, Confirmation partielle

A6122H7U

Référence

CA Paris, 6, 7, 13-10-2011, n° S 08/07917, Confirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5669381-ca-paris-6-7-13102011-n-s-0807917-confirmation-partielle
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 13 Octobre 2011 (n° 2,11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général S 08/07917
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 08 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/01697

APPELANT
Monsieur Jean-Marie Z

PARIS
comparant en personne, assisté de Me Anne-laurence HUBAU, avocat au barreau de PARIS, toque E1547
INTIMÉE
SA CABINET GUIBERT ET ASSOCIÉS

PARIS
représentée par M. Lionel ... (Président directeur général) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, Président et par Madame Caroline SCHMIDT, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Expert comptable et commissaire aux comptes, M. Jean-Marie Z a été engagé par M. Lionel ... aux droits duquel se trouve la société Guibert et associés SA (société GetA) dont M. ... est le président directeur général, ayant pour objet l'exercice de la profession d'expert comptable, par contrat à durée indéterminée du 22 avril 1985 à effet du 1er juillet suivant.
Il occupait, en dernier lieu, un poste de directeur de mission, avec statut de cadre aux conditions générales de la convention collective de l'expertise comptable, était membre du comité de direction du cabinet d'expertise comptable comptant 26 salariés et percevait une rémunération mensuelle moyenne de 5 718,26 euros.
Après un entretien du 13 octobre 2006, le 25 octobre 2006, l'employeur a prononcé une mise à pied du salarié à titre conservatoire et a saisi l'inspecteur du travail aux fins d'autorisation de licenciement, M. ... étant délégué du personnel suppléant.
L'inspecteur du travail a refusé l'autorisation requise par décision du 16 décembre 2006.
Le 18 décembre 2006, l'employeur a convoqué M. ... à un entretien préalable devant se tenir le 26 décembre 2006 en précisant maintenir la mise à pied .
Le salarié a été licencié pour fautes lourdes par lettre du 9 janvier 2007.
Contestant le licenciement qu'il estime nul car prononcé malgré le refus de l'inspecteur du travail et dont il soutient qu'il s'agit de l'étape ultime d'un processus de harcèlement moral, M. Z a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 8 février 2008, le Conseil de prud'hommes de Paris a dit le licenciement nul, condamné la société GetA à payer à M. Z les sommes suivantes avec intérêts au taux légal
- 7 483,48 euros au titre de rappel de congés payés,
- 764,40 euros pour le rappel de salaire du 18 au 20 décembre 2006,
- 76,44 euros au titre des congés payés afférents,
- 4 586 euros pour la période de mise à pied,
- 458 euros pour les congés payés afférents,
- 17154,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1715,47 euros pour les congés payés afférents
- 16161 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective,
- 34 310 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 34 310 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,
- 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné la remise des documents sociaux conformes, débouté M. Z de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, la discrimination salariale et la clause de non concurrence, débouté la société GetA de ses demandes reconventionnelles en réparation de préjudice et remboursement d'avance sur frais, condamné la société aux dépens.

M. Z a relevé appel le 7 mai 2008.
Par dernières conclusions développées à l'audience, il demande à la cour de
confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement nul,
en conséquence et y ajoutant,
- à titre principal, ordonner sa réintégration dans son poste de directeur de mission sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, condamner la société GetA à lui payer une indemnité forfaitaire de 5 168 euros par mois depuis le 9 janvier 2007 jusqu'à parfaite réintégration, dire que cette indemnité ne subira aucun abattement, condamner la société GetA au paiement de 4586 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied injustifiée du 20 décembre 2006 au 9 janvier 2007, 458 euros pour les congés payés afférents, 7 483,48 euros pour les congés payés non pris à la date du licenciement,
- à titre subsidiaire, à défaut de prononcé de la réintégration, 'et/ou' d'indemnisation forfaitaire, condamner la société GetA à lui payer les sommes suivantes
- 205 857 euros à titre de dommages intérêts pour violation du statut protecteur et licenciement illicite
- 4 586 euros pour la période de mise à pied du 20 décembre 2006 au 9 janvier 2007,
- 458 euros pour les congés payés afférents,
- 17 154,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 715,47 euros pour les congés payés afférents,
- 16 161 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective,
- 7 483,48 euros pour rappel de congés payés,
- à titre subsidiaire, si la nullité du licenciement n'était pas retenue,
constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société GetA à payer de 137 238 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les rappels de salaires, congés payés, indemnités de préavis et licenciement, sommes tels qu'alloués et des chefs il est demandé confirmation,
- en tous les cas,
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GetA au paiement de 764,40 euros pour le rappel de salaire correspondant à la première période de mise à pied annulée du 25 octobre au 20 décembre 2006 et 76,44 euros pour les congés payés afférents,
infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les faits de harcèlement et de discrimination dénoncés n'étaient pas suffisamment établis, statuant à nouveau, constater que ces faits sont établis, condamner la société GetA au paiement de 150 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral, 51 687 euros à titre de rappel de salaire pour discrimination salariale, 5 168 euros pour les congés payés afférents,
infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes afférentes à la clause de non concurrence, en conséquence, constater qu'il a subi un préjudice du fait de l'absence de levée de cette clause insérée au contrat de travail, condamner la société GetA au paiement de 53 243 euros à titre de dommages intérêts,
ordonner la remise des documents sociaux, débouter la société GetA de toutes prétentions, la condamner à payer 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Se référant à ses dernières conclusions 'récapitulatives', la société GetA demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, dire que le licenciement de M. Z n'encourt pas la nullité, en conséquence, débouter l'appelant de sa demande principale en réintégration assortie d'indemnisation, rejeter la demande subsidiaire de dommages intérêts pour violation du statut protecteur et licenciement illicite, dire le licenciement fondé, par suite, rejeter toutes demandes au titre d'un licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse, conclure à l'absence de harcèlement moral et de discrimination salariale, en conséquence rejeter toutes réclamations de ces chefs, constater l'absence de préjudice du fait de l'absence prétendue de levée de la clause de non concurrence, rejeter toutes demandes de ce chef, dire que les faits ayant motivé le licenciement sont constitutifs de faute lourde ou à tout le moins de faute grave justifiant la privation de préavis et indemnité de licenciement, en conséquence infirmer le jugement dont appel en ses dispositions portant condamnation à son encontre, constater néanmoins que la société s'est acquittée de ces sommes, en ordonner le remboursement, à titre reconventionnel, condamner M. Z à rembourser son avance salariale de 762,24 euros, le condamner à payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, renvoi est fait à leurs écritures.

MOTIFS
- Sur la nullité du licenciement
Il est constant que M. Z a été élu délégué du personnel suppléant le 25 juin 2004.
Son mandat de deux ans expirait le 24 juin 2006.
Conformément à l'article L.2411-5 du code du travail, il bénéficiait de la protection attachée à son statut durant les six mois suivant l'expiration du mandat soit jusqu'au 24 décembre 2006
Il ressort des pièces versées aux débats que la société GetA a convoqué M. Z à un entretien préalable à licenciement par lettre en date du 27 septembre 2006, que l'entretien a eu lieu le 13 octobre 2006, que le 25 octobre 2006, le salarié a été mis à pied, que par lettre du 25 octobre 2006, l'employeur a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, qu'une décision de refus a été notifiée par lettre recommandée en date du 16 décembre 2006 reçue le 18 décembre 2006, que l'employeur a alors initié une seconde procédure de licenciement, que M. Z été convoqué à un second entretien préalable par lettre du 18 décembre 2006 indiquant que la mise à pied était maintenue, que l'entretien a eu lieu le 26 décembre 2006, que M. Z a été licencié par lettre recommandée du 9 janvier 2007 pour fautes lourdes, qu'informé par M. Z, par lettre du 22 janvier 2007, l'inspecteur du travail a fait connaître à l'employeur que la seconde procédure de licenciement avait été initiée alors que le salarié se trouvait toujours sous protection statutaire et a observé que les motifs du licenciement étaient les mêmes que ceux ayant fait l'objet du refus, que la société GetA ayant formé, le 10 janvier 2007, un recours contre la décision de l'inspecteur du travail, cette décision a été confirmée par décision ministérielle du 15 mai 2007.
Il est de principe que le bénéfice de la protection statutaire s'apprécie en fonction de la date à laquelle l'employeur a manifesté son intention de rompre le contrat en se plaçant à la date d'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable.
En l'espèce, le licenciement a été prononcé à l'issue de la seconde procédure de licenciement initiée par la convocation à l'entretien préalable envoyée au salarié par lettre du 18 décembre 2006.
Cette lettre ne laisse aucun doute sur la volonté de l'employeur de rompre le contrat en ce qu'elle énonce qu' il est reproché à M. Z d'avoir 'à nouveau' commis des fautes qui conduisent à envisager une mesure de licenciement pour absences prolongées et répétées et fautes lourdes et notifie au salarié le maintien de sa mise à pied conservatoire jusqu'à la décision définitive qui découlera de l'entretien.
La convocation en date du 18 décembre 2006 étant antérieure à la date d'expiration de la protection, le licenciement ne pouvait intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail .
La protection attachée au mandat était donc acquise à M. Z, peu important que l'entretien et la notification du licenciement se situent après l'expiration de cette protection, dès lors que les faits présentés par l'employeur comme nouveaux car commis ou découverts postérieurement à l'engagement de la première procédure de licenciement se situent incontestablement pendant la période de protection.
De plus, il apparaît qu'hormis le grief pris du comportement de M. Z vis à vis de collaborateurs du cabinet durant ses quelques jours de présence entre le refus de l'autorisation de licenciement et la mise à pied au titre de la seconde procédure, les motifs du licenciement sont les mêmes que ceux précédemment invoqués ayant donné lieu à un refus d'autorisation de l'inspecteur du travail.
Ainsi, il est avéré que le licenciement a été prononcé sans l'autorisation administrative requise, en violation du statut protecteur.
Un tel licenciement est nul comme l'ont justement décidé les premiers juges, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les motifs de la rupture.
- Sur les conséquences de la nullité du licenciement - Sur la demande de réintégration
Après avoir sollicité en première instance l'indemnisation de son préjudice, en cause d'appel dans le dernier état de ses écritures reprises à l'audience, M. Z sollicite pour la première fois à titre principal sa réintégration.
Les demandes nouvelles sont recevables en matière prud'homale.
Par ailleurs, aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat a été prononcée en violation du statut protecteur.
La réintégration est donc de droit.
Il convient d'ordonner la réintégration de M. Z dans son emploi de directeur de mission à peine d'astreinte comme il est dit au dispositif - Sur l'indemnisation du salarié
Le salarié protégé licencié sans autorisation préalable qui demande sa réintégration pendant la période de protection a droit au titre de la méconnaissance du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à sa réintégration.
Cette rémunération est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection pour des raisons non imputables au salarié.
En l'espèce, le seul fait invoqué par M. Z que la date du licenciement se situe après la période de protection ne suffit pas à caractériser les raisons qui ne lui sont pas imputables qui l'ont déterminé à demander sa réintégration après quatre ans et demi.
Par suite, M. Z ne peut prétendre au paiement de sa rémunération qu'à compter de sa demande de réintégration soit, compte tenu de la transmission le 25 juillet 2011 de ses dernières conclusions incluant sa demande nouvelle, à compter de cette date.
Il sera fait droit à sa demande d'indemnisation forfaitaire dans cette limite.
M. Z demande à la cour s'il devait être considéré qu'il ne peut prétendre à la réintégration 'et/ou' à l'indemnisation forfaitaire sollicitée, de condamner la société GetA à lui payer la somme de 205 857 euros à titre de dommages intérêts pour violation du statut protecteur et licenciement illicite ainsi que les indemnités de rupture.
Pour être qualifiée de subsidiaire, la demande inclut des chefs d'indemnisation présentés comme venant en complément de l'indemnité forfaitaire qui doivent, dès lors, être examinés.
Les indemnités de ruptures ne sont pas dues puisque la poursuite du contrat de travail est de droit.
Par ailleurs, l'indemnité pour violation du statut protecteur qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat et est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, n'est pas due au salarié licencié, comme en l'espèce, après l'expiration de la période de protection.
En revanche, M. Z a le droit d'obtenir des dommages intérêts réparant l'intégralité du préjudice résultant du licenciement illicite.
Compte tenu des circonstances et des conséquences du licenciement à l'égard du salarié, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer, en réparation du préjudice résultant du licenciement illicite, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
- Sur les salaires durant la mise à pied
Il est établi qu'après le premier entretien préalable à licenciement du 13 septembre 2006, M. Z a été mis à pied le 25 octobre 2006, que le même jour M. ... a saisi l'inspecteur du travail eu égard à la protection statutaire du salarié, que le 18 décembre 2006, jour de la réception de la décision de refus d'autorisation, une deuxième procédure a été initiée par convocation reçue le 20 décembre 2006 avec maintien de la mise à pied, que M. Z ayant saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de son salaire durant cette période, la société
GetA lui a réglé en janvier 2007 la somme de 10 841,74 euros correspondant à son salaire jusqu'au 17 décembre 2006, que la mise à pied a couru jusqu'au 10 janvier 2011, date de réception de la lettre de licenciement.
Au vu des documents salariaux produits, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société GetA au paiement de la somme de 764,40 euros pour le rappel de salaire correspondant à la première période de mise à pied conservatoire du 17 au 20 décembre 2006, non suivie de licenciement, et 76,44 euros pour les congés payés afférents,
De même, la société GetA a été justement condamnée au paiement de la somme de 4 586 euros à titre de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 20 décembre 2006 au 9 janvier 2007, la mesure étant nulle par l'effet de l'annulation du licenciement, et aux congés payés afférents d'un montant de 458 euros.
- Sur le rappel de congés payés
Licencié pour faute lourde, M. Z n'a pas perçu les congés payés relatifs à la période du 1er juin 2005 au 31 mai 2006 (25 jours) et du1er juin 2006 au 19 janvier 2007 (9 jours) soit au total 34 jours .
Le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué à ce titre la somme de 7 483,48 euros. - Sur le harcèlement moral
Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au harcèlement.
Le conseil de prud'hommes a considéré que les faits de harcèlement moral et de discrimination salariale dénoncés par M. Z n'étaient pas suffisamment établis.
En cause d'appel, M. Z réitère ses demandes de réparation à ces deux titres expliquant qu'il a connu de graves problèmes de santé en 2001 à la suite d'un infarctus pour lequel il a été hospitalisé une semaine, que, des clients qui lui étaient affectés ayant quitté le cabinet en 2004, M. ... lui en a tenu rigueur, considérant que ses problèmes de santé ajoutés aux difficultés inhérentes à l'éducation de sa fille handicapée, l'empêchaient de travailler correctement et qu'il a depuis lors exercé des pressions caractéristiques d'un processus de destruction morale et psychologique se manifestant par des discriminations patentes, sous forme notamment de diminution des dossiers attribués et par suite des heures facturées et de privation de primes dans le but manifeste de se défaire de lui, qu'il est peu à peu tombé dans la dépression avec une sévère rechute en 2006 qui lui a valu d'être hospitalisé durant cinq semaines entre juin et août 2006, en arrêt de travail durant cinq mois jusqu'à ce que, à l'issue de la visite de reprise dont il a dû prendre l'initiative, il soit déclaré apte à reprendre ses fonctions le 22 septembre 2006 ce qui a rendu furieux M. ... lequel a multiplié les mesures discriminatoires jusqu'au licenciement.
Comme éléments du harcèlement moral et de la discrimination dont il s'estime victime depuis 2004 et qui, selon lui, ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, d'attenter à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel, M.
Cardinal invoque la personnalité de M. ..., ses débordements verbaux traduisant sa volonté de le rabaisser, de discréditer ses compétences et son travail, de l'infantiliser et de le culpabiliser, la baisse constante de ses rémunérations à compter de l'année 2004, les pressions de l'employeur sur le médecin du travail pour l'inviter à le déclarer inapte à la reprise en septembre 2006, la modification unilatérale de son contrat de travail à son retour au cabinet le 25 septembre 2006, la confiscation de ses clefs, sa mise à l'écart du comité de direction, sa rétrogradation comme chef de mission avec diminution de taux horaire, le retrait de tout dossier, les retards de règlement des acomptes sur salaires en septembre et octobre 2006, période durant laquelle il a dû réclamer l'acompte usuel de fin de mois, et jusqu'à l'attitude de M. ... qui, durant la présente instance n'a cessé d'insister sur le caractère génétique de la maladie de sa fille, née en 1999, suggérant que lui-même en était responsable pour justifier de ses problèmes psychologiques qui pourtant sont apparus en 2005 et ne sont rien d'autre que le résultat du traitement inhumain de son employeur.
Au soutien de ses allégations, il produit une analyse de l'écriture de M. ... réalisée par un expert inscrit sur la liste des experts en écritures de la cour d'appel de Paris, des annotations de ses dossiers par M. ... comportant des appréciations péjoratives ainsi que divers courriers de même tonalité, ses bulletins de salaires avec tableau récapitulatif mentionnant une rémunération brute en moyenne de 93 324 euros de 2000 à 2003, de 86 636 euros en 2004, de 76 029 euros en 2005 et 66 350 euros en 2006, les pièces relatives à son état de santé à savoir le compte rendu en date du 29 juin 2001, portant le diagnostic de coronographie et angioplastie coronaire, les certificats de séjour à la clinique Villa Montsouris pendant la période d'emploi au sein du cabinet, du 2 mai 2005 au 3 juin 2005 et du 30 juin au 19 août 2005, le certificat médical établi par le docteur ... le 27 avril 2006 rappelant le suivi pour cardiopathie ischemique et hypertensive et relevant des 'facteurs de stress semble-t-il liées à ses conditions de travail qui ont majoré la symptomatologie, décompensé les chiffres tensionnels et provoqué une asthénie profonde', le compte rendu d'hospitalisation concernant la période de juin à août 2006 qui vise une rechute dépressive majeure dans un contexte de difficultés professionnelles, et note les doléances du salarié quant au harcèlement dont il était l'objet de la part de son 'associé', en réalité M. ....
Le rapport d'analyse de l'écriture de M. ... produit par M. Z doit être écarté s'agissant d'un rapport non contradictoire qui, au surplus, prétend cerner la personnalité de M. ... et n'est donc pas de nature à établir la matérialité de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement.
En revanche, les notes de revue des dossiers traités par M. Z sont des modes de preuve admissibles dès lors que le salarié en a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et qu'elles sont nécessaires à l'exercice de sa défense.
Les annotations de M. ... apparaissent comme une succession de remarques péjoratives, assénées sur un ton péremptoire, propres à discréditer M. Z. Ainsi on peut lire 'Non, non. A quoi on joue, à quoi on joue ...JM se moque du monde', 'Cela ne fait que 10 fois que je le dis', 'C'est incroyable', 'Décidément, tu ne comprends toujours rien... tu mélanges tout, tu t'adresses au président et au DG et non au chef comptable, c'est la énième fois que je te le dis.. ',' Il serait temps que tu te situes de l'autre côté et que tu vois les difficultés', 'Je ne suis pas là pendant le week-end à faire ton boulot pendant que tu es bien à la campagne'.
Les lettres adressées par M. ... à M. Z après son retour au cabinet, le 18 septembre 2006, postérieurement à la visite de reprise dont il avait été informé par LRAR du salarié en date du 13 septembre 2006, contiennent des appréciations également péjoratives suggérant que 'sa guérison était superficielle et qu'il faisait preuve d'une absence certaine de prise de responsabilité et de courage' (lettre du 19 septembre 2006 ), qu'il était incapable d'être directeur de par son 'incapacité professionnelle et psychologique' ( lettre du 27 septembre 2006), qu'il faisait preuve de débordements '(lettre du 25 octobre 2006), que son comportement personnel était bruyant et perturbateur, sa présence au sein du cabinet 'nuisible et inutile' (lettre du 30 octobre 2006).
Ces notes et lettres, la diminution des rémunérations de 2004 à 2006, les pièces médicales susvisées et les mesures vexatoires qui ont accompagné la reprise de travail de M. Z soit la remise des clefs du bureau, la mise à l'écart du comité directeur, la notification d'une diminution du taux horaire de rémunération établissent des agissements répétés qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié, d'attenter à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel.
Pour réfuter ces éléments, la société GetA décrit le parcours de M. Z comme déclinant à partir d'événements personnels ayant conduit à son hospitalisation en établissement psychiatrique en 2005 et 2006. Elle souligne ses liens très étroits avec M. ... et l'attitude de solidarité de celui-ci envers un 'vieux compagnon de route', depuis 20 ans au cabinet, malgré la perte de pratiquement l'ensemble des dossiers suivis par M. Z représentant une perte d'honoraires de 265 875 euros et malgré son absence pour maladie aux périodes cruciales en 2005 et 2006, ajoutant que dès son retour d'arrêt de travail, M. Z s'est rendu insupportable et provocateur, auteur d'un 'pilonnage psychologique stressant' résultant de ses écrits journaliers qui obligeaient à des réponses immédiates de la part de M. ..., victime d'un véritable harcèlement de la part de M. Z. La société justifie les remarques faites à ce dernier ainsi que l'évolution de sa situation au sein du cabinet par son incapacité professionnelle qui conduisait à lui retirer des dossiers et affectait nécessairement sa rémunération et son incapacité psychologique à tenir son poste.
Cependant, il n'est pas produit de pièce établissant un lien certain entre la perte d'honoraires alléguée à partir de 2004 et le travail de M. Z. Les attestations de plusieurs autres directeurs de mission du cabinet portant une appréciation négative sur la qualité des prestations de M. Z et disant ne pas vouloir désormais 'utiliser' celui-ci sont à cet égard insuffisantes et les documents intitulés 'Missions JMC 2004-2005" et 'Missions JMC perdues' n'ont pas valeur probante s'agissant d'une liste de missions dont on ne peut déduire que la perte est imputable à M. Z d'autant qu'il apparaît que certains clients cités sont des clients non de la société GetA mais de l'EURL Guibert ou de la société ADD'EQUATION, structures distinctes, et que deux d'entre eux, M. ... du groupe Rives de Loire et M. Pouillaude ... ... ... ont attesté de leur satisfaction concernant le travail de M. Z, le premier précisant que la décision de non renouvellement avait été arrêtée afin de privilégier un commissaire aux comptes exerçant à proximité du siège.
La distribution de dossiers en moins grand nombre, avec ses effets sur la rémunération, ne peut donc être mise en relation avec une perte de clientèle étant observé que M. Z n'a fait l'objet d'avertissement ni d'observations à ce sujet.
Par ailleurs, le compte rendu d'hospitalisation du 14 septembre 2006 mentionnant que le patient 'explique sa situation professionnelle et veut faire une pause par rapport à sa famille' ne permet pas d'éluder les difficultés professionnelles qui sont notées par les médecins comme participant des épisodes dépressifs du salarié.
En outre, les liens anciens entre M. ... et M. Z ne pouvaient autoriser le ton blessant des remarques figurant sur les notes de revues.
Quant aux lettres de M. ... après la reprise de travail, elles ne trouvent pas de justification dans le comportement et les lettres du salarié dès lors que celui-ci, déclaré apte à reprendre le travail par certificat du 22 septembre 2006 après une première visite du 15 septembre 2006, s'est heurté lors de son retour de congé maladie, le 25 septembre 2006, à la mise en doute de son aptitude alors même que l'avis du médecin du travail s'impose à l'employeur, qu'il s'est vu notifier la modification de ses conditions de travail par mise à l'écart du comité directeur et abaissement de son taux horaire puis, moins de 48 heures plus tard, a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour fautes se voyant reprocher notamment ses absences pour maladie et mis à pied, tous faits constitutifs de pressions qui ne pouvaient qu'appeler une réaction vive de sa part ce qui rend inopérantes les attestations de Mmes ... et ... versées aux débats faisant état d'un comportement anormal de M. Z à son retour et les allégations de harcèlement de M. ....
Ainsi, la société GetA ne contredit pas la présomption de harcèlement moral par des éléments objectifs étrangers au harcèlement.
Quant à la discrimination salariale, si le constat de la diminution des rémunérations en 2005 et 2006 ne suffit pas à établir une discrimination qui impose la comparaison avec celle d'autres salariés, cette situation apparaît comme un élément du harcèlement et doit être indemnisée à ce titre.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et d'accueillir la demande fondée sur le harcèlement moral.
Au vu des éléments de la cause, le préjudice subi par M. Z du fait du harcèlement moral doit être fixé à la somme de 30 000 euros.
- Sur la clause de non concurrence
Dès lors que le contrat se poursuit, M. Z ne peut prétendre au paiement d'une contrepartie financière au titre d'une telle clause.
- Sur les documents sociaux
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la remise des documents sociaux sauf à ce que lesdits documents soient rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt sans qu'il y ait lieu à astreinte.
- Sur la demande reconventionnelle en paiement d'avances
La société GetA demande le remboursement d'une avance sur frais de 762,24 euros consentie en 1998 mais jamais utilisée.
La prescription quinquennale n'est pas applicable à une telle avance qui n'a pas la nature de salaire et reste soumise à la prescription de droit commun.
Le jugement sera donc infirmé et il sera fait droit à la demande de la société.
- Sur la demande en remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire
La demande est sans objet dès lors que le présent arrêt vaut titre et autorise le recouvrement des sommes versées .
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de confirmer les dispositions du jugement déféré et, y ajoutant, d'allouer à M. Z, mais non à la société GetA, la somme de 5 000euros pour les frais exposés en appel;

PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement nul, condamné la société Guibert et associés à payer à M. Jean-Marie Z les sommes de 4586 euros, 458 euros, 764,40 euros et 76,44 euros représentant les salaires et congés payés afférents aux périodes de mise à pied ainsi que 7 483,48 euros à titre de rappel de congés payés et en ce qu'il a débouté M. Jean-Marie Z de sa demande relative à la clause de non concurrence et en ses dispositions relatives aux documents sociaux, frais irrépétibles et dépens,
L'INFIRME en toutes autres dispositions, Y ajoutant et statuant à nouveau
ORDONNE la réintégration M. Jean-Marie Z dans son emploi de directeur de mission au sein de la société Guibert et associés dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 300 euros par jour de retard,
CONDAMNE la société Guibert et associés à payer à M. Jean-Marie Z la somme de 5 168 euros par mois à compter du 25 juillet 2011 jusqu'à parfaite réintégration,
DIT que cette indemnité ne subira aucun abattement ;
CONDAMNE la société Guibert et associés payer à M. Jean-Marie Z
- 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite,
- 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
CONDAMNE M. Jean-Marie Z à payer à la société Guibert et associés la somme de 762,24 euros à titre de remboursement d'avances sur frais,
DIT que les documents sociaux devront être rectifiés en conformité avec le présent arrêt,
CONDAMNE la société Guibert et associés à payer à M. Jean-Marie Z la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,
CONDAMNE la société Guibert et associés aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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