SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 27 mars 2013
Cassation
M. LACABARATS, président
Arrêt no 609 F-D
Pourvoi no M 11-28.068
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Novartis Pharma, société par actions simplifiée, dont le siège est Rueil-Malmaison,
contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2011 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre C), dans le litige l'opposant à Mme Annie Y Y, domiciliée Plan-de-Cuques,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 février 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Mariette, conseiller référendaire rapporteur, M. Gosselin, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Novartis Pharma, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Y Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 22-9 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique ;
Attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement, résultant d'un accord collectif, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y Y a été engagée par la société Laboratoires Sandoz devenue la société Novartis-Pharma en qualité de visiteur médical, le 26 septembre 1988 ; qu'ayant été nommée délégué hospitalier, classée dans le groupe VI de la classification de la convention collective de l'industrie pharmaceutique à compter du 1er janvier 1998, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté conventionnelle prévue au bénéfice des salariés non-cadres ou assimilés cadres ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la différence de traitement opérée par la convention collective de l'industrie pharmaceutique pour l'attribution de la prime d'ancienneté entre les cadres et les employés, techniciens, agents de maîtrise assimilés à des ingénieurs et cadres n'était justifiée par aucune raison objective et pertinente, l'employeur se bornant à faire état d'une prime instituée pour récompenser la population non-cadre peu sujette aux augmentations individuelles ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la différence de traitement résultant de la convention collective de l'industrie pharmaceutique entre les cadres et les assimilés cadres en matière de prime d'ancienneté n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes,
définies par la convention collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne Mme Y Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Novartis Pharma.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société NOVARTIS PHARMA à payer à Mme De Y 40 776,60 euros de rappel de primes d'ancienneté au 31 décembre 2009 outre 4077,66 euros d'incidence congés payés, le tout portant intérêts, d'AVOIR, sur la demande relative aux primes d'ancienneté dues à compter du 1er janvier 2010, ordonné la réouverture des débats et invité la salariée à chiffrer sa demande et à fournir un décompte détaillé au contradictoire de la partie adverse ;
AUX MOTIFS QUE " la prime d'ancienneté ne présente pas la force obligatoire d'une stipulation contractuelle plus favorable que la convention collective, sa prévision dans le contrat de travail s'avérant procéder non d'un accord des parties sur une attribution particulière à caractère personnel à la salariée, ce qu'aucun élément de l'acte ou externe à celui-ci ne révèle, mais d'un simple rappel de cet élément de rémunération attribué par la convention collective aux salariés non-cadres correspondant précisément à la catégorie dans laquelle Mme De Y a été embauchée ; cette catégorie comprend, aux termes de l'article 22 9o a) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique les salariés classés dans les cinq premiers groupes de classification ainsi que les salariés classés dans le groupe 6 qui bénéficient des dispositions de l'article 4 bis de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, cette dernière distinguant effectivement les cadres (article 4) et les assimilés cadres (article 4 bis) ; en l'espèce l'appartenance au cours de son évolution de carrière de Mme De Y à l'une ou l'autre de ces deux dernières catégories, seul critère conventionnel, reste incertaine à l'examen des documents contradictoires produits sur ce point ; ainsi l'employeur justifie d'une demande d'affiliation de Mme De Y à l'APGIS du 22 janvier 1999 en qualité de cadre de l'article 4 et, en réponse à sa lettre du 29 juillet 2008 demandant une attestation individuelle sur les collaborateurs affiliés au régime des cadres de l'article 4, une attestation du groupe MORNAY mentionnant effectivement Mme De Y ; en revanche des éléments contraires ou incertains résultent d'autres documents ; ainsi, toujours en réponse à cette lettre du 29 juillet 2008 réclamant un document APEC sur les cotisations, ce même groupe a établi une liste des cotisations individuelles de l'exercice 2007 qui mentionne également Mme De Y mais qui, dans la rubrique relative à son objet, vise les cadres des articles 4 et 4 bis ; ce même groupe, dans un autre document (pièce 32 de Mme De Y) indique que les salariés article 4 et article 4 bis relèvent du régime AGIRC et cotisent notamment à l'APEC ; par ailleurs la lettre de l'employeur du 25 mars 1999 fait état de l'évolution des organismes collecteurs des régimes de retraite (CGIS pour les salariés non-cadres et APICIL pour l'AGIRC des cadres) ; elle se réfère ensuite à la collecte par l'APGIS des cotisations de santé du personnel relevant des articles 36, 4 bis et 4, sans faire de distinction entre eux ; cependant l'examen sur ce point des bulletins de paie produits de 2002 à 2009 inclus fait apparaître les mentions divergentes suivantes - en 2002 APEC (APICIL) et APICIL ARRCO, APICIL AGIRC et APICIL AGFF, - pour 2003 ces mêmes mentions avec rajout de 4/4 bis, - de 2004 à juin 2008 APEC (CGIS), CGIS ARRCO 4/4bis, CGIS AGIRC 4/4 bis, CGIS AGFF 4/4 bis, - à compter de juillet 2008 APEC, CGIS AGFF CGIS suivis de CAD ; cependant quelle que soit l'appartenance catégorielle de la salariée la société NOVARTIS PHARMA n'oppose pas au grief adverse de différence de traitement entre ces deux catégories en litige de raisons objectives, concrètes et pertinentes de nature à en justifier, se bornant à faire état d'une prime instituée pour récompenser la population non-cadre peu sujette aux augmentations individuelles ; dans ces conditions la demande de paiement de la prime d'ancienneté s'avère bien fondée ; (...) en ce qui concerne les primes réclamées à compter du 1er janvier 2010, il appartient à la partie demanderesse de chiffrer sa demande et de fournir un décompte détaillé au contradictoire de la partie adverse " ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE " la position de l'employeur est d'autant plus surprenante que Madame Y Y produit les bulletins de salaires de trois salariés du groupe occupant le même emploi qu'elle (délégué hospitalier classification 6C), Madame ... et Messieurs ... et ... qui perçoivent la prime d'ancienneté de 15 % qu'elle réclame de la société. Madame Y Y elle-même perçoit une prime d'ancienneté de 6 % sans que la société NOVARTIS PHARMA explique comment cette situation peut être compatible avec la qualité de cadre qui serait celle de la salariée " ;
1) ALORS QUE la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement, résultant d'un accord collectif, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; que l'article 22-9o a) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique attribue une prime d'ancienneté aux salariés non-cadres " classés dans les cinq premiers groupes de classification ainsi qu'aux salariés classés dans le groupe 6 lorsqu'ils bénéficient des dispositions de l'article 4 bis de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 " ; qu'en retenant néanmoins que l'appartenance catégorielle de la salariée importait peu et qu'il convenait de faire droit à sa demande de paiement de la prime d'ancienneté de l'article de l'article 22-9o a) susvisé dès lors que l'employeur se serait borné à faire état d'une prime instituée pour récompenser la population non-cadre peu sujette aux augmentations individuelles, sans rechercher si la différence de traitement résultant de la convention collective de l'industrie pharmaceutique entre les cadres et les non cadres, y compris les assimilés cadres, en matière de prime d'ancienneté n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes, définies par la convention collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22-9o de la Convention Collective nationale de l'Industrie pharmaceutique, ensemble le principe d'égalité de traitement ;
2) ALORS QUE l'employeur justifiait le versement d'une prime d'ancienneté de 6 % par un engagement unilatéral pris au bénéfice des salariés de la visite médicale classés groupe 6, indépendamment de leur qualité de cadre ou non cadres, dérogeant favorablement à l'article 22.9 a) de la convention collective (conclusions 9) ; qu'en affirmant cependant que la société NOVARTIS PHARMA n'aurait pas expliqué en quoi le paiement d'une prime d'ancienneté était compatible avec la qualité de cadre de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3) ALORS subsidiairement QU'aux termes de l'article 9 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique le montant de la prime d'ancienneté est calculé sur le salaire minimum de l'emploi occupé par le salarié ; que par ailleurs, l'article L.3312-4 alinéa 3 du Code du travail précise que les sommes versées au titre de l'intéressement " n'ont pas le caractère de rémunération " ; qu'en l'espèce cependant, la Cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait fait entrer la prime d'intéressement dans l'assiette de calcul de la prime d'ancienneté ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 9 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, ensemble l'article L.3312-4 alinéa 3 du Code du travail.