Jurisprudence : CA Versailles, 06-10-2011, n° 09/03105, Infirmation partielle



COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES Code nac 80A 11ème chambre
ARRÊT N°
contradictoire
DU 06 OCTOBRE 2011
R.G. N° 09/03105
AFFAIRE
SAS DISTRIBUTION CASINO
C/
Nicole Y EPOUSE Y
...
Décision déférée à la cour Jugement rendu le 29 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
Section Encadrement N° RG 08/00184
Copies exécutoires délivrées à
Me Corinne ... ...
Me Françoise ...
Copies certifiées conformes délivrées à
SAS DISTRIBUTION CASINO
Nicole Y EPOUSE Y, Pierre Luc X, Patricia WX épouse WX
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
SAS DISTRIBUTION CASINO
1 esplanade de france

SAINT ETIENNE CEDEX 02
Représentée par Me Corinne LE FOULGOC-DELMOULY, avocat au barreau de VAL DOISE
APPELANTE
****************
Madame Nicole Y EPOUSE Y

ORGERUS
Comparante en personne, assistée de Me Françoise BRUN, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Pierre Luc X
Exerçant sous l'enseigne'PETIT CASINO'

ORGERUS
Représenté par Me Valérie SAUVADE, avocat au barreau de PARIS
Madame Patricia WX épouse WX
Exerçant sous l'enseigne'PETIT CASINO'

ORGERUS
Représentée par Me Valérie SAUVADE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
****************

Composition de la cour
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de
Madame Marie-Noëlle ROBERT, Présidente,
Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller,
Madame CAPRA, conseiller désigné en remplacement de Monsieur Jean-Christophe CHAZALETTE, Conseiller, empêché,
Greffier, lors des débats Madame Agnès MARIE,

Exposé du litige
Suivant contrat à durée indéterminée, Mme Nicolle Y épouse Y est engagée à compter du 1er avril 1984 en qualité de caissière par la société Stromboni exploitant un commerce d'alimentation.
Par avenant du 1er novembre 1991, Mme ... est promue chef de magasin.
Son contrat de travail est repris par la société Garancières services en 1999, puis par la société Distribution Casino France en 2008.
Par courrier du 16 février 2008, M. Jean-Luc X indique à la salariée avoir accepté la co-gérance du magasin ; qu'en application de l'article L. 122-12 du code du travail, il y a transfert du contrat de travail et qu'il devient son nouvel employeur.
L'intéressée perçoit en dernier lieu un salaire mensuel brut de 2070,30 euros.
Convoquée le 25 juin 2008 à un entretien préalable, fixé le 4 juillet suivant, en vue de son éventuel licenciement, Mme ... est licenciée le 17 juillet 2008 par M. X et son épouse Mme W pour motif économique.
Contestant le bien-fondé du licenciement, Mme ... saisit le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie le 3 octobre 2008, afin d'obtenir à titre principal la condamnation solidaire de la société Distribution Casino France ainsi que de M. X et Mme W son épouse à lui payer les sommes suivantes
* 56 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X et Mme W s'opposent à la demande et sollicitent l'octroi d'une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Distribution Casino France s'oppose également aux prétentions de Mme ... et demande l'octroi d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 juin 2009, le conseil
- met hors de cause de M. et Mme X,
- dit le licenciement nul,
- condamne la société à payer à Mme ...
* 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne cette société à rembourser à l'Assédic le montant des indemnités de chômage perçues par la salarié à hauteur de 6 mois,
- déboute les défendeurs de leurs demandes.
La société Distribution Casino France relève régulièrement appel de cette décision.
Elle demande l'infirmation du jugement déféré, sa mise hors de cause, le rejet des demandes de Mme ... et la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme ... demande à titre principal la confirmation du jugement entrepris sauf à porter à 4 000 euros la somme octroyée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle réclame la condamnation de M. X et de Mme W son épouse à lui payer la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Elle sollicite en outre la condamnation de la société Distribution Casino France, ou à défaut des époux ..., à reconstituer, sous astreinte, sa carrière auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
M. X et Mme W son épouse demande à titre principal à la cour de dire que le licenciement de la salariée est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et l'octroi d'une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

Motifs de la décision
Considérant que selon l'article L. 7322-2 du code du travail, est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité ;
Considérant que les termes du contrat de cogérance et de son avenant conclus le 22 mars 2008 entre la société Distribution Casino France et les époux ... répondent à cette définition ;
Considérant qu'à compter de la conclusion de ce contrat et de son avenant, le contrat de travail de la salariée, selon l'article L. 1224-1 du code du travail, s'est poursuivi de plein droit avec M. X et Mme W son épouse, lesquels avaient le pouvoir d'embaucher du personnel et dès lors celui de licencier les salariés présents dans l'entreprise, à défaut de dispositions en sens contraire dans les actes en cause ;
Considérant qu'il n'est pas démontré au moment du licenciement l'existence d'un lien de subordination à l'égard de la société Distribution Casino France dont il résulterait que l'activité de Mme ... était exercée sous l'autorité de cette société qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ;
Considérant qu'en conséquence les demandes dirigées par Mme ... à l'encontre de la société Distribution Casino France doivent être rejetées et le jugement déféré infirmé en ce qu'il a condamné ladite société à verser à la salariée des indemnités ainsi qu'à rembourser les indemnités de chômage perçues par celle-ci dans la limite de 6 mois ;
Que la demande de reconstitution de carrière formée en cause d'appel par Mme ... ne peut donc également être accueillie en ce qui concerne cette société ;
Considérant que Mme ... a été licenciée dans les termes suivants
" Suite à l'entretien préalable du 04 JUILLET 2008, je vous rappelle que vous avez jusqu'au 22 JUILLET 2008 inclus, pour nous faire connaître votre décision d'adhérer à la convention de reclassement personnalisée qui vous à été proposé (il vous a été remis ce jour là le document de présentation, le récépissé du document de présentation, que nous avons conservé, ainsi que le bulletin d'acceptation).
Nous vous rappelons également
Qu'en cas d'adhésion votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d'un commun accord des parties aux conditions qui figurent dans le document d'information qui vous a été remis le 04 JUILLET 2008, qu'à défaut d'adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors notification de votre licenciement pour motif économique, sa date de première présentation à votre domicile fixera le point de départ de préavis d'une durée de trois mois, au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du 04 JUILLET 2008 à savoir
Ainsi que vous avez été informée, vous avons repris, en tant que co-gérant mandataires, la gestion et l'exploitation du magasin ORGERUS à l'enseigne Petit Casino le 29 MARS 2008.
Comme cela vous l'a été indiqué, et en application des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail, qui prévoit le maintien du contrat de travail en cas de changement d'employeur, il y a eu transfert de votre contrat individuel de travail et nous sommes devenus de ce fait votre nouvel employeur.
Nos relations contractuelles sont régies par la Convention collective Nationale du Commerce de détail des Fruits et Légumes, Epicerie et Produits Laitiers (No 3244) à laquelle nous nous référons expressément.
Les dispositions de l'article 1-4 de cette convention collective stipule notamment qu'en aucun cas ne peuvent être remis en cause les avantages acquis antérieurement ; ce qui signifie que vous avez conservé votre ancienneté acquise à ce jour ainsi que tous les avantages individuels acquis antérieurement.
Néanmoins, le chiffre d'affaires réalisé depuis l'ouverture le 29 MARS 2008 ne nécessite pas la présence d'une employée ; cela nous a amené à réorganiser son fonctionnement et à reprendre à notre compte les tâches qui vous étaient dévolues jusqu'alors à savoir commande, mise en rayon et entretien du point de vente.
Votre poste étant supprimé, et sans possibilité de reclassement au sein de notre point de vente, nous sommes au regret de procéder à votre licenciement pour motif économique.
Votre période de préavis d'une durée de trois mois débutera à la date de la première présentation de cette lettre.
Nous vous dispensons d'effectuer cette période de préavis qui vous sera réglée selon les modalités en vigueur.
Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (D.I.F.), sous réserve d'en formuler la demande avant l'expiration de votre préavis.
A défaut d'une telle demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu.
Pour votre parfaite information, nous vous précisons que vous bénéficiez au titre du D.I.F. d'un volume de 64 heures jusqu'au terme de votre préavis qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de travail, peut se traduire par le versement d'une allocation.
Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à la réception du justificatif de suivi de l'une des actions susvisées.
En tout état de cause, nous vous informons enfin que vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage dans notre entreprise pendant une durée d'un an à compter de la rupture de votre contrat de travail; vous disposez d'un délai de un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail pour nous informer si vous comptez faire valoir ce droit ; "
Considérant qu'en vertu de l'article L. 1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
Considérant que M. X et Mme W son épouse invoque la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ;
Considérant cependant que le licenciement est intervenu dans un très bref délai après la reprise par ceux-ci en qualité de cogérants non salariés de la gestion du fonds de commerce ; qu'il n'est pas établi au regard des éléments de la cause la nécessité de la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité au moment du licenciement ; que celui-ci est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, et compte tenu des pièces produites, la cour est en mesure à fixer à 6 000 euros le montant de l'indemnité due à la salariée en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la Caisse nationale d'assurance vieillesse a indiqué à la salariée qu'elle n'avait aucun information concernant sa carrière pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2008 ; qu'il convient d'ordonner à l'employeur de régulariser la situation de l'intéressée auprès de cet organisme ;

Par ces motifs
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme partiellement le jugement rendu le 29 juin 2009 par le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie,
Statuant à nouveau,
Condamne M. X et Mme W son épouse à verser à Mme Y épouse Y la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Rejette la demande en nullité du licenciement et celles en paiement de sommes formées par Mme Y épouse Y à l'encontre de la société Distribution Casino France,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par cette société aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à Mme Y épouse Y,
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement déféré, Y ajoutant,
Condamne M. X et Mme W son épouse à verser à Mme Y épouse Y la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne M. X et Mme W son épouse de fournir à la Caisse nationale d'assurance vieillesse les informations nécessaires à la reconstitution de carrière de Mme Y épouse Y,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne M. X et Mme W son épouse aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Noëlle ..., président, et Mme Claudine ..., greffier.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

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