Lexbase Social n°521 du 28 mars 2013

Lexbase Social - Édition n°521

Contrat de travail

[Jurisprudence] L'affirmation du caractère d'ordre public du principe selon lequel la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir en même temps que la dispense de préavis

Réf. : Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-21.150, FS-P+B (N° Lexbase : A9661I9P)

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N6329BTL

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 28 Mars 2013

Même si l'essentiel du régime des clauses de non-concurrence a été réaménagé par la Cour de cassation après le "tsunami" intervenu en 2002, la Cour de cassation continue, par petites touches, d'ajuster les règles applicables. Dans un nouvel arrêt en date du 13 mars 2013, la Haute juridiction confirme le principe selon lequel la renonciation au bénéfice de clause de non-concurrence du salarié dispensé de préavis doit avoir lieu au moment du départ effectif du salarié de l'entreprise, ce que l'on savait déjà (I), mais lui confère une portée inédite puisque la règle apparaît désormais comme étant d'ordre public, ce qui met en échec les délais conventionnels ou contractuels de renonciation dès lors que le salarié est dispensé de l'exécution de son préavis (II).
Résumé

L'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

I - La renonciation à la clause de non-concurrence des salariés dispensés de préavis

Cadre juridique général. L'employeur, qui doit verser au salarié tenu par une obligation de non-concurrence, une contrepartie financière, peut être autorisé par l'accord collectif ou la clause du contrat de travail à renoncer à la clause.

Dans la plupart des hypothèses, la faculté de renonciation est enfermée dans un délai. Lorsque la rupture émane de l'employeur (licenciement, rupture de la période d'essai), le délai de renonciation part de la date d'émission de la lettre de rupture (1). Lorsqu'elle émane du salarié (démission ou prise d'acte), le délai part du jour où l'employeur a eu connaissance de la décision prise par le salarié, c'est-à-dire en pratique du jour de réception de la lettre de rupture (2). S'agissant du dernier jour pour renoncer, il convient de prendre en considération la date d'expédition de la lettre de renonciation qui définit le moment où l'employeur a pris sa décision, et ce même si le salarié reçoit cette lettre après l'expiration du délai de renonciation (3). Le délai imparti se décompte par ailleurs de manière calendaire et ne peut être prorogé en raison de dimanches ou de jours fériés (4).

En l'absence de délai, la jurisprudence a évolué en 2010 ; avant cette date, la Cour de cassation exigeait que la renonciation intervienne dans un "délai raisonnable" ; désormais, elle doit être notifiée au salarié au moment de la rupture (5).

Sort du salarié dispensé de son préavis. Reste à déterminer à quel moment précis part le délai imparti lorsque le salarié a été dispensé de l'exécution du préavis qu'il doit à l'employeur, qu'il s'agisse d'ailleurs du préavis de licenciement ou de démission.

La Cour de cassation a eu l'occasion d'affirmer que "dans le cas où le salarié est dispensé d'exécuter son préavis, la clause de non-concurrence le lie dès son départ effectif de l'entreprise", c'est-à-dire sans attendre la fin juridique des relations contractuelles, ce qui démontre pleinement que c'est moins le moment où le travail prend fin que celui où le salarié recouvre effectivement sa liberté professionnelle qui compte, ce qui est logique s'agissant d'une clause qui vise précisément à empêcher le salarié de se livrer à une activité professionnelle qui pourrait nuire aux intérêts de son ancien employeur (6).

Dès lors, l'ensemble des règles qui ont vocation à s'appliquer dès la rupture du contrat (c'est-à-dire dès la rupture des relations de travail, serait-il plus exact d'affirmer) doivent s'appliquer dès que le salarié a été effectivement libéré de ses obligations professionnelles par la dispense de préavis (7), doivent s'appliquer effectivement, qu'il s'agisse de l'obligation de non-concurrence, du droit à la contrepartie financière (8) ou, comme c'était ici le cas, du droit pour l'employeur de renoncer au bénéfice de la clause (9).

Confirmation en l'espèce de la solution en cas de dispense de préavis. C'est ce que confirme très justement la Cour de cassation, dans ce nouvel arrêt (10), en indiquant "qu'en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise" (11).

L'affaire. Le contrat de travail de cet ingénieur stipulait que l'employeur pouvait le libérer de sa clause de non-concurrence "soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée". L'intéressé avait démissionné le 12 novembre 2008, la fin de son préavis devant intervenir le 12 février 2009. L'employeur avait accepté que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et, par courrier du 6 février 2009 adressé le 9 février suivant, il l'avait libéré de sa clause.

Le salarié avait alors saisi la juridiction prud'homale d'un certain nombre de demandes, et singulièrement d'une demande de versement de la contrepartie financière à la clause car il considérait la renonciation comme tardive, et avait obtenu gain de cause devant la juridiction d'appel qui avait considéré que la renonciation n'était pas intervenue dans un délai raisonnable après la notification de la rupture du contrat de travail (12).

Procédant par substitution de motif, l'arrêt est confirmé, la Haute juridiction considérant que "l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise".

II - L'obligation d'ordre public de renoncer à la clause au moment de la dispense de préavis

L'affirmation du caractère d'ordre public. Tout en reprenant la solution classique faisant partir la clause, et ses effets, de la date de dispense du préavis, la Cour de cassation ajoute toutefois une précision inédite et indique que cette solution prévaut "nonobstant stipulations ou dispositions contraires".

Cette justification est d'ailleurs substituée, après avis donné aux parties, à celle qui avait été retenue par la juridiction d'appel qui avait, comme la juridiction prud'homale d'ailleurs, statué par rapport au caractère raisonnable du délai de renonciation, et dont on sait qu'il a été abandonné en 2010 dans l'arrêt "Société Dyneff" (13).

L'affirmation nouvelle indique clairement le caractère d'ordre public de la règle ainsi posée, et est justifiée par le droit du salarié de ne pas être "laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler". On se rappellera d'ailleurs que c'est pour cette même raison que la Haute juridiction avait considéré comme inopposable au salarié la clause laissant à l'employeur une faculté indéterminée de renonciation à la clause pendant toute la période de non-concurrence (14).

L'employeur ne peut donc pas se prévaloir d'un délai de renonciation contractuel ou conventionnel pour exercer son droit une fois le salarié libéré de son obligation de préavis, car dans cette hypothèse il doit prendre position avant que ce dernier ne recouvre effectivement sa liberté d'action.

En revanche, lorsque le salarié sera tenu d'exécuter son préavis, l'employeur pourra valablement se fonder sur l'existence d'un délai de réflexion, contractuel ou conventionnel, pour prendre sa décision, puisque par hypothèse le salarié est toujours à son service.

Une précision nouvelle. Cette solution est incontestablement nouvelle. Jusqu'à présent, l'obligation de renoncer au bénéfice de la clause au moment de la dispense de préavis ne valait qu'en l'absence de délai fixé pour renoncer à la clause (15) ; lorsqu'un accord collectif, ou le contrat de travail, prévoyait un tel délai, celui-ci s'appliquait et commençait à courir à compter de la notification de la rupture (à l'initiative de l'employeur) ou de la réception de la rupture (à l'initiative du salarié) (16).

Désormais, et même si un délai de renonciation a été fixé, il ne s'appliquera pas dès lors que l'employeur décide de dispenser le salarié de son préavis (soit dans la lettre de licenciement, soit dans la lettre de dispense de préavis adressée au salarié en réponse à sa lettre de démission, ou de prise d'acte avec offre de préavis).

Une solution équilibrée. Cette nouvelle règle, qui distingue selon que le salarié est ou non libéré de son préavis, nous semble équilibrée.

L'obligation qui est faite à l'employeur de libérer le salarié de ses obligations au moment où il le dispense de son préavis, nous semble justifiée car le salarié qui sait ne plus devoir de préavis (qu'il s'agisse d'ailleurs d'un licenciement ou d'une démission) et qui va donc chercher immédiatement un nouvel emploi doit savoir de quelle marge de liberté professionnelle il dispose, et il ne saurait demeurer, même pendant quelques jours, dans l'expectative, car pendant ce délai il ne peut en réalité pas accepter d'emploi susceptible d'entrer dans le champ d'une éventuelle interdiction de concurrence qui n'aurait pas été levée.

Une portée problématique. Reste que l'application concrète de cette règle nouvelle va faire difficulté.

En premier lieu, mais la remarque vaut plus généralement pour tous les revirements de jurisprudence, l'application de la solution nouvelle à des faits antérieurs est extrêmement problématique, et on ne pourra que regretter de nouveau l'absence de toute réflexion de la Cour sur la portée temporelle de sa décision et sur les moyens éventuellement envisagés pour en atténuer les effets dans le temps.

En second lieu, et cette remarque prolonge la précédente, les employeurs qui n'ont pas le nez collé sur le Bulletin (ou qui ne sont pas abonnés à Lexbase !) vont certainement continuer à se croire autorisés à se fonder sur le délai conventionnel ou contractuel de renonciation, y compris en cas de dispense de préavis, alors que par hypothèse leur renonciation sera tardive, et donc inefficace, dès lors qu'ils n'exercent pas ce droit en même temps qu'ils dispensent le salarié de préavis.

Les partenaires sociaux qui ne l'avaient pas encore fait auront donc tout intérêt à réviser leurs conventions pour "respecter" la nouvelle règle ; mais pour ce qui est des contrats en cours, les choses seront certainement bien plus compliquées à mettre en oeuvre, ne serait-ce que parce que les salariés seront en droit de refuser la modification de la clause.


(1) Cass. soc., 4 mars 2003, n° 00-44.922, publié (N° Lexbase : A3707A7G).
(2) Pour la prise d'acte : Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-43.321, FS-P+B, sur le 3ème moyen (N° Lexbase : A6513DI3) ; Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-42.302, F-D (N° Lexbase : A1512EUK).
(3) Cass. soc., 25 novembre 2009, n° 08-41.219, FS-P+B sur les deuxième et troisième moyens (N° Lexbase : A1667EPG) ; Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-21.975, F-D (N° Lexbase : A4213I8K).
(4) Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-41.583, FS-P+B (N° Lexbase : A3892HM4).
(5) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y), v. nos obs., Heurs et malheurs de la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0341BQP) ; Cass. soc., 22 septembre 2010, préc.. La renonciation ne peut toutefois pas intervenir avant la rupture, lors de l'entretien préalable, Cass. soc., 10 février 1998, n° 94-45.279, publié (N° Lexbase : A2343ACR), Bull. civ. V n° 80.
(6) Cass. soc., 27 septembre 1989, n° 86-45.701 (N° Lexbase : A1368AAW), Bull. civ. V, n° 545.
(7) Cette solution vaut à plus forte raison lorsque c'est le contrat de travail lui-même qui fixe le point de départ des délais à la date de notification de la rupture du contrat de travail : Cass. soc., 15 mars 2006, n° 03-43.102, F-P sur le premier moyen (N° Lexbase : A6027DNK).
(8) Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-30.308, F-D (N° Lexbase : A8122IA3).
(9) Cass. soc., 3 février 1993, n° 89-44.031, inédit (N° Lexbase : A1714AAQ) : "la clause de non-concurrence liant le salarié dès le départ effectif de l'entreprise, la renonciation de l'employeur au bénéfice de cette clause devait intervenir au moment du licenciement" ; Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 95-43.456, inédit (N° Lexbase : A7570C47).
(10) De nombreuses conventions collectives prévoient d'ailleurs explicitement cette solution en cas de dispense de préavis, en supprimant le délai d'exercice et en imposant une renonciation dans l'acte de dispense. C'est le cas de l'article 4.2.4.1, alinéa 5, de la Convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000, étendue par arrêté du 12 octobre 2000 (N° Lexbase : X0803AEH), aux termes duquel "la levée de la clause de non-concurrence doit être notifiée au salarié par écrit dans les 15 jours calendaires suivant la notification du licenciement ou de la démission, ou en l'absence d'exécution du préavis au jour de la rupture du contrat". Voir Cass. soc., 1er février 2011, n° 09-41.279, F-D (N° Lexbase : A3526GRZ).
(11) Pour une formule comparable : Cass. soc., 22 mai 2011, n° 09-68.762, FS-P+B (N° Lexbase : A5241HUN), Bull. civ. V, n° 160 : "en cas de licenciement du salarié avec dispense d'exécution de son préavis, la date de départ de l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité, sont celles du départ effectif du salarié de l'entreprise".
(12) CA Rennes, 1er juillet 2011, n° 10/02363 (N° Lexbase : A7494HWH).
(13) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R, préc., v. nos obs., Heurs et malheurs de la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition sociale, préc. ; Cass. soc., 22 septembre 2010, préc..
(14) Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 08-45.341, F-D (N° Lexbase : A2159GA9).
(15) Auparavant l'obligation de renoncer au bénéfice de la clause au moment de la dispense de préavis ne prévalait qu'en l'absence de délai laissé à l'employeur pour renoncer : Cass. soc., 27 septembre 989, préc. ; Cass. soc., 16 mai 1990, préc. ; Cass. soc., 3 février 1993, n° 89-44.031, publié (N° Lexbase : A1714AAQ).
(16) Ainsi Cass. soc., 23 février 2005, n° 02-47.029, F-D (N° Lexbase : A8630DGQ) ; Cass. soc., 6 mai 2009, n° 07-44.692, F-P+B sur le second moyen (N° Lexbase : A7499EGT), Bull. civ. V, n° 122.

Décision

Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-21.150, FS-P+B (N° Lexbase : A9661I9P)

Rejet, CA Rennes, 1er juillet 2011, n° 10/02363 (N° Lexbase : A7494HWH)

Texte concerné : C. trav., art. L. 1237-1 (N° Lexbase : L1389H9C) et C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clés : clause de non-concurrence, dispense de préavis, renonciation

Liens base : (N° Lexbase : E8734ESB)

newsid:436329

Contrat de travail

[Manifestations à venir] Droit du travail en prison : d'un déni à une reconnaissance ?

Lecture: 2 min

N6333BTQ

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Le 28 Mars 2013

L'article 717-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9399IET) précise que "les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail". Il s'ensuit, malgré quelques bribes d'encadrement du travail en prison, un véritable déni de droits pour les détenus travailleurs. Cette situation fait régulièrement l'objet de dénonciations impuissantes et de contentieux voués à l'échec. Deux questions prioritaires de constitutionnalité (Cass. soc., 20 mars, n° 12-40.104, FS-P+B N° Lexbase : A9043KA8 et n° 12-40.105, FS-P+B N° Lexbase : A9046KAB) permettent d'envisager, pour la première fois en France, la reconnaissance d'un droit du travail en prison. Le Comptrasec (Centre de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale) organise à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV, les 11 et 12 avril 2013, un colloque sur cette possible reconnaissance.
  • Programme

- Jeudi 11 avril 2013 : Etats des lieux

13h30 : Accueil

13h45 : Ouverture

Yannick Lung, Président de l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Isabelle Daugareilh, Directrice du Comptrasec, UMR CNRS-Université Montesquieu-Bordeaux IV

14h00 : Droit, Histoire, Sociologie

Modérateur : Evelyne Garçon, Professeur de droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Institut de sciences criminelles et de la justice

Philippe Auvergnon, Juriste, Directeur de recherche au CNRS, Université de Bordeaux

Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu, Professeur d'histoire du droit, Université de Strasbourg

Fabrice Guilbaud, Sociologue, Maître de conférences à l'Université d'Amiens

16h15 : Questions de conventionalité

Modérateur : Adeline Gouttenoire, Professeur de droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Centre européen d'études et de recherches en droit de la famille et des personnes

Bénédicte Lavaud-Legendre, Juriste, Chargée de recherche au CNRS

Pierre Lyon-Caen, Avocat général honoraire à la Cour de cassation, Membre de la Commission d'experts pour l'application des Conventions de l'O.I.T.

18h00 : Grand témoin

Aude Muscatelli, Secrétaire générale du Contrôleur général des lieux de privation de liberté


- Vendredi 12 avril 2013 :
Perspectives

8h45 : Question prioritaire de constitutionnalité

Modérateur : Jean du Bois de Gaudusson, Professeur émérite des Universités, Groupement de recherches comparatives en droit constitutionnel, administratif et politique

Antoine Lyon-Caen, Professeur à l'Université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense, Président d'honneur de l'Association française de droit du travail

Christophe Radé, Professeur de droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Centre de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale

Anne Levade, Professeur de droit public à l'Université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Secrétaire général de l'Association française de droit constitutionnel

11h00 : Droits d'ailleurs, d'ici et d'après

Modérateur : Philippe Auvergnon, Directeur de recherche au CNRS - Université de Bordeaux, Centre de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale UMR CNRS 5114

Aude Rouyère, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

François Petit, Maître de conférences en droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


  • Renseignements et inscription

Lieu du colloque : Université Montesquieu - Bordeaux IV, Salle de Conférence Manon Cormier, avenue Léon Duguit 33 608 Pessac cedex

Inscription : Colloque ouvert à tous dans la limite des places disponibles, inscription avant le 31 mars 2013

Contact : anne-cecile.jouvin@u-bordeaux4.fr

newsid:436333

Contrat de travail

[Brèves] QPC transmise : travail des personnes incarcérées

Réf. : Cass. soc., 20 mars, n° 12-40.104, FS-P+B (N° Lexbase : A9043KA8) et n° 12-40.105, FS-P+B (N° Lexbase : A9046KAB)

Lecture: 1 min

N6369BT3

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Le 28 Mars 2013

Doit être transmise au Conseil constitutionnel la QPC remettant en cause la conformité de l'article 717-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9399IET), aux termes duquel les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail, au regard du droit à l'emploi, du droit de grève et du principe de participation. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans deux arrêts du 20 mars 2013 (Cass. soc., 20 mars, n° 12-40.104, FS-P+B N° Lexbase : A9043KA8 et n° 12-40.105, FS-P+B N° Lexbase : A9046KAB)
Dans ces deux affaires, la question présente, pour la Cour de cassation, un caractère sérieux, les dispositions de l'article 717-3, alinéa 3, du Code de procédure pénale (sur cette question, lire N° Lexbase : N6255BTT) étant susceptibles d'avoir pour effet de porter atteinte au droit pour chacun d'obtenir un emploi, garanti par l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU), au droit de grève, garanti par l'article 7 de ce Préambule, et au droit, garanti notamment par l'alinéa 8 de ce Préambule, pour tout travailleur de participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.

newsid:436369

Cotisations sociales

[Brèves] Travail dissimulé : à défaut d'éléments probants dans la comptabilité de l'employeur, la taxation est forfaitaire

Réf. : CA Paris, Pôle 6, 1ère ch., 14 mars 2013, n° 10/08657 (N° Lexbase : A7736I9E)

Lecture: 2 min

N6405BTE

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Le 28 Mars 2013

Lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. En présence d'une taxation forfaitaire, il appartient à l'employeur d'établir l'inexactitude et le caractère excessif de l'évaluation faite par l'organisme de recouvrement. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Paris, dans un arrêt rendu le 14 mars 2013 (CA Paris, Pôle 6, 1ère ch., 14 mars 2013, n° 10/08657 N° Lexbase : A7736I9E).
Dans cette affaire, à la suite d'un contrôle inopiné, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l'inspection du recouvrement a constaté la présence, sur un chantier, de trois personnes occupées à des travaux d'électricité pour le compte d'une personne immatriculée en qualité d'employeur de personnel salarié et affiliée à l'URSSAF en qualité de travailleur indépendant. L'URSSAF de Paris a procédé au redressement des cotisations dues par l'intéressé, au titre de l'emploi de ces trois personnes, dans le cadre d'une taxation forfaitaire en l'absence d'éléments comptables probants. Le TASS a annulé la mise en demeure aux motifs que le redressement ne reposait que sur des affirmations péremptoires de l'Urssaf ayant conduit à une évaluation excessive du redressement. L'intéressé a été définitivement condamné pour travail dissimulé par le tribunal correctionnel. L'Urssaf conclut à l'infirmation du jugement entrepris et au paiement par de la somme dues au titre des cotisations, et au titre de majorations de retard, le travail dissimulé étant caractérisé, le recours à la taxation forfaitaire était justifié. L'employeur fait valoir en appel que les modalités de chiffrage du redressement appliquées en l'espèce ne sont pas conformes aux dispositions de l'article R. 245-5 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2014IB9), que les cotisations ont été déterminées de manière arbitraire, en fixant la masse salariale à 50 % du chiffre d'affaires, et qu'enfin l'Urssaf ne justifie pas du ratio appliqué. La cour d'appel constate qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté que la comptabilité du contrevenant était incomplète et peu probante et que les explications de l'intéressé ne permettaient pas d'apprécier le montant réel des rémunérations versées. Ainsi, l'inspecteur, appliquant au chiffre d'affaires, déterminé par les éléments fournis par l'intéressé un ratio de 50 %, correspondant au pourcentage du chiffre d'affaires généralement utilisé dans le secteur du bâtiment, a relevé une minoration de la masse salariale à ces montants, retenus par le tribunal correctionnel ayant donné lieu aux redressements litigieux dont les montants sont justifiés. En l'espèce, le contrevenant ne rapporte aucun élément en ce sens et notamment ne démontre pas qu'il travaillait seul sur les chantiers, comme il l'affirmait .

newsid:436405

Discrimination et harcèlement

[Questions à...] Principe de laïcité et relations de travail - Questions à Caroline Autret et Christophe Noize, avocats à la cour, Acanthe Avocats

Lecture: 5 min

N6433BTG

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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 28 Mars 2013

Rares sont les arrêts de la Chambre sociale qui sortent autant du microcosme juridique des "travaillistes" et font réagir tant d'élus de la République. Les deux arrêts, rendus par les magistrats du Quai de l'Horloge, le 19 mars 2013 (1), en sont une illustration, touchant à un principe fondateur de la République française : "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale". En effet, ces arrêts ont précisé les contours du principe de laïcité appliqué au monde du travail, dans deux affaires de licenciement d'une salariée aux motifs qu'elle portait un voile islamique laissant voir le visage mais couvrant les cheveux et contrevenant ainsi à une disposition du règlement intérieur de l'employeur. Dans l'affaire la plus emblématique, "Baby Loup" (2), la Chambre sociale n'a pas suivi la décision de la cour d'appel, en annulant le licenciement de la salariée travaillant dans une crèche prônant des valeurs laïques. A la suite de cette dernière décision, la porte-parole du Gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a indiqué que le Gouvernement n'excluait pas de légiférer à ce sujet. Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, en pleine séance de questions au Gouvernement, est "sorti de ses fonctions" et a annoncé regretter cette décision de la plus Haute juridiction française. Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, souhaite, également, une clarification des dispositions législatives. Le 26 mars 2013, le député Eric Ciotti a déposé une proposition de loi permettant aux entreprises d'inscrire dans leur règlement intérieur le principe de neutralité. Mais il est important de ne pas uniquement se concentrer exclusivement sur l'arrêt "Baby-Loup" en occultant la seconde décision de la Cour de cassation qui étend, pour la première fois, les principes de laïcité et de neutralité à l'ensemble des services publics, y compris ceux qui sont assurés par des organismes de droit privé. Lexbase Hebdo - édition sociale a recueilli l'analyse de Maître Caroline Autret et Maître Christophe Noize, avocats à la cour, Acanthe Avocats sur ces deux importantes décisions. Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les faits de ces deux affaires ?

Caroline Autret et Christophe Noize : Par deux arrêts rendus le 19 mars 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation s'est prononcée sur l'application du principe de laïcité au travail que ce soit au sein d'une entreprise de droit privé (affaire "Baby Loup", pourvoi n° 11-288.45) ou d'un organisme privé exerçant une mission de service public (affaire "CPAM de Seine-Saint-Denis", pourvoi n° 12-11.690).

Plus précisément, dans l'affaire "Baby Loup", il était demandé à la Haute juridiction de statuer sur le licenciement pour faute grave d'une femme engagée en qualité d'éducatrice de jeunes enfants et exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et de la halte-garderie gérée par l'association Baby Loup. Cette salariée a été licenciée aux motifs qu'elle contrevenait aux dispositions du règlement intérieur de l'association en portant un voile islamique.

Le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel ont débouté la salariée de ses demandes considérant que son licenciement était justifié. La Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel en jugeant que les termes généraux et imprécis du règlement intérieur ne répondaient pas aux exigences de l'article L. 1321-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8833ITC), qui impose que les restrictions apportées aux libertés individuelles et collectives doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Dans l'affaire de la "CPAM", la Cour de cassation devait se prononcer sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse d'une salariée exerçant les fonctions de technicienne prestations maladie au sein de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis. Le licenciement de cette salariée reposait sur le fait qu'elle portait un foulard islamique en forme de bonnet contrevenant ainsi au règlement intérieur qui interdisait "le port de vêtements ou d'accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit" et notamment "le port d'un voile islamique, même sous forme de bonnet".

La Chambre sociale confirme la position des juges du fond en validant le licenciement de la salariée au visa du principe de laïcité et de neutralité du service public et en précisant que ce principe s'appliquait même si la mission de service public était confiée à un organisme de droit privé et que la salariée n'avait pas de contact direct avec le public.

Lexbase : Par ces deux décisions, il semble que le principe de laïcité ne s'applique pas de la même manière entre organisme privé participant à une mission de service public et salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ? Pourquoi le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution ([LXB=L1277A98]) s'arrête à la porte des crèches privées ?

Caroline Autret et Christophe Noize : Nous vous confirmons qu'il existe deux régimes différents. Le principe de laïcité ne s'applique qu'au service public en raison du devoir de neutralité imposé aux agents de droit public exerçant une mission de service public (CE, 3 mai 1950, Demoiselle Jamet).

Ainsi, pour les salariés, même soumis aux dispositions du Code du travail, comme les agents des caisses primaires d'assurance maladie, qui participent à une mission de service publique, il existe une interdiction de manifester leur croyance religieuse par des signes extérieurs, en particulier vestimentaire.

Antérieurement à la décision de la Cour de cassation, ce principe de neutralité de l'Etat et des services publics a été rappelé par une décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2013 (3) et par la jurisprudence du Conseil d'Etat (4).

Il en va autrement au sein des entreprises privées puisque le principe de laïcité ne désigne que l'attitude de l'Etat face au fait religieux et n'est pas applicable à la société civile.

Dans l'arrêt "Baby Loup", la Cour de cassation estime que la liberté religieuse est une liberté fondamentale. Dès lors, les restrictions à cette liberté ne peuvent être mises en place qu'à la condition d'être justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché.

La Cour de cassation se fonde notamment sur les dispositions de l'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P), "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" et sur les dispositions de l'article L. 1321-3 du Code du travail qui prévoient que "le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".

Enfin, la Cour applique également la Directive européenne 2000/78 du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), qui admet des restrictions aux libertés fondamentales lorsqu'elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et lorsqu'elles sont "justifiées par la nature de la tâche à accomplir".

Lexbase : Comment une entreprise peut articuler principe de laïcité et interdiction des discriminations fondées sur les convictions religieuses dans son règlement intérieur ?

Caroline Autret et Christophe Noize : Dans l'affaire "Baby Loup", la clause de laïcité et de neutralité contenue dans le règlement intérieur était trop large et imprécise. Le règlement intérieur doit donc être précis et explicite.

L'employeur, s'il veut limiter les libertés individuelles, doit justifier cette restriction par la nature de la tâche à accomplir, la nécessité de répondre à l'exigence professionnelle essentielle et déterminante et enfin par la proportionnée au but recherché.

En l'espèce, la question de savoir si le port d'un foulard est compatible avec une activité de garde de jeunes enfants n'a pas été tranchée par la Cour de Cassation qui a annulé le licenciement en raison de l'imprécision du règlement intérieur. Le juge qui aura à connaître de cette question pourra s'inspirer de la décision "Dahlab c/ Suisse" (5) qui a estimé que l'interdiction faite à une institutrice, s'étant convertie à l'Islam, de porter le foulard pendant qu'elle enseignait n'était pas déraisonnable compte tenu du fait que les enfants dont elle avait la charge étaient âgés de 4 à 8 ans, âge auquel ils sont plus facilement influençables que des élèves plus âgés.

Lexbase : Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, souhaite une clarification de ces dispositions. Qu'en pensez-vous ?

Caroline Autret et Christophe Noize : Il ne nous appartient pas de trancher cette question qui correspond à un débat de société sur lequel seuls les élus peuvent se prononcer.

En tout état de cause, si le législateur souhaite légiférer, il devra prendre garde à la constitutionnalité de la loi et aux respects des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L6799BHB) et de la Directive du 27 novembre 2000 (6).


(1) Cass. soc., deux arrêts, 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8) et n° 12-11.690, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5935KA3).
(2) CA Versailles, 11ème ch., 27 octobre 2011, n° 10/05642 (N° Lexbase : A9204HZW) ; lire (N° Lexbase : N9072BSS) et v. Licenciement pour port d'un voile : "une pierre à l'édifice de la laïcité" - Questions à Maître Richard Malka, avocat à la cour, Lexbase Hebdo n° 421 du 16 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8427BQ8).
(3) Cons. const., décision n° 2012-297 QPC, du 21 février 2013 (N° Lexbase : A2772I88).
(4) CE 4° et 6° s-s-r., 3 mai 2000, n° 217017 (N° Lexbase : A9574AGP) ; sur cette question, v. l'analyse de Ch. De Bernardinis, La Charte de la laïcité dans les services publics, Lexbase Hebdo n° 266 du 28 juin 2007 - édition publique (N° Lexbase : N5866BBU).
(5) CEDH, 15 février 2001, n° 42393/98 (N° Lexbase : A2729ENE). Le juge pourrait également faire référence à la notion d'entreprise de tendance. CEDH, 23 septembre 2010, 2 arrêts, req. 1620/03 (N° Lexbase : A9856E9W) et req. 425/03 (N° Lexbase : A9858E9Y), v. les obs. de Ch. Willmann, Entreprises de tendance : on ne badine pas avec l'amour, Lexbase Hebdo n° 414 du 28 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4392BQQ).
(6) V. sur ce point, les arrêts récents de la CEDH (CEDH, 15 janvier 2013, aff. jointes, Req. n° 48420/10, 59842/10, 51671/10 et 36516/10 (en anglais)), v. les obs. de Ch. Willmann, Convictions religieuses du salarié vs Pouvoir de direction de l'employeur : un arbitrage de la CEDH nuancé, Lexbase Hebdo n° 515 du 7 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5652BTI).

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Emploi

[Brèves] Chômage : le retard dans l'envoi de la DUE n'emporte pas de conséquences pour le bénéfice des allocations chômage

Réf. : CA Montpellier, 13 mars 2013, n° 12/00199 (N° Lexbase : A6223I9D)

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N6406BTG

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Le 02 Avril 2013

L'envoi tardif par l'employeur de la déclaration unique d'embauche (DUE) ne suffit pas à priver l'assuré social du bénéfice des allocations chômage lorsqu'il apporte des éléments prouvant la réalité du nombre cumulé d'heures et de jours effectivement travaillés, telle qu'elle résultant de ses fiches de paye. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt rendu le 13 mars 2013 (CA Montpellier, 13 mars 2013, n° 12/00199 N° Lexbase : A6223I9D).
Dans cette affaire, un assuré social demande le paiement des sommes dues au titre des allocations chômage. Pôle emploi a refusé de prendre en compte ses demandes d'allocation chômage aux motifs qu'il ne justifiait pas de la réalité de contrats de travail. L'intéressé expose qu'il avait travaillé comme salarié saisonnier à deux reprises auprès de sa concubine, gérante d'une SARL. Il demande en première instance de constater la réalité de ces deux contrats de travail. Pôle emploi a, alors, relevé appel de ce jugement. La cour rappelle que pour bénéficier des allocations de chômage versées par Pôle emploi, le salarié doit justifier d'une période d'emploi de 182 jours d'affiliation ou 910 heures de travail au cours des 22 mois précédent la fin du contrat de travail. Pôle emploi expose que la seule date à retenir comme début de relation salariale est bien celle figurant sur la déclaration unique d'embauche effectivement reçue par l'URSSAF de sorte que le demandeur d'emploi ne justifiait pas d'une durée suffisante d'affiliation et de travail, ce qui expliquait que le bénéfice des allocations chômage était refusé pour cette période. Cependant, la cour d'appel estime que Pôle emploi n'établit pas que les documents produits par l'intéressé, établissant la réalité de l'embauche saisonnière, soient des faux. La cour affirme que "quand bien même la DUE à l'URSAFF aurait été adressée avec retard par l'employeur, le salarié n'a pas à en supporter les conséquences. Ce qui importe pour être bénéficiaire des allocations, c'est la réalité du nombre cumulé d'heures et de jours effectivement travaillés, telle qu'elle résulte de ses fiches de paye". Le fait que l'employeur soit la compagne du salarié n'est nullement prohibé et n'est pas de nature à jeter la suspicion sur la réalité du nombre de jours travaillés par le salarié, tel qu'établi par les fiches de paye .

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Retraite

[Jurisprudence] Relèvement des bornes d'âge : le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 ne crée pas de discrimination fondée sur l'âge

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 13 mars 2013, n° 352393, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9904I9P)

Lecture: 18 min

N6378BTE

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 30 Mars 2013

La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L3048IN9), est à l'ordre du jour. Elle est doublement d'actualité : une actualité financière, puisque les mesures prises par le législateur, en 2010, ne seraient (déjà) plus suffisantes, selon les projections du Conseil d'orientation des retraites (1) ; une actualité réglementaire et contentieuse, puisque le Conseil d'Etat a refusé de prononcer l'annulation d'une de ses mesures réglementaires (décret n° 2011-289 du 18 mars 2011, modifiant le statut national du personnel des industries électriques et gazières N° Lexbase : L7847IPC) (2). Transposant au régime des industries électriques et gazières le nouveau régime des retraites défini par la loi du 9 novembre 2010, le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 a relevé, de soixante-cinq à soixante-sept ans, l'âge auquel l'agent qui n'a pas pris l'initiative d'un départ en retraite peut être mis en inactivité à l'initiative de son employeur. De même, le décret n° 2011-290 du 18 mars 2011, relatif au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières (N° Lexbase : L7848IPD) a étendu à ce régime les mesures, portant notamment sur le relèvement des âges d'ouverture du droit à pension, adoptées dans le cadre général de la réforme opérée par la loi du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites. En l'espèce, une agent d'une société de transports en commun a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décrets. Elle s'est appuyée sur le principe de prohibition de toute discrimination fondée sur l'âge, telle que mise en place en droit européen (Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4). Le Conseil d'Etat a rejeté la requête : en relevant la borne d'âge supérieure de soixante-cinq à soixante-sept ans, le décret n° 2011-289 poursuit un objectif que le Conseil d'Etat qualifie de "légitime" ; justifiant dès lors objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge. Enfin, en relevant progressivement de soixante-cinq à soixante-sept ans l'âge auquel un agent est mis en inactivité à l'initiative de son employeur, le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 confère à l'agent le droit inconditionnel de poursuivre son activité au sein de l'entreprise qui l'emploie jusqu'à son soixante-septième anniversaire. Le décret n° 2011-289 revêt un caractère approprié et nécessaire. La solution retenue par le Conseil d'Etat, en droit européen, s'inspire directement de la jurisprudence de la CJUE.
Résumé

En déterminant un âge auquel le personnel des industries électriques et gazières peut être mis en inactivité à l'initiative de son employeur, et en relevant progressivement cet âge de soixante-cinq à soixante-sept ans, le pouvoir réglementaire a mis en oeuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre.

Cet objectif répond, notamment, aux exigences de la politique de l'emploi et du marché du travail et à la nécessité, dans le cadre de la garantie d'emploi offerte par le statut du personnel des industries électriques et gazières, de permettre une meilleure distribution des emplois concernés entre les générations.

Cet objectif est légitime et justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge, telle que celle prévue par le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011.

En relevant progressivement de soixante-cinq à soixante-sept ans l'âge auquel un agent est mis en inactivité à l'initiative de son employeur, le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 confère à l'agent le droit inconditionnel de poursuivre son activité au sein de l'entreprise qui l'emploie jusqu'à son soixante-septième anniversaire. Cette disposition permet à l'agent d'augmenter les revenus sur la base desquels sa pension de retraite sera calculée et ainsi augmenter le montant de cette dernière. Le décret n'a pas pour effet de le contraindre à se retirer définitivement du marché du travail. Le décret n° 2011-289 revêt un caractère approprié et nécessaire.


I - En droit européen, la mise à la retraite d'office n'est pas qualifiée de discrimination fondée sur l'âge

Le droit européen de la discrimination fondée sur l'âge comprend de nombreuses références contentieuses. Le Conseil d'Etat n'en vise que deux : les arrêts C-411/05 du 16 octobre 2007 (N° Lexbase : A7508DYQ) et C-447/09 du 13 septembre 2011 (N° Lexbase : A7249HXR). Il pouvait également viser d'autres décisions rendues en 2012 (CJUE, 7 juin 2012, aff. C-132/11 N° Lexbase : A3380INI (3) ou CJUE, 19 avril 2012, aff. C-415/10 N° Lexbase : A0985IKP (4)) ; en 2010 (CJUE, 18 novembre 2010, deux arrêts, aff. C-356/09 N° Lexbase : A5491GI9 et aff. C-250/09 N° Lexbase : A5488GI4 (5) ; CJUE, 12 octobre 2010, 2 arrêts, aff. C-45/09 N° Lexbase : A4807GBN) (6) ; ou enfin en 2008 (CJCE, 23 septembre 2008, aff. C-427/06 N° Lexbase : A4274EAK) (7).

Par son arrêt C-411/05 du 16 octobre 2007, la CJUE s'est prononcée sur le régime espagnol de la mise à la retraite d'office des travailleurs ayant atteint un certain âge aux fins de résorber le chômage. La CJUE a reconnu la compatibilité du droit espagnol avec la Directive 2000/78 prohibant toute discrimination, notamment en raison de l'âge.

De même, par son arrêt C-447/09 du 13 septembre 2011, la CJUE a décidé qu'une mesure, fixant à soixante ans l'âge limite à compter duquel les pilotes ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle alors que les réglementations nationale et internationale fixent cet âge à soixante-cinq ans, n'est pas une mesure nécessaire à la sécurité publique et à la protection de la santé. La sécurité aérienne ne constitue pas un objectif légitime, au sens de l'article 6 § 1 alinéa 1er de la Directive 2000/78.

A - Possibilité d'une différence de traitement selon l'âge hors qualification de discrimination

En droit européen (Directive 2000/78, art. 6, al. 2), des différences de traitement fondées sur l'âge peuvent être introduites dans les législations sociales. Elles pourraient comprendre : la mise en place de conditions spéciales d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle, d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d'assurer leur protection ; la fixation de conditions minimales d'âge, d'expérience professionnelle ou d'ancienneté dans l'emploi, pour l'accès à l'emploi ou à certains avantages liés à l'emploi ; la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.

Les Etats membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l'âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d'âges d'adhésion ou d'admissibilité aux prestations de retraite ou d'invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d'âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l'utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d'âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.

B - Conditions de validité d'une différence de traitement selon l'âge

Les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination, mais sous la stricte condition énoncée par l'article 6 de la Directive 2000/78, à savoir qu'elles soient objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, "notamment" par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. La CJCE a précisé, en 2009 (CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07) (8), que l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 n'impose pas aux Etats membres d'établir, dans leurs mesures de transposition, une liste spécifique des différences de traitement pouvant être justifiées par un objectif légitime. Les objectifs légitimes et les différences de traitement qui y sont visés n'ont qu'une valeur indicative, ainsi qu'en atteste le recours, par le législateur communautaire, à l'adverbe "notamment".

1 - Un objectif légitime

L'appréciation de la notion d'objectif légitime varie considérablement d'une affaire à l'autre.

  • Partage du travail

Ainsi, dans l'arrêt C-411/05 du 16 octobre 2007 (préc.), la CJCE a relevé que la disposition transitoire unique, autorisant l'insertion dans les conventions collectives de clauses de mise à la retraite d'office des travailleurs, a été adoptée à l'instigation des partenaires sociaux dans le cadre d'une politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations. La mise à la retraite d'office des travailleurs ayant atteint un certain âge a été introduite dans la réglementation espagnole au cours de l'année 1980, dans un contexte économique caractérisé par un niveau de chômage élevé, aux fins d'offrir, dans le cadre de la politique nationale de l'emploi, des opportunités sur le marché du travail aux personnes à la recherche d'un emploi.

Pour la CJCE, dans l'arrêt du 16 octobre 2007, la légitimité d'un tel objectif d'intérêt général ne saurait être raisonnablement mise en doute, la politique de l'emploi ainsi que la situation sur le marché du travail figurant au nombre des objectifs expressément énoncés à l'article 6 § 1 alinéa 1er de la Directive 2000/78 et, conformément aux articles 2 TUE (N° Lexbase : L8419IN7) et 2 TCE (N° Lexbase : L2506IPI), la promotion d'un niveau d'emploi élevé constituant l'une des finalités poursuivies tant par l'Union européenne que par la Communauté.

En 2010, la CJUE (CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09) (9) a également admis que la volonté de libérer des emplois au bénéfice de jeunes travailleurs peut constituer un motif légitime justifiant un régime de mise à la retraite, dès lors que les salariés concernés bénéficiaient d'un régime de retraite et des mêmes droits que les salariés licenciés. En d'autres termes, la CJUE a admis que la mise à la retraite des salariés constitue un élément pertinent de la politique d'emploi qu'un Parlement peut mettre en place, à partir d'une logique de partage de l'emploi.

A nouveau en 2010, la CJUE (CJUE, 18 novembre 2010, aff. C-250/09 et C-268/09) (10) a relevé que la Directive 2000/78 (art. 6 § 1) ne s'oppose pas à une législation nationale qui prévoit la mise à la retraite d'office des professeurs d'université, lorsqu'ils atteignent l'âge de soixante-huit ans et la poursuite de leur activité par ces derniers au-delà de soixante-cinq ans, uniquement au moyen de contrats à durée déterminée de un an renouvelables au maximum deux fois, pour autant que cette législation poursuit un objectif légitime lié notamment à la politique de l'emploi et du marché du travail, tel que la mise en place d'un enseignement de qualité et la répartition optimale des postes de professeurs entre les générations, et qu'elle permet d'atteindre cet objectif par des moyens appropriés et nécessaires. Il appartient au juge national de vérifier si ces conditions sont remplies.

  • Promotion de l'embauche

La CJCE a jugé en 2007 (CJCE, 11 janvier 2007, aff. C-208/05 N° Lexbase : A4560DT3) (11) que la promotion de l'embauche constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l'emploi des Etats membres, et cette appréciation doit s'appliquer à des instruments de la politique du marché du travail national visant à améliorer les chances d'insertion dans la vie active de certaines catégories de travailleurs.

  • Sécurité aérienne

A contrario, bien que la liste n'en soit pas exhaustive, les objectifs légitimes énumérés à l'article 6 de la Directive 2000-78 sont, pour la CJUE, liés à la politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle (arrêt C-447/09 du 13 septembre 2011, préc.) (12). Un objectif tel que la sécurité aérienne ne relève pas des objectifs visés à l'article 6 § 1 alinéa 1er de la Directive 2000/78.

2 - Des moyens appropriés et nécessaires

La CJUE a admis, dans son arrêt C-144/04 du 22 novembre 2005 (N° Lexbase : A6265DLM), que les Etats membres ainsi que les partenaires sociaux au niveau national disposent d'une large marge d'appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d'un objectif déterminé parmi d'autres en matière de politique sociale et de l'emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (13).

Pour la CJCE, dans son arrêt C-411/05 du 16 octobre 2007, un dispositif de mise à la retraite déclenché dès qu'un salarié atteint un certain âge, peut être qualifié d'"appropriée" et "nécessaire" pour atteindre l'objectif légitime invoqué dans le cadre de la politique nationale de l'emploi et consistant à promouvoir le plein emploi en favorisant l'accès au marché du travail. Une telle mesure ne porte pas une atteinte excessive aux prétentions légitimes des travailleurs mis à la retraite d'office du fait qu'ils ont atteint la limite d'âge prévue, dès lors que la réglementation ne se fonde pas, seulement, sur un âge déterminé, mais prend également en considération la circonstance que les intéressés bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d'une compensation financière au moyen de l'octroi d'une pension de retraite, telle que celle prévue par le régime espagnol, dont le niveau ne saurait être considéré comme déraisonnable.

La CJUE a rendu d'autres décisions, qui permettent de mieux saisir la notion de "moyens mis en oeuvre pour réaliser un objectif de politique de l'emploi". La question de la fixation d'une limite d'âge de soixante-huit ans a été tranchée par la CJCE, en 2010 (point 70 de l'arrêt CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-341/08 N° Lexbase : A2386EQG) : selon l'évolution de la situation de l'emploi dans le secteur concerné (dentaire), l'application d'une limite d'âge (laquelle conduit à la sortie du marché des praticiens les plus âgés) peut permettre de favoriser l'emploi des professionnels plus jeunes. La CJUE (18 novembre 2010, aff. C-250/09 et C-268/09, préc.) conclut qu'un Etat membre peut estimer approprié de fixer une limite d'âge pour atteindre des objectifs de politique de l'emploi. La fixation d'une telle limite d'âge pour la cessation du contrat de travail n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre des objectifs de politique de l'emploi, pour autant que la législation nationale réponde à ces objectifs de manière cohérente et systématique.

II - Droit interne : mise à la retraite et rejet de la qualification de discrimination fondée sur l'age

A - Mise à la retraite et différence de traitement fondée sur l'âge

1 - Mise à la retraite

La mise à la retraite correspond à la rupture à l'initiative de l'employeur du contrat de travail du salarié qui a atteint un certain âge (soixante-cinq ans, progressivement porté à soixante-sept ans) lui ouvrant droit à pension de vieillesse et lui permettant de bénéficier d'une pension à taux plein à la date de la rupture. La mise à la retraite écarte donc l'application du principe de discrimination fondée sur l'âge.

Mais si les conditions d'une mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement. La Cour de cassation sanctionne de nullité un tel licenciement, parce que motivé par la seule considération de l'âge il est discriminatoire (14).

2 - Mise à la retraite avant soixante-cinq ans sur la base d'un accord de branche

La question de la nature juridique (discriminatoire ou pas) d'une différence de traitement fondée sur l'âge s'est posée, pour la Cour de cassation, à propos du régime de la mise à la retraite avant soixante-cinq ans sur la base d'un accord de branche. La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC, fondée sur une atteinte au principe de non discrimination (Cass. soc., 14 septembre 2012, n° 12-40.052, FS-P+B N° Lexbase : A9282ISL) (15).

La loi "Fillon" (loi n° 2003-775, 21 août 2003, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM) avait ouvert la possibilité, pour les employeurs, de mettre un salarié à la retraite avant soixante-cinq ans, à condition qu'il puisse bénéficier d'une retraite à taux plein, lorsqu'un accord collectif étendu autorisant l'employeur à mettre un salarié en retraite avant soixante-cinq ans était conclu et s'il prévoyait des contreparties en matière d'emploi ou de formation. L'accord de branche étendu pouvait alors prévoir la mise à la retraite avant soixante-cinq ans (C. trav., anc. art. L. 122-14-13 N° Lexbase : L4477H9P). Ce dispositif a été supprimé : depuis le 23 décembre 2006 (date d'entrée en vigueur de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 N° Lexbase : L8098HT4), toute possibilité de signer ou d'étendre des conventions ou accords collectifs prévoyant la mise à la retraite d'office d'un salarié à un âge inférieur à soixante-cinq ans est supprimée (lettre circulaire Acoss n° 2007-052, 13 mars 2007 N° Lexbase : L0009HWA). Le législateur (loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2007 n° 2006-1640, du 21 décembre 2006 puis LFSS 2009 n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 N° Lexbase : L2678IC8) a mis un terme au régime transitoire et définitivement abandonné cette réforme.

La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la QPC, dans la mesure où la différence de traitement, instituée par le législateur, qui ouvre à la négociation collective de branche, à titre temporaire et sous certaines conditions, la faculté d'aménager le régime de la mise à la retraite, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

B - Conditions de validité des mesures de mise à la retraite, au regard des différences de traitement fondées sur l'âge

1 - Cour de cassation

La jurisprudence mise en place par la Cour de cassation montre que le critère de l'âge peut être qualifié de discrimination, dans une grande variété de situations : au regard des mesures comprises dans un PSE ; au titre de la mise à la retraite, essentiellement, ou enfin, au titre de dispositifs liés au droit du licenciement (16).

  • Mesures comprises dans un PSE

En 2010, la Cour de cassation (17) a rappelé que le législateur autorise les différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée (C. trav., art. L. 1133-1 N° Lexbase : L0682H97). Plus précisément, les différences de traitement en considération de l'âge des salariés sont licites dès lors qu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et que les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. En l'espèce, le choix de l'âge de cinquante-sept ans, comme critère de plafonnement des indemnités accordées aux salariés ne pouvant être reclassés mais bénéficiant d'une retraite à taux plein à l'âge de soixante ans, reposait sur la prise en compte du régime d'indemnisation du chômage plus favorable alors applicable aux salariés licenciés remplissant ces conditions, qui limitait la perte de revenus consécutive au licenciement. La limitation du montant des indemnités prévue dans le plan à l'intention de ces salariés était destinée à favoriser le maintien dans l'emploi de cette catégorie de salariés, en les incitant à envisager une réinsertion professionnelle. Aussi, il est apparu que cette mesure était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime de maintien de l'emploi et d'équilibre entre les catégories de salariés qui ne bénéficiaient pas des mêmes avantages après la perte de leur emploi, et que les moyens employés pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires.

  • Mise à la retraite, licenciement

Les juges doivent vérifier, en détail, le motif de mise à la retraite, au regard des exigences posées notamment par la Directive 20008/78, article 6 alinéa 2 (préc.). La Cour de cassation (Cass. soc., 16 février 2011, n° 10-10.465, FS-P+B+R N° Lexbase : A1625GXH) (18) a, ainsi, eu l'occasion de retenir la qualification de discriminatoire selon l'âge, s'agissant d'une décision de mise à la retraite d'office, dès lors qu'un employeur s'était contenté d'invoquer la nécessité dans laquelle il se trouvait, au titre de sa mission de service public, d'adapter ses effectifs à l'évolution du contexte dans lequel il se situe et de bénéficier d'une souplesse durable dans la gestion de ces effectifs en fonction de l'évolution de son organisation et de son activité. La cour d'appel a retenu que la généralité des motifs invoqués ne permettait pas de considérer la mise à retraite de la salariée comme étant justifiée par un objectif légitime.

En mai 2010, la Cour de cassation s'est prononcée sur la demande tendant à l'annulation de son licenciement et au paiement de dommages-intérêts d'un salarié, pilote de ligne (19). La cour d'appel a relevé que la limite d'âge a été retenue en raison de sujétions particulières du métier de pilote d'avion, au regard de la responsabilité assumée par un commandant de bord assurant le transport aérien de passagers. Pour la Cour de cassation, si ces objectifs étaient légitimes, il appartenait aux juges du fond de rechercher si la cessation des fonctions de pilote à l'âge de soixante ans était nécessaire à leur réalisation.

2 - Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel s'était déjà prononcé, en 2011 (Cons. const., 4 février 2011, n° 2010-98 QPC N° Lexbase : A1691GR3), s'agissant du dispositif de la mise à la retraite d'office (20). L'article L. 1237-5 du Code du travail (N° Lexbase : L3091INS) n'est contraire à aucun droit ou liberté. Le principe d'égalité (article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen N° Lexbase : L7558AIR) ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. La règle, ouvrant à l'employeur la possibilité de mettre d'office à la retraite un salarié ayant atteint l'âge de soixante-cinq ans, est fondée sur des critères objectifs et pertinents pour mettre ainsi en oeuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre.

3 - Conseil d'Etat

En l'espèce, dans l'arrêt étudié, un agent a demandé l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2011-289 du 18 mars 2011, modifiant le statut national du personnel des industries électriques et gazières ainsi que du décret n° 2011-290 du 18 mars 2011, relatif au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières.

Il faut rappeler que le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 a relevé de soixante-cinq à soixante-sept ans l'âge auquel l'agent qui n'a pas pris l'initiative d'un départ en retraite peut être mis en inactivité à l'initiative de son employeur. Le décret n° 2011-289 applique les mêmes mesures que celles retenues pour les régimes spéciaux de retraite des fonctionnaires. Les premiers reports effectifs de l'âge de mise en inactivité interviendront pour les agents nés à compter de 1957.

Le décret n° 2011-290 du 18 mars 2011 a étendu la réforme des retraites au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières. Il applique ainsi les mêmes mesures que celles retenues pour les régimes spéciaux de retraite des fonctionnaires, notamment le recul progressif de deux ans des âges d'ouverture du droit à pension et des durées de services afférentes, le maintien provisoire du dispositif de départ anticipé des parents de trois enfants et la refonte du minimum garanti.

Le Conseil d'Etat s'est appuyé sur l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 (les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires). Le juge administratif a donné son interprétation de la Directive 2000/78 : les objectifs légitimes (tels que mentionnés par la Directive 2000/78) se distinguent, par leur caractère général, des motifs purement individuels qui sont propres à la situation de l'employeur, tels que la réduction des coûts ou l'amélioration de la compétitivité. Parmi ces objectifs légitimes figure la politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations.

Enfin, le Conseil d'Etat a retenu le principe selon lequel le caractère approprié et nécessaire d'une différence de traitement fondée sur l'âge s'apprécie en tenant compte notamment de la circonstance que les personnes concernées bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d'une compensation financière au moyen de l'octroi d'une pension de retraite dont le montant, compte tenu de la perception éventuelle d'allocations subsidiaires, ne saurait être considéré comme déraisonnable.

Appliqué au contentieux dont il est saisi, le Conseil d'Etat (arrêt rapporté) admet que la fixation d'un âge, auquel un agent est mis en inactivité à l'initiative de son employeur, constitue une différence de traitement en fonction de l'âge. Mais la qualification de "discrimination" doit, pour autant, être écartée. En effet, le décret n° 2011-289 a déterminé un âge auquel le personnel des industries électriques et gazières peut, comme l'ensemble des agents relevant d'un statut réglementaire et bénéficiant de régimes spéciaux de retraite, être mis en inactivité à l'initiative de son employeur, et relevé progressivement cet âge de soixante-cinq à soixante-sept ans. Aussi, le pouvoir réglementaire a mis en oeuvre, conformément aux dispositions du Préambule de 1946 ([LXB=1750951]) et dans le respect de l'habilitation donnée par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, sur la nationalisation de l'électricité et du gaz (N° Lexbase : L9920HIA), le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre. Pour le Conseil d'Etat, cet objectif répond aux exigences de la politique de l'emploi et du marché du travail et à la nécessité, dans le cadre de la garantie d'emploi offerte par le statut du personnel des industries électriques et gazières, de permettre une meilleure distribution des emplois concernés entre les générations. Cet objectif est légitime, il justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge (au sens de l'article 6 de la Directive 2000/78).

Enfin, le décret n° 2011-289 a relevé progressivement de soixante-cinq à soixante-sept ans l'âge auquel un agent est mis en inactivité à l'initiative de son employeur, selon un calendrier identique au relèvement de soixante à soixante-deux ans de l'âge d'ouverture du droit à pension opéré par le décret n° 2011-290, relatif au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières.

Ce décret n° 2011-290 confère ainsi à l'agent le droit inconditionnel de poursuivre son activité au sein de l'entreprise jusqu'à son soixante-septième anniversaire, notamment pour augmenter les revenus sur la base desquels sa pension de retraite sera calculée et ainsi augmenter le montant de cette dernière. Aussi, pour le Conseil d'Etat, le décret n° 2011-290 n'a pas pour effet de contraindre le salarié à se retirer définitivement du marché du travail (au contraire). Le statut national prévoit, en outre, le recul de cet âge de mise en inactivité, sous réserve de l'aptitude physique de l'agent à exercer un emploi, notamment lorsque l'agent a encore un enfant à charge ou lorsqu'il n'a pas validé le nombre de trimestres devant être validé au titre du régime des industries électriques et gazières pour obtenir le taux maximum. Bref, pour le Conseil d'Etat, le décret n° 2011-290 instaure des dispositifs qui revêtent un caractère approprié et nécessaire, conformément aux exigences posées par la Directive 2000/78.


(1) Conseil d'orientation des retraites, Retraites : un état des lieux du système français, Rapport, 22 janvier 2013, spéc. p. 55.
(2) CE 1° et 6° s-s-r., 13 mars 2013, n° 352393, publié au recueil Lebon ; LSQ, n° 16310, 21 mars 2013. Sur la prohibition des discriminations liées à l'âge du salarié, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E2589ET3).
(3) V. nos obs., Une différence de traitement en fonction de la date de recrutement n'est pas qualifiable de discrimination fondée sur l'âge, Lexbase Hebdo n° 489 du 14 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2420BTS).
(4) V. nos obs., Discriminations (sexe, âge ou origine ethnique) : tout est question de preuve, Lexbase Hebdo n° 484 du 10 mai 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1769BTP).
(5) V. nos obs., La volonté du salarié de continuer de travailler après l'âge de la retraite face à la mise à la retraite d'office, Lexbase Hebdo n° 420 du 9 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8308BQR).
(6) V. nos obs., Comment la CJUE caractérise une discrimination fondée sur l'âge et apprécie la justification d'une différence de traitement Lexbase Hebdo n° 413 du 21 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4314BQT).
(7) V. nos obs., En droit communautaire, toute discrimination fondée sur l'âge n'est pas nécessairement sanctionnée, Lexbase Hebdo n° 323 du 23 octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N4881BHA).
(8) V. nos obs., La mise à la retraite d'office n'est pas nécessairement discriminatoire au nom des politiques de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 284 du 31 décembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3667BD8).
(9) CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09 (N° Lexbase : A4807GBN). V. nos obs., Comment la CJUE caractérise une discrimination fondée sur l'âge et apprécie la justification d'une différence de traitement, Lexbase Hebdo n° 413 du 21 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4314BQT).
(10) CJUE, 18 novembre 2010, aff. C-250/09 et C-268/09 (N° Lexbase : A5491GI9) ; v. nos obs., La volonté du salarié de continuer de travailler après l'âge de la retraite face à la mise à la retraite d'office, Lexbase Hebdo n° 420 du 9 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8308BQR).
(11) V. nos obs., Liberté de circulation des chômeurs migrants face à l'activité des agences d'emploi privées, Lexbase Hebdo n° 246 du 1er février 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N8443A9L).
(12) La CJCE a ainsi jugé que les objectifs pouvant être considérés comme "légitimes" au sens de l'article 6 § 1 alinéa 1 et, par voie de conséquence sont des objectifs relevant de la politique sociale, tels que ceux liés à la politique de l'emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle : CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07 (N° Lexbase : A5596EDM) ; CJCE, 18 juin 2009, aff. C-88/08 (N° Lexbase : A2798EIH).
(13) CJCE, 22 novembre 2005, C 144/04 ; Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale (préc.).
(14) Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 05-12.816, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3624DTE) : aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge et que toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul. L'armateur n'invoquait comme cause de rupture que l'âge de l'officier, lequel, au moment de la rupture du contrat de travail, ne bénéficiait pas d'une retraite à taux plein : sa mise à la retraite constitue un licenciement nul. V., plus récemment, Cass. soc., 15 janvier 2013, n° 11-15.646, FS-P+B (N° Lexbase : A4858I3C), JSL, n° 338 du 26 février 2013 ; LSQ, n° 30, 12 février 2013 ; SSL, n° 1569 du 28 janvier 2013.
(15) V. nos obs., Mise à la retraite d'un salarié à la retraite avant l'âge de 65 ans en application d'une disposition conventionnelle étendue : pas de renvoi devant le Conseil constitutionnel, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale (préc.)
(16) V. nos obs., Discrimination selon l'âge et indemnité de licenciement conventionnelle, Lexbase Hebdo n° 350 du 14 mai 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0723BKY). Pas de discrimination indirecte : la cour d'appel n'a pas montré en quoi le plafonnement de l'indemnité de licenciement aurait eu pour effet de désavantager les salariés du fait de leur âge.
(17) Cass. soc., 17 novembre 2010, n° 09-42.071, F-D (N° Lexbase : A5830GK7). V. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E2589ET3).
(18) V. nos obs., Différences de traitement selon l'âge reconnues non discriminatoires : les juges du fond doivent vérifier les conditions posées par les textes Lexbase Hebdo n° 430 du 3 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N6302BRT).
(19) Cass. soc., 11 mai 2010, n° 08-45.307, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1608EXT) ; Cass. soc., 11 mai 2010, n° 08-43.681, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1605EXQ), Bull. civ. V, n° 105, Liaisons sociales Europe, n° 253, 27 mai 2010, note J. P. Lhernould.
(20) V. les obs. de Ch. Radé, Actualité de la QPC en droit du travail, Lexbase Hebdo n°429 du 24 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N4949BRQ) ; Le régime de la mise à la retraite n'est contraire ni au droit pour chacun d'obtenir un emploi, ni au principe d'égalité, Constitutions - Revue de droit constitutionnel appliqué, avril-juin 2011, n° 2/2011, p. 238-240.

Décision

CE 1° et 6° s-s-r., 13 mars 2013, n° 352393, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9904I9P)

Textes concernés : Directive 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4) ; loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 (N° Lexbase : L3048IN9) ; CJUE, arrêts C-411/05 du 16 octobre 2007 (N° Lexbase : A7508DYQ) et C-447/09 du 13 septembre 2011 (N° Lexbase : A7249HXR), décret n° 2011-289 du 18 mars 2011, modifiant le statut national du personnel des industries électriques et gazières (N° Lexbase : L7847IPC)

Mots-clés : industries électriques et gazières, mise a la retraite, régime spécial, décrets n° 2011-289 et n° 2011-290 du 18 mars 2011, conformité au droit européen, discrimination fondée sur l'âge, différence de traitement autorisée

Liens base : (N° Lexbase : E0554EU3)

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Retraite

[Brèves] Le paiement des arrérages de pension de retraite au majeurs protégés

Réf. : Circ. CNAV, n° 2013/20, du 22 mars 2013, majeurs protégés - réforme prévue par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, en vigueur au 1er janvier 2009 - paiement des arrérages de pension (N° Lexbase : L4014IWL)

Lecture: 1 min

N6402BTB

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Le 28 Mars 2013

La circulaire CNAV, n° 2013/20, du 22 mars 2013, majeurs protégés - réforme prévue par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 (N° Lexbase : L6046HUH), en vigueur au 1er janvier 2009 - paiement des arrérages de pension (N° Lexbase : L4014IWL), rappelle les grandes lignes de la réforme prévue par la loi du 5 mars 2007 et décline les règles désormais applicables en matière de paiement des prestations retraite. La réforme de protection des majeurs est appliquée depuis le 1er janvier 2009. La présente circulaire tend à rappeler les modalités relatives au paiement des arrérages de pension de retraite. Les prestations retraite ne doivent plus être versées sur un compte au nom du représentant légal. Ce principe connaît une exception lorsque les paiements s'effectuent par l'intermédiaire d'un comptable public (sur les droits du titulaire d'une pension de retraite, cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E9319ABR).

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Protection sociale

[Jurisprudence] Le principe d'égalité de traitement bouté hors du champ de la prévoyance

Réf. : Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-20.490, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5092I9H)

Lecture: 12 min

N6338BTW

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par Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Rennes 1 (IODE - UMR CNRS 6262)

Le 28 Mars 2013

La confrontation des régimes catégoriels de prévoyance au principe d'égalité de traitement a enfin eu lieu devant la Cour de cassation. La religion de la Chambre sociale est faite et la messe semble désormais dite. En effet, de trois arrêts rendus le 13 mars (1), il ressort "qu'en raison des particularité des régimes de prévoyance[...], l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle". En matière de prévoyance, le "mariage" entre salariés relevant de catégories différentes ne s'impose pas ! Pour diverses raisons sur lesquelles nous reviendrons, la solution adoptée ne surprend guère et peut, à certains égards, être considérée comme opportune et pragmatique. Elle n'est pas pour autant pleinement satisfaisante et peine à emporter juridiquement la conviction. L'attendu de principe est rédigé de façon alambiquée, soulignant par là-même la difficulté pour les juges à trouver une motivation appropriée.
Résumé

Au regard des particularités pesant sur les régimes de prévoyance, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle. La différence de prise en charge des cotisations entre cadres et non-cadres par l'employeur ne constitue pas une inégalité de traitement.

I - Analyse

Dans l'affaire principale (2), une entreprise avait institué un régime complémentaire de frais de santé dont l'ensemble du personnel bénéficiait. Cependant, le financement de l'employeur différait selon la catégorie professionnelle de rattachement des salariés, la prise en charge patronale étant intégrale pour les cadres et agents de maîtrise et à hauteur de 60 % seulement pour les employés. Invoquant une rupture d'égalité, cent vingt quatre employés avaient saisi la justice prud'homale afin d'obtenir remboursement de la quote-part qu'ils avaient jusqu'alors acquittée. Le conseil de prud'hommes de Melun leur donne satisfaction et condamne l'employeur, motif pris du non respect du principe d'égalité de traitement (3). En cassation, la Chambre sociale tourne résolument le dos à ce raisonnement et refuse de soumettre les différences catégorielles en matière de prévoyance au principe d'égalité de traitement (4).

Portée pratique de la solution. Une fois n'est pas coutume, l'analyse de la portée des décisions précèdera celle de la motivation retenue par les juges. En effet, nul doute ici que la fin a justifié les moyens. C'est parce qu'une solution inverse aurait été trop lourde de conséquences financières pour les entreprises que la Cour de cassation a pris le parti de sortir les régimes de prévoyance du champ d'application du principe d'égalité de traitement. Les magistrats de la Chambre sociale évitent ainsi que nombre d'employeurs soient contraints d'assumer des rappels de quote-part salariale sur la base des différences de prise en charge patronale existant entre les régimes "cadres" et "non-cadres" institués dans leur entreprise. La note aurait pu s'avérer très douloureuse et pour le moins inopportune en période de crise économique. C'est en parfaite connaissance de ces paramètres que la Cour de cassation s'est prononcée. Le conseiller rapporteur J.-M. Béraud le dit d'ailleurs explicitement dans un entretien accordé à une revue juridique : ces décisions "sont mûrement réfléchies" et font suite à un processus de consultation d'experts et de partenaires sociaux (5). Faire de la prévoyance un domaine à l'écart, voire à l'abri, du principe d'égalité de traitement relève donc d'un choix délibéré.

Les régimes catégoriels, qui sont éminemment structurants dans le champ de la prévoyance et de la retraite supplémentaire, sortent sécurisés des décisions du 13 mars 2013. Plus largement au regard du droit du travail, les politiques d'entreprise sont mises à l'abri du "redoutable" principe d'égalité de traitement puisque les cas d'espèce des trois arrêts balaient l'ensemble des situations susceptibles d'être rencontrées : un régime commun mais avec participation patronale différenciée (6), un régime de prévoyance institué en faveur d'une seule catégorie (en l'occurrence les cadres) (7), des régimes et des conditions de prise en charge financière différents selon les catégories (8). La légitimité des différences catégorielles n'est donc plus à discuter. La Cour de cassation précise toutefois que le principe d'égalité de traitement conserve toute sa place pour s'assurer que les salariés relevant d'une même catégorie sont traités à l'identique lorsqu'ils sont dans une situation comparable.

Analyse critique de la motivation. La motivation retenue à l'appui de ce choix s'avère peu explicite. Pire même, elle repose sur des arguments dont la pertinence est sujette à caution donnant à l'ensemble une allure quelque peu bancale.

C'est au nom des particularités des régime de prévoyance que le principe de l'égalité de traitement n'a pas vocation à s'appliquer entre les catégories professionnelles. Et la Cour d'identifier trois particularités qu'elle présente comme autant de justifications de la solution retenue : les régimes de prévoyance reposent sur une évaluation des risques en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur. Mais ces justifications résistent mal à la critique.

Ainsi, énoncer que la mise en oeuvre des régimes de prévoyance appelle le recours à un organisme extérieur relève davantage du constat que de la justification. La lecture a contrario de l'article 1er de la loi "Evin" (9) interdit, en effet, l'auto-assurance en matière de prévoyance ; l'entreprise doit externaliser l'opération et en confier la gestion à l'un des organismes habilités visés par le texte (10), à savoir une entreprise régie par le Code des assurances, une institution paritaire de prévoyance soumise au Code de la Sécurité sociale ou une mutuelle relevant du Code de la mutualité. Certes, une telle exigence légale d'externalisation de la gestion n'existe pas pour les avantages autres que de prévoyance dont les salariés peuvent être bénéficiaires. C'est donc bien une particularité... mais dont on peine à comprendre la relation qu'elle entretient avec la question des catégories professionnelles. Il ne s'agit que d'une exigence technique visant à garantir les avantages institués en en confiant la gestion à un professionnel de l'assurance (11). Ce dernier n'a aucune influence sur la configuration du régime de prévoyance, spécialement sur la détermination des salariés bénéficiaires qui s'effectue dans l'entreprise et se matérialise dans le mode opératoire utilisé pour instituer le régime (accord collectif, référendum ou décision unilatérale).

Relever que les régimes de prévoyance prennent en compte un objectif de solidarité n'emporte pas davantage la conviction. En matière de prévoyance, rien ne justifie de prime abord que la solidarité ne s'exprime qu'à l'intérieur de chaque catégorie professionnelle ; c'est un postulat que l'on aurait aimé voir étayé. Par ailleurs, et plus fondamentalement peut-être, comme le relève Me Frank Wismer dans l'entretien accordé à Lexbase la semaine dernière (12), "la notion d'objectif de solidarité ne paraît pas [...] la sémantique la plus appropriée". C'est sans doute davantage de mutualisation dont il s'agit, c'est-à-dire d'un mécanisme technique de répartition des risques sur l'ensemble des membres d'un groupe... ce que toute opération d'assurance réalise. Instiller de la solidarité entre les membres d'un groupe dans des régimes de prévoyance relève en revanche d'un choix fondamental qui se pose dans les mêmes termes quelle que soit la catégorie professionnelle en cause (solidarité entre bien portants et malades, entre non chargés de famille et chargés de famille, entre classes de revenus ou encore entre actifs et inactifs) ; et, au-delà de la solidarité "intrapersonnelle", il peut s'agir de réserver une part des cotisations collectées au financement des prestations non contributives relevant, par exemple, d'une démarche d'action sociale.

La première particularité des régimes de prévoyance mise en exergue par la Cour de cassation dans sa motivation est sans doute celle sur laquelle il convient de s'attarder. La Chambre sociale souligne, en effet, que ces régimes "reposent sur une évaluation des risques en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle". Pour le conseiller rapporteur J.-M. Béraud, ces régimes "recherchent un équilibre financier en fonction de considérations actuarielles". L'affirmation n'est sans doute guère contestable mais la catégorie professionnelle de rattachement n'est certainement pas le paramètre actuariel le plus déterminant ni le plus significatif dans la pesée des risques. Dans le champ des risques couverts par la prévoyance (maladie, incapacité, invalidité et décès), l'assureur effectue cette pesée sur la base des éléments démographique connus (répartition des effectifs dans les différentes classes d'âge, proportion d'hommes et de femmes parmi le personnel, composition familiale) et des informations dont il dispose sur les risques de santé auxquels l'activité de l'entreprise expose les salariés.

Les particularités des régimes de prévoyance énumérées par la Cour de cassation sont contestables. Leur mise en relief pour justifier que la prévoyance soit mise hors d'atteinte du principe d'égalité de traitement l'est davantage encore. Et pourtant c'est bien le résultat auquel les trois arrêts du 13 mars 2013 parviennent, les situations d'espèce englobant tous les cas possibles de différenciation "cadres"/"non-cadres" : un régime pour les deux catégories mais avec une contribution patronale différenciée, des régimes différents dans leur contenu selon les catégories, un régime de prévoyance au bénéfice de la seule catégorie "cadres".

II - Mise en perspective

La prise de position de la Cour de cassation intervient dans un contexte juridique pluri-dimensionnel. Il importe, en effet, de la mettre en perspective avec la jurisprudence en matière d'égalité de traitement, le décret du 9 janvier 2012, relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire (N° Lexbase : L7139IRT) et l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI).

Mise en perspective avec la jurisprudence en matière d'égalité de traitement. La jurisprudence portant sur l'application du principe d'égalité de traitement est abondante. Ces dernières années, les juges ont plus spécialement eu à connaître de contentieux au coeur desquels se trouvaient des avantages catégoriels. Dans un premier temps, dans les arrêts "Bensoussan" (2008) (13) et "Pain" (2009) (14), ils ont affirmé que "la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage"... sans pour autant fermer la porte à des raisons objectives de différenciation dont la réalité et la pertinence sont mises sous le contrôle du juge. Dans un second temps, la jurisprudence s'est affinée puisque trois arrêts du 8 juin 2011 (15) donnent une sorte de grille d'analyse pour apprécier la justification des avantages catégoriels. La raison objective de différenciation doit désormais être appréciée par rapport à la nature ou la raison d'être de l'avantage afin de voir si les catégories de salariés sont placées dans une situation identique au regard de l'avantage en cause. Il convient par conséquent de rechercher si la différence de traitement "n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes", notamment celles qui tiendraient aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération.

Cette grille d'analyse aurait tout à fait pu être utilisée en matière de prévoyance. Son maniement n'en aurait pas pour autant été aisé, ne serait-ce que parce qu'une question préalable se pose : déterminer en quoi consiste l'avantage lorsqu'une entreprise a institué un régime de prévoyance. Or, les contours de l'avantage "prévoyance" sont mal discernables en raison de l'imbrication cotisation/garanties (ou prestations). L'avantage résulte-t-il de la seule existence d'un régime ou réside-t-il dans le niveau de couverture ou encore dans le montant de financement assumé par l'entreprise ? (16) La réponse donnée conditionne la suite de l'analyse.

Si l'on considère que l'avantage réside dans l'existence même d'une couverture "prévoyance", il y a alors lieu de conclure que rien ne peut justifier qu'une seule catégorie soit protégée tant un dispositif de protection sociale complémentaire présente en lui-même une utilité pour toute personne (par exemple, en raison du reste à charge en matière de frais de santé après remboursement par l'assurance maladie (17) ou encore du faible niveau du capital-décès versé par la sécurité sociale). Si, en revanche, on estime que l'avantage tient au niveau de couverture, il faut alors s'intéresser au contenu des régimes (nature mais aussi niveau des garanties) (18) et mobiliser la jurisprudence de 2011. Cela doit alors conduire à rechercher si les catégories ont les mêmes besoins eu égard, notamment, aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération. En d'autres termes, il s'agit de vérifier si des justifications pertinentes et objectives peuvent être identifiées à l'appui d'un traitement catégoriel différencié. Des considérations prenant appui sur la politique de rémunération lato sensu pourraient ainsi être avancées, spécialement pour les salariés dont le niveau de salaire dépasse certains plafonds qui limitent le taux de remplacement auquel ils peuvent prétendre au titre de la protection sociale obligatoire (en matière d'indemnités journalières, de pension d'invalidité ou de retraite). La logique pourrait être assez comparable si l'on estime que l'avantage "prévoyance" est constitué par le montant du financement patronal.

Mise en perspective avec le cadre juridique actuel et à venir en matière de prévoyance. Les conditions de déductibilité de l'assiette des cotisations de Sécurité sociale du financement patronal consacré à des régimes de prévoyance sont déterminantes de leur paramétrage. Elles orientent, contraignent même de facto, les choix de l'entreprise. Parmi ces conditions, figure le caractère collectif des garanties instituées dont les contours, après plusieurs années d'incertitude, ont été précisés par le décret du 9 janvier 2012 (19). Bien que la portée de ces dispositions réglementaires soit juridiquement circonscrite à la question du régime social de faveur pour la contribution patronale, elles ne peuvent toutefois être ignorées. Manifestement, elles ont été discutées par les magistrats de la Chambre sociale comme le révèle le conseiller rapporteur J.-M. Béraud qui estime que le décret "valide les segmentations par catégories professionnelles traditionnelles" (20). L'affirmation manque singulièrement de nuance. Même si le nouvel article R. 242-1-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7177IRA) fait place, comme critères objectifs, aux catégories cadres et non-cadres résultant des règles applicables en matière de retraite AGIRC et ARRCO, aux tranches de rémunérations fixées pour le calcul des cotisations AGIRC et ARRCO et aux catégories et classifications professionnelles définies par les conventions collectives professionnelles, le cadre juridique créé est complexe ; en particulier, dans l'utilisation des critères, il suppose d'opérer des distinctions selon la nature des garanties. Or, ce type de distinguo est totalement absent dans les décisions du 13 mars, la Chambre sociale retenant une vision de la prévoyance à la fois globale (maladie, incapacité, invalidité, décès) et extensive puisque le risque "retraite" y est inclus.

La principale incertitude des arrêts de mars dernier tient à l'absence de définition de ce que recouvre la notion de catégorie professionnelle. En raison de l'obligation faite aux employeurs par la Convention collective nationale des cadres de 1947 de consacrer au moins 1,5 % de la tranche A au financement de garanties de prévoyance, la catégorisation s'est principalement effectuée sur cette base. Il en résulte deux catégories "historiques" : celle des salariés entrant dans le champ d'application de cette convention (communément appelée catégorie "cadres") et celle regroupant les autres salariés (catégorie dite "non-cadres"). C'est manifestement en ayant à l'esprit ce schéma traditionnel que la Chambre sociale a rendu les décisions précitées, et ce d'autant que les faits d'espèce mettaient en jeu cette catégorisation. Mais elle n'entend pas semble-t-il enfermer la solution posée dans ce cadre. D'une part, dans l'attendu de principe, il est fait référence aux catégories professionnelles sans autre précision ; d'autre part, J.-M. Béraud -conseiller rapporteur- estime que les catégories professionnelles, à l'intérieur desquelles le principe d'égalité doit s'appliquer, "sont définies par les régimes". Cette apparente autonomie pour délimiter les catégories n'ira pas sans poser problème au regard du droit du travail mais aussi dans l'articulation qui devra de facto être réalisée par les dispositions réglementaires issues du décret du 9 janvier 2012.

Apprécier la nouvelle jurisprudence de la Chambre sociale suppose également d'avoir à l'esprit la signature, deux mois auparavant, de l'accord national interprofessionnel dit de sécurisation de l'emploi (21) et le processus désormais enclenché de sa "transposition" par voie législative (22). Le futur article L. 911-7 du Code de la Sécurité sociale actera la généralisation, à l'horizon 2016, d'une couverture santé pour les salariés. Cependant, comme l'exprime avec à propos le conseiller rapporteur J.-M. Béraud, "les signataires de l'accord n'ont pas consacré une exigence d'égalité intercatégorielle". En effet, l'article 1er de l'ANI précise que les dispositions du décret du 9 janvier devront être respectées. La couverture objet de la généralisation portant sur les frais de santé, il en résulte que l'ensemble des salariés devra être couvert conformément au 4° de l'article R. 242-1-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7178IRB). Par conséquent, cela ne proscrit pas la mise en place de couvertures catégorielles "cadres"/"non-cadres" au sens des règles AGIRC-ARRCO (plus précisément, celles relatives au champ d'application personnel et aux tranches de rémunération). En "dispensant" les régimes de prévoyance du respect du principe d'égalité de traitement, les décisions du 13 mars ne contraignent pas les partenaires sociaux qui, dans les branches ou les entreprises, négocieront l'instauration d'une couverture "frais de santé". La distinction historique "cadres"/"non-cadres" qui structure le champ de la prévoyance et de la retraite supplémentaire a donc encore de beaux jours devant elle.


(1) Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-20.490, FS-P+B+R (jonction de pourvois concernant 124 salariés au total) , arrêt qui donnera lieu à publication au BICC mais également à analyse dans le prochain rapport annuel de la Cour de cassation ; n° 10-28.022, FS-D (N° Lexbase : A9771I9R) et n° 11-23.761, FS-D (N° Lexbase : A9673I97).
(2) Affaire principale dans la mesure où plusieurs pourvois individuels ont été joints et que la décision donnera lieu à une large diffusion (Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-20.490, FS-P+B+R).
(3) Les juges prud'homaux reprochent principalement à l'employeur de ne pas avoir démontré la pertinence du motif de différenciation allégué au regard de l'avantage catégoriel accordé, à savoir une volonté d'attirer et de fidéliser les cadres.
(4) Si la légitimité des différences catégorielles n'est pas discutée, la Cour de cassation précise que le principe d'égalité de traitement a toutefois toute sa place pour s'assurer que les salariés relevant d'une même catégorie sont traités à l'identique lorsqu'ils sont dans une situation comparable.
(5) SSL, 18 mars 2013, n° 1576, pp. 11-12.
(6) Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-20.490, FS-P+B+R.
(7) Cass. soc., 23 mars 2013, n° 10-28.022, FS-D.
(8) Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-23.761, FS-D.
(9) Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques (N° Lexbase : L5011E4D).
(10) La gestion externalisée par l'un des organismes habilités constitue également une des conditions de déductibilité du financement patronal de l'assiette des cotisations de sécurité sociale (CSS, art. L. 242-1, al. 6 N° Lexbase : L0132IWS).
(11) Professionnels soumis ès qualité au respect d'un certain nombre de règles comptables, financières et prudentielles.
(12) V., Légitimation de l'inégalité de traitement dans le champ de la prévoyance - Questions à Maître Frank Wismer, avocat associé au cabinet Fromont Briens, Lexbase Hebdo n° 520 du 21 mars 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6304BTN).
(13) Cass. soc., 20 février 2008, n° 05-45.601, FP-P+B sur le sixième moyen (N° Lexbase : A0480D7W). V. les obs. de Ch. Radé, Chaud et froid sur la protection du principe à travail égal, salaire égal", Lexbase Hebdo n° 295 du 7 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3474BEE).
(14) Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, FS-P+B (N° Lexbase : A5734EI9).
(15) Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-14.725, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3807HT8), Bull. V, n° 155 ; Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-11.933 et 10-13.663, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3806HT7), Bull. V, n° 143.
(16) On peut même se demander si l'avantage n'est pas un peu de tout cela, voire même davantage que tout cela. Ne sommes-nous pas en présence, pour reprendre les termes utilisés par J.-J. Dupeyroux à propos d'accords collectifs de prévoyance, d'avantages présentant une "irréductible spécificité" ? V. J.-J. Dupeyroux, L'article 11 de la loi Evin et la théorie générale des accords collectifs de prévoyance, Dr. soc., 1996, p. 163.
(17) C'est en ce sens qu'avait jugé la cour d'appel de Grenoble dans un arrêt de décembre 2012. Les juges du fond ont, en effet, considéré que l'avantage consiste au cas présent "à favoriser la préservation de la santé et l'accès aux soins par la prise en charge [...] des frais médicaux, médicamenteux [...]" et que, dans le domaine des frais de santé, aucune catégorie ne peut "prétendre avoir davantage de besoins" ; ils en ont déduit qu'au regard de cet avantage, "la situation de tous les salariés d'une entreprise est strictement identique". (CA Grenoble 13 décembre 2012, n° 11/04037 N° Lexbase : A2589KA7).
(18) Cela présuppose alors que tous les salariés doivent être couverts.
(19) Décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012, relatif au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire. V. nos obs., Caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire : il est (enfin !) venu le temps du décret, Lexbase Hebdo n° 472 du 9 février 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0061BTG).
(20) V. l'entretien précité.
(21) V. nos obs. sur les articles 1 et 2 de l'ANI du 11 janvier 2013, Généralisation de la couverture santé des salariés : des avancées, des évolutions, des interrogations, Lexbase Hebdo n° 514 du 31 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5516BTH).
(22) V. les obs. de G. Singer, Avant-projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi : précisions et arbitrages du ministère du travail, Lexbase Hebdo n° 517 du 21 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5927BTP).

Décision

Cass. soc., 23 mars 2013, n° 11-20.490, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5092I9H)

Cassation, CPH Melun, sect. act. diverses, 27 avril 2011

Texte visé : principe d'égalité de traitement

Mots-clés : principe d'égalité de traitement, prévoyance, catégorie professionnelle, cadres, non-cadres

Liens base :

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Rel. collectives de travail

[Brèves] Désignation d'un RSS : salarié exerçant avant les fonctions de délégué syndical

Réf. : Cass. soc., 20 mars 2013, n° 11-26.836, F-P+B (N° Lexbase : A5763KAP)

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N6379BTG

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Le 29 Mars 2013

L'article L. 2142-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6225ISD) n'interdit pas au syndicat de désigner en qualité de représentant de la section syndicale un salarié qui exerçait avant les élections les fonctions de délégué syndical. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2013 (Cass. soc., 20 mars 2013, n° 11-26.836, F-P+B N° Lexbase : A5763KAP).
Dans cette affaire, après les élections qui se sont tenues dans l'entreprise le 5 mai 2011, le syndicat parisien des banques et établissements financiers CFTC, qui n'a pas obtenu au moins 10 % des suffrages lors du scrutin, a désigné M. N., qui était jusqu'alors délégué syndical dans l'entreprise, en qualité de représentant de section syndicale au sein de la société G.. La société a contesté la désignation. La société fait grief au jugement de dire la désignation de M. N. régulière, alors que la disposition selon laquelle "le salarié qui perd ainsi (à la suite du scrutin) son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre de la section vise de façon générique tous les mandats de représentation délivrés par le syndicat avant les élections, de sorte qu'en limitant son champ d'application exclusivement au cas où le mandat perdu aurait été celui de RSS, le juge d'instance a violé par refus d'application I'article L. 2142-1-1 du Code du travail". La Haute juridiction rejette le pourvoi (sur la désignation d'un représentant de la section syndicale, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E6025EXG).

newsid:436379

Rel. collectives de travail

[Brèves] Protocole préélectoral : pas d'exclusion de l'éligibilité au comité d'entreprise des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres

Réf. : Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-11.702, F-P+B (N° Lexbase : A5761KAM)

Lecture: 2 min

N6380BTH

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Le 30 Mars 2013

Un protocole préélectoral, même signé aux conditions de validité prévues par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3764IBZ), ne peut exclure de l'éligibilité au comité d'entreprise, et par suite du droit à y être désigné représentant syndical, des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2013 (Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-11.702, F-P+B N° Lexbase : A5761KAM).
Dans cette affaire, la société A. a organisé des élections professionnelles en janvier 2011 sur la base d'un protocole préélectoral signé le 28 octobre 2010 satisfaisant à la double condition de majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail. Ce protocole prévoyait que n'étaient pas électeurs et éligibles les salariés que leurs fonctions assimilaient au chef d'entreprise, notamment "les managers commerciaux, à partir de la fonction de responsable d'agence". Le 3 octobre 2011, M. V. a été désigné représentant syndical au comité d'entreprise par le syndicat SNEPSSI CFE-CGC. Contestant que le salarié, occupant les fonctions de directeur technique au sein de l'entreprise, remplissait les conditions requises, la société A. a saisi le tribunal d'instance. La société A. fait grief au jugement de rejeter la demande d'annulation de la désignation de M. V., alors que pour pouvoir être désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, un salarié doit notamment avoir la qualité d'électeur. Par ailleurs, dès lors que sa régularité n'est pas contestée, le protocole préélectoral remplissant la condition de double majorité prévue par l'article L. 2324-4-1 du Code du travail s'impose à tous, y compris au syndicat non signataire ayant formulé des réserves lors de la présentation de sa liste de candidats. Pour la Haute juridiction, le tribunal d'instance, qui a constaté que le salarié ne disposait pas d'une délégation écrite particulière d'autorité et que les éléments qui lui étaient soumis, et notamment la fiche de poste du salarié, n'établissaient pas qu'il soit amené à représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, en a exactement déduit qu'il pouvait être désigné représentant syndical au comité d'entreprise (sur le contenu du protocole d'accord préélectoral, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1599ETE).

newsid:436380

Rel. collectives de travail

[Brèves] Départage de candidats à égalité pour la désignation des membres du CHSCT : organisation d'un second tour de scrutin par accord unanime

Réf. : Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-20.307, F-P+B (N° Lexbase : A5792KAR)

Lecture: 2 min

N6381BTI

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Le 03 Avril 2013

L'accord unanime par lequel les membres du collège électoral, appelés à procéder à la désignation des membres du CHSCT, adoptent expressément une règle particulière de départage des candidats à égalité peut intervenir à l'issue du premier tour et prendre la forme de l'organisation, acceptée par tous les membres du collège désignatif, d'un second tour de scrutin. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2013 (Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-20.307, F-P+B N° Lexbase : A5792KAR).
Dans cette affaire, le collège désignatif a été réuni au sein de la société G., le 23 mars 2012, pour l'élection des membres de la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). A l'issue du vote, trois candidats ont obtenu le même nombre de voix pour le siège employés/ouvriers ; il a alors été procédé à un second tour pour les départager. Un procès-verbal a été signé par tous les membres du collège désignatif après ce second tour au cours duquel Mme E. a été déclarée élue. Le 6 avril 2012, les deux autres candidats et l'union syndicale du commerce et des services du Rhône de la CGT ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation de Mme E. au profit de Mme A. au bénéfice de l'âge. Pour dire nul et de nul effet le second tour organisé le 23 mars 2012, et déclarer Mme A. élue au bénéfice de l'âge, le tribunal d'instance relève qu'il n'y a eu aucun accord préélectoral au sein de l'entreprise en vue de fixer les modalités concrètes de l'élection des membres du CHSCT, et que la décision de procéder à un deuxième tour a été prise après la proclamation des résultats du premier tour, en présence de l'ensemble des membres du collège désignatif, par le président du comité d'entreprise en l'absence d'opposition formelle des membres présents, ce qui ne peut être assimilé à un accord, dès lors qu'il n'y a pas eu de propositions précises, de temps de discussion, et que la décision ne s'est pas prise avant le déroulement du premier tour du scrutin. La Haute juridiction infirme le jugement pour une violation de l'article L. 4613-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1779H9R), les membres du collège désignatif ayant accepté à l'unanimité l'organisation d'un second tour de scrutin (sur le mode de désignation des membres du CHSCT, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3385ETK).

newsid:436381

Rel. individuelles de travail

[Brèves] Précisions de la Cnil sur des dispositifs de cybersurveillance particulièrement intrusifs

Réf. : Communiqué du 20 mars 2013

Lecture: 1 min

N6397BT4

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Le 04 Avril 2013

Dans un communiqué du 20 mars 2013, la Cnil rappelle que l'utilisation de dispositifs de cybersurveillance appelés Keylogger ne peut pas être faite dans un contexte professionnel, à l'exception d'impératifs forts de sécurité, et d'une information spécifique des personnes concernées. Les keyloggers sont des dispositifs de surveillance, parfois téléchargeables gratuitement depuis le web, qui se lancent automatiquement à chaque démarrage de la session de l'utilisateur, à son insu. Une fois lancés, ils permettent, selon les versions, d'enregistrer toutes les actions effectuées par les salariés sur leur poste informatique sans que ceux-ci s'en aperçoivent. Toute frappe saisie sur le clavier ou tout écran consulté est enregistré avec un horodatage. Des alertes peuvent être automatiquement envoyées à la personne ayant installé le dispositif lorsque le salarié ainsi surveillé saisit sur son clavier un mot prédéterminé. Depuis 2012, la Cnil a reçu plusieurs plaintes de salariés qui dénoncent l'installation, réelle ou supposée, sur leur poste informatique de dispositifs, du type keylogger. Ces plaintes l'ont conduit à effectuer des contrôles auprès des sociétés mises en cause afin de vérifier dans quelles conditions ces dispositifs très particuliers de cybersurveillance étaient utilisés. La Cnil précise, enfin, que la loi n° 2011-267, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 (N° Lexbase : L5066IPC), punit de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende l'utilisation, mais aussi la vente, de certains dispositifs de captation de données informatiques à l'insu des personnes concernées (sur le contrôle du travail par les NTIC, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4598EXL).

newsid:436397

Rémunération

[Brèves] Annulation de la doctrine administrative qui prévoit l'imputation du crédit d'impôt recherche sur l'impôt sur les sociétés retenu dans le cadre du calcul de la réserve spéciale de participation

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 20 mars 2013, n° 347633, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8551KAX)

Lecture: 1 min

N6401BTA

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Le 28 Mars 2013

Aux termes d'une décision rendue le 20 mars 2013, le Conseil d'Etat annule le paragraphe 43 de la documentation administrative 4 N-1121 et la décision de rescrit du 13 avril 2010, repris au BoFip - Impôts (BOI-BIC-PTP-10-10-20-10-20130315, § 200 et 201 N° Lexbase : X4343ALG) en ce qu'elles ajoutent à la loi en prévoyant que, pour le calcul de la réserve spéciale de participation au profit des salariés, l'impôt sur les sociétés est retenu après imputation de tous crédits ou avoirs fiscaux afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun. Concernant le crédit d'impôt recherche (CGI, art. 244 quater B N° Lexbase : L0202IWE), l'administration précise que son imputation s'opère sur son montant effectivement utilisé (CE 9° et 10° s-s-r., 20 mars 2013, n° 347633, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8551KAX). Or, l'article L. 3324-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5185IRH) dispose que l'impôt correspondant au bénéfice que l'entreprise a réalisé au cours d'un exercice déterminé, qui doit être retranché du bénéfice servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation, ne peut s'entendre que de l'impôt sur les sociétés, au taux de droit commun, résultant des règles d'assiette et de liquidation qui régissent ordinairement l'imposition des bénéfices. Dans le cas où une entreprise bénéficie de crédits d'impôt imputables sur le montant de cet impôt, il n'y a pas lieu de tenir compte du montant de ces crédits. Dès lors, en énonçant que l'impôt à retenir pour le calcul de la réserve spéciale de participation devait être minoré du montant des crédits d'impôt, notamment du crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du CGI, la documentation administrative et la décision de rescrit du 13 avril 2010 ont fixé des règles nouvelles non prévues par la loi. Ces énonciations sont entachées d'incompétence, et doivent être annulées (sur le calcul de la réserve spéciale de participation, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1017ETT).

newsid:436401

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Faute grave : création d'un site internet dénigrant l'entreprise

Réf. : CA Lyon, 13 mars 2013, n° 12/05390 (N° Lexbase : A7532I9T)

Lecture: 1 min

N6383BTL

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Le 28 Mars 2013

Constitue une faute grave justifiant la fin immédiate du préavis et le non-paiement des jours de la partie restant à courir, la création d'un site, dont la première page peut faire penser à un site officiel et qui est directement accessible par un moteur de recherche en tapant le nom de son entreprise, contenant des propos dénigrants qui dépassent le cadre normal de la liberté d'expression et constituent un abus dudit droit. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 13 mars 2013 (CA Lyon, 13 mars 2013, n° 12/05390 N° Lexbase : A7532I9T).
Dans cette affaire, une société a rompu le contrat de travail de son salarié en cours de préavis en raison d'un site que celui-ci a mis en ligne, accessible depuis sa page personnelle Facebook et depuis un moteur de recherche, Google, dont le contenu est jugé par la société "insultant et malveillant" et portant "gravement atteinte à l'image et à la réputation de l'entreprise". Un constat d'huissier démontre que le site litigieux, hébergé par le salarié sur une page personnelle de son fournisseur d'accès à internet, a été librement accessible depuis un moteur de recherche et depuis un lien hypertexte figurant sur sa page Facebook sur laquelle la confidentialité des échanges n'a pas été limitée, de sorte que la diffusion du site et tout échange s'y rapportant doit être considéré comme relevant du domaine public. Ce site, dont la première page peut faire penser à un site officiel et qui est directement accessible par un moteur de recherche en tapant le nom de l'entreprise contient des propos dénigrants qui dépassent le cadre normal de la liberté d'expression et constituent un abus dudit droit. S'ils ne révèlent pas une intention de nuire à l'employeur caractérisant la faute lourde, ils constituent une faute grave justifiant la fin immédiate du préavis et le non-paiement des jours de la partie restant à courir (sur le licenciement pour dénigrement de l'entreprise ou de l'employeur, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9160ES3).

newsid:436383

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Absence de démission d'un entraîneur de football : annonce de son départ à ses joueurs

Réf. : CA Versailles, 19 mars 2013, n° 11/04076 (N° Lexbase : A4425KA7)

Lecture: 2 min

N6398BT7

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Le 28 Mars 2013

Dans un contexte tendu entre un entraîneur d'un club sportif et ses dirigeants, n'est pas caractérisée la volonté de démissionner de celui-ci par le fait qu'il évoque "son dernier match" devant ses joueurs et par le fait qu'il envoie un document-type en matière de rupture conventionnelle du contrat de travail à ses employeurs. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 19 mars 2013 (CA Versailles, 19 mars 2013, n° 11/04076 N° Lexbase : A4425KA7).
Dans cette affaire, un entraîneur a été engagé par une association de football, le 1er septembre 2008, suivant contrat à durée indéterminée intermittent, en qualité d'éducateur. Il a été chargé de la direction et de l'encadrement de l'ensemble des équipes seniors du club et plus particulièrement de la direction de l'équipe première évoluant dans le championnat régional DSR à l'époque ; Il n'a plus exercé de fonctions après le 13 décembre 2009 et n'a pas perçu de rémunération au-delà du mois de novembre précédent. Le conseil des prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de son employeur. Le club soutient que cette demande n'a aucun fondement, dès lors que la rupture des relations contractuelles résulterait d'une démission du salarié, exprimée verbalement devant des tiers, pour avoir annoncé, le 13 décembre 2009, que le match à jouer ce jour-là était "son dernier match", et pour avoir, le 14 décembre 2009, fait parvenir lui-même au club un document intitulé "rupture de contrat" faisant apparaître que les parties "ont décidé de mettre un terme à leurs relations", cet envoi ayant été suivi le même jour d'une réponse visant "votre demande de rupture de contrat de travail", qui n'a provoqué aucune réaction du salarié. Mais pour la cour d'appel, même en présence d'un écrit, lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, ou dans le cas contraire ceux d'une démission. Le salarié établit la volonté de l'employeur de mettre fin au contrat de travail, par la production de plusieurs attestations de joueurs. Il fournit également un article de presse en date du 22 décembre 2009, dépourvu de toute ambiguïté sur la position de l'association le concernant, le secrétaire général du club, interviewé, ayant déclaré : "notre collaboration devait s'arrêter [...]". Il n'y a donc pas de démission du salarié pour la cour d'appel.

newsid:436398

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Insuffisance professionnelle : absence de formation de la salariée à son nouveau poste

Réf. : CA Versailles, 21 mars 2013, n° 11/03152 (N° Lexbase : A7073KA9)

Lecture: 2 min

N6400BT9

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Le 28 Mars 2013

Le seul fait qu'une salariée ait envisagé une rupture conventionnelle de son contrat de travail -en l'absence d'autres éléments justifiant d'une réelle insuffisance professionnelle dans ses nouvelles fonctions- ne peut suffire à établir une prétendue démotivation de la salariée et justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, dès lors que celle-ci n'a pas été suffisamment formée à ses nouvelles fonctions. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Versailles du 21 mars 2013 (CA Versailles, 21 mars 2013, n° 11/03152 N° Lexbase : A7073KA9).
Dans cette affaire, une salariée, engagée en 1999 en tant qu'assistante de direction a, à compter du 1er juillet 2009, aux termes d'un avenant en date du 9 juillet 2009, exercé les fonctions d'assistante de publicité au sein du pôle presse professionnelle, l'avenant prévoyant que la salariée serait rattachée au directeur général adjoint du pôle de la presse professionnelle. Un entretien a eu lieu entre la salariée et son employeur le 24 février 2009 pour évoquer, à la demande de la salariée, une éventuelle rupture conventionnelle, entretien auquel il n'a pas été donné suite. La salariée a été ensuite licenciée en mars 2010. La société, qui fait valoir que la salariée avait déjà fait l'objet d'un avertissement pour des faits caractérisant une absence totale d'implication, soutient qu'elle avait formé sa salariée et souligne que les reproches qui lui sont faits ne concernent pas des tâches nécessitant une formation spécifique. Pour la cour d'appel, si effectivement un salarié alerte notamment son employeur sur le fait que la salariée aurait cumulé "un certain nombre de mauvaises méthodes de travail et de compréhension et ce malgré le fait qu'on lui dise de prendre des notes quand on lui explique comment rentrer un ordre ou faire une facturation", ce seul mail, envoyé alors que la salariée ne venait de prendre ses nouvelles fonctions que depuis trois semaines et se trouvait donc encore en période d'adaptation, ne peut à lui seul justifier les reproches qui lui sont faits. A la lecture de la lettre de licenciement, il ressort que l'essentiel des reproches faits à la salariée concerne sa productivité ; il s'agit d'un grief auquel il aurait pu être précisément remédié par une formation dont la société, tenue d'une obligation à l'égard de ses salariés notamment à l'occasion d'un changement de fonction, ne justifie pas autrement que par ses affirmations, ce qui ne peut suffire à établir l'effectivité d'une telle formation dont la réalité est contestée par la salariée, l'appelante ne pouvant se contenter de souligner que la salariée n'a formulé aucune demande en ce sens à la suite de son changement de fonction (sur le licenciement pour insuffisance professionnelle N° Lexbase : E9125ESR).

newsid:436400

Santé

[Jurisprudence] Stress et épuisement professionnels : la Cour de cassation franchit le pas

Réf. : Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.082, FS-P+B (N° Lexbase : A9750I9Y)

Lecture: 8 min

N6354BTI

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 28 Mars 2013

Depuis une dizaine d'années, les risques psychosociaux font l'objet de nombreux travaux et colloques universitaires, cela traduisant l'émergence de risques d'une nouvelle nature encourus par les salariés. Malgré l'urgence sociale que ces risques impliquent, le droit du travail est resté très en retrait de ces évolutions, seuls les partenaires sociaux ayant véritablement tenté de s'approprier le problème avec une efficacité très relative. Le législateur ne s'est à ce jour pas encore véritablement intéressé à cette problématique sauf par le prisme des harcèlements qui, eux, sont relativement bien encadrés. Confrontée à cette carence, la Chambre sociale de la Cour de cassation décide donc de franchir un véritable cap en reconnaissant les concepts de stress professionnel et, surtout, d'épuisement professionnel par une décision rendue le 13 mars 2013. Par cet arrêt, la Haute juridiction juge que l'absence prolongée d'un salarié résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne peut être invoquée pour justifier un licenciement et que, par conséquent, les juges du fond devaient rechercher si l'état de santé du salarié était lié à un stress et un épuisement professionnels (I). Cette décision est importante, tant sur le plan technique puisqu'elle encadre un peu plus encore le licenciement pour absences prolongées ou répétées que sur le plan théorique puisqu'elle permet une véritable prise en compte, via l'obligation de sécurité, de nouveaux risques psychosociaux (II).
Résumé

Lorsque l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement.

Les juges du fond devaient rechercher si la salariée n'avait pas été exposée à un stress permanent et prolongé à raison de l'existence d'une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre sa maladie et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Commentaire

I - Stress et épuisement professionnels : pas de licenciement pour désorganisation de l'entreprise en raison des absences du salarié

  • La prise en compte des risques psychosociaux par le droit du travail

Les risques psychosociaux au travail apparaissent, depuis une dizaine d'années, comme l'une des problématiques majeures de la santé au travail dans les entreprises françaises. Pour autant, leur prise en considération par le droit du travail reste balbutiante (1). Les harcèlements et les discriminations sont seuls véritablement encadrés par le Code du travail, mais il s'agit davantage de comportements adoptés par l'employeur ou par un collègue que des conséquences de ceux-ci sur la santé mentale du salarié.

Quelques textes conventionnels ont cependant été adoptés sur la question tels que l'accord-cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004 (2) et sa transposition par l'accord national interprofessionnel sur le stress au travail le 24 novembre 2008 (N° Lexbase : L4997IUM) (3).

La Chambre sociale de la Cour de cassation prend parfois, elle aussi, en compte l'existence des risques psychosociaux. Ainsi, notamment, envisage-t-elle les situations de stress mais, le plus souvent, dans le cadre de qualifications de harcèlement moral (4). La question des suicides au travail a principalement été traitée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en matière d'accident du travail (5). La notion de burn out ou épuisement professionnel était, quant à elle, jusqu'ici totalement occultée par la jurisprudence, quelques tentatives de définition ayant tout de même été apportées par la doctrine (6).

  • Risques psychosociaux et obligation de sécurité de l'employeur

Qu'il s'agisse de stress, d'angoisses, de troubles somatiques, d'addictions, d'épuisement professionnel ou, a fortiori, de suicides, tous les risques psychosociaux emportent par définition une atteinte à la santé du salarié et, à ce titre, peuvent caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité si tant est, bien entendu, que ces symptômes soient causés par le travail.

En effet, l'article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3097INZ) impose à l'employeur une obligation de sécurité de résultat, obligation lui imposant de veiller à "protéger la santé physique et mentale des travailleurs" (7). L'article L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ) propose des principes généraux de prévention qui résonnent très clairement avec les risques psychosociaux : l'employeur doit "adapter le travail à l'hommeplanifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel [...]" (8).

Pour autant, en matière de risques psychosociaux, l'obligation de sécurité de l'employeur n'avait jusqu'ici été mobilisée que pour sanctionner des harcèlements (9), des violences faites au salarié (10) voire, par une conception extensive, des mesures de réorganisation pouvant porter atteinte à la santé ou à la sécurité des salariés (11).

  • L'affaire

Engagée dix mois plus tôt, une salariée était licenciée pour absences prolongées ou répétées perturbant l'organisation et le bon fonctionnement de l'entreprise, licenciement que la salariée contesta devant le juge prud'homal. La cour d'appel de Lyon débouta la salariée de ses demandes en estimant que la salariée n'avait jamais alerté son employeur sur une situation de stress anormal et qu'elle n'avait pas contacté le médecin du travail.

La Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa des articles L. 1232-1 (N° Lexbase : L8291IAC), L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ) du Code du travail. Par une formule générale, la Cour dispose que "lorsque l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement". Ainsi, la cour d'appel devait rechercher si la salariée "n'avait pas été exposée à un stress permanent et prolongé à raison de l'existence d'une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre [sa] maladie [...] et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité".

Malgré son niveau de publicité relativement banal (arrêt simplement publié au Bulletin), cette décision est d'une grande importance, sur le plan technique comme sur le plan théorique.

II - Stress et épuisements professionnels : la prise en compte prétorienne effective des risques psychosociaux

  • Apport technique : nouvelle limitation du licenciement à raison d'absences prolongées désorganisant l'entreprise

Malgré les dispositions de l'article L. 1133-3 du Code du travail qui n'autorisent que les différences de traitement "fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap", la Chambre sociale accepte de longue date qu'un salarié puisse être licencié lorsque ses absences répétées ou prolongées désorganisent le fonctionnement de l'entreprise et rendent son remplacement définitif indispensable (12).

Les conditions d'un tel licenciement sont relativement strictes. Outre l'exigence d'absences prolongées ou répétées, la nécessité du remplacement du salarié doit être démontrée et, surtout, ce remplacement doit être définitif, si bien qu'en pratique, un autre salarié doit être engagé par contrat à durée indéterminée (13). Faute que ces conditions soient réunies, malgré l'inévitable prise en compte de l'état de santé du salarié (14), la sanction demeure une absence de cause réelle et sérieuse et non la nullité du licenciement (15).

Par la décision commentée, la Chambre sociale apporte une nouvelle limite à ce type de licenciement : le juge doit rechercher si le licenciement ne résulte pas d'une altération de santé découlant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, auquel cas le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. L'employeur ne peut se prévaloir d'une altération de l'état de santé dont il est responsable pour licencier un salarié (16).

L'analogie avec le harcèlement moral ou sexuel vient immédiatement à l'esprit. On se souviendra, en effet, que le licenciement en raison des absences répétées ou prolongées d'un salarié victime de harcèlement moral ou sexuel (17) est sanctionné par la nullité compte tenu des prescriptions du Code du travail qui interdisent un tel licenciement (18). De manière plus générale, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité déteint très souvent sur la qualification de la rupture du contrat de travail comme le démontre la jurisprudence relative à la prise d'acte de la rupture (19) ou à la résiliation judiciaire (20) du contrat de travail produisant alors les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

  • Un licenciement causé par la désorganisation de l'entreprise ou par l'état de santé du salarié ?

Si la règle posée semble logique, elle pourrait avoir pour effet de restreindre assez sérieusement le champ de ce motif de licenciement. Celui-ci pourra encore être invoqué lorsque les absences du salarié seront liées à une altération de l'état de santé sans aucun lien avec son travail, par exemple en cas de répétition de maladies non professionnelles. En revanche, dès lors qu'un lien avec le travail pourra être établi, un doute s'instillera quant à l'éventualité d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et, à tout le moins, le juge aura la charge de rechercher si ce lien existe.

Une autre remarque, plus théorique, peut être formulée s'agissant cette fois des fondements de ce motif de licenciement. Comme nous l'avons rappelé, les magistrats de la Cour de cassation, Assemblée plénière en tête, considèrent qu'il ne s'agit pas d'un licenciement justifié par l'état de santé du salarié mais d'un licenciement fondé sur la désorganisation causée à l'entreprise par les absences du salarié. Somme toute, ce qui devrait donc être essentiel dans la détermination de la cause réelle et sérieuse du licenciement, c'est l'existence et l'importance de cette désorganisation et non l'origine de la maladie du salarié... En cherchant à protéger le salarié contre les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, la Chambre sociale montre tout le caractère fictif du raisonnement tendant à objectiver cette cause de licenciement et à nier qu'il repose, au moins pour partie, sur la santé du salarié.

  • Apport théorique : la prise en compte du stress et de l'épuisement professionnel

Une autre dimension doit être prise en compte dans cette décision puisque c'est, à notre connaissance, la première fois que la Chambre sociale de la Cour de cassation s'appuie sur le stress et l'épuisement professionnels de manière autonome pour motiver une de ses décisions. Il n'est, en effet, pas question ici de harcèlement moral comme cela est généralement le cas des décisions retenant l'existence d'un stress. Quant à la notion d'épuisement professionnel, elle est quasiment inédite dans les arrêts de la Chambre sociale. L'apport est peut-être essentiellement symbolique. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une véritable reconnaissance prétorienne de ces concepts sur le plan juridique.

On peut d'abord relever que la Chambre sociale, suivant ainsi les demandes de la salariée, impose aux juges du fond une recherche de causalité dont la chaîne est particulièrement étendue : une surcharge de travail a causé un stress permanent et prolongé qui a lui-même entraîné un épuisement professionnel source d'une atteinte à l'état de santé de la salariée. Ce raisonnement, très subtil, est indispensable car le stress ou les burn out peuvent résulter d'autres causes que le travail si bien qu'il est nécessaire que soit démontré le lien avec le travail pour que le manquement à l'obligation de sécurité soit avéré. A la suite de cette décision de cassation, les juges de renvoi devront donc remettre l'ouvrage sur le métier et l'on peut penser que la tâche ne sera pas aisée sur le plan probatoire. En effet, contrairement au harcèlement qui bénéficie de règles probatoires spécifiques, le stress, l'épuisement professionnel et, même, d'une certaine manière, l'obligation de sécurité relèvent des règles de preuve de droit commun.

On peut ensuite noter qu'une fois encore, l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur sert d'argument subsidiaire pour sanctionner des comportements étrangers aux concepts juridiques du droit du travail. Si cela n'a rien d'étonnant, il serait certainement préférable qu'un cadre législatif intervienne pour définir et encadrer les risques psychosociaux dans notre pays. La seule tentative de mesures générales résulte de l'ANI sur le stress au travail dont les insuffisances ont été souvent dénoncées si bien que l'on peut malheureusement demeurer pessimiste quant à l'avènement d'un régime légal plus détaillé et solide que ne l'est le seul soutien de l'obligation de sécurité de l'employeur.


(1) L. Lerouge, La reconnaissance d'un droit à la protection de la santé mentale en droit du travail, LGDJ, Bibl. droit social, t. 40, 2005 ; P. Adam, La prise en compte des risques psychosociaux par le droit du travail français, Dr. ouvr., 2008, p. 315 ; D. Jourdan, P.- H. Antonmattei, A. Derue, M. Morand, Les risques psychosociaux, éditions Lamy, 2010 ; F. Pelletier, K. Bézille, L'entreprise à l'épreuve des risques psychosociaux, éditions Liaisons, 2011.
(2) V. l'accord cadre du 8 octobre 2004 avec les commentaires d'Y. Lasfargue.
(3) P.- Y. Verkindt, L'ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail entre lumière et ombre, JCP éd. S, 2008, 483 ; B. Legros, La transposition de l'accord-cadre européen du 8 octobre 2004 sur le stress au travail, JCP éd. S, 2009, 1264.
(4) V. les décisions citées par l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E4547EXP). De manière plus autonome, v. également Cass. civ. 2, 8 novembre 2012, n° 11-23.855, F-D (N° Lexbase : A6811IW8) et les obs. de M. Del Sol, Accident cardiaque du salarié : les pratiques managériales liées au stress au révélateur de l'obligation de sécurité et de la faute inexcusable, Lexbase Hebdo n° 510 du 20 décembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4958BTS).
(5) Cass. civ. 2, 10 mai 2007, n° 06-10.230, FS-P+B (N° Lexbase : A1135DWX) et les obs. de Ch. Willmann, La qualification d'accident du travail du suicide consécutif à un harcèlement moral, Lexbase Hebdo n° 261 du 24 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1670BBH).
(6) Notamment F. Pelletier, K. Bézille, préc., pp. 29-32. V. tout de même une décision relative à une qualification de harcèlement moral appuyée, notamment, sur un état d'épuisement professionnel, Cass. soc., 23 mars 2011, n° 08-45.140, F-D (N° Lexbase : A7587HIT). D'autres risques psychosociaux sont encore totalement ignorés en tant que tel : alcoolisme, addictions diverses, isolement professionnel, etc..
(7) Nous soulignons.
(8) Comme toujours, l'adverbe notamment joue un rôle fondamental permettant, par exemple, d'étendre cette obligation de prévention à d'autres situations que celles de harcèlement.
(9) Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.019, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6087ERU) et nos obs., La vigueur retrouvée de l'obligation de sécurité de résultat, Lexbase Hebdo n° 383 du 18 février 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2358BNN).
(10) Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-40.144, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6060ERU).
(11) Arrêt "Snecma", Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45.888, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3292D73) et les obs. de Ch. Radé, L'obligation de sécurité de l'employeur plus forte que le pouvoir de direction, Lexbase Hebdo n° 297 du 20 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4384BE4).
(12) Cass. soc., 16 juillet 1998, n° 97-43.484, publié (N° Lexbase : A3150ABB) ; Dr. soc., 1998, p. 950, obs. A. Mazeaud ; RJS, 1998, p. 728.
(13) Cass. soc., 18 octobre 2007, n° 06-44.251, FS-P+B (N° Lexbase : A8190DYY) ; Ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-43.334, P+B+R+I (N° Lexbase : A1067HP9) et les obs. de G. Auzero, La notion de remplacement définitif précisée à son tour par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 438 du 5 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1350BSS).
(14) Ce qui n'est pas l'avis de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, v. Ass. plén. 22 avril 2011, préc..
(15) Cass. soc., 14 décembre 2005, n° 04-41.787, F-D (N° Lexbase : A0116DMA) ; Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 08-41.879, F-P+B (N° Lexbase : A1132ELI) et les obs. de G. Auzero, De l'office du juge en cas de licenciement d'un salarié malade, Lexbase Hebdo n° 365 du 1er octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9394BLI).
(16) Cela peut être analysé comme une forme altérée d'application de l'adage Nemo auditur..., la turpitude étant caractérisée par le manquement à l'obligation de sécurité.
(17) Cass. soc., 11 octobre 2006, n° 04-48.314, F-P+B+R (N° Lexbase : A7726DRL) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Licenciement d'un salarié absent : le harcèlement moral affiche sa singularité, Lexbase Hebdo n° 233 du 26 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4311ALA) ; Cass. soc., 16 décembre 2010, n° 09-41.640, F-D (N° Lexbase : A2490GNK).
(18) C. trav., art. L. 1152-3 (N° Lexbase : L0728H9T) ; C. trav., art. L. 1153-4 (N° Lexbase : L0741H9C).
(19) V. par ex. Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 09-70.838, FS-P+B (N° Lexbase : A9810GPZ) et nos obs., Prise d'acte, obligation de sécurité et charge de la preuve, Lexbase Hebdo n° 425 du 27 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1679BRM).
(20) Dans une affaire où la résiliation judiciaire était demandée en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, v. Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B (N° Lexbase : A1271IIW) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur peut-il s'exonérer de son obligation de sécurité de résultat ?, Lexbase Hebdo n° 482 du 19 avril 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1460BTA).

Décision

Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.082, FS-P+B (N° Lexbase : A9750I9Y)

Cassation partielle, CA Lyon, 8 juin 2011, n° 10/00464 (N° Lexbase : A0707HUQ)

Textes visés : C. trav., art. L. 1232-1 (N° Lexbase : L8291IAC), L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ)

Mots-clés : stress professionnel, épuisement professionnel, obligation de sécurité, licenciement, désorganisation de l'entreprise

Liens base : (N° Lexbase : E3245ETD)

newsid:436354

Sécurité sociale

[Brèves] Plafonds de ressources opposables aux veuves de guerre

Réf. : Circ. CNAV, n° 2013/21, du 25 mars 2013, allocation de vieillesse - allocation supplémentaire - allocation de solidarité aux personnes âgées - allocation supplémentaire d'invalidité - plafonds de ressources opposables aux veuves de guerre (N° Lexbase : L4015IWM)

Lecture: 1 min

N6403BTC

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Le 28 Mars 2013

La circulaire CNAV, n° 2013/21, du 25 mars 2013, allocation de vieillesse - allocation supplémentaire - allocation de solidarité aux personnes âgées - allocation supplémentaire d'invalidité - plafonds de ressources opposables aux veuves de guerre (N° Lexbase : L4015IWM), précise les montants des différents plafonds de ressources opposables aux veuves de guerre à compter du 1er avril 2012 à la suite de la diffusion d'une nouvelle valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité par arrêté du 13 février 2013 (N° Lexbase : L2548IWB) (sur le principe de la condition de ressource pour bénéficier de l'allocation supplémentaire, cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E4005ACC).

newsid:436403

Sécurité sociale

[Brèves] Le coût d'exploitation d'un médicament participe à l'évaluation de son prix

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 356661, mentionné au recueil Lebon (N° Lexbase : A8583KA7)

Lecture: 2 min

N6342BT3

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Le 28 Mars 2013

Le Conseil d'Etat pour établir une d'erreur manifeste d'appréciation du Comité économique des produits de santé (CEPS) dans la fixation d'un prix d'un médicament doit être en mesure d'apprécier l'évaluation des charges nécessaires à l'exploitation par la société de cette spécialité au regard des volumes de vente prévus. Telle est la décision retenue par le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 20 mars 2013 (CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 356661, mentionné au recueil Lebon N° Lexbase : A8583KA7).
Dans cette affaire, les demandes d'une société tendant à l'inscription d'un médicament sur la liste des médicaments remboursables mentionnée à l'article L. 162-17 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6906IR9) et sur la liste des médicaments agréés aux collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6912IRG) ont été rejetées par des décisions implicites du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé ainsi que par une décision du 6 juillet 2011 du Comité économique des produits de santé. La société demande au Conseil d'Etat d'enjoindre au CEPS d'accepter un certain prix pour la boîte d'un médicament, produit par la société intéressée, et d'enjoindre aux ministres chargés de la Sécurité sociale et de la Santé de procéder, dès la fixation de ce prix, à l'inscription de la spécialité sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 du Code de la Sécurité sociale et L. 5123-2 du Code de la santé publique. Postérieurement à l'introduction des requêtes, par deux arrêtés du 21 septembre 2012 (N° Lexbase : L1090IUW N° Lexbase : L1096IU7), publiés au Journal officiel du 25 septembre 2012, ces spécialités ont été inscrites sur ces listes. Ainsi, le Conseil d'Etat souligne que, dans ces conditions, l'annulation des refus précédemment opposés est devenue sans objet, il n'y a pas lieu de statuer dessus. En l'espèce, le CEPS, après avoir demandé à la société des précisions sur ses coûts d'exploitation, a fixé les prix du médicament à un prix inférieur à la dernière proposition de la société. La société requérante soutient que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard à l'écart entre les charges auxquelles elle doit faire face et les prix fixés par le comité, qui ne lui permettent pas d'atteindre un seuil de rentabilité suffisant pour poursuivre l'exploitation de ces spécialités. Toutefois, l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'apprécier l'évaluation des charges nécessaires à l'exploitation par la société de cette spécialité médicamenteuse au regard des volumes de vente prévus pour chacun des dosages. Dès lors, le Conseil d'Etat estime avoir besoin d'une expertise avant de statuer sur la requête (sur l'établissement d'une liste de médicaments remboursables, cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E8311ABG).

newsid:436342

Sécurité sociale

[Brèves] Discrimination dans l'attribution de l'allocation de reconnaissance

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 345648, mentionné au recueil Lebon (N° Lexbase : A8540KAK)

Lecture: 2 min

N6404BTD

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Le 28 Mars 2013

Le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux seuls ressortissants de statut civil de droit local est discriminatoire, comme excluant les anciens membres des formations supplétives de statut civil de droit commun. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 20 mars 2013 (CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 345648, mentionné au recueil Lebon N° Lexbase : A8540KAK)
Dans cette affaire, M.A., qui est né français en Algérie en 1922 et a combattu en qualité de membre des formations supplétives de l'armée française en Algérie, a demandé à bénéficier, par la voie dérogatoire prévue à l'article 9 de la loi du 23 février 2005, de l'allocation de reconnaissance destinée aux rapatriés, anciens membres des formations supplétives et assimilés. Le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de cette allocation en considérant que celle-ci était réservée aux anciens supplétifs de statut civil de droit local. L'intéressé soutient que la condition relative au statut civil de droit local a été abrogée tant par la loi du 23 février 2005 que par la décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel du 4 février 2011 (N° Lexbase : A1688GRX), et que le maintien de cette condition serait, en tout état de cause, constitutif d'une discrimination illégale envers les anciens membres des formations supplétives de statut civil de droit commun. La décision du Conseil constitutionnel avait précisé "qu'en instituant les allocations et rentes de reconnaissance et aides spécifiques au logement précitées en faveur des anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie et qui ont fixé leur domicile en France ou dans un autre Etat de l'Union européenne, le législateur a décidé de tenir compte des charges entraînées par leur départ d'Algérie et leur réinstallation dans un Etat de l'Union européenne ; que, pour ce faire, il a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, instituer un critère de résidence en lien direct avec l'objet de la loi ; qu'en revanche, il ne pouvait, sans méconnaître ce même principe, établir, au regard de l'objet de la loi, de différence selon la nationalité ; qu'en conséquence, doivent être déclarés contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit". Le Conseil d'Etat affirme que le Premier ministre ne pouvait pas, sans commettre une erreur de droit, se fonder sur la circonstance que l'intéressé était soumis au statut civil de droit commun et non au statut civil de droit local pour lui refuser l'allocation litigieuse. Une telle différence de traitement n'est pas justifiée.

newsid:436404

Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 18 au 22 mars 2013

Lecture: 3 min

N6362BTS

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Le 28 Mars 2013

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Proposition de modification de son contrat pour motif économique/Refus du salarié

- Cass. soc., 20 mars 2013, n° 11-27.806, F-D (N° Lexbase : A5975KAK) : équivaut à un refus de la proposition de modification de son contrat pour motif économique, le fait pour une salariée à qui était proposée une affectation à un poste d'attaché de direction à Papeete de répondre que le lieu d'exercice de ses fonctions était fixé en métropole par son contrat de travail sans limitation de durée et qu'un protocole d'accord la liant à la société prévoyait une garantie d'emploi jusqu'au 1er juillet 2011, (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8967ESW).

  • Réorganisation de l'entreprise/Sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise

- Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-13.669, F-D (N° Lexbase : A5905KAX) : la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou, si celle-ci appartient à un groupe, du secteur d'activité de ce dernier. Les licenciements sont ainsi dépourvus de cause économique lorsque les chiffres produits par l'employeur faisaient état d'une diminution régulière du chiffre d'affaires de la société entre juin 2004 et juin 2007, d'une stabilisation au cours de l'exercice 2006-2007 et d'un maintien lors de l'exercice 2007-2008 ; les résultats nets du secteur d'activité du groupe démontraient que la réorganisation opérée au milieu de l'année 2007, même si elle tenait compte de contraintes logistiques et matérielles, n'était pas pour autant destinée à prévenir des difficultés économiques prévisibles ni une menace avérée ou à venir mettant en péril la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartenait la société (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9290ESU).

  • Faute grave/Niveau de responsabilité du salarié

- Cass. soc., 20 mars 2013, n° 11-28.747, F-D (N° Lexbase : A5793KAS) : rendent impossible son maintien dans l'entreprise et constituent une faute grave, les fautes commises par le salarié lorsque ce dernier, chargé d'établir des comptes de résultats mensuels et annuels devant traduire des coûts réels et la valorisation réelle des stocks, ne s'était à aucun moment inquiété, au cours de l'exercice 2008, de l'écart éventuel entre sa valorisation du stock en septembre 2007 sur la base des coûts standards et la valorisation des stocks arrêtés à la fin de l'exercice 2007 à partir des coûts réels, ce qui a conduit à la découverte, plus d'un an après, d'une variation de 884 000 euros de nature à modifier sérieusement les résultas mensuels et le résultat final de l'entreprise (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9165ESA).

  • Faute grave/Stratégie de contournement des consignes

- Cass. soc., 20 mars 2013, n° 11-26.593, F-D (N° Lexbase : A5759KAK) : rend impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et constitue une faute grave le fait qu'une salariée, monitrice-adjointe, entretenait avec une jeune fille accueillie au sein du foyer des relations dépassant le cadre des rapports devant exister entre un éducateur et un pensionnaire, contrecarrant ainsi la mission éducative découlant de son contrat de travail et perturbant l'équilibre psychologique déjà fragile de l'adolescente, et qu'elle ait délibérément mis en place une stratégie de contournement des consignes de l'employeur destinées à mettre fin à ces relations (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9165ESA).

  • Récusation/Cause de suspicion légitime

- Cass. soc., 20 mars 2013, n° 11-26.273, F-D (N° Lexbase : A5829KA7) : les procédures de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime qui ne portent pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concernent pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) ; la cour d'appel, qui a retenu que le pouvoir spécial prévu à l'article 343 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2080H4S), qui n'était pas joint à la requête ni produit lors de l'audience, lui avait été adressé en cours de délibéré sans que le président n'ait autorisé la production de cette pièce, a légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3790ETK).

newsid:436362

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