Jurisprudence : Cass. soc., 13-03-2013, n° 11-21.150, FS-P+B, Rejet

Cass. soc., 13-03-2013, n° 11-21.150, FS-P+B, Rejet

A9661I9P

Référence

Cass. soc., 13-03-2013, n° 11-21.150, FS-P+B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8034368-cass-soc-13032013-n-1121150-fsp-b-rejet
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Abstract

Même si l'essentiel du régime des clauses de non-concurrence a été réaménagé par la Cour de cassation après le "tsunami" intervenu en 2002, la Cour de cassation continue, par petites touches, d'ajuster les règles applicables. L'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.



SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 13 mars 2013
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 463 FS-P+B sur le premier moyen
Pourvoi no S 11-21.150
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Secomat ingenierie industrielle, société anonyme, dont le siège est Martigues cedex,
contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2011 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. Benoît Y,
domicilié Pornichet,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 février 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Ducloz, conseiller référendaire rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, MM. ..., ..., ..., ..., ..., Mmes ..., ..., ..., ... ...,
M. Hascher, conseillers, Mme Mariette, MM. Flores, Becuwe, Hénon, Mme Brinet, M. David, conseillers référendaires, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société Secomat ingenierie industrielle, l'avis de Mme Taffaleau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juillet 2011), que M. Y a été engagé le 29 janvier 2008 par la société Secomat ingenierie industrielle en qualité d'ingénieur cadre ; que son contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence dont il pouvait être libéré par l'employeur " soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée " ; que le salarié a démissionné le 12 novembre 2008, la fin de son préavis devant intervenir le 12 février 2009 ; que l'employeur a accepté que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et a, par courrier du 6 février 2009 adressé le 9 février suivant, libéré celui-ci des obligations de la clause de non-concurrence; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des congés payés afférents, alors, selon le moyen
1o/ que l'exécution du contrat de travail se poursuit, en principe, pendant la durée du préavis ; que, selon le contrat de travail, l'employeur pouvait libérer le salarié de la clause de non-de concurrence, " soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat de travail soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée " ; que cette stipulation claire et précise autorisait l'employeur à exercer sa faculté de renonciation au moins tout au long de l'exécution du contrat de travail et, partant, pendant l'intégralité du préavis ; que, dès lors, en considérant que cette clause, qu'elle a tenue pour ambigüe, devait être interprétée comme interdisant à l'employeur à renoncer à la clause de non-concurrence au-delà d'un délai raisonnable suivant la notification à l'employeur de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2o/ que l'inexécution du préavis n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat de travail prend fin ; qu'en considérant que l'employeur avait notifié tardivement au salarié sa renonciation à la
clause de non-concurrence, après avoir relevé que sa renonciation était antérieure à la date à laquelle le préavis, partiellement inexécuté, aurait dû expirer et que le contrat prévoyait que le contrat pouvait être rompu tout au long de l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-4 du code du travail et 1134 du code civil ;
3o/ que lorsqu'un salarié démissionne, le préavis, dont l'exécution constitue pour celui-ci une obligation, a pour objet principal de permettre à l'employeur de pourvoir à son remplacement ; qu'en considérant, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel l'employeur avait notifié au salarié sa renonciation à la clause de non-concurrence, que le préavis avait pour objet de permettre au salarié démissionnaire de rechercher un nouvel emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires ;
Attendu que l'arrêt a relevé que, si le préavis s'achevait le 12 février 2009, l'employeur avait accepté que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et ne l'avait libéré de son obligation de non-concurrence que par courrier du 6 février 2009 posté le 9 février suivant ;
Qu'il en résulte que la renonciation de l'employeur à l'exécution de l'obligation de non-concurrence était tardive, et que le salarié avait droit au paiement de la contrepartie financière ;
Que, par ce motif, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

Sur le second moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, alors, selon le moyen
1o/ que dans sa lettre du 19 février 2009, l'employeur indiquait au salarié qu'il avait renoncé à la clause de non-concurrence dans un délai raisonnable suivant l'expiration du contrat de travail correspondant au dernier jour travaillé du délai de préavis ; que, par la suite, il a défendu, tant en première instance qu'en appel, exactement la même thèse ; qu'en considérant, pour retenir une résistance fautive de la part de l'employeur, que celui-ci avait, dans un premier temps, admis que sa renonciation doive intervenir dans un délai raisonnable suivant la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé cette lettre, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2o/ que la défense à une action en justice ne constitue pas, sauf abus qu'il appartient au juge de caractériser, une faute ; qu'en se déterminant par des considérations impropres à établir une résistance abusive à la demande du salarié, fondée sur une clause du contrat de travail dont elle avait relevé le caractère ambigu, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que le moyen ne tend, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation et de violation de la loi, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond par laquelle ceux-ci ont estimé que la résistance de l'employeur à exécuter son obligation de payer la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence avait occasionné au salarié un préjudice dont ils ont évalué l'étendue ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Secomat ingenierie industrielle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Secomat ingenierie industrielle ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Secomat ingenierie industrielle.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR a condamné la société Secomat ingénierie industrielle à verser à M. Y les sommes de 6.720 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, de 672 au titre des congés payés y afférents et de 200 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de son contrat de travail, M. Y s'interdisait d'entrer au service ou de s'intéresser directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit à une entreprise concurrente, notamment des entreprises fournissant des prestations d'ingénierie, pendant une période d'un an à compter de la cessation effective du contrat et ce sur la région Atlantique ; que le contrat prévoyait que l'employeur pouvait libérer le salarié de cette interdiction de concurrence, " soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat de travail soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée " ; qu'en l'espèce, par lettre du 12 novembre 2008, M. Y a fait connaître à son employeur son intention de démissionner de son emploi en sollicitant que sa période de préavis expirant le 12 février 2009 soit écourtée et vienne à expiration le 16 janvier 2009 ; que par lettre du 6 janvier 2009, l'employeur a accepté que le contrat de travail vienne à expiration le 23 janvier 2009 au soir ; que par lettre du 6 février 2009, postée le 9 février suivant, la société Secomat a libéré son salarié des obligations de la clause de non-concurrence ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles sur ce point, le contrat de travail a certes prévu la faculté pour l'employeur de libérer le salarié de l'interdiction de concurrence notamment, " à l'occasion de la cessation du contrat de travail ", mais sans définir les modalités de cette renonciation dans une telle hypothèse et sans permettre pour autant à l'employeur, comme le soutient la société Secomat, d'exercer cette faculté jusqu'à l'expiration du contrat de travail ; qu'en effet, cette clause, ambigüe dans sa formulation, ne le précise pas explicitement ; que le préavis ayant pour objet de permettre au salarié de rechercher un nouvel emploi, il importe qu'il connaisse dès que la rupture du contrat est acquise, l'étendue exacte de sa liberté du travail à laquelle la clause de non-concurrence a apporté restriction ; que, dès lors qu'en l'espèce, les dispositions contractuelles relatives à la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence, ne fixent pas précisément le délai pendant lequel peut s'exercer cette renonciation, celle-ci doit donc être effectuée dans un délai raisonnable à compter de la date de notification à l'employeur de la démission, et non comme le soutient la société Secomat, jusqu'à la date de la cessation du contrat de travail ; qu'il n'est pas contesté que la société Secomat a reçu notification de la démission du salarié le 12 novembre 2008 ; que la renonciation à la clause de non-concurrence par lettre recommandée postée le 9 février 2009 alors que le contrat de travail avait pris fin par accord entre les parties le 23 janvier 2009, et que le préavis devait normalement expirer le 12 février 2009, doit être considérée comme n'étant pas intervenue dans un délai raisonnable à compter de la connaissance par l'employeur de la rupture du contrat ; qu'en effet, sans raison objective, le salarié a ignoré pendant la quasi-totalité du délai théorique de préavis, l'exacte étendu de sa liberté de travail à laquelle la clause litigieuse apportait restriction ; que le jugement qui a considéré que le délai écoulé entre la fin du contrat de travail et la date de renonciation à l'interdiction de concurrence était raisonnable sera donc infirmé ;
ALORS, 1o), QUE l'exécution du contrat de travail se poursuit, en principe, pendant la durée du préavis ; que, selon le contrat de travail, l'employeur pouvait libérer le salarié de la clause de non-de concurrence, " soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat de travail soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée " ; que cette stipulation claire et précise autorisait l'employeur à exercer sa faculté de renonciation au moins tout au long de l'exécution du contrat de travail et, partant, pendant l'intégralité du préavis ; que, dès lors, en considérant que cette clause, qu'elle a tenue pour ambigüe, devait être interprétée comme interdisant à l'employeur à renoncer à la clause de non-concurrence au-delà d'un délai raisonnable suivant la notification à l'employeur de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 2o), QUE l'inexécution du préavis n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat de travail prend fin ; qu'en considérant que l'employeur avait notifié tardivement au salarié sa renonciation à la clause de non-concurrence, après avoir relevé que sa renonciation était antérieure à la date à laquelle le préavis, partiellement inexécuté, aurait dû expirer et que le contrat prévoyait que le contrat pouvait être rompu tout au long de l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-4 du code du travail et 1134 du code civil ;
ALORS, 3o) et en tout état de cause, QUE lorsqu'un salarié démissionne, le préavis, dont l'exécution constitue pour celui-ci une obligation, a pour objet principal de permettre à l'employeur de pourvoir à son remplacement ; qu'en considérant, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel l'employeur avait notifié au salarié sa renonciation à la clause de non-concurrence, que le préavis avait pour objet de permettre au salarié démissionnaire de rechercher un nouvel emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-1 du code du travail et 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Secomat ingénierie industrielle à payer à M. Y la sommes de 200 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE, dans sa lette du 19 février 2009, l'employeur faisait une exacte analyse des conditions de sa renonciation à la clause de non-concurrence mais a, par la suite, entendu assimiler rupture du contrat de travail avec le terme de ce contrat ; que la résistance opposée à M. Y a été génératrice d'un préjudice moral dont la réparation sera évaluée à 200 euros ;
ALORS, 1o), QUE, dans sa lettre du 19 février 2009, l'employeur indiquait au salarié qu'il avait renoncé à la clause de non-concurrence dans un délai raisonnable suivant l'expiration du contrat de travail correspondant au dernier jour travaillé du délai de préavis ; que, par la suite, il a défendu, tant en première instance qu'en appel, exactement la même thèse ; qu'en considérant, pour retenir une résistance fautive de la part de l'employeur, que celui-ci avait, dans un premier temps, admis que sa renonciation doive intervenir dans un délai raisonnable suivant la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé cette lettre, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 2o) et en tout état de cause, QUE la défense à une action en justice ne constitue pas, sauf abus qu'il appartient au juge de caractériser, une faute ; qu'en se déterminant par des considérations impropres à établir une résistance abusive à la demande du salarié, fondée sur une clause du contrat de travail dont elle avait relevé le caractère ambigu, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

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