Réf. : Cass. civ. 2, 26 novembre 2015, n° 14-26.240, F-P+B (N° Lexbase : A0798NY9)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"
Le 10 Décembre 2015
Résumé
Ayant pour objet exclusif la prise en charge (ou le refus de prise en charge) au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie (ou de la rechute), la décision prise par la caisse (dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6170IEA), dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 (décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, relatif à la procédure d'instruction des déclarations d'accidents du travail et maladies professionnelles N° Lexbase : L5899IE9, applicable le 1er janvier 2010) est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. |
Commentaire
I - Régime de l'opposabilité d'une décision de prise en charge d'une maladie liée à l'amiante
La décision de prise en charge d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle entraîne des conséquences sévères pour l'employeur (majoration du taux d'accident du travail et risque d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable engagée par le salarié). C'est pourquoi l'employeur dispose de deux leviers : la remise en cause du caractère professionnel de l'accident/maladie (présomption d'imputabilité) ; la possibilité de se prévaloir d'une inopposabilité de la décision de la CPAM, notamment fondée sur le non-respect de l'obligation d'information de la caisse. La matière est essentiellement contentieuse, et peu investie par les travaux universitaires (7).
A - Régime de la décision prise par la caisse
Dès lors que la caisse a eu connaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, elle engage l'instruction de la demande de prise en charge.
1 - Instruction : principe du contradictoire
Le principe du contradictoire est au coeur de la procédure d'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie professionnelle déposée par le salarié. La jurisprudence posée par la Cour de cassation montre la grande sensibilité à cette question.
Ainsi, la Cour a admis que le caractère contradictoire de la procédure d'instruction a été respecté dès lors que le certificat médical faisant état de la rechute a été transmis à l'employeur avec l'indication qu'une procédure d'instruction était mise en oeuvre, que l'employeur a été informé de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier pendant un délai de dix jours et, que le représentant de l'employeur, venu consulter le dossier n'a formulé aucune observation sur son contenu, notamment en ce qui concerne l'avis du médecin-conseil rattachant la rechute à l'accident initial (8).
Dans un avis du 20 septembre 2010 (Cass. avis, 20 septembre 2010, n° 0100005P N° Lexbase : A6524GAU), la Cour de cassation a estimé que le respect du principe de la contradiction dans la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie est satisfait par le seul envoi à l'employeur par la caisse d'une lettre l'informant de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision (9).
2 - Procédure
Les principes de la procédure sont régis par quelques règles :
- délai d'instruction du dossier. La caisse dispose de trente jours en cas d'accident et de trois mois, en cas de maladie, pour statuer sur leur caractère professionnel ;
- décision implicite. En l'absence de décision de la caisse dans le délai de trente jours (accident) ou de trois mois (maladie) et sous réserve d'une prolongation, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu implicitement (CSS, art. R. 441-10 N° Lexbase : L6170IEA) ;
- information. La caisse doit s'acquitter de son obligation d'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur (décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ; CSS, art. R. 441-14). Mais la caisse primaire n'est pas tenue de recueillir les observations des ayants droit de la victime décédée d'un accident du travail sur les circonstances et les causes de l'accident (10) ;
- réserves de l'employeur. L'employeur a la possibilité d'émettre des réserves, en cas de décès de la victime. Si la caisse l'estime nécessaire, une procédure d'enquête et de contrôle est menée par l'envoi d'un questionnaire et la caisse est tenue d'informer les parties sur ses investigations (CSS, art. R. 441-14, al. 3). Plus largement, la victime ou ses ayants droit et l'employeur peuvent faire connaître leurs observations et toutes informations complémentaires ou en faire part directement à l'enquêteur de la caisse primaire (CSS, art. R. 441-12, al. 1 N° Lexbase : L7290ADD).
- expertise. La caisse peut, dès qu'elle a connaissance de l'accident par la déclaration, ou par quelque moyen que ce soit, faire procéder à un examen de la victime par un médecin-conseil. S'il y a désaccord entre le médecin-conseil et le médecin traitant sur l'état de la victime et notamment sur une question d'ordre médical touchant au caractère professionnel de la lésion ou de la maladie ou si la victime en fait la demande expresse, il est procédé à une expertise médicale (CSS, art. R. 442-1 N° Lexbase : L0817HHQ). L'avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) s'impose à la caisse ; elle n'est pas tenue de notifier l'avis du comité avant de prendre sa décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie mais seulement de notifier immédiatement cette décision (11) ;
- information de la caisse et le secret médical. Le principe du contradictoire ne revêt pas un caractère absolu. La question se pose spécialement, s'agissant du droit du salarié au secret médical. Ce droit est respecté dès lors que l'employeur peut solliciter du juge la désignation d'un expert médical indépendant à qui sont remises les pièces composant le dossier médical du salarié et dont le rapport a pour objet d'éclairer la juridiction et les parties (12).
- notification de la décision. En cas de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la décision motivée de la caisse est notifiée à l'employeur avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. La notification est faite, de la même manière, à la victime ou ses ayants droit dans le cas contraire (CSS, art. R. 441-14, al. 4).
B - Opposabilité de la décision de la caisse
1 - Typologie
Les cas d'inopposabilité d'une décision prise par la caisse, invoquée par l'employeur, sont multiples. Ils tiennent : au défaut de communication du double de la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; au défaut d'information sur les examens ou les enquêtes complémentaires ; à l'information sur la possibilité de consulter le dossier ; bref, de manière générale, au droit à l'information de l'employeur (circ. CNAMTS DRP 18/2001, 19 juin 2001 N° Lexbase : L2760KUR).
A été jugé inopposable à l'employeur, la décision prise par la caisse :
- de la fin de la procédure d'instruction, des points susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date prévisible de la décision à intervenir, ces faits relevant d'un défaut d'information par cette dernière (13) ;
- lorsque, postérieurement à la consultation du dossier par le représentant de l'entreprise, elle complète celui-ci par un rapport du comité de trois médecins et décide de la prise en charge de la maladie professionnelle sans avoir avisé l'employeur du dépôt de ce document (14) ;
- lorsque la décision de prise en charge de la maladie a été notifiée alors que l'enquête légale n'avait pas encore été effectuée, que les pièces réclamées par l'employeur ne lui ont pas été transmises et que l'avis de clôture d'enquête n'a pas été porté à sa connaissance (15) ;
- en ne laissant au dernier employeur qu'un délai de trois jours pour consulter le dossier et recueillir auprès de l'employeur directement concerné les éléments d'information nécessaires, elle n'a donc pas rempli son obligation d'information (16).
2 - Effets
Au titre de la reconnaissance du caractère professionnel d'un AT/MP, les rapports entre la caisse et l'employeur, d'une part, la caisse et le salarié, d'autre part, sont indépendants et autonomes. Aussi, l'inopposabilité d'une décision de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, ou la décision remettant en cause ce caractère professionnel, n'ont aucune influence sur la situation du salarié.
En effet, le salarié conserve le bénéfice de la reconnaissance du caractère professionnel de son accident ou de la maladie professionnelle, notamment sur le terrain indemnitaire (17).
Réciproquement, si le salarié s'est vu opposer une prise en charge au titre de la législation professionnelle et obtient finalement gain de cause après un recours, la décision de refus de prise en charge reste acquise à l'entreprise (Circ. DSS, n° 2009-267, 21 août 2009, relative à la procédure d'instruction des déclarations d'accidents du travail et maladies professionnelles N° Lexbase : L6732IE3). En ce sens, la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 5 novembre 2015, n° 13-28.373, FS-P+B+R+I, préc.) a admis que si la décision de prise en charge de l'accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute, motivée et notifiée (CSS, art. R. 441-14) revêt à l'égard de l'employeur, en l'absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif, elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci conteste, pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. En effet, pour retenir la faute inexcusable de l'employeur, les juges du fond ont constaté que les demandes d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail sont irrecevables, faute de contestation dans le délai de deux mois à compter de la notification. Cette solution a été infirmée par la Cour de cassation : l'opposabilité de cette décision ne prive pas l'employeur, dont la faute inexcusable était recherchée, de contester le caractère professionnel de l'accident.
II - Reconnaissance de la faute inexcusable et décision de la caisse de prise en charge
L'arrêt rapporté pose la question du lien entre décision de la caisse de prise en charge d'une maladie professionnelle (plus exactement, décision de refus de prise en charge) et reconnaissance d'une faute inexcusable. Stricto sensu, les deux dispositifs sont totalement distincts et le salarié peut engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable, quelle que soit la décision de la caisse, au titre de la prise en charge de la maladie professionnelle.
A - Conditions de l'action en faute inexcusable de l'employeur
Régime général de la procédure. A défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime (ou ses ayants droit) et l'employeur sur l'existence de la faute inexcusable, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités, la juridiction de la Sécurité sociale est saisie par la victime (ou ses ayants droit) ou par la caisse primaire d'assurance maladie. La victime (ou ses ayants droit) doit appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement (CSS, art. L. 452-4, al. 1 N° Lexbase : L7788I3T).
Condition d'ouverture. La reconnaissance de la faute inexcusable n'implique pas que l'accident ait été pris en charge comme tel par la caisse (18) : plus précisément, si elle ne peut être retenue que pour autant que l'accident survenu à la victime revêt le caractère d'un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable n'implique pas que l'accident ait été pris en charge comme tel par la caisse.
La décision de la caisse de prendre en charge une maladie ou un accident au titre de la législation professionnelle est acquise à la victime et n'est pas remise en cause par la contestation ultérieure de l'employeur. Ainsi, si l'employeur obtient gain de cause, le jugement est sans effet sur les droits du salarié. La prise en charge est en revanche inopposable à l'employeur (19). Dans ce dernier cas, la victime n'est pas privée du droit de demander la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de prétendre aux indemnisations complémentaires y afférent (20).
Refus de la prise en charge d'un AT/MP et voies de recours. L'employeur, mais aussi le salarié (ou ses ayants droits), peut exercer un recours dans le délai de deux mois suivant cette décision. Le recours d'un employeur tendant à se voir déclarer inopposable la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de son salarié relève, en l'absence de mise en cause du bénéficiaire, de la compétence du tribunal dans le ressort duquel se trouve le domicile de l'employeur.
Décision de la caisse inopposable. Si la décision de la caisse d'admettre le caractère professionnel de la maladie est inopposable à l'employeur, la caisse ne peut récupérer sur ce dernier, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et les indemnités versés par elle au salarié ou à ses ayants droit.
B - Appréciation judiciaire de la faute inexcusable, dans l'hypothèse de l'amiante
Faute inexcusable et maladie professionnelle liée à l'exposition aux poussières de l'amiante (tableau n° 30 b N° Lexbase : L3428IBL). La maladie professionnelle (cancer bronchique primitif) dont souffrait, en l'espèce, le salarié, était due à l'exposition à l'amiante. Or, cette maladie est inscrite au tableau n° 30 B des maladies professionnelles. A ce titre, la présomption légale d'origine professionnelle a vocation à pleinement jouer. Le tableau n° 30 bis est issu du décret n° 96-445 du 22 mai 1996 (décret n° 96-445, 22 mai 1996, modifiant et complétant les tableaux de maladies professionnelles annexés au livre IV du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9912HIX) : aussi, un salarié ayant réalisé, avant 1996, des travaux non visés par les tableaux à l'époque, ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité, laquelle peut donc être contestée par l'employeur.
En 2002 (23), la Cour de cassation a admis qu'une société, qui n'utilisait pas l'amiante comme matière première, pouvait ne pas avoir conscience que l'utilisation de ces éléments de protection et le travail à proximité de ces équipements constituaient un risque pour le salarié. Le port d'éléments de protection contre la chaleur ou l'implantation dans des locaux d'éléments d'isolation comportant de l'amiante ne faisaient l'objet, pendant la période d'emploi de l'intéressé, d'aucune disposition restrictive. En conséquence, la Cour de cassation a reconnu que la société n'a pas commis de faute inexcusable.
Appréciation judiciaire. En l'espèce (arrêt rapporté), le salarié a été exposé pendant vingt ans au risque d'inhalation de poussières d'amiante en réalisant habituellement des travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d'amiante. De plus, la société E. figurait sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante : il s'en déduit que les critères posés par le tableau n° 30 B étant remplis, le cancer bronchique primitif déclaré le 20 août 2010 par M. Y a un caractère professionnel. L'employeur a ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante ; il n'a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié. L'employeur avait commis une faute inexcusable.
La solution ne pose guère de difficultés juridiques. Elle est rappelée de manière constante aussi bien par la Cour de cassation, que par les juges du fond (en dernier lieu, CA Amiens, 16 juin 2015, n° 15/95 N° Lexbase : A0735NLS) (24).
(1) LSQ, n° 16956, 16 novembre 2015.
(2) LSQ, n° 16949, 4 novembre 2015.
(3) Nos obs., Amiante : le Conseil d'Etat admet un partage de responsabilités Etat/entreprise, mais pour la période antérieure à 1977 seulement, Lexbase Hebdo n° 635, 3 décembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N0296BWU) ; LSQ, n° 16955, 13 novembre 2015.
(4) Lexbase Hebdo n° 635, 3 décembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N0273BWZ) ; JCP éd. G, n° 48, 23 novembre 2015, 1293.
(5) Ayant été employé en qualité de chef d'équipe, à compter du 2 février 1981 jusqu'au 23 juin 2004 au sein de la Direction des chantiers navals de Toulon, le salarié a déclaré une affection au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles, prise en charge le 22 septembre 2004 par la caisse du Var. Il a saisi une juridiction de Sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur : rejet du pourvoi formé par le salarié devant la Cour de cassation, sous couvert de défaut de base légale, violation de la loi et méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B), dans la mesure où le moyen ne tend qu'à remettre en question devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à l'examen des juges du fond qui n'étaient pas tenus de procéder à la recherche énoncée à la première branche.
(6) JCP éd. G, n° 48, 23 novembre 2015, 1293. Employé en qualité d'électromécanicien intérimaire par la société M., mis à disposition de la société A., par contrat du 22 novembre 2010, le salarié a été victime le même jour d'un accident vasculaire cérébral alors qu'il se rendait à Séoul dans le cadre de sa mission. La caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle. Le salarié a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. La cour d'appel (CA Dijon, 24 octobre 2013, n° 13/00521 N° Lexbase : A5219KNM), pour retenir la faute inexcusable, s'est bornée à constater que les demandes d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail sont irrecevables, faute de contestation dans le délai de deux mois à compter de la notification. L'employeur forme un pourvoi en cassation auquel la Haute juridiction accède. L'opposabilité de cette décision ne privait pas l'employeur, dont la faute inexcusable était recherchée, de contester le caractère professionnel de l'accident.
(7) P. Baby, Risques professionnels : la consultation du dossier d'instruction par l'employeur est-elle utile ?, JCP éd. S, 2010, 1159 ; P. Baby et P. Coursier, Risques professionnels : de la nécessité de réformer à nouveau la procédure d'instruction des déclarations, JCP éd. S, 2010, 1158 ; P. Coursier, Vers une régression des droits des usages de la Sécurité sociale ?, Gaz. Pal., 2006, 2, doctr. p. 2354 ; Faut-il modifier la procédure de reconnaissance des AT-MP ?, SSL, 2009, n° 1394, p. 7 ; J. Perotto et V. Mayer, Réflexions sur l'appréciation de la nature professionnelle d'un accident ou d'une maladie en droit du travail et en droit de la Sécurité sociale, JCP éd. S, 2007, 1215 ; G. Vachet, Opposabilité à l'employeur des décisions des caisses de sécurité sociale en matière de risques professionnels, JCP éd. S, 2007, 1725. V. aussi G. Chastagnol, Fasc. 313-10, Action en contestation de la reconnaissance d'un AT/MP - Conseils pratiques, J.-Cl. Protection sociale, mise à jour le 15 juin 2015.
(8) Cass. civ. 2, 8 janvier 2009, n° 07-15.676, FS-P+B (N° Lexbase : A1533ECR), JCP éd. S, 2009, 1168, note D. Asquinazi-Bailleux ; JCP éd. S, 2009, 1088, note T. Tauran.
(9) Cass. avis, 20 septembre 2010, n° 0100005P, RJS, 2011, n° 76.
(10) Cass. civ. 2, 20 septembre 2012, n° 11-23.847, F-P+B (N° Lexbase : A2601ITI), Bull. civ. II, n° 147 : la caisse primaire n'est pas tenue de recueillir les observations des ayants droit de la victime décédée d'un accident du travail sur les circonstances et les causes de cet accident.
(11) Cass. civ. 2, 15 mars 2012, n° 10-27.695, FS-P+B (N° Lexbase : A8785IE4), Bull. civ. II, n° 52 (viole l'article D. 461-30, dernier alinéa du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9509IGB, une cour d'appel qui, pour déclarer inopposable à un employeur la maladie professionnelle déclarée par une victime, retient que la caisse n'a pas envoyé à l'employeur la notification faite à la victime de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, pièce susceptible de faire grief, avant de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, alors que l'avis du comité s'impose à la caisse et que celle-ci a pour seule obligation de notifier immédiatement sa décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie et, dès lors, n'est pas tenue de notifier l'avis du comité avant de prendre sa décision) ; Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.440, F-P+B (N° Lexbase : A9419KEL), Bull. civ. II, n° 108 (dès lors que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles s'impose à la caisse, celle-ci n'est pas tenue de le notifier à l'employeur avant de prendre sa décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie mais seulement de lui notifier immédiatement cette décision).
(12) CEDH, 27 mars 2012, Req. 20041/10 (N° Lexbase : A2663IKT), JCP éd. E, 2012, 1598, n° 11, obs. J. Colonna et V. Renaux-Personnic. Biblio. : F. Muller, Accidents professionnels, secret médical et principe du contradictoire, JCP éd. S, 2008, 1546 ; A.-E. Credeville, Le secret médical et la preuve judiciaire ou le secret médical mis en perspective, D., 2009, p. 2645.
(13) Cass. civ. 2, 16 septembre 2003, n° 02-31.017, F-D (N° Lexbase : A5575C9D) (la caisse s'était bornée à procéder à l'audition de l'employeur au cours de l'enquête administrative et à produire l'imprimé de demande d'attribution de rente complété par celui-ci, sans démontrer l'avoir informé, avant sa décision, des points susceptibles de lui faire grief. L'organisme social n'a pas satisfait à son obligation d'information et la décision de prise en charge était inopposable à la société O.) ; Cass. civ. 2, 23 octobre 2008, n° 07-20.085, F-D (N° Lexbase : A9452EAC) (la caisse n'a pas informé l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de prendre connaissance du dossier avant la date à laquelle elle envisageait de prendre sa décision sur la demande de prise en charge).
(14) Cass. soc., 23 janvier 2003, n° 01-20.260, inédit (N° Lexbase : A7278A4C) (postérieurement à la consultation du dossier constitué par la caisse primaire d'assurance maladie par le représentant de la société E., ce dossier avait été complété par le rapport du collège de trois médecins, et la caisse avait décidé de la prise en charge sans avoir avisé la société du dépôt de ce document ; elle a pu en déduire que la caisse n'avait pas satisfait à son obligation d'information, de sorte que sa décision était inopposable à la société E.).
(15) Cass. soc., 2 mars 2004, n° 02-30.966, publié (N° Lexbase : A4128DBI), Bull. civ. II, n° 80 p. 70 : l'avis donné par la caisse primaire d'assurance maladie à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne rend pas cette décision définitive à l'égard de ce dernier et ne le prive pas d'en contester l'opposabilité à l'occasion de la procédure en reconnaissance de sa faute inexcusable.
(16) Cass. civ. 2, 19 décembre 2013, n° 12-25.661, FS-P+B (N° Lexbase : A7707KSA).
(17) Cass. civ. 2, 19 février 2009, n° 08-10.544, FS-P+B (N° Lexbase : A3989ED4), Bull. civ. II, n° 58, RJS 2009, n° 469 : les rapports entre une caisse de Sécurité sociale et une victime sont indépendants des rapports entre la caisse et l'employeur de la victime. L'acquiescement de l'organisme de Sécurité sociale au jugement qui a reconnu le caractère professionnel d'une maladie n'étant pas remis en cause par l'appel postérieur de ce jugement par l'employeur, la décision rendue sur la contestation par ce dernier du caractère professionnel d'une affection demeure sans incidence sur la prise en charge au titre de la législation professionnelle de cette affection décidée par la caisse au profit de la victime.
(18) Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 06-20.348, F-P+B (N° Lexbase : A4742D7R), Bull. civ. II, n° 75, JCP éd. S, 2008, 1399, note D. Asquinazi-Bailleux. La cour d'appel a déclaré irrecevable sa demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur : en effet, l'accident survenu à M. Y n'a pas été pris en charge par la caisse au titre des accidents de travail.
(19) Cass. civ. 2, 19 février 2009, n° 08-10.544, FS-P+B, préc..
(20) Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-17.201, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0761AYT), RJS 2002, n° 618 ; Bull. civ. V, n° 81.
(21) Cass. civ. 2, 2 novembre 2004, n° 03-30.456, F-D (N° Lexbase : A7771DD8), RJS, 2005, n° 83 : le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le domicile du bénéficiaire ou de l'employeur intéressé ou le siège de l'organisme défendeur en cas de conflit entre organismes ayant leur siège dans le ressort de juridictions différentes.
(22) Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-42.401, publié (N° Lexbase : A0745A4D), Bull. civ. V, n° 356 ; Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-22.876, publié (N° Lexbase : A0742A4A), Bull. civ. V, n° 357 ; Cass. soc., 19 décembre 2002, n° 01-20.447, publié (N° Lexbase : A4913A4Q), JCP éd. E, 2003, 903, p. 1000, obs. D. Asquinazi-Bailleux, RJS 2003, n° 390 ; Cass. soc., 2 mars 2004, n° 02-30.966, publié (N° Lexbase : A4128DBI), RJS, 2004, n° 605.
(23) Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-17221, publié au bulletin (N° Lexbase : A0762AYU), Bull. civ. V, n° 81, p. 74.
(24) Lexbase Hebdo n° 621 du 16 juillet 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N8504BUI).
Décision
Cass. civ. 2, 26 novembre 2015, n° 14-26.240, F-P+B (N° Lexbase : A0798NY9) Textes concernés : CSS, art. R. 441-14 (N° Lexbase : L6170IEA) (rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable le 1er janvier 2010 N° Lexbase : L5899IE9). Mots-clés : CPAM ; décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute ; action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; effet (non) ; faute inexcusable ; caractérisation ; exposition du salarié pendant vingt ans au risque d'inhalation de poussières d'amiante ; entreprise figurant sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA ; employeur ; conscience du danger lié à l'amiante ; mesures nécessaires pour en préserver son salarié. Liens base : N° Lexbase : E3171ETM |
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Le 10 Décembre 2015
A - La nécessité d'abandonner le CDD d'usage
Alors que l'alinéa 1er du Code du travail dispose que "le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail", c'est le contrat à durée déterminée qui règne en maître au sein du sport professionnel (5). Cet état de fait ne procède nullement d'une quelconque volonté de précariser la situation des sports et entraîneurs mais, bien au contraire, de les protéger.
Il n'est, en effet, guère besoin de souligner que si ces derniers étaient employés en contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat de travail s'en trouverait facilitée, l'employeur étant autorisé à y mettre un terme en raison de l'insuffisance professionnelle du salarié ou pour des raisons économiques. Il convient, en outre, de souligner que le contrat à durée déterminée fonde, entre autres (6), l'équité des compétitions, la stabilité des équipes au cours des saisons sportives et le bon fonctionnement des clubs grâce, notamment, au système des primes de transfert, pour l'heure limité au football (7).
Si, pour toutes ces raisons, le CDD est, de longue date, privilégié dans le monde du sport professionnel, il est plus précisément recouru au CDD dit "d'usage", visé par l'article L. 1242-2, 3° du Code du travail (N° Lexbase : L1795KGL). Cela est d'autant plus logique que, parmi les différents secteurs ouverts à la pratique de ce contrat, l'article D. 1242-1 (N° Lexbase : L9571IE9) du même code vise "le sport professionnel".
Mais, on le sait, l'article L. 1242-2, 3° n'autorise pas le recours au CDD d'usage pour le seul motif que l'employeur relève, de par son activité, du secteur précité. Il faut encore qu'il puisse être démontré qu'"il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois". Or, et sans qu'il soit besoin de reprendre en détail une évolution jurisprudentielle bien connue (8), la Chambre sociale de la Cour de cassation, après avoir fait preuve d'une certaine compréhension en la matière, a, plus récemment, adopté une position plus conforme aux exigences de notre droit interne, mais aussi du droit de l'Union européenne (9).
De l'avis de nombre de commentateurs (10), il apparaissait, au vu de ces décisions, dont il faut redire qu'elles ne faisaient que mettre en oeuvre les exigences légales, que les jours du CDD d'usage étaient comptés dans le sport professionnel. Ces mêmes auteurs en appelaient à une intervention du législateur afin de sécuriser la situation des sportifs professionnels, en suggérant la création d'un CDD spécifique au sport professionnel. C'est chose faite avec la loi sous commentaire ; ce dont on ne peut que se féliciter (11).
B - Le CDD spécifique
Compte tenu des spécificités du sport professionnel précédemment rappelées, il importait de créer un CDD "sur mesure", plutôt que de modifier les textes relatifs au CDD d'usage. Il était aussi préférable que ce contrat figure dans le code propre au secteur précité et non dans le Code du travail, sans exclure qu'un renvoi soit fait à ce dernier. C'est ce que s'emploie à faire le Titre II de la loi du 27 novembre 2015.
Les personnes concernées. La loi précitée détermine, d'abord, les personnes susceptibles de conclure un tel contrat (12). Est concerné, d'une part, le sportif professionnel salarié, défini "comme toute personne ayant pour activité rémunérée l'exercice d'une activité sportive dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 (N° Lexbase : L0810ISS) et L. 122-12 (N° Lexbase : L6314HN8)" du Code du sport.
Ce même contrat peut, d'autre part, être conclu avec un entraîneur professionnel salarié, "défini comme toute personne ayant pour activité principale rémunérée de préparer et d'encadrer l'activité sportive d'un ou de plusieurs sportifs professionnels salariés dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 et titulaire d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification prévu à l'article L. 212-1 (N° Lexbase : L6359HNT)".
Il appartiendra à une convention ou un accord collectif national de déterminer les critères à partir desquels l'activité de l'entraîneur professionnel salarié est considérée comme son activité principale.
On notera, enfin, que ce contrat peut être conclu par les sportifs qui sont salariés de leur fédération sportive en qualité de membre d'une équipe de France, ainsi qu'aux entraîneurs qui les encadrent à titre principal (C. sport, art. L. 222-2-2, nouveau N° Lexbase : L8175KR9).
Application du Code du travail. Après avoir rappelé que le Code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l'entraîneur professionnel salarié, l'article L. 222-2-1, nouveau, du Code du sport (N° Lexbase : L8176KRA), procède par voie d'exclusion.
Si on devine sans peine qu'est exclue l'application d'un certain nombre de textes relatifs au CDD "de droit commun", par nature incompatibles avec le CDD spécifique ou remplacés par des exigences qui lui sont propres (13), la disposition précitée commence par viser l'article L. 1221-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8930IAY) dont on a précédemment rappelé qu'il dispose, dans son alinéa 1er, que "le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail". Le message est ici très clair : dans le sport professionnel, c'est le CDD qui constitue "la forme normale et générale de la relation de travail".
Confirmation en est donnée par l'article L. 222-2-3, nouveau, du Code du sport (N° Lexbase : L8130KRK), aux termes duquel, "afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s'assure, moyennant rémunération, le concours de l'un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée".
Ainsi que l'avait relevé le Professeur Karaquillo dans son rapport, "les exigences communautaires" ne sont pas insatisfaites dans la mesure où le considérant n° 8 de l'accord cadre européen permet l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée lorsqu'ils "sont une caractéristique de l'emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs". Dès lors, si le texte rappelle, certes, que d'une façon générale, le contrat de travail à durée indéterminée est le principe, il ne semble pas pour autant exclure expressément que, dans certains secteurs d'activité, ce ne soit que le contrat de travail à durée déterminée qui puisse être conclu (14).
Durée du contrat. La durée du contrat de travail conclu avec un sportif ou un entraîneur professionnel ne peut, sans surprise, être inférieure à la durée d'une saison sportive (15), fixée à douze mois (C. sport, art. L. 222-2-4, nouveau N° Lexbase : L8131KRL). Ce dernier texte prend soin de ménager quelques exceptions bienvenues à l'exigence précitée, en permettant que le contrat ait une durée inférieure à douze mois, dès lors que, signé en cours de saison sportive et allant au minimum jusqu'au terme de celle-ci, il est conclu pour assurer (16) :
-le remplacement d'un sportif ou d'un entraîneur professionnel absent ou dont le contrat de travail est suspendu ;
-le remplacement d'un sportif ou d'un entraîneur professionnel faisant l'objet d'une mise à disposition auprès de la fédération sportive délégataire intéressée en qualité de membre d'une équipe de France.
L'article L. 222-2-4, nouveau, du Code du sport ne se contente pas de donner au contrat une durée minimale. Il le soumet aussi à une durée maximale de cinq ans (17), tout en autorisant le renouvellement du contrat ou la conclusion d'un nouveau contrat, "afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions" (18).
Stipulations du contrat. L'article L. 222-2-5, nouveau, du Code du sport (N° Lexbase : L8132KRM) fixe les règles de forme que doit respecter le contrat de travail. Celles-ci ne sont évidemment pas sans rappeler celles qui s'appliquent au CDD "de droit commun". Etabli par écrit en au moins trois exemplaires, le contrat comporte, outre la mention des articles L. 222-2 à L. 222-2-8 : 1° l'identité et l'adresse des parties ; 2° la date d'embauche et la durée pour laquelle il est conclu ; 3° la désignation de l'emploi occupé et les activités auxquelles participe le salarié ; 4° le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s'il en existe ; 5° les noms et adresses des caisses de retraite complémentaire et de prévoyance et de l'organisme assurant la couverture maladie complémentaire ; 6° l'intitulé des conventions ou accords collectifs applicables.
Le contrat de travail à durée déterminée est transmis par l'employeur au sportif ou à l'entraîneur professionnel au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.
Il convient, en outre, de souligner qu'en application du nouvel article L. 222-2-7 (N° Lexbase : L8134KRP), "les clauses de rupture unilatérale pure et simple du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l'entraîneur professionnels salariés sont nulles et de nul effet". De notre point de vue, ce texte ne condamne pas toutes les clauses de rupture anticipée qui pourraient être insérées dans le contrat de travail puisque sont seules visées les clauses de rupture unilatérale "pures et simples". Par suite, le texte paraît, par là-même, assurer la validité des clauses dites "libératoires", autorisant le joueur ou l'entraîneur à mettre un terme à la relation de travail de façon anticipée en raison d'évènements indépendants de leur volonté (19).
Sanctions et consécration de l'homologation. Reprenant les règles éprouvées applicables au CDD "de droit commun", l'article L. 222-2-8, nouveau, du Code du sport (N° Lexbase : L8135KRQ) dispose qu' "est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des règles de fond et de forme prévues aux articles L. 222-2-1 à L. 222-2-5". En outre, le fait de méconnaître ces mêmes règles est puni d'une amende de 3 750 euros, tandis que la récidive est punie d'une amende du double et d'un emprisonnement de six mois.
En marge des règles précitées, qui ne nous éloignent donc guère du droit commun, la loi commentée vient consacrer et, par là-même valider, une pratique propre au monde du sport professionnel, à savoir l'homologation des contrats de travail. Sans être nécessairement illicite, ce dispositif, prévu par divers textes conventionnels, suscitait néanmoins de sérieuses interrogations, ne serait-ce que parce que la loi ne soumet nullement la validité d'un contrat de travail à une quelconque homologation (20).
Le nouvel article L. 222-2-6 du Code du sport (N° Lexbase : L8133KRN) dispose que "le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l'entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l'homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d'absence d'homologation du contrat"
En revanche, et en application du même texte, les conditions dans lesquelles l'absence d'homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur seront déterminées par une convention ou un accord collectif national.
II - Sécurisation de certaines pratiques
A - Prêt de sportifs
Il n'est nul besoin d'être juriste pour savoir qu'un sportif professionnel peut être "prêté" par son employeur à un autre club susceptible, selon une formule consacrée, de lui offrir "du temps de jeu". Mais seul le juriste sait qu'une telle pratique peut tomber sous le coup du prêt illicite de main-d'oeuvre à but lucratif, alors même que le législateur s'est, bien maladroitement, employé à en borner les contours (21).
Un tel risque est écarté par la loi du 27 novembre 2015 qui ajoute un alinéa à l'article L. 222-3 (22), aux termes duquel "les articles L. 8241-1 (N° Lexbase : L3539I8L) et L. 8241-2 (N° Lexbase : L5827ISM) du Code du travail ne sont pas applicables à l'opération mentionnée au présent alinéa lorsqu'elle concerne le sportif ou l'entraîneur professionnel salarié d'une association sportive ou d'une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du présent code, muté temporairement au sein d'une autre association sportive ou d'une société et dont les modalités sont prévues par convention ou accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle".
B - Les sportifs professionnels travailleurs indépendants
Ainsi que l'a relevé le Professeur Karaquillo dans son rapport, "à la différence des sportifs sous contrat de travail à durée déterminée, l'activité de certains sportifs professionnels de sport individuel (tennis, golf, badminton, ski), si elle peut comporter certains aspects collectifs, se résume essentiellement par son aspect individuel : à savoir, la participation à des tournois dans le monde entier, sous son propre nom et pour son propre compte, et pour laquelle les organisateurs leur versent des primes d'engagement et/ou des primes de performance appelées prize money'" (23).
Pour l'exercice de leur activité, ces sportifs professionnels sont sous le statut d'indépendant, ce qui semble assez logique. Pourtant, dans un arrêt du 22 juin 2014 (24), le Conseil d'Etat a appliqué à un ancien joueur de tennis la présomption simple de contrat de travail prévue pour les artistes du spectacle (25), pour justifier l'imposition, dans la catégorie des traitements et salaires, des gains perçus à l'occasion de différents tournois. Il a été affirmé que les dispositions légales instituant la présomption de contrat de travail "sont applicables aux joueurs de tennis professionnels engagés dans des tournois du type de ceux que la Fédération française de tennis organise [...), eu égard à la généralité de leurs termes, qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n'imposent aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci".
Ainsi qu'il est souligné dans le rapport "Karaquillo", "si la motivation de cette décision se fondait sur des considérations fiscales, il n'est toutefois pas exclu que les fédérations se voient appliquer un jour les règles du contrat de travail et les cotisations du régime général de Sécurité sociale, même en l'absence de lien de subordination démontré à l'égard de ces sportifs" (26).
Afin d'éviter cela, la loi commentée introduit un article L. 222-2-11 dans le Code du sport ([lXB=L8138KRT]) disposant, d'abord, que "le sportif professionnel qui participe librement, pour son propre compte, à une compétition sportive, est présumé ne pas être lié à l'organisateur de la compétition par un contrat de travail" et précisant, ensuite, que "la présomption de salariat prévue à l'article L. 7121-3 du Code du travail (N° Lexbase : L3102H9R) ne s'applique pas au sportif dont les conditions d'exercice sont définies au premier alinéa du présent article". Il est difficile, pour reprendre un anglicisme à la mode, de "faire plus secure".
A n'en point douter, la loi du 27 novembre 2015 constitue une loi de progrès, en venant gommer nombre d'incertitudes qui existaient en matière de sport professionnel, sans pour autant sacrifier les intérêts de l'une ou l'autre des différentes parties prenantes. Tout au plus peut-on regretter que certaines suggestions du rapport "Karaquillo", tendant à prendre en compte la spécificité de l'activité professionnelle des sportifs, n'aient pas été suivies d'effets. On songe, ici, à la question du temps de travail effectif, des temps de repos ou encore des conventions de forfait en jours. Mais il est vrai que l'urgence n'était pas là.
(1) J.-P. Karaquillo, rapport sur les statuts des sportifs remis à M. Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux sports, 18 février 2015.
(2) B. Bourguignon, rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, n° 2810.
(3) Plus généralement, la loi introduit dans le Code du travail un article L. 6222-40 (N° Lexbase : L8143KRZ) instaurant, en matière d'apprentissage, des aménagements en faveur des sportifs de haut niveau.
(4) Art. 11 et 12 de la loi, modifiant l'article L. 412-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8174KR8) et introduisant un nouvel article L. 321-4-1 au sein du Code du sport (différé au 27 août 2016 N° Lexbase : L8128KRH).
(5) A tel point qu'il est imposé par la Convention collective du sport (N° Lexbase : X7393AGW) et diverses normes conventionnelles propres à certains sports.
(6) Sur l'ensemble de ces raisons, v. le rapp. préc. de J.-P. Karaquillo, pp. 67 et s..
(7) Autant d'éléments qui seraient remis en cause si, lié par un contrat à durée indéterminée, le sportif ou l'entraîneur était libre de démissionner, sous la seule réserve de respecter un préavis.
(8) Sur cette évolution, v. le rapp. préc. de J.-P. Karaquillo, pp. 69 et s..
(9) On fait ici référence à deux décisions rendues en 2014 qui ont fait grand bruit : Cass. soc. 2 avril 2014, n° 11-25.442, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6371MIS) ; D., 2014, p. 1363, note J.-P. Karaquillo ; JCP éd. S, 2014, 1374, note D. Chenu ; Cass. soc. 17 décembre 2014, n° 13-23.176, FS-P+B (N° Lexbase : A3010M8Y) ; JCP éd. S, 2015, 1077, note D. Chenu ; Jurisport, février 2015, p. 18, avec nos obs. et p. 23, avis de l'Avocat général H. Liffran. Adde, P.-H. Antonmattéi, CDD d'usage et sport professionnel : rien ne va plus !, ibid., p. 16.
(10) V. nos obs. préc., ainsi que celles de J.-P. Karaquillo et P.-H. Antonmattéi.
(11) Il est évident que le rapp. préc. de notre collègue J.-P. Karaquillo, préconisant d'emprunter cette voie, a pesé dans la balance...
(12) C. sport, art. L. 222-2, nouveau (N° Lexbase : L8177KRB).
(13) Sont plus précisément visés les articles L. 1241-1 (N° Lexbase : L1427H9Q) à L. 1242-9, L. 1242-12 (N° Lexbase : L1446H9G), L. 1242-13 (N° Lexbase : L1447H9H), L. 1242-17 (N° Lexbase : L1455H9R), L. 1243-7 (N° Lexbase : L1468H9A) à L. 1243-10, L. 1243-13 à L. 1245-1, L. 1246-1 (N° Lexbase : L5819IEA) et L. 1248-1 (N° Lexbase : L1496H9B) à L. 1248-11 du Code du travail.
(14) Rapp. préc., p. 72. Ce même auteur ajoutait, "en outre, d'un point de vue du droit de l'Union européenne, plus que de devoir simplement intégrer l'une ou plusieurs mesures prévues par la clause 5.1 de la Directive 1999/70 du 28 juin 1999 (N° Lexbase : L0072AWL), destinées à prévenir les abus susceptibles de nuire aux salariés, la création d'un contrat de travail à terme spécifique aux joueurs et entraîneurs professionnels devrait être regardée comme une acceptable restriction à ladite directive en prenant appui sur l'article 165 alinéa 2 du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 pour qui "l'Union européenne contribue à la promotion des enjeux européens du sport tout en tenant compte de ses spécificités". Ainsi, dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne soucieuse de prendre en compte les spécificités sportives, il ne serait pas audacieux de soutenir que ce contrat de travail spécifique répond à un objectif légitime compatible avec le traité, se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général et garantit la réalisation du but poursuivi sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre".
(15) Les dates de début et de fin de la saison sportive sont arrêtées par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.
(16) Dans des conditions qui seront définies par une convention ou un accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.
(17) Sous réserve des dispositions de l'article L. 211-5 du Code du sport (N° Lexbase : L8186KRM). On remarquera que, tant du point de vue de la durée minimale que de la durée maximale, la loi s'inspire largement de la convention collective nationale du sport.
(18) Ces précisions sont à mettre en relation avec les exigences du droit de l'Union européenne commandant que soient fixées "des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail".
(19) V., sur la question, nos obs., La validité des clauses de rupture anticipée dans les contrats de travail à durée déterminée, Dr. soc., 2001, p. 17. A dire vrai, le texte semble même admettre que l'employeur puisse agir de la sorte, en contradiction avec une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
(20) Insérée dans le contrat de travail, la réserve d'homologation pouvait apparaître comme une clause suspensive.
(21) V., sur la question nos obs., Le but lucratif dans les opérations de prêt de main-d'oeuvre, Dr. soc., 2012, p. 115.
(22) L'alinéa 1er de ce texte concerne la mise à disposition de joueurs auprès de l'équipe nationale. Remarquons, à ce propos, que le rapport "Karaquillo" préconisait, non sans raison, de réfléchir à une extension du régime applicable aux joueurs des clubs français appelés en équipe de France aux joueurs sélectionnés en équipe nationale étrangère.
(23) Rapp. préc., p. 98.
(24) CE, 3° et 8° s-s-r., 22 juin 2011, n° 319240 (N° Lexbase : A3498HU4).
(25) C. trav., art. L. 7121-3 (N° Lexbase : L3102H9R) : "Tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure, moyennant rémunération le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce". Il revient, ainsi, à celui qui engage l'artiste, d'apporter la preuve qu'il n'existe, entre lui et l'intéressé, aucun lien de subordination juridique. Mais, celle-ci ne sera pas évidente dans la mesure où la loi indique que la présomption "subsiste même s'il est prouvé que l'artiste conserve la liberté d'expression de son art, qu'il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu'il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu'il participe personnellement au spectacle" (C. trav., art. L. 7121-4 N° Lexbase : L3104H9T).
(26) Rapp. préc., p. 99. Il est aussi souligné que la jurisprudence de la Cour de cassation est moins abrupte.
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-19.029, FS-P+B (N° Lexbase : A6908NYI)
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Le 11 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX)
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N0322BWT
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 10 Décembre 2015
Résumé
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ) du Code du travail. |
Commentaire
I - La disparition de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur
Obligation de sécurité de l'employeur. Les arrêts "Eternit" du 28 février 2002 comptent parmi les plus importants de la décennie 2000. La Chambre sociale de la Cour de cassation y jugeait "qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat" (1). Cette obligation a plusieurs fois évolué au cours des dix années qui ont suivi.
L'obligation de sécurité, extraite du contrat pour soutenir la qualification de faute inexcusable en droit de la Sécurité sociale, s'est diffusée en droit du travail pour être utilisée en dehors de toute procédure d'accident du travail ou de maladie professionnelle (2). La Chambre sociale de la Cour de cassation a surtout progressivement fait correspondre l'intensité de l'obligation avec la terminologie employée.
Dans un premier temps, en effet, les juges qualifiaient l'obligation de sécurité d'obligation de résultat mais permettaient à l'employeur de s'exonérer en démontrant qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au danger. Dans un second temps, à partir de 2006, la Chambre sociale jugea que "l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat et ne peut s'exonérer en démontrant qu'il n'a pas commis de faute" (3). Seule la survenance d'un cas de force majeure lui permettait de s'exonérer en cas d'atteinte à la santé d'un salarié (4).
Prémices d'un assouplissement. Quelques décisions rendues ces derniers mois laissaient planer un doute sur l'absolutisme de l'obligation de sécurité de l'employeur.
Ainsi, par exemple, un arrêt inédit rendu le 21 mai 2014 voyait reparaître la formule selon laquelle "l'employeur, qui avait pris les mesures utiles pour assurer la santé et la sécurité de la salariée, n'avait pas manqué à ses obligations" (5). Dans une situation de harcèlement entre salariés, l'employeur peut également s'exonérer du manquement à l'obligation de sécurité en démontrant "avoir tout mis en oeuvre pour que le conflit personnel entre deux salariées puisse se résoudre au mieux des intérêts de l'intéressée" (6). Dans le même ordre d'idée, la Chambre sociale, tout en maintenant le caractère d'obligation de résultat, jugeait que le manquement de l'employeur à cette obligation ne justifiait pas nécessairement la prise d'acte de la rupture du contrat de travail lorsque le manquement ne rendait pas impossible le maintien du contrat (7). Ces décisions montraient clairement un assouplissement de la jurisprudence lorsqu'était invoqué le manquement à l'obligation de sécurité sur le plan individuel, en particulier lorsqu'était en cause la qualification de la rupture du contrat de travail (8).
Sur le plan collectif, deux décisions rendues à propos de la consultation du CHSCT en cas de projet important modifiant les conditions de travail semblaient, elles aussi, impliquer des changements dans la charge de la preuve du manquement à l'obligation de sécurité.
Dans la première, la Chambre sociale approuvait une cour d'appel qui jugeait que le CHSCT ne démontrait pas que "l'employeur n'a pas rempli ses obligations légales et conventionnelles en matière de santé et de sécurité des travailleurs de l'entreprise" (9), ce qui caractérisait le système probatoire d'une obligation de moyens et non d'une obligation de résultat. Dans la seconde, la Chambre sociale jugeait qu'un projet d'externalisation pouvait être mis en oeuvre dans un contexte de risques psychosociaux avéré, dès lors que l'employeur avait mis en oeuvre des mesures de prévention suffisantes (10).
Avec une plus grande clarté, la Chambre sociale pousse le raisonnement à son terme et assoupli sans ambiguïté l'intensité de l'obligation de sécurité de l'employeur.
L'espèce. Un salarié d'Air France, chef de cabine de vols longs courrier, avait été témoin direct de l'effondrement des tours du World Trade Center à New-York le 11 septembre 2001. Cinq ans plus tard, il est pris d'une crise de panique au moment d'embarquer sur un vol. Il est licencié en 2011 pour ne pas s'être présenté à un examen médical destiné à établir son aptitude à un poste au sol. Parmi d'autres demandes, le salarié réclame l'octroi de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. La cour d'appel, passant par le détail l'ensemble des mesures prises par la société à la suite des attentats afin de protéger l'intégrité de la santé mentale de ses salariés, considère que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat (11).
Par un arrêt rendu le 25 novembre 2015, publié sur le site internet de la Cour de cassation, la Chambre sociale rejette le pourvoi formé contre cette décision. La décision comporte un chapeau de tête qui renforce la solennité de la décision : "ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail".
L'importante publicité et la formule ciselée que l'arrêt emploient ne laissent aucune place au doute : l'obligation de sécurité n'est plus une obligation de résultat, l'employeur peut s'en exonérer, il s'agit donc d'une obligation de moyens.
II - L'apparition d'une obligation de sécurité de moyens renforcée
Une obligation légale. Quoique l'incidence de cette référence soit relativement faible, il convient, d'abord, de relever que c'est la première fois, à notre connaissance, que la Chambre sociale qualifie expressément l'obligation de sécurité de l'employeur d'"obligation légale" (12). La source de l'obligation ne faisait plus guère de doute depuis que la Chambre sociale appuyait systématiquement ses raisonnements en matière d'obligation de sécurité sur le fondement de l'article L. 4121-1 du Code du travail.
L'affirmation de la source légale de l'obligation a toutefois ceci d'important que le législateur détaille, aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, les mesures que doit mettre en oeuvre l'employeur pour l'assouvir. Au contraire, l'objet de l'obligation contractuelle, dans la terminologie employée dans les arrêts "Eternit" en 2002, était plus diffus et permettait donc plus aisément une qualification d'obligation de résultats.
Une obligation de moyens renforcée. Par sa solennité, l'arrêt rendu par la Chambre sociale permet de mettre fin aux doutes qui planaient ces derniers mois sur l'intensité de l'obligation de sécurité. La Chambre sociale revient à l'interprétation qui était la sienne avant 2006 : l'employeur peut démontrer avoir pris toutes les mesures nécessaires pour écarter le danger, ces mesures étant celles prévues par le législateur, cela sans retomber dans l'ambiguïté qui consistait à permettre une exonération tout en qualifiant l'obligation d'obligation de résultat.
Il s'agit bien d'une obligation de moyens renforcée puisque le créancier -le salarié- de l'obligation ne doit pas démontrer que le débiteur -l'employeur- n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires. L'exonération restera, d'ailleurs, toujours difficile à apporter, même s'il ne s'agit plus d'une responsabilité automatique, d'une garantie. En effet, l'employeur ne doit pas montrer qu'il a pris les mesures "utiles" ou "nécessaires" comme ces termes ont parfois été employés par des arrêts récents, il doit démontrer avoir pris "toutes" les mesures prévues par le Code du travail. Si c'est bien le sens qu'il faut retenir de cette formule, la responsabilité des employeurs en cas de manquement à l'obligation de sécurité pourra encore souvent être engagée, tant la liste de mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail est imposante.
Ce nouveau positionnement ne devrait donc pas fondamentalement changer le résultat des contentieux car, trop souvent, lorsqu'une atteinte à la sécurité ou à la santé survient, il peut être démontré que les mesures de prévention n'ont pas été suffisantes. La solution devrait, en revanche, avoir un effet plus vertueux sur les entreprises : celles qui joueront pleinement le jeu de la prévention, en suivant scrupuleusement les prescriptions du Code du travail, pourront être exonérées, ce qui pourrait avoir pour effet une meilleure efficacité des mécanismes de prévention de la santé au travail.
Une obligation au domaine très vaste. Il convient, pour terminer, de relever que le champ de l'obligation de sécurité de moyens renforcée est particulièrement vaste.
Il semblait, en effet, depuis quelques mois, se dessiner une distinction entre les conséquences civiles et professionnelles du manquement à l'obligation de sécurité. Alors qu'il s'agissait d'une obligation de garantie au plan de la responsabilité civile contractuelle, l'obligation était déjà une obligation de moyens renforcée lorsqu'il s'agissait d'envisager la gravité du manquement de l'employeur justifiant ou non la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié (13).
La Chambre sociale contredit très clairement ce raisonnement puisque, dans cette affaire, il n'était pas question de prise d'acte de la rupture du contrat de travail ou de demande de résiliation judiciaire, mais bien d'une demande d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle. L'obligation de sécurité sera toujours une obligation de moyens, quelles que soient les conséquences du manquement que le salarié entend obtenir (responsabilité civile, rupture à son profit, voire mise en oeuvre de protections collectives dans le cadre des missions du CHSCT). L'unité de l'intensité d'une obligation peut varier en fonction des circonstances dans lesquelles le manquement survient, comme cela est par exemple le cas dans le domaine du contrat d'entreprise, où l'entrepreneur n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens lorsque le maître d'ouvrage participe à la réalisation de la prestation (14). La distinction semblait moins justifiée lorsqu'il était question des conséquences du manquement de l'employeur, tant il est rare que la nature de la faute commise influe sur la nature ou le montant de la réparation octroyée.
Même si les faits de l'affaire sont très particuliers, il est, ensuite, peu probable que la décision rendue soit spécifique aux risques psychosociaux. Là encore, la généralité de la motivation adoptée, qui embrasse très large, comme le degré de publicité conféré, penchent davantage pour une application générale, quelle que soit la nature de l'atteinte à la sécurité en cause.
(1) Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-11.793, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0602AYX) ; JCP éd. G, 2002, II, 10053 ; Dr. ouvrier, 2003, p. 41 note Y. Saint-Jours ; Dr. soc., 2002, p. 445, note A. Lyon-Caen.
(2) Les exemples sont nombreux : Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412, FS-P+B+R+I, (N° Lexbase : A8545DIC) (tabagisme passif) ; Cass. soc., 3 février 2010, deux arrêts, n° 08-40.144, FP-P+B+R, (N° Lexbase : A6060ERU) et n° 08-44.019, FP-P+B+R, (N° Lexbase : A6087ERU) (harcèlement et violences).
(3) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 223 du 13 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0835ALI).
(4) Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B (N° Lexbase : A1271IIW) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur peut-il s'exonérer de son obligation de sécurité de résultat ?, Lexbase Hebdo n° 482 du 19 avril 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1460BTA).
(5) Cass. soc., 21 mai 2014, n° 13-12.666, F-D (N° Lexbase : A5037MMI) et nos obs., Vers un assouplissement des conditions d'exonération de l'obligation de sécurité ?, Lexbase Hebdo n° 573 du 5 juin 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N2517BUR).
(6) Cass. soc., 3 décembre 2014, n° 13-18.743, F-D (N° Lexbase : A0653M7C) et les obs. de Ch. Radé, L'employeur face au harcèlement, Lexbase Hebdo n° 595 du 18 décembre 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N5101BUH).
(7) Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18.603, FS-P+B (N° Lexbase : A3150NDZ) et nos obs., Le nouveau régime de la prise d'acte appliqué aux harcèlements, Lexbase Hebdo n° 606 du 26 mars 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N6589BUL).
(8) Certaines décisions continuaient, en effet, d'écarter toute idée d'exonération dès lors que la question de l'imputabilité de la rupture du contrat de travail n'était pas en cause, Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17.729, FS-P+B (N° Lexbase : A9192M3T) ; Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-11.324, F-D (N° Lexbase : A2337NKR) et les obs. de Ch. Radé, Obligation de sécurité de résultat et tabagisme passif, Lexbase Hebdo n° 617 du 18 juin 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N7880BUE).
(9) Cass. soc., 5 mars 2015, n° 13-26.321, F-D (N° Lexbase : A9041NCT).
(10) Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-20.173, FP-P+B ([LXB=A5324NU]) ; SSL, 2015, n° 1697, p. 6, note O. Levannier-Gouël.
(11) Accueil de l'équipage dès le retour de New-York, présence de personnel médical jour et nuit pour prendre en charge l'équipage, orientation si nécessaire vers des consultations psychiatriques, etc..
(12) V. les débats sur les fondements de l'obligation, G. Pignarre, L'obligation de sécurité patronale entre incertitudes et nécessité, RDT, 2006, p. 150 ; Y. Saint-Jours, De l'obligation contractuelle de sécurité de résultat, D., 2007, p. 3024.
(13) Ch. Radé, Obligation de sécurité de résultat et tabagisme passif, préc..
(14) J. Huet, G. Decocq, C. Grimaldi, H. Lécuyer, Les principaux contrats spéciaux, Traité de droit civil, LGDJ, 3ème éd., 2012, p. 1343.
Décision
Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7767NXX). Cassation partielle (CA Paris, 6 mai 2014, n° 11/07699 N° Lexbase : A7703MKI). Textes concernés : C. trav., art. L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ) et art. L. 4121-2 (N° Lexbase : L8844ITQ). Mots-clés : obligation de sécurité ; obligation de moyens renforcée. Liens base : (N° Lexbase : E3145ETN). |
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Réf. : Décret n° 2015-1588 du 4 décembre 2015, relatif à l'organisation et au fonctionnement des services de santé au travail des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux (N° Lexbase : L5873KTP)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Décret n° 2015-1583 du 3 décembre 2015 (N° Lexbase : L5847KTQ)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 7 décembre 2015, n° 383856, publié aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6208NYL)
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Le 15 Décembre 2015
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Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 7 décembre 2015, n° 386582, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6209NYM)
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Le 16 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-18.534, FS-P+B (N° Lexbase : A6917NYT)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-24.546, FS-P+B (N° Lexbase : A6935NYI)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 15-19.597 (N° Lexbase : A4927NY7)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-502 QPC, du 27 novembre 2015 (N° Lexbase : A9181NXC)
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 10 Décembre 2015
Résumé
En prévoyant que les crédits du fonds paritaire sont répartis de manière uniforme entre les organisations syndicales de salariés, les dispositions contestées, loin de porter atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, mettent en oeuvre ces exigences constitutionnelles. La nature des intérêts que les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs ont pour objet de défendre les place dans une situation différente au regard des règles qui organisent le paritarisme. En prévoyant que le montant des crédits alloués aux organisations syndicales de salariés au titre de la mission liée au paritarisme est réparti de façon uniforme entre elles, alors même que d'autres règles sont prévues pour la répartition du montant des crédits alloués aux organisations professionnelles d'employeurs à ce titre, le législateur a traité différemment des situations différentes, et cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. |
Commentaire
I - Les différences de modalités de financement des syndicats gestionnaires du paritarisme
Cadre juridique. La loi n° 2015-288 du 5 mars 2014 a profondément bouleversé les règles du financement des organisations professionnelles, syndicales et patronales, en s'efforçant de rationaliser les sources de financement et de les rendre plus transparentes (1). Pour gérer le tout, la loi a mis en place un fonds paritaire ayant compétence pour l'ensemble des ressources et distribuant les financements selon un principe de spécialité destiné à éviter une utilisation des sommes différentes des raisons pour lesquelles ils sont perçus.
Le 1° de l'article L. 2135-13 du Code du travail (N° Lexbase : L6244IZB), relatif à la répartition des crédits destinés à la mission liée au paritarisme, prévoit que les montants versés aux syndicats sont uniformes, c'est-à-dire ne tiennent pas compte de leur audience réelle, alors que ceux qui sont attribués aux organisations d'employeur tiennent compte du nombre de leurs adhérents : "Le fonds paritaire répartit ses crédits : 1° A parité entre les organisations syndicales de salariés, d'une part, et les organisations professionnelles d'employeurs, d'autre part, au titre de la mission mentionnée au 1° de l'article L. 2135-11 (N° Lexbase : L5725KG7), au niveau national et au niveau de la branche. Les modalités de répartition des crédits entre organisations syndicales de salariés, d'une part, et entre organisations professionnelles d'employeurs, d'autre part, sont déterminées, par voie réglementaire, de façon uniforme pour les organisations syndicales de salariés et en fonction de l'audience ou du nombre des mandats paritaires exercés pour les organisations professionnelles d'employeurs".
Ce principe a été mis en oeuvre par le décret n° 2015-87 du 28 janvier 2015, relatif au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs (N° Lexbase : L7788I7L), que la CGT a contesté dans le cadre d'un recours pour excès pouvoir, et c'est dans le cadre de cette procédure qu'elle a mis en cause le texte légal mis en oeuvre dans le cadre d'une QPC (2).
La QPC. La CGT faisait valoir qu'en traitant de manière identique toutes les organisations syndicales de salariés sans tenir compte de leur audience, ces dispositions méconnaîtraient la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail garantis par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4).
La centrale syndicale soutenait également qu'en prévoyant des règles différentes pour les organisations syndicales de salariés et pour les organisations professionnelles d'employeurs, les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité.
La question avait été transmise, et cela mérite d'être signalé, non pas en raison de son caractère sérieux, ce qui aurait éventuellement pu avoir une incidence sur son appréciation par le Conseil, qui a accès aux rapports ayant conduit la juridiction du filtre à lui transmettre la QPC, mais de son caractère de nouveauté, ce qui est suffisamment rare pour être signalé (3). On sait, à cet égard que, si le juge du filtre dispose d'un certain pouvoir pour apprécier la nécessité de transmettre une QPC au regard du caractère sérieux de la question (4), il doit, en principe, transmettre toutes les questions nouvelles, pour la seule raison que le Conseil n'a jamais eu l'occasion de statuer sur le point de droit constitutionnel évoqué, soit qu'il s'agisse de dispositions constitutionnelles n'ayant jamais été jusque là mobilisées (5), singulièrement celles résultant de la Charte de l'environnement adoptée en 2004 (6), soit qu'il s'agisse de dispositions connues mais invoquées dans un contexte constitutionnel nouveau, comme celui de la réforme de la représentativité des organisations patronales, ce qui permettra au Conseil d'étoffer sa jurisprudence en l'étendant à de nouveaux éléments du bloc de constitutionnalité, sans que la transmission ne préjuge en rien du caractère sérieux de l'argument (7).
Le rejet. Le Conseil constitutionnel a écarté cette double argumentation.
S'agissant du respect des principes de liberté syndicale et de participation, le Conseil a considéré que "loin de porter atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, (ces règles) mettent en oeuvre ces exigences constitutionnelles".
S'agissant de la différence de traitement entre syndicats et organisations patronales, le Conseil a considéré que, ne défendant pas les mêmes intérêts, ces acteurs se trouvaient "dans une situation différente au regard des règles qui organisent le paritarisme", ce qui autorisait un traitement différent n'étant pas sans rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.
Le Conseil constitutionnel a donc déclaré conformes à la Constitution les mots "de façon uniforme pour les organisations syndicales de salariés" et figurant dans la seconde phrase du 1° de l'article L. 2135-13 du Code du travail.
II - Une solution sans surprise
S'agissant de l'atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation. La CGT prétendait, ici, que l'atteinte à ces deux droits résultait de la non-prise en compte de l'audience respective des syndicats de salariés pour la répartition des sommes allouées à la gestion des organismes paritaires. Pour le Conseil, bien au contraire, les dispositions contestées, "loin de porter atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, mettent en oeuvre ces exigences constitutionnelles".
En d'autres termes (8), et comme le demandeur mettait en cause ici le fait que le législateur n'avait pas introduit de différence de traitement entre syndicats pour tenir compte de leur audience, c'était l'égalité formelle de traitement qui portait atteinte au principe de liberté syndicale et au droit à la participation. Or, il ressort de la solution que l'égalité devant la loi est la règle, qu'elle est donc consubstantielle de la mise en oeuvre de celle-ci (9), et que c'est bien au contraire l'introduction de différences de traitement qui met en cause la mise en oeuvre de ces droits, le législateur devant alors justifier cette différence soit en amont, par la différence des situations appréhendées, soit en aval par l'existence de motifs justifiant l'atteinte.
Il n'y a ici rien à objecter à ce raisonnement qui nous semble parfaitement justifié, le principe posé par la Déclaration des droits, et qui constitue la pierre angulaire de nos libertés, est bien qu'en principe les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Le législateur s'était donc livré ici à une mise en oeuvre du principe de participation et de la liberté syndicale parfaitement conforme à sa marge de manoeuvre.
Justification de la décision rendue au regard du principe d'égalité entre organisations syndicales et patronales. La solution adoptée n'est pas véritablement non plus une surprise, même au regard du sort réservé par ce même Conseil au barème des indemnités de rupture prévu par la loi "Macron" et censuré, lors de l'examen initial de la loi en août dernier, précisément en raison de l'absence de lien entre l'objet de la loi (réparer le préjudice consécutif à un défaut de cause réelle et sérieuse) et le critère retenu (la taille de l'entreprise) (10).
Cette nouvelle décision confirme le caractère minimaliste du contrôle exercé par le Conseil sur ces questions, singulièrement lorsque sont en cause des éléments touchant aux relations sociales, ce dernier considérant que la marge de manoeuvre du législateur doit être grande en raison du caractère très "politique" des questions. Faut-il le rappeler, la réforme de la démocratie sociale de 2008 est ressortie indemne de l'examen de ses principales dispositions, singulièrement lorsqu'était invoquée une violation du principe d'égalité (11), et que l'existence de différences de traitement fondées sur l'audience ont été jugées comme étant en lien direct au regard de l'objet des lois sociales (12).
Ce contrôle, qui s'apparente à celui de l'erreur manifeste du juge administratif, s'exerce, en premier lieu, sur l'appréciation de la différence de situation, qui est de nature à justifier, en amont, les différences de traitement. C'est ce contrôle qui se trouve ici mis en oeuvre s'agissant des syndicats de salariés et des organisations d'employeurs qui ne défendent pas les mêmes intérêts et qui se trouvent soumis, dans le Code du travail, à des régimes différents, d'ailleurs rappelé par le commentaire aux Cahiers : "outre le champ de la négociation collective, les partenaires sociaux peuvent, sous condition de représentativité, participer à différentes instances nationales ou locales qui remplissent des fonctions de gestion, de concertation ou d'association à l'action des pouvoirs publics, dans lesquelles les organisations syndicales et les organisations patronales forment deux blocs'".
Pour aller un peu plus loin dans le raisonnement, on observera que la représentation patronale prend des formes particulières : les organisations patronales peuvent ne pas s'être constituées sous forme syndicale, alors que celle-ci s'impose aux représentants des salariés, et ces organisations peuvent valablement négocier et conclure des accords même lorsqu'elles ne sont pas représentatives (hors négociation d'extension), ce qui ne sera pas le cas des syndicats de salariés pour qui cette exigence est fondamentale.
Le coeur de la difficulté tient à la nature même du titre en vertu duquel les organisations professionnelles exercent leurs compétences. Les organisations d'employeur agissent, en effet, dans le cadre d'un mandat de négociation et représentent d'abord leurs entreprises adhérentes, alors que les syndicats de salariés ne représentent, en principe, pas les intérêts de leurs adhérents, mais ceux de l'ensemble des salariés visés par leurs statuts.
Dans ces conditions, tous les syndicats de salariés qui siègent dans les organismes paritaires sont considérés comme y représentant également l'ensemble des salariés, car telle est leur vocation statutaire, peu important leur audience réelle. Les syndicats seraient ou ne seraient pas représentatifs, et ne le seraient pas plus si leur audience est meilleure. En revanche, les organisations patronales seraient plus ou moins représentatives selon leur nombre d'adhérents, puisque statutairement elles défendent d'abord l'intérêt de ces derniers, ce qui justifierait alors des modalités de répartition des crédits proportionnelles.
Une analyse discutable. Nous avouons ne pas être convaincus par cette explication, si tant est d'ailleurs qu'elle soit la bonne, ce qui est extrêmement difficile à déterminer, compte tenu du caractère pour le moins laconique de la décision et du commentaire aux Cahiers qui l'accompagne.
En premier lieu, il nous semble erroné d'affirmer que l'audience réelle des syndicats représentatifs ne doit pas entrer en ligne de compte et qu'il serait inepte de dire que certains syndicats seraient plus représentatifs que d'autres. Il a d'ailleurs été admis, précisément par la Cour de cassation, lorsqu'ont été mis en cause des financements du dialogue social proportionnels à l'audience des syndicats, que ce critère était pertinent (13).
En second lieu, l'idée qu'il faudrait prendre en compte le nombre des adhérents des organisations patronales n'est pas indiscutable. Certes, cette affirmation est historiquement fondée et le demeure dans les branches où la négociation ne s'inscrit pas dans une démarche d'extension. Mais lorsqu'il s'agit précisément de négocier des accords dans la perspective de leur extension, ou de désigner des organisations patronales représentatives sur le plan national, notamment pour gérer les organismes paritaires, il nous semble alors que les organisations patronales négocient pour l'ensemble des entreprises concernées et plus seulement pour leurs adhérents.
Cette double remarque nous conduit donc vers l'affirmation du caractère pertinent d'une pondération des droits des organisations professionnelles représentatives par leur audience réelle, qu'il s'agisse des syndicats ou des organisations patronales, et qu'une différenciation entre elles n'est sans doute plus conforme à une conception moderne du dialogue social où les partenaires sociaux doivent être traités comme des acteurs du dialogue social à part entière, ce qui suppose un traitement parfaitement égalitaire (14).
Reste la question centrale, lorsqu'on s'intéresse au contrôle exercé par le Conseil constitutionnel, de la mission que lui donne la Constitution et du rôle qu'il entend jouer en matière sociale : est-ce celui d'un spectateur intéressé ou d'un véritable acteur de la modernisation du dialogue social ?
(1) Sur la question, notre étude Le financement des syndicats à l'heure de la réforme de la démocratie sociale, Dr. soc., 2014, p. 697 ; D. Andolfatto et D. Labbé, L'impôt syndical et patronal, Droit social, 2015, p. 616.
(2) CE, 4° et 5° s-s-r., 14 septembre 2015, n° 389127, inédit aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9762NNU).
(3) Sur le caractère de nouveauté, Cons. const., décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, consid. 21 (N° Lexbase : A3193EPX) ; AJDA, 2010, p. 80, étude A. Roblot-Troizier, et p. 88, étude M. Verpeaux ; RFDA, 2010, p. 1, étude B. Genevois ; Constitutions, 2010, p. 229, obs. A. Levade ; RSC, 2010, p. 201, obs. B. de Lamy ; RTD Civ., 2010, p. 66 et 517, obs. P. Puig.
(4) Lire P. Florès et M. Vialettes, Droit du travail et QPC : nouvelles sources, nouvelles ruptures - Le point de vue du juge du filtre", Dr. soc., 2015, p. 486.
(5) CE, 10° et 9° s-s-r., 18 septembre 2013, n° 369834, inédit aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2756KLN) : atteinte à "la liberté de conscience" ; CE, 3° et 8° s-s-r., 30 mars 2015, n° 387322, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6891NEX) : "le vote au scrutin secret est de droit lorsqu'un tiers des membres présents le réclame, ces dispositions méconnaîtraient le droit de demander des comptes aux agents publics énoncé à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1370A9M)".
(6) Le "moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment de ce qu'elles portent à la liberté d'entreprendre une atteinte non justifiée par le principe de précaution énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement, soulève une question relative à la portée de cette disposition constitutionnelle, s'agissant de mesures de suspension comme celle qui est en cause" : CE, 1° et 6° s-s-r., 17 juin 2015, n° 387805, inédit aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1547NLU).
(7) Depuis, une autre question a également, pour cette même raison, été transmise, et concerne, toujours dans le cadre de recours pour excès de pouvoir dirigés contre des décrets d'application de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (N° Lexbase : L6066IZP) (en l'occurrence l'article 1er du décret n° 2015-654 du 10 juin 2015 (N° Lexbase : L8245I8U), relatif à la mise en oeuvre de la réforme de la représentativité patronale, en tant qu'il introduit dans le Code du travail les articles R. 2152-1 (N° Lexbase : L8657I87) à R. 2152-9), les dispositions du 6° de l'article L. 2151-1 (N° Lexbase : L5723KG3), du 3° de l'article L. 2152-1 (N° Lexbase : L5722KGZ) et du 3° de l'article L. 2152-4 (N° Lexbase : L6257IZR) du Code du travail, en tant qu'ils ne prévoient pas de pondération du critère du nombre des entreprises adhérentes aux organisations professionnelles d'employeurs pour mesurer l'audience de ces organisations, singulièrement pour tenir compte de l'effectif de ces entreprises. Or, les demandeurs invoquent la violation des principes de participation et de négociation collective découlant des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4). Dans la mesure où le Conseil constitutionnel n'a jamais eu l'occasion de faire application de ces principes aux entreprises, la question présente donc un caractère de nouveauté et a été transmise pour cette raison (CE, 1° et 6° s-s-r., 9 novembre 2015, n° 392476, inédit aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3629NWC).
(8) Sur ce point, le commentaire aux Cahiers n'est d'aucun secours et confirme ce que l'on sait sur l'autre tiré de l'atteinte au principe d'égalité de traitement.
(9) Voilà pourquoi le Conseil constitutionnel refuse de déduire du principe d'égalité des obligations positives de différenciation à la charge du législateur : "si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes" (Cons. const., décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, consid. 37 (N° Lexbase : A6499DAX) ; Cons. const., décision n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, consid. 4 (N° Lexbase : A0604D3R) ; Cons. const., décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009, consid. 30 (N° Lexbase : A1390ECH). L'égalité/principe est donc l'égalité en droits.
(10) Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG) ; A. Fabre, Loi "Macron" : barème, référentiel, grille - l'indemnisation des licenciements injustifiés en quête de prévisibilité, Lexbase Hebdo n° 623 du 3 septembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N8672BUQ) ; RDT, 2015, p. 489, édito A. Lyon-Caen.
(11) Sur ce contentieux, notre étude L'exercice du droit syndical après la loi du 20 août 2008 : Liberté, égalité, représentativité, ou la nouvelle devise de la démocratie sociale, Dr. soc., 2011, p. 1229. On observera d'ailleurs que, dans le dossier documentaire, le Conseil a visé les décisions intervenues dans ce cadre (Cons. const. décision n° 2010-42 QPC du 7 octobre 2010 N° Lexbase : A2099GBD ; Cons. const., décision n° 2011-216 QPC du 3 février 2012 N° Lexbase : A6683IB7).
(12) Cons. const., décision n° 2014-704 DC du 11 décembre 2014 (N° Lexbase : A2168M7G) : "en prévoyant que les conseillers prud'hommes seront désignés en fonction du critère d'audience qui fonde la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs, les dispositions contestées ont fixé un critère de désignation des candidats en lien direct avec l'objet de la loi" (décision visée dans le dossier documentaire).
(13) Notre étude Représentativité syndicale et égalité de traitement, Dr. ouvrier, 2014, p. 501. V. également, dans le même numéro, l'étude de S. Nadal.
(14) Voilà également pourquoi nous sommes favorables à une mesure d'audience des organisations patronales également fondées sur les scores électoraux, et non le nombre d'adhérents.
Décision
Cons. const., décision n° 2015-502 QPC du 27 novembre 2015 (N° Lexbase : A9181NXC). Texte concerné : Validation du 1° de l'article L. 2135-13 du Code du travail (N° Lexbase : L6244IZB). Mots clef : organisations professionnelles ; financement ; égalité de traitement ; différence de situation. Liens base : . |
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-10.930, FS-P+B (N° Lexbase : A6958NYD)
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Le 10 Décembre 2015
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Le 10 Décembre 2015
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-15.077, F-D (N° Lexbase : A6979NY7) : ayant constaté que le salarié ne fournissait qu'un relevé manuscrit mensuel quelles que soient la période de l'année, la distance et la nature du chantier, sans tenir compte des absences et sans qu'aucun élément extérieur, date, lieu des chantiers ou attestations de collègues, ne vienne le corroborer afin de démontrer qu'il effectuait des heures supplémentaires au-delà de celles qui lui étaient réglées chaque mois, la cour d'appel (CA Lyon, 3 février 2014, n° 13/01330 N° Lexbase : A4612MD8) a fait ressortir, sans inverser la charge de la preuve, que ces éléments n'étaient pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments (voir en ce sens, Cass. soc., 19 février 2014, n° 11-22.005, F-D N° Lexbase : A7653ME8) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0356ETD).
- Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 13-20.706, FS-D (N° Lexbase : A6974NYX) : pour débouter M. P. de sa demande en requalification de la clause dite de loyauté en clause de non-concurrence, l'arrêt, après avoir constaté que l'article 6 du contrat d'une part, stipulait qu'en cas de cessation de sa collaboration et pour quelle que cause que ce soit, l'associé s'interdit d'apporter sous quelle que forme que ce soit et sans autorisation écrite de la société, sa collaboration à l'un des clients de celle-ci en qualité d'expert-comptable et commissaire aux comptes, d'autre part, interdisait au salarié de s'installer ou de travailler, notamment en entrant au service d'un tiers, au titre d'une des professions citées ci-dessus dans le ou les secteurs où il aura exercé ses fonctions au cours des trois dernières années précédant la date de son départ et, de toute manière, dans un rayon de cent kilomètres à partir de chacune de ses résidences professionnelles au cours de cette même période, retient que cette clause n'interdisait pas au salarié de s'engager auprès d'un employeur concurrent ou de créer une entreprise concurrente après la rupture du contrat de travail ni d'accepter de travailler pour des clients de l'employeur envisageant spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter sous quelle que forme que ce soit avec l'ancien salarié, alors qu'il résultait des termes de la clause que celle-ci était pour partie une clause de non-concurrence, la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 14 mai 2013, n° 11/10716 N° Lexbase : A1965KD7) a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble les articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8744ESN).
- Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-22.609, F-D (N° Lexbase : A6901NYA) : la cour d'appel (CA Bordeaux, 10 juin 2014, n° 12/06276 N° Lexbase : A3565MQ4), qui a relevé d'une part, que, M. P., qui effectuait des vacations de médecin conseil sur dossier, dans le cadre d'une mission d'expertise et de conseil, n'était astreint à aucun horaire fixe, pouvait exercer en parallèle son activité de médecin hospitalier et libéral et ne justifiait pas avoir reçu la moindre directive, autre qu'organisationnelle, dans l'exercice de ses missions, notamment du médecin chef, sans pouvoir de direction sur les médecins conseils, ou du responsable du service, d'autre part exactement rappelé que la fourniture de moyens de travail et l'intégration dans un service organisé sont insuffisantes pour caractériser un salariat, enfin retenu, au terme d'une analyse dénuée de dénaturation, que le document concernant des recommandations sur la confidentialité médicale s'adressait non à lui mais aux collaborateurs de la société, a pu en déduire, par une décision motivée, que M. P. ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7629ESD).
- Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-21.992, F-D (N° Lexbase : A6861NYR) : ayant constaté que l'intéressé n'avait jamais été immatriculé en tant qu'auto-entrepreneur, que l'ensemble des intervenants à la réalisation et la publication des magazines avaient été informés, par mail du 13 mars 2011, de ce qu'il rejoignait la société et de la mission qui serait la sienne, et qu'il avait reçu des instructions du gérant de la société et des demandes de commerciaux en tant que P. et non en tant qu'indépendant, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que les relations s'étaient poursuivies à compter du 13 mars 2011 dans le cadre d'un contrat de travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7628ESC).
II - Discrimination et harcèlement
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-19.600, F-D (N° Lexbase : A6947NYX) : en rejetant la demande du salarié au titre de la discrimination en raison de l'origine ethnique alors qu'elle avait constaté que le salarié établissait qu'il s'était vu refuser depuis décembre 2007 le poste de polyvalent au service des rotatives et que l'employeur avait maintenu la mention "manutentionnaire" sur ses fiches de paie malgré son affectation au poste de rotativiste en 2005 et ce, jusqu'en décembre 2007, éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination, et qu'il appartenait dès lors à l'employeur de prouver que ses décisions étaient fondées sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ce que ne pouvait constituer une absence de polyvalence imputable à l'employeur, la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 18 avril 2014, n° 13/07940 N° Lexbase : A4155MK4) n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1 (N° Lexbase : L5203IZQ) et L. 1134-1 (N° Lexbase : L6054IAH) du Code du travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2591ET7).
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-18.088, F-D (N° Lexbase : A6911NYM) : après avoir constaté que la salariée avait subi une diminution de ses responsabilités et de ses attributions ainsi qu'une dégradation de sa position hiérarchique, qu'elle n'avait obtenu aucune réponse à ses demandes de formations et de mutation interne et que sa secrétaire personnelle lui avait été retirée, la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 26 mars 2014, n° 12/06951 N° Lexbase : A0132MIQ) a pu en déduire que l'ensemble de ces éléments de faits permettait de présumer l'existence d'un harcèlement moral (pour d'autres exemples sur ce thème, voir notamment Cass. soc., 28 janvier 2015, n° 13-26.255, F-D N° Lexbase : A6987NAZ et Cass. soc., 7 janvier 2015, n° 13-17.602, F-D N° Lexbase : A0731M9X) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0281E7K et N° Lexbase : E0261E7S).
III - Egalité de traitement
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-19.600, F-D (N° Lexbase : A6947NYX) : en relevant, d'une part, que la Convention collective applicable à la situation du salarié est celle des ouvriers de la presse quotidienne régionale (N° Lexbase : X0678AET) et non celle des employés qui seule prévoit l'octroi d'une prime d'ancienneté, d'autre part, que le salarié ne produisait aucun élément de nature à démontrer qu'il se trouve dans une situation identique à celle des employés de la presse régionale, la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 18 avril 2014, n° 13/07940 N° Lexbase : A4155MK4) a fait ressortir que le salarié n'établissait pas que les différences de traitement opérées par la convention collective litigieuse au profit des employés de la presse quotidienne régionale par rapport aux ouvriers étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle (sur les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, voir notamment Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3401NA9 ; Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-25.437, FS-P+B N° Lexbase : A6934NA3 ; Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-14.773, FS-P+B N° Lexbase : A7024NAE) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2592ET8).
IV - Procédure prud'homale
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-18.454, F-D (N° Lexbase : A6897NY4) : l'impartialité personnelle des juges étant présumée, les propos de la cour d'appel (CA Bordeaux, 1er avril 2014, n° 12/02441 N° Lexbase : A3330MI8) qui a considéré que "le fait que la salariée ait menacé son employeur de faire appel à un avocat pour obtenir une nouvelle classification puis un rappel de salaire, est insuffisant pour caractériser une quelconque discrimination seulement révélateur de l'esprit revendicatif et de chicane de cette jeune salariée" peuvent recevoir une acception dénuée de caractère péjoratif, de sorte qu'ils ne sont pas manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3810ETB).
V - Relations collectives de travail
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-14.735, F-D (N° Lexbase : A6968NYQ) : l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ; lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail. En cas de dispense d'activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s'il avait travaillé. Dès lors, le salarié est fondé à réclamer le paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique. Le salarié ne peut être privé, du fait de l'exercice de son mandat, du paiement d'une indemnité forfaitaire compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire. La cour d'appel (CA Douai, 31 janvier 2014, n° 12/04299 N° Lexbase : A5693MD9), qui a relevé que l'indemnité litigieuse constituait un complément de salaire, a décidé à juste titre que le salarié devait bénéficier des indemnités de panier qu'il aurait perçues s'il avait travaillé suivant son planning théorique (voir déjà en ce sens, Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-15.148, FP-D N° Lexbase : A0908NYB) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1709ETH).
VI - Rupture du contrat de travail
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-18.454, F-D (N° Lexbase : A6897NY4) : caractérise un abus de la liberté d'expression la salariée qui dénigre, dans de nombreux courriers et courriels son supérieur hiérarchique, contestant son autorité et sa compétence et refusant tout lien hiérarchique avec lui, en prenant à parti les autres associés ; use d'un ton menaçant, multipliant les courriers recommandés ; dénigre également ses collègues ; critique violemment l'organisation des agences et qui, malgré les réponses précises et circonstanciées apportées par les associés, persiste dans cette attitude vindicative et polémique (CA Bordeaux, 1er avril 2014, n° 12/02441 N° Lexbase : A3330MI8) (voir également, Cass. soc., 14 mai 1996, n° 94-44.715 N° Lexbase : A0012AUY ; Cass. soc., 5 mai 2004, n° 01-45.992, F-D N° Lexbase : A0469DCD) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4680EXM et N° Lexbase : E9160ES3).
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-17.701, F-D (N° Lexbase : A6856NYL) : après avoir estimé que les échanges entre le salarié et une employée placée sous son autorité hiérarchique dénotaient de la part de celui-là une confusion entretenue entre les sphères privée et professionnelle, quand bien même ils avaient lieu sur une messagerie privée en dehors des horaires de travail, et un rapport de domination culpabilisant et humiliant envers une salariée présentant un état psychologique fragile, la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 20 mars 2014, n° S 12/03618 N° Lexbase : A1688MHY) a pu retenir qu'ils étaient constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9188ES4).
- Cass. soc., 1er décembre 2015, n° 14-22.133, F-D (N° Lexbase : A6978NY4) : ayant constaté que le salarié avait communiqué au conseil de l'Ordre des médecins, dans le seul but de faire valoir sa position sans égard à l'intérêt de la patiente en faveur de laquelle la règle du secret est édictée, un tirage papier du dossier médical informatique d'une personne dont la suppression du nom ne garantissait pas un parfait anonymat, qu'il n'avait pas respecté l'interdiction que lui avait faite le directeur de l'établissement de prendre en charge les patients du chirurgien avec lequel il était en conflit, la cour d'appel (CA Orléans, 6 février 2014, n° 13/01878 N° Lexbase : A6263MDC) a pu retenir, d'une part, une violation du secret médical en ce que le salarié avait, en dehors des cas autorisés par l'article L. 1110-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9587IQ7) porté atteinte au secret d'informations concernant une personne pouvant être identifiée, en ayant agi dans un but étranger à la continuité des soins ou à la détermination de la meilleure prise en charge sanitaire possible et, d'autre part, une insubordination du salarié dès lors que celui-ci ne pouvait se prévaloir de l'indépendance professionnelle que lui reconnaît l'article R. 4321-56 du Code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes (ndlr : lire Code de la Santé publique au lieu de Code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes N° Lexbase : L7470IBB) qui ne porte que sur l'exercice des soins à prodiguer, pour ne pas respecter les directives de son employeur sur le choix des personnes à prendre en charge .
- Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-23.347, F-D (N° Lexbase : A6994NYP) : une clause selon laquelle il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d'entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur s'analyse comme une clause de non-concurrence. La clause litigieuse insérée au contrat de travail ne permettant pas à des clients de l'employeur qui envisageraient spontanément, en dehors de toute sollicitation ou de démarchage, de contracter directement ou indirectement avec l'ancien salarié, la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 20 juin 2014, n° 12/18267 N° Lexbase : A5453MRE) a fait ressortir que cette clause limitait la liberté de travail de ce dernier, de sorte qu'elle s'analysait en une clause de non-concurrence qui, ne prévoyant pas pour le salarié de contrepartie financière, était illicite (voir Cass. soc., 2 mars 2011, n° 08-43.609, F-D N° Lexbase : A3301G4Z) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8699ESY).
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Réf. : Ordonnance n° 2015-1578 du 3 décembre 2015 portant suppression du contrat d'accès à l'emploi et du contrat d'insertion par l'activité, et extension et adaptation du contrat initiative-emploi en Outre-mer (N° Lexbase : L3284KTS)
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Décret n° 2015-1579 du 3 décembre 2015 (N° Lexbase : L3286KTU)
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N0324BWW
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. crim., 1er décembre 2015, n° 14-85.480, F-P+B (N° Lexbase : A6149NYE)
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N0368BWK
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Le 10 Décembre 2015
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Réf. : Cass. crim., 1er décembre 2015, n° 14-85.828, F-P+B (N° Lexbase : A6115NY7)
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N0369BWL
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Le 12 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-22.311, FS-P+B (N° Lexbase : A6954NY9)
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N0344BWN
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Le 17 Décembre 2015
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