Jurisprudence : Cass. soc., 01-12-2015, n° 14-22.133, F-D, Rejet

Cass. soc., 01-12-2015, n° 14-22.133, F-D, Rejet

A6978NY4

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:SO01849

Identifiant Legifrance : JURITEXT000031578919

Référence

Cass. soc., 01-12-2015, n° 14-22.133, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/27708339-cass-soc-01122015-n-1422133-fd-rejet
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SOC. CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 1er décembre 2015
Rejet
M. HUGLO, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n 1849 F D Pourvoi n X 14-22.133 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Pouilly-sur-Loire,
contre l'arrêt rendu le 6 février 2014 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Bapterosses hôpital Saint-Jean, dont le siège est Briare,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 octobre 2015, où étaient présents M. Huglo, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Reygner, conseiller, M. Petitprez, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Bapterosses hôpital Saint-Jean, l'avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 février 2014), que M. Z, engagé le 1 octobre 2001 par l'association Bapterosses hôpital Saint-Jean, a été licencié pour faute grave le 6 avril 2012 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen
1 / que ne caractérise pas une violation du secret professionnel ou du secret médical et donc ne constitue pas une faute, le fait pour un kinésithérapeute, salarié d'un centre hospitalier, de produire devant une instance ordinale composée de membres tenus au secret professionnel, dans le cadre d'une tentative de conciliation, un dossier médical anonyme afin de démontrer que le chirurgien avec lequel il est en litige, ne lui transmet pas de comptes rendus opératoires nécessaires pour dispenser les soins de rééducation appropriés aux patients, ce qui l'empêche d'exercer sa profession ; qu'en jugeant que M. Z, kinésithérapeute de l'association Bapterosses - hôpital Saint-Jean, avait commis une faute grave au motif qu'il avait édité le dossier d'une patiente du docteur ..., pour le remettre au président du conseil de l'ordre des médecins, lors de la réunion de conciliation du 13 mars 2012 pour mettre un terme aux graves carences des dossiers de ce chirurgien, tout en constatant que le dossier ne comportait pas le nom de la patiente et n'était pas identifiable en sorte qu'il ne pouvait y avoir eu violation du secret médical, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1332-4 du code du travail, ensemble les articles 226-13 du code pénal et L. 1110-4 du code de santé publique ;
2 / qu'aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, les professionnels de santé peuvent échanger des informations relatives à une même personne afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible ; qu'en reprochant à M. Z d'avoir pris connaissance du dossier médical d'une patiente du docteur ..., chirurgien, ou encore de s'être procuré le 14 mars 2012 le compte rendu opératoire d'un patient non communiqué par ce même médecin, quand il est constant que l'exposant intervenait dans le cadre de soins de rééducation concernant les mêmes patients et que ce grief n'était donc pas constitutif d'une faute, la cour d'appel a violé les article L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1332-4 du code du travail, ensemble l'article L.1110-4 du code de santé publique ;
3 / que selon le code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes issu du décret 2008-1135 du 3 novembre 2008, un kinésithérapeute ne peut aliéner son indépendance professionnelle ; qu'il s'ensuit que ne peut être imputé à faute à M. Z, l'inobservation d'une directive du directeur de l'hôpital lui enjoignant de ne pas prendre en charge les patients d'un chirurgien ; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que ce grief était constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié avait communiqué au conseil de l'ordre des médecins, dans le seul but de faire valoir sa position sans égard à l'intérêt de la patiente en faveur de laquelle la règle du secret est édictée, un tirage papier du dossier médical informatique d'une personne dont la suppression du nom ne garantissait pas un parfait anonymat, qu'il n'avait pas respecté l'interdiction que lui avait faite le directeur de l'établissement de prendre en charge les patients du chirurgien avec lequel il était en conflit, la cour d'appel a pu retenir, abstraction faite des motifs critiqués à la deuxième branche du moyen, d'une part, une violation du secret médical en ce que le salarié avait, en dehors des cas autorisés par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique porté atteinte au secret d'informations concernant une personne pouvant être identifiée, en ayant agi dans un but étranger à la continuité des soins ou à la détermination de la meilleure prise en charge sanitaire possible et, d'autre part, une insubordination du salarié dès lors que celui-ci ne pouvait se prévaloir de l'indépendance professionnelle que lui reconnaît l'article R. 4321-56 du code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes qui ne porte que sur l'exercice des soins à prodiguer, pour ne pas respecter les directives de son employeur sur le choix des personnes à prendre en charge ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Z.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave est justifié ET D'AVOIR en conséquence, débouté M. Z de l'ensemble de ses demandes, y compris de sa demande de réintégration ;
AUX MOTIFS QUE a) sur les soins inadaptés et la perturbation de l'organisation de l'hôpital et les conflits avec le personnel les faits dont s'agit ayant fait l'objet d'un avertissement le 14 février 2012, ils ne peuvent être sanctionnés une seconde fois par un licenciement ;
b) sur la violation du secret médical
le secret médical édicté par l'article 226-13 du code pénal est absolu ; il s'impose à l'ensemble du personnel médical d'un établissement et concerne l'ensemble des documents et matériels détenus par le personnel dans l'exercice de ses fonctions qui ne peut être divulgué et doit rester confidentiel ; hormis les exceptions légales strictement et limitativement définies par les textes qui les prévoient, des informations peuvent être échangées entre soignants au sujet d'un malade dûment avisé, dans le seul but d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge possible ; tel n'était pas le cas lorsque M. Z a édité sur papier le dossier informatisé d'une patiente du docteur ... pour le remettre au président du Conseil de l'ordre des médecins dans le seul but de faire valoir sa position sans égard à l'intérêt du patient en faveur duquel le principe est édicté ; outre que la cancellation du nom de cette patiente ne garantissait pas un parfait anonymat, le salarié n'était pas censé prendre connaissance de son dossier médical audelà de ce que voulait bien lui communiquer le médecin prescripteur pour assurer la continuité des soins ; c'est pourtant ce qu'il a fait, nécessairement, lorsqu'il a eu à le lire pour masquer le nom du patient ; la violation du secret médical est avérée même si la gravité des faits doit être relativisée dès lors que leurs destinataires ont refusé, à juste titre, de le lire, précisément pour ne pas se rendre complice de cette violation ; c'est également en violation de ce secret que le 14 mars 2012, ce dernier s'est procuré le compte rendu opératoire d'un patient non communiqué par le Docteur ..., médecin prescripteur, ainsi qu'en atteste ... ..., qui était présente lorsque M. Z s'est présenté en salle de soin, a pris un dossier en déclarant qu'il allait faire une photocopie, en a extrait un compte rendu opératoire du Docteur ... avant de sortir ; aucune situation de maltraitance ou de privation de soin n'était en jeu à ce moment-là qui justifiait un tel comportement ; ce fait sera donc retenu comme fautif ;
c) l'insubordination
ce fait du 14 mars 2012 caractérise également une insubordination, dès lors que le directeur de l'hôpital Saint-Jean avait expressément interdit à M. Z de prendre en charge les patients du docteur ... à la suite des récriminations récurrentes du salarié lequel ne démontre pas en quoi il y avait urgence à mettre en place la rééducation de la patiente concernée alors que d'autres kinésithérapeutes étaient susceptibles de le faire les jours suivants ; le moyen tiré du principe de l'indépendance du kinésithérapeute n'est pas pertinent en l'occurrence dans la mesure où l'employeur n'a fait qu'user de ses prérogatives de direction et de gestion, sans s'immiscer dans la mission de soin du salarié, la démarche ayant pour objet d'assurer la bonne marche des services de soins en mettant fin aux problèmes de communication existant entre M. Z et le docteur ... ; cette décision s'imposait d'autant plus qu'il venait d'être saisi d'une plainte intéressant un dossier dans lequel, précisément, l'intervention de M. Z était mise en cause au sujet d'un patient du docteur ..., sans préjuger de la pertinence de ces doléances ; ce grief sera également retenu ; qu'au vu de ce qui précède, la faute du salarié rendant impossible la poursuite des relations contractuelles y compris pendant le temps du préavis, est caractérisée, celui-ci ayant persisté dans son attitude malgré deux mises en garde préalables de son employeur et des tentatives de conciliation demeurées sans effet ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE M. Z a été licencié pour faute grave par courrier recommandé avec accusé de réception le 6 avril 2012 ; que la faute grave consiste en une violation du secret médical et une remise en cause du pouvoir de direction de l'employeur ; que pour établir la preuve de la faute grave, l'Association Bapterosses produit des attestations relatives à la présentation du dossier médical d'un patient de l'hôpital Saint Jean devant le Conseil de l'ordre des médecins à l'occasion d'une réunion de conciliation sollicitée par le salarié ; que M. Z ne conteste pas le fait d'avoir photocopié le dossier sans autorisation pour le présenter à l'extérieur de l'hôpital, que l'objet de cette réunion était le différend opposant M. Z au docteur ... autour de la communication des comptes rendus opératoires, objet qui ne saurait relever d'une dérogation prévue par le code pénal en son article L 226-13 relatif à la violation du secret médical ; que la violation du secret médical est constituée dès la communication d'un dossier médical sans autorisation du patient, peu importe que les personnes assistant à la réunion appartiennent à des professions de santé dès lors qu'elles n'ont pas à concourir aux soins et peu importe que le nom du patient soit caché ; que M. Z ne peut ignorer que les fiches d'événements indésirables sont diffusés à l'ensemble du personnel y compris aux services administratifs qui n'ont pas à connaître la situation médicale du patient ; qu'il est attesté que M. Z, lors de l'émission de la fiche du 14 mars 2012, a photocopié sans autorisation, le compte-rendu opératoire d'un patient ; qu'il a, par là- même, violé le secret professionnel auquel il est tenu ; que la violation du secret médical par un salarié, constitutive d'une infraction pénale, justifie le licenciement pour faute grave empêchant le maintien du salarié dans l'établissement y compris pendant la période de préavis ; que l'Association Bapterosses s'appuie sur des échanges de courriers et de mails avec le salarié démontrant le refus de M. Z de se soumettre aux instructions du directeur ; que M. Z ne peut, pour refuser d'appliquer les directives de son employeur, se prévaloir de son indépendance dans l'exercice de sa profession celle-ci ne portant que sur les actes de kinésithérapie qu'il doit exécuter dans les règles de l'art ; que M. Z a persisté dans son attitude, ce qui constitue un acte d'insubordination avéré, lequel caractérise une violation grave de ses obligations contractuelles empêchant également son maintien dans l'entreprise ; que non- respect des consignes du chirurgien par le salarié a été porté à la connaissance de l'employeur dès octobre 2011 et ont fait l'objet d'un courrier de recadrage en janvier 2012 ; que le conseil écarte ce moyen de la présente procédure et considère qu'il s'agit d'un rappel du comportement fautif du salarié ; que sans avoir à développer les autres griefs qui ne font que confirmer l'opposition de M. Z à l'autorité du directeur, le conseil dit que le licenciement de M. Z pour faute grave est justifié,
1 - ALORS QUE ne caractérise pas une violation du secret professionnel ou du secret médical et donc ne constitue pas une faute, le fait pour un kinésithérapeute, salarié d'un centre hospitalier, de produire devant une instance ordinale composée de membres tenus au secret professionnel, dans le cadre d'une tentative de conciliation, un dossier médical anonyme afin de démontrer que le chirurgien avec lequel il est en litige, ne lui transmet pas de comptes rendus opératoires nécessaires pour dispenser les soins de rééducation appropriés aux patients, ce qui l'empêche d'exercer sa profession ; qu'en jugeant que M. Z, kinésithérapeute de l'Association Bapterosses - Hôpital ..., avait commis une faute grave au motif qu'il avait édité le dossier d'une patiente du docteur ..., pour le remettre au président du Conseil de l'ordre des médecins, lors de la réunion de conciliation du 13 mars 2012 pour mettre un terme aux graves carences des dossiers de ce chirurgien, tout en constatant que le dossier ne comportait pas le nom de la patiente et n'était pas identifiable en sorte qu'il ne pouvait y avoir eu violation du secret médical, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L 1234-9, et L. 1332-4 du code du travail, ensemble les articles 226-13 du code pénal et L.1110-4 du code de santé publique
2 - ALORS QU'aux termes de l'article L.1110-4 du code de la santé publique, les professionnels de santé peuvent échanger des informations relatives à une même personne afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible ; qu'en reprochant à M. Z d'avoir pris connaissance du dossier médical d'une patiente du docteur ..., chirurgien, ou encore de s'être procuré le 14 mars 2012 le compte rendu opératoire d'un patient non communiqué par ce même médecin, quand il est constant que l'exposant intervenait dans le cadre de soins de rééducation concernant les mêmes patients et que ce grief n'était donc pas constitutif d'une faute, la cour d'appel a violé les L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1332-4 du code du travail, ensemble l'article L.1110-4 du code de santé publique ;
3 - ALORS QUE selon le code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes issu du décret 2008-1135 du 3 novembre 2008, un kinésithérapeute ne peut aliéner son indépendance professionnelle ; qu'il s'ensuit que ne peut être imputé à faute à M. Z, l'inobservation d'une directive du directeur de l'hôpital lui enjoignant de ne pas prendre en charge les patients d'un chirurgien ; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que ce grief était constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a violé L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, et L. 1332-4 du Code du travail.

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