Jurisprudence : Cass. soc., 01-12-2015, n° 14-17.701, F-D, Rejet

Cass. soc., 01-12-2015, n° 14-17.701, F-D, Rejet

A6856NYL

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:SO01854

Identifiant Legifrance : JURITEXT000031579177

Référence

Cass. soc., 01-12-2015, n° 14-17.701, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/27708217-cass-soc-01122015-n-1417701-fd-rejet
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SOC. LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 1er décembre 2015
Rejet
M. HUGLO, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n 1854 F D Pourvoi n E 14-17.701 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Montigny-le-Bretonneux,
contre l'arrêt rendu le 20 mars 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Nespresso France, société par actions simplifiée, dont le siège est Paris cedex 15,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 octobre 2015, où étaient présents M. Huglo, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Barbé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Reygner, conseiller, M. Petitprez, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Z, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Nespresso France, l'avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, le 20 mars 2014), que M. Z, engagé le 3 juillet 2006 par la société Nespresso France en qualité de cadre "responsable boutique", a été licencié par lettre du
3 décembre 2009 pour faute grave avec mise à pied conservatoire ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de contestation de son licenciement ainsi que de paiement de diverses indemnités de rupture, pour remise tardive des documents sociaux et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur le premier moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied et des congés payés afférents, alors, selon le moyen
1 / qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier une sanction disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que ne caractérise pas un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail une correspondance privée entretenue par un salarié avec une autre salariée de l'entreprise, hors temps et lieu de travail, à l'aide de moyens de communication n'appartenant pas à l'employeur ; qu'en jugeant l'employeur autorisé à sanctionner ce fait tiré de la vie personnelle du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1331-1 du code du travail, 9 et 1134 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
2 / qu'en lui reprochant une immixtion fautive dans la vie privée de Mme ... sans aucunement caractériser cette immixtion, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3 / qu'il résulte des courriers électroniques et messages téléphoniques écrits régulièrement produits aux débats que non seulement les deux salariés entretenaient un échange mais encore que cet échange était souhaité et provoqué par Mme ... ; qu'en lui reprochant pourtant une immixtion fautive dans la vie privée de Mme ..., la cour d'appel a dénaturé la correspondance produite aux débats en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, sans dénaturer les pièces soumises à son appréciation, après avoir estimé que les échanges entre le salarié et une employée placée sous son autorité hiérarchique dénotaient de la part de celui-là une confusion entretenue entre les sphères privée et professionnelle, quand bien même ils avaient lieu sur une messagerie privée en dehors des horaires de travail, et un rapport de domination culpabilisant et humiliant envers une salariée présentant un état psychologique fragile, a pu retenir qu'ils étaient constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'il poursuivait l'indemnisation du préjudice résultant de l'exécution déloyale de son contrat de travail caractérisée notamment par les conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail ; qu'en le déboutant de cette demande sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui rejette toutes autres demandes de M. Z, n'a pas statué sur le chef de demande des dommages-intérêts pour préjudice distinct né des circonstances de la rupture, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z Z de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied et des congés payés y afférents.
AUX MOTIFS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, l'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à Monsieur Z par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 décembre 2009 est rédigée de la manière suivante (...) ; que s'agissant du premier grief tenant au " comportement totalement inacceptable caractérisé par des pratiques managériales inadmissibles envers ses collaborateurs directs ", Monsieur Z ne peut soutenir que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire à son égard, dès lors que l'avertissement notifié le 26 octobre 2009, concernait son implication dans la société et ses relations conflictuelles avec sa hiérarchie et de fait n'avait aucun lien avec les griefs contenus dans la convention remise le 13 novembre 2009, de même qu'il ne peut se prévaloir de l'absence de tenue de l'entretien auquel il avait été convoqué pour le 13 novembre 2009 ; que par ailleurs, ainsi que l'ont en partie relevé les premiers juges et contrairement à ce que soutient Monsieur Z, les échanges entre Madame ... et lui qu'il produit également aux débats ne sont jamais totalement dénués de tout lien avec l'activité professionnelle de son adjointe et avec le rapport hiérarchique existant entre les deux salariés ; qu'au demeurant, dès lors que Monsieur Z qui, dans la perspective du départ de Madame ... du magasin de la rue Scribe, avait demandé à l'intéressée d'effacer les messages antérieurs, ne peut prétendre avoir été dans l'ignorance de la faculté pour cette dernière de les conserver, que dabs ces conditions et dès lors qu'en toute hypothèse, rien ne permet de considérer que les messages litigieux n'ont pas été librement portés à la connaissance de l'employeur par l'intéressée, il ne peut être soutenu qu'ils ont été obtenus de façon déloyale ; que ce faisant, et nonobstant l'intérêt sérieux que pouvait représenter leur lecture au regard de l'obligation de sécurité de l'employeur à l'égard de ses salariés, s'agissant de faits susceptibles de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral, M. Z n'est pas fondé à se prévaloir de leur caractère privé pour contester la légitimité de la procédure disciplinaire engagée à son encontre ; que les longs développements de M. Z comme les attestations d'autres salariés qu'il produit, tendant à démontrer qu'il n'y avait pas de sa part de comportant caractéristique du harcèlement à l'égard de Mme ... sur le lieu de travail et que cette dernière non seulement y demeurait de son plein gré au-delà de ses heures d'ouverture mais recherchait la complicité de son supérieur, sont inopérants s'agissant de l'immixtion de l'intéressé dans la sphère privée de la salariée ; que de la même manière, sont inopérants les développements de M. Z relatif à l'impossibilité pour l'employeur d'engager une procédure disciplinaire fondée sur les troubles causés dans l'entreprise à raison de faits relevant de la vie privée, des lors ces faits sont en lien et ont une répercussion sur l'activité professionnelle ; qu'en effet, les échanges produits contiennent des messages mêlant des aspects personnels et professionnels, porteurs de la part de M. Z d'un discours à caractère dominateur, à tout le moins culpabilisant et humiliant, alors que Mme ..., dans un état de fragilité psychologique, connu de son supérieur qui le rappelle opportunément, fait état de sa dépression et de la crainte suscitée par ses réactions ; que c'est en vain que M. Z soutient que les membres de phrases qui lui ont été reprochés, sont extraits de leur contexte, pour en relativiser la portée, alors que les échanges dont ils sont effectivement extraits et qu'il produit, démontrent qu'il avait établi une emprise sur Mme ..., en se comportant, y compris s'agissant de sa vie intime, en directeur de conscience, et en pratiquant des formes de chantage, notamment en garantissant l'absence de difficulté dans l'hypothèse où elle se conformerait aveuglément aux règles qu'il édictait ou en faisant état d'un projet de démission, au point de placer Mme ... dans une situation de dépendance morale au retour de congés de ce dernier en octobre 2009 ; que dès lors que la société Nespresso avait connaissance de tels faits qui, démontraient de la part d'un responsable de magasin, l'entretien d'une perméabilité, entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle à l'égard d'une personne placée sous son autorité, constitutive d'une immixtion fautive dans sa vie privée, indépendamment de toute appréciation d'une éventuelle situation de harcèlement moral, elle était fondée à licencier pour faute grave M. Z qui se faisant, abusait manifestement de l'autorité que lui conférait ses fonctions ; que la circonstance que Mme ... n'ait révélé les comportements critiqués qu'en octobre ou en novembre 2009, concomitamment aux entretiens préalables auxquels comme les deux autres adjoints de la boutique, elle était convoquée en raison du non-respect de la procédure de réception des fonds de la Brinks, comme la circonstance que la société Nespresso ait continué à recueillir au-delà de la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable ou de l'entretien lui-même, des éléments corroborant les faits dénoncés, est indifférente à l'appréciation de ce grief qui suffit à lui seul à justifier le licenciement de M. Z pour faute grave ; que par ces motifs substitués, la décision des premiers juges sera confirmée et M. Z débouté de l'ensemble de ses demandes.
ALORS QU'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier une sanction disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que ne caractérise pas un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail une correspondance privée entretenue par un salarié avec une autre salariée de l'entreprise, hors temps et lieu de travail, à l'aide de moyens de communication n'appartenant pas à l'employeur ; qu'en jugeant l'employeur autorisé à sanctionner ce fait tiré de la vie personnelle du salarié, la Cour d'appel a violé les articles L.1121-1 et L.1331-1 du Code du travail, 9 et 1134 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
ET ALORS QU'en reprochant à Monsieur Z Z une immixtion fautive dans la vie privée de Madame ... sans aucunement caractériser cette immixtion, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1234-1, L.1234-9, L.1232-1 et L.1235-1 du Code du travail.
ET ALORS surtout QU'il résulte des courriers électroniques et messages téléphoniques écrits régulièrement produits aux débats que non seulement les deux salariés entretenaient un échange mais encore que cet échange était souhaité et provoqué par Madame ... ; qu'en reprochant pourtant à Monsieur Z Z une immixtion fautive dans la vie privée de Madame ..., la Cour d'appel a dénaturé la correspondance produite aux débats en violation de l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z Z de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que Monsieur Z Z poursuivait l'indemnisation du préjudice résultant de l'exécution déloyale de son contrat de travail caractérisée notamment par les conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail ; qu'en le déboutant de cette demande sans donner aucun motif à sa décision de ce chef, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

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