La lettre juridique n°287 du 10 janvier 2008

La lettre juridique - Édition n°287

Éditorial

Et si Proust avait bénéficié d'un crédit d'impôt pour sa recherche du temps perdu ?

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N6016BD8

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Chez Proust, au commencement, il y a "je". Et si "le sentiment religieux cosmique est le motif le plus puissant et le plus noble de la recherche scientifique", selon Einstein, nous ne sommes pas loin de penser que l'introspection littéraire n'est pas si éloignée que cela de la quête scientifique. Ne dit-on pas d'A la recherche du temps perdu, qu'il s'agit là non pas seulement de la recherche de la mémoire et du coeur, mais la conquête audacieuse des lois générales de l'esprit et du monde. L'objectif de cette somme littéraire est d'effacer progressivement la personnalité du petit, puis du grand, Marcel, pour découvrir la loi du temps qui passe et qui métamorphose tout. Les progrès techniques, les aléas de la mode et plus encore, les morts, jalonnent ainsi le récit. Et malgré les excroissances anarchiques et monstrueuses, les phrases longues et embrouillées, l'unité du projet [ici littéraire] ne cesse jamais de s'affirmer. Ne voit-on pas, alors, la méthodologie si chère aux sciences exactes ? Même le sujet de recherche de Proust est digne d'un sujet de recherche scientifique : le temps. Et quelle est la téléologie de la recherche, si ce n'est de gagner du temps ?

Encore, l'oeuvre de Proust s'analyse comme un tableau impressionniste de la fin du XIXème siècle, sur un air de déclin de civilisation, dont l'écho se fait étrangement sentir en notre propre temps où règnent les déclinologues. Finalement rechercher le temps perdu et pourquoi pas rattraper le temps, n'est-ce pas ce que souhaite le Gouvernement, en réformant le crédit d'impôt recherche et en soutenant les entreprises innovantes, lorsque la Cour des comptes, dans son rapport annuel 2007, marque que les systèmes les plus efficaces pour stimuler les efforts de recherche, notamment en période de récession économique, sont fondés sur le volume des dépenses engagées et non sur leur simple accroissement, et ce bien que le coût budgétaire en soit plus élevé. Le couperet est lourd : le crédit d'impôt institué en 1983 et pérennisé en 2004, et qui favorise l'accroissement, va droit dans le mur. Il s'agit alors de redresser la barre et de rattraper l'investissement ainsi perdu à la suite d'une mesure ayant découragé ou pas assez valorisé l'investissement, même constant, dans la recherche, en France.

Globalement la loi de finances pour 2008 n'est pas des lois les plus ambitieuses ; et ne parlons pas de la loi de finances rectificative dont ce n'est d'ailleurs pas l'essence que d'impulser une dynamique économique quelconque. Le "paquet fiscal" de l'été 2007 aura gommé tous ses effets à la traditionnelle loi de finances de fin d'année, mais il en résulte tout de même une impulsion clairement revendiquée, celle d'encourager la recherche afin de préparer la compétitivité de l'économie française de demain et d'assurer les emplois à forte valeur ajoutée d'aujourd'hui.

D'aucuns regretteront que le crédit d'impôt recherche constitue le principal, voire le seul, instrument d'incitation à la recherche en direction des entreprises françaises, et qu'il est insuffisant à engager une dynamique forte pour combler la régression des investissements en faveur de la recherche de ces dernières années, toujours est-il qu'une réforme s'imposait. La formule en accroissement entraînait des effets procycliques contraires à l'objectif recherché puisque le crédit d'impôt disparaissait au moment où l'entreprise menait moins de recherche, pour des raisons souvent conjoncturelles. Afin de renforcer tout en le simplifiant ce dispositif, la loi a supprimé le plafond et la part en accroissement et de fixer le taux du crédit d'impôt assis sur le volume des dépenses de recherche à 30 % jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses et 5 % au-delà. En outre, le taux du crédit d'impôt recherche la première année pour les entreprises qui en bénéficient pour la première fois ou n'en ont pas bénéficié pendant cinq ans, est majoré. Ce taux de 30 % est porté à 50 % la première année. Enfin, deux aménagements visent à sécuriser le dispositif pour les entreprises en améliorant les procédures de validation préalable des projets éligibles au crédit d'impôt (rescrit et contrôle sur demande du contribuable). C'est, désormais, le montant global de l'investissement qui est valorisé plus volontiers que son accroissement.

Alors, sept tomes... Imagine-t-on que Proust se serait plus investi, pour sa recherche, dans Le temps retrouvé que Du côté de chez Swann ? Certes, A l'ombre d'une jeune fille en fleurs aura connu les honneurs du Goncourt, mais pouvait-on décemment donner à l'auteur, chaque année, entre 1913 et 1927, le précieux sésame littéraire ? C'eût pu être fait sans peine. Mais sept volumes d'égal génie littéraire pour la recherche la plus absolue qui soit, c'eût été contraire à l'objectif du temps retrouvé que de ne créditer Proust que pour certaines de ces oeuvres...

En juillet 2000, les premières pages de Du côté de chez Swann on été vendues pour la somme de 663 750 livres sterling, le record du monde pour un manuscrit littéraire français... pas mal pour un écrivain dont la recherche constitua le but de toute une vie. Mais laissons là "l'appât du gain [qui] ne représentera jamais la motivation principale du chercheur" écrivait Pierre Joliot, dans La recherche passionnément, même si la formule est d'une naïveté économique et fiscale des plus touchantes...

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Consommation

[Textes] Publication de la loi "Chatel" renforçant la concurrence au service des consommateurs

Réf. : Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (N° Lexbase : L7006H3U)

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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef du pôle Presse

Le 07 Octobre 2010

Le Gouvernement a fait du pouvoir d'achat des Français l'une des priorités de son action, ce qui passe non seulement par une politique de revalorisation du travail, mais également par une action durable sur le niveau des prix. La concurrence doit jouer davantage au bénéfice du consommateur. C'est dans cette perspective que le secrétaire d'Etat chargé de la Consommation et du Tourisme avait présenté, lors du Conseil des ministres du 31 octobre 2007, un projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs qui avait pour ambition de modifier le cadre des relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs, ainsi que les règles applicables dans les secteurs des communications électroniques et de la banque. Ce texte, examiné fin 2007 par le Parlement, a été publié au Journal officiel du 4 janvier 2008. Composée de 40 articles, la loi nouvelle modernise les relations commerciales (I), propose des mesures sectorielles en faveur du pouvoir d'achat (II) et habilite le Gouvernement à procéder à l'adaptation du Code de la consommation (III). I - La modernisation des relations commerciales

Destinée à lutter contre les prix "abusivement" bas, la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales (N° Lexbase : L0102BIM), dite loi "Galland", a si bien atteint son objectif qu'elle a contribué, avec le développement des marges arrière, à créer un mécanisme de formation des prix des grandes marques nationales vendues par la grande distribution qui pénalise le consommateur. De son côté, la loi du 2 août 2005 en faveur des PME a engagé un processus de réforme progressive dont les effets positifs sur l'évolution des prix sont démontrés par un rapport tout récemment remis au Parlement. Anticipant ce constat, la loi nouvelle achève ce processus, dans le strict respect des orientations parlementaires exprimées en 2005.

L'article 1er de la loi modifie les dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3884HBH) et donc la règle de calcul du seuil de revente à perte afin que puissent y être intégrés tous les avantages financiers consentis à l'acheteur par le fournisseur : "le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport" (C. com., art. L.442-2, al. 2 nouveau).

L'article 2 de la loi formalise la relation entre fournisseur et distributeur imposant la rédaction d'une convention fixant les conditions de l'opération de vente des produits et les obligations incombant à chaque partie (C. com., art. L. 441-7 nouveau).

L'article 5 insère un nouvel alinéa à l'article L. 442-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L8793G88), visant à responsabiliser le revendeur qui exige "de son fournisseur, en situation de forte hausse des cours de certaines matières premières agricoles, des prix de cession abusivement bas pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses, pour les produits de l'aquaculture, ainsi que pour les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits". Pour encadrer cette règle, un décret fixera les conditions définissant la situation de forte hausse des cours de certaines matières premières agricoles, ainsi que la liste des produits concernés.

Enfin, l'on peut citer également l'instauration d'une nouvelle dérogation au travail dominical apportée par l'article 11 de la loi. En effet, celui-ci modifie l'article L. 221-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5884ACW) en autorisant les établissements de commerce de détail d'ameublement à ouvrir le dimanche.

II - Les mesures sectorielles en faveur du pouvoir d'achat

Sont visés par ces mesures, le secteur des communications électroniques, le secteur bancaire et le secteur des assurances.

A - Le secteur des communications électroniques

La loi nouvelle modifie en profondeur la section du Code de la consommation consacrée aux contrats de services de communication électronique.

Sont concernés les contrats d'abonnement aux services de téléphonie fixe et mobile, mais aussi les contrats de fourniture d'accès à l'internet.

L'article 12 de la loi insère deux nouveaux articles au Code de la consommation (art. L. 121-84-1 et L. 121-84-2) ayant pour objectif de limiter le contentieux lié à la restitution des dépôts de garantie et des sommes versées d'avance aux opérateurs. Il est ainsi prévu que ces sommes devront être restituées "sous réserve du paiement des factures restant dues, au plus tard dans un délai de dix jours à compter du paiement de la dernière facture" ou "de la restitution au professionnel de l'objet garanti". Et la loi instaure une sanction conséquente : en cas de retard, les sommes dues sont, de plein droit, majorées de moitié.

Le nouvel article L. 121-84-2 du Code de la consommation réduit la durée du préavis de résiliation des contrats de services de communication électronique à dix jours (sauf demande contraire du consommateur).

L'article 13 de la loi nouvelle insère un article L. 121-84-3 au Code de la consommation qui impose au fournisseur de mentionner sur les factures "la durée d'engagement restant à courir ou la date de la fin de l'engagement ou, le cas échéant, que cette durée minimum d'exécution du contrat est échue".

L'article 16 de la loi instaure la fin des appels surtaxés vers les services d'assistance ("hotlines"). Le sujet des lignes d'assistance surtaxées était discuté depuis plusieurs années. En 2006, le ministre de l'Industrie, François Loos, avait abouti à un accord des principaux fournisseurs d'accès à internet pour qu'ils ne recourent plus à des lignes d'appel surtaxées vers leurs services d'assistance à partir du 1er janvier 2007. Le ministre avait alors prévenu qu'en cas d'inexécution par les fournisseurs d'accès, un texte législatif serait pris. Différé en raison des élections, le texte est rapidement venu s'inscrire à l'agenda de la nouvelle législature. Seuls sont visés, par le nouvel article L. 121-84-5 du Code de la consommation, les appels liés à l'exécution du contrat, vers les services après-vente, d'assistance technique ou de traitement des réclamations. En revanche, les appels pour obtenir des informations de nature commerciale ou administrative ou pour souscrire à des offres par téléphone ne sont pas concernés par la mesure. Les principes fixés à l'article L. 121-84-5 du Code de la consommation sont clairs : les services concernés doivent être accessibles depuis le territoire métropolitain, par un numéro d'appel fixe et non surtaxé. En outre, lorsque le consommateur appelle le service d'assistance à partir d'une ligne téléphonique fournie par l'opérateur, le temps d'attente doit être gratuit. Le temps d'attente est considéré comme le temps pendant lequel le consommateur "n'a pas été mis en relation avec un interlocuteur prenant en charge le traitement effectif de sa demande" (C. consom., art. L. 121-84-5, I, al. 3).

L'article 17 de la loi insère au sein du Code de la consommation deux articles prévoyant, d'une part, que les fournisseurs de services "ne peuvent subordonner la conclusion ou la modification des termes du contrat [...] à l'acceptation par le consommateur d'une clause imposant le respect d'une durée minimum d'exécution du contrat de plus de vingt-quatre mois à compter de la date de conclusion du contrat ou de sa modification" ; de même, le fournisseur qui propose un contrat avec une période d'engagement de plus de douze mois doit proposer simultanément la même offre avec une durée d'engagement d'un an au maximum et offrir la possibilité de résilier le contrat après un an, l'indemnité de résiliation étant alors limitée au quart du montant restant dû (C. consom., art. L. 121-84-6). D'autre part, le fournisseur de services ne peut facturer au consommateur que les frais correspondant aux coûts qu'il a effectivement supportés au titre de la résiliation, sans préjudice, le cas échéant, des dispositions contractuelles portant sur le respect d'une durée minimum d'exécution du contrat (C. consom., art. L. 121-84-7).

L'article 19 de la loi concerne les services de renseignements téléphoniques. Aux termes du nouvel article L. 121-84-10 du Code de la consommation, les services de renseignements téléphoniques devront indiquer à leurs clients le coût de la mise en relation lorsque cette dernière sera proposée. Par ailleurs, lorsque l'appel sera passé depuis un mobile, l'opérateur de téléphonie pourra, outre le prix du service lui-même, continuer à facturer le prix de la communication, à condition que celle-ci soit décomptée du forfait, et non plus la décompter systématiquement hors forfait comme le font certains opérateurs (C. consom., art. L.121-84-9).

B - Le secteur bancaire

Le chapitre II de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs contient des mesures relatives au secteur bancaire.

L'article 23 de la loi modifie la première phrase du 1er alinéa du I de l'article L. 312-1-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2826G9K) qui se trouve ainsi rédigée : "Tout établissement de crédit désigne un ou plusieurs médiateurs chargés de recommander des solutions aux litiges avec des personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels, relatifs aux services fournis et à l'exécution de contrats conclus dans le cadre du présent titre et du titre II du présent livre et relatifs aux produits mentionnés aux titres Ier et II du livre II".

De plus, le II de l'article L. 312-1-1 (N° Lexbase : L7757HW9) du même code est complété par l'alinéa suivant : "Dans les mêmes conditions, au cours du mois de janvier de chaque année, est porté à la connaissance des personnes physiques et des associations un document distinct récapitulant le total des sommes perçues par l'établissement de crédit au cours de l'année civile précédente au titre de produits ou services dont ces personnes bénéficient dans le cadre de la gestion de leur compte de dépôt, y compris les intérêts perçus au titre d'une position débitrice de celui-ci. Ce récapitulatif distingue, pour chaque catégorie de produits ou services liés à la gestion du compte de dépôt, le sous-total des frais perçus et le nombre de produits ou services correspondant".

Enfin, l'article 25 de la loi modifie l'article L. 312-8 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6770ABD). Ainsi, à compter du 1er octobre 2008, les offres de prêts immobiliers devront comprendre pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts et, pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit.

L'article 26 insère un article L. 312-14-2 aux termes duquel, "pour les prêts dont le taux d'intérêt est variable, le prêteur est tenu, une fois par an, de porter à la connaissance de l'emprunteur le montant du capital restant à rembourser". Cet article entre en vigueur le 1er octobre 2008 et s'applique aux contrats de crédit en cours à cette date.

C - Le secteur des assurances

Dans un chapitre consacré à diverses dispositions, la loi nouvelle modifie les règles du Code des assurances relatives au démarchage à domicile.

L'article 27 renforce, à compter du 1er juillet 2008, l'information du consommateur démarché par un assureur, mais aussi sa faculté de renoncer au contrat. Ainsi "toute personne physique qui fait l'objet d'un démarchage à son domicile, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, et qui signe dans ce cadre une proposition d'assurance ou un contrat à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle, a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de la conclusion du contrat, sans avoir à justifier de motifs ni à supporter de pénalités" (C. assur., art. L. 112-9, I).

La proposition d'assurance ou le contrat doit comporter, à peine de nullité, la mention de cette faculté et doit comprendre un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation.

L'exercice du droit de renonciation dans le délai de 14 jours calendaires entraîne la résiliation du contrat à compter de la date de réception de la lettre recommandée. Dès lors qu'il a connaissance d'un sinistre mettant en jeu la garantie du contrat, le souscripteur ne peut plus exercer ce droit de renonciation.

En cas de renonciation, le souscripteur ne peut être tenu qu'au paiement de la partie de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque a couru, cette période étant calculée jusqu'à la date de la résiliation. L'entreprise d'assurance est tenue de rembourser au souscripteur le solde au plus tard dans les 30 jours suivant la date de résiliation. Au-delà de ce délai, les sommes non versées produisent de plein droit intérêts au taux légal.

Toutefois, l'intégralité de la prime reste due à l'entreprise d'assurance si le souscripteur exerce son droit de renonciation alors qu'un sinistre mettant en jeu la garantie du contrat et dont il n'a pas eu connaissance est intervenu pendant le délai de renonciation (C. assur., art. L. 112-9, I).

Ces dispositions ne seront pas applicables aux contrats d'assurance vie ou de capitalisation, ni aux contrats d'assurance de voyage ou de bagages, ni, enfin, aux contrats d'assurance d'une durée maximum d'un mois.

D - Le commerce électronique et la vente à distance

Aux termes de la loi nouvelle, plusieurs nouvelles dispositions relatives à la vente à distance ou au commerce électronique entreront en vigueur à compter du 1er juin prochain.

Désormais, selon l'article 28 de la loi, le professionnel de la vente à distance sera tenu d'indiquer, "avant la conclusion du contrat, la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation de service. A défaut, le fournisseur est réputé devoir délivrer le bien ou exécuter la prestation de service dès la conclusion du contrat" (C. consom., art. L. 121-20-3). En cas de retard de plus de sept jours, le consommateur peut dénoncer la commande par lettre recommandée avec accusé de réception. Le professionnel est tenu de lui rembourser les sommes versées dans un délai de trente jours.

L'article 29 de la loi apporte des précisions à l'article L. 121-19 du Code de la consommation relatif aux informations précontractuelles à fournir dans les offres de contrat. Le professionnel sera prochainement obligé de fournir "des coordonnées téléphoniques permettant d'entrer effectivement en contact avec lui". Et les appels visant à suivre l'exécution de la commande, d'exercer son droit de rétractation ou de faire jouer la garantie ne seront pas surtaxés. En revanche, à la différence des services de communication électronique, la gratuité du temps d'attente n'est pas exigée (C. consom., art. L. 121-19).

L'article 30 de la loi modifie les dispositions de l'article L. 121-18 du Code de la consommation afin que le consommateur soit désormais informé, non seulement de l'existence d'un droit de rétractation, mais aussi de ses limites éventuelles ou, dans le cas où ce droit ne s'applique pas, de son absence.

Enfin, l'article 31 modifie l'assiette et les modalités de remboursement du consommateur en cas d'exercice du droit de rétractation. Concernant l'assiette, lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé (C. consom., art. L. 121-20-1).

Et, ce remboursement s'effectue par tout moyen de paiement. Sur proposition du professionnel, le consommateur ayant exercé son droit de rétractation peut, toutefois, opter pour une autre modalité de remboursement.

III - Adaptation du Code de la consommation

Dans un troisième titre, la loi habilite le Gouvernement à procéder à l'adaptation de la partie législative du Code de la consommation et à l'adoption de diverses mesures relevant du même code.

L'article 38 renforce la protection des consommateurs en permettant aux agents de la DGCCRF d'enjoindre l'exploitant de mettre en conformité la prestation avec la réglementation (notamment en modifiant les produits ou équipements mis à disposition des consommateurs dans le cadre de la prestation de service), mais aussi en permettant aux préfets d'ordonner la suspension de la prestation en cas de nécessité.

En cas de danger grave ou immédiat lié à une prestation de services réalisée à titre gratuit ou onéreux, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, pourra prendre les mesures d'urgence qui s'imposent. Si nécessaire, il peut suspendre la prestation de services pour une durée n'excédant pas deux mois. Les frais résultant de la mise en oeuvre de ces mesures sont à la charge du prestataire de services.

L'article 39 de la loi insère un nouveau chapitre au sein du Code de la consommation consacré aux pratiques commerciales déloyales et agressives.

Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Sont considérées comme telles, les pratiques commerciales contraires aux exigences de la diligence professionnelle et altérant, ou étant susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service (C. consom., art. L. 120-1).

Le nouvel article L. 121-1 définit, quant à lui, la pratique commerciale trompeuse. Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
- lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
- lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ;
- lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.

Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

Enfin, l'article L. 122-11 du même code est consacré aux pratiques commerciales agressives. Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ; elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ; elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur.

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Social général

[Jurisprudence] Quelle sanction pour le défaut d'information de l'employeur de la volonté du salarié de bénéficier d'un congé parental d'éducation ?

Réf. : Cass. soc., 13 décembre 2007, n° 06-46.302, FS-P+B (N° Lexbase : A0831D38)

Lecture: 13 min

N6005BDR

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 02 Février 2024

Parmi les nombreux congés prévus par le Code du travail, le congé parental d'éducation est certainement l'un de ceux qui connaît le plus de succès depuis sa création. Il permet, en effet, à l'un des parents de suspendre, en tout ou partie, l'exécution de son contrat de travail afin de consacrer au plus trois années à élever son enfant. S'il s'agit d'un véritable droit conféré au salarié, droit auquel l'employeur ne peut pas s'opposer, cela n'empêche pas ce droit d'être encadré par le Code du travail, spécialement s'agissant de l'information que doit fournir le salarié à l'employeur de sa volonté de bénéficier d'un tel congé. L'absence d'information adéquate peut-elle justifier un licenciement pour motif disciplinaire ? C'est sur ce thème que la Cour de cassation s'est prononcée par un arrêt du 13 décembre 2007. En répondant par la négative, la Chambre sociale rappelle la teneur de cette obligation d'information (1) même si elle laisse indéniablement planer le doute sur la nature de la sanction pouvant intervenir en cas de manquement à cette formalité (2).

Résumé

Lorsqu'une salariée est en congé parental, son contrat de travail est suspendu, si bien que les absences injustifiées visées dans la lettre de licenciement ne sont pas susceptibles de revêtir la qualification de faute grave ou de cause réelle et sérieuse. La transaction conclue à la suite du licenciement est donc dépourvue de concessions réciproques et pouvait être annulée.

Commentaire

1. La teneur de l'obligation d'information de l'employeur de la volonté de bénéficier d'un congé parental d'éducation

  • L'information de l'employeur du point de départ du congé parental d'éducation

Les articles L. 122-28-1 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L9582GQX) mettent en place, pour les parents qui viennent d'avoir un enfant, le congé parental d'éducation. Il s'agit d'un congé d'une durée d'un an renouvelable à la disposition de chaque parent et durant lequel il peut percevoir une allocation parentale d'éducation servie par la Sécurité sociale (1). Le congé pourra être renouvelé au maximum jusqu'aux trois ans de l'enfant ou, s'il s'agit d'une adoption, jusqu'au troisième anniversaire de la date d'arrivée de l'enfant au foyer.

Si l'employeur ne peut refuser au salarié l'exercice de ce congé, il doit, néanmoins, être dûment informé par le salarié de son intention de bénéficier de celui-ci. Ainsi, le cinquième alinéa de l'article L. 122-28-1 du Code du travail prévoit que "le salarié doit informer son employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge, du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle il entend bénéficier" de ce congé. Ce texte semble donc faire de cette information une véritable obligation pour le salarié, quoiqu'il reste bien évasif quant à la sanction de la mauvaise exécution de cette formalité.

Les modalités de cette information obligatoire diffèrent selon que l'un des parents souhaite en jouir ultérieurement, le congé pouvant toujours être pris plus tard à la condition, bien entendu, que l'enfant n'ait pas atteint l'âge de trois ans, ou que la salariée demande à bénéficier de ce congé dans la continuité du congé maternité. Dans le premier cas, le salarié doit informer son employeur par lettre recommandée de son intention de bénéficier de ce congé deux mois avant la date effective du début du congé. Dans le second, le délai est réduit à un mois avant la fin du congé maternité. Mais, dans tous les cas, cette notification doit intervenir par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Le congé parental d'éducation opère une suspension du contrat de travail, suspension à laquelle des effets classiques sont attachés.

  • Le licenciement du salarié durant le congé parental d'éducation

Le premier alinéa de l'article L. 122-28-1 prévoit explicitement que, pendant la durée du congé parental d'éducation, le contrat de travail du salarié "est suspendu". Le jeune parent conserve donc le statut de salarié, le congé parental peut, d'ailleurs, n'être constitué que d'une diminution de l'horaire de travail d'au moins un cinquième du temps de travail applicable à l'entreprise.

Le contrat n'étant que suspendu, l'employeur conserve son droit de résiliation unilatérale. La jurisprudence décide, ainsi, depuis longtemps que l'employeur peut toujours licencier un salarié en congé parental (2), à la condition, toutefois, que le licenciement ne soit pas fondé sur l'existence de ce congé parental, ce qui constituerait à n'en pas douter un motif discriminatoire (3). En revanche, l'employeur peut parfaitement prononcer un licenciement pour motif économique (4). On pourrait même envisager un licenciement fondé sur un motif disciplinaire, à la condition que celui-ci soit sans rapport avec le bénéfice du congé parental (5).

La question posée dans l'espèce commentée regroupait ces deux problèmes. La défectuosité de l'information fournie par la salariée à son employeur, s'agissant du bénéfice du congé parental d'éducation, permettait-elle de conférer un caractère injustifié aux absences de la salariée partie en congé et donc de prononcer un licenciement pour un motif disciplinaire ?

  • En l'espèce

Dans cet arrêt, la salariée avait entendu bénéficier d'un congé parental à la suite de son congé maternité. Pourtant, elle n'avait pas respecté la procédure prescrite par l'article L. 122-28-1, alinéas 5 et 6, du Code du travail puisque, la notification à l'employeur n'avait pas été opérée par voie de lettre recommandée avec accusé de réception.

Dans ces conditions, la cour d'appel avait pu considérer que les personnes qui avaient mené la procédure de licenciement n'avaient pas connaissance de l'intention de la salariée de se prévaloir de son congé, si bien que les absences de celle-ci après son congé maternité pouvaient, à leurs yeux, constituer une faute grave justificative du licenciement. En conséquence, il n'était pas envisageable de satisfaire la demande de la salariée qui contestait la validité de la transaction conclue à la suite du licenciement pour défaut de concessions réciproques. On sait, en effet, que la transaction ne comportant pas de concessions réciproques peut être annulée par le juge, ce qui n'était donc pas le cas pour les juges de la cour d'appel (6).

La Cour de cassation ne l'entend, cependant, pas de cette oreille. Ainsi, au visa des articles 2044 du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE), L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9) et L. 122-28-1 du Code du travail, elle casse la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en estimant que le contrat de travail de la salariée était suspendu, "ce dont il résultait qu'au regard de sa situation juridique, les absences injustifiées visées dans la lettre de licenciement n'étaient pas susceptibles de revêtir la qualification de faute grave ou de cause réelle et sérieuse de licenciement". Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la transaction ne comportait, dès lors, aucune concession réciproque si bien que la demande en nullité formulée par la salariée aurait dû être accueillie.

Il faut relever que la Chambre sociale de la Cour de cassation ne fait là que confirmer une solution déjà pressentie en 2002, quoique celle-ci concernait alors la réalité d'une démission. Dans cet arrêt du 12 mars 2002, elle avait décidé que l'obligation d'information imposée par l'article L. 122-28-1, alinéa 5, au salarié "[n'était] pas une condition du droit du salarié au bénéfice de ce congé mais [n'était] qu'un moyen de preuve de l'information de l'employeur". Elle concluait alors de cette règle que le seul fait que la salariée ne reprenne pas son travail à la suite du congé maternité ne suffisait pas à caractériser une volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail.

La solution est donc aujourd'hui étendue au licenciement qui ne peut être prononcé en raison de l'absence de la salariée remplissant les conditions pour bénéficier du congé parental. Si l'on comprend parfaitement les raisons qui guident la Cour de cassation dans cette voie, on peut, néanmoins, s'interroger sur l'orthodoxie juridique d'une telle interprétation.

2. Les effets modérés de la violation de l'obligation d'information de l'employeur de la volonté de bénéficier d'un congé parental d'éducation

  • L'absence de sanction de l'obligation d'information

La Cour de cassation refuse de considérer que l'absence de la salariée soit injustifiée et donc qu'un licenciement disciplinaire puisse être prononcé, cela pour deux raisons.

La première raison repose sur la réalité de l'information fournie à l'employeur. Autrement dit, les juges de la Chambre sociale ont cherché à savoir si l'entreprise avait, ou non, été informée de l'intention de la salariée de bénéficier du congé parental. Or, l'argumentation de la cour d'appel permettait de penser que, quoique les formes prévues par le Code du travail n'aient pas été respectées, l'employeur avait bien connaissance de cette volonté de la salarié de suspendre son contrat de travail par le jeu d'un congé parental d'éducation. Peu importe en réalité, comme le soutenaient les juges d'appel, que seules certaines personnes de l'encadrement de l'entreprise aient eu connaissance de cette volonté. On peut légitimement penser que la salariée n'avait pas à subir les effets d'une mauvaise communication entre les dirigeants de l'entreprise.

La seconde raison est plus directement fondée sur la lettre de l'article L. 122-28-1 du Code du travail. Si ce texte prévoit bien une obligation d'information à la charge du salarié, information devant être produite par lettre recommandée ou, à défaut, par lettre remise en main propre contre décharge, il reste, en revanche, taisant quant à la sanction devant intervenir en cas d'exécution défectueuse de cette obligation. En aucun cas le texte ne prévoit que la salariée pourrait être privée du droit de bénéficier du congé parental d'éducation pour un tel motif. En outre, comme nous l'avons vu, l'employeur avait bien été informé de la décision de bénéficier du congé, quand bien même les formalités idoines n'avaient pas été respectées. Il pouvait donc paraître tout à fait logique de considérer qu'un tel manquement ne pouvait pas priver la salariée de son droit. Pourtant, une telle interprétation n'est-elle pas de nature à vider l'obligation d'information de toute force obligatoire ?

  • Une obligation d'information sans force obligatoire ?

Si le défaut d'information n'est pas sanctionné par le Code du travail, cela ne signifie bien évidemment pas que le manquement à ce devoir soit dépourvu de toute sanction. Reste à savoir quelle est la sanction la plus adéquate.

La formulation de l'article L. 122-28-1 emploie des termes très clairs puisque le salarié "doit" informer l'employeur. La positivité de l'obligation ne fait donc aucun doute. La logique voudrait que l'employeur qui n'est pas dûment informé de la volonté du salarié de bénéficier du congé parental d'éducation se trouve dans la situation suivante : une de ses salariées est partie en congé maternité. Le jour prévu de son retour, elle ne se présente pas à son poste, situation qui perdure pendant plusieurs jours. L'apparence est donc celle d'un abandon de poste qui, on le sait, suffit à justifier un licenciement pour motif disciplinaire.

Si la Cour de cassation écarte ce raisonnement, c'est parce qu'elle classe volontairement cette obligation d'information et la formalité qui lui est attachée, c'est-à-dire la notification par lettre recommandée avec avis de réception, à un degré de positivité moindre. Autrement dit, la Chambre sociale estime que cette obligation d'information n'est pas une condition de validité du congé parental d'éducation, ce n'est qu'une simple obligation probatoire permettant de s'assurer que l'employeur a bien connaissance de la volonté du salarié de bénéficier du congé.

Ce raisonnement, qui n'est pas nécessairement critiquable en soi, devrait néanmoins impliquer des effets différents à l'égard de l'employeur. En effet, s'il ne s'agit pas d'une condition de validité, il devrait néanmoins s'agir d'une condition d'opposabilité du congé à l'employeur. Ainsi, en faisant une application classique des règles sanctionnant un défaut d'information, on devrait considérer que l'employeur n'est pas informé du bénéfice du congé parental d'éducation, qu'il ne lui est pas opposable et, partant, qu'il s'agit pour lui d'un abandon de poste.

On comprend bien pourtant les raisons pour lesquelles la Cour de cassation ne s'oriente pas dans ces débats entre validité et opposabilité du droit de la salariée. En effet, la proximité entre le congé parental et le congé de maternité semble, par diffusion, conférer au premier un caractère quasi fondamental. Quoique les protections garanties par le Code du travail à la femme en couches ne lui soient pas transposables (7), les juges entendent, néanmoins, assurer le caractère absolu du droit au congé parental d'éducation, lequel s'illustre déjà dans l'impossibilité pour l'employeur de refuser ce droit au salarié. Impossibilité de le refuser, même s'il n'en a pas été convenablement informé !

  • Quelle sanction en cas de manquement à ces obligations d'information ?

Si l'on peut donc penser que la solution de la Cour de cassation se trouve être justifiée par la volonté de protéger le droit effectif des salariés à bénéficier d'un congé parental d'éducation, il faut, néanmoins, se demander quelle sera la sanction du manquement à l'obligation d'information et à la formalité y afférente, sous peine de vider totalement l'obligation de toute portée.

Cela nous paraît d'autant plus impérieux que les obligations d'information comme les formalités obligatoires ont, en général, une portée grandissante dans notre droit positif. Ainsi, on sait que le formalisme auquel est astreint l'employeur en matière de licenciement est aujourd'hui une pièce essentielle de la résiliation, à tel point que certaines conditions de forme non respectées peuvent emporter avec elle une irrégularité de fond du licenciement. De la même manière, le droit de la responsabilité médicale et le droit de la consommation ont été les étendards les plus visibles de l'extension des effets des obligations d'information des cocontractants. Même si l'obligation d'information n'a pas connu le même essor en droit du travail, il est, pourtant, surprenant de constater qu'on lui donne ici une portée bien moindre que dans les autres branches du droit.

Reste donc la possibilité d'envisager une sanction indemnitaire à l'encontre de la salariée n'ayant pas respecté ces formalités. C'est bien là le moins que l'on puisse faire afin de compenser le préjudice que peut dans certain cas subir l'employeur qui s'attendait au retour de sa salariée après son congé maternité...


(1) Allocation versée sous réserve du respect des conditions prévues par les articles R. 532-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5432DYT).
(2) V. Cass. soc., 18 octobre 1989, n° 87-45.724 (N° Lexbase : A4083AGC) ; Cass. soc., 12 février 1997, n° 93-42.510 (N° Lexbase : A1476ACN).
(3) On pourrait, ainsi, penser qu'un tel licenciement tomberait sous le coup de la prohibition des licenciements prononcés en raison de la situation de famille du salarié. V., par ex., pour un licenciement fondé sur le lien matrimonial du salarié, Cass. soc., 10 février 1999, n° 96-42.998 N° Lexbase : A4593AG9) ; Dr. soc. 1999, p. 410, obs. M. Bonnechère.
(4) Cass. soc., 12 février 1997, n° 93-42.510, préc..
(5) Quoiqu'une telle hypothèse semble ne jamais s'être encore présentée devant la Cour de cassation. V. contra une décision rendue par la cour d'appel de Bourges et selon laquelle "le licenciement ne pouvait reposer sur une cause propre à la salariée puisque la procédure de licenciement a été entamée alors qu'elle était en congé parental" (CA Bourges, 8 novembre 2002). Le Code du travail prévoit, en revanche, explicitement la possibilité de licencier une salariée durant son congé maternité en raison d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse (C. trav., art. L. 122-25-2 N° Lexbase : L5495ACI). L'analogie semble donc tout à fait envisageable.
(6) Sur la nullité de la transaction ne comportant pas de concessions réciproques, voir la jurisprudence développée sur le fondement de l'article 2044 du Code civil : Cass. soc., 13 octobre 1988, n° 85-45.309, publié (N° Lexbase : A8559AAA). V., également, s'agissant des concessions réciproques, Cass. soc., 1er décembre 2004, n° 02-46.341, F-P+B (N° Lexbase : A1259DED) et les obs. de Ch. Radé, Démission et transaction : des précisions utiles, Lexbase Hebdo n° 146 du 9 Décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3851ABA).
(7) Garanties prévues aux articles L. 122-25-2 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L5495ACI).

Décision

Cass. soc., 13 décembre 2007, n° 06-46.302, FS-P+B (N° Lexbase : A0831D38)

Cassation, Cour d'appel de Versailles, 15ème ch., 28 septembre 2006.

Textes visés : C. civ., art. 2044 (N° Lexbase : L2289ABE), C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9) et L. 122-28-1 (N° Lexbase : L9582GQX).

Mots-clés : Congé parental d'éducation. Licenciement. Absence injustifiée. Faute grave (non). Transaction. Nullité.

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Responsabilité

[Jurisprudence] Accidents de la circulation : le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale du dommage

Réf. : Cass. crim., 27 novembre 2007, n° 07-81.585, Compagnie Monceau générale assurances, F-P+F (N° Lexbase : A0861D3B)

Lecture: 3 min

N5925BDS

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

On se souvient peut-être qu'avaient été signalés, ici même, deux importants arrêts rendus en Assemblée plénière le 6 avril 2007 par lesquels la Cour de cassation, contrairement à ce qu'elle paraissait avoir jugé auparavant (1), avait refusé de considérer que le taux d'alcoolémie excessif de la victime soit nécessairement constitutif d'une faute causale de l'accident (2). Autrement dit, alors que l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9), en matière d'accidents de la circulation, dispose que la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis, la Haute juridiction, répondant à la question de savoir si peut être opposée à la victime d'un accident de la circulation sa faute constituée par le fait d'avoir un taux d'alcoolémie supérieur au taux légalement admis, avait écarté toute présomption de causalité, et ce au motif qu'il pouvait sembler difficile de décider a priori et de façon certaine que le dépassement du taux d'alcoolémie légalement autorisé soit la cause de l'accident et du dommage de la victime. La solution, dans son principe, a récemment été confirmée et étendue au cas dans lequel le conducteur victime n'était pas titulaire du permis de conduire, par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 novembre dernier. En l'espèce, un motard, qui doublait par la gauche une file de voitures à l'arrêt, a percuté le véhicule d'un automobiliste qui effectuait un demi-tour pour quitter la file immobilisée. L'automobiliste a été condamné pour blessures involontaires ainsi que pour contravention de changement de direction d'un véhicule effectué sans avertissement préalable. Mais, le tribunal correctionnel a réduit de moitié l'indemnisation des dommages subis par le motocycliste en raison de sa faute consistant à avoir conduit une motocyclette de forte cylindrée sans être titulaire du permis de conduire. Pour réformer le jugement sur ce point, la cour d'appel de Chambéry a retenu que ce défaut de permis n'était pas de nature à justifier une limitation du droit à indemnisation de la victime, dès lors que le motocycliste victime, "détenteur du permis de conduire les automobiles, n'était pas un conducteur novice" et que rien n'établissait, dans le cas considéré, qu'il ait roulé à une vitesse excessive. La Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait et d'avoir, ainsi, fait une exacte application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, les magistrats ayant déduit de l'examen des circonstances de l'accident "l'absence de lien de causalité entre le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime et la réalisation des dommages subis par celui-ci".

La logique est donc aujourd'hui la même, que la faute de la victime ait consisté dans le fait de conduire avec un taux d'alcoolémie excessif ou de conduire sans permis : cette faute, en tant que telle absolument indiscutable, n'est pas nécessairement la cause du dommage. Et gageons qu'elle vaut, également, pour le cas de la conduite en dépit de la consommation de stupéfiants.

D'un point de vue purement technique, la solution peut se justifier par l'idée selon laquelle cette faute n'est pas forcément la cause immédiate de l'accident et, finalement, du dommage subi par la victime. Cette position s'explique, en tout cas, par une appréciation assez stricte du lien de causalité devant exister entre la faute et le dommage. L'ayant déjà relevé dans notre commentaire des arrêts du 6 avril dernier, on se contentera ici de signaler que la solution aurait pu être différente si l'on avait préféré une conception plus large de la causalité, et considéré que la faute de la victime était bien en relation avec son dommage, puisque, par hypothèse même, si elle avait respecté la loi (ne pas conduire au-delà d'un certain taux d'alcoolémie ou sans permis de conduire), et donc pas commis de faute, la victime n'aurait pas eu d'accident et n'aurait pas subi de dommage. Et l'on ajoutera qu'il n'est plus utile de démontrer que la Cour de cassation, quand il s'agit de venir au secours de certaines victimes, n'hésite pas à retenir une appréciation large de la causalité.

Il faut bien avouer que, en réalité, le choix fait par la Cour de cassation est, ici, un choix de politique juridique, bien plus que de technique juridique : elle refuse, dans des situations douloureuses pour les victimes ou leurs familles, de venir rogner sur le terrain civil l'indemnisation auxquelles elles peuvent prétendre (3). Soit. On avouera ne pas partager cette vision des choses, et continuer de penser que la victime, dont la faute demeure, selon nous, en relation avec le dommage, mérite d'être sanctionnée, ne serait-ce que pour lui rappeler qu'elle a une part de responsabilité dans son dommage, aussi pénible et douloureux que cela puisse être. Et la solution nous paraîtrait d'autant plus justifiée que l'on en n'est pas, ici, au stade des conditions de mise en oeuvre de la loi de 1985, mais bien au stade du régime de la loi, ce qui rend parfaitement légitime une appréciation des responsabilités encourues.


(1) Cass. civ. 2, 4 juillet 2002, n° 00-12.529, Société des Transports Garcia c/ M. Adrien Lajarthe, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0668AZR), RCA 2002, n° 330, obs. H. Groutel, RTDCiv. 2002, p. 829, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 02-19.841, Mme Annick Renaudin, veuve Roger c/ Fonds de garantie Automobile, F-P+B (N° Lexbase : A4909DBG), RCA 2004, n° 180, obs. H. Groutel.
(2) Ass. plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I (N° Lexbase : A9501DUG) et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I (N° Lexbase : A9499DUD), JCP éd. G, 2007, II, 10078, note P. Jourdain ; adde H. Groutel, Boire ou conduire, Resp. civ. et assur. 2007, Repère n° 7, et nos obs., Un taux d'alcoolémie excessif n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale d'un accident de la circulation, Lexbase Hebdo n° 259 du 10 mai 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0432BBM).
(3) Voir, not., Ph. Brun, Observations sommaires sur la faute du conducteur victime dans la loi du 5 juillet 1985, Mél. Groutel, LexisNexis, p. 65 et s..

newsid:305925

Procédures fiscales

[Textes] Création d'une procédure de flagrance fiscale

Réf. : Loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007 (N° Lexbase : L5490H3Q)

Lecture: 13 min

N6029BDN

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Le 07 Octobre 2010

A été publiée au Journal officiel du 28 décembre 2007, la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007. Les mesures fiscales de ce texte se déclinent selon quatre axes principaux : la lutte contre la fraude, l'amélioration de l'équilibre du dialogue entre l'administration et les contribuables, la valorisation du patrimoine et de la culture, et l'aide aux personnes modestes. La loi contient, également, diverses mesures de simplification et d'adaptation du droit national aux normes communautaires. Au titre des mesures de lutte contre la fraude, l'article 15 porte création d'une procédure de flagrance fiscale. Le texte : loi de finances rectificative pour 2007, art. 15

I. - Après l'article 293 B du code général des impôts, il est inséré un article 293 BA ainsi rédigé :

"Art. 293 BA. - La franchise mentionnée à l'article 293 B n'est pas applicable lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale, dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales, au titre de l'année ou de l'exercice au cours duquel ce procès-verbal est établi."

II. - Après l'article 302 septies A du même code, il est inséré un article 302 septies AA ainsi rédigé :

"Art. 302 septies AA. - L'article 302 septies A n'est applicable ni aux personnes physiques ou morales, ni aux groupements de personnes de droit ou de fait à l'encontre desquels l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale, dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales, au titre de l'année ou de l'exercice au cours duquel ce procès-verbal est établi."

III. - Après l'article 1740 A du même code, il est inséré un article 1740 B ainsi rédigé :

"Art. 1740 B. - I. - L'ensemble des faits constatés par un procès-verbal de flagrance fiscale, mentionnés au I de l'article L. 16-0 BA du Livre des procédures fiscales, entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 EUR.

"Le montant de cette amende est porté à 10 000 EUR si, à la date du constat de flagrance fiscale, le chiffre d'affaires hors taxes ou le montant des recettes brutes excède les limites prévues au 1 des articles 50-0 ou 102 ter ou au I de l'article 69, selon la nature de l'activité.

"Ce même montant est porté à 20 000 EUR si, à la date du constat de flagrance fiscale, le chiffre d'affaires hors taxes ou le montant des recettes brutes excède les limites prévues au I de l'article 302 septies A ou au b du II de l'article 69, selon la nature de l'activité.

"II. - Lorsque les pénalités prévues au c du 1 de l'article 1728 et au b de l'article 1729 et l'amende prévue à l'article 1737 sont encourues pour les mêmes faits que ceux visés au I de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales constitutifs d'une flagrance fiscale et au titre de la même période, celles-ci ne sont appliquées que si leur montant est supérieur à celui de l'amende visée au I du présent article. Dans ce cas, le montant de cette amende s'impute sur celui de ces pénalités et amende."

IV. - Après l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 16-0 BA ainsi rédigé :

"Art. L. 16-0 BA. - I. - Lorsque, dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 16 B, L. 16 D et L. 80 F, de la vérification sur place de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que dans le cadre du contrôle inopiné mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 47, les agents de l'administration des impôts ayant au moins le grade de contrôleur constatent pour un contribuable se livrant à une activité professionnelle et au titre de la période en cours pour laquelle l'une des obligations déclaratives prévues aux articles 170, 172, 223 et 287 du code général des impôts n'est pas échue, l'un au moins des faits suivants :

"1° L'exercice d'une activité que le contribuable n'a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, sauf s'il a satisfait, au titre d'une période antérieure, à l'une de ses obligations fiscales déclaratives ;

"2° La délivrance de factures ne correspondant pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou de factures afférentes à des livraisons de biens au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée ne peut faire l'objet d'aucune déduction en application du 3 de l'article 272 du code général des impôts ou la comptabilisation de telles factures reçues ;

"3° Lorsqu'ils sont de nature à priver la comptabilité de valeur probante :

"a) La réitération d'opérations commerciales sans facture et non comptabilisées ;

"b) L'utilisation d'un logiciel de comptabilité ou de caisse aux fins de permettre la réalisation de l'un des faits mentionnés au 1° de l'article 1743 du code général des impôts ;

"4° Une infraction aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail,

"ils peuvent, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale de la nature de celle mentionnée au premier alinéa, dresser à l'encontre de ce contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale.

"Le procès-verbal de flagrance fiscale est signé par les agents de l'administration des impôts ainsi que par le contribuable. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.

"L'original du procès-verbal est conservé par l'administration des impôts et copie est notifiée au contribuable.

"II. - La notification du procès-verbal de flagrance fiscale permet d'effectuer les saisies conservatoires mentionnées à l'article L. 252 B.

"III. - Lorsque le procès-verbal de flagrance fiscale a été dressé dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B, l'administration peut, par dérogation au VI de ce même article, utiliser pour la détermination du montant mentionné à l'article L. 252 B les informations recueillies au cours de cette procédure.

"Lorsque le procès-verbal de flagrance fiscale a été dressé dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 80 F, l'administration peut, par dérogation à l'article L. 80 H, utiliser pour la détermination du montant mentionné à l'article L. 252 B les informations recueillies au cours de cette procédure.

"L'administration peut se fonder, pour la détermination du montant mentionné à l'article L. 252 B, sur des renseignements et informations obtenus de tiers, en application des articles L. 81 et suivants.

"IV. - Pour arrêter le montant mentionné à l'article L. 252 B, l'administration est fondée à consulter sur place les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce. A cet effet, l'administration peut obtenir ou prendre copie des documents utiles, par tous moyens et sur tous supports.

"Un procès-verbal relatant les opérations effectuées est établi. Il est signé par l'agent de l'administration des impôts ainsi que par le contribuable. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. L'original de ce procès-verbal est conservé par l'administration et copie en est remise au contribuable.

"Ces opérations ne constituent pas une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 13."

V. - Le premier alinéa de l'article L. 50 du même livre est complété par les mots : "ou que l'administration n'ait dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une période postérieure".

VI. - Dans la seconde phrase de l'article L. 51 du même livre, après les mots : "en cas d'agissements frauduleux", sont insérés les mots : "ainsi que dans les cas où l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une période postérieure".

VII. - Le II de l'article L. 52 du même livre, dans sa rédaction issue du I de l'article 14, est complété par un 5° ainsi rédigé :

"5° Elle ne l'est pas non plus pour la vérification de comptabilité de l'année ou de l'exercice au cours duquel l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, ainsi que pour la vérification des années antérieures."

VIII. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 68 du même livre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

"Il n'y a pas lieu non plus de procéder à cette mise en demeure lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre de l'année ou de l'exercice au cours duquel le procès-verbal est établi."

IX. - Après le troisième alinéa de l'article L. 169 du même livre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

"Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une année postérieure."

X. - Dans le dernier alinéa du même article L. 169, le mot : "quatrième" est remplacé par le mot : "cinquième".

XI. - Le deuxième alinéa des articles L. 174 et L. 176 du même livre est complété par les mots : ", ou lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une année postérieure".

XII. - Après l'article L. 201 du même livre, sont insérés trois articles L. 201 A, L. 201 B et L. 201 C ainsi rédigés :

"Art. L. 201 A. - Le juge du référé administratif mentionné à l'article L. 279, saisi dans un délai de huit jours à compter de la réception du procès-verbal de flagrance fiscale mentionné à l'article L. 16-0 BA, met fin à la procédure prévue au même article s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure.

"Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d'avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence.

"La décision du juge du référé est susceptible d'appel devant le tribunal administratif dans le délai de huit jours. Le tribunal se prononce en urgence.

"La décision du juge du référé ou du tribunal administratif ordonnant qu'il soit mis fin à la procédure entraîne la mainlevée immédiate des saisies conservatoires éventuellement prises.

"Art. L. 201 B. - Le juge du référé administratif mentionné à l'article L. 279, saisi dans un délai de huit jours à compter de la signification de saisies conservatoires mentionnées à l'article L. 252 B, ordonne qu'il soit mis fin à l'exécution de ces saisies en cas d'urgence et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure.

"Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d'avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence.

"La décision du juge du référé est susceptible d'appel devant le tribunal administratif dans le délai de huit jours. Le tribunal se prononce en urgence.

"La décision du juge du référé ou du tribunal administratif ordonnant qu'il soit mis fin à l'exécution des saisies entraîne la mainlevée immédiate de ces saisies.

"Art. L. 201 C. - Le paiement des impositions dues au titre de l'exercice ou de la période comprenant celle couverte par le procès-verbal prévu à l'article L. 16-0 BA entraîne la mainlevée des saisies conservatoires prévues à l'article L. 252 B, sauf si l'administration réunit des éléments permettant d'établir que les déclarations du contribuable au vu desquelles ce paiement est intervenu ne sont pas sincères."

XIII. - Après l'article L. 252 A du même livre, il est inséré un article L. 252 B ainsi rédigé :

"Art. L. 252 B. - Dès la notification du procès-verbal mentionné à l'article L. 16-0 BA, le comptable peut procéder, par dérogation au chapitre IV de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, à des saisies conservatoires à hauteur d'un montant qui ne peut excéder :

"1° Pour l'impôt sur le revenu, le produit résultant de l'application,

"au montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre de l'année ou de l'exercice en cours pour lequel aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal de flagrance fiscale diminué d'un abattement représentatif de charges et de dépenses aux taux prévus au troisième alinéa du 1 de l'article 50-0 du code général des impôts ou au premier alinéa du 1 de l'article 102 ter du même code, selon la nature de l'activité ;

"des taux prévus au 1 du I de l'article 197 du même code en vigueur pour l'imposition des revenus de la précédente année civile à la fraction de chaque part de revenu, le nombre de parts étant fixé, conformément au I de l'article 194 du même code pour l'imposition des revenus de la précédente année civile, d'après la situation et les charges de famille du contribuable constatées à la date du procès-verbal de flagrance fiscale.

"Ce produit ne peut être inférieur à celui résultant de l'application, au montant déterminé au deuxième alinéa du présent 1°, du taux de 33 1/3 % ;

"2° Pour l'impôt sur les sociétés, le produit résultant de l'application des taux prévus à l'article 219 du code général des impôts au montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre de l'année ou de l'exercice en cours pour lequel aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal de flagrance fiscale diminué d'un abattement représentatif de charges aux taux prévus au troisième alinéa du 1 de l'article 50-0 du même code, selon la nature de l'activité. Ce produit est diminué du montant des acomptes trimestriels versés dans les conditions prévues à l'article 1668 du même code ;

"3° Pour la taxe sur la valeur ajoutée, le montant obtenu par application des taux prévus aux articles 278 à 281 nonies du code général des impôts, selon la nature des opérations, à la base du chiffre d'affaires ou des recettes brutes hors taxes réalisés au titre de la période en cours pour laquelle aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal de flagrance fiscale, et sous déduction d'un montant de taxe déductible dans les conditions prévues aux articles 271 à 273 septies C du même code."

XIV. - Après l'article L. 552-2 du code de justice administrative, il est inséré un article L. 552-3 ainsi rédigé :

"Art. L. 552-3. - Les référés prévus en cas de mise en oeuvre de la procédure de flagrance fiscale mentionnée à l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales ou à la suite de saisies conservatoires effectuées en vertu de l'article L. 252 B du même livre obéissent aux règles définies respectivement aux articles L. 201 A et L. 201 B du même livre."

Ce qu'il faut savoir :

Actuellement, lorsque l'administration constate des situations manifestement frauduleuses (exercice d'une activité occulte, utilisation frauduleuse de logiciels permissifs, émission ou réception de factures fictives ou de complaisance, achats ou ventes sans factures, notamment), elle n'est pas toujours en mesure de lutter par une réponse proportionnée, intervenant dans des délais rapides.

Cette situation trouve principalement son origine dans le délai, qui peut être significatif, entre le moment de l'accomplissement matériel de la fraude et celui où l'administration est en mesure d'y apporter une réponse pour établir l'assiette de l'impôt normalement dû. En effet, aussi longtemps qu'aucune échéance déclarative n'est intervenue, aucune créance fiscale n'est juridiquement née et l'administration n'est pas fondée à procéder à l'engagement d'un éventuel contrôle pour rétablir la situation réelle du contribuable.

Ce délai peut être mis à profit par certains contribuables afin de faire disparaître leur activité, ce qui prive de toute portée les opérations d'établissement et de recouvrement des impôts.

Dans ce contexte, l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2007 institue une procédure de flagrance fiscale, ouvrant une possibilité de contrôle avant qu'aucune obligation déclarative ne soit échue.

Le champ de cette procédure est restreint aux activités occultes, éphémères ou susceptibles de le devenir à très brève échéance. Plus précisément, peuvent donner lieu à l'établissement d'un procès-verbal de flagrance fiscale :

- l'exercice d'une activité au titre de laquelle le contribuable n'a pas satisfait à l'obligation de publicité prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, à savoir s'être fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ;
- la délivrance de factures ne correspondant pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou de factures afférentes à des livraisons de biens au titre desquelles la TVA ne peut faire l'objet d'aucune déduction ou la comptabilisation de telles factures reçues ;
- le recours au travail partiellement ou totalement dissimulé ;
- enfin, les faits suivants lorsqu'ils sont de nature à priver la comptabilité de valeur probante : d'une part, la réitération d'opérations commerciales sans facture et non comptabilisées ; d'autre part, l'utilisation d'un logiciel de comptabilité ou de caisse aux fins de permettre la réalisation d'écritures inexactes ou fictives.

Dans ces hypothèses, et en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale, les agents de l'administration des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent dresser à l'encontre du contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale.

Cette nouvelle procédure, lourde de conséquences pour le contribuable, a notamment vocation à s'appliquer dans les cas bien connus de fraude à la TVA de type "carrousel".

La procédure de flagrance fiscale consiste en des saisies conservatoires à hauteur d'un montant représentatif des impôts afférents à la période en cours pour laquelle l'obligation déclarative n'est pas encore échue permettra de lutter efficacement contre de tels comportements frauduleux.

Les contribuables concernés sont placés d'office au régime réel normal d'imposition en matière de TVA pour l'année ou l'exercice au cours duquel le procès-verbal est établi. Ils perdent ainsi, le cas échéant, le bénéfice de la franchise en base de TVA ou du régime simplifié d'imposition à la TVA

En outre, la constatation de faits relevant de la flagrance fiscale entraîne diverses conséquences procédurales :

- l'augmentation du délai de reprise de l'administration qui est porté à six ans ;
- la possibilité de rouvrir un contrôle fiscal sur une même période et pour un même impôt après l'achèvement d'un contrôle fiscal ;
- l'allongement sans limitation de la durée de vérification ;
- la suppression de la mise en demeure en cas de taxation d'office.

Enfin, la constatation de la flagrance fiscale est assortie d'une amende fixe de 5 000 euros, 10 000 euros ou 20 000 euros, selon le chiffre d'affaires.

L'établissement d'un procès-verbal de flagrance fiscale entraîne de lourdes conséquences, mais ne signifie pas que la fraude fiscale est déjà constituée. Aussi, sont prévues des garanties de recours. Le contribuable verbalisé dispose, par la voie du référé, de recours immédiats et distincts contre le procès-verbal de flagrance fiscale et les saisies conservatoires. Ces recours sont susceptibles d'appel devant le tribunal administratif. L'irrégularité de la procédure de flagrance fiscale entraîne de plein droit la mainlevée des saisies conservatoires et la décharge de l'amende.

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Fiscalité des particuliers

[Textes] Harmonisation et assouplissement du régime fiscal des pactes d'actionnaires

Réf. : Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de finances pour 2008 (N° Lexbase : L5488H3N)

Lecture: 9 min

N6079BDI

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Le 07 Octobre 2010

La loi de finances pour 2008, en date du 24 décembre 2007, a été publiée au Journal officiel du 27 décembre 2007. Premier budget de cette XIIIème législature et du quinquennat, cette loi de finances vient mettre en oeuvre les priorités affichées par le Président de la République et le Premier ministre pour favoriser la croissance par la valorisation du travail et le renforcement de notre compétitivité, en particulier à travers les dispositions votées dans le cadre de la loi "TEPA" du 21 août 2007 (N° Lexbase : L2417HY8), et les engagements pris en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les mesures fiscales se déclinent, ainsi, selon trois axes : le soutien du pouvoir d'achat et la promotion du travail, l'encouragement de la recherche et de l'innovation, et enfin le renforcement de l'équité du système fiscal. A ce dernier titre, l'article 15 de la loi harmonise et assouplit le régime fiscal des pactes d'actionnaires. Texte : loi de finances pour 2008, art. 15

I. - L'article 787 B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le a est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"Lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux ou avec d'autres associés conclure dans les six mois qui suivent la transmission l'engagement prévu au premier alinéa ;" ;

2° Dans le quatrième alinéa du b, les mots : "une même personne physique et son conjoint dépassent" sont remplacés par les mots : "une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent" et, après les mots : "ou son conjoint", sont insérés les mots : "ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité" ;

3° Dans le c, le mot : "six" est remplacé par le mot : "quatre" ;

4° Dans le d, après les mots : "engagement collectif de conservation,", sont insérés les mots : "pendant la durée de l'engagement prévu au a et" et le mot : "cinq" est remplacé par le mot : "trois" ;

5° Dans le premier alinéa du f, les mots : "d'une participation dans la société dont les parts ou actions ont été transmises" sont remplacés par les mots : "de participations dans une ou plusieurs sociétés du même groupe que la société dont les parts ou actions ont été transmises et ayant une activité similaire, connexe ou complémentaire".

II. - L'article 787 C du même code est ainsi modifié :

1° Dans le b, le mot : "six" est remplacé par le mot : "quatre" ;

2° Dans le c, le mot : "cinq" est remplacé par le mot : "trois".

III. - L'article 885 I bis du même code est ainsi modifié :

1° Dans le b, le mot : "six" est remplacé par le mot : "deux" et les mots : "sans pouvoir être inférieur à six ans" sont supprimés ;

2° Dans le c qui devient le e, après le mot : "conservation,", sont insérés les mots : "pendant les cinq années qui suivent la date de conclusion de cet engagement," ;

3° Après le b, il est rétabli un c ainsi rédigé :

"c) A compter de la date d'expiration de l'engagement collectif, l'exonération partielle est subordonnée à la condition que les parts ou actions restent la propriété du redevable ;" ;

4° Après le b, il est inséré un d ainsi rédigé :

"d) L'exonération partielle est acquise au terme d'un délai global de conservation de six ans. Au-delà de ce délai, est seule remise en cause l'exonération partielle accordée au titre de l'année au cours de laquelle l'une des conditions prévues aux a et b ou au c n'est pas satisfaite ;"

5° Le d qui devient le f est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"A compter de l'expiration de l'engagement collectif de conservation, la déclaration visée à l'article 885 W est accompagnée d'une attestation du redevable certifiant que la condition prévue au c a été satisfaite l'année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite ;"

6° Dans le e qui devient le g, la seconde phrase est ainsi rédigée :

"Au-delà du délai minimum prévu au b, en cas de non-respect des conditions prévues aux a et b, l'exonération partielle n'est pas remise en cause pour les signataires qui respectent la condition prévue au c ;"

7° L'antépénultième alinéa devient un h ;

8° Après le même alinéa, il est inséré un i ainsi rédigé :

"i) En cas de non-respect de la condition prévue au c par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A ou d'une augmentation de capital, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie de ces opérations sont conservés par le redevable. De même, cette exonération n'est pas remise en cause lorsque la condition prévue au c n'est pas respectée par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire." ;

9° L'avant-dernier alinéa est supprimé.

IV. - Le présent article s'applique à compter du 26 septembre 2007.

Ce qu'il faut savoir :

L'article 15 de la loi de finances pour 2008 vise à assouplir les modalités des engagements de conservation de parts d'entreprise, ouvrant droit à un abattement de 75 % au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ou des droits de mutation à titre gratuit, notamment en ce qui concerne leur durée.

1. Assouplissement du dispositif d'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit applicable aux transmissions d'entreprises

Actuellement, s'agissant de la transmission des titres de sociétés, les parts ou actions de société qui font l'objet d'un engagement collectif de conservation sont, sous certaines conditions, exonérées de droit de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur valeur. Le bénéfice de l'application de l'exonération partielle est subordonné à la conclusion d'un engagement collectif portant sur les titres de la société.

Cet engagement doit porter :

- sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de votes attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ;
- ou, à défaut, sur au moins 34 % de ces droits.

Cet engagement collectif est réputé acquis lorsque les titres sont détenus depuis deux ans au moins par une personne et son conjoint et que l'un des propriétaires exerce depuis deux ans au moins son activité principale dans la société.

Lors du décès ou de la donation, les héritiers ou les donataires doivent s'engager à leur tour, individuellement, à conserver les titres reçus pendant une période de six ans à compter de la date de la transmission.

En outre, l'un des héritiers ou donataires, ou l'un des associés membre de l'engagement collectif doit exercer dans la société, pendant cinq ans à partir de la transmission, son activité principale, s'il s'agit d'une société de personnes, ou des fonctions de direction, s'il s'agit d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés.

Le non-respect de l'engagement collectif de conservation remet en cause l'exonération partielle, sauf s'il résulte d'une opération de fusion ou de scission ou d'une annulation pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.

S'agissant de la transmission à titre gratuit d'une entreprise individuelle, cette transmission est exonérée de droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75 %, si les conditions suivantes sont respectées :

- entreprise détenue depuis plus de deux ans par le défunt ou le donateur lorsqu'elle a été acquise à titre onéreux ;
- engagement individuel de six ans pour les héritiers, donataires ou légataires, à compter de la date de la transmission, de conserver les biens transmis affectés à l'exploitation de l'entreprise ;
- poursuite de l'exploitation de l'entreprise durant cinq ans à compter de la date de transmission (c'est-à-dire par un héritier, légataire ou donataire).

Désormais, pour la transmission des titres de sociétés, afin de prendre en compte les décès prématurés, situations dans lesquelles le défunt n'a pas pu organiser la transmission de ses titres et pour ne pas contraindre une personne qui remplit seule les seuils requis pour la conclusion d'un engagement collectif de conservation de trouver un cosignataire, l'article 15-I de la loi de finances pour 2008, modifiant l'article 787 B du CGI (N° Lexbase : L4717HWM), permet aux héritiers ou légataires de conclure ensemble ou avec d'autres associés un engagement collectif de conservation dans les six mois qui suivent le décès, lorsque les seuils ne sont pas individuellement atteints.

Il précise, également, la rédaction des dispositions relatives aux engagements collectifs de conservation présumés acquis, qui s'appliquent aujourd'hui lorsqu'une personne physique et son conjoint dépassent à eux seuls le seuil de détention minimal des titres. L'engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans, par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité, atteignent le seuil de détention des titres, sous réserve que cette personne, ou son conjoint, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exercent une fonction de direction.

Par ailleurs, afin d'associer rapidement le dirigeant issu du pacte aux prises de décisions conditionnant la pérennité de la société, l'article 15 fait débuter l'obligation d'exercice d'une fonction dirigeante dès la conclusion de l'engagement collectif et non plus à compter de la transmission. En conséquence, l'exercice d'une fonction de direction à compter de la transmission est réduit de cinq à trois ans.

Après la transmission, la durée de l'engagement individuel ou de la conservation des biens nécessaire à l'exploitation est réduite de six à quatre ans. La durée minimale d'engagement est donc de six ans, deux sous forme d'engagement collectif, quatre sous forme d'engagement individuel.

Enfin, les héritiers, donataires ou légataires, peuvent loger les titres reçus dans une société dont l'objet unique est la gestion de son propre patrimoine, société dont les actifs sont exclusivement constitués d'une participation dans la société dont les parts ou actions ont été transmises. Il s'agit du cas d'une holding de reprise. Le 5° du I de l'article 15, issu d'un amendement adopté par le Sénat, offre la possibilité d'apporter à cette société des titres faisant l'objet d'engagements de conservation pris sur plusieurs sociétés du même groupe exerçant une activité similaire.

Par souci de cohérence, les dispositions relatives aux transmissions d'entreprises individuelles de l'article 787 C du CGI sont modifiées pour, d'une part, réduire de six à quatre ans la durée de conservation et, d'autre part, réduire de cinq à trois ans la durée d'exercice de fonctions de direction.

Ces dispositions sont applicables à compter du 26 septembre 2007.

2. Assouplissement du dispositif d'exonération partielle d'impôt de solidarité sur la fortune pour certaines parts ou actions de sociétés

Actuellement, les parts ou actions de société qui font l'objet d'un engagement collectif de conservation sont, sous certaines conditions, exonérées d'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur. Parmi les conditions exigées figure la conclusion d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de six ans. En outre, un des associés signataires doit exercer dans la société son activité principale, s'il s'agit d'une société de personnes, ou des fonctions de direction, s'il s'agit d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés. Le non-respect de l'engagement de conservation par l'un des signataires ne remet pas en cause l'exonération partielle pour les autres signataires à condition que ces derniers conservent les titres soumis à l'engagement jusqu'à l'expiration du terme et que le seuil de l'engagement collectif demeure respecté.

Afin de faire coïncider les dispositifs relatifs aux droits de mutation à titre gratuit et à l'impôt de solidarité sur la fortune, les dispositions du III de l'article 15 de la loi de finances pour 2008 modifient l'article 885 I bis du CGI (N° Lexbase : L3213HZZ)

La durée minimum de l'engagement collectif est ainsi réduite de six à deux ans.

Cet engagement collectif est complété par une obligation de conservation individuelle des titres pendant quatre ans afin que le bénéfice de l'exonération partielle soit subordonné à une durée totale de conservation des titres au moins égale à six ans.

A l'instar des aménagements effectués dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2006 en matière de transmissions à titre gratuit d'entreprises et pour tenir compte des réalités économiques, la réalisation d'opérations de restructuration est permise pendant la période de conservation individuelle des titres, sans que le bénéfice de l'exonération partielle d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne soit remis en cause si les titres reçus en contrepartie de l'opération sont conservés.

Enfin, par symétrie, avec le dispositif en faveur des transmissions d'entreprises, la durée minimale durant laquelle un des associés à l'engagement collectif de conservation doit exercer une fonction de dirigeant aux cinq années qui suivent la conclusion du pacte, alors qu'aujourd'hui l'associé dirigeant doit le rester durant toute la durée d'un engagement dont la durée est au minimum de six ans.

Ces dispositions sont applicables à compter du 26 septembre 2007.

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Fiscalité financière

[Textes] Aménagement du régime fiscal et social des dividendes perçus par les particuliers

Réf. : Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de finances pour 2008 (N° Lexbase : L5488H3N)

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N6078BDH

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Le 07 Octobre 2010

La loi de finances pour 2008, en date du 24 décembre 2007, a été publiée au Journal officiel du 27 décembre 2007. Premier budget de cette XIIIème législature et du quinquennat, cette loi de finances vient mettre en oeuvre les priorités affichées par le Président de la République et le Premier ministre pour favoriser la croissance par la valorisation du travail et le renforcement de notre compétitivité, en particulier à travers les dispositions votées dans le cadre de la loi "TEPA" du 21 août 2007 (N° Lexbase : L2417HY8), et les engagements pris en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les mesures fiscales se déclinent, ainsi, selon trois axes : le soutien du pouvoir d'achat et la promotion du travail, l'encouragement de la recherche et de l'innovation, et enfin le renforcement de l'équité du système fiscal. A ce dernier titre, l'article 10 de la loi aménage le régime fiscal et social des dividendes perçus par les particuliers. Texte : loi de finances pour 2008, art. 10

I. - Après l'article 117 ter du code général des impôts, il est inséré un article 117 quater ainsi rédigé :

"Art. 117 quater. - I. - 1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement au taux de 18 %, qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu.

"Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut. L'impôt retenu à la source est imputé sur le prélèvement, dans la limite du crédit d'impôt auquel il ouvre droit et tel qu'il est prévu par les conventions fiscales internationales.

"2. L'option prévue au 1 ne s'applique pas :

"a) Aux revenus qui sont pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une profession non commerciale ;

"b) Aux revenus afférents à des titres détenus dans un plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D.

"II. - Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus pour lesquels le contribuable opte pour le prélèvement prévu au I est établie en France, les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est opéré et acquitté par ladite personne dans les délais prévus à l'article 1671 C.

"L'option pour le prélèvement est exercée par le contribuable au plus tard lors de l'encaissement des revenus ; elle est irrévocable pour cet encaissement.

"III. - 1. Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus pour lesquels le contribuable opte pour le prélèvement prévu au I est établie hors de France, les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est acquitté dans les délais prévus à l'article 1671 C :

"a) soit par le contribuable lui-même ;

"b) soit par la personne qui assure le paiement des revenus, lorsqu'elle est établie dans un Etat membre de la Communauté européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, et qu'elle a été mandatée à cet effet par le contribuable.

"L'option pour le prélèvement s'exerce par le dépôt de la déclaration des revenus concernés et le paiement du prélèvement correspondant ; elle est irrévocable pour cette déclaration.

"2. Lorsque la déclaration prévue au 1 et le paiement du prélèvement correspondant sont effectués par la personne qui assure le paiement des revenus, elle est établie au nom et pour le compte du contribuable.

"3. L'administration fiscale peut conclure, avec chaque personne mentionnée au b du 1 et mandatée par des contribuables pour le paiement du prélèvement, une convention établie conformément au modèle délivré par l'administration, qui organise les modalités du paiement de ce prélèvement pour l'ensemble de ces contribuables.

"4. A défaut de réception de la déclaration et du paiement du prélèvement dans les conditions prévues au 1, les revenus sont imposables à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun.

"5. Le contribuable produit à l'administration fiscale, sur sa demande, les renseignements nécessaires à l'établissement du prélèvement.

"IV. Le prélèvement prévu au I est contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A. "

II. - Dans les 1°, 1° bis, 6°, 7°, 8° et 9° du III bis de l'article 125 A et le premier alinéa du I de l'article 125 C du même code, le taux : "16 %" est remplacé par le taux : "18 %".

III. - Dans le II de l'article 154 quinquies du même code, les mots : "du I de l'article L. 136-7 du même code n'ayant pas fait l'objet du prélèvement prévu à l'article 125 A" sont remplacés par les mots : "et au 1° du I de l'article L. 136-7 du même code n'ayant pas fait l'objet des prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A".

IV. - Le 3 de l'article 158 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le 1°, les mots : "le prélèvement visé à l'article 125 A" sont remplacés par les mots : "les prélèvements visés aux articles 117 quater et 125 A" ;

2° Dans le 2°, les mots : "retenus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, pour 60 % de leur montant" sont remplacés par les mots : "réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu" ;

3° Le 3° est complété par un f ainsi rédigé :

"f) lorsque, au cours de la même année, le contribuable a perçu des revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater."

V. - Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 du même code, les mots : "à compter du 1er janvier 1999" sont supprimés et les mots : "à l'article 125 A" sont remplacés par les mots : "aux articles 117 quater et 125 A".

VI. - Après le deuxième alinéa du 1 de l'article 187 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

"18 % pour les revenus de la nature de ceux éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 lorsqu'ils bénéficient à des personnes physiques qui ont leur domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;".

VII. - Après le premier alinéa du 1 de l'article 200 septies du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

"Ce crédit d'impôt n'est pas applicable aux revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater."

VIII. - Dans le c du 1° du IV de l'article 1417 du même code, la référence : "à l'article 125 A" est remplacée par les références : "aux articles 117 quater et 125 A".

IX. - Le quatrième alinéa du I de l'article 1600-0 G du même code est complété par les mots : ", ainsi que, pour les revenus de capitaux mobiliers, des dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu".

X. - Après l'article 1671 B du même code, il est inséré un article 1671 C ainsi rédigé :

"Art. 1671 C. - Le prélèvement visé à l'article 117 quater est versé au Trésor dans les quinze premiers jours du mois qui suit celui du paiement des revenus et sous les mêmes sanctions que la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis. Toutefois, ces sanctions ne sont pas applicables au prélèvement dû dans les conditions du III du même article 117 quater.

"Le prélèvement ne peut être pris en charge par le débiteur."

XI. - Le 1 de l'article 1681 quinquies du même code est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : "Le prélèvement prévu à l'article 125 A" sont remplacés par les mots : "Les prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A", et les mots : ", à l'exception de ceux dus à raison des revenus, produits et gains mentionnés aux I et II de l'article 125 D" sont supprimés ;

2° La deuxième phrase est complétée par les mots : ", ainsi qu'aux prélèvements dus dans les conditions du III de l'article 117 quater et de l'article 125 D".

XII. - Le 2° de l'article L. 169 A du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

"2° Aux prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A ;".

XIII. - Le dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : ", ainsi que, pour les revenus de capitaux mobiliers, des dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu".

XIV. - L'article L. 136-7 du même code est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du I est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

"Sont également assujettis à cette contribution :

"1° Lorsqu'ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, les revenus sur lesquels est opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater du même code, ainsi que les revenus de même nature dont le paiement est assuré par une personne établie en France et retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Le présent 1° ne s'applique pas aux revenus perçus dans un plan d'épargne en actions défini au 5° du II du présent article ;

"2° Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts." ;

2° Dans le premier alinéa du 1 du IV, après les mots : "revenus de placement mentionnés au présent article", sont insérés les mots : ", à l'exception de celle due sur les revenus et plus-values mentionnés aux 1° et 2° du I,".

3° Le V est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"La contribution visée au 1° du I est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 117 quater du code général des impôts." ;

4° Dans le VI, la référence : "second alinéa" est remplacée par la référence : "2°".

XV. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives relatives aux revenus sur lesquels est opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater du code général des impôts.

XVI. - Par exception au premier alinéa de l'article 1671 C du même code, les sociétés dont les titres ou droits ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé peuvent effectuer, au plus tard le 15 juillet 2008, le versement du prélèvement prévu à l'article 117 quater du même code et des prélèvements sociaux dus sur les revenus distribués payés entre le 1er janvier et le 31 mai 2008, si elles répondent aux conditions suivantes au 1er janvier 2008 :

a) Elles emploient moins de deux cent cinquante salariés ;

b) Elles ont réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours du dernier exercice clos ou ont un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros à la clôture du dernier exercice ;

c) Leur capital ou leurs droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions des a et b, de manière continue au cours du dernier exercice clos.

XVII. - Le présent article est applicable aux revenus perçus et aux gains et profits réalisés à compter du 1er janvier 2008.

Ce qu'il faut savoir :

Actuellement, les dividendes de sociétés françaises ou étrangères (hors "paradis fiscaux") perçus par des actionnaires personnes physiques sont, en principe, imposés à l'impôt sur le revenu au barème progressif, après déduction d'un abattement de 40 % et d'un abattement fixe annuel de 1 525 euros ou 3 050 euros, selon la situation de famille du contribuable. En outre, les actionnaires personnes physiques bénéficient d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 50 % du montant des dividendes perçus, y compris ceux perçus en franchise d'impôt dans un plan d'épargne en actions (PEA), crédit d'impôt limité à 115 euros ou 230 euros selon leur situation de famille. Les dividendes perçus par les actionnaires personnes physiques, nets des seuls frais attachés à ces revenus, sont imposés aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (11 %), c'est-à-dire par voie de rôle l'année suivant celle de la perception des revenus.

Afin de rapprocher la fiscalité des dividendes de celle des produits de taux, l'article 10 de la loi de finances pour 2008 institue un prélèvement forfaitaire à la source sur certains dividendes perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France.

Ainsi, à l'instar du prélèvement forfaitaire libératoire sur les produits de placement à revenu fixe, ce nouveau prélèvement sur les dividendes, libératoire de l'impôt sur le revenu, s'applique sur option du contribuable, c'est-à-dire lorsque cette imposition lui est plus favorable que l'imposition au barème.

Initialement fixé à 16 %, le taux de ce prélèvement forfaitaire a finalement été porté à 18 %, à l'issue d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, permettant ainsi de le rapprocher de l'imposition au barème. Par cohérence, le taux du prélèvement obligatoire applicable aux obligations et aux produits de taux a également été porté de 16 % à 18 %.

Concernant le champ d'application du dispositif, la mesure concerne tous les dividendes de sociétés françaises ou étrangères, éligibles à l'abattement de 40 %. Initialement, l'option pour le prélèvement forfaitaire libératoire n'était toutefois pas autorisée pour les contribuables détenant, avec les membres de leur famille, une participation substantielle dans le capital de la société distributrice, ce afin de limiter les possibilités d'arbitrage entre une rémunération par salaires et une rémunération par dividendes. Alors qu'il avait été proposé de limiter cette exclusion aux seuls actionnaires détenant une participation substantielle dans la société distributrice et exerçant une activité ou une fonction rémunérée dans cette société ou dans l'une de ses filiales détenues majoritairement, cette mesure a finalement été supprimée par la commission mixte paritaire. Donc, seules deux catégories de revenus sont exclues du champ du dispositif :

- la première catégorie correspond aux revenus pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ou d'une profession non commerciale, c'est-à-dire les dividendes perçus par un entrepreneur individuel ou par un professionnel libéral qui sont imposés, selon le cas, comme des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux ;
- la seconde catégorie correspond aux revenus afférents à des titres détenus dans un plan d'épargne en actions.

L'assiette imposable au prélèvement forfaitaire libératoire est constituée du montant brut des dividendes perçus, sans application des abattements ou déduction de frais, et les dividendes concernés ne peuvent pas bénéficier du crédit d'impôt plafonné à 115 euros ou 230 euros, selon la situation de famille.

S'agissant des modalités du prélèvement libératoire sur les produits de placements à revenu fixe, celles-ci sont distinctes selon que l'établissement payeur est établi en France ou dans un Etat européen autre que le Liechtenstein.

Le prélèvement forfaitaire libératoire créé est contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement forfaitaire libératoire sur les produits de placements à revenu fixe payés par un établissement établi en France régi par l'article 125 A du CGI (N° Lexbase : L1877HNT).

Le IX de l'article 10 de la loi de finances pour 2008 prévoit la création d'un nouvel article 1671 C du CGI fixant le délai de versement du prélèvement libératoire (au plus tard le quinzième jour du mois suivant celui au cours duquel est intervenu le paiement des revenus) et prévoit que ce prélèvement est versé sous les mêmes sanctions que la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 du même code (N° Lexbase : L2105HLK) qui pèse sur les dividendes versés à des non-résidents. Par exception, le XVI prévoit une mesure dérogatoire concernant les PME qui deviendront un établissement payeur du prélèvement libératoire sur les dividendes au bénéfice de l'administration fiscale. A la différence des établissements financiers ou des très grandes entreprises, les PME ne sont pas aujourd'hui familiarisées avec les mécanismes de retenue à la source et subiront des coûts administratifs supplémentaires. Ces entreprises sont ainsi autorisées à reporter, pour la première année d'application, le paiement du prélèvement libératoire et des contributions sociales jusqu'au 15 septembre 2008, ce qui leur permettra de faire évoluer leur système informatique et comptable.

Il convient de relever que, par suite d'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale, le 3° du IV de l'article 10 de la loi de finances pour 2008 supprime la possibilité de cumuler au cours de la même année le prélèvement libératoire à 18 % et l'application du barème, après prise en compte des abattements. La mise en oeuvre des abattements peut, en effet, conduire à percevoir en franchise d'impôt un dividende d'un montant de l'ordre de 3 000 euros pour un contribuable célibataire. Cette disposition vise à éviter le cumul de cette franchise avec le bénéfice éventuel du prélèvement libératoire.

En parallèle à l'instauration d'un dispositif favorable d'imposition à la source des dividendes, il est prévu d'étendre le paiement à la source des prélèvements sociaux sur la plupart des dividendes éligibles à l'abattement de 40 %, que ces derniers soient imposables au prélèvement forfaitaire libératoire ou au barème progressif de l'impôt sur le revenu, et ce dans le prolongement de la mesure adoptée l'année dernière dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 pour les produits de taux et d'assurance vie.

L'ensemble de ces dispositions s'applique aux revenus perçus et aux gains et profits réalisés à compter du 1er janvier 2008.

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Sécurité sociale

[Textes] LFSS 2008 : réforme des exonérations de charges sociales et des mesures d'âge

Réf. : Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale pour 2008 (N° Lexbase : L5482H3G)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Parmi les dispositions phares de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale pour 2008 (LFSS) (N° Lexbase : L5482H3G), il a été retenu, dans le cadre de la branche maladie, au titre de la participation des assurés aux dépenses de santé, la franchise médicale. Cette participation existait déjà, sous une autre forme (ticket modérateur ou reste à charge) (1). Le Conseil constitutionnel a, d'ailleurs, validé cette nouvelle mesure, mais avec une réserve d'interprétation (décision n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, Loi de financement de la Sécurité sociale N° Lexbase : A0604D3R). Mais, dans le prolongement de ses décisions n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005 (N° Lexbase : A9568DLX) et n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006 (N° Lexbase : A8814DSA) sur les lois de financement de la Sécurité sociale pour 2006 et 2007, le Conseil a censuré 17 articles parce que ne trouvant pas leur place dans une loi de financement pour la Sécurité sociale. Il y avait, pourtant, d'autres motifs de s'intéresser à cette loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008. D'une part, le législateur poursuit la dynamique de retour à l'emploi des seniors, initiée en 2003 et continuée par les partenaires sociaux en 2005 (2) et le pouvoir réglementaire en 2006, instituant un nouveau contrat de travail à durée déterminée ("CDD seniors") (3). La LFSS 2008 contient, ainsi, des mesures incitatives (au profit des seniors) et dissuasives destinées aux employeurs (mesures dites de retrait du marché du travail ou mesures d'âges, prises à l'initiative de l'emploi, se traduisant par une mise à la retraite ou à la préretraite) (I). D'autre part, afin de rationaliser certaines mesures pour l'emploi, le législateur a réformé, avec la LFSS 2008, certaines exonérations de charges sociales (II).

I - Réforme des mesures d'âge, dans le prolongement de l'action au profit de l'emploi des seniors

La loi du 21 août 2003 (loi n° 2003-775, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM) a, pour la première fois, engagé une inflexion sensible de la politique publique en matière de cessation précoce d'activité : une partie des préretraites d'entreprise a été assujettie à une contribution spécifique afin de dissuader les employeurs d'avoir recours à cette mesure d'âge ; les cessations anticipées d'activité des travailleurs salariés (CATS) ont été recentrées vers les seuls salariés ayant réalisé des travaux pénibles ; le dispositif de la préretraite progressive a été supprimé ; le principe du report à soixante-cinq ans de l'âge de mise à la retraite d'office a été posé. Mais un amendement avait été adopté pour créer une dérogation et permettre que la mise à la retraite d'office ait lieu, à titre dérogatoire, dès l'âge de soixante ans. Cette faculté demeurait ouverte si une convention ou un accord collectif étendu fixait des "contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle". Entre la promulgation de cette mesure et l'entrée en vigueur de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007 (loi n° 2006-1640, 21 décembre 2006, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 N° Lexbase : L8098HT4), qui y a mis fin à compter de 2010, cent-deux branches professionnelles, dont les plus importantes, ont conclu des accords sur cette base. Ces branches couvrent des secteurs (métallurgie, bâtiment, banque...) employant près de sept millions de salariés (4). La LFSS 2008 revient sur ces dispositions, qui ne concourent pas à rendre efficaces les dispositions existantes visant à promouvoir le retour vers l'emploi des seniors.

A - Déclaration des préretraites, mises à la retraite et licenciement des salariés de plus de 60 ans

L'article 16 IV de la LFSS 2008 introduit deux nouveaux articles (C. trav., art. L. 320-4 et L. 1221-18) afin de renforcer les informations à la disposition de l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS), s'agissant du nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d'activité. Le nombre de préretraites accordées par les entreprises est, en effet, très mal connu aujourd'hui, en raison de l'absence d'obligation déclarative.

En application du nouvel article L. 320-4 du Code du travail, tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenu d'adresser à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont il relève, au plus tard le 31 janvier de chaque année, une déclaration indiquant le nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente, leur âge et le montant de l'avantage qui leur est alloué. Cette déclaration indique, également, le nombre de mises à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur intervenant dans les conditions de l'article L. 122-14-13 du même code (N° Lexbase : L3219HW7) et le nombre de salariés âgés de soixante ans et plus licenciés au cours de l'année civile précédant la déclaration. Le défaut de production, dans les délais prescrits, de cette déclaration entraîne une pénalité dont le montant est égal à six cents fois le taux horaire du salaire minimum de croissance. Cette pénalité est recouvrée par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont relève l'employeur. Son produit est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

B - Contribution des préretraites d'entreprise

En application de l'article 16 VI de la LFSS 2008, les III et IV de l'article 17 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites, sont abrogés.

C - Indemnités de mise à la retraite : nouvelle contribution patronale spécifique

L'article L. 137-10 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7769DKX) institue, à la charge des employeurs et au profit du Fonds de solidarité vieillesse, une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur, ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur. Le taux de cette contribution est actuellement fixé à 24,15 %, en application d'un mécanisme prévu par le II de l'article L. 137-10.

L'article 16 VIII et IX de la loi de financement de la Sécurité sociale 2008 modifie ce dispositif de deux manières, à compter du 11 octobre 2007 : d'une part, il affecte le produit de cette contribution à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), et non plus au FSV, qui devrait connaître une amélioration de sa situation, même s'il conserve des déficits cumulés importants ; et, d'autre part, il porte le taux de cette contribution à 50 %, qui fait donc plus que doubler. D'après les travaux parlementaires, cette mesure rapporterait 80 millions d'euros en 2008.

D - Allocations de préretraite et de cessation anticipée d'activité : suppression des allègements CSG et CRDS

Les allocations de préretraite faisaient l'objet d'un traitement particulier au regard de l'assujettissement à la CSG : d'une part, de manière générale, en application du 2° du II de l'article L. 136-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1346GUE), elles sont assujetties à la CSG au taux de 6,6 %, soit le même taux que celui retenu pour les pensions de retraite ou d'invalidité, et non au taux de 7,5 %, comme le sont les revenus d'activité. Le taux est abaissé à 3,8 % lorsque les personnes sont imposables au titre de la taxe d'habitation mais de l'impôt sur le revenu ; d'autre part, dans certains cas, en application du III de l'article L. 136-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3307HWE), les allocations de préretraite peuvent, comme les allocations de chômage, être exclues de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement. Il en va ainsi lorsque le montant des revenus de l'année n-2 n'excède pas les seuils déterminés par l'article 1417 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4725HWW) pour l'imposition à la taxe foncière et la taxe d'habitation. En outre, la contribution pesant sur ces allocations ne peut avoir pour effet de réduire le montant net de celles-ci ou, en cas de cessation partielle d'activité, le montant cumulé de la rémunération d'activité et de l'allocation perçue, en deçà du montant du salaire minimum de croissance.

La LFSS 2008 (art. 16-I et II) supprime ces deux dispositifs dérogatoires à compter du 11 octobre 2007, date de présentation du projet de loi de financement en Conseil des ministres. Depuis cette date, les allocations ou avantages perçus par les salariés bénéficiant d'une préretraite ou d'une cessation anticipée d'activité sont soumis au droit commun de la CSG sur les revenus d'activité (taux de 7,5 %). D'après les estimations du Gouvernement, ce relèvement du taux de CSG devrait entraîner 7 à 8 millions d'euros de recettes supplémentaires (5).

E - La suppression du régime transitoire de mise à la retraite avant 65 ans

La LFSS 2008 (art. 16-XII) supprime les trois dernières phrases du deuxième alinéa et le troisième alinéa de l'article L. 122-14-13 du Code du travail. L'article 106 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007 avait fixé au 1er janvier 2010 le terme des effets des accords de branche dérogatoires relatifs à la mise à la retraite d'office avant l'âge de 65 ans. Cependant, elle avait introduit un régime transitoire spécifique aux entreprises parties à ces accords, en cas de départ négocié avec l'employeur entre le 1er janvier 2010 et le 1er janvier 2014.

Les indemnités versées dans ce cadre étaient soumises à un régime social particulier, calé, s'agissant de l'impôt sur le revenu et des cotisations de Sécurité sociale, sur celui des indemnités de licenciement (exonération soit en totalité lorsque le montant de l'indemnité versée correspond à celui de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, soit à hauteur de deux fois le montant de la rémunération annuelle précédant la rupture du contrat de travail ou à 50 % du montant de l'indemnité, dans la limite de six fois le plafond de la sécurité sociale) ; s'agissant des contributions de Sécurité sociale, sur le droit commun des indemnités de départ volontaire (assujettissement au premier euro à la CSG et à la CRDS). Par ailleurs, ce régime n'était applicable que dans certaines branches professionnelles (branches ayant conclu un accord dérogatoire de mise à la retraite postérieurement à la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 et antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007). Ces dispositions devaient avoir un coût estimé à 300 millions d'euros par an à partir de 2010.


II - Réforme de mesures pour l'emploi

A - Calcul de l'allègement "Fillon"

L'article 12 de la LFSS 2008 modifie le mode de calcul de la réduction générale des cotisations patronales de Sécurité sociale, dite "réduction Fillon". La quatrième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9285HZW) est complétée par les mots "et hors rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007".

Il faut rappeler le mode de calcul en vigueur avant la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite "TEPA") (N° Lexbase : L2417HY8) : le calcul de la réduction générale des cotisations patronales de Sécurité sociale (CSS, art. L. 241-13 III) est fonction de la rémunération horaire du salarié concerné calculée en divisant la rémunération mensuelle par le nombre d'heures rémunérées au cours du mois considéré. Ce mode de calcul a été modifié par la loi "TEPA" : il est fonction du rapport entre le salaire minimum de croissance calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail et la rémunération mensuelle du salarié telle que définie à l'article L. 242-1 du même code (N° Lexbase : L3404HWY), hors rémunération des heures complémentaires et supplémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du Code du travail (N° Lexbase : L9589GQ9) et à l'article L. 713-6 du Code rural (N° Lexbase : L9888GQB). La LFSS 2008 modifie à nouveau le mode de calcul : il est fonction du rapport entre le salaire minimum de croissance calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail et la rémunération mensuelle du salarié telle que définie à l'article L. 242-1, hors rémunération des heures complémentaires et supplémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du Code du travail et à l'article L. 713-6 du Code rural, et hors rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007. Selon les travaux parlementaires, le coût de cet article pour les finances publiques est important, puisqu'il s'élève à 200 millions d'euros. La grande distribution serait le premier bénéficiaire de ce dispositif (6) .

B - Exonérations de charges sociales en ZRR

L'article 19 de la LFSS 2008 abroge les articles 15 et 16 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux (N° Lexbase : L0198G8T), et supprime le dispositif d'exonération de charges sociales spécifique institué au profit des organismes d'intérêt général ayant leur siège en zone de revitalisation rurale (ZRR). Ce dispositif spécifique bénéficie à l'ensemble des salariés, sans limitation, et non pas aux nouvelles embauches, contrairement au dispositif de droit commun applicable en ZRR. Il consiste en une franchise de cotisations quel que soit le niveau de salaire, et non pas limitée à 1,5 SMIC, et s'applique, donc, sans dégressivité en fonction de la rémunération. Il n'est assorti d'aucune condition de durée, alors que pour les autres employeurs en ZRR, elle est limitée à un an. Il est cumulable avec d'autres aides, sauf interdictions prévues par les textes qui les instituent. L'exposé des motifs de la LFSS justifiait cette suppression en indiquant que ce dispositif ne répond que faiblement à son objet, qui est d'inciter à la création d'emplois en milieu rural. Il s'applique, par ailleurs, à l'ensemble des salariés des organismes concernés et non aux seules nouvelles embauches comme le régime de droit commun. Son coût (environ 185 millions d'euros par an) est disproportionné par rapport aux avantages attendus.

C - Suppression des exonérations de cotisations AT

La LFSS 2008 (art. 22) supprime les exonérations spécifiques de cotisations accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) dont bénéficiaient jusqu'à présent un certain nombre d'employeurs.

Les employeurs bénéficiant d'une exonération spécifique de cotisations AT-MP sont ceux profitant, par ailleurs, d'une exonération de cotisations sociales au titre : des créations d'emplois dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones de revitalisation rurale (ZRR) ; de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) pour les douze premiers mois de leur nouvelle activité ; de la rémunération, directe ou par le biais d'une structure agréée, d'une aide à domicile destinée aux personnes âgées ou dépendantes ou d'un particulier les accueillant, ou au titre de la rémunération d'une aide à domicile, employée par les associations ou entreprises habilitées, pour remplacer les salariés agricoles absents ; des activités exercées dans un but de réinsertion socioprofessionnelle par les personnes en difficulté accueillies dans les centres d'hébergement agréés, comme les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) du dispositif en faveur de certains employeurs des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon ; des embauches réalisées en contrat d'accompagnement dans l'emploi ; des embauches réalisées en contrat d'accès à l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; des embauches sous contrat de travail à durée indéterminée, du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, par les groupements d'employeurs agricoles (ou des transformations de contrats à durée déterminée en CDI) ; des salariés employés par un établissement implanté en zone franche urbaine, par des organismes d'intérêt général ayant leur siège en ZRR ou par un établissement d'une entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale qui s'implante, entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2011, dans un bassin d'emploi à redynamiser ; des salariés des jeunes entreprises innovantes de moins de 250 salariés créées avant le 31 décembre 2013.

De plus, la LFSS 2008 pose un principe d'absence d'exonération de ces cotisations, en proscrivant les exonérations totales de cotisations patronales. La LFSS 2008 complète la définition des cotisations patronales AT-MP posée par l'article L. 241-5 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4935AD7), en posant le principe qu'elles ne peuvent faire l'objet d'une exonération totale, y compris lorsque celle-ci ne porte que sur une partie de la rémunération. D'après les travaux parlementaires, des exonérations totales de cotisations AT-MP demeureront, toutefois, au titre des allégements ciblés de cotisations sociales, en faveur des arbitres et des juges sportifs, ainsi que des stagiaires.

Selon les travaux parlementaires, ces mesures sont fondées, dès lors que l'objectif de ces cotisations consiste à responsabiliser les entreprises, en les incitant à renforcer la prévention. Elles s'inscrivent dans la ligne de l'article 143 de la loi de finances pour 2007, qui a mis fin, à compter du 1er janvier 2007, à l'exonération qui s'attachait jusqu'alors aux contrats d'apprentissage et de qualification. Ces exonérations ciblées faisant l'objet d'une compensation, cet article devrait permettre à l'Etat de réaliser une économie de 150 millions d'euros en 2008 (7).


(1) V. les observations d'O. Pujolar à paraître dans le prochain numéro de Lexbase Hebdo - édition sociale.
(2) Nos obs., Les apports de l'ANI du 13 octobre 2005 aux politiques de vieillissement actif, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1192AKD) et réf. bibliographiques.
(3) Nos obs., Un nouveau contrat aidé : le "CDD senior" (décret n° 2006-1070 du 28 août 2006), Lexbase Hebdo n° 226 du 7 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2470AL3).
(4) D. Leclerc, Rapport n° 72 (2007-2008), Sénat, 7 novembre 2007.
(5) J.-J. Jegou, Avis n° 73 (2007/2008), Sénat, 7 novembre 2007.
(6) J.-J. Jegou, Avis n° 73 (2007/2008), Sénat, 7 novembre 2007.
(7) J.-J. Jegou, Avis n° 73 (2007/2008), Sénat, 7 novembre 2007.

newsid:306093

Domaine public

[Jurisprudence] Le prix de l'occupation du stade de Gerland

Réf. : CAA Lyon, 4ème ch., 12 juillet 2007, n° 06LY02105, Ville de Lyon (N° Lexbase : A4922DXL)

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N5943BDH

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par François Brenet, Maître de Conférences à la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers-Institut de droit public (EA 2623)

Le 07 Octobre 2010

Quel prix faut-il faire payer au club de football de l'Olympique Lyonnais pour l'occupation du stade de Gerland à Lyon? Telle est la question à laquelle la cour administrative d'appel de Lyon avait à répondre dans l'arrêt rendu le 12 juillet 2007 (CAA Lyon, 4ème ch., 12 juillet 2007, n° 06LY02105, Ville de Lyon). Il n'échappera pas aux amateurs de compétitions sportives et de droit administratif (il doit sans doute en exister !) que ce n'est pas la première fois qu'une collectivité publique de la région Rhône-Alpes voit ses actes contestés au motif qu'elle aurait fait preuve d'une certaine complaisance à l'égard de l'un de ses clubs sportifs, si renommé et si talentueux soit-il. On se souvient en effet que le tribunal administratif de Lyon n'avait pas hésité, dans trois jugements lus le 19 avril 2007 (TA Lyon, du 19 avril 2007, M. Eric Forquin, n° 0503574 N° Lexbase : A8174DWN, n° 0506286 N° Lexbase : A8175DWP et n° 0600675 N° Lexbase : A8176DWQ), à qualifier de marchés publics divers achats de places par le département du Rhône pour assister à des compétitions sportives auxquelles devaient participer le club de basket-ball de Villeurbanne ou encore le club de football de l'Olympique Lyonnais (OL) (1). C'est une nouvelle fois le club de l'OL qui était en cause dans l'arrêt lu le 12 juillet 2007 (2) puisqu'un contribuable local avait saisi le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre plusieurs délibérations du conseil municipal de Lyon au motif qu'il avait fixé une redevance d'un montant insuffisant pour l'occupation du stade de Gerland. Une première délibération du 26 mai 2003 ayant été partiellement annulée par jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mars 2005 (3), la ville de Lyon avait adopté une nouvelle délibération. Celle-ci avait autorisé le maire à signer un avenant à la convention cadre de partenariat liant la ville à l'OL stipulant une redevance d'utilisation du stade de 31 579 euros par match pour les saisons 2003/2004 et 2004/2005, et autorisé le maire à signer une transaction par laquelle l'OL s'engageait à payer une somme de 1 326 318 euros au titre de l'occupation du stade pour les saisons 2003/2004 et 2004/2005 jusqu'au 10 mars et de 221 053 euros pour la période du 11 mars au 20 juin 2005. Par une nouvelle délibération du 20 juin 2005, le conseil municipal avait autorisé le maire à signer une nouvelle convention cadre pour les saisons 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008, fixant le montant de la redevance d'occupation du stade à 32 827 euros par match. Elle se décomposait en deux parts, l'une de 17 827 euros au titre des coûts variables d'utilisation déterminés sur la base d'un coût annuel de 463 497 euros pour 26 matchs, et l'autre de 15 000 euros par match au titre de l'occupation du domaine public. Par deux jugements du 13 juillet 2006, le tribunal de Lyon a, ensuite, annulé, à la demande d'un autre contribuable local, la délibération du 20 juin 2005 en ce qu'elle approuvait l'avenant n°3 à la convention et la transaction entre la commune et l'OL et autorisait la signature de ces actes ainsi que les décisions du maire de les signer. Il a également annulé la décision du 15 juillet 2005 par laquelle le maire de Lyon avait décidé de signer la convention d'occupation temporaire du stade ainsi que les équipements annexes. Dans les deux cas, le tribunal a considéré que l'insuffisance de la redevance domaniale justifiait l'annulation et qu'il appartenait donc à la cour administrative d'appel de se prononcer sur cette question. La solution était attendue car l'on sait que les concours financiers des collectivités territoriales aux clubs sportifs sont strictement encadrés par la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (N° Lexbase : L7559AG3), codifiée depuis par l'ordonnance n°2006-596 du 23 mai 2006 (N° Lexbase : L8225HIH) (4). Toute possibilité laissée aux personnes publiques de louer à vil prix les équipements sportifs aurait été perçue comme un moyen de contourner la réglementation existante (5). On sait, en effet, que les subventions publiques ne peuvent excéder un certain montant (2,3 millions d'euros par saison) et doivent être destinées à financer des activités d'intérêt général (formation, insertion scolaire et professionnelle des jeunes, actions d'éducation, d'intégration ou de cohésion sociale, améliorations de la sécurité du public, prévention de la violence dans les stades, etc.). De la même façon, le montant des sommes versées par la collectivité territoriale au titre de la rémunération de prestations de services (achat de places, achat d'espaces publicitaires, etc.) ne peut excéder 30 % du total des produits du compte de résultat de l'année précédente du club dans la limite de 1,6 million d'euros par saison. Comme l'on pouvait s'y attendre, la cour administrative d'appel de Lyon a adopté une solution préservant la législation sportive et permettant d'assurer la juste valorisation du domaine public. Elle a rappelé que l'utilisation d'un équipement sportif était assimilable à une occupation privative du domaine public communal et exigeait le paiement d'une redevance domaniale (I). Elle a, également, précisé la marche à suivre pour en déterminer le montant (II).

I- L'exigence du paiement d'une redevance en cas d'occupation privative du domaine public

L'occupation privative du domaine public repose sur un principe "d'onérosité" (A) dont les fondements méritent d'être rappelés (B).

A-Le caractère onéreux de l'occupation privative du domaine public

Si le caractère onéreux de l'occupation privative du domaine public demeure le principe (1), divers textes permettent la gratuité (2).

1 - Le principe

Que le stade de Gerland appartienne au domaine public ne fait aucun doute et n'a jamais suscité la discussion (6). Propriété de la ville, il est sans contestation possible affecté à l'usage du public (accueil des spectateurs) et à une mission de service public (ne serait-ce parce que les équipements du stade sont parfois mis à la disposition des élèves de la commune) et a fait l'objet d'aménagements spéciaux (7) (ou indispensables pour employer la terminologie du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qui n'était pas applicable au cas d'espèce). On doit noter que la situation devrait changer à terme puisque l'OL a décidé la construction d'un stade de 60 000 places sur un site d'une cinquantaine d'hectares destiné à accueillir 35 grands événements par an. Celui-ci sera financé par ses soins (on avance un budget de l'ordre de 250 à 300 millions d'euros) et sera donc sa propriété (et n'appartiendra donc pas au domaine public en vertu du principe de l'incompatibilité entre domanialité publique et propriété privée). Quoi qu'il en soit, on sait que toute occupation privative du domaine public nécessite le respect de plusieurs règles, parfaitement connues et reprises par le CGPPP. La première est celle selon laquelle on ne peut occuper privativement le domaine public sans en avoir reçu l'autorisation (par le biais d'un acte unilatéral ou d'un contrat comme c'était le cas dans la présente espèce) revêtant un caractère strictement personnel et ne pouvant donc pas, sauf exception législative, être cédée. La deuxième veut que l'occupation soit régie par le principe de précarité, l'idée étant de permettre à la collectivité publique propriétaire de conserver la libre disposition de son domaine public. La troisième, directement en cause dans l'affaire du stade de Gerland, implique le paiement par l'occupant d'une redevance domaniale. Cette règle ancienne figure, aujourd'hui, à l'article L. 2125-1 du CGPPP qui dispose que "toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance".

2 - Les exceptions

Aussi important soit-il, le principe exigeant le paiement d'une redevance n'est pas sans connaître quelques exceptions. L'article L. 2125-1, alinéa 2, du CGPPP dispose, en effet, que "l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut en effet être délivrée gratuitement : 1°)Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ; 2°)Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même". A ces deux exceptions, l'article L. 2125-2 du CGPPP en ajoute une troisième, en dispensant les communes et leurs groupements qui gèrent eux-mêmes leur service d'eau potable ou d'assainissement du paiement de toute redevance, dans l'hypothèse où leurs canalisations ou réservoirs occuperaient le domaine public de l'Etat. L'affaire dite des radars automatiques (8), dans laquelle certains départements réclamaient à l'Etat le paiement d'une redevance pour l'occupation de leur domaine public routier par des installations de contrôle de vitesse, a généré une quatrième exception. La loi de finances pour 2008 a complété l'article L. 2125-1 du CGPPP en prévoyant la gratuité pour les "équipements visant à assurer la sécurité routière".

B - Les fondements de l'onérosité

Que l'occupation privative du domaine public nécessite, par principe, le paiement d'une redevance ne prête plus guère à discussion. A partir du moment où l'on a commencé à admettre (après 1789) que l'administration pouvait octroyer des titres individuels d'occupation du domaine public, l'idée a été facilement admise que cette occupation privative devait donner lieu au paiement d'une redevance, autrement dit d'une sorte de loyer administratif. Les utilisations privatives sont aujourd'hui légion (on estime ainsi à près de 100 000 le nombre d'autorisations d'occupation privative accordées chaque année par l'Etat sur son domaine public), et elles sont perçues comme un instrument de valorisation du domaine public. Comme l'affirmait le commissaire du Gouvernement Guldner dès 1957, le domaine public "constitue une richesse dont les collectivités publiques peuvent et doivent assurer la meilleure utilisation". Aujourd'hui plus qu'hier, le caractère onéreux de l'occupation privative du domaine public est perçu comme une obligation et non plus comme une faculté. Les personnes publiques ont l'obligation de valoriser leurs propriétés, elles doivent agir dans une optique patrimoniale, c'est-à-dire se comporter comme n'importe quel propriétaire privé souhaitant faire fructifier au mieux ses biens. Bon nombre d'exemples tirés de la jurisprudence administrative la plus récente permettraient sans doute d'illustrer cette tendance. On pense ici au cas des contrats de mobilier urbain dont on sait qu'ils présentent la particularité d'être des marchés publics couplés d'une autorisation d'occupation privative du domaine public. Longtemps, les collectivités publiques se sont contentées du strict minimum en exigeant seulement de leurs cocontractants qu'ils financent, construisent et entretiennent le mobilier urbain installé sur le domaine public (abribus, panneaux d'affichage, etc.), et les ont dispensés de verser une quelconque redevance domaniale. Mais récemment, certaines collectivités territoriales, en pointe dans la gestion patrimoniale de leur domaine public, n'ont pas hésité à franchir le pas en demandant à leurs cocontractants non seulement d'assurer les prestations déjà évoquées, mais aussi de payer comme il se doit une redevance pour occupation privative du domaine public. Ces collectivités ont, en effet, compris que les recettes publicitaires générées par le mobilier urbain installées sur leur domaine étaient tellement importantes que les sociétés titulaires de ces contrats étaient disposées à financer la construction et l'entretien du mobilier urbain, sans demander un centime en retour, et à payer en plus le loyer lié à l'occupation domaniale. L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon le 12 juillet 2007 nous semble parfaitement s'inscrire dans cette tendance puisque l'action en justice intentée par un contribuable local reposait sur l'idée que la redevance versée par l'Olympique Lyonnais à la ville n'était pas assez élevée.

Une autre justification du caractère onéreux de l'occupation privative du domaine public réside dans l'idée que la redevance est la contrepartie des avantages individuels conférés au bénéficiaire de l'autorisation d'occupation au détriment de la jouissance commune (9). L'occupation privative du domaine public suppose, en effet, de porter atteinte à la destination normale des dépendances domaniales qui est d'être affectée à l'usage de tous. Elle permet à son bénéficiaire de développer une activité lucrative et soustrait le domaine public "à toute possibilité d'utilisations par d'autres", comme le note René Chapus (10).

Le caractère obligatoire du paiement de la redevance domaniale étant établi, il reste à savoir, et c'était tout l'enjeu en cause dans l'affaire dont avaient à connaître les juges lyonnais, comment en calculer le montant.

II - Le calcul de la redevance domaniale due par l'occupant privatif

Le mode de calcul de la redevance domaniale due par l'occupant privatif est essentiel car il s'agit pour la collectivité publique propriétaire de fixer un montant suffisamment attractif pour l'occupant sans pour autant lui octroyer un avantage présentant le caractère d'une libéralité. En l'espèce, la cour administrative d'appel de Lyon a indiqué que la ville avait l'obligation de prendre en compte les avantages de toute nature procurés par l'occupation privative (A). Elle a également souhaité montrer que cette obligation devait être strictement contrôlée par le juge administratif (B).

A - L'obligation de prendre en compte les avantages de toute nature procurés par l'occupation privative

Les règles applicables en la matière sont inscrites à l'article L. 2153-3 du CGPPP. Celui-ci dispose que "la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation". On doit noter que si le CGPPP n'était pas applicable aux délibérations contestées, il ne fait aucun doute que la solution rendue par la cour de Lyon vaut également pour la période postérieure à l'entrée en vigueur du CGPPP, car l'article L. 2153-3 précité reprend une jurisprudence parfaitement éprouvée (11). Au surplus, il faut noter que ces mêmes règles avaient fait l'objet d'une synthèse dans le rapport du Conseil d'Etat de 2002 intitulé "Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public" (12).

De ces règles concordantes (CGPPP (13), jurisprudence et rapport du Conseil d'Etat), il ressort très clairement que les personnes publiques ont l'obligation de tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'autorisation d'occupation du domaine public pour calculer le montant de la redevance. La possibilité leur est laissée de se fonder à titre facultatif, et en complément de ce premier critère, sur la valeur locative de l'équipement public (14). Ce dernier indice n'était assurément pas opératoire, en l'espèce, car il n'existe évidemment pas un marché locatif des stades de football qui permettrait de fixer la valeur locative du stade de Gerland. L'arrêt du 12 juillet 2007 n'en demeure pas moins riche d'enseignements sur le premier critère impératif puisqu'il précise que les avantages de toute nature procurés par l'occupation "s'apprécient notamment au regard des recettes tirées de son utilisation telles que la vente des places et des produits dérivés aux spectateurs, la location des emplacements publicitaires et des charges que la collectivité publique supporte telles que les amortissements, l'entretien et la maintenance calculés au prorata de l'utilisation d'un tel équipement".

Une telle motivation ne doit pas surprendre. Le rapport du Conseil d'Etat de 2002 mentionnait, déjà, quelques arrêts dans lesquels le juge administratif avait validé le calcul fondé sur le chiffre d'affaires réalisé par l'occupant du domaine public (15) et le commissaire du Gouvernement Denis Besle y faisait référence dans ses conclusions (16). Il n'est, en effet, pas choquant d'imposer à une collectivité publique d'exiger de l'occupant de son domaine public qu'il lui verse une redevance indexée sur le chiffre d'affaires réalisé. La valorisation du domaine public impose au contraire un tel mode de calcul. Cette logique de valorisation a d'ailleurs rejailli sur le régime juridique des redevances pour service rendu. Alors que la jurisprudence considérait par le passé qu'elles s'apparentaient à des prélèvements réclamés aux usagers "en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé ou les frais d'établissement et d'entretien d'un ouvrage public et qui trouvent leur contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage" (17) et que leur montant ne devait donc pas excéder le coût de la prestation fournie, le Conseil d'Etat a fini par admettre, dans l'arrêt Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital et Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique du 16 juillet 2007 (18) (N° Lexbase : A4716DXX), que "le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire". Les redevances domaniales et les redevances pour service rendu ont ainsi en commun de pouvoir être calculées en fonction des avantages économiques qu'elles procurent aux occupants privatifs du domaine public et aux usagers d'un ouvrage ou d'un service public.

B - Une obligation strictement contrôlée par le juge administratif

L'argumentation de la ville consistait à dire qu'elle avait parfaitement tenu compte des avantages procurés au club en fixant une redevance par match de football disputé au stade de Gerland. Tout comme le tribunal administratif, la cour administrative d'appel de Lyon rejette un tel argument en considérant à juste titre qu'il ne suffit pas d'exiger une redevance par match de football disputé dans le stade municipal pour satisfaire aux critères précités. Encore faut-il apporter la preuve que le loyer demandé corresponde véritablement aux avantages octroyés à l'occupant et tel n'était assurément pas le cas en l'espèce. A vrai dire, la complaisance de la ville de Lyon à l'égard de son club phare ne faisait aucun doute car la municipalité avait "oublié" d'exiger le paiement d'une redevance pour l'occupation du centre d'entraînement de Tola Vologe. Par ailleurs, les frais d'entretien et de maintenance du stade exposés par la ville (14 271,46 euros par match) avaient été imputés sur le montant de la redevance unitaire.

L'on pourrait croire, à lire trop rapidement l'arrêt du 12 juillet 2007, que la cour a fait preuve d'une certaine sévérité. Tel n'est pas notre avis. Qu'une collectivité publique veuille soutenir son club phare est tout à fait louable car l'on devine parfaitement que le parcours exemplaire du club de l'OL depuis plusieurs années, tant sur la scène nationale qu'européenne, rejaillit forcément, et de manière très positive, sur l'image de la ville. Il reste qu'il y a sans doute une limite à ne pas franchir. Même s'il existe un doute quant à l'intensité du contrôle exercé par le juge sur le calcul des redevances domaniales (certains arrêts retiennent le contrôle normal tandis que d'autres optent, peut-être à plus juste titre, pour le contrôle restreint (19)) (20), les juges lyonnais ont simplement voulu dire aux élus locaux qu'il leur fallait gérer le stade de Gerland en ayant toujours à l'esprit qu'il est pour le club de football un outil commercial comme un autre. La municipalité ne pouvait pas l'ignorer. Elle ne peut plus l'ignorer désormais.


(1) Voir nos obs., L'achat de places par une collectivité publique pour assister à des compétitions sportives au risque du droit des marchés publics, Lexbase Hebdo n° 26 du 21 juin 2007 - édition publique (N° Lexbase : N5626BBY).
(2) CAA Lyon, 4ème ch., 12 juillet 2007, n° 06LY02105, Ville de Lyon ; AJDA 2007, p. 2312, note D. Besle.
(3) TA Lyon, 10 mars 2005, M. Lavaurs; AJDA 2005, p. 1474, note F. Lagarde. Jugement qui avait provoqué la consternation du président de l'OL, celui-ci ayant déclaré à la suite de cette décision : "il n'y a pas d'aides pour le foot pro et nous versons 600 000 euros par an. C'est la location la plus chère de France. C'est une hérésie" (AFP).
(4) Sur ce Code du sport, voir le dossier publié par l'AJDA du 10 septembre 2007, p. 1623 et s. avec les contributions d'I. de Silva, B. Stirn, D. Laurent, E. Honorat, L. Vallée et S. Chaillet.
(5) Le commissaire du Gouvernement Denis Besle, que nous remercions d'avoir accepté de nous communiquer ses conclusions, soulignait ainsi que "les conventions de mise à disposition des stades doivent avoir pour contrepartie le paiement d'une redevance pour l'usage privatif d'un équipement sportif public calculée de telle façon qu'elle ne puisse s'assimiler à une aide indirecte prohibée" (nous soulignons).
(6) Voir en ce sens : CE, 13 juillet 1961, Ville de Toulouse; Rec. CE, p. 513.
(7) On pense ici à l'ensemble des moyens mis en place pour assurer la sécurité des spectateurs.
(8) CE 3° et 8° s-s-r., 31 octobre 2007, n° 306338, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales c/ Département de l'Essonne (N° Lexbase : A2028DZ7) ; AJDA 2008, note J. Bon (à paraître) ; Dr. adm. 2008, note F. Melleray (à paraître).
(9) Voir en ce sens le rapport du Conseil d'Etat, Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public ; Les études du Conseil d'Etat, La Documentation Française, 2002, p. 48.
(10) René Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, 15ème édition, 2001, tome 2, n° 591, p. 491.
(11) Par exemple : CE, 11 octobre 2004, n° 254236, Prouvoyeur (N° Lexbase : A5895DPP), Rec. CE, p. 602 : "Considérant, d'une part, que les communes sont fondées à recouvrer au titre des occupations privatives de leur domaine public des redevances calculées en tenant compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ou permissionnaire de voirie".
(12) Conseil d'Etat, Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public, précité.
(13) Pour être complet, on doit préciser que les règles aujourd'hui inscrites dans le CGPPP figuraient déjà dans le Code du domaine de l'Etat (art R. 56).
(14) CE, 11 octobre 2004, Prouvoyeur, précité : "que, dès lors, en se fondant, pour rejeter la demande en décharge de M. X., sur ce que le montant des redevances réclamées n'était pas excessif compte tenu de l'avantage que le requérant était susceptible de tirer de l'occupation du domaine public, sans rechercher si ce montant aurait été supérieur à la valeur locative d'une propriété privée comparable à cette dépendance du domaine public, la cour n'a pas commis d'erreur de droit".
(15) Conseil d'Etat, Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public, précité, p. 52 : "Le chiffre d'affaires est fréquemment utilisé comme base de calcul de la redevance. C'est en se fondant sur cette grandeur qu'est, par exemple, fixé le montant de la redevance acquittée par les restaurants installés dans le domaine de Versailles ou par la salle de concert du Zénith, gérée par l'EP de la Villette".
(16) CE, 3 février 1933, Syndicat des patrons et marins pêcheurs du Tréport ; Rec. CE, p. 153.
(17) CE, A, 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens ; Rec . CE, p. 572.
(18) CE, A, 16 juillet 2007, n° 293229, Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital et Syndicat national chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (N° Lexbase : A4716DXX) ; AJDA 2007, p. 1807, chron. J. Boucher et B. Bourgeois - Machureau.
(19) TA Marseille, 17 avril 2007, M. Savon et autres c/ Ville de Marseille ([LXB=A5680DYZ ]) ; AJDA 2007, p. 1477, note J. Bon. 
(20) L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ne tranche pas la question : les délibérations attaquées sont annulées pour erreur de droit puisque c'est le fondement même de la redevance (comment a-t-elle été calculée ?) qui fait défaut et non son calcul proprement dit (le montant retenu est-il justifié ?).

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Famille et personnes

[Jurisprudence] L'adoption simple de l'enfant du partenaire pacsé

Réf. : Cass. civ. 1, 19 décembre 2007, n° 06-21.369, Mme X, FS-P+B (N° Lexbase : A1286D3Z)

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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'université de Reims Champagne-Ardenne

Le 07 Octobre 2010

Par un arrêt rendu le 19 décembre 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond d'avoir rejeté la requête en adoption simple d'un enfant formée par la partenaire de la mère biologique. Cet arrêt, dans la droite ligne de ceux rendus par la Cour de cassation le 20 février 2007 (Cass. civ. 1, 20 février 2007, deux arrêts, n° 04-15.676, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2536DUH et n° 06-15.647, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2676DUN, et nos obs., Le couple homosexuel et l'homoparentalité à l'épreuve de la jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 254 du 29 mars 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N3857BA4), se fonde sur la règle selon laquelle l'autorité parentale ne peut, en vertu de l'article 365 du Code civil (N° Lexbase : L2884ABG), se partager que dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint et non du partenaire lié par un pacs ou du concubin. Dans la mesure où la mère présentait toute aptitude à exercer son autorité parentale et n'y avait pas renoncé, il aurait été contraire à l'intérêt de l'enfant de prononcer l'adoption simple qui aurait pour conséquence de la priver de ses droits parentaux. L'arrêt du 19 décembre 2007 précise, en outre, que sa jurisprudence, s'appliquant à tous les couples non mariés, qu'ils soient de même sexe ou de sexes différents, ne constitue ni une discrimination, ni une atteinte aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. L'adoption simple est additive, la famille adoptive s'ajoutant à la famille d'origine. Cependant, l'addition est incomplète, dans la mesure où elle se réalise exclusivement au détriment des parents biologiques qui passent, alors, au second plan (1).

Selon l'article 365, alinéa 1er, du Code civil, relatif aux effets de l'adoption simple, "l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité". En résumé, l'adoption simple réalise un transfert de l'autorité parentale au profit de l'adoptant. Les parents d'origine sont, dès lors, complètement écartés et perdent l'ensemble de leurs prérogatives.

L'article 365 déroge, toutefois, à ce principe d'attribution exclusive de l'autorité parentale (2) dans le cas de l'adoption en mariage, par l'un des époux, de l'enfant du conjoint. Dans cette hypothèse, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint mais ce dernier en conserve l'exercice. Néanmoins, la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, relative à l'autorité parentale (N° Lexbase : L4320A4R) a assoupli cette restriction en autorisant le parent d'origine et le conjoint adoptant à procéder à une déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, aux fins d'un exercice en commun de cette autorité.

Cette dérogation ne joue pas, cependant, lorsque l'adopté est l'enfant d'un partenaire pacsé ou d'un concubin (3).

Dans le cas présent, la mère avait, pourtant, consenti à l'adoption par sa partenaire pacsée de son enfant né d'une procréation médicalement assistée réalisée avec un tiers donneur anonyme. Mais elle entendait, également, continuer à vivre avec l'enfant, à l'élever et à exercer ses droits d'autorité parentale durant la procédure. Or, comme le relèvent les juges du fond ainsi que la Cour de cassation dans cet arrêt du 19 décembre 2007, la requête en adoption formulée par la partenaire doit être rejetée car la volonté de la mère d'élever son enfant interdit de considérer ce dernier comme adoptable. De surcroît, la privation des droits d'autorité parentale de la mère en cas d'adoption par sa compagne contrevient à l'intérêt de l'enfant.

Certes, il avait été envisagé de tempérer ces effets de l'adoption simple sur le couple homosexuel en recourant, une fois celle-ci prononcée, à une délégation-partage de l'autorité parentale en faveur de la mère, comme le permet l'article 377, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2924ABW). La Cour de cassation avait, ainsi, admis, dans un arrêt du 24 février 2006, que la loi "ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit une union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'intérêt de l'enfant" (4). Mais la portée de cette décision a été limitée par deux arrêts très remarqués rendus le 20 février 2007 par la première chambre civile de la Cour de cassation (5). Cette dernière a, en effet, rappelé que la délégation de l'autorité parentale n'est pas à la disposition des parents. En effet, aux termes de l'article 377 du Code civil, une délégation est possible, en totalité ou en partie, au profit notamment d'un tiers ou d'un proche digne de confiance, dès lors que les circonstances qui entourent une telle demande l'exigent. Or, selon les données des deux espèces soumises à la Cour de cassation, le délégant aurait dû être la compagne adoptante et le délégataire, c'est-à-dire le tiers, la mère biologique des enfants. C'est donc en grande partie parce que la mère ne peut recevoir la qualification de tiers (6) que la Cour de cassation a décidé de faire obstacle à un détournement, contraire à l'intérêt de l'enfant, de l'institution de l'adoption (7).

Outre le fait de rappeler que le prononcé de l'adoption simple a pour conséquence de déposséder le parent par le sang de ses droits d'autorité parentale alors même qu'il continue à élever l'enfant, la Cour de cassation entend, également, ne pas assimiler les partenaires d'un Pacs à des conjoints qu'elle définit comme étant "en l'état de la législation française [...] des personnes unies par les liens du mariage" (8). Une telle solution irait, en effet, à l'encontre de l'article 365 du Code civil et surtout de la loi du 15 novembre 1999 instituant le Pacs (loi n° 99-944 N° Lexbase : L7500AIM), laquelle est sans incidence sur les règles de la filiation et de l'autorité parentale (9).

Par ailleurs, ne saurait être retenu, selon la Cour, l'argument selon lequel le rejet de la requête en adoption de l'enfant du partenaire pacsé constitue une discrimination à l'encontre des personnes de même sexe unies par un pacte civil de solidarité, notamment, sur le fondement des articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. L'arrêt du 19 décembre 2007 est ainsi dans la droite ligne de la décision rendue le 13 mars 2007 par la première chambre civile de la Cour de cassation (10) rappelant, d'une part, qu'en l'état de la loi française, la différence de sexe des époux est une condition de validité du mariage et relevant, d'autre part, qu'un tel principe ne contrevient pas aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (11) et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX).


(1) C. Neirinck, note sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc., JCP éd. G, 2007, II, 10068.
(2) D. Vigneau, note sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc., D. 2007, p. 1047.
(3) La jurisprudence témoigne, en général, d'une hostilité à l'égard de l'adoption simple par le partenaire homosexuel. Néanmoins, certaines juridictions l'ont parfois acceptée. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris avait, dans une décision très remarquée, admis l'adoption simple de trois enfants conçus par procréation médicalement assistée, par la concubine de la mère (TGI Paris, 27 juin 2001, RTD. civ. 2002, p.84, obs. J. Hauser). Plus récemment, un arrêt de la cour d'appel d'Amiens, rendu le 14 février 2007, a confirmé la décision des premiers juges ayant prononcé l'adoption simple d'un enfant au profit de la concubine de sa mère (CA Amiens, 14 février 2007, n° 06/03761, Madame Camille A. N° Lexbase : A7706DUX).
(4) Cass. civ. 1, 24 février 2006, n° 04-17.090, Procureur général près la cour d'appel d'Angers c/ Mme Christine X, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1782DNC), D. 2006, p.897, note D. Vigneau.
(5) Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc., Dr. fam. 2007, comm. n° 80, note P. Murat.
(6) Conclusions de l'Avocat général F. Cavarroc, sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, Gaz.-Pal. 25-27 février 2007, p. 10.
(7) Selon la Cour de cassation, un tel procédé est "antinomique et contradictoire" avec l'adoption simple dont le but est "de conférer l'autorité parentale au seul adoptant".
(8) Une telle assimilation entre le mariage et le Pacs avait été retenue par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand dans un jugement du 24 mars 2006 (AJ Famille 2006, p. 245, note F. Chénedé). Cette solution fut ensuite infirmée par la cour d'appel de Riom dans un arrêt du 27 juin 2006 (Dr. fam. 2006, comm. n° 204, note P. Murat).
(9) Cons. Const., 9 novembre 1999, n° 99-419 DC, Loi relative au pacte civil de solidarité (N° Lexbase : A8783ACB), JO 16 novembre 1999.
(10) Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-16.627, M. Stéphane Chapin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6575DU3), D. 2007, p.1375, note H. Fulchiron.
(11) Le refus du mariage homosexuel ne porte pas atteinte à l'article 12 (N° Lexbase : L4745AQS) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, dès lors que, selon l'interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme, il est admis qu'"en garantissant le droit de se marier, l'article 12 vise le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent" : CEDH, 11 juillet 2002, Req. n° 28957/95, Goodwin (N° Lexbase : A0682AZB), JCP éd. G, 2003, I, 109, § 16, obs. F. Sudre.

newsid:305928

Procédures fiscales

[Textes] Aménagement de la durée des contrôles fiscaux et des délais de réponse des contribuables et de l'administration

Réf. : Loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007 (N° Lexbase : L5490H3Q)

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N6028BDM

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Le 07 Octobre 2010

A été publiée au Journal officiel du 28 décembre 2007, la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, de finances rectificative pour 2007. Les mesures fiscales de ce texte se déclinent selon quatre axes principaux : la lutte contre la fraude, l'amélioration de l'équilibre du dialogue entre l'administration et les contribuables, la valorisation du patrimoine et de la culture, et l'aide aux personnes modestes. La loi contient, également, diverses mesures de simplification et d'adaptation du droit national aux normes communautaires. Au titre des mesures de lutte contre la fraude et d'amélioration de l'équilibre du dialogue entre l'administration et les contribuables, l'article 14 aménage la durée des contrôles fiscaux et des délais de réponse des contribuables et de l'administration. Le texte : loi de finances rectificative pour 2007, art. 14

I. - L'article L. 52 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Les trois premiers et sixième alinéas constituent un I et les quatrième et cinquième alinéas sont supprimés ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

"II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration :

"1° Pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification ;

"2° Pour l'examen, en vertu de l'article L. 12, des comptes financiers utilisés à titre privé et professionnel ;

"3° Pour la vérification, en vertu de l'article L. 13, des comptes utilisés pour l'exercice d'activités distinctes ;

"4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois."

II. - Après le premier alinéa de l'article L. 57 du même livre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

"Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours."

III. - Après l'article L. 57 du même livre, il est inséré un article L. 57 A ainsi rédigé :

"Art. L. 57 A. - En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 EUR s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 EUR s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 EUR, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable.

"Le délai de réponse mentionné au premier alinéa ne s'applique pas en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité."

IV. - Le 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales et le III du présent article sont applicables aux contrôles pour lesquels un avis de vérification a été adressé après le 1er janvier 2008. Le II est applicable aux propositions de rectification adressées à compter du 1er janvier 2008.

Ce qu'il faut savoir :

L'article 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7) limite à trois mois la durée des contrôles des petites et moyennes entreprises (PME) afin d'alléger les contraintes pesant sur leur gestion. L'expiration du délai de trois mois n'est, toutefois, pas opposable à l'administration pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable après l'achèvement des opérations de vérification. Elle ne l'est pas, non plus, pour l'examen de comptes financiers utilisés à titre privé ou de comptes utilisés pour l'exercice d'activités distinctes.

L'article 14-I de la loi de finances rectificative pour 2007 allonge le délai de vérification dans les PME pour une durée maximale de six mois en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois.

S'agissant du délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements de 30 jours prévu à l'article 11 du LPF (N° Lexbase : L8436AE8), le II de l'article 14 de la présente loi prévoit que ce délai peut être prorogé de trente jours sur demande du contribuable, soit un délai porté au total à 60 jours.

Le III introduit dans le LPF un nouvel article 57 A qui prévoit que l'administration dispose d'un délai de trois mois pour répondre aux observations formulées par les entreprises dans le cadre de procédures pour lesquelles la durée du contrôle sur place est limitée à trois mois. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaudrait à une acceptation des observations du contribuable.

Cette disposition s'applique aux entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises, ou un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 euros.

Ce délai de réponse ne s'applique pas en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité.

Concernant l'entrée en vigueur de ces mesures, les dispositions relatives à l'allongement du délai de vérification dans les PME en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité, et celles relatives au délai de réponse de trois mois de l'administration fiscale aux observations formulées par les entreprises contrôlées, sont applicables aux contrôles pour lesquels un avis de vérification a été adressé après le 1er janvier 2008. Quant aux dispositions relatives à la prorogation du délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements, elles sont applicables aux propositions de rectification adressées à compter du 1er janvier 2008.

newsid:306028

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Des limites aux mesures tendant à favoriser l'accès des femmes aux carrières

Réf. : Cass. soc., 18 décembre 2007, pourvoi n° 06-45.132, PBRI, société RATP c/ M. Serge X... (N° Lexbase : A1382D3L)

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N5941BDE

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Alors que les partenaires sociaux ont jusqu'au 31 décembre 2010 pour négocier "les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes" (C. trav., art. L. 132-12-3 N° Lexbase : L3145HIC), la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt publié sur son site internet, en date du 18 décembre 2007, que de telles mesures ne sont admissibles que si les femmes, que l'on entend ainsi privilégier, se trouvent effectivement dans une situation différente des hommes. Cette décision, fondée sur la primauté du droit communautaire en la matière (1), conduit à écarter toutes les dispositions, réglementaires comme conventionnelles, contraires (2).
Résumé

En se référant à la primauté du droit communautaire, sans apprécier la légalité de l'article 9 du statut de la RATP, la cour d'appel a justement décidé que ce texte ne pouvait faire obstacle à l'application du principe d'égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins en matière d'emploi et de travail résultant des articles 141, paragraphe 4, du Traité CE (N° Lexbase : L5147BCM) et 2, paragraphe 4, de la Directive 76/207/CEE du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH).

L'article 9 du statut de la RATP accorde une priorité absolue et inconditionnelle aux candidatures de certaines catégories de femmes, au nombre desquelles figurent les femmes divorcées non remariées qui se trouvent dans l'obligation de travailler, en réservant à celles-ci le bénéfice de l'inopposabilité des limites d'âge pour l'accès au statut d'agent permanent de la RATP, à l'exclusion des hommes divorcés non remariés qui sont dans la même situation ; une telle réglementation est contraire au principe communautaire d'égalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins en matière d'emploi et de travail tel qu'il résulte des articles 141, paragraphe 4, du Traité CE et 3, paragraphe 1, et 2, paragraphe 4, de la Directive 76/207/CEE.

Commentaire

1. Le principe d'égalité entre les femmes et les hommes au travail

  • Reconnaissance du principe

Le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un principe fondamental de notre droit reconnu et protégé sur le plan international (1), européen (2), communautaire (3) et bien entendu national, qu'il s'agisse des normes constitutionnelles (4) ou législatives (5).

  • Mise en oeuvre du principe d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

La lutte contre les discriminations, qui frappent l'une ou l'autre catégorie de travailleurs en raison de son appartenance à un sexe, a connu ces dernières années une formidable accélération, sous une triple influence : prise en compte des discriminations indirectes, c'est-à-dire de mesures qui n'ont pas un objet discriminant, mais qui ont cet effet ; amélioration du dispositif de preuve des discriminations au travers du jeu de présomptions ; et, enfin, recherche d'une égalité réelle entre les sexes au travers de mesures positives, réservées aux femmes, et destinées à leur permettre de rattraper le retard pris, singulièrement en matière de rémunération (6).

  • Problématique des actions positives en faveur des femmes

La notion d'actions positives a fait son apparition avec la Directive de 1976 qui disposait, dans son article 2, § 4, que "la présente Directive ne fait pas obstacle aux mesures visant à promouvoir l'égalité entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes" (7).

La loi "Roudy" du 13 juillet 1983 a, pour sa part, introduit dans le Code du travail un article L. 123-3 (N° Lexbase : L5590ACZ) aux termes duquel "les dispositions des articles L. 123-1 (N° Lexbase : L3115HI9) et L. 123-2 (N° Lexbase : L5589ACY) ne font pas obstacle à l'intervention de mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes".

La Cour de justice des Communautés européennes a, dans un premier temps, retenu de la formule présente dans la Directive de 1976 une interprétation restrictive. Dans l'arrêt "Kalanke" (8), elle a, ainsi, jugé qu'une disposition qui accordait aux femmes une priorité de recrutement ou de promotion, lorsqu'elles avaient une qualification égale à celle de leurs concurrents masculins, allait au-delà d'une promotion de l'égalité des chances et dépassait les limites de l'exception de l'article 2, § 4. La Cour a, par la suite, confirmé cette jurisprudence dans l'arrêt "Marschall" concernant une disposition similaire, avec, toutefois, une dérogation prévue pour des motifs tenant à la personne du candidat (9), ce qui a conduit la Cour à valider la disposition, dès lors que les candidatures font l'objet d'une appréciation objective qui tienne compte de tous les critères relatifs à la personne du candidat.

Cette interprétation très stricte des facultés de mise en place de politiques unilatéralement favorables aux femmes a commencé à évoluer à partir de 2000 et de l'arrêt "Badeck" (10). Cette nouvelle orientation fut confirmée en 2002 avec l'arrêt "Lommers" (11). Il s'agissait, dans cette affaire, de mesures prises par un employeur visant à réserver aux femmes des places de garderie, avec son soutien financier. Pour valider ce dispositif, la Cour avait relevé qu'il s'agissait d'éliminer les causes des moindres chances d'accès au travail et des carrières accordées aux femmes.

C'est pour tenir compte de cette évolution que la Directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 (N° Lexbase : L9630A4G) a modifié la rédaction restrictive de l'article 2, § 4, de la Directive de 1976, le texte disposant, désormais, que "les Etats membres peuvent maintenir ou adopter des mesures au sens de l'article 141, paragraphe 4, du Traité pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes".

La Cour européenne des droits de l'Homme a eu, également, l'occasion récemment de statuer sur la conformité de dispositifs favorisant l'accès à la retraite des femmes à l'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU). Dans un arrêt en date du 12 avril 2006, la Cour a, ainsi, admis comme licite "la différence existant entre les hommes et les femmes au Royaume-Uni quant à l'âge légal du départ à la retraite" dès lors qu'il vise "à corriger le désavantage dont souffraient les femmes sur le plan économique", cette différence de traitement cessant, toutefois, d'être admissible dès lors que "les changements intervenus aux plans social et économique avaient fait disparaître la nécessité d'un traitement spécial des femmes" (12).

Le Conseil constitutionnel a, également, validé des dispositifs accordant aux femmes des prérogatives spécifiques, dès lors qu'il s'agissait de rattraper des différences de situation constatées en leur défaveur. Ainsi, dans sa décision rendue en 2003 sur les retraites (13), le Conseil, après avoir rappelé "que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (§ 23), et considéré "que l'attribution d'avantages sociaux liés à l'éducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents" (§ 24), a considéré, "toutefois, qu'il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu 'à présent été l'objet ; qu'en particulier, elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin d'assurer l'éducation de leurs enfants ; qu'ainsi, en 2001, leur durée moyenne d'assurance était inférieure de onze années à celle des hommes ; que les pensions des femmes demeurent en moyenne inférieures de plus du tiers à celles des hommes ; qu'en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité sociale sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, le législateur pouvait maintenir, en les aménageant, des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître" (§ 25).


2. L'éviction des dispositions réglementaires contraires au principe communautaire d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

  • L'affaire

Cette affaire concernait la conformité de dispositions du statut de la RATP au principe de non-discrimination tel qu'il résulte des dispositions précitées du droit communautaire. L'article 9 de ce statut limite, en effet, l'accès aux candidats âgés de moins de trente-cinq ans, mais prévoit une dérogation pour les veuves et les femmes divorcées, non remariées, les mères de trois enfants et plus et les femmes célibataires ayant au moins un enfant à charge qui se trouvent dans l'obligation de travailler.

Un homme qui remplissait l'une de ces conditions avait réclamé l'application de ces dispositions, invoquant l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe, et avait obtenu gain de cause tant devant la juridiction prud'homale qu'en appel.

Contestant cet arrêt, la RATP faisait valoir, non seulement que le juge judiciaire n'était pas compétent pour statuer sur la légalité du statut, mais, de surcroît, que la différence de traitement introduite au seul bénéfice des femmes n'était pas constitutive d'une discrimination.

  • Question de compétence

Sur le premier point, la RATP prétendait que le contrôle de conventionalité du règlement devait échapper à la compétence du juge judiciaire pour être du ressort du seul juge administratif. Tel n'avait pas été l'avis des juridictions du fond et telle n'est pas, non plus, l'opinion de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Cette solution n'est pas une surprise.

S'agissant des questions qui intéressent les personnels des entreprises à statut gérant un service public industriel et commercial, ce sont les juridictions prud'homales qui sont compétentes pour apprécier les différends qui naissent dans le cadre de l'exécution des contrats de travail, à l'exception des personnels ayant le statut de fonctionnaire et sous réserve des questions qui intéressent la légalité des règlements propres à l'entreprise qui sont de la compétence des juridictions administratives.

Mais, dans la mesure où le demandeur n'invoquait pas l'illégalité de l'alinéa 2 de l'article 9 du statut, mais sa contrariété avec le droit communautaire, le juge judiciaire était normalement et pleinement compétent (14).

  • Conventionalité des dispositions statutaires incriminées

Restait la question la plus délicate à régler et qui concernait la licéité de la clause du statut qui réservait aux seules femmes la dérogation à la condition d'âge.

Pour défendre cette mesure, la RATP faisait valoir qu'elle visait à "pallier le retard de déroulement de carrière professionnelle des femmes placées dans une situation familiale difficile".

Or, l'argument n'a pas convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi, après avoir relevé que la rédaction de la clause litigieuse écartait les hommes "divorcés non remariés qui sont dans la même situation" que les femmes, ce qui suffisait à établir le caractère discriminatoire d'une telle mesure.

  • Une solution pleinement satisfaisante

Cette solution doit être pleinement approuvée.

Les différences de traitement entre femmes et hommes ne peuvent, en effet, être justifiées que par les différences avérées de situation, soit qu'il s'agisse de protéger la femme en raison de risques particuliers auquel sa nature l'expose (il s'agira singulièrement de protéger la maternité (15)), soit qu'il s'agisse de constater que les femmes, en tant que telles, sont victimes de discriminations et qu 'elles doivent, donc, bénéficier de mesures de rattrapages.

Or, dans cette affaire, et de l'aveu même des promoteurs du statut, il s'agissait d'admettre des dérogations à la condition d'âge pour les travailleurs ayant eu des retards de carrière en raison d'une situation personnelle ou familiale particulièrement absorbante. Certes, il s'agit statistiquement de femmes ; mais certains hommes, qui se consacrent pleinement à l'éducation de leurs enfants, subissent le même genre de désagrément, et on ne voit pas au nom de quoi ils ne pourraient pas bénéficier des mêmes mesures dérogatoires.

C'est d'ailleurs pour des raisons comparables que la Cour de cassation avait censuré les dispositions de conventions collectives qui réservaient le bénéfice de primes de naissance (16) ou de crèches aux seules femmes (17), ou que le Conseil d'Etat a condamné le régime de retraite dans la fonction publique qui réservait aux seules femmes le bénéfice d'années de cotisations en moins pour charge de famille (18).


(1) Déclaration universelle des droits de l'homme, Préambule ("Considérant que dans la Charte, les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande").
(2) Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, art. 14 (N° Lexbase : L4747AQU) ("La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation").
(3) Traité de Rome, art. 2 . Directives 75/117/CEE du 10 février 1975, relative à l'égalité de rémunération (N° Lexbase : L9200AUB) et 76/207/CEE du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (N° Lexbase : L9232AUH). Ces Directives ont été abrogées et reprises dans une Directive unique 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L4210HK7). Lire M.-T. Lanquetin, L'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de travail (à propos de la Directive refonte" 2000/54 CE du 5 juillet 2006 (N° Lexbase : L8039AUB)), Dr. soc. 2007, p. 861.
(4) Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 3 (N° Lexbase : L6821BH4). Voir, également, la décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, Loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, § 15 : "Considérant que, si la recherche d'un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités autres que les fonctions politiques électives n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus, elle ne saurait, sans les méconnaître, faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l'utilité commune ; que, dès lors, la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes" (N° Lexbase : A5902DNW).
(5) C. trav., art. L. 123-1 (N° Lexbase : L3115HI9) et L. 122-45 (N° Lexbase : L3114HI8).
(6) Art. 2, § 4 de la Directive du 9 février 1976. Lire, dernièrement, F. Favennec-Héry, Non-discrimination, égalité, diversité, La France au milieu du gué, Dr. soc. 2007, p. 1.
(7) Sur cette question, B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, 3ème éd. 2006, n° 646 s. ; P. Rodière, Droit social de l'Union européenne, LGDJ, 1998, n° 177 s..
(8) CJCE, 17 octobre 1995, aff. C-450/93, Eckhard Kalanke c/ Freie Hansestadt Bremen (N° Lexbase : A7261AHE).
(9) CJCE, 11 novembre 1997, aff. C-409/95, Hellmut Marschall c/ Land Nordrhein-Westfalen (N° Lexbase : A0325AWX).
(10) CJCE, 28 mars 2000, aff. C-158/97 (N° Lexbase : A4988AWN).
(11) CJCE, 19 mars 2002, aff. C-476/99, H. Lommers c/ Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij (N° Lexbase : A0395A7R).
(12) CEDH, gd ch., 12 avril 2006, req. n° 65731/01 et 65900/01, Stec et a. c/ Royaume -Uni (N° Lexbase : A0127DPE), § 66.
(13) Cons. constit., décision n° 2003-483 DC, 14 août 2003, Loi portant réforme des retraites (N° Lexbase : A5188C9Z).
(14) Cass. soc., 26 juillet 1984, n° 82-40.416, Fossard c/ Service de liquidation de l'ORTF, Sté française de Production (N° Lexbase : A0585AAW), Bull. civ. V, n° 333 ; Cass. soc., 22 avril 1997, n° 95-42.051, M. Gilles Noizet et autres c/ Société nationale des chemins de fer français (SNCF), inédit au bulletin (N° Lexbase : A6054CYU) ; TC, 7 décembre 1998, Dr. soc. 1999, p. 358, concl. J. Sainte-Rose ; TC, 15 novembre 2004, Bull. n° 23. Dernièrement Cass. civ. 2, 20 décembre 2007, n° 06-20.563, M. Jean-Paul Sniter, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1255D3U) : "pour rejeter au fond le recours de M. Sniter, la cour d'appel, après avoir constaté que ce dernier n'avait pas saisi la juridiction administrative comme l'y avait invité le tribunal, en a déduit que le règlement du personnel des retraites de la RATP s'imposait à elle ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur la compatibilité de ces dispositions réglementaires avec les dispositions de l'article 141 du traité CE, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs", au regard de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L1320A9R).
(15)Cass. soc., 16 juillet 1998, n° 90-41.231, Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés c/ Mme Thibault (N° Lexbase : A0854ABA), Bull. civ. V, n° 392 ; Cass. soc., 11 octobre 2000, n° 98-40.927, Société Renault, société anonyme c/ M. José Boulmier et autres (N° Lexbase : A6737CRX) ("dans un arrêt du 16 septembre 1999 (Oumar Dabo Abdoulaye et autre C/ société Régie nationale des usines Renault), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que le principe d'égalité des rémunérations consacré à l'article 119 du traité de la Communauté économique européenne ne s'oppose pas au versement d'une allocation forfaitaire aux seules salariées qui partent en congé de maternité, dès lors que cette allocation est destinée à compenser les désavantages professionnels qui résultent pour celles-ci de leur éloignement du travail").
(16) Cass. soc., 8 octobre 1996, n° 92-42.291, Société Renault c/ M. Chevalier et autres (N° Lexbase : A3934AAX), Bull. civ. V, n° 311.
(17) Cass. soc., 27 février 1991, n° 90-42.239, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Mayenne c/ M. Ferandin et autre (N° Lexbase : A3732AAH), Bull. civ. V, n° 101.
(18) CE Contentieux, 29 juillet 2002, n° 141112, M. Griesmar (N° Lexbase : A1869AZA), Dr. soc. 2002, p. 1131, chron. X. Prétôt ; D. 2002, p. 2833, note A. Haquet. Egal. CE 1° et 6° s-s-r., 29 décembre 2004, n° 265097, M. D'Amato et autres (N° Lexbase : A2412DGG), Dr. soc. 2006, p. 82, chron. A. Zarca. Dernièrement, J.-P. Lhernoud et D. Martin, Sur la discrimination des pères en matière de pension de vieillesse, Dr. soc. 2007, p. 319.
Décision

Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-45.132, PBRI, Société RATP c/ M. Serge X... (N° Lexbase : A1382D3L)

Rejet (CA Paris, 18ème ch., sect. D, 4 juillet 2006)

Textes concernés : Traité CE, art. 141, paragraphe 4, (N° Lexbase : L5147BCM) et Directive 76/207/CEE art. 3, paragraphe 1, et 2, paragraphe 4 (N° Lexbase : L9232AUH)

Mots clef : égalité femmes-hommes ; accès aux carrières ; différence de situation

Liens base :

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Requalification automatique du CDD : consécration

Réf. : Cass. soc., 13 décembre 2007, M. Hilleraud exploitant le restaurant le d'Artagnan, n° 06-44.004, FS-P+B (N° Lexbase : A0813D3I).

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Un juge peut-il, en l'absence de demande formée par le salarié sur ce point, prononcer la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, et partant, faire application à la rupture des règles propres au licenciement ?
A une telle question, la réponse première semble devoir être négative. Le juge ne peut, en effet, d'office prononcer la requalification en raison du caractère protecteur du salarié des règles relatives au contrat de travail à durée déterminée. La solution donnée par la Cour de cassation le 13 décembre dernier impose de considérer le contraire.
Résumé

Lorsque le contrat à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit.

Commentaire

La Haute juridiction affirme, dans une espèce dans laquelle le salarié n'avait pas demandé la requalification de son contrat de travail mais entendait, au contraire, obtenir l'indemnisation de la rupture sur le fondement des règles relatives au contrat de travail à durée déterminée, que, lorsque le contrat à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit.

Cette solution impose donc aux juges, dans une telle hypothèse, de prononcer la requalification de la relation en une relation à durée indéterminée.

Cette solution, bien qu'elle ne soit que la résultante de l'application littérale de l'article L. 122-3-10 du Code du travail (N° Lexbase : L9643GQ9), doit recevoir un accueil nuancé.

1. Objet, cause et auteur de la requalification du contrat de travail à durée déterminée

  • Requalification et contrat de travail à durée déterminée

La requalification constitue, en droit du travail, une sanction de l'inobservation par l'employeur des règles prescrites par la législation du travail.

Appliquée au contrat de travail à durée déterminée, la requalification sanctionne l'inobservation par l'employeur des règles propres au contrat de travail à durée déterminée, que ces dernières concernent la conclusion du contrat de travail à durée déterminée, l'exécution de la relation de travail, ou encore son terme. Elle entraîne, lorsqu'elle est accordée, la "transformation rétroactive" de la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée.

L'article L. 122-3-13 du Code du travail (N° Lexbase : L5469ACK) énumère les hypothèses de requalification. La liste prescrite est limitative. Cet article dispose, ainsi, que tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1 (N° Lexbase : L5451ACU), L. 122-1-1 (N° Lexbase : L9607GQU), L. 122-1-2 (N° Lexbase : L9608GQW), L. 122-2 (N° Lexbase : L5454ACY), L. 122-3 (N° Lexbase : L5455ACZ) et L. 122-3-10, alinéa 1er (N° Lexbase : L9643GQ9), à L. 122-3-12 (N° Lexbase : L5468ACI) est réputé à durée indéterminée. L'article L. 122-3-10 alinéa 1er du même code lui fait écho, sanctionnant par la requalification la poursuite de la relation de travail postérieurement à l'échéance du terme prévu au contrat.

  • Auteur de la requalification

Il est de principe que seul le salarié peut demander la requalification de son contrat de travail. Cette sanction étant destinée à le protéger, l'employeur ne peut, quelle que soit la raison invoquée, la lui imposer (Cass. soc., 5 novembre 2003, n° 01-44.165, F-D N° Lexbase : A1284DAS).

Il peut arriver que le salarié ait intérêt à obtenir la requalification, ce qui est généralement le cas lorsque la relation à durée déterminée s'est poursuivie sur une longue période.

Le salarié peut, au contraire, souhaiter bénéficier de l'indemnisation de la rupture de son contrat en application des règles régissant le contrat de travail à durée déterminée.

Jusqu'à présent, le juge restait lié par l'objet de la demande du salarié. Lorsque cette dernière portait sur la requalification de la relation de travail en une relation à durée indéterminée, le juge ne pouvait, si les conditions étaient réunies, que faire droit à sa demande. Si, en revanche, le salarié entendait bénéficier de l'indemnisation afférente à la rupture de son contrat de travail à durée déterminée, le juge ne pouvait d'office procéder à cette requalification, et ce, quel qu'en soit le fondement.

C'est tout l'intérêt de la décision commentée que de mettre en lumière l'existence d'une requalification automatique de la relation à durée déterminée en une relation à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 122-3-10 du Code du travail.

  • Espèce

Dans cette espèce, une salariée avait été engagée par contrat de travail à durée déterminée en remplacement d'un salarié absent. Malgré le licenciement du salarié remplacé en février 2004, les relations de travail s'étaient poursuivies jusqu'en novembre 2004, époque à laquelle la salariée avait été licenciée pour absences injustifiées. Contestant cette rupture, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement d'une indemnité pour rupture injustifiée du contrat de travail à durée déterminée.

La cour d'appel avait fait droit à la demande de la salariée, retenant que seule cette dernière pouvait demander la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et, qu'en l'absence d'une telle demande, le contrat de travail restant à durée déterminée ne pouvait être rompu que pour faute grave.

La Cour de cassation ne voit pas les choses de la même manière. Elle considère, en effet, que, lorsque le contrat de travail à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit. Corrélativement, elle vient mettre en lumière une requalification automatique du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 122-3-10 du Code du travail.

Cette solution doit, d'un point de vue théorique, être approuvée. On peut seulement regretter qu'elle vienne remettre en cause le caractère d'ordre public social des règles relatives à la requalification.

2. Automaticité de la requalification du contrat de travail à durée déterminée

  • Une automaticité inhérente à la lettre des textes

L'article L. 122-3-10 du Code du travail dispose que, "si la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée". Une application littérale de cette disposition voudrait que le juge, qui constate le dépassement du terme du CDD, requalifie automatiquement le contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

Tel n'était pas le cas jusqu'à présent. Si, en effet, la jurisprudence considérait que, dès l'instant où la relation de travail se poursuivait à l'expiration du terme d'un contrat de travail à durée déterminée, le contrat de travail devenait un contrat à durée indéterminée même si, ultérieurement, un nouveau contrat à durée déterminée était signé (Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-42.667, F-P+B N° Lexbase : A4533DHD), c'est à la condition que le salarié formule une demande de requalification.

La Cour de cassation sanctionnait systématiquement les juges du fonds qui requalifiaient d'office le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée. Il a, ainsi, notamment, été jugé qu'excédait ses pouvoirs le conseil de prud'hommes qui, en l'absence de demande du salarié, procède d'office à la requalification (Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-43.399, F-D N° Lexbase : A5697DDD). Une telle sanction s'appliquait même si la requalification trouvait son fondement dans le non-respect de la durée maximale du contrat de travail à durée déterminée (Cass. soc., 30 octobre 2002, n° 00-45.572, F-P N° Lexbase : A4083A3M).

Même si toutes ces décisions trouvaient leur fondement dans l'article L. 122-3-13 du Code du travail, et non dans l'article L. 122-3-10, alinéa 1er, du même code, il n'était, à notre connaissance, fait aucune distinction ; partant, toutes les requalifications prononcées devaient au préalable avoir été demandées.

Cette solution, même si elle doit être approuvée eu égard à la lettre de l'article L. 122-3-10 du Code du travail, met à mal le caractère d'ordre public social des règles propres au contrat de travail à durée indéterminée.

  • Une atteinte au caractère d'ordre public social des règles propres au contrat de travail à durée déterminée

Pour justifier la limitation apportée aux demandes de requalification, les juges affirmaient que "les dispositions prévues par les articles L. 122-1 et suivants du Code du travail, relatives au contrat de travail à durée déterminée, ayant été édictées dans un souci de protection du salarié qui peut seul se prévaloir de leur inobservation, le conseil de prud'hommes qui, en l'absence de demande du salarié, a requalifié d'office le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, a excédé ses pouvoirs" (Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-43.399, F-D N° Lexbase : A5697DDD).

Admettre la faculté pour les juges de prononcer la requalification même en l'absence de demande formée sur ce point par le salarié vient porter atteinte à cette protection.

Si l'on s'attache à l'espèce commentée, la salariée avait, en effet, tout intérêt à ce que son contrat de travail ne soit pas requalifié.

Cette atteinte portée au caractère d'ordre public social des règles applicables au contrat de travail à durée déterminé est critiquable, elle entraînera en tous cas l'obligation pour les juges de modifier la motivation des requalifications fondées sur l'article L. 122-3-13 du Code du travail, voire d'étendre la requalification automatique à toutes les hypothèses... ce qui n'est pas à souhaiter et semble ne pas pouvoir arriver, l'article L. 122-3-10 du Code du travail n'a pas la même rédaction que l'article L. 122-3-13 et singulièrement un second alinéa qui vient préciser que "[...] si le tribunal fait droit à la demande du salarié [...]", ce dont on peut induire que seul ce dernier peut le demander.

Décision

Cass. soc., 13 décembre 2007, n° 06-44.004, M. Hilleraud exploitant le restaurant le d'Artagnan, FS-P+B (N° Lexbase : A0813D3I)

Cassation, CA Rouen, 16 mai 2006

Texte concerné : C. trav., art. L. 122-3-10 (N° Lexbase : L9643GQ9)

Mots clefs : contrat de travail à durée déterminée, déchéance du terme, poursuite de la relation de travail après la déchéance du terme, requalification, licenciement, cause réelle et sérieuse, demande de requalification, auteur de la demande, requalification d'office par le juge.

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