Jurisprudence : Cass. soc., 08-10-1996, n° 92-42.291, Rejet.

Cass. soc., 08-10-1996, n° 92-42.291, Rejet.

A3934AAX

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
08 Octobre 1996
Pourvoi N° 92-42.291
Société Renault
contre
M. ... et autres.
Attendu que les accords relatifs à la couverture sociale des salariés, conclus entre les organisations syndicales et la Régie nationale des usines Renault, en particulier celui conclu le 28 décembre 1990, alors en vigueur, prévoyaient, d'une part, qu'à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant la mère de famille salariée percevrait une somme de 2 000 francs, d'autre part, que les mères de famille ainsi que les pères de famille célibataires, veufs ou divorcés élevant seuls leur enfant bénéficieraient d'une allocation mensuelle pour frais de garde de 150 francs par enfant âgé de moins de 3 ans, une note de service précisant que cette allocation serait versée sur justificatifs des frais exposés par les intéressés (paiement des frais de garde à une crèche, une gardienne d'enfants agréée, une institution, etc) ; que, le 18 avril 1991, M. ... et 14 autres salariés de la société Renault ont engagé une instance prud'homale pour obtenir le paiement d'un rappel de salaires, au titre des allocations de naissance et de garde, et d'indemnités de congés payés ainsi que la remise des bulletins de paie correspondants, en soutenant que les accords d'entreprise instituant ces deux allocations mais en réservant le bénéfice aux seules femmes salariées étaient contraires à l'article 119 du traité de Rome, à la directive du Conseil de la CEE du 9 février 1976 ainsi qu'aux articles L 140-2 et suivants et L 123-1 et suivants du Code du travail, prohibant les discriminations entre hommes et femmes en matière de rémunération ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société Renault fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie, 16 mars 1992) de l'avoir condamnée à payer diverses sommes à quinze de ses salariés de sexe masculin, à titre d'allocation de naissance, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 2, alinéas 3 et 4 de la directive du Conseil des Communautés européennes no 76-207 du 9 février 1976, le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes ne fait obstacle ni aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité, ni aux mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes en matière d'emploi ; qu'aux termes de l'article L 123-2 du Code du travail une clause discriminatoire ne peut être insérée dans une convention collective ou un accord d'entreprise, sauf si ladite clause a pour objet la protection de la maternité ; qu'en l'espèce l'allocation de naissance versée à la mère en vertu de l'accord d'entreprise litigieux, afin de l'indemniser des dépenses liées à sa maternité et à la nécessaire remise en forme d'une mère devant reprendre son travail à l'issue de son congé de maternité, n'est donc pas une discrimination prohibée par les textes précités ;
que, dès lors, en décidant le contraire, le conseil de prud'hommes a méconnu lesdits textes ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L 123-1 et L 140-2 du Code du travail que tout employeur est tenu d'assurer pour un même travail, ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, et qu'en cette matière aucune mesure ne peut être prise en considération du sexe ; que, selon les articles L 123-2 et L 140-4 du même Code, une disposition contrevenant à ce principe d'égalité ne peut, à peine de nullité, être insérée dans une convention collective de travail ou dans un accord collectif, à moins qu'elle n'ait pour objet la protection de la maternité ; que, selon l'article 119 du traité CEE du 25 mars 1957, et les articles L 140-2 et L 140-3 du Code du travail, tout avantage payé directement ou indirectement par l'employeur au travailleur en raison de son emploi constitue une rémunération, dont les différents éléments doivent être établis selon des normes identiques pour les hommes et pour les femmes ;
Et attendu que la prime prévue, en l'espèce, par l'article 28 de l'accord d'entreprise au profit de la mère de famille, et constituant un élément de sa rémunération, lui étant versée non seulement à l'occasion de la naissance d'un enfant, mais également en cas d'adoption d'un enfant, le conseil de prud'hommes a relevé à juste titre qu'il ne s'agissait pas d'une mesure destinée à protéger la grossesse ou la maternité ou à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes en matière d'emploi, mais d'un supplément de rémunération visant à indemniser la salariée des dépenses liées à la présence d'un enfant au foyer, dépenses auxquelles l'homme devait faire face au même titre que la femme ; qu'il en a déduit, conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L 140-4 du Code du travail, que la rémunération plus élevée ainsi accordée aux femmes était, de plein droit, substituée à celle réservée aux hommes ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen
Attendu que la société Renault fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer diverses sommes à quinze de ses salariés de sexe masculin, à titre d'allocation de garde, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 2, alinéas 3 et 4, de la directive du Conseil des Communautés européennes no 76-207 du 9 février 1976, le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes ne fait obstacle ni aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité, ni aux mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes en matière d'emploi ; que l'article 35 de l'accord collectif litigieux qui permet aux femmes de bénéficier de l'allocation pour frais de garde, même si elles sont mariées, a pour but de compenser une inégalité de fait consistant dans le fait qu'en cas de lourdeur excessive des frais de garde c'est l'emploi de la mère qui est habituellement sacrifié ; que, dès lors, l'article 35 susvisé, dont l'objectif est de favoriser la continuation du travail de la femme à l'issue du congé de maternité, est justifié au regard de la directive du 9 février 1976 ; qu'en décidant le contraire le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ; et alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, conformément à l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, il appartient au salarié bénéficiaire d'une allocation pour frais de garde d'apporter la preuve qu'il a effectivement exposé lesdits frais ; que, dès lors, en l'espèce, en se contentant de relever que les salariés demandeurs établissaient par des attestations délivrées par un membre de leur famille que leur enfant était gardé, sans rechercher si le salarié établissait avoir rémunéré le membre de sa famille ayant gardé son enfant, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'allocation pour frais de garde ne pouvant s'analyser comme une mesure destinée à remédier à une inégalité de fait entre les hommes et les femmes, soumis aux mêmes contraintes en ce qui concerne la nécessité de pourvoir à la garde et à l'éducation des enfants, le moyen appelle, en sa première branche, une réponse identique à celle qui a été faite au premier moyen ;
Et attendu, ensuite, que le conseil de prud'hommes a énoncé, à juste titre, que l'employeur n'avait pu, dans une note de service, limiter le bénéfice de l'allocation pour frais de garde aux parents ayant recours à une crèche, à une gardienne agréée ou à une institution, en apportant ainsi à l'article 35 de l'accord d'entreprise une restriction qu'il ne comportait pas ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.

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