Si la possibilité de divergences de jurisprudence est inhérente à tout système judiciaire, qui repose sur un ensemble de juridictions du fond ayant autorité sur leur ressort territorial, le rôle d'une juridiction suprême est précisément de régler ces contradictions. Or, quand la plus Haute juridiction est à l'origine de décisions contradictoires ne reposant sur aucune raison valable, elle devient elle-même source d'insécurité juridique et risque de saper la confiance du public dans le système judiciaire. Telle est la substance de la décision rendue par la CEDH le 31 mars 2015 (CEDH, 31 mars 2015, Req. 43807/06
N° Lexbase : A7217NEZ ; voir, en ce sens, CEDH, 28 octobre 1999, Req. 24846/94
N° Lexbase : A7567AW8). En l'espèce, le capital d'une société de droit roumain fut détenu par l'Etat jusqu'en 1997, lorsqu'elle fut privatisée et que son capital fut transféré à des investisseurs privés. La requérante s'estima alors lésée, le ministère des Finances ayant cédé en 1990 une partie des créances dont elle était titulaire à un prix inférieur à ce qui était prévu initialement. Elle introduisit deux actions en dommages et intérêts contre le ministère des Finances, qui fut condamné, par un jugement du 31 mai 1999 et un jugement du 1er février 2000, à verser au total 20 millions de dollars américains de dommages et intérêts à la requérante. En février 2005, cette dernière réclama la condamnation du ministère à lui verser des intérêts pour l'exécution tardive de ces jugements. Concernant l'exécution du jugement du 31 mai 1999, la Haute Cour de cassation et de justice estima que la requérante avait droit à des indemnités de retard. En revanche, par un arrêt définitif du 23 mai 2006, elle rejeta la demande relative à l'exécution du jugement du 1er février 2000. Elle estima, en effet, que le droit à des intérêts était accessoire à la créance établie par le jugement en question. Elle en conclut que le droit de réclamer des intérêts était soumis au même délai de prescription que la créance principale, à savoir trois ans à compter de la date à laquelle le jugement établissant celle-ci était devenu définitif. Invoquant l'article 6 § 1 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR) (droit à un procès équitable), la société requérante dénonçait une atteinte au principe de la sécurité juridique en raison du rejet de son action par l'arrêt définitif du 23 mai 2006 de la Haute Cour de cassation et de justice. Elle se plaignait également de ce rejet également sous l'angle de l'article 1 du Protocole n° 1 (
N° Lexbase : L1625AZ9) (protection de la propriété). La CEDH retient sa requête et admet la violation de l'article 6 de la CESDH.
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