La lettre juridique n°577 du 3 juillet 2014 : Domaine public

[Jurisprudence] Les écarts entre le montant des redevances et celui des loyers des immeubles communaux loués à des organisations syndicales doivent être objectivement justifiés, à peine de discrimination

Réf. : Cass civ. 1, 13 mai 2014, n° 12-16.784, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0457MLI)

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par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, chargé d'enseignement à l'Ecole de Formation des Avocats de Centre-Sud (EFACS)

le 03 Juillet 2014

La Cour de cassation participe assez largement à la construction du droit applicable aux biens des personnes publiques, que l'on songe, par exemple, aux principes d'inaliénabilité (1) et d'insaisissabilité (2). C'est à l'occasion d'un litige aux fins d'expulsion d'occupants d'une dépendance relevant du domaine privé de la commune de Châteauroux, dans le département de l'Indre, que la première chambre civile offre ici, dans un arrêt rendu le 13 mai 2014, un nouvel exemple de sa contribution en apportant des précisions s'agissant des conditions dans lesquelles les communes peuvent mettre à disposition d'organisations syndicales des immeubles pour les besoins de leurs activités. I - Un rappel préalable des faits

La commune de Châteauroux souhaitait obtenir le départ ou, à tout le moins, le paiement de loyers de la part de l'Union départementale des syndicats CGT de l'Indre, de l'Union départementale des syndicats FO de l'Indre et de l'Union interprofessionnelle des syndicats CFDT de l'Indre, lesquelles occupaient à titre gracieux depuis de très nombreuses années, "de longues années" indique la Cour de cassation, des locaux respectivement de surfaces de 950 m², 483 m² et 387 m² lui appartenant. A cet effet, le maire a proposé auxdites associations de conclure une convention de mise à disposition par décisions du 24 janvier et du 16 mars 2004, sur la base d'un contrat de bail, moyennant une participation financière de 51,96 euros m² par an, ce qui correspondait au versement d'un loyer mensuel de 4 113,50 euros pour le syndicat CGT, de 1 675,71 euros pour la CFDT et de 910 euros pour la CGT. Les trois associations ont refusé de signer cette convention, de s'acquitter des loyers et de libérer les lieux. Elles ont chacune contesté ces décisions devant les juridictions administratives, mais leurs requêtes furent rejetées (3). La commune les a finalement assignées aux fins d'expulsion devant le tribunal de grande instance de Châteauroux, compétent puisque que les locaux occupés relevaient du domaine privé communal (4), lequel fit droit à sa demande par jugement du 24 juin 2008. Sur appel des syndicats, la cour d'appel de Bourges a, dans un arrêt du 26 mars 2009, infirmé le jugement entrepris au motif "qu'en fixant de nouvelles conditions d'occupation des locaux, contraires à une tradition de gratuité et inadaptées à la capacité financière des trois syndicats, sans leur faire en outre une offre de relogement, la commune de Châteauroux ne leur permettait plus de remplir normalement leurs missions d'intérêt général et portait ainsi directement atteinte au droit d'exercer librement une activité syndicale". Le débat simple en termes d'occupation domaniale s'est déporté sur le terrain de l'exercice d'une activité syndicale et des conditions d'effectivité de celle-ci. Peut-être stupéfaite par la "tradition de gratuité" opposée par la juridiction d'appel, la commune s'est pourvue devant la Cour de cassation. Par une décision du 3 juin 2010, rendue notamment au visa de l'article 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4) et de l'article 1er du premier protocole de la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), la première chambre civile a annulé cet arrêt en jugeant que le respect de l'exercice effectif des libertés syndicales ne créait aucune obligation aux communes de consentir des prêts gracieux et perpétuels de locaux de leur domaine privé (5). L'affaire fut renvoyée devant la Cour d'appel d'Orléans. Cette dernière s'est prononcée le 30 janvier 2012 (6) et a estimé que les syndicats occupants ne démontraient nullement que la position adoptée par la commune à leur égard était discriminatoire, en l'absence de preuves apportées que d'autres syndicats occuperaient à titre gratuit des dépendances communales. Le jugement d'expulsion fut, ainsi, confirmé. Mais, une nouvelle fois saisie, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé cet arrêt dans la décision rapportée au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché "si les écarts qu'elle constatait entre le montant de ces redevances et celui des loyers que la commune exigeait des trois unions départementales, à peine de résiliation des conventions, étaient justifiés par les caractéristiques propres aux locaux qu'elle mettait à leur disposition, ou par tout autre élément objectif" (7). L'affaire est une nouvelle fois renvoyée, cette fois devant la cour d'appel de Paris. Un rappel des principes s'impose, de même qu'une explication quant à la portée de cette décision rendue par la Cour de cassation.

II - Le principe d'égalité des usagers des dépendances domaniales

Le maire est chargé, sous le contrôle du conseil municipal et du préfet, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier, de conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits (8). Il est ainsi seul compétent (9) pour accorder ou refuser de faire droit aux demandes d'occupation.

Si l'immeuble est affecté à l'usage du public ou à un service public, à condition qu'il existe dans ce cas un aménagement indispensable (10), à l'instar d'une salle des fêtes (11), d'une maison des associations, d'un local dédié aux réunions, etc., la juridiction administrative sera compétente pour connaître de la légalité de la décision prise par le maire. Si la dépendance relève du domaine privé de la commune, il s'agit alors d'un acte de gestion dont le contentieux relèvera de la compétence des seules juridictions judiciaires, à moins que la contestation initiée par l'intéressé porte sur le refus de la personne morale de droit public gestionnaire du domaine privé d'engager une relation contractuelle (12). En l'espèce, le litige ayant trait à l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, la compétence judiciaire était acquise (13).

A - L'obligation de neutralité des immeubles relevant du domaine public

Les immeubles qui relèvent du domaine public des collectivités publiques sont soumis en tant que tels à une obligation de neutralité. Aussi une école ne peut être baptisée "Jack Lang" (14) ou le portrait du maréchal Pétain ne peut être affiché en mairie, quant bien même celui-ci aurait exercé des fonctions présidentielles (15). De la même manière, mais liée également à la santé publique, un immeuble ne peut afficher le portait d'un homme connu en train de fumer une cigarette (16). Il faut toutefois distinguer la neutralité de l'immeuble des activités qui peuvent y être exercées.

B - La possibilité de louer des locaux communaux à des associations, syndicats et partis

Le Code général des collectivités territoriales prévoit en son article L. 2144-3 (N° Lexbase : L6480A77) (17), issu de l'article 27 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République (N° Lexbase : L8033BB7)(18), "des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande. Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public. Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation". L'assemblée délibérante doit déterminer, par ses délibérations, les conditions dans lesquelles une salle des fêtes ou autre appartenant à la commune peut être louée à des groupements ou personnes privés et, à cette fin, de préciser, en fonction de l'affectation de l'immeuble et de l'intérêt d'une bonne gestion du domaine communal, la catégorie de bénéficiaires d'une telle mesure (19).

Ce texte a une portée transversale dès lors qu'il ne concerne pas seulement les immeubles relevant du domaine public (20), l'expression employée, plus large, étant celle de "local communal". Cette absence de précision permet de considérer que sont concernés tous les locaux appartenant à la commune. C'est ce que juge en l'espèce la Cour de cassation, en faisant application de ce texte dans un litige ayant trait à un immeuble relevant de son domaine privé : "ce texte, qui ouvre à la commune la faculté de mettre des locaux à la disposition des syndicats qui en font la demande, ne distingue pas selon la domanialité de ces locaux ; que l'exercice de cette faculté doit obéir au principe d'égalité" des citoyens devant la loi. L'égalité de traitement entre les différents usagers du domaine communal doit être respectée (21), ainsi que nous le verrons plus après.

Cette disposition législative n'astreint pas pour autant les communes à une obligation de mise à disposition. Il faut qu'il existe des locaux. Et, si tel est le cas, il n'existe pas un droit pour les associations, syndicats ou partis politiques à les utiliser ou les occuper, mais seulement "un droit à solliciter l'utilisation d'une salle communale", lequel peut être exercé à tout moment (22). La Cour de cassation fait ici état d'une simple "faculté" de mise à disposition. Les communes ne peuvent, cependant, légalement refuser de faire droit à une demande présentée en ce sens que pour des motifs dûment justifiés et limitativement énumérés. Ainsi qu'en dispose le texte même de l'article L. 2144-3, le maire doit apprécier la demande dont il est saisi, "compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public". L'absence de réglementation quant aux conditions d'utilisation de ces locaux de la part de l'assemblée délibérante ne constitue pas un motif de refus valable (23) et n'empêche pas le maire de se prononcer sur la demande (24). Celui-ci n'a pas dans ce cas à solliciter au préalable l'accord du conseil municipal (25). Doit, dans tous, les cas être respecté le principe d'égalité entre les usagers, ainsi que le rappelle la Cour de cassation.

C - Le principe d'égalité entre les usagers rappelé par la Cour de cassation

Le principe d'égalité entre les usagers du domaine public est un principe général du droit dégagé par le Conseil d'Etat dans l'arrêt "Biberon", qui n'a vocation à jouer qu'entre les personnes placées dans une situation identique (27). Il est donc possible de déroger à ce principe s'il existe des différences de situations appréciables, ou encore pour un motif d'intérêt général (28). La Cour de cassation donne une portée générale à ce principe dans l'arrêt présentement commenté. Il vaut pour les usagers des dépendances du domaine public mais également ceux du domaine privé. Cette approche est logique en l'absence de restrictions apportées par le texte précité de l'article L. 2141-3 du Code général des collectivités territoriales. Aussi, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination, qui est une traduction du principe d'égalité, peut fonder une annulation comme justifier que soit ordonnée l'expulsion sollicitée par la commune, ce qui était ici l'objet du litige.

III - Les motifs de refus susceptibles d'être opposés aux demandeurs

Les motifs de refus tirés de l'atteinte à l'ordre public et de l'administration des propriétés ont été dégagés par la jurisprudence administrative (29), puis codifiés par la législateur en 1992 dans le Code des communes, élargis au fonctionnement des services, et figurent désormais à l'article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales.

A - Administration des propriétés communales et préservation de l'ordre public

Les motifs pouvant légalement fonder une décision de refus ont été mis en avant dans l'arrêt du 15 octobre 1969, "Association 'Caen-Demain'", dans lequel le Conseil d'Etat a jugé qu'une décision de refus ne pouvait être motivée que par les nécessités de l'administration des propriétés communales, qui peut se rattacher au principe de bonne gestion dégagé par la jurisprudence (30), ou par le maintien de l'ordre public (31). Sont, en effet, en jeu à la fois l'administration des propriétés communales et la liberté de réunion. La Haute juridiction administrative a également rappelé dans cet arrêt que le refus ne devait pas rompre l'égalité de traitement entre les usagers, ce qui revient à exiger une absence de discrimination entre les demandeurs. Un refus opposé à une association n'est donc légal que si cette décision est fondée sur l'un des trois motifs de refus limitativement énumérés par l'article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales et respecte le principe d'égalité de traitement des associations ayant, au regard de leur objet, la même vocation à l'utilisation des locaux (32). Une municipalité ne peut ainsi pas réserver l'accès d'un bâtiment communal à une (33) ou deux associations (34), sous peine de rompre le principe d'égalité entre elles. Le seul fait qu'une association compte plus ou moins de membres qu'une autre ne peut non plus justifier un refus de location (35), de même qu'une mise à disposition ne peut être conditionnée par le caractère subventionné ou non de l'association demanderesse (36). Il ne doit pas y avoir de discrimination entre les utilisateurs potentiels (37).

B - L'impossible refus fondé sur le seul caractère politique ou religieux de l'association demanderesse

Un maire peut-il refuser de permettre à une association présentant un caractère politique ou religieux d'occuper un local communal ? La jurisprudence n'admettait pas que le caractère politique ou religieux de l'association demanderesse puisse constituer un motif légal de refus (38). Le texte de l'article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales concernant expressément les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande, une association d'une telle nature ne peut logiquement pas se voir opposer un refus pour ce motif (39), même si la réunion doit se dérouler juste avant l'ouverture de la campagne électorale (40). Les partis politiques légalement constitués ont, en effet, le droit d'organiser des réunions et c'est sur ce motif que le juge des référés du Conseil d'Etat a, par exemple, suspendu l'interdiction faite au Front national d'organiser son université d'été à Annecy (41). Le refus ne sera légal que s'il est fondé et justifié par l'existence de risques d'atteinte à l'ordre public et/ou à l'intégrité matérielle des locaux ainsi mis à disposition et loués, dans des conditions telles qu'il ne pourrait être paré à tout danger par des mesures de police appropriées (42). Il en va de même s'agissant des associations à caractère cultuel (43), quant bien même celles-ci présenteraient un caractère sectaire (44) : un refus opposé pour ce seul motif encourt l'annulation (45). Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt lu le 19 juillet 2011, "Commune de Montpellier", que "ces dispositions permettent à une commune, en tenant compte des nécessités qu'elles mentionnent, d'autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, l'utilisation d'un local qui lui appartient pour l'exercice d'un culte par une association, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ; qu'une commune ne peut rejeter une demande d'utilisation d'un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d'exercer un culte" (46). Toutefois, les collectivités territoriales ne peuvent, sans méconnaître les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL), décider qu'un local dont elles sont propriétaires sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d'une association pour l'exercice d'un culte, ce qui constituerait ainsi un édifice cultuel (47). Ceci étant, les associations, syndicats ou partis politiques ne bénéficient pas d'une mise à disposition gratuite et non limitée dans le temps.

IV - Une mise à disposition payante des immeubles communaux

A - Le principe de l'occupation payante

L'assemblée délibérante est compétente pour fixer les modalités et conditions d'utilisation des locaux communaux, ce qui implique la détermination de tarifs d'occupation (48). Les associations, syndicats ou partis politiques ont-il droit à la gratuité de l'occupation ? Le texte de l'article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales dispose que "le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation". Cette rédaction peut laisser à penser que le principe est la gratuité, l'occupation payante l'exception. Mais, d'une part, cette disposition doit à notre sens être lue, lorsque la dépendance relève du domaine public, à l'aune de l'article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L1665IPD), qui pose le principe que toute occupation est payante. Ce dernier texte fixe lui-même et de manière limitative des exceptions, parmi lesquelles figurent les associations à but non lucratif concourant à la satisfaction d'un intérêt général. Mais cette exception n'est pas de droit, c'est seulement une possibilité. Aussi, le seul fait pour une association (il faudrait déterminer si les associations, syndicats ou partis politiques demandeurs présentent effectivement ces caractères) de remplir ces conditions ne lui ouvre pas un droit à occupation si le conseil municipal n'a pas délibéré en ce sens. Ce n'est qu'un possible aménagement au caractère payant de l'occupation.

La question se pose quelque peu différemment lorsque la dépendance ne relève pas du domaine public, mais du domaine privé. Les dispositions précitées du Code général de la propriété des personnes publiques ne sont pas applicables et ce code ne prévoit rien d'identique concernant l'occupation de ces dépendances. L'occupation pourrait-elle être gratuite ? La première chambre civile de la Cour de cassation a apporté la réponse suivante dans l'arrêt du 3 juin 2010 déjà cité : "le respect de l'exercice effectif des libertés syndicales, autres que celles propres à la fonction publique territoriale, ne crée aucune obligation aux communes de consentir des prêts gracieux et perpétuels de locaux de leur domaine privé" (49). Il n'existe donc pas de droit à la gratuité, même pour l'exercice d'une activité syndicale et même si la liberté de réunion est une composante de la liberté syndicale. Cette position rejoint celle du Conseil d'Etat qui avait peu de temps auparavant jugé "qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'implique que soit maintenu sans limite de durée l'état actuel des locaux mis à disposition des sections locales d'organisations syndicales nationales par une collectivité territoriale" (50), avant de logiquement estimer que "la liberté syndicale n'implique pas qu'un syndicat puisse se maintenir dans des locaux administratifs mis gracieusement à sa disposition sans l'accord des autorités dont ceux-ci dépendent". L'occupation du domaine privé peut être payante. C'est pourquoi, par délibération du 12 février 2004, le conseil municipal de la commune de Châteauroux a pu décider du caractère onéreux de l'occupation des locaux municipaux et a déterminé le prix au mètre carré applicable en fonction des locaux, sans prévoir de dérogation au bénéfice des organisations syndicales. Cette jurisprudence commune aux deux ordres de juridictions conforte le principe de bonne gestion domaniale qui concerne les dépendances du domaine public (51), comme celles relevant du domaine privé (52). Il existerait sinon une différence de régime selon la nature publique ou privée de l'immeuble communal concerné. Le caractère indifférent de la domanialité est accentué par la position prise par la Cour de cassation qui exige une égalité des montants sollicités au titre la redevance perçue pour occupation du domaine public et le loyer exigé au titre de l'occupation du domaine privé.

V - L'égalité entre redevances et loyers en cas d'occupation d'immeubles communaux, sauf différences objectivement justifiées

S'agissant des dépendances du domaine public, la redevance exigée pour leur occupation ou leur utilisation doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation (53). Dans la présente affaire où était concernée l'occupation d'une dépendance du domaine privé communal, les syndicats occupants estimaient que la remise en cause de la gratuité de l'occupation faisait obstacle à l'exercice de leurs mandats, ce que la Cour de cassation a refusé de reconnaître, et que la position prise par la commune de Châteauroux étaient également emprunte de discrimination à leur égard, au motif invoqué que d'autres syndicats occuperaient gratuitement des dépendances autres de la commune. Ce motif avait été écarté par la cour d'appel qui a considéré que les dépendances occupées par les autres syndicats relevaient du domaine public communal et que cette occupation n'était nullement gratuite, les pièces fournies attestant des montants des redevances exigées en contrepartie. La Cour de cassation va plus loin et annule cet arrêt au motif que la cour d'appel n'a pas recherché "si les écarts qu'elle constatait entre le montant de ces redevances et celui des loyers que la commune exigeait des trois unions départementales, à peine de résiliation des conventions, étaient justifiés par les caractéristiques propres aux locaux qu'elle mettait à leur disposition, ou par tout autre élément objectif". Ce contrôle exigé n'a d'autres fonctions que de vérifier si le principe d'égalité entre les syndicats n'a pas été méconnu, c'est-à-dire si les trois associations occupantes ne sont pas victimes de discriminations. Les écarts entre les loyers et les redevances, s'ils existent, doivent être justifiés par des éléments objectifs, comme les caractéristiques propres aux locaux concernés, c'est-à-dire leurs situations, leurs accès, leurs superficies, leurs équipements, etc. La cour d'appel de Paris saisie sur renvoi devra apprécier ces circonstances de fait.

La commune de Châteauroux pourrait obtenir le paiement d'une indemnité au titre de l'occupation irrégulière et gratuite des locaux de la part des syndicats. Lorsqu'est concernée une dépendance du domaine public, le montant de l'indemnité due au titre de l'occupation irrégulière doit être égal au montant qui aurait été exigé si l'occupation avait été régulière (54). On peut penser qu'il pourrait en aller de même ici, bien que la dépendance relève du domaine privé, au regard de la justification exigée par la Cour de cassation (55). L'arrêt rapporté constitue une nouvelle étape s'agissant du régime de l'occupation des immeubles communaux, indifféremment de la qualification de dépendance du domaine public ou privé, en raison de la rédaction indifférente sur ce point du texte de l'article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales.


(1) Voir Cass. civ. 1, 2 avril 1963, Montagne, AJDA, 1963, p. 486, note J. Dufau.
(2) Voir Cass. civ. 1, 21 décembre 1987, n° 86-14.167, publié au bulletin (N° Lexbase : A4892CIZ), Bull. civ. I, n° 348, p. 249, CJEG, 1988, p. 107, note L. Richer, JCP éd. G, 1989, II, n° 21183, note B. Nicod, RFDA, 1988, p. 771, concl. L. Charbonnier, note B. Pacteau, RTD Civ. 1989, p. 145, chron. R. Perrot ; Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-29.475, F-P+B (N° Lexbase : A9863MCB), AJDA, 2014, p. 460, note P. Yolka, AJCT, 2014, p. 273, obs. F. Mokhtar.
(3) CAA Bordeaux, 2ème ch., 1er juillet 2008, trois arrêts, n° 07BX01216 (N° Lexbase : A2997EAA), n° 07BX01215 (N° Lexbase : A2996EA9), n° 07BX00895 (N° Lexbase : A2927EAN).
(4) Le cas échéant, le juge administratif aurait été compétent par détermination de la loi (C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2331-1 N° Lexbase : L2125INZ).
(5) Cass. civ. 1, 3 juin 2010, n° 09-14.633, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1523EY3), Bull. civ. I, n° 127, JCP éd. A, 2010, n° 2230, note P. Yolka, AJDA, 2010, p. 1121, obs. S. Brondel, D. 2010, p. 1554, obs. G. Forest, AJCT, 2010, p. 84, note G. Le Chatelier, AJDI, 2011, p. 233, obs. F. de la Vaisière, RTDCiv., 2010, p. 557, obs. B. Fages.
(6) CA Orléans, 30 janvier 2012, n° 10/03616 (N° Lexbase : A6228IBB).
(7) Cass. civ. 1, 13 mai 2014, n° 12-16.784, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0457MLI).
(8) CGCT, art. L. 2122-21 (N° Lexbase : L9560DNE).
(9) Voir CAA Douai, 3 février 2005, n° 00NC01522 (N° Lexbase : A6627DGK), jugeant que, "s'il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d'administration du domaine public communal, le maire est seul compétent pour délivrer et retirer les autorisations d'utiliser des locaux appartenant à la commune".
(10) CGCT, art. L. 2111-1 (N° Lexbase : L2280IY4).
(11) CE 3° et 5° s-s-r., 29 décembre 1997, n° 164299, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5639ASN).
(12) Voir les conditions posées par T. confl., 5 mars 2012, n° 3833 (N° Lexbase : A3392IED), JCP éd. A, 2012, act. 202, 2180, note J. Martin et n° 2325, chron. C. Chamard-Heim, Contrats-marchés publ., 2012, comm. 143, AJDA 2012, p. 1684, note F. Mokhtar, Grandes décisions du droit administratif des biens, Dalloz, 2013, n° 66.
(13) Par ex. T. confl., 14 décembre 2009, n° 3715 (N° Lexbase : A8384EP9) ; T. confl., 19 mai 2014, n° 3942 (N° Lexbase : A5160MM3).
(14) TA Lille, 18 décembre 2007, n° 0601575 et n° 0601586, AJDA, 2008, p. 709, nos obs. Voir idem, Dénomination des places, voies et bâtiments publics, La Gazette des communes, 14 juillet 2008, p. 52.
(15) TA Caen, 26 octobre 2010, n° 1000282 (N° Lexbase : A8007GCK).
(16) Voir C. Lantero, La cigarette d'Albert Camus menace-t-elle (encore) la santé publique ?, AJDA, 8 octobre 2012, p. 1841.
(17) Cette disposition qui figurait à l'article L. 2143-3 du Code général des collectivités territoriales a été transférée par l'article 1er de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité (N° Lexbase : L0641A37), à l'article L. 2144-3 du même code (N° Lexbase : L6480A77). Cette disposition figurait auparavant à l'article L. 318-2 du Code des communes (N° Lexbase : L5386HMG).
(18) Voir l'étude de F. Collière, La mise à disposition de locaux communaux au profit d'associations, syndicats et partis politiques, AJDA, 2006, p. 1817.
(19) CE 5° et 3° s-s-r., 21 mars 1990, n° 76765, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5544AQE), p. 74.
(20) Par ex. CAA Douai, 1ère ch., 15 mars 2007, n° 06DA01146 et 06DA01281 (N° Lexbase : A3017DWN). Voir CAA Bordeaux, 1ère ch., 28 décembre 2009, n° 09BX01310 (N° Lexbase : A5989KGW), JCP éd. A, 2010, n° 2147, note P. Yolka (qualifiant préalablement la dépendance concernée comme relevant du domaine public).
(21) Par ex. CE 2° et 6° s-s-r., 21 avril 1972, n° 78589, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4385B8W), p. 302 ; CE 3° et 5° s-s-r., 21 juin 1996, n° 134243, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9554AN8), p. 752 ; CAA Douai, 1ère ch., 15 mars 2007, n° 06DA01146 et 06DA01281, préc..
(22) CAA Versailles, 1ère ch., 2 novembre 2004, n° 02VE00140 (N° Lexbase : A1802MSK).
(23) CE 2° et 6° s-s-r., 21 avril 1972, n° 78589, publié au recueil Lebon, préc..
(24) CE 2° s-s., 12 octobre 1994, n° 151851, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2294ANB).
(25) CE 3° et 5° s-s-r., 21 juin 1996, n° 134243, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..
(26) CE, Sect., 2 novembre 1956, Biberon, publié au recueil Lebon, p. 403, concl. C. Mosset.
(27) Voir CE, Sect., 10 mai 1974, n° 88032, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0207AZP). S'agissant des usagers du domaine public, voir CE, Sect., 5 janvier 1968, Chambre syndicale patronale des enseignants de la conduite des véhicules à moteur, publié au recueil Lebon, p. 14, RDP, 1968, p. 905, concl. J. Fournier, JCP éd. G, 1968, II, n° 15529, note F. Vincent.
(28) Ibid.
(29) Par ex. CE 2° et 6° s-s-r., 21 avril 1972, n° 78589, publié au recueil Lebon, préc. ; CE 3° et 5° s-s-r., 15 mars 1996, n° 137376, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8105ANI), p. 83, JCP éd. G, 1996, IV, p. 174, obs. M.-C. Rouault.
(30) CAA Nantes, 30 décembre 1999, n° 97NT00499 (N° Lexbase : A0292AX4).
(31) CE, 1970, n° 76563, rec. p. 435, RDP 1970, p. 1458. Voir également, pour une motivation semblable, CE 1° et 4° s-s-r., 21 mars 1979, n° 07117, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4341B8B), p. 656.
(32) Par ex. CAA Bordeaux, 6ème ch., 19 décembre 2006, n° 04BX01469 (N° Lexbase : A4933DTU), pour la mise à disposition de la maison des associations à des écoles de danse.
(33) Par ex. TA Bastia, 11 octobre 2007, n° 0600977.
(34) CE 2° et 6° s-s-r., 26 octobre 1988, n° 76604, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0038AQH), pour la mise à disposition de courts de tennis municipaux.
(35) CE 3° et 5° s-s-r., 8 avril 1998, n° 165284, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7305ASD), pour des locaux communaux à usage de stand de tirs.
(36) TA Versailles, 18 mai 1988, n° 96240 (N° Lexbase : A1752BT3), rec. Tables, p. 773.
(37) CAA Bordeaux, 6ème ch., 19 décembre 2006, n° 04BX01469 (N° Lexbase : A4933DTU).
(38) Par ex. CE, 10 février 1984, n° 38010, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2645ALK). Voir aussi CE 3° et 5° s-s-r., 21 mars 1990, n° 76765, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5544AQE), p. 74, concernant la légalité d'une délibération excluant de la possibilité de bénéficier d'une salle des fêtes communale les associations, groupements et organismes à caractère politique ou exerçant des offices religieux au motif que ces exclusions étaient destinées à mettre l'utilisation des locaux appartenant à la commune à l'abri de querelles politiques ou religieuses. Une telle mesure n'a pas été considérée comme fondée sur un critère étranger à l'intérêt de la gestion du domaine public communal ni à l'affectation des immeubles et a été considérée comme n'introduisant pas, entre les utilisateurs éventuels de cette salle des fêtes, de discrimination non justifiée par l'intérêt général.
(39) Par ex. CE, 10 février 1984, n° 38010, publié au recueil Lebon, préc. ; CE 3° et 5° s-s-r., 15 mars 1996, n° 137376, publié au recueil Lebon, préc., JCP éd. G, 1996, IV, p. 174, obs. M.-C. Rouault ; CE 3° et 5° s-s-r., 30 avril 1997, n° 157115, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9371ADG), p. 701-704 ; CAA Nantes, 3ème ch., 24 juin 1999, n° 96NT00832 (N° Lexbase : A4850BH4).
(40) CE, 10 février 1984, n° 38010, publié au recueil Lebon, préc..
(41) CE, référé, 19 août 2002, n° 249666, publié au recueil Lebon ([LXB=249666]), p. 311, AJDA, 2002, p. 665 et p. 1017, note X. Braud, D. 2002, IR, p. 2452.
(42) CAA Lyon, 6ème ch., 30 mai 2006, n° 01LY01853 (N° Lexbase : A5958DQQ), à propos de la mise à disposition d'une salle de la Bourse du travail pour M. Gollnisch intervenant pour le Front national pour que s'y tienne une réunion publique.
(43) CE, référé, 30 mars 2007, n° 304053, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8164DUW), AJDA, 2007, p. 1242, note S. Damarey, Dr. adm., 2007, comm. n° 90, note F. Melleray, concernant un refus opposé à des témoins de Jéhovah.
(44) Ibid.
(45) Par ex. CE, référé, 26 août 2011, n° 352106, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7595HXL), AJCT, 2011, p. 566, note P. Rouquet.
(46) CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 313518, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0575HW9), AJDA, 2011, p. 1667, chron. A. Bretonneau et X. Domino, AJCT, 2011, p. 515, obs. M. Perrier. Voir également en ce sens, CE, référé, 26 août 2011, n° 352106, inédit au recueil Lebon, préc. ; CAA Marseille, 5ème ch., 21 février 2014, n° 11MA04852 (N° Lexbase : A9431MLU) (statuant sur renvoi du Conseil d'Etat).
(47) CE, référé, 26 août 2011, n° 352106, inédit au recueil Lebon, préc., AJCT, 2011, p. 566, note P. Rouquet.
(48) S'agissant d'immeubles relevant du domaine public, voir par ex. CE 2° et 6° s-s-r., 8 juillet 1996, n° 121520, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0093AP7), p. 272.
(49) Préc.
(50) CE, référé, 13 novembre 2009, n° 333414, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1353EPS).
(51) Par ex. CAA Nantes, 2ème ch., 28 mars 2007, n° 06NT00751 (N° Lexbase : A9753DW7) ; CE 4° et 5° s-s-r., 11 avril 2014, n° 362916, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1077MK4), à propos du domaine public hertzien.
(52) CE, Sect., 10 mars 1995, n° 108753, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2925ANN), à propos d'un refus de cession ; CAA Lyon, 1ère ch., 27 novembre 2007, n° 06LY00110 (N° Lexbase : A7573D4A), à propos d'une cession de dépendances.
(53) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2125-3 (N° Lexbase : L4561IQY).
(54) CE 9° et 10° s-s-r., 16 mai 2011, n° 317675, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0301HSX), p. 242, JCP éd. A, 2011, n° 2224, note Ph. Yolka, Dr. adm., 2011, comm. n° 68, note F. Melleray.
(55) CE 3° et 8° s-s-r., 24 juin 2013, n° 348207, publié au recueil Lebon ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 8882350, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CE 3/8 SSR, 24-06-2013, n\u00b0 348207, publi\u00e9 au recueil Lebon", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A7720KHE"}}), JCP éd. A, 2013, n° 2295, note E. Langelier, Dr. adm., 2013, comm. n° 73, note G. Eveillard.

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