La lettre juridique n°577 du 3 juillet 2014 : Aide juridictionnelle

[Questions à...] Aide juridictionnelle en péril - Question à Monsieur le Bâtonnier Jean-Marie Burguburu, Président de Conseil national des barreaux

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 03 Juillet 2014

Le Conseil national des barreaux, réuni en assemblée générale les 16 et 17 mai 2014, face à l'absence de propositions de la part du ministère de la Justice sur la réforme de l'aide juridictionnelle et de son financement, avait demandé au Gouvernement de respecter ses engagements de procéder au doublement des crédits affectés à l'aide juridictionnelle à périmètre constant. Il avait également rappelé et maintenu ses résolutions des 6 juillet 2012 et 23 mars 2013 portant sur des propositions de réforme permettant notamment ce doublement du budget de l'aide juridictionnelle sans alourdir les charges de l'Etat ; pour, au final, appeler les avocats à se mobiliser lors d'une journée nationale d'actions le jeudi 5 juin 2014. Unis derrière le CNB, les avocats et les Ordres avaient répondu massivement à l'appel à la manifestation lancé pour le 5 juin 2014. Face au silence et à l'immobilisme des pouvoirs publics pour proposer une réforme complète du système de l'aide juridictionnelle et de son financement, le Conseil national des barreaux a décidé de poursuivre la mobilisation et une nouvelle journée de grève s'est déroulée le 26 juin dernier, avant de rencontrer le Garde des Sceaux le lendemain, 27 juin. Afin de faire le point sur la situation et les attentes de la Profession, Lexbase Hebdo - édition Professions a rencontré le Bâtonnier Jean-Marie Burguburu, président du CNB. Lexbase : Qu'attendez-vous concrètement de la Chancellerie avec les mobilisations des 5 et 26 juin derniers ?

Jean-Marie Burguburu : Le 5 juin nous avons eu une belle manifestation avec la réunion des conseils de l'Ordre dans la journée pour voter dans les mêmes termes la motion proposée par le CNB ; autrement dit dans les 161 barreaux de France, y compris le barreau de Paris, cette motion condamnant l'insuffisance des moyens de l'AJ a été votée ; cela n'était jamais arrivé. Ce jour-là les barreaux ont (selon les retours de 130 barreaux sur 161) fait grève : pour tous une grève du secteur assisté, pour d'autres une grève plus complète (secteur libre) et pour d'autres encore la mise en oeuvre de conclusions contestant la régularité de la procédure pour défaut de financement. Après le 5 juin je suis allé porter cette motion au directeur de cabinet de la Chancellerie qui hélas ne m'a donné aucune réponse. Le 26 juin, la grève a à nouveau eu lieu mais de manière plus prononcée. Nous avons demandé une manifestation "Palais mort" : comprenant le secteur assisté et le secteur libre -sauf urgences évidemment-. Certains barreaux sont même allés jusqu'à la fermeture de leurs cabinets.

Nous attendons trois choses de la Chancellerie à la suite de ces mouvements.

La première est la prise de conscience par la Chancellerie de l'exaspération des avocats sur ce sujet qui touche, au-delà de la communauté des avocats, le fonctionnement d'une société démocratique dans le libre accès à la justice pour les plus démunis.

Deuxièmement, nous attendons les propositions du ministère de la Justice sur la nécessaire revalorisation du financement de l'aide juridictionnelle soit au titre du montant de l'UV, soit globalement au titre des fonds abondant l'AJ qui sont actuellement de l'ordre de 300 millions d'euros, alors que la ministre avait, au moment de sa prise de fonctions, évoqué le doublement de ce montant...

Troisièmement, nous attendons enfin l'ouverture de discussion avec la profession, c'est-à-dire avec le CNB, sur une conception modernisée et plus ouverte de l'AJ qui éviterait, d'une part, au justiciable un parcours du combattant et, d'autre part, aux avocats de se retrouver dans la position de quémandeurs d'indemnisations misérables.

Lexbase : Aujourd'hui l'idée de la Chancellerie semblerait tendre vers une taxation du CA des cabinets. Par ailleurs, la DGCCRF ouvrant une enquête sur l'information donnée des honoraires des avocats, et l'Autorité de la Concurrence ayant été saisie sur les honoraires de certaines professions juridiques règlementées, peut-on parler de coïncidence ? N'y a-t-il pas une tendance à vouloir trouver de nouvelles sources de financement via les professions juridiques ?

Jean-Marie Burguburu : Concernant l'enquête de la DGCCRF, elle porte sur la prévisibilité des honoraires et non sur leur montant. C'est une question récurrente et difficile : les avocats peuvent-ils annoncer à l'avance le montant de leurs honoraires aux clients solvables (et non l'aide juridictionnelle) ? Il est normal que les clients puissent être avertis et pourtant cet avertissement est relatif non pas au montant des honoraires mais aux systèmes de calcul des honoraires ; c'est-à-dire la facturation de provisions successives en fonction des tâches accomplies, les honoraires facturées au taux horaire qui doit être annoncé ou les honoraires fixés avec un forfait initial majoré d'un honoraire complémentaire de résultat. Mais, chaque fois que les barreaux ont mis en place un barème d'honoraires, ces barèmes se sont fait "retoquer" par la Chancellerie pour cause d'atteinte à la concurrence. Concernant, ensuite, la mise en question par le Gouvernement des honoraires des professions règlementées (notaires, greffiers, huissiers), la question est celle de l'application d'un honoraire proportionnel au montant en jeu quel que soit le travail effectué. Le Gouvernement estime que la perception d'honoraires sur cette simple base, même avec un taux dégressif, est insuffisante. Enfin, pour les avocats qui ont une clientèle solvable les honoraires, qui sont libres, peuvent être modérés, importants ou très importants, alors que pour les avocats AJ la rémunération est toujours largement insuffisante. Une unité de valeur fixée entre 23 et 25 euros ne permet pas de rémunérer les avocats à un tarif décent, honnête. Dès lors les avocats sont en droit de manifester leur mécontentement et de prétendre à un autre traitement.

Lexbase : Le 27 juin l'Assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers a été élargie aux syndicats et au CNB et la Garde des Sceaux s'est déplacée et est intervenue, devant une assemblée désireuse de réponses. Quelle a été votre réaction aux propos de la Garde des Sceaux ? Quelles sont les suites envisagées ?

Jean-Marie Burguburu : En présence de la profession assemblée, la Garde des Sceaux n'a pas apporté de réponse satisfaisante à nos questions. Certes, la démodulation des unités de valeur (UV) servant à calculer le montant des indemnités perçues par les avocats, est abandonnée, certes une amélioration de 10 % du budget de l'AJ est annoncée, mais rien ne vient pour combler le retard de financement. Bien au contraire, la taxe envisagée sur le chiffre d'affaires des avocats est toujours d'actualité.

La profession va donc à nouveau manifester le lundi 7 juillet à l'appel du Conseil national des barreaux. Outre une journée de grève totale ce jour-là, une grande manifestation sur la voie publique conduira les représentants de la profession du siège du CNB à l'Hôtel Matignon.

Nous demanderons à être reçu par le cabinet du Premier Ministre et nous verrons quelle sera, en période d'arbitrage budgétaire, la position du Gouvernement sur le financement de l'aide juridictionnelle.

Nous en tirerons toutes les conséquences.

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