La lettre juridique n°306 du 29 mai 2008

La lettre juridique - Édition n°306

Contrats et obligations

[Jurisprudence] La transmission aux héritiers du préjudice subi par leur auteur

Réf. : Ass. plén., 9 mai 2008, n° 05-87.379, M. Jacques Fortin c/ Mme Ana Ratinho, P+B+R+I (N° Lexbase : A4495D8Y)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

A la faveur de deux arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 avril dernier (1), affirmant, sous le visa de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L3351AM3), devenu l'article L. 141-1 du même code (N° Lexbase : L7823HN3), "qu'il résulte de ce texte que l'Etat est tenu de réparer le dommage personnel causé aux victimes par ricochet par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice", et relevant, dans les deux affaires, que les demandeurs "invoquaient un préjudice par ricochet causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice", l'occasion était récemment donnée de rappeler que toute personne qui prouve avoir souffert d'un dommage personnel par contrecoup de celui qui a frappé la victime initiale (ou immédiate) peut en obtenir réparation et, par suite, de revenir sur l'autonomie du droit à réparation du dommage par ricochet par rapport au droit de la victime immédiate (2). Ce préjudice, personnel, subi par les victimes par ricochet elles-mêmes, ne doit pas être confondu avec le préjudice subi par les héritiers qui peuvent, eux aussi, en demander réparation, mais en exerçant cette fois non plus une action personnelle, mais une action à titre successoral. La mise en oeuvre de cette action n'est cependant pas sans poser quelques difficultés, particulièrement dans l'hypothèse où le de cujus n'aurait pas agi de son vivant. Bien que la jurisprudence se soit déjà prononcée sur la question, les résistances de certaines juridictions du fond ont conduit l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, par un arrêt du 9 mai dernier, à réaffirmer le principe de la transmission aux héritiers du droit à réparation du dommage subi par leur auteur.

En l'espèce, les héritiers avaient demandé réparation des préjudices matériels et moraux causés par les faits de falsifications de chèques et usage dont leur auteur avait été victime. Ils avaient, cependant, été déboutés de leur demande par la cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, les magistrats parisiens faisant, en effet, valoir que les héritiers ne pouvaient être considérés comme victimes directes de ces faits, alors même que leur auteur, bien qu'il en fût informé, n'avait jamais déposé plainte ni même manifesté l'intention de le faire. Leur décision est, néanmoins, cassée, sous le visa des articles 2 (N° Lexbase : L6998A4X) et 3 (N° Lexbase : L7014A4K) du Code de procédure pénale, ensemble l'article 731 du Code civil (N° Lexbase : L3338ABA).

La Haute juridiction, dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure, affirme, ainsi, que "toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers", pour en déduire, en l'espèce, qu'en statuant comme elle l'a fait, "alors que le droit à réparation des préjudices subis par [le de cujus], né dans son patrimoine, avait été transmis à ses héritiers qui étaient recevables à l'exercer devant la cour d'appel saisie des seuls intérêts civils, peu important que leur auteur n'ait pas introduit l'action à cette fin avant son décès, dès lors que le ministère public avait mis en mouvement l'action publique et que la victime n'avait pas renoncé à l'action civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés" (3).

A vrai dire, la question de la transmission du droit à réparation aux héritiers s'est surtout posée à propos du dommage moral, bien plus que pour le préjudice matériel, dont le caractère patrimonial est sans doute apparu plus nettement évident. On n'ignore pas, en effet, que, s'agissant du dommage moral, certains ont entendu contester la transmission du droit à réparation aux héritiers, en faisant valoir, d'une part, qu'il s'agirait d'un préjudice de nature extrapatrimoniale et, d'autre part, qu'il pouvait sembler contestable de permettre aux héritiers d'agir dans l'hypothèse dans laquelle leur auteur n'aurait pas lui-même agi de son vivant. Cette argumentation a cependant été condamnée par la Cour de cassation : si le préjudice moral est extrapatrimonial, le droit à réparation a, lui, une valeur patrimoniale, qui justifie sa transmission aux héritiers, peu important que la victime immédiate ait ou non agi de son vivant : un arrêt rendu par une Chambre mixte, le 30 avril 1976, a posé le principe selon lequel "le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance physique éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers" (4). Ce à quoi il faut au demeurant ajouter que cette même question, qui a divisé les chambres de la Cour de cassation et qui divisait encore récemment les différentes juridictions de l'ordre administratif (5), est également résolue de manière définitive depuis que le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 29 mars 2000, s'est aligné sur la jurisprudence civile : "considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers" (6).


(1) Cass. civ. 1, 16 avril 2008, 2 arrêts, n° 07-16.286, Mme Catherine Dalmais, épouse Jacquiot, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9367D73) et n° 07-16.504, M. Jean-Claude Perrin, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9368D74).
(2) Voir nos obs., Responsabilité de l'Etat pour faute lourde ou déni de justice et réparation du préjudice subi par ricochet, Lexbase Hebdo n° 303 du 8 mai 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8896BE9).
(3) Pour l'affirmation du principe de la transmission du droit à réparation : Cass. mixte, 30 avril 1976, 2 arrêts, n° 73-93.014, Consorts Goubeau c/ Alizan (N° Lexbase : A5436CKK) et n° 74-90.280, Epoux Wattelet c/ Le Petitcorps (N° Lexbase : A5437CKL), D., 1977, p. 185, note M. Contamine-Raynaud ; Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-19.020, Mme Viviane Saastamoinen, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa fille Cindy Picard, FS-P+B (N° Lexbase : A6869DUX).
(4) Voir les arrêts cités supra.
(5) Auparavant, le Conseil d'Etat faisait naître le droit à réparation du dommage au moment du déclenchement de l'action en justice : CE, 11 décembre 1946, Sieur Pochon, Rec., p. 305 ; CE, 17 juillet 1950, Sieur Mouret, Rec., p. 447 ; CE, 29 janvier 1971, n° 74941, Association "Jeunesse et Reconstruction" (N° Lexbase : A9609B8E), Rec., p. 81. Contra : CAA Nantes, 22 février 1989, n° 89NT00011, Centre hospitalier régional d'Orléans c/ Fichon (N° Lexbase : A7747A8G), AJDA, 1989, p. 276, note J. Arrighi de Casanova ; CAA Paris, 12 février 1998, n° 95PA02814, Mmes X et Y (N° Lexbase : A9453BHL), AJDA, 1998, p. 234.
(6) CE, 29 mars 2000, précité, D., 2000, p. 563, note A. Bourrel. V. également : CE contentieux, 15 janvier 2001, n° 208958, AP-HP (N° Lexbase : A8879AQW), D., 2001, IR, p. 597.

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Droit financier

[Jurisprudence] L'encadrement du pouvoir du bureau de constater la privation des droits de vote d'actionnaires supposés agir de concert

Réf. : T. com. Nanterre, 6 mai 2008, aff. n° 2007F02086, SA Grupo Rayet c/ SA Eiffage (N° Lexbase : A5123D8A)

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par Anne Lebescond - SGR en droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

Au regard du peu de dispositions légales traitant de ses attributions, le bureau de l'assemblée générale (composé d'un président, de deux scrutateurs et d'un secrétaire) a, longtemps, été cantonné à la certification de l'exactitude de la feuille de présence (C. com., art. R. 225-95 N° Lexbase : L0230HZK) et la signature du procès-verbal de l'assemblée (C. com., art. R. 225-106 N° Lexbase : L0241HZX), le président de l'assemblée étant, également, personnellement chargé d'exercer, dans le sens prévu par la loi, le droit de vote attaché aux actions ayant fait l'objet d'un pouvoir en blanc (C. com., art. L. 225-106 N° Lexbase : L5977AI9) et de faire voter les points figurant à l'ordre du jour. Fort heureusement, la jurisprudence est venue préciser le rôle -essentiel- des deux scrutateurs : garantir la régularité de l'assemblée générale. Pour autant, la loi (C. com., art. R. 225-101 N° Lexbase : L0236HZR) semble ne pas juger leur présence indispensable, puisqu'elle la subordonne à une acceptation. Pour cette raison, la jurisprudence a jugé que la composition irrégulière du bureau n'entachait pas d'irrégularité les décisions de l'assemblée générale (1). Il aurait, donc, pu sembler légitime de s'interroger sur l'impérieuse nécessité d'un tel organe dit "épisodique" au sein de l'assemblée générale d'actionnaires d'une société anonyme. Cette interrogation a, pourtant, perdu progressivement de sa légitimé par la reconnaissance progressive d'autres attributions, spéciales ou plus générales. La plus importante et la plus large d'entre elles est, sans aucun doute, le pouvoir de police du bureau reconnu récemment par la jurisprudence : le bureau est chargé de veiller à la tenue correcte et au bon déroulement de l'assemblée générale. Et en particulier, il est chargé de contrôler l'exercice du droit de vote par les actionnaires.

Cette obligation n'est pas nouvelle dans son principe, puisque l'article R. 225-95 du Code de commerce impose au bureau de certifier l'exactitude de la feuille de présence, qui doit mentionner, pour chaque actionnaire, le nombre d'actions et de droits de vote y attachés, et lui permet d'annexer à cette feuille "la procuration ou le formulaire de vote par correspondance portant les nom, prénom usuel et domicile de chaque actionnaire mandant ou votant par correspondance, le nombre d'actions dont il est titulaire et le nombre de voix attaché à ces actions". Dans ce cas, le bureau indique le nombre de pouvoirs et de formulaires de vote par correspondance annexés, ainsi que le nombre des actions et des droits de vote y relatifs. Ainsi, de façon implicite, la loi met à la charge du bureau le contrôle de "l'exactitude" des droits de vote. La nouveauté tient, donc, en réalité, aux moyens mis à sa disposition par la jurisprudence pour exercer sa mission.

Concernant plus particulièrement le sujet qui nous intéresse, il est, dorénavant, admis que le bureau puisse "constater" la privation des droits de vote d'actionnaires, lorsque les franchissements de seuil et les intentions n'ont pas été régulièrement déclarés, dans les conditions fixées à l'article L. 233-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3890HBP), applicable aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. La privation des droits de vote est prévue par l'article L. 233-14 de ce code (N° Lexbase : L3894HBT), qui dispose qu'à défaut d'avoir été régulièrement déclarées, "les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée [...] sont privées du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification". Il s'agit, ici, d'une sanction civile dont l'exécution peut, voire même doit, dorénavant, avoir lieu à l'initiative du bureau. La reconnaissance de cette attribution est récente (2). Mais déjà, la jurisprudence est venue encadrer ce pouvoir qui touche à un "droit fondamental" de l'actionnaire, comme le souligne le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 6 mai dernier dans l'un des derniers rebondissements de l'affaire "Eiffage" : le droit de vote.

Ce jugement porte, tout d'abord, sur la régularité de la décision du bureau de l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société Eiffage du 18 avril 2007 de priver, en application de l'article L. 233-14 du Code de commerce, la société Sacyr et 89 autres actionnaires des droits de vote attachés à leurs actions, pour la première, qui excèdent le seuil franchi et non déclaré prévu à l'article L. 233-7, et pour les autres, récemment acquises avant l'assemblée. Cette décision a été rendue après lecture d'une lettre remise au président de séance par l'un des actionnaires, qui mentionnait qu'"à la lecture de la feuille de présence de l'assemblée générale d'Eiffage, réunie ce jour, [il] constate la présence d'un certain nombre très significatif de nouveaux actionnaires dont la plupart présente de grandes similitudes de représentation, de localisation et de dénomination". Selon lui, il existait "des indices graves, précis et concordants caractérisant l'existence de concert" entre Sacyr et 89 actionnaires ibériques. Or, ce concert n'ayant pas été déclaré, en application de l'article L. 233-7, le bureau priva le "bloc espagnol" de ces droits de vote.

Cette décision, reconnue régulière par le juge des référés, puis, par la cour d'appel de Versailles (3), sur appel de l'ordonnance rendue par ce dernier, va, toutefois, être censurée par le tribunal de commerce de Nanterre, sur le fond (I), alors pourtant que le concert a bien été retenu, tant par l'AMF (4), que par la cour d'appel de Paris (5). Cette annulation entraîne la nullité de l'assemblée générale au cours de laquelle les droits de vote ont été supprimés, pour atteinte au droit fondamental des actionnaires de voter les délibérations soumises à l'assemblée (II).

I - Nullité de la décision du bureau de l'assemblée d'Eiffage de priver de droits de vote certains actionnaires, en application de l'article L. 233-14 du Code de commerce

Dans sa décision, le tribunal de commerce de Nanterre distingue selon que le bureau a eu connaissance de l'absence de déclaration de franchissement de seuil par un actionnaire, auquel cas, il a l'obligation de constater la privation des droits de vote (A), de la situation où un concert serait supposé, qui n'aurait pas été déclaré, auquel cas, le bureau se doit de suivre une procédure particulière avant de constater, éventuellement, cette privation (B).

A - L'obligation du bureau de constater la suppression des droits de vote en cas de défaut de déclaration de franchissement de seuil par un actionnaire

Le tribunal de commerce de Nanterre rappelle, tout d'abord, dans cette décision, les rares dispositions légales mentionnant ou régissant, un tant soit peu, la composition et le fonctionnement du bureau. Il s'agit des articles :

  • R. 225-95 du Code de commerce : qui dispose que "la feuille de présence doit être certifiée exacte par le bureau de l'assemblée" ;
  • R. 225-101 (N° Lexbase : L0236HZR) qui dispose que "sont les scrutateurs les deux membres de l'assemblée qui disposent du plus grand nombre de voix et acceptant cette fonction" ; et enfin,
  • R. 225-106 qui dispose que "le procès-verbal des délibérations de l'assemblée [...] est signé par le bureau".

Les juges rappellent, également, qu'"au-delà des attributions spécifiques, rappelées ci-dessus, il est admis par la jurisprudence, la doctrine et les usages que le bureau puisse exercer un pouvoir général de police de l'assemblée, notamment, contrôler l'exercice du droit de vote, le droit d'arrêter le quorum et vérifier qu'il est atteint pour chaque résolution, vérifier l'application des règles de majorité et résoudre certaines difficultés qui peuvent intervenir en séance". Toutefois, le tribunal tempère tout de suite ce principe, décidant que faute d'avoir reçu du législateur une délégation précise, le bureau ne peut exercer cette prérogative qu'a minima et ne dispose, en la matière, que d'un pouvoir de constatation. Plus précisément, puisqu'un simple constat n'est pas un pouvoir en soi, le bureau a le pouvoir de tirer les conséquences de ses propres constatations, lorsque l'évidence s'impose à tous.

Dans le cas particulier de la privation des droits de vote, en application de l'article L. 233-14 du Code de commerce, lorsque le constat du bureau porte sur l'absence de déclaration du franchissement de seuil par un actionnaire, les conséquences sont simples car l'évidence n'est pas contestable : la sanction, qualifiée d'"automatique" par la doctrine, de l'article L. 233-14 s'applique et le bureau ne rencontrera aucune difficulté quant à la privation des droits de vote. Ainsi que le rappelle la décision du tribunal de commerce de Nanterre, "le bureau peut user de son pouvoir de police pour constater matériellement l'absence avérée de déclaration de franchissement de seuil et appliquer les mesures matérielles de privation des droits de vote". L'arrêt de la cour d'appel de Paris parle, quant à lui, de devoir à la charge du bureau.

La solution est plus nuancée, lorsqu'il est reproché à plusieurs actionnaires, pressentis comme agissant de concert, de ne pas avoir déclaré cette action, conformément à l'article L. 233-14 du Code de commerce.

B - Les limites précisées par la décision "Eiffage" en cas de défaut de déclaration de franchissement de seuil par des "concertistes potentiels"

La décision du tribunal de commerce de Nanterre, dans un tel cas de figure, est claire : "dans le cas d'un franchissement de seuil par des actionnaires agissant de concert, l'évidence ne pourra être invoquée que si un accord a été conclu en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote pour mettre en oeuvre une politique commune, vis-à-vis de la société, un tel accord pouvant être présumé en application de L. 233-10-II du Code de commerce (N° Lexbase : L6588HWW)".

En l'espèce, il était reproché au "bloc espagnol" d'agir de concert avec Sacyr, en vue d'imposer une nouvelle politique au sein de la société Eiffage. En effet, ces nouveaux actionnaires avaient acquis un certain nombre d'actions de la société leur garantissant, ensemble, la majorité, postérieurement au refus renouvelé des actionnaires de nommer des membres du conseil d'administration proposés par la société Sacyr et préalablement à l'assemblée du 18 avril 2007. La société Sacyr souhaitait, en réalité, que soit réalisé un rapprochement entre elle et la société Eiffage, qui venait de se voir attribuer le contrôle des Autoroutes Paris-Rhin Rhône.

Le tribunal poursuit en expliquant la procédure à suivre : soit l'accord est avéré, à savoir, son existence est connue, auquel cas, la privation des droits de vote est constatée par le bureau qui ne prend pas en compte, pour le calcul du quorum et de la majorité, les droits de vote objets de la privation, soit l'accord est présumé, par le jeu des cinq présomptions posées à l'article L. 233-10-II susvisé et la même solution s'applique également, la condition de l'évidence étant, dans ce cas encore, remplie.

Cependant, en l'espèce, l'accord n'était pas avéré. En effet, après que le bureau ait constaté qu'aucune déclaration de franchissement de seuil n'avait été effectuée, le président de séance a questionné les intéressés sur l'existence d'un accord, les réponses en retour ayant toutes été négatives (et indignées, par la même occasion). Le bureau aurait donc dû, alors, ainsi que l'expose le tribunal, rechercher si l'une des cinq présomptions légales étaient applicables au cas d'espèce, ce qu'il n'a pas fait, et c'est en cela que son action a été censurée. En effet, selon lui "l'accord n'étant ni avéré, ni présumé, le bureau n'avait pas le pouvoir de réunir les éventuelles preuves d'une supposée action de concert ni d'apprécier les indices, qu'il ne lui appartenait pas de qualifier une situation juridique qu'il n'avait aucun pouvoir pour analyser ; qu'une telle qualification ne peut être dévolue qu'à une autorité de nature juridictionnelle soumise au principe d'impartialité et du respect des droits de la défense". Ainsi, en toute logique et avec bon sens, les juges soulignent qu'une telle situation conflictuelle ne peut être traitée que par une juridiction, puisqu'elle seule présente les garanties nécessaires au procès équitable, droit fondamental par excellence.

Cette nécessité est, d'ailleurs, illustrée par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 233-14 du Code de commerce qui prévoit, qu'outre la privation automatique des droits de vote, "le tribunal de commerce [...] peut, [...] sur demande du président de la société, d'un actionnaire ou de l'[AMF], prononcer la suspension totale ou partielle, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, de ses droits de vote à l'encontre de tout actionnaire qui n'aurait pas procédé aux déclarations [...] pendant la période de douze mois suivant sa publication". Or cette action n'a pas non plus été intentée en l'espèce, ce que note le tribunal de commerce de Nanterre.

La solution du tribunal vient en totale contradiction avec l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui avait eu à connaître de la contestation formulée par le "bloc espagnol" de l'ordonnance rendue par le juge des référés. La cour avait, en effet, estimé, après avoir relevé que les présomptions fixées à l'article L. 233-10, qui ont une caractère simple, ne trouvaient pas à s'appliquer au litige, que les éléments présentés dans la lettre lue à l'assemblée générale constituaient des faits objectifs et avérés, la décision du bureau n'étant de ce fait pas arbitraire, celui-ci agissant comme un "premier juge de l'évidence". La cour qualifiant les indices de l'existence apparente d'un concert comme "graves, précis et concordants", souligne l'automaticité de la privation des droits de vote en l'absence de décision arbitraire du bureau et distingue entre le droit de participer à l'assemblée, qui a été respecté en l'espèce, et celui de voter. Les indices en question étaient les suivants : le pourcentage de participation d'un des présumés concertistes, le chiffre d'affaires et le coût estimé d'actions de la société par l'actionnaire appelant, la concomitance des acquisitions et les prix et volume acquis. En outre, les juges estimaient intéressant de relever que le conseil d'un des présumés concertistes a indiqué qu'"il s'agit d'une atteinte à nos droits d'actionnaire", avant de quitter la salle avec les représentants d'un autre actionnaire.

Le tribunal de commerce ne semble donc pas adhérer à la théorie de la cour d'appel, selon laquelle le bureau est le "premier juge de l'évidence". En effet, soit l'évidence n'est pas contestable en raison d'un accord avéré ou présumé selon les règles légales, auquel cas elle ne peut qu'être constatée, la privation des droits de vote étant automatique, soit l'accord n'est ni avéré, ni présumé, auquel cas l'évidence, finalement, n'existe pas et il convient d'apprécier les indices réunis, ce qui n'est pas du pouvoir du bureau, puisqu'il ne présente aucune garantie juridictionnelle.

Le tribunal de commerce de Nanterre a, donc, jugé la décision du bureau de priver de droits de vote les actionnaires formant le "bloc espagnol" irrégulière et l'a, par conséquent, annulée. Restait pour lui à déterminer les conséquences de cette annulation sur la régularité des délibérations prises lors de l'assemblée générale.

II - Conséquences de la décision irrégulière du bureau de supprimer les droits de vote de certains actionnaires sur la régularité des délibérations prises par l'assemblée générale

La décision du bureau de priver le "bloc espagnol" de ses droits de vote a eu pour conséquence logique que les actionnaires en question n'ont pu participer au vote des résolutions soumises à l'assemblée. Rappelant le principe selon lequel le droit de participer à l'assemblée générale est un droit fondamental incluant celui de participer au vote des résolutions (A), le tribunal annule les délibérations prises par l'assemblée au cours de laquelle le droit de vote a été supprimé (B).

A - Affirmation du principe selon lequel le droit fondamental de participer à l'assemblée générale emporte celui du droit de voter en assemblée

Le tribunal de commerce de Nanterre rappelle, en premier lieu, les dispositions générales impératives de l'article 1844, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG), applicables à toutes les formes de sociétés, selon lesquelles "tout associé a le droit de participer aux décisions collectives" et celles plus spéciales des articles L. 225-113 (N° Lexbase : L5984AIH) et L. 225-122 (N° Lexbase : L5993AIS) du Code de commerce, applicables aux sociétés anonymes. Aux termes de l'article L. 225-113, "tout actionnaire peut participer aux assemblées générales extraordinaires et tout actionnaire possédant des actions visées à l'article L. 225-99 peut participer aux assemblées spéciales", toute clause contraire étant réputée non écrite, et aux termes de l'article L. 225-122, "sous réserve des dispositions des articles L. 225-10, L. 225-123, L. 225-124, L. 225-125 et L. 225-126, le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu'elles représentent et chaque action donne droit à une voix au moins", toute clause contraire étant, également, réputée non écrite.

Sur le fondement de ces articles, le tribunal caractérise une "atteinte [au] droit fondamental" qu'est le droit de participation aux assemblées générales, en ce que la privation des droits de vote n'a pu assurer aux actionnaires "la pleine participation au vote des résolutions de l'assemblée générale".

Ce faisant, les juges ne retiennent pas l'argumentation soutenue par la société Eiffage, selon laquelle le droit de participer à l'assemblée générale n'emporte pas celui de voter. Ces derniers se prévalaient, en réalité, de la jurisprudence dite "de Gaste", qui distinguait la participation à l'assemblée du vote (6), dans le cas du démembrement de propriété de droits sociaux. Cette jurisprudence est tombée en désuétude, depuis l'arrêt de principe "Château d'Yquem" (7) rendu dans le cadre de la privation des droits de vote d'un associé de SAS quant à son exclusion de la société, confirmé par l'arrêt, plus récent du 23 octobre 2007, de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (8), qui décident que "tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions" cette dérogation ne pouvant être réalisée "que dans les cas prévus par la loi" (9).

Ainsi, le tribunal de commerce de Nanterre rappelle, dans sa décision, la force du principe posé par l'article 1844 du Code civil, ce texte devant être compris comme emportant le droit pour tout actionnaire "de participer et de voter".

B - Nullité des délibérations de l'assemblée générale consécutivement au prononcé de la nullité de la décision du bureau de priver de droits de vote certains actionnaires

Ainsi que le rappelle le tribunal de commerce de Nanterre, l'article L. 235-2-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L1393HIG) sanctionne par la nullité "les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions". En application de cet article, et parce que les actionnaires constituant le "bloc espagnol" ont été privés de leurs droits de vote, le tribunal prononce la nullité des délibérations de l'assemblée générale au cours de laquelle ces droits de vote n'ont été comptabilisés, ni dans le quorum, ni dans la majorité.

Le tribunal décide, toutefois, d'accorder à la société un délai de quatre mois pour régulariser les délibérations litigieuses, ainsi que le prévoit l'article L. 235-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L6341AIP), le droit des sociétés, en général, et les juges, en particulier, étant frileux à prononcer la "nullité définitive".


(1) CA Paris, 25 janvier 1972, Bull. Joly 1972, p. 232 et V., également, QE n° 13768 de Mme Grzegrzulka Odette, JOANQ, 4 mai 1998, p. 2440, Emploi et Solidarité, réponse publ., 16 novembre 1998, p. 6280, 11ème législature (N° Lexbase : L0090BDP).
(2) V., notamment, CA Paris, 1ère ch., sect. A, 18 novembre 2003, n° 2003/11913, Société CNIM Construction industrielle de la Méditerranée ANO SA c/ Société IDI (N° Lexbase : A7050DAD).
(3) CA Versailles, 14ème ch., 27 juin 2007, n° 07/04540 (N° Lexbase : A5778DZZ).
(4) Décision AMF n° 207C1202, 26 juin 2007, Eiffage (Eurolist) (N° Lexbase : L8568H3Q).
(5) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 2 avril 2008, n° 2007/11675, Société Sacyr Vallehermoso SA e.a. c/ Société Eiffage SA (N° Lexbase : A7352D7G) et lire J.-B. Lenhof, Action de concert dans l'affaire "Eiffage" et respect de la procédure : nouvelle annulation d'une décision de l'Autorité des marchés financiers, Lexbase Hebdo n° 303 du 3 avril 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8797BEK).
(6) Cass. com., 4 avril 1994, n° 91-20.256, Consorts de Gaste et autre c/ M. Paul de Gaste (N° Lexbase : A4835AC3).
(7) Cass. com., 9 février 1999, n° 96-17.661, Société du Château d'Yquem c/ Mme de Chizelle et autres (N° Lexbase : A8033AGM).
(8) Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.537, M. Jacques D'Hem, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8236DYP).
(9) Pour un commentaire de ces arrêts, lire J.-B. Lenhoff, Difficultés d'application de la jurisprudence "Château d'Yquem" à une SAS ou, comment certains arrêts mériteraient de vieillir aussi bien que le Sauternes, Lexbase Hebdo n° 285 du 12 décembre 2007- édition privée générale (N° Lexbase : N4074BDA).

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Licenciement

[Jurisprudence] Transaction et sécurisation des procédures : l'équation est-elle vraiment parfaite ?

Réf. : Cass. soc., 15 mai 2008, 2 arrêts, n° 07-40.576, F-D (N° Lexbase : A5419D89) et n° 07-40.627, F-D (N° Lexbase : A5420D8A) ; Cass. soc., 14 mai 2008, n° 07-40.946, FS-P+B (N° Lexbase : A5424D8E)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 26 Janvier 2024

La transaction présente un vif intérêt théorique et pratique, dans la mesure où elle permet de régler, hors la présence du juge et de manière, en principe, définitive, un différend privé portant sur des droits disponibles. Mais la sécurité recherchée est-elle toujours au rendez-vous ? Parfois, mais pas toujours, serait-on tenté de répondre. C'est ce bilan en demi-teinte qu'illustrent trois arrêts rendus les 14 et 15 mai 2008 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui rappelle que les concessions consenties par les parties ne doivent pas être dérisoires (I), que la transaction conclue en des termes généraux à vocation à s'appliquer, interdisant ensuite à l'employeur de réclamer au salarié des sommes qu'il aurait "oubliées" (II) et que les tiers à une transaction peuvent l'invoquer à leur profit si elles leurs sont favorables (III).

Résumés

Pourvoi n° 07-40.576 : la cour d'appel, ayant examiné les indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celles dues en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, a pu estimer, sans trancher le litige auquel la transaction devait mettre fin, que le montant stipulé dans la transaction, inférieur à deux mois de salaire, était dérisoire et ne constituait pas une véritable concession de la part de l'employeur.

Pourvoi n° 07-40.627 : doit recevoir application la transaction rédigée en des termes généraux par laquelle les parties se reconnaissaient quittes et libérées l'une envers l'autre, tous comptes se trouvant définitivement réglés et apurés entre elles pour toute cause que ce soit, et ce dans la mesure où rien ne restreignait la portée de ladite transaction.

Pourvois n° 07-40.946 à 07-41.061 : si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent, néanmoins, invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction. La cour d'appel ayant retenu que les salariés avaient entendu renoncer expressément, dans la transaction conclue avec la société Alstom, à toute demande indemnitaire relative à leur licenciement, le moyen pris de la violation des articles 1165 (N° Lexbase : L1267ABK) et 2049 à 2052 (N° Lexbase : L2294ABL) du Code civil est inopérant, dès lors que leur action, si elle a été déclarée à tort irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, ne pouvait, cependant, aboutir, en présence de la renonciation à leurs droits, dont le liquidateur judiciaire de la société SIE était fondé à se prévaloir.

Commentaire

I - L'office du juge et le contrôle du caractère non dérisoire des concessions consenties

  • Application de la transaction en droit du travail

Jusqu'à sa réglementation par le droit du travail (1), les parties qui entendaient régler les éventuels différends pouvant naître à l'occasion de la rupture du contrat de travail avaient recours au reçu pour solde de tout compte, document par lequel le salarié attestait avoir reçu de son employeur certaines sommes et reconnaissait avoir été intégralement rempli dans ses droits. Le législateur est intervenu pour permettre au salarié de contester, dans les deux mois de la remise du reçu, sa signature, ce qui lui ouvrait, alors, la voie d'une contestation judiciaire. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 N° Lexbase : L1304AW9) a supprimé le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, mais, l'accord de modernisation du marché du travail, conclu par les partenaires sociaux le 11 janvier 2008, projette de lui restituer cet effet libératoire, tout en étendant à six mois la période de contestation (article 11).

Les parties contractantes disposent, également, de la faculté de conclure une transaction, selon les termes des articles 2044 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE). Quoique non prévue par le Code du travail, ce contrat de droit commun, auquel renvoie classiquement le Code du travail (2), a été déclaré recevable en droit du travail (3), même si la concurrence créée avec la réglementation du reçu a pu en faire valablement douter (4).

  • Exigence de concessions réciproques

Bien qu'elle ne figure pas expressément dans les dispositions du Code civil, l'existence de concessions réciproques constitue une condition de validité de la transaction. Elle participe, en effet, de sa nature même, qui est de mettre un terme à un différend en amenant chaque partie à renoncer à une partie de ses prétentions, en échange d'une renonciation correspondante de l'autre et ce, pour mettre fin à leur différend (5).

  • Contrôle induit par l'exigence de concessions réciproques

Pour qu'il puisse utilement contrôler l'existence de concessions réciproques, le juge doit nécessairement déterminer, préalablement à tout contrôle, l'étendue des droits des parties auxquels elles renoncent, en tout ou partie, dans le cadre de la transaction. Non seulement le juge doit s'assurer que les parties ont renoncé à certaines de leurs prétentions, mais il doit, également, s'assurer que cette renonciation n'est pas dérisoire, étant admis, en droit civil, que ce qui est dérisoire doit être traité comme inexistant et entraîner l'annulation de la transaction.

Ainsi, lorsque la transaction est intervenue après un licenciement (6), le juge doit vérifier l'existence des motifs invoqués par l'employeur, même s'il n'a pas à s'interroger sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement (7). Mais, si le juge n'a pas à s'interroger sur la qualification des faits visés dans la transaction au regard de l'exigence de justification du licenciement, il contrôle tout de même d'autres éléments de qualification, ce qui impose aux parties de motiver leur transaction pour favoriser ce contrôle (8). Le juge examinera, ainsi, si la procédure du licenciement a bien été respectée par l'employeur, singulièrement si la lettre de licenciement était suffisamment motivée (9). Le juge vérifiera, également, la qualification juridique apportée par les parties aux faits visés dans la transaction et ce, pour déterminer le régime indemnitaire auquel le salarié pouvait prétendre ; les parties ne pourront pas, ainsi, bâtir leur transaction sur une qualification erronée de faute disciplinaire (10).

Une fois ce travail de contrôle opéré sur le respect des procédures et la qualification juridique des faits visés par les parties, le juge se contentera de s'assurer que les concessions consenties par les parties et, singulièrement, par l'employeur, ne sont pas dérisoires.

  • L'affaire

C'est cette analyse qui avait conduit les magistrats de la cour d'appel de Versailles, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rendu le 15 mai 2008 (pourvoi n° 07-40.576), à annuler la transaction litigieuse.

Dans cette affaire, un salarié, licencié pour faute grave, avait obtenu une indemnité transactionnelle, au titre de l'indemnisation des conséquences de la rupture, d'un montant de 4 500 euros, correspondant à, environ, deux mois de salaire. La cour d'appel de Versailles avait considéré cette indemnité comme dérisoire et avait annulé la transaction, ce qui ouvrait toutes grandes les portes du réexamen de la situation des parties.

L'employeur, qui tentait d'obtenir la cassation de l'arrêt, faisait valoir, dans son pourvoi, le caractère non dérisoire des concessions et prétendait que le juge devait se déterminer de manière concrète, en comparant les prétentions respectives des parties au moment de la conclusion de la transaction ; or, licencié pour faute grave, le salarié n'avait droit à rien, ce qui suffisait à établir l'existence de concessions suffisantes consenties par l'employeur, qui avait accepté de lui verser l'indemnité litigieuse correspondant à environ deux mois de salaires.

L'argumentation n'a pas convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi, après avoir considéré que "la cour d'appel, ayant examiné les indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celles dues en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, a pu estimer, sans trancher le litige auquel la transaction devait mettre fin, que le montant stipulé dans la transaction, inférieur à deux mois de salaire, était dérisoire et ne constituait pas une véritable concession de la part de l'employeur".

  • Précisions apportées sur la méthode d'évaluation du caractère suffisant des concessions réciproques

L'arrêt nous livre donc un enseignement dont les employeurs, et leurs conseils, devront tenir compte. La détermination du caractère dérisoire peut, en effet, se réaliser abstraitement, sans qu'il soit utile de s'intéresser ni aux données de l'espèce, qui sont protégées par l'existence de l'accord transactionnel, ni aux prétentions respectives des parties dans la négociation de l'accord. Le juge pourra, ainsi, simplement considérer en soi le montant de l'indemnité transactionnelle, en la comparant aux droits du salarié. Or, il apparaît que l'indemnité transactionnelle était, dans cette affaire, très proche, dans son montant, du total des différentes indemnités auxquelles le salarié pouvait prétendre, même en admettant qu'il ait commis une faute grave (11), et très éloignée de ce qu'il aurait pu prétendre percevoir s'il avait établi l'absence de faute grave (12). Dans ces conditions, il apparaissait que le salarié avait renoncé de manière importante, en comparaison des sommes qu'il aurait pu revendiquer en faisant établir judiciaire l'absence de faute grave, mais pas l'employeur qui n'avait consenti aucune concession sérieuse en versant au salarié une indemnité très proche de ses prétentions initiales.

  • La confirmation d'un courant jurisprudentiel sévère pour les employeurs

La jurisprudence livre de nombreux exemples de concessions admises comme suffisantes, ou non. Ainsi, a été jugée suffisante la transaction dans laquelle "la salariée, ayant trouvé un nouvel emploi, demandait à quitter l'entreprise" à une date donnée, car "les parties avaient consenti des concessions réciproques, dès lors que l'employeur autorisait la salariée à quitter l'entreprise sans effectuer son préavis et la libérait de sa clause de non-concurrence et que celle-ci renonçait à percevoir le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés, correspondant à un mois de salaire en contrepartie de l'inexécution de son préavis" (13).

En revanche, a été jugée dérisoire l'indemnité transactionnelle d'un montant faiblement supérieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement (14), ou d'un montant de 2 100 francs (environ 320 euros) (15), 3 000 francs environ (environ 457 euros) (16), 5 000 francs (environ 762 euros) (17), ou, encore, 6 000 francs (environ 914 euros) versée à un salarié, en contrepartie de la signature d'une clause de non-concurrence d'une période de deux ans (18). En revanche, un somme de 9 760 francs (environ 1 487 euros) a été jugée suffisante pour un salarié ayant, par ailleurs, perçu une indemnité conventionnelle de licenciement, alors qu'il avait une ancienneté de plus de trente ans et un salaire mensuel de plus de 20 000 francs (environ 3 048 euros) (19).

Cette décision s'inscrit donc dans cette lignée. Certaines sommes semblent intrinsèquement dérisoires, qui plus est lorsque le salarié pouvait, compte tenu des droits qu'ils tiraient possiblement de sa situation, espérer beaucoup plus. Même si le montant non dérisoire n'a pas à être déterminé en référence à la moyenne des prétentions respectives des parties, on peut considérer que l'indemnité transactionnelle, qui s'éloignerait trop de cet entre-deux, risque d'être facilement qualifiée de dérisoire, et d'entraîner l'annulation de la transaction.

II - L'office du juge et la portée de la transaction conclue en des termes généraux

  • Portée d'une transaction rédigée en des termes très généraux

L'article 2052 du Code civil (N° Lexbase : L2297ABP) reconnaît à la transaction, "entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort".

Cette autorité est, toutefois, relative, comme le précise, d'ailleurs, l'article 2048 du Code civil (N° Lexbase : L2293ABK), aux termes duquel "les transactions se renferment dans leur objet ; la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu". L'article 2049 du Code civil ajoute, d'ailleurs, pour renforcer la relativité de l'autorité s'attachant à la transaction, que "les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé". (20)

La question de la portée des transactions rédigées en des termes très généraux a divisé la jurisprudence et conduit la Chambre sociale de la Cour de cassation à résister, discrètement mais sûrement, à l'arbitrage de l'Assemblée plénière. Cette dernière a, en effet, décidé, en 1997, et s'agissant du sort d'une prime d'intéressement dont le quantum avait été fixé postérieurement à la conclusion d'une transaction, que la transaction libellée en des termes généraux interdisait toute contestation ultérieure entre les parties (21).

Or, dans les mois qui ont suivi, la Chambre sociale de la Cour de cassation a adopté, s'agissant des primes d'intéressement, une analyse moins stricte et a admis que le salarié pouvait, encore, saisir le juge prud'homal, après avoir relevé "qu'aucune disposition de la transaction n'excluait le droit du salarié à un intéressement et à une participation aux résultats de l'entreprise [...] et que, lors de la transaction, son montant n'était ni déterminé ni déterminable pour l'exercice en cours, ce dont il résultait que ce droit ne pouvait être compris dans l'objet de la transaction" (22).

Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, en effet, la transaction conclue au moment du licenciement ne peut concerner que les droits qui naissent de la rupture du contrat de travail, et seulement ceux-ci ; le salarié protégé, qui transige avec son employeur, ne pourra donc plus réclamer ultérieurement sa réintégration, car celle-ci a été conclue "en vue de réparer tant les conséquences du licenciement lui-même que celles de son irrégularité" (23). En revanche, les créances, qui pourraient naître postérieurement et indépendamment de la rupture du contrat de travail, n'entrent pas dans le champ d'une transaction formulée en des termes très généraux et conclue à l'occasion du licenciement du salarié ; seule une mention particulière désignant ces créances futures sera de nature à empêcher le salarié de les réclamer en justice (24). Une même solution explique que, à défaut de clauses particulières, la clause de non-concurrence n'est pas affectée par la transaction conclue pour régler les conséquences indemnitaires d'un licenciement (25).

La conclusion d'une transaction rédigée en des termes très généraux ne s'oppose donc pas, non plus, à l'exercice d'une priorité de réembauchage ; ce droit n'est, en effet, qu'éventuel à la date de signature de la transaction, puisque le salarié peut ne pas demander à en bénéficier, et elle ne "répare pas" les conséquences du licenciement, dans la mesure où elle s'exerce indépendamment du caractère justifié, ou non, du licenciement pour motif économique (26). Dans le même sens, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a, également, considéré que la transaction conclue entre un bailleur et le locataire portant sur les droits et obligations de ce dernier ne concernait pas le sort du droit de préemption, car cette "situation [...] n'existait pas encore" au moment de sa conclusion (27).

  • Solution en l'espèce

En l'espèce (pourvoi n° 07-40.627), une transaction avait été conclue après un licenciement et stipulait que les parties se reconnaissaient quittes et libérées l'une envers l'autre pour toute cause que ce soit. Or, l'employeur avait réclamé ultérieurement à son ancien salarié le paiement d'une somme correspondant au prêt qu'elle lui avait consenti et aux intérêts. La cour d'appel avait condamné le salarié, considérant que l'employeur n'avait pas expressément renoncé, dans la transaction, au remboursement des prêts qu'elle avait consentis au salarié, et qu'il convenait d'interpréter la formule contractuelle comme ne devant s'appliquer qu'à "leurs droits et obligations réciproques nés du contrat de travail". Cet arrêt est cassé, la Chambre sociale de la Cour de cassation considérant, au contraire, que "les prêts antérieurement consentis [...] étaient nécessairement inclus dans la transaction dont l'article 7 stipulait que les parties se reconnaissaient quittes et libérées l'une envers l'autre, tous comptes se trouvant définitivement réglés et apurés entre elles pour toute cause que ce soit et que rien ne restreignait la portée de ladite transaction".

  • Une solution justifiée par le caractère déterminable, au moment de la conclusion de la transaction, des créances concernées

Cette solution est parfaitement justifiée et conforme à l'autorité qui s'attache aux transactions. Il serait, d'ailleurs, simpliste de considérer que la Haute juridiction sait se montrer sévère lorsque ce sont les employeurs qui tentent d'éluder une transaction, alors qu'elle se montre permissive dans l'hypothèse où ces mêmes demandes émanent de salariés. Dans les affaires concernant des demandes émanant de salariés, il s'agit toujours de droits futurs arrivant à échéance après conclusion de la transaction et, souvent, de créances complexes dont les salariés ignorent, parfois, l'existence ou le montant exact, au moment où ils sont licenciés ; les exclure de la transaction semble donc nécessaire pour éviter l'arbitraire. Mais, s'agissant de la renonciation de l'employeur à percevoir le solde du remboursement d'un prêt consenti au salarié, on ne voit pas quel argument pourrait justifier pareille demande, présentée en marge d'une transaction conclue en des termes très généraux, dès lors que le plan de remboursement est établi dès le départ et bien connu des parties.

III - Office du juge et invocabilité par les tiers des transactions qui leur sont favorables

  • Position des tiers

L'effet relatif de la transaction, même à l'égard de tiers relatifs, résulte des termes de l'article 2051 du Code civil : "La transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux".

La transaction n'oblige donc pas les tiers. Ainsi, la transaction conclue par l'employeur et le salarié ne lie pas l'Assedic, qui peut demander le remboursement des allocations de chômage, dès lors que le licenciement apparaît comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme le prévoit l'article L. 1235-4 du Code du travail (28) ; pour les mêmes raisons, la transaction conclue par la victime et le responsable ne saurait conduire à aggraver la dette de l'assureur de responsabilité (29).

La transaction ne peut davantage leur profiter directement ; ainsi, une Caisse régionale de Sécurité sociale ne saurait se prévaloir de la transaction conclue par une caisse primaire (30).

En revanche, la transaction peut profiter indirectement aux tiers qui peuvent se prévaloir de la situation juridique qu'elle a créée. Il en ira de même lorsqu'un différend commercial a été éteint (31) ou que l'extinction de la dette s'étend par ricochet à celle du débiteur solidaire ou de l'assureur (32).

Les contrats valablement formés créent, toutefois, une situation juridique nouvelle qui est, en tant que telle, opposable aux tiers. A ce titre, ces derniers ne doivent rien faire pour aider l'une des parties à se soustraire à ses propres obligations. Ce principe vaut logiquement pour la transaction (33), dès lors qu'elle a été valablement exécutée (34) et les tiers ne pourront prétendre justifier leurs propres manquements en se fondant sur une transaction à laquelle ils n'ont pas été partie (35).

  • L'affaire

Dans cette affaire (pourvois n° 07-40.946 à 07-41.061), cent seize salariés avaient été licenciés peu de temps après le transfert de leur entreprise. Leur nouvel employeur ayant été mis en liquidation judiciaire, ils avaient assigné, dans le cadre de deux procédures distinctes, à la fois leur ancien employeur, en contestant les conditions du transfert de leur établissement au regard des exigences posées pour l'application de l'ancien article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY, art. L. 1224-1, recod. N° Lexbase : L9765HWL), et leur employeur actuel, pour obtenir sa condamnation, ainsi que l'AGS, en paiement de dommages et intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse.

Le différend les opposant au cédant avait été réglé par une transaction dans laquelle les salariés renonçaient à toute nouvelle action portant sur les conséquences de leur licenciement. Les salariés avaient, toutefois, poursuivi leur action contre le cessionnaire de l'entreprise, c'est-à-dire leur employeur, pour obtenir réparation des préjudices causés par leurs licenciements. Ce dernier leur opposait les termes mêmes de la transaction, conclue avec le cédant, pour tenter de faire déclarer leurs demandes irrecevables.

La cour d'appel avait donné raison à l'employeur et elle avait déclaré les demandes formulées par les salariés irrecevables, en se fondant sur l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la transaction conclue avec leur ancien employeur.

Dans leurs pourvois, les cent seize demandeurs se fondaient précisément sur l'effet relatif de la transaction pour empêcher leur nouvel employeur d'en invoquer les termes, car il était bien entendu demeuré étranger à l'accord qui avait été signé avec l'entreprise cédante dans le cadre de l'autre procédure.

Or, ces pourvois sont rejetés. Après avoir rappelé le principe selon lequel "l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus", la Chambre sociale de la Cour de cassation affirme que "ces mêmes tiers peuvent, néanmoins, invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction", après avoir écarté l'argument erroné tiré de l'autorité de la chose jugée qui ne vaut qu'entre les parties à la transaction.

  • Une solution classique

Cette affirmation nous semble conforme aux principes qui gouvernent les rapports des tiers aux actes auxquels ils ne sont pas partie, singulièrement en matière de transaction. Le principe de l'effet relatif protège, en effet, les tiers en s'opposant à ce que des obligations mises à leur charge puissent naître d'un acte auquel ils n'ont pas participé. En revanche, ils peuvent valablement invoquer à leur profit ce même acte, dès lors que le respect de la transaction, qui leur est favorable, conduit à imposer à l'une des parties le respect de ses propres obligations. C'est pour cette raison que la jurisprudence affirme, classiquement, que la transaction conclue entre un codébiteur et le créancier peut valablement être invoquée à son profit par un autre codébiteur (36).

  • Une solution de bon sens

La cour d'appel avait, dans cette affaire, parfaitement mesuré les enjeux de l'action engagée contre le cessionnaire de l'entreprise, qui avait procédé au licenciement des salariés. Certes, la transaction destinée à régler le différend né des licenciements prononcés par le cessionnaire avait été conclue avec le cédant, et non le cessionnaire. Mais, en réalité, il s'agissait bien du même différend réglé, en quelque sorte, pour le compte d'un tiers. Dès lors, il semblait logique que la renonciation à agir, stipulée dans la transaction, profite au tiers.


(1) Loi du 8 octobre 1946, modifiée par la loi du 31 décembre 1953.
(2) C. trav., art. L. 1234-20 . La localisation du renvoi au droit commun dans le nouveau plan du Code du travail pourrait, d'ailleurs, relancer le débat sur la licéité du recours à la transaction, car le nouvel article L. 1221-1 du Code du travail se trouve placé dans une division du code consacrée à la formation du contrat de travail, et non plus dans un chapitre consacré à des dispositions générales.
(3) Cass. soc., 18 mai 1953, Dr. soc., 1953, p. 602.
(4) Pour Brun et Galland, d'ailleurs, le recours à la transaction est plus favorable que le reçu, qui ne constate qu'une renonciation unilatérale de la part du salarié, alors que, dans la transaction, la renonciation est bilatérale (Droit du travail, tome 1, Les rapports individuels de travail, Sirey, 2ème éd., 1978, n° 626, p. 794).
(5) Cass. soc., 13 novembre 1959, JCP éd. G, 1960, II, 11450, note G.H. Camerlynck.
(6) On sait qu'elle doit impérativement intervenir après la notification de celui-ci (Cass. soc., 29 mai 1996, n° 92-45.115 N° Lexbase : A3966AA7, Dr. soc., 1996, p. 684, note J. Savatier ; D., 1997, p. 49, note J.-P. Chazal).
(7) Cass. soc., 27 février 1996, n° 92-44.997 (N° Lexbase : A2470AGL), RJS, 1996, n° 405 ; Cass. soc., 14 juin 2000, n° 97-45.065 (N° Lexbase : A3557AUB), Dr. soc., 2001, p. 27, chron. G. Couturier : "le juge ne peut, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette dernière avait pour objet de clore en se livrant à un examen des éléments de faits et de preuve pour déterminer le bien-fondé du motif du licenciement économique du salarié" ; Cass. soc., 23 janvier 2001, n° 98-41.992 (N° Lexbase : A2287AIK), Dr. soc., 2001, p. 320, obs. G. Couturier ; Cass. soc., 29 novembre 2006, n° 05-43.414, F-D (N° Lexbase : A7898DSC) ; Cass. soc., 26 avril 2007, n° 06-40.718, F-P (N° Lexbase : A0696DWP) (salarié inapte licencié pour un motif économique), et les obs. de S. Martin-Cuenot, Transaction sur licenciement nul est également annulée, Lexbase Hebdo n° 260 du 16 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0740BBZ).
(8) Cass. soc., 23 janvier 2001, n° 98-41.992, préc..
(9) Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 03-46.446, F-D (N° Lexbase : A4257DQQ).
(10) Cass. soc., 6 avril 1999, n° 96-43.467 N° Lexbase : A4610AGT), Dr. soc., 1999, p. 641, obs. B. Gauriau : "le juge peut, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, restituer aux faits énoncés dans la lettre de licenciement leur véritable qualification" (transaction visant des faits comme étant susceptibles de justifier un licenciement pour faute grave, alors qu'il ne s'agissait que d'insuffisance professionnelle, qui n'est jamais constitutive d'une faute) ; Cass. soc., 18 décembre 2001, n° 99-40.649, FS-P (N° Lexbase : A7222AXR), Dr. soc., 2002, p. 360, obs. B. Gauriau ("faits susceptibles de recevoir la qualification de faute grave") ; Cass. civ. 1, 25 mai 2005, n° 02-15.938, F-D (N° Lexbase : A4137DI3) : "Mais attendu, d'abord, que les juges du fond qui, non tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, devaient rechercher le caractère réel ou non des concessions contenues dans la transaction au moment de sa signature, ont relevé que le préjudice des consorts Y... résultait du dol commis par les époux X... et n'équivalait pas à la différence entre le stock réel et celui faussement indiqué lors de la vente ; qu'ils n'ont ainsi fait que restituer aux faits énoncés leur véritable qualification, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à la transaction".
(11) Compensation de la perte des congés payés, rappels de salaires ou de primes, compensation des repos compensateurs non pris, etc..
(12) Indemnité de préavis, de licenciement, pour absence de cause réelle et sérieuse.
(13) Cass. soc., 1er décembre 2004, n° 02-46.341, F-P+B (N° Lexbase : A1259DED), Bull. civ. V, n° 317.
(14) Cass. soc., 10 juillet 2001, n° 99-43.376 (N° Lexbase : A1798AU7).
(15) Cass. soc., 14 juin 2000, n° 98-42.304, inédit (N° Lexbase : A2160CT8).
(16) Cass. soc., 20 novembre 2001, n° 99-44.817, F-D (N° Lexbase : A2265AX8).
(17) Cass. soc., 28 novembre 2000, n° 98-43.635 (N° Lexbase : A9446AHC), Bull. civ. V, n° 399.
(18) Cass. soc., 18 mai 1999, n° 96-44.628 (N° Lexbase : A4655AGI), Bull. civ. V, n° 223.
(19) Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41.501, F-D (N° Lexbase : A5292A77).
(20) Sur l'effet de transaction, voir notre étude, Les effets de la transaction, dans La transaction dans toutes ses dimensions, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2006, p. 87 s..
(21) Ass. plén., 4 juillet 1997, n° 93-43375 (N° Lexbase : A0745CAT), Dr. soc., 1997, p. 978, obs. G. Couturier ; JCP éd. G,1997, II, 22952, note D. Corrignan-Carsin.
(22) Cass. soc., 9 mars 1999, n° 96-43602, publié (N° Lexbase : A7437CGK), Bull. civ. V, n° 107.
(23) Cass. crim., 3 mai 1994, n° 91-86.047 (N° Lexbase : A0229AZI), RJS, 1994, n° 1010.
(24) Cass. soc., 12 octobre 1999, n° 96-43.020 (N° Lexbase : A4619AG8), Dr. soc., 1999, p. 1108, obs. J. Mouly ; JCP éd. G, 2000, II, 10383, note C. Puigelier : "les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf dispositions expresses contraires, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d'un licenciement". Dans le même sens, Cass. soc., 1er mars 2000, n° 97-43.471 (N° Lexbase : A0415AZE).
(25) Cass. soc., 27 février 2007, n° 05-43.600, F-D (N° Lexbase : A4164DUR).
(26) Cass. soc., 14 mai 1997, n° 94-44.690, inédit (N° Lexbase : A1299CTB), RJS, 1997, n° 1091.
(27) Cass. civ. 3, 29 mars 2000, n° 98-17036, publié (N° Lexbase : A4219CKH), Bull. civ. III, n° 70.
(28) Cass. soc., 4 octobre 1995, n° 93-16.370 (N° Lexbase : A3973AAE), Bull. civ. I, n° 262 ; Cass. soc., 9 avril 2008, n° 06-43.537, F-D (N° Lexbase : A8753D7C).
(29) Cass. civ. 1, 27 octobre 1969, Bull. civ. I, n° 314.
(30) Cass. soc., 26 mai 1981, Bull. civ. V, n° 473.
(31) Cass. civ. 1, 25 février 2003, n° 01-00.890, FS-P (N° Lexbase : A3052A78), Bull. civ. V, n° 60.
(32) Cass. civ.1, 23 juin 1988, D., 1999, somm. 227, obs. H. Groutel.
(33) Cass. civ. 1, 7 juillet 1981, n° 80-14.533, publié (N° Lexbase : A4876CGP), Bull. civ. I, n° 250.
(34) Cass. civ. 1, 7 novembre 1995, n° 92-21.406 (N° Lexbase : A7417ABC), Bull. civ. I, n° 400.
(35) Cass. com., 14 février 1989, n° 86-13.876 (N° Lexbase : A7433AAK), Bull. civ. I, n° 67.
(36) Cass. civ. 1, 27 octobre 1969, D., 1970, p. 12 ; Cass. com., 28 mars 2006, n° 04-12.197, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8547DNU), D., 2006, p. 2381, note Thomat-Raynaud ; RDC, 2006, p. 808, obs. X. Lagarde : "un codébiteur solidaire peut invoquer la transaction intervenue entre le créancier commun et l'un de ses coobligés, dès lors qu'il en résulte pour ce dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier".

Décisions

1° Cass. soc., 15 mai 2008, n° 07-40.576, F-D (N° Lexbase : A5419D89)

(CA Versailles, 15ème ch., 30 novembre 2006)

Textes concernés : C. civ., art. 2044 s. (N° Lexbase : L2289ABE)

Mots clef : transaction ; validité ; concessions réciproques ; caractère non dérisoire.

Lien base :

2° Cass. soc., 15 mai 2008, n° 07-40.627, F-D (N° Lexbase : A5420D8A)

Cassation (CA Versailles,15ème ch., 7 décembre 2006)

Textes visés : C. civ., art. 2044 (N° Lexbase : L2289ABE), 2048 (N° Lexbase : L2293ABK) et 2049 (N° Lexbase : L2294ABL)

Mots clef : transaction ; portée ; termes généraux.

Lien base :

3° Cass. soc., 14 mai 2008, n° 07-40.946, FS-P+B (N° Lexbase : A5424D8E)

Rejet (CA Douai, ch. soc., 22 décembre 2006)

Textes concernés : C. civ., art. 2044 et s. (N° Lexbase : L2289ABE)

Mots clef : transaction ; tiers ; effet relatif ; limites ; invocabilité ; accord favorable.

Lien base :

newsid:319807

Contrat de travail

[Jurisprudence] Des difficultés naissant du cumul entre stage et période d'essai

Réf. : Cass. soc., 15 mai 2008, n° 07-42.289, M. Alexis di Stefano, F-D (N° Lexbase : A5436D8T)

Lecture: 6 min

N9810BE3

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Le cumul entre stage et période d'essai a toujours emporté de délicats problèmes d'interprétation. De par leurs différences d'objets, il était, souvent, défendu que ces deux phases initiant la relation de travail ne devaient pas pouvoir se cumuler, même si la Cour de cassation ne l'entendait pas toujours de cette oreille. L'arrêt rendu par la Chambre sociale le 15 mai 2008 apporte des précisions sur l'éventualité de ce cumul. Alors que les juges du fond s'étaient manifestement placés sur le terrain de la compatibilité de la période de stage et de la période d'essai, la Cour de cassation déplace le débat sur le caractère abusif de la rupture d'essai intervenue durant le stage (I). Si la solution est satisfaisante d'un point de vue juridique, il n'empêche qu'elle implique un encadrement encore un peu plus restrictif de la rupture de la période d'essai (II).
Résumé

Si l'employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, ce n'est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus. Pour apprécier l'absence d'abus, le juge doit s'assurer que l'employeur avait été en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié compte tenu de la durée pendant laquelle ce dernier avait exercé ses fonctions par rapport à celle des stages effectués en début de relation.

Commentaire

I - De l'impossibilité de cumul entre période d'essai et stage...

  • Les objets antagonistes du stage et de l'essai

La période d'essai, qui initie de très nombreux contrats de travail (1), a, parfois, du mal à se concilier avec des périodes de stage ou de formation auxquelles se soumet le salarié qui vient d'être engagé dans l'entreprise (2).

En effet, il est tentant de considérer que l'existence d'un stage en début de relation disqualifie la période d'essai, puisque ces deux mécanismes n'ont pas véritablement le même objet. D'un côté, le stage, ou la formation, a pour objectif de permettre au salarié d'améliorer ses qualifications professionnelles afin de pouvoir au plus vite s'adapter au poste de travail pour lequel il vient d'être recruté. Au contraire, la période d'essai ne comporte aucun objectif pédagogique. Elle constitue seulement une phase de test, d'expérimentation.

Cette différence peut, toutefois, être relativisée du fait que l'essai, comme la formation, comportent tous deux une phase d'évaluation du salarié. Si la formation doit normalement être sanctionnée par une évaluation des connaissances acquises par le salarié, l'essai fait, également, l'objet d'une évaluation des qualités professionnelles démontrées par le travailleur.

  • L'incompatibilité temporelle entre stage et essai

L'incompatibilité d'objet entre stage et essai se double d'une incompatibilité temporelle. La Cour de cassation décide, de manière invariable, que la période d'essai se situe au commencement de l'exécution de la prestation de travail (3). Le stage ou la formation n'étant habituellement pas considérés comme constituant des relations de travail (4), l'essai ne devrait pouvoir commencer à s'imputer qu'à leur issue.

La jurisprudence de la Chambre sociale demeure, néanmoins, versatile sur ce sujet. Le juge a tendance à considérer que le stage préalable à tout contrat de travail conserve une nature différente de l'essai (5), tandis qu'un stage opéré au début d'une relation de travail a, parfois, pu être considéré comme fondu dans la période d'essai (6). Nous avions déjà eu l'occasion de souligner l'incohérence d'une telle solution et, notamment, l'inconciliabilité de la faculté de rupture unilatérale de l'essai avec le caractère déterminé de toute convention de stage, ce caractère déterminé ayant, notamment, pour effet de priver les parties de toute faculté de résiliation unilatérale (7).

  • En l'espèce

L'espèce commentée confirme, pourtant, la possibilité d'opérer un cumul entre stage et essai.

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé en qualité de pompier dans un aérodrome, le contrat de travail étant assorti d'une période d'essai de deux mois. Durant les premiers jours de la relation, le salarié avait été soumis à une formation dans l'entreprise, puis à un stage externe. L'employeur mettait fin à la période d'essai du salarié la veille du dernier jour de stage (8). La cour d'appel validait cette rupture en estimant qu'elle était intervenue alors que le salarié était placé sous la subordination juridique de l'employeur et que la relation de travail avait commencé à s'exécuter.

La Chambre sociale casse cette décision au visa de l'article L. 122-4 du Code du travail (N° Lexbase : L5554ACP, art. L. 1231-1, recod. N° Lexbase : L9866HWC). Elle rappelle, d'abord, que l'employeur peut toujours rompre discrétionnairement la période d'essai avant son expiration, à condition de ne pas faire dégénérer ce droit en abus. Elle estime, ensuite, que la cour d'appel a violé l'article L. 122-4 du Code du travail en ne recherchant pas si "l'employeur avait été en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié compte tenu de la durée pendant laquelle ce dernier avait exercé ses fonctions par rapport à celle des stages".

Autrement dit, contrairement au raisonnement opéré par la cour d'appel, la Cour de cassation ne semble pas se placer sur le terrain du commencement d'exécution de la prestation de travail pour déterminer si les relations entre les parties entraient, ou non, dans le cadre d'une période d'essai. La Chambre sociale estime que les parties étaient bien dans la période d'essai, nonobstant les périodes de stage et de formation. Néanmoins, la rupture de la période d'essai ne doit pas être exercée abusivement, ce qui est le cas si l'employeur la prononce alors qu'il n'a pas été en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié.

II - ...au caractère abusif de la rupture d'essai durant le stage

Cette solution nous paraît devoir être approuvée en ce qu'elle permet d'affiner la définition de l'essai, mais, aussi, parce qu'elle tire les conclusions des évolutions récentes en matière de cumul d'essai et de stage.

  • Une définition restrictive de l'objet de l'essai

S'agissant de la définition de l'essai, rappelons que plane, depuis toujours, un doute sur le champ exact de son objet. La période d'essai est-elle destinée à apprécier la qualité de la relation de travail dans son ensemble ou, plus restrictivement, doit-elle se limiter à l'appréciation des qualités professionnelles du salarié ? La Cour de cassation paraît vouloir adopter un champ restreint de l'objet de l'essai, même si le faible degré de publicité de l'arrêt et le fait qu'il ait été rendu sans que la Présidente de la Chambre sociale ne siège imposent qu'une appréciation prudente soit portée sur la solution.

Une telle approche restrictive devrait donc empêcher que la rupture de la période d'essai soit prononcée pour des raisons autres que la déficience des qualités professionnelles. Une telle évolution avait déjà pu se pressentir lorsque la Cour de cassation avait considéré, il y a quelques mois, qu'une rupture d'essai fondée sur des motifs non inhérents à la personne du salarié était abusive (9). De facto, la faculté de libre rupture d'essai durant le stage se trouve menacée puisque l'employeur n'est pas en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié en stage hors de l'entreprise.

  • Une définition conforme aux évolutions de la notion d'essai

Il faut, en outre, relever que cette interprétation restrictive se trouve être en parfaite conformité avec la définition que semblent avoir voulu apporter les partenaires sociaux à la période d'essai. En effet, l'article 4 de l'Accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008 dispose que la période d'essai permet "à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son emploi" (10). La tentation, qui consisterait donc à penser que l'évaluation défavorable du salarié par ses formateurs à la fin du stage puisse constituer un motif suffisant pour rompre la période d'essai, se trouve repoussée, un stage n'étant pas un emploi.

  • Le cumul possible entre stage et essai : un voeu des partenaires sociaux

L'analyse opérée par la Cour de cassation doit, également, être approuvée en ce qu'elle se refuse à reporter le début de la période d'essai à l'issue du stage. Cette décision est, là encore, en parfaite conformité avec l'esprit ayant guidé la stipulation de l'article 3 a) de l'ANI du 11 janvier 2008. Ce texte prévoit, en effet, que "la durée du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'étude est prise en compte dans la durée de la période d'essai, sans que cela puisse la réduire de plus de moitié". Le principe de l'intégration de la durée du stage dans celle de l'essai opine en faveur de la faculté de cumuler stage et essai, même si l'accord ne traite, ici, que d'un type de stage bien particulier, dont il n'était, d'ailleurs, pas question dans l'affaire commentée.

  • Vers une motivation formelle de l'essai ?

Il reste, néanmoins, que l'appréciation du caractère abusif de la rupture d'essai devient, décision après décision, de moins en moins difficile. La Cour de cassation semble, en effet, imposer au juge de "rechercher si l'employeur avait été en mesure d'apprécier les qualités professionnelles du salarié", autrement dit, d'apprécier indirectement la motivation réelle de la rupture de l'essai. Certes, l'appréciation ne semble être imposée qu'en raison de l'existence concomitante d'un stage. A cela s'ajoutait, dans cette espèce, la terminologie retenue par la clause d'essai, qui prévoyait un "temps de travail effectif" de deux mois.

Pour autant, il paraît de plus en plus contestable de voir la Chambre sociale continuer de qualifier le droit de rupture de l'employeur de "discrétionnaire", comme elle le fait dans le chapeau de cet arrêt. Il est, en outre, possible de se demander si les évolutions récentes relatives au motif de la rupture ne préfigurent pas une évolution de plus grande ampleur de la rupture de l'essai. Il n'est, en effet, pas impossible que, dans un avenir proche, soit exigé de l'employeur une motivation formelle de la rupture d'essai...


(1) Pour une étude statistique sur la fréquence d'utilisation de la période d'essai, v. Ch. Bessy, La contractualisation de la relation de travail, LGDJ, 2007, p. 81.
(2) V., sur cette question, P. Etiennot, Stage et essai en droit du travail, RJS, 1999, p. 623 ; et nos obs., La distinction entre stage et notions proches, Lexbase Hebdo n° 213 du 4 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7789AKP).
(3) V., par ex., Cass. soc., 24 octobre 1997, n° 94-45.275, Société Prévost finances c/ Mme Ghyselen (N° Lexbase : A3144AB3), Bull. civ. V, n° 333 ; D., 1997, IR, 241 ; JCP éd. S, 1998, II, 10004, note D. Corrignan-Carsin ; Dr. soc., 1997, p. 1092, note Cl. Roy-Loustaunau ; Cass. soc., 28 juin 2000, n° 98-45.349, Mme Soisson c/ Mme Rigaud (N° Lexbase : A8771AHC), Dr. soc., 2000, p. 1011, obs. Cl. Roy-Loustaunau.
(4) "Le stage serait à la lisière de l'activité professionnelle, en aménageant l'entrée ou en marquant la fin au moins provisoire" (A. Lyon-Caen, Stage et travail, Dr. soc., 1982, p. 164).
(5) V. Cass. soc., 1er février 2000, n° 97-41.908, Mme Valérie Jolivet c/ Société Prévoir vie - Groupe Prévoir, société anonyme, inédit (N° Lexbase : A7854AX8).
(6) V. Cass. soc., 24 octobre 1997, n° 94-45.275, préc..
(7) Nos obs., La distinction entre stage et notions proches, préc..
(8) Pour plus de précisions, v. l'arrêt de l'appel, CA Montpellier, 7 juin 2006, n° 05/02135, SARL Germond services c/ Di Stephano.
(9) Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, société Cofiroute, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7171DZM) et les obs. de Ch. Radé, Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2219BDK), RDT, 2008, p. 29, note J. Pélissier ; D., 2008, p. 196, note J. Mouly ; JCP, 2008, II, 10005, note D. Corrignan-Carsin.
(10) Nous avions déjà envisagé les effets que pouvaient avoir l'insertion future dans la loi d'une définition précise de la période d'essai. V., sur ce point, nos obs., Commentaire des articles 4, 5 et 6 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : période d'essai, accès à certains droits et développement des compétences des salariés, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8239BDI) ; v., également, J. Mouly, Une innovation ambiguë : la réglementation de l'essai, Dr. soc., 2008, p. 288. Le texte de cet article relatif à la définition de l'essai devrait être repris in extenso par la loi sur la modernisation du marché du travail, actuellement en préparation, grâce à un amendement déposé devant le Sénat. L'Assemblée nationale avait, en effet, tronqué le texte initial des partenaires sociaux. V., les débats parlementaires du Sénat, séance du 6 mai 2008.

Décision

Cass. soc., 15 mai 2008, n° 07-42.289, M. Alexis di Stefano, F-D (N° Lexbase : A5436D8T)

Cassation, CA Montpellier, ch. soc., 7 juin 2006.

Textes visés : C. trav., art. L. 1231-1

Mots-clés : période d'essai ; formation préalable ; appréciation des qualités professionnelles ; rupture abusive.

Liens base : et

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Éditorial

Du rescrit au contentieux fiscal : coup de frein au "tout préventif " !

Lecture: 3 min

N9838BE4

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Jadis, on montait sa petite affaire et, lorsqu'elle florissait, un fermier général venait toquer à votre porte pour prélever la taille, la capitation ou la dîme... On se souciait peu de sa situation fiscale, armada de conseillers manquante, et de toute manière l'arbitraire faisait loi. Avec l'Etat de droit, c'est une toute autre philosophie : non pas que la nature de l'impôt ait fondamentalement changé à travers les siècles (relire l'Ancien et le Nouveau Testament prodigues en renseignements sur la fiscalité quasi-moderne du monde antique) ; non pas que la pression fiscale soit, aujourd'hui, moindre que sous l'Ancien régime -chacun sait que l'équivalent temps travail/impôts équivaut à peu près à six mois aujourd'hui, contre un peu plus de trois mois avant 1789- ; enfin, sur le résultat d'un contentieux fiscal, la probabilité que l'administration obtienne gain de cause est plus importante devant notre Conseil d'Etat, que devant les anciens Parlements (maîtrise des dossiers par l'administration et absence de corruption obligent). Non, la véritable révolution se situe dans les garanties contre les changements de doctrine administrative : toute la fiscalité moderne serait ainsi contenue dans les articles L. 80 A et suivants du Livre des procédures fiscales !

Avec l'Etat de droit et la démocratie fiscale, sa parente, est donc apparu le droit pour chaque contribuable, afin d'éviter ou de contester un redressement fiscal, de rappeler, à l'administration, sa prise de position formelle sur l'application d'un texte fiscal (LPF, art. L. 80 A) ou sur l'appréciation de sa situation au regard d'un texte (LPF, art. L. 80 B). Désormais, l'arbitraire ne prévaut plus et l'administration ne peut pas revenir sur "sa parole" pour redresser un contribuable, le plus souvent profane. Mais, là encore, c'est l'administration fiscale qui prend l'initiative de sa doctrine.

Comble de la sécurité fiscale, les contribuables peuvent, alors, demander à l'administration de leur faire connaître le sens et la portée d'un texte fiscal et ainsi se prévaloir, en cas de rehaussement, de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration. Les entreprises peuvent même s'assurer auprès de l'administration qu'elles remplissent les conditions légales pour bénéficier de certains régimes de faveur. Un contribuable ayant consulté l'administration centrale sur un montage juridique est assuré d'échapper à la procédure de répression des abus de droit. Enfin, comble de l'anticipation, une entreprise peut demander à être contrôlée préventivement (LPF, art. L. 13 C). A la lecture de l'ensemble de ces procédures de rescrit, reste à l'administration fiscale de bien analyser la situation du contribuable et de prendre son temps, car sa position l'engagera, sous réserve de la bonne foi du contribuable, pour longtemps.

Du point de vue des libertés publiques, ces mesures concourent assurément à pacifier les relations entre les contribuables et leur administration fiscale, sous l'égide du droit de chaque Etat à prélever l'impôt confronté, en permanence, au droit de propriété. Du point de vue économique, il s'agit bien de faire entrer la matière fiscale dans le champs des prévisions comptables et de l'évaluation des risques pour le développement d'une activité. Le contribuable d'aujourd'hui, et plus singulièrement l'entreprise, cherche à se prémunir contre "les accidents de la vie", à l'image des personnes physiques, en multipliant les mesures préventives et autres assurances. Mais la sécurité fiscale a un coût : celui de se mettre à nu devant l'administration et de se laisser ausculter... Avec le risque de tomber sur un os.

C'est topiquement ce qui est arrivé à une association qui souhaitait avoir des précisions sur sa situation fiscale, dans un arrêt rendu le 26 mars 2008 par le Conseil d'Etat, sur lequel revient, cette semaine, Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice. Malheureusement, faire preuve de bonne volonté n'est pas toujours payant ; l'administration concluait à l'assujettissement aux impôts commerciaux, en dehors de toute opération de contrôle. Soucieuse d'apparaître en règle vis-à-vis de l'administration, mais contrariée par la décision de cette dernière, l'association entendait exercer un recours pour excès de pouvoir. Requête rejetée par le Haut conseil qui rappelle qu'une telle décision ne présente pas le caractère d'un acte détachable de la procédure d'imposition et n'est donc pas susceptible d'être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir, et ce, même si elle fait grief à l'association eu égard aux sujétions comptables qu'elle induit.

Le "tout préventif" s'arrête donc net devant la porte contentieuse : le contribuable ne peut pas contester une décision dépourvue d'effet fiscal direct afin de se prémunir d'un éventuel contrôle, puis contentieux. L'opposabilité de la doctrine administrative défavorable au contribuable ne peut donc pas venir engorger les tribunaux, et faire jurisprudence !

newsid:319838

Sociétés

[Jurisprudence] Seule l'ordonnance désignant un expert dans le cadre de la cession de droits sociaux n'est susceptible d'aucun recours

Réf. : Cass. com., 11 mars 2008, n° 07-13.189, Mme Emilie Assous, FS-P+B (N° Lexbase : A4067D7R)

Lecture: 4 min

N9727BEY

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par Deen Gibirila, Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse I

Le 07 Octobre 2010

La faculté de retrait dont bénéficie un associé constitue l'une des particularités des sociétés civiles qui les distingue des sociétés commerciales où n'existe pas une telle possibilité, exceptées la SAS et les sociétés à capital variable (1). La mise en oeuvre de ce droit que lui confère l'article 1869 du Code civil (N° Lexbase : L2066AB7) n'est guère aisée. Elle soulève bon nombre de difficultés qui, pour l'essentiel, tiennent au remboursement des parts sociales de l'associé retrayant, et en particulier, à l'évaluation de celles-ci (2).
En pareille situation de contestation, l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L2018ABD) prévoit que la valeur des droits sociaux est déterminée par les parties ou, à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.
Cette disposition textuelle ne semble pas, toutefois, suffire à résoudre toutes les questions. En effet, elle laisse en suspens celle de savoir à quoi s'attache l'absence de recours possible qu'elle énonce : à l'ordonnance qui désigne l'expert ou à celle qui refuse une telle désignation ?
La Cour de cassation lève le voile sur cette interrogation dans un arrêt du 11 mars 2008, où elle adopte une position antagonique à celle de la cour d'appel de Paris statuant en la matière le 10 janvier 2007 (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 10 janvier 2007, n° 06/11878, M. Paul Laiki c/ Mme Emilie Assous N° Lexbase : A0711DUU). I - Le litige a pour origine, comme c'est fréquemment le cas, la signification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 19 mai 2005, à une société, par l'un de ses associés, de sa décision de se retirer. Par ordonnance rendue en la forme des référés le 16 mai 2006, le président du tribunal de grande instance de Créteil a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise de l'associé retrayant, fondée sur l'article 1843-4 du Code civil.

Le 28 juin 2006, ce dernier a interjeté appel par lequel il a sollicité l'infirmation de l'ordonnance et la désignation d'un expert sur le fondement des articles 1843-4 du Code civil et 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3).

La demande de l'appelant a été accueillie par la cour d'appel de Paris, qui a, donc, infirmé l'ordonnance préalablement rendue par le président du tribunal de grande instance. Selon la juridiction de seconde instance, une interprétation restrictive de l'article 1843-4, qui instaure une exception au principe du double degré de juridiction, démontre que l'impossibilité de tout recours ne s'applique qu'à l'ordonnance désignant un expert, et non à celle qui refuse une telle désignation.

Par ailleurs, considérant, d'une part, que la cession des droits sociaux, le droit de retrait et le recours à l'article 1843-4 du Code civil sont prévus par l'article 1862 de ce code (N° Lexbase : L2059ABU), relatif aux modalités d'acquisition des parts d'un associé cessionnaire, et, d'autre part, qu'aucun accord n'est intervenu, il y a lieu de désigner un expert tenu de déposer son rapport avant le 20 mai 2007, en dépit des contestations sur le fond du litige élevées par la société et l'autre associé.

II - La Chambre commerciale, saisie à son tour du litige par un pourvoi formé par la société et l'associé restant, censure l'arrêt de la cour d'appel. A l'appui de son dispositif, elle invoque le motif selon lequel est sans recours possible la décision rendue par le président du tribunal statuant en la forme des référés sur la demande de désignation d'un expert pour la détermination de la valeur des droits sociaux.

En effet, un tel juge statuant en cette forme dispose, en la circonstance, de pouvoirs propres qui ne sont pas limités par les articles 808 (N° Lexbase : L3103ADB) et 809 (N° Lexbase : L3104ADC) du Code de procédure civile. Ces pouvoirs excluent, donc, ceux dévolus à la juridiction saisie au fond et ceux conférés au juge des référés se prononçant sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.

En définitive, l'appel formé par l'associé retiré est irrecevable et les juges du second degré ont fait une fausse application de l'article 1843-4 précité.

Cette interprétation de l'article 1843-4 du Code civil adoptée par la Chambre commerciale n'est pas nouvelle. Elle a été, auparavant, retenue par la première chambre civile qui a statué de la sorte en considérant que l'expression "sans recours possible" vise, par sa généralité, non seulement le pourvoi en cassation, mais encore, toute autre voie de recours et, par conséquent, l'appel (4).

En d'autres termes, l'ordonnance désignant un expert en application de l'article susvisé n'est, en principe, exposé à aucun recours, tandis que le droit commun, tel qu'il résulte de l'article 272 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2481ADA) (5), n'écarte pas un pareil recours, bien qu'il le rattache généralement à une décision portant sur le fond.

L'impossibilité de tout recours constitue probablement une mesure destinée à éviter toute manoeuvre dilatoire qui retarderait le déroulement de l'expertise. Elle se justifie d'autant plus qu'ayant pour mission d'apprécier objectivement la valeur des droits sociaux cédés, l'expert ne devrait favoriser ou nuire à aucune des parties en cause. Aussi, en l'absence de tout reproche susceptible de lui être fait, aucun recours ne peut être exercé à l'encontre de la décision du juge statuant en la forme des référés.

Un recours serait, toutefois, possible s'il y avait un excès de pouvoir, c'est-à-dire, si l'on se trouvait en présence d'une décision portant atteinte à des principes essentiels de la procédure civile ou par laquelle le juge s'approprierait des prérogatives qu'il n'avait pas. Cette situation peut être rapprochée de celle où la décision de l'expert appréciant la valeur des droits sociaux n'est contestable qu'en cas d'erreur grossière dans l'évaluation (6), ou encore, avec celle octroyant le pouvoir au seul président du tribunal de désigner l'expert sans recours possible (7).

L'actuelle position de la Cour de cassation s'accorde tout à fait avec les principes de la procédure civile. Elle s'harmonise, également, avec ceux posés par la Cour européenne des droits de l'Homme en vertu desquels le double degré de juridiction ne figure pas au rang des garanties de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Par ailleurs, bien que le Conseil constitutionnel confère valeur constitutionnelle au droit à un procès juste et équitable, il ne hisse pas le double degré de juridiction au niveau d'un principe constitutionnel.


(1) I. Sauget, Le droit de retrait de l'associé, thèse Paris X, 1991 ; A. Cathelineau, Le retrait dans les sociétés civiles professionnelles, JCP éd. E, 2001, n° 22, p. 888.
(2) A. Couret, L. Cesbron, B. Provost, P. Rosenpick et J.-C. Sauzey, Les contestations portant sur la valeur des droits sociaux, Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 1052 ; A. Couret, L'évolution récente de la jurisprudence rendue sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil, Mélanges B. Bouloc, p. 249, Dalloz, 2006.
(3) B. Paulze d'Ivoy, Expertise et prix de cession de droits sociaux, Bull. Joly Sociétés, 1995, p. 313. ; J.-J. Daigre, Le juge et l'arbitre face aux dispositions de l'article 1843-4 du Code civil, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 789 ; J. Moury, Des ventes et des cessions de droits sociaux à dire de tiers, Rev. Sociétés, 1997, p. 455.
(4) Cass. civ. 1, 6 décembre 1994, n° 92-18.007, M. X c/ M. Y, ès qualités d'associé de la SCP Y-Z et autre (N° Lexbase : A7209ABM), Bull. civ. IV, n° 364 ; Dr. Sociétés, avril 1995, n° 68, obs. Th. Bonneau.
(5) C. proc. civ., art. 272 : "La décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime".
(6) Cass. civ. 1, 25 novembre 2003, n° 00-22.089, Mme Odile Lajoix c/ Société Berlioz et compagnie, FS-P (N° Lexbase : A3015DAW), Bull. civ. I, n° 243 ; D., 2003, act. jur., p. 3053, obs. A. Lienhard ; Defrénois, 2004, p. 1152, note D. Gibirila ; Rev. Sociétés, 2004, p. 93, note Y. Chartier ; Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 286, note A. Couret ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2005, n° 01-10.395, Société civile professionelle (SCP) Denoël, Liot, Bouroullec, Cadiou-Mahe, devenue la société civile professionnelle Liot, Bouroullec, Cadiou-Mahe, Davy c/ M. Gilles Lancelot, FS-P+B (N° Lexbase : A2814DGC), Bull. civ. I, n° 49 ; RJDA, 5/2005, n° 565 ; D., 2005, act. jur., p. 432, obs. A. Lienhard ; Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 637, note J.-J. Daigre ; Rev. Sociétés, 2005, p. 608, note Y. Chartier.
(7) Cass. civ. 1, 25 novembre 2003, préc., note 6 ; Cass. com., 30 novembre 2004, deux arrêts, n° 03-15.278, Société civile immobilière Notre Dame c/ Mme Margueritte Auran, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1324DER) et n° 03-13.756, Société Ternetix c/ Société Néopost France, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1303DEY), Bull. civ. IV, n° 210 et 211 ; JCP éd. E, 2005, n° 4, p. 139, note H. Hovasse ; Defrénois, 2005, p. 904, obs. J. Honorat.

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Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier

Lecture: 4 min

N9967BEU

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris. Au premier plan de cette chronique, se trouve un arrêt de la Cour de cassation qui invite les juges du fond à effectuer des investigations plus importantes tendant à s'assurer objectivement que les conditions d'exercice de l'activité litigieuse sont compatibles avec les exigences de la clause du règlement de copropriété dont la violation est invoquée. Egalement à l'honneur, une décision de la Haute juridiction qui revient sur la substitution de la garantie de remboursement à la garantie d'achèvement.
  • Appréciation in concreto par les juges du fond de l'exercice d'une activité par un copropriétaire pour s'assurer du respect des clauses du règlement de copropriété (Cass. civ. 3, 7 mai 2008, n° 07-13.409, FS-P+B N° Lexbase : A4443D83) :

En l'espèce, un copropriétaire a assigné une SCI copropriétaire et le syndicat des copropriétaires pour obtenir l'annulation de certaines clauses du règlement de copropriété et le respect d'autres clauses.

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle que la prescription décennale encadrant les actions personnelles entre copropriétaires ou entre les copropriétaires et le syndicat issue de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 (loi n° 65-557, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 42 N° Lexbase : L4849AH3) n'est pas applicable à l'action tendant à faire déclarer une clause non écrite en application de l'article 43 (N° Lexbase : L4850AH4) de cette même loi.

Cette solution est désormais classique (voir, dernièrement, Cass. civ. 3, 12 mars 2003, n° 01-16.754, FS-D N° Lexbase : A4159A78).

La jurisprudence semble admettre le caractère imprescriptible d'une action tendant à faire déclarer une clause du règlement de copropriété non écrite ("tout copropriétaire intéressé peut, à tout moment, faire constater l'absence de conformité des clauses du règlement de copropriété aux dispositions légales et faire établir une répartition des charges conforme à ces dispositions" : Cass. civ. 3, 12 juin 1991, n° 89-18.331, M. Dantin et autre c/ Syndicat des copropriétaires du 34, rue Scheffer à Paris N° Lexbase : A4625ACB).

Dans le second moyen, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de n'avoir pas apprécié in concreto si les conditions d'exercice de l'activité du locataire d'un copropriétaire respectaient la clause du règlement de copropriété relative aux bruits.

Les juges d'appel avaient, en effet, retenu que, compte tenu du caractère commercial du bâtiment B dont est propriétaire la SCI, l'exploitation d'un fonds de commerce y était donc tout à fait licite, aucune pièce du dossier n'établissant l'existence d'une activité industrielle gênante. Ils ont estimé qu'il en allait de même concernant l'usage de la cour à titre de "parking" durant la période d'ouverture du commerce et que cela constituait en milieu urbain un inconvénient normal de voisinage.

Ce faisant, ils se sont uniquement assurés de la compatibilité de l'activité du copropriétaire (ou de son locataire) avec la destination du lot en question.

L'arrêt commenté invite les juges du fond à effectuer des investigations plus importantes tendant à s'assurer objectivement que les conditions d'exercice de l'activité litigieuse sont compatibles avec les exigences de la clause du règlement de copropriété dont la violation est invoquée.

Il convient donc, dans chaque cas d'espèce, d'apprécier concrètement, lorsqu'une activité déterminée est envisagée dans un lot, si elle est ou non gênante.

  • La substitution de la garantie de remboursement à la garantie d'achèvement (Cass. civ. 3, 7 mai 2008, n° 07-11.390, FS-P+B N° Lexbase : A4405D8N) :

Par acte authentique du 27 juillet 1998, les époux P. ont acquis d'une SCI un appartement avec cave et emplacement de stationnement, en l'état futur d'achèvement.

Une garantie d'achèvement avait été souscrite par la SCI par convention du 29 juin 1998.

La construction ayant été interrompue en raison de la caducité du permis de construire, les acquéreurs ont assigné la SCI, le garant et le notaire, aux fins, notamment, de résolution de la vente, d'inscription au passif de la SCI de certaines sommes au titre de la restitution du prix de vente et des préjudices résultant de la résolution, et de condamnation in solidum, du garant au titre de la garantie de remboursement, ainsi que du notaire au titre du manquement à son devoir de conseil, à leur payer ces sommes.

Le notaire a été condamné, avec son assureur, à payer certaines sommes au titre de la perte de loyers, d'avantages fiscaux et de l'indemnité forfaitaire convenue en cas de résolution de la vente.

Au soutien de leur pourvoi, le notaire et son assureur reprochaient à la cour d'appel d'avoir estimé que le garant d'achèvement ne devait pas sa garantie, alors, selon eux, que par la garantie d'achèvement, le garant s'engage envers l'acquéreur à rembourser les versements effectués par ce dernier lorsque l'achèvement de l'immeuble est devenu impossible.

Néanmoins, il convient de distinguer la garantie extrinsèque d'achèvement, par laquelle un tiers va assurer l'achèvement de l'immeuble en cas de défaillance du vendeur, et la garantie de remboursement qui ne joue qu'en cas de résolution de la vente pour défaut d'achèvement.

L'article R. 261-23 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8109ABX) autorise la substitution de ces deux garanties, dès lors que le contrat le prévoit.

En l'espèce, il semble que cette faculté de substitution était prévue, mais qu'elle n'a pas été mise en oeuvre.

Dès lors, la Cour de cassation estime que les juges en ont exactement déduit que le garant ne s'était pas obligé à rembourser in solidum avec le vendeur les versements effectués par les acquéreurs.

En l'espèce, il semble qu'il aurait été plus judicieux de débuter la construction avec une garantie de remboursement, puisque l'opération semblait aléatoire compte tenu du caractère non définitif du permis de construire, à laquelle aurait pu être substituée une garantie d'achèvement dans l'hypothèse où le permis de construire serait devenu définitif.

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Baux commerciaux

[Textes] Les modifications des règles applicables aux baux commerciaux envisagées par le projet loi de modernisation de l'économie

Lecture: 12 min

N9915BEX

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par Julien Prigent - Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Le 28 avril 2008, a été déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi de modernisation de l'économie. Ce projet, dont l'ambition est "de stimuler la croissance et les énergies, en levant les blocages structurels et réglementaires que connaît l'économie de notre pays" comporte quatre volets : encourager les entrepreneurs tout au long de leur parcours, relancer la concurrence, renforcer l'attractivité du territoire et améliorer le financement de l'économie. Le statut des baux commerciaux, en tant que l'un des outils juridiques participant de la possibilité donnée à l'agent économique d'exercer son activité au sein d'un local, n'a pas échappé aux rets du projet de réforme qui a fait, récemment, l'objet de nombreux amendements. I - Possibilité de recourir au nouvel indice des loyers commerciaux

Le projet de loi commenté rappelle que la hausse des loyers des baux commerciaux est plafonnée en référence à l'indice trimestriel du coût de la construction en précisant que cette situation serait, à certains égards, préjudiciable aussi bien aux propriétaires-bailleurs qu'aux locataires-commerçants. Cette affirmation appelle trois remarques. Tout d'abord, c'est à l'occasion du renouvellement ou de la révision légale du loyer du bail commercial que va s'appliquer le mécanisme du plafonnement en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction. Ensuite, il convient de ne pas perdre de vue que le loyer en renouvellement ou révisé doit être fixé à la valeur locative et c'est seulement dans l'hypothèse où cette dernière serait supérieure à celui résultant de la variation de l'indice que le mécanisme du plafonnement aura vocation à produire ses effets. Enfin, le loyer du bail commercial peut, également, varier par application de la clause d'indexation. En application d'une telle clause, le loyer variera automatiquement, selon la périodicité choisie (annuelle ou triennale le plus souvent) et en fonction de la variation de l'indice élu, généralement l'indice INSEE du coût de la construction.

Fort de ce constat, il est rappelé, dans le projet de loi précité, que plusieurs fédérations de propriétaires et de locataires avaient trouvé un accord sur l'instauration d'un nouvel indice de révision des loyers permettant d'éviter de trop fortes variations annuelles et de tenir compte de l'activité des commerçants et des artisans.

A la suite de l'augmentation importante de l'indice INSEE du coût de la construction, une réflexion avait, en effet, été menée en 2007 sous l'égide du CNCC (Centre national des centres commerciaux), avec la fédération PROCOS (Promotion des commerces et services spécialisés), la fédération de locataires commerçants, la FSIF (Fédération des sociétés immobilières et foncières), le CdCF (Conseil du commerce de france) et l'UNPI (Union nationale des propriétaires immobiliers). Il a, alors, été proposé la création d'un nouvel indice appelé "indice des loyers commerciaux" (ILC) qui intègrerait trois indices calculés mensuellement ou trimestriellement par l'INSEE dans les proportions suivantes :

- 50 % indice des prix à la consommation (IPC) ;
- 25 % indice du coût de la construction (ICC) ;
- 25 % indice du chiffre d'affaires du commerce de détail en valeur (ICAV).

Cet indice aurait vocation à s'appliquer depuis le 9 janvier 2008 (communiqué de presse de la fédération PROCOS). Il est nécessaire, néanmoins, à défaut de dispositions législatives en ce sens, que les parties aient stipulé une indexation en fonction de ce nouvel indice, par avenant en ce qui concerne les baux en cours.

Il a, cependant, très vite été relevé qu'en raison du fait que ce nouvel indice est calculé, en partie, en fonction de l'indice des prix à la consommation, il ne semblait pas répondre aux conditions posées par l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3375APP) qui interdit "toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties" (Ph.-H. Brault, J. Monéger, Le boeuf, l'âne et l'indice, Loyers et copr., 2008, focus n° 1).

A défaut d'intervention du législateur, une clause d'indexation fondée sur cet indice pourrait être jugée nulle. C'est la raison pour laquelle l'article 11 du projet de loi commenté envisage de modifier l'article L. 112-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4674HC4) qui prévoirait que "par dérogation aux dispositions de l'article L. 112-1 et du premier alinéa de l'article L. 112-2 et selon des modalités définies par décret, peuvent être indexés sur le niveau général des prix [...], les loyers prévus par les conventions portant sur [...] un local commercial".

L'emploi du terme "local commercial" pourrait susciter une difficulté d'interprétation. En effet, la question pourrait se poser de l'étendue de cette dérogation et, notamment, de savoir si le nouvel indice pourrait être valablement choisi en présence d'une activité économique autre que "commerciale" au sens strict (activité professionnelle ou artisanale).

Au motif que la modification envisagée des dispositions de l'article L. 112-3 du Code monétaire et financier ne serait pas suffisante et qu'elle devrait être complétée par la mise à jour des dispositions d'ordre public du Code de commerce, il a, en outre, été proposé d'ajouter, par l'amendement numéro 125, une nouvelle phrase à l'article L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L5762AIA), relatif au mécanisme du plafonnement du loyer en renouvellement :

"Pour les baux portant sur un immeuble bâti à usage principal de commerce de détail et dès lors que les parties ont contractuellement adopté l'indice trimestriel des loyers commerciaux, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel des loyers commerciaux publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33".

Il est inexact d'affirmer que les dispositions de l'article L. 145-34 du Code de commerce seraient d'ordre public, puisque les parties sont libres d'écarter le plafonnement du loyer en renouvellement dès la conclusion du bail (Cass. civ. 3, 10 mars 2004, n° 02-14.998, F-P+B+I N° Lexbase : A4884DBI).

Il convient, en outre, de relever que ces nouvelles dispositions, si elles étaient adoptées, n'auraient pas seulement pour effet de rendre licite le recours à l'ILC dans les clauses d'indexation, mais qu'elles substitueraient cet indice à celui du coût de la construction pour la détermination du loyer "plafonné", ce qui ne constitue pas seulement qu'une mise à jour par rapport au projet initial. La règle serait, toutefois, limitée aux "commerces de détail" et à la condition que les parties aient "contractuellement adopté l'indice trimestriel des loyers commerciaux". Cette dernière condition peut paraître imprécise. En effet, la question pourrait se poser de savoir ce que recouvrent les termes "contractuellement adopté". Suffira-t-il que les parties aient stipulé une clause d'indexation se référant à cet indice (qui ne concerne pourtant pas directement la fixation du loyer en renouvellement) ou bien faudra-t-il qu'elles aient prévu expressément l'application du nouvel indice pour la fixation du loyer plafonné ? Dans ce dernier cas, il était inutile de cantonner la règle aux commerces de détail puisque, en l'état actuel de la jurisprudence, et sous réserve de la validité de l'ILC, les parties pourraient librement décider de plafonner le loyer en renouvellement en fonction de ce nouvel indice.

L'amendement précité propose, également, de modifier le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce afin d'adapter cet article à la prise en compte du nouvel indice pour la détermination de l'indice de référence.

Enfin, cet amendement propose de modifier l'article L. 145-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L5766AIE), afin d'appliquer la règle du plafonnement du loyer en fonction de la variation de l'ILC à l'occasion d'une révision triennale à la condition d'être en présence d'un "commerce de détail" et que les parties aient "adopté" cet indice.

II - L'assouplissement de l'interdiction du changement d'usage des locaux d'habitation

Le projet de loi commenté prévoit, afin de faciliter le démarrage d'activités et la création d'entreprises, de supprimer le régime d'autorisation administrative pour la transformation des locaux d'habitation en locaux commerciaux et pour l'utilisation de son local d'habitation à des fins professionnelles en usage mixte pour les rez-de-chaussée.

Ainsi, l'article 4 de ce projet envisage la modification de plusieurs articles.

Celle, tout d'abord, de l'article L. 443-11 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8325HWA) : le septième alinéa de ce texte permet aux organismes d'habitations à loyer modéré, dans les quartiers situés dans les zones urbaines sensibles définies à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (N° Lexbase : L8737AGP) ou dans les territoires définis à l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (N° Lexbase : L3558BLD), de louer à titre temporaire des locaux d'habitation situés en rez-de-chaussée en vue d'y exercer des activités économiques. Il est proposé, aux termes du projet rapporté, de supprimer le terme "temporaire". Le nouveau texte préciserait également que le bail d'habitation de ces locaux ne serait pas soumis au statut des baux commerciaux et qu'il ne saurait constituer un élément du fonds de commerce.

L'article 4 prévoit, ensuite, de modifier l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L2022HPL) pour exclure de toute autorisation préalable le changement d'usage des locaux d'habitation situés au rez-de-chaussée, à l'exception de ceux "relevant" des organismes d'habitations à loyer modéré.

L'article L. 631-7-2 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6474G9N) serait, également, modifié. Ce texte permet actuellement l'exercice d'une profession dans une partie d'un local d'habitation utilisé comme résidence principale, à la condition que celle-ci ne revête à aucun moment un caractère commercial et sous réserve de l'obtention d'une autorisation préfectorale. Le nouveau texte permettrait d'étendre cette dérogation à l'interdiction du changement d'usage aux activités commerciales à la condition, cependant, qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose et que l'activité considérée n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage, et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti.

Seraient exclus de cette faculté les locaux relevant des organismes d'habitations à loyer modéré. Le bail d'habitation de la résidence principale ne pourrait, en outre, être soumis au statut des baux commerciaux, ce qui méritait d'être précisé car, à supposer que le bail, mixte par définition, autoriserait une activité commerciale, le statut des baux commerciaux aurait dû être applicable dans son ensemble.

Enfin, il serait créé un nouvel article L. 631-7-4 du Code de la construction et de l'habitation.

L'article L. 631-7-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6475G9P) permet, par dérogation à la règle de l'interdiction du changement d'usage, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, dans une partie d'un local à usage d'habitation, dès lors que l'activité considérée n'est exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local et ne conduit à y recevoir ni clientèle, ni marchandises.

Cette dérogation de plein droit serait étendue, par le nouvel article L. 631-7-4 du Code de la construction et de l'habitation, à l'activité professionnelle, y compris commerciale, même en cas de réception de marchandises et de clientèle, dans la partie du local d'habitation situé en rez-de-chaussée à la condition qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose et que l'activité considérée ne soit exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local, qu'elle n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti. L'intérêt de cette disposition laisse perplexe puisque le nouvel article L. 631-7 exclut par principe de toute autorisation préalable le changement d'usage des locaux d'habitation situés au rez-de-chaussée, à l'exception de ceux "relevant" des organismes d'habitations à loyer modéré. Le nouvel article L. 631-7-4 du Code de la construction et de l'habitation préciserait, toutefois, que le bail d'habitation ne sera pas soumis au statut des baux commerciaux.

III - Assouplissement de la condition de l'immatriculation pour certaines personnes simplement mentionnées au registre du commerce et des sociétés

Aux termes des amendements numéro 73 et 153, il est proposé d'ajouter un nouvel alinéa à l'article L. 145-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5729AIZ) qui permettrait au copropriétaire non-exploitant d'un fonds de commerce ou artisanal, d'invoquer le bénéfice du statut des baux commerciaux.

Cette règle mettrait un terme à la solution dégagée par la Cour de cassation qui prévoit que le cotitulaire d'un bail commercial, même non-exploitant du fonds de commerce, doit être personnellement immatriculé au registre du commerce, afin que l'ensemble des preneurs puisse bénéficier d'un droit au renouvellement (Cass. civ. 3, 14 novembre 2007, n° 06-19.062, FS-P+B N° Lexbase : A5935DZT).

En principe, "le copreneur au bail, qu'il soit copropriétaire du fonds ou nu-propriétaire, a la possibilité de prendre une inscription personnelle au RCS en spécifiant sa qualité de non-exploitant du fonds établi dans le local loué. La qualité de non-exploitant permet au copreneur de ne pas être obligatoirement assujetti au régime des assurances sociales des travailleurs non salariés non agricoles. Ces immatriculations ne sont pas considérées comme des unités économiques selon l'INSEE. Enfin, les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ne lui sont pas personnellement applicables, sauf s'il devait apparaître comme dirigeant de fait" (QE n° 20028 de M. Briane Jean, JOANQ 12 octobre 1998 p. 5521, PME, Commerce et Artisanat, réponse publ. 8 février 1999 p. 824, 11ème législature N° Lexbase : L5870BGI). Il est vrai, toutefois, qu'il semblerait que certains greffes refusent cette immatriculation personnelle du copropriétaire non-exploitant. En outre, selon l'auteur de l'un des amendements, les textes relatifs au répertoire des métiers ne permettraient pas d'immatriculer une personne n'exploitant pas d'activité artisanale.

Le texte proposé vise à remédier à ces difficultés.

Ces amendements proposent, également, de faire bénéficier du statut des baux commerciaux les héritiers ou ayants droit du chef d'entreprise décédé qui ont demandé le maintien de son immatriculation pour les besoins de la succession. Ils n'auraient pas, dans cette hypothèse, à être personnellement immatriculés.

IV - Limitation du montant du dépôt de garantie à un mois

L'amendement numéro 171 propose de limiter le montant du dépôt de garantie exigible par le bailleur à un mois "comme ce qui existe en matière de bail d'habitation".

Actuellement, la loi ne fixe aucune limite au montant du dépôt de garantie dans le cadre d'un bail commercial. Toutefois, les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes (C. com., art. L. 145-40 N° Lexbase : L5768AIH), ce qui, en pratique, a souvent pour effet de limiter le dépôt de garantie à un terme de loyer, lorsque le loyer est payable d'avance, ou à deux termes s'il est payable à terme échu.

V - Possibilité de mettre à l'écart les règles d'ordre public applicables aux baux professionnels

L'amendement numéro 173 prévoit la création d'un nouvel alinéa à l'article L. 145-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3989HBD), qui énumère des cas d'extension légale du statut des baux commerciaux, qui prévoirait que les parties à un bail professionnel soumis à l'article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (N° Lexbase : L5580AH7) pourraient "par dérogation à ces dispositions" adopter l'application du statut des baux commerciaux.

Il serait, ainsi, mis fin à la discussion portant sur la question de savoir si l'adoption conventionnelle du statut des baux commerciaux en présence d'un bail soumis à l'article 57 A précité permet ou non de mettre à l'écart les dispositions d'ordre public de ce dernier texte.

VI - Allongement du délai pour quitter les lieux à la suite du paiement de l'indemnité d'éviction

Aux termes de l'article L. 145-29 du Code de commerce (N° Lexbase : L5757AI3), les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre.

Partant du constat que l'exploitation d'un fonds de commerce ou d'un fonds artisanal implique la gestion matérielle d'un ensemble complexe (stocks de marchandises entreposées dans les locaux, présence sur les lieux de documents administratifs ou commerciaux, etc.), l'auteur de l'amendement numéro 174 conclut que le délai actuel donné au locataire après le versement de l'indemnité d'éviction est trop bref pour que le commerçant ou l'artisan devant quitter les lieux le fasse dans de bonnes conditions.

Il est proposé, aux termes de cet amendement, de porter en conséquence ce délai à deux mois.

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] Le Conseil d'Etat limite l'intervention du juge de l'excès de pouvoir dans le contentieux fiscal

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 26 mars 2008, n° 278858, Association Pro-musica, à paraître au Recueil (N° Lexbase : A5919D7D)

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N9970BEY

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par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)

Le 07 Octobre 2010

Par une décision en date du 26 mars 2008, le Conseil d'Etat a jugé que la lettre par laquelle l'administration fiscale a indiqué à une association qu'elle était redevable des impôts commerciaux pouvait, certes, être regardée comme une décision faisant grief à cette dernière, mais ne constituait cependant pas un acte détachable de la procédure d'imposition susceptible d'être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir. Le Conseil d'Etat, confirmant la solution retenue par la cour administrative d'appel de Marseille (1), a ainsi rappelé la compétence de principe du juge de l'impôt, juge de plein contentieux, en matière de contentieux fiscal. Cette solution, conforme à l'interprétation extensive que donne la jurisprudence de la notion d'acte non détachable de la procédure d'imposition oblige à s'interroger sur les critères sur lesquels s'appuie le Conseil d'Etat pour exclure l'intervention du juge de l'excès de pouvoir. Parmi ces critères, celui de l'effet équivalent, selon lequel l'intervention de ce dernier est inutile et donc exclue dès lors que la saisine du juge de l'impôt, juge de plein contentieux permet d'aboutir au même résultat pour le requérant, est essentiel mais aussi sujet à différentes interprétations. En particulier, ce critère a-t-il ou non une dimension temporelle, nécessitant de vérifier que la saisine du juge de l'impôt permet d'aboutir au même résultat aussi rapidement que la saisine du juge de l'excès de pouvoir ? La décision du 26 mars 2008 nous semble apporter une réponse négative à cette question, à rebours d'une jurisprudence plus ancienne qui estimait que les décisions de portée pluriannuelle devaient pouvoir être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir. 1. Bien que ne constituant pas une prise de position formelle de sa part, la lettre de l'administration fiscale informant une association de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés est une décision qui lui fait grief

1.1. La lettre de l'administration fiscale informant une association de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L5529HWP)

1.1.1. L'objet des dispositions de l'article L. 80 B 1° du LPF : rappel

L'article L. 80 B, 1° du LPF rend applicable la garantie contre les changements de doctrine prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3) lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Il en résulte que l'administration ne peut procéder à aucun rehaussement d'impositions si la cause du rehaussement poursuivi est un différend sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal par le redevable de bonne foi et s'il est démontré que l'appréciation faite par ce contribuable a été antérieurement formellement admise par ses services.

D'une manière générale, l'administration est conduite à apprécier les situations de fait à l'occasion d'un contrôle fiscal ou d'une procédure contentieuse. Ainsi, lors d'un contrôle fiscal, la notification de redressement ou la réponse aux observations du contribuable peuvent servir de support à une prise de position formelle de l'administration. En revanche, lorsque le service des impôts agit sur le plan gracieux, la décision prise à ce titre ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait. Il en est ainsi, par exemple, d'une décision de dégrèvement gracieux ou d'une proposition de transaction.

Pour ne prendre que quelques exemples, la décision par laquelle l'administration, statuant sur une demande de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, a admis d'exclure de la production de l'exercice certaines subventions constitue une prise de position formelle sur l'appréciation de la situation de fait du contribuable au sens de l'article L. 80 B du LPF (2). De même, la décision, rendue sur réclamation contentieuse, par laquelle l'administration admet que le contribuable peut compter à sa charge les enfants de sa concubine, constitue une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du LPF (3).

Quant aux décisions de dégrèvement, elles ne constituent des prises de position formelle que si elles sont motivées (4). Le principe est le même en ce qui concerne les abandons de redressements (5). Soulignons que l'article L. 80 B, 1° du LPF n'exigeant pas que la prise de position formelle de l'administration soit écrite, un contribuable peut se prévaloir d'une prise de position verbale dont la réalité n'est pas contestée (6).

1.1.2. Une qualification écartée en l'espèce en raison du contenu de la réponse de l'administration et de situation de l'association requérante

Dans la décision du 26 mars 2008, le Conseil d'Etat a écarté la qualification de prise de position formelle en raison du caractère défavorable, ou du moins non favorable, à l'association requérante de la position de l'administration fiscale et en raison de la situation de celle-ci qui n'avait nullement été soumise à une imposition qu'elle entendait contester.

En l'espèce, en réponse à une demande qu'elle lui avait présentée, l'administration fiscale avait indiqué dans deux lettres à l'association Pro-Musica que son activité se situait dans un champ concurrentiel et relevait donc des impôts commerciaux mais que, toutefois, elle était exonérée de TVA. Ces lettres précisaient que "cette analyse engage l'administration au sens de l'article L. 80 B du Livre des procédures fiscales". Il est bien évident que les lettres par lesquelles l'administration fiscale indiquait à l'association qu'elle était passible de l'impôt sur les sociétés ne pouvaient guère être invoquées et "utilisées" par l'association requérante pour faire prévaloir ses droits vis-à-vis d'elle. La prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B, 1°, constitue en effet de manière générale une décision ou un comportement de l'administration qui est favorable au contribuable. Or, une décision d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne saurait être regardée comme favorable à un contribuable qui entend précisément contester cet assujettissement.

En outre, et surtout, il résulte d'une jurisprudence constante que, conformément au texte du premier alinéa de l'article L. 80 A du LPF, la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article L. 80 B, 1° du LPF est subordonnée à l'existence d'un rehaussement d'impositions antérieures. La garantie prévue par cet article ne peut donc faire échec qu'aux compléments d'imposition venant s'ajouter aux impositions initiales précédemment mises en recouvrement. En conséquence, un contribuable ne peut invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 B, 1° du LPF, une prise de position de l'administration pour demander la décharge d'une imposition primitive (7).

En l'espèce, l'association Pro-Musica ne contestait pas un complément d'impositions mises à sa charge mais des impositions primitives. Le Conseil d'Etat a donc fait application ici d'une jurisprudence classique qui l'a conduit à infirmer la qualification juridique donnée par la cour administrative d'appel de Marseille, et par l'administration fiscale elle-même, aux courriers adressés par cette dernière à la requérante. Néanmoins, le Conseil d'Etat, plutôt que d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille pour erreur de droit, a préféré le confirmer en ce qu'il avait considéré que la position adoptée par l'administration fiscale constituait une décision faisant grief à l'association requérante qui n'était cependant pas détachable de la procédure d'imposition.

1.2. Une telle lettre est cependant considérée comme une décision faisant grief à l'association concernée bien qu'elle ne comporte par elle-même aucun effet de droit

1.2.1. L'exception de recours parallèle n'est opérante qu'à l'égard des actes faisant grief

Dans ses conclusions sous une décision de Section du 5 novembre 1993 (8), O. Fouquet insistait sur le fait que la question de la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir formé était, en matière fiscale, double. Il faut, en effet, d'abord déterminer si la réponse de l'administration à une demande du contribuable peut être regardée comme une décision faisant grief avant, dans l'affirmative, d'examiner si l'exception de recours parallèle, qui consiste à tenir compte de l'existence d'un recours de plein contentieux fiscal, est opposable au recours pour excès de pouvoir. Autrement dit, ce n'est que si l'acte contesté fait grief au requérant qu'il y a lieu d'apprécier s'il est détachable du contentieux susceptible d'être porté devant le juge de l'impôt, ou si, ne l'étant pas, l'exception de recours parallèle fait obstacle à la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir.

En la matière, la jurisprudence s'attache à déterminer de façon pragmatique si la prise de position produit un effet direct sur le destinataire. Cet effet est habituellement admis lorsque la prise de position oppose un refus à une demande. C'est ainsi que font grief la prise de position refusant à une association la qualité d'assujettie à la TVA et ayant pour effet de lui interdire d'exercer des droits à déduction et de l'assujettir à la taxe sur les salaires (9) ainsi que le refus de l'administration d'étendre à une catégorie de salariés le bénéfice d'une déduction supplémentaire pour frais professionnel, refus qui détermine l'issue d'un différend opposant le contribuable à l'URSSAF (10). La jurisprudence va même plus loin en qualifiant d'acte faisant grief une prise de position spontanée de l'administration fiscale qui ne comporte que des effets indirects pour le contribuable (11).

Toutefois, dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat le 21 mars 2008, la situation est sensiblement différente, puisque la prise de position contestée se borne à déduire l'assujettissement de l'association aux impôts commerciaux de l'analyse de ses missions et qu'il est possible de soutenir qu'elle n'a, par elle même, aucun effet direct sur l'association : outre que l'association n'est pas juridiquement tenue de faire sienne l'analyse, la position adoptée par l'administration peut être modifiée par la suite, notamment si une vérification conduit à apprécier différemment la situation de l'association, ou si cette dernière a infléchi ses activités de manière à ne plus entrer en concurrence avec le secteur commercial.

1.2.2. Une qualification d'acte faisant grief retenue à raison de ses effets sur le comportement de la requérante

Dans la décision, le Conseil d'Etat a cependant considéré que les lettres de l'administration fiscale pouvaient être regardées comme comportant "une décision faisant grief à l'association eu égard aux sujétions, notamment comptables, qu'elle supporterait en se conformant aux conclusions de l'administration fiscale relatives à son assujettissement aux impôts commerciaux".

En effet, comme le soulignait le commissaire du Gouvernement devant la cour (12), une association qui se voit répondre, à deux reprises, qu'elle est assujettie aux impôts commerciaux ne prendra probablement pas le risque de ne pas se plier à cet avis et, par suite, elle prendra les dispositions qu'impose son statut de contribuable assujetti, c'est-à-dire qu'elle tiendra une comptabilité commerciale et qu'elle souscrira des déclarations de résultats. Ces conséquences, bien qu'indirectes, peuvent faire sérieusement hésiter à juger que la position de l'administration fiscale ne fait pas grief.

Le Conseil s'est donc fondé sur les effets qu'emporterait la position de l'administration sur le comportement de l'association requérante pour qualifier de décisions faisant grief les lettres qu'avait adressées la première à la seconde. Cette solution est d'autant plus remarquable que le Conseil d'Etat a auparavant indiqué que ces lettres n'emportaient "par elles-mêmes aucun effet de droit" sur la situation de l'association "régie par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur". C'est ainsi non pas en raison de son effet juridique mais en raison de son effet pratique que la position ainsi prise par l'administration fiscale fait grief à l'association requérante et l'on peut à cet égard saluer la décision réaliste du Conseil d'Etat qui ne s'est pas arrêté au seul contenu des lettres en cause mais s'est attaché à examiner en quoi elles avaient influé ou pouvaient influer sur la situation comptable, fiscale et plus largement économique de l'association requérante.

2. La contestation de cette décision relève cependant du juge de l'impôt et non du juge de l'excès de pouvoir

2.1. En vertu de l'exception de recours parallèle, le juge de l'excès de pouvoir intervient peu dans le contentieux fiscal

2.1.1. L'exception de recours parallèle : un principe destiné à faire du recours de plein contentieux le recours de droit commun en matière fiscale

La théorie du recours parallèle a pour objet d'empêcher que tout recours puisse être valablement introduit sous la forme du recours pour excès de pouvoir. Cette théorie repose sur la constatation selon laquelle il serait possible, à défaut d'un moyen l'interdisant, de mettre tout le contentieux administratif sous la forme du contentieux de l'excès de pouvoir. Un contribuable n'est donc pas recevable à poursuivre directement devant le tribunal administratif, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation d'une imposition dont il pouvait obtenir la décharge en recourant à la procédure prévue aux articles R. 190-1 et suivants du LPF (N° Lexbase : L3075HPL) (13). Ajoutons que l'exception de recours parallèle est opposée tant au recours dirigé contre la décision d'imposition qu'à celui formé contre les actes de la procédure d'imposition (LPF, art. L. 281 N° Lexbase : L8541AE3).

La jurisprudence estime en général que la fin de non-recevoir résultant de l'existence d'un recours parallèle n'est opposable que lorsque ce recours parallèle permet au requérant d'obtenir un résultat absolument identique à celui que lui procurerait le recours pour excès de pouvoir. Dans ce cas, en effet, le recours de plein contentieux fiscal permet d'atteindre l'acte même faisant l'objet du recours.

Lorsque le recours parallèle n'est pas de nature à procurer un résultat aussi satisfaisant et aussi efficace que le recours pour excès de pouvoir, ce dernier est admis à l'encontre de tout acte détachable de l'opération relevant du contentieux parallèle. Il en est toujours ainsi lorsque l'acte attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir a un caractère réglementaire. Ainsi, la faculté ouverte à un contribuable assujetti à une taxe locale de contester par la voie du recours de plein contentieux fiscal la légalité de son imposition ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé forme un recours pour excès de pouvoir contre la décision par laquelle l'organe délibérant de la collectivité locale bénéficiaire de la taxe a fixé le tarif de cette taxe (14).

En fait, la question du caractère détachable ou non des actes faisant partie d'une opération administrative complexe se pose essentiellement à propos des actes non réglementaires.

2.1.2. Une intervention limitée du juge de l'excès de pouvoir

La fin de non-recevoir tirée de l'existence du recours de plein contentieux fiscal ne peut pas être opposée à un justiciable qui exerce un recours pour excès de pouvoir lorsque le recours fiscal ne peut être présenté ou lorsque le "résultat" du recours de plein contentieux fiscal n'est pas équivalent à celui qu'emporterait une annulation de l'acte attaqué par le juge de l'excès de pouvoir. Dans ce second cas, la jurisprudence oppose ainsi la théorie de l'effet équivalent (à savoir que le recours de plein contentieux fiscal aboutit à un effet équivalent au recours pour excès de pouvoir) au contribuable qui saisit le juge de l'excès de pouvoir.

C'est ainsi que peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir toutes les décisions concernant des personnes qui n'ont pas été imposées (15) ou qui ne sont pas imposables (16), notamment dans les cas où elles ne sont pas inscrites au rôle (17), sont exonérées de l'imposition en cause (18) ou demandent à l'être (19). En bref, en l'absence d'imposition, le juge de l'impôt ne peut être saisi et il appartient en conséquence au juge de l'excès de pouvoir de se prononcer sur la demande du requérant.

De même, de manière classique, peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir toutes les décisions de refus ou de retrait d'agrément qui conditionnent la décision de l'administration fiscale (20). Ce principe s'applique également en matière d'agréments portant sur les droits d'enregistrement dont le contentieux d'assiette est de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire (21). De manière plus générale, ainsi que le soulignait P. Martin dans ses conclusions sous une décision du 26 juillet 1991 (22), le recours pour excès de pouvoir est admis dès lors qu'une règle procédurale conditionne l'intervention de la décision fiscale : c'est le cas lorsque cette décision fait suite à un refus ou à un retrait d'agrément, mais aussi lorsqu'elle fait suite à l'intervention d'une autorisation préalable (23) ou d'une commission indépendante (24).

Par ailleurs, peuvent aussi faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir les décisions prises dans le cadre de la juridiction gracieuse, ainsi que des décisions refusant un dégrèvement d'office (25), la contestation de ces décisions ne relevant pas en effet du plein contentieux fiscal.

Enfin, les décisions fixant le lieu d'imposition, lorsqu'elles n'ont pas d'incidence sur le principe même ou le montant de l'imposition, ne peuvent être contestées par la voie du recours de plein contentieux fiscal et peuvent donc l'être par la voie du recours pour excès de pouvoir (26).

2.2. La décision du 26 mars 2008 confirme cette limitation dans une espèce où son intervention aurait cependant été fort utile

2.2.1. L'absence de caractère détachable de la procédure d'imposition de la décision attaquée

Bien qu'il ait estimé que la position prise par l'administration fiscale constituait une décision faisant grief à l'association requérante, le Conseil d'Etat n'en a pas pour autant admis la recevabilité du recours pour excès de pouvoir formé par cette dernière à l'encontre de cette décision. Le Conseil a, en effet, opposé à la requérante l'exception de recours parallèle en indiquant que cette décision ne présentait pas "le caractère d'un acte détachable de la procédure d'imposition", ce qui signifie qu'une telle décision ne peut être contestée que devant le juge de l'impôt dans le cadre d'un recours de plein contentieux fiscal.

La décision du 26 mars 2008 vient ainsi rappeler qu'en matière fiscale, l'intervention du juge de l'excès de pouvoir n'est que résiduelle, la jurisprudence ayant une interprétation très large de la notion d'acte non détachable de la procédure d'imposition. En effet, ne sont pas détachables de la procédure d'imposition les actes se rattachant au contrôle fiscal (27), à la procédure de redressement fiscal (28), à l'assiette de l'impôt (29), à la procédure d'établissement des pénalités (30) et à la procédure de recouvrement (31). De même, les décisions par lesquelles l'administration fiscale invite le contribuable à produire une déclaration (32), refuse de lui accorder le bénéfice d'une doctrine administrative (33) ou refuse de saisir la commission départementale des impôts (34) ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition et ne peuvent donc être contestées que devant le juge de l'impôt dans le cadre d'un recours de plein contentieux fiscal. Enfin, selon la jurisprudence, ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir la décision par laquelle une autorité administrative refuse une exonération qui est en réalité de plein droit et non pas subordonnée à agrément (35) ou refuse d'autoriser une société à opter pour un report en arrière de déficits (36). La jurisprudence distingue, donc, les exonérations qui doivent faire l'objet d'une décision d'autorisation préalable de la part de l'administration (telle qu'une décision d'accorder un agrément) des exonérations dont le bénéfice est de droit dès lors que les conditions fixées par le texte fiscal pour se les voir accordées sont remplies par le demandeur.

Or, dans ses conclusions sous la décision du 26 mars 2008, le commissaire du Gouvernement F. Séners, pour justifier le caractère non détachable de la décision par laquelle l'administration fiscale avait indiqué à l'association requérante qu'elle était assujettie aux impôts commerciaux, assimile cette décision à une décision de refus d'exonération d'impôt (37).

Dans la décision du 26 mars 2008, le Conseil d'Etat n'indique cependant pas pour quel motif il a estimé que la position et la décision prises par l'administration fiscale ne constituaient pas un acte détachable de la procédure d'imposition. Il est probable qu'il a été sensible à l'argumentation de son commissaire, même si la demande de l'association requérante auprès de l'administration fiscale s'apparentait plus à une demande de renseignement qu'à une demande d'exonération, mais il est probable aussi qu'il a souhaité conserver à la jurisprudence relative aux actes non détachables de la procédure d'imposition son caractère extensif et "principiel" : en effet, en matière de contentieux fiscal, c'est-à-dire de contentieux relatif aux décisions de l'administration fiscale, le recours de plein contentieux fiscal est la règle tandis que le recours pour excès de pouvoir est l'exception. L'intervention du juge de l'excès de pouvoir déroge ainsi à la compétence de principe qui est celle du juge de l'impôt. Ce sont donc ces dérogations à la règle qui doivent être motivées et non les applications de cette règle. Autrement dit, si la qualification d'acte détachable de la procédure d'imposition doit être fortement motivée, il n'en est pas de même pour la qualification d'acte non détachable de la procédure d'imposition. Il n'y avait donc finalement aucune raison pour que le Conseil d'Etat, dans la décision du 26 mars 2008, motive plus avant sa décision d'appliquer la règle jurisprudentielle selon laquelle, en matière de contentieux fiscal, la compétence de principe revient au juge de l'impôt dans le cadre du recours de plein contentieux fiscal.

Plus généralement, l'on peut conclure de la décision du 26 mars 2008 que toute décision par laquelle l'administration fiscale et plus largement toute autorité administrative indique à une personne (physique ou morale) qu'elle est redevable de telle ou telle imposition, même si elle n'est pas suivie d'une imposition effective, constitue un acte non détachable de la procédure d'imposition qui ne peut être contesté que par la voie du recours de plein contentieux fiscal. En cela, la décision du 26 mars 2008 rejoint une décision du 13 mars 2006 ayant jugé que la délibération par laquelle la commission de régulation de l'électricité avait indiqué à Réseau Ferré de France qu'il était redevable de la contribution au service public de l'électricité, ainsi que d'une pénalité de 10 % n'était pas détachable de la procédure d'imposition (38).

Il n'en demeure pas moins qu'il est permis en l'espèce de douter du caractère équivalent de ce recours vis-à-vis du recours pour excès de pouvoir.

2.2.2. L'utilité de l'intervention du juge de l'excès de pouvoir

Les nécessités de l'administration de la justice peuvent faire regretter que le juge soit saisi d'un contentieux d'assiette par imposition et par année d'imposition, notamment en matière de taxe professionnelle, plutôt que d'un seul recours pour excès de pouvoir. Ainsi que l'indiquait Guillaume Goulard dans un rapport rendu public le 10 mars 1998 (39), "compte tenu de son importance pratique, il semblerait logique que la prise de position adoptée par l'Administration, en réponse à la demande de l'association qui l'interroge sur son statut fiscal, puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal compétent [...] L'avantage de cette voie de recours spécifique (mais déjà pratiquée en matière fiscale, notamment pour les refus d'agréments) est que l'association peut saisir le tribunal administratif dès que la décision de principe de l'assujettissement est prise par l'Administration, sans attendre que les impositions correspondantes aient été mises en recouvrement". De même, J. Arrighi de Casanova avait, en vain, proposé d'admettre le recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'option pour le report en arrière de certains déficits après avoir indiqué, pour justifier sa position, que "le droit à un recours effectif, récemment érigé au rang de principe constitutionnel, apparaît de plus en plus comme le corollaire du besoin de sécurité juridique, et [...] le législateur multiplie les hypothèses dans lesquelles l'Administration est amenée à prendre parti rapidement sur une option ou sur la situation d'un contribuable. On peut citer à cet égard [...] le système du 'rescrit fiscal' en matière d'abus de droit de l'article L. 64 B du LPF [N° Lexbase : L5565G4U], ainsi que le mécanisme d'accord tacite des 2° et 3° de l'article L. 80 B" (40).

Il est vrai que ni l'un ni l'autre n'ont été suivis : l'instruction fiscale du 15 septembre 1998 (41) a qualifié de position, et non de décision, l'avis donné par l'administration en réponse à la demande de l'association qui l'interroge sur son statut fiscal tandis que le Conseil a jugé que n'était pas détachable de la procédure d'imposition la décision refusant l'option pour le report en arrière de certains déficits.

Il n'en reste pas moins que, ainsi que le soulignait le commissaire du Gouvernement F. Séners dans ses conclusions sous la décision du 26 mars 2008, "le dispositif qui permet aux associations de recueillir l'avis des DSF sur leur assujettissement aux impôts commerciaux est fortement inspiré par des considérations de sécurité juridique et que cette sécurité ne se concilie pas bien avec l'incertitude que laisse subsister, jusqu'à un éventuel contentieux fiscal, le désaccord entre l'administration et les responsables de l'association".

L'on peut, en effet, soutenir que le système du rescrit fiscal utilisé par l'association Pro-Musica devrait bénéficier d'une réponse rapide non seulement de l'Administration mais aussi du juge en cas de contestation. Or, seule l'intervention du juge de l'excès de pouvoir est de nature à permettre à l'association d'être rapidement fixée sur son assujettissement à l'impôt et plus largement sur son statut fiscal. Au contraire, en lui déniant le droit de saisir ce juge et en la contraignant à saisir le juge de l'impôt, la jurisprudence l'oblige à attendre une éventuelle imposition pour pouvoir, au prix et à l'issue d'une procédure bien longue (42), contester le principe de son assujettissement aux impôts commerciaux.

Là est sans doute le point le plus contestable de la décision du 26 mars 2008 : pour respecter une logique jurisprudentielle fondée sur la compétence de principe du juge de l'impôt, le Conseil d'Etat écarte l'intervention du juge de l'excès de pouvoir dans un domaine où, il nous semble, l'intervention du premier ne permet pas d'atteindre un résultat, du moins aussi rapidement, équivalent pour la requérante. Or, nous l'avons vu, le critère de l'effet équivalent du recours de plein contentieux fiscal vis-à-vis du recours pour excès de pouvoir est l'un des fondements de l'exception de recours parallèle. La décision du 26 mars 2008 semble s'écarter de ce critère ou du moins l'interpréter dans un sens plus restrictif : selon cette interprétation, dès lors que le recours de plein contentieux fiscal permet à terme (c'est-à-dire même à plus long terme) d'atteindre le même résultat (à savoir, en l'espèce, la remise en cause de l'assujettissement aux impôts commerciaux) que le recours pour excès de pouvoir, le requérant ne peut saisir le juge de l'excès de pouvoir.

Toutefois, selon une jurisprudence plus ancienne, les décisions de caractère pluriannuel doivent pouvoir être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir (43). Or, n'en est-il pas ainsi d'une décision par laquelle l'administration fiscale indique à une association qu'elle est redevable des impôts commerciaux sans assortir cette indication d'aucune limitation temporelle ? On le voit, la décision du 26 mars 2008 retient une solution qui n'est guère favorable à la requérante en jugeant qu'elle ne peut contester son assujettissement à un impôt qu'à l'appui d'une contestation d'une imposition qui lui a été effectivement réclamée pour une année donnée.


(1) CAA Marseille Plénière, 20 janvier 2005, n° 01MA01709, Association Pro-Musica : RJF, 5/05, n° 488, Dr. Fisc., 2005, n° 406, conclusions Trottier, AJDA, 2005, p. 1563, note Bourrachot.
(2) CE 9° et 10° s-s-r., 29 décembre 2000, n° 199296, Minefi c/ SNCF (N° Lexbase : A2141AI7) : RJF, 3/01, n° 328, concl. J. Courtial, BDCF, 3/01, n° 40.
(3) CAA Paris, 2ème ch., 5 décembre 1996, n° 94PA02177, Ponzoni (N° Lexbase : A8272BHT) : RJF, 5/98, n° 590.
(4) Une décision de dégrèvement, non motivée, ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du LPF : CE 9° et 10° s.-s., 8 mars 2002, n° 221667, SA Silmeca (N° Lexbase : A2564AYM), RJF, 6/02, n° 681, concl. G. Goulard, BDCF, 6/02, n° 84 ; CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005 n° 264718, Société Hôpital Privé Nord Parisien (N° Lexbase : A3480DIQ), RJF, 8-9/05, n° 879 ; CE, 10° et 9° s-s-r., 25 mai 2005, n° 253199, EURL Pressing Plus N° Lexbase : A4001DIZ), RJF, 8-9/05, n° 825 ; CAA Marseille, 3ème ch. sect. A, 28 février 2002, n° 98MA01045, Corellou (N° Lexbase : A4638AZS), RJF, 10/02, n° 1151. Cf., pour une décision de dégrèvement motivée : CAA Marseille, 3ème ch., 28 décembre 1999 n° 97MA05234, SCI Bompas Solanque, RJF, 1/01, n° 50.
(5) Pour un abandon motivé, qui constitue donc une prise de position formelle : CAA Nantes, 1ère ch., 30 décembre 2005, n° 03NT01032 et n° 05NT00869, Thurier (N° Lexbase : A8742DN4), RJF, 5/06, n° 560.
(6) TA Dijon, 1ère ch., 23 juin 1998, n° 96-6953, Lasterade de Chavigny : RJF, 8-9/98, n° 981 ; TA Nantes, 1ère ch., 15 mai 2001, n° 97-1106, Mary : RJF, 1/02, n° 67 ; TA Rennes, 2ème ch., 24 mai 2006, n° 02-3132, Bremond : RJF, 2/07, n° 156. Cette solution est conforme à la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'Etat concernant l'article L. 80 A du LPF d'après laquelle des renseignements et engagements verbaux sont susceptibles de constituer une interprétation formelle du texte fiscal, que le contribuable peut invoquer s'il en établit l'existence (des renseignements donnés verbalement par un inspecteur des impôts peuvent engager l'administration s'ils ont le caractère d'une interprétation formelle de la loi au sens de l'article L. 80 A du LPF : CE 7° et 8° s-s-r., 30 mai 1979, n° 11436 et n° 12155 N° Lexbase : A1853AKT, RJF, 7-8/79 n° 403).
(7) CAA Paris, 3ème ch., 2 février 1995, n° 94PA00034, Société Trax Immobilien AG (N° Lexbase : A7459BHQ) : RJF, 4/95 n° 459 ; CE 9° et 8° s-s-r., 3 juin 1998, n° 157667, Association normande des propriétaires d'appareils à vapeur électriques (N° Lexbase : A7169ASC) : RJF, 7/98, n° 811 ; CE 8° et 9° s-s-r., 8 juillet 1998, n° 172657, Lafage (N° Lexbase : A4604AY8) : RJF, 8-9/98, n° 980 ; CE 9° et 10° s-s-r., 17 juin 2005 n° 258805, SA Marine Côte d'Argent (N° Lexbase : A7315DIR) : RJF, 10/05, n° 1066, concl. S. Verclytte, BDCF, 10/05, n° 119 ; CE 3° et 8° s-s-r., 2 octobre 2006, n° 270954, Minefi c/ SCI Sebimo (N° Lexbase : A6877DR7) : RJF, 12/06, n° 1555, concl. P. Collin, BDCF, 12/06, n° 152 ; CE 9° et 10° s-s-r., 6 juin 2007, n° 284826, Société Orgachim (N° Lexbase : A8155DWX) : RJF, 10/07, n° 1063.
(8) CE Section, 5 novembre 1993, n° 132305, SA Le Courrier de l'Ouest (N° Lexbase : A1218ANG) : RJF, 12/93, n° 1575, BDCF 8/94, conclusions Fouquet, Dr. Fisc., 1994, n° 67, RJS, 12/93, p. 699, conclusions Fouquet.
(9) CE Plénière, 20 juillet 1990, n° 84846, Association pour la protection sociale de la Charente-maritime "APAS" de la Charente-Maritime (N° Lexbase : A4652AQD) : RJF, 10/90 n° 1177.
(10) CE Section, 5 novembre 1993, précité.
(11) Selon cette décision, constitue une décision faisant grief la prise de position du vérificateur s'opposant à ce que les dons faits à une association ouvrent droit, pour leurs auteurs, à une réduction d'impôt, ce qui a pour conséquence d'interdire à cette association d'établir des reçus fiscaux (CE 9° et 10° s-s-r., 3 juillet 2002, n° 214393, Association des contribuables associés N° Lexbase : A0334AZE : RJF, 10/02, n° 1169 ; BDCF, 10/02, n° 129, concl. J. Courtial). Cette solution a pu être influencée par la jurisprudence de contentieux général qui tend à regarder comme faisant grief tout acte d'interdiction.
(12) Conclusions de T. Trottier, sous CAA Marseille Plénière, 20 janvier 2005, préc. : RJF, 5/05 n° 488, DF, n° 18-19/2005, n° 406, cf. aussi note F. Bourrachot, AJDA, n° 28/2005, p. 1563.
(13) CE, 27 février 1950, n° 95586 : RO, p. 16 ; CE, 13 juin 1952 n° 13174 : RO, p. 65 ; CE, 22 mars 1957, n° 34403 : RO, p. 316.
(14) CE Section, 20 mars 1992, n° 108088 (N° Lexbase : A5072ARB) : RJF, 5/92, n° 723, conclusions M.-D. Hagelsteen, p. 384.
(15) Ainsi, la lettre par laquelle le directeur des services fiscaux refuse de reconnaître à une association la qualité d'assujetti à la TVA contient une décision faisant grief. En l'absence d'imposition à la TVA et à défaut d'autre voie de recours juridictionnel permettant à l'association de faire valoir ses droits, cette décision peut être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE plén., 20 juillet 1990, n° 84846, Association pour l'action sociale de la Charente-Maritime "APAS", préc. : RJF, 10/90, n° 1177 ; CE 9° et 8° s-s-r., 25 novembre 1994, n° 108907, Ministre du Budget c/ Association Centre interentreprises de médecine du travail de Mazamet (N° Lexbase : A3448ASI) : RJF, 1/95, n° 15. Cf. les cas où le refus de l'administration de modifier le calcul du forfait de bénéfices d'un contribuable n'est pas suivi d'une imposition mais a une incidence sur les droits de l'intéressé à des prestations sociales (CE, 9 novembre 1994, n° 129628 N° Lexbase : A3602AS9 : RJF, 1/95, n° 24) ou sert d'assiette à des cotisations obligatoires de sécurité sociale (CE, 8 février 1999, n° 144784 N° Lexbase : A4317AX8 : RJF, 4/99, n° 458).
(16) Ainsi, une personne dont les revenus ne sont pas imposables et qui ne peut pas, de ce fait, saisir le juge de l'impôt, doit évidemment pouvoir contester devant le juge de l'excès de pouvoir la décision réduisant son forfait de BIC qui a des conséquences sur l'attribution de prestations sociales : CE Section, 8 mai 1981, n° 17929, Marquiset (N° Lexbase : A7511AKE), au Recueil, p. 209, avec concl. Schricke. De même, l'exception de recours parallèle n'est pas opposable au recours pour excès de pouvoir formé contre la décision du directeur des services fiscaux refusant de prendre en compte certains frais réels et de rectifier, en conséquence, le montant des traitements et salaires figurant sur l'avis de non-imposition à l'impôt sur le revenu dès lors que le requérant, qui n'est pas imposable, ne peut pas former un recours de plein contentieux devant le juge fiscal et que la décision, qui a des incidences sur le montant des prestations familiales et de l'aide personnalisée au logement, lui fait grief (TA Rouen 2ème ch., 5 mars 1996, n° 93-290, Robert : RJF, 6/96, n° 789).
(17) CE, 23 décembre 1938, Dame Bosc, au Recueil, p. 974.
(18) Pour le cas d'un propriétaire de parcelles exonéré de taxe foncière sur les propriétés non bâties qui conteste la décision du directeur des services fiscaux refusant de modifier le classement cadastral desdites parcelles, ce classement servant de référence pour le calcul de diverses cotisations sociales auxquelles il est assujetti : CE, 31 décembre 1992, Vidal, RJF, 11/92, n° 1551.
(19) CE, 9 janvier 1985, n° 39387, Le Scao (N° Lexbase : A2898AMB), aux Tables, p. 564, 616, RJF, 03/85, n° 438 : pour le rejet d'une demande d'exonération de la redevance radio-télévision alors même qu'un recours de plein contentieux spécifique est organisé ; CE Section, 22 juillet 1977, n° 97961, Union des Coopérateurs de l'Hérault, du Gard et de l'Aude (N° Lexbase : A5339B8A), au Recueil, p. 345, RJF, 10/77, n° 547 : pour un refus d'exonération de taxe d'enlèvement des ordures ménagères incompétemment pris par un maire.
(20) CE Section, 10 mars 1967, n° 64509, SAMAT (N° Lexbase : A7052B7C), au Recueil, p. 113 ; CE, Section, 26 janvier 1968, n° 69765, Maison Genestal (N° Lexbase : A7564B8N), au Recueil, p. 62.
(21) T. confl., 17 octobre 1988, n° 2524 (N° Lexbase : A8322BDL) : RJF, 1/89, n° 107 ; CE, 7 décembre 1988, n° 84073, Ministre du Budget c/ SARL Coffinet (N° Lexbase : A6798APH) : RJF, 1/89, n° 103 ; CE, 23 février 1994, n° 124644 (N° Lexbase : A9809ARQ) : RJF, 5/94, n° 611 ; CE, 25 novembre 1994, n° 114835 N° Lexbase : A3478ASM : RJF, 1/95, n° 70 ; et Cass. com., 30 janvier 1996, n° 94-11.202 (N° Lexbase : A6440AHY) : RJF, 5/96, n° 671 ; CAA Paris, 5ème ch., 11 mai 2000, n° 99PA03843, Mocchi (N° Lexbase : A9381BHW) : RJF, 11/00, n° 1328 ; CE, 19 mars 2003, n° 233359 (N° Lexbase : A6503BLG) : RJF, 6/03, n° 750 (solution implicite rendue à propos de l'agrément prévu pour l'application de l'article 795 A du CGI N° Lexbase : L8279HL9).
(22) CE, 26 juillet 1991, 9° et 7° s-s-r., n° 80430, Compagnie des Entrepôts et Gares Frigorifiques (N° Lexbase : A9109AQG) : RJF, 10/91, n° 1291.
(23) Il en va ainsi pour les refus d'autorisation de constitution de secteurs distincts en matière de TVA : CE, 19 mars 1971, n° 81458, Société Général Foods France (N° Lexbase : A2919B8M), Dupont, p. 215. Il en va de même pour la décision de refus de renouvellement d'une option pour le régime de l'intégration fiscale : TA Lyon, 18 décembre 2001, n° 99-770, RJF 5/02, n° 557.
(24) Il en est ainsi pour la décision par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse refuse de délivrer à un éditeur de périodique un certificat d'inscription ou retire le certificat précédemment délivré ainsi que les décisions par lesquelles l'administration refuse à un éditeur le bénéfice du régime de la presse. Pour des refus de délivrance d'un certificat d'inscription, cf. CE 8° et 9° s-s-r., 4 mars 1985, n° 46934, Confédération d'entraide généalogique Rhône-Alpes (N° Lexbase : A3145AMG) : RJF, 5/85, n° 696 ; CE 9° et 10° s-s-r., 20 avril 2005, n° 267097 et 272019, Société Graff It Productions (N° Lexbase : A9383DHY) : RJF, 7/05, n° 680 ; CE 9° et 10° s-s-r., 18 juin 2007 n° 296166, Editions Jibena et Cie (N° Lexbase : A8628DWH) : RJF, 10/07, n° 1032. Pour des retraits de certificat, cf. CE Section, 27 mai 1994, n° 142878, Centre National de la Recherche Scientifique (N° Lexbase : A0176AID) : RJF, 1/95, n° 17.
(25) Pour un refus de remise gracieuse, cf. CE, 15 octobre 1980, n° 17482 (N° Lexbase : A6620AIZ) : RJF, 12/80, n° 997.
(26) CE, 12 mars 1975, Sieur X (N° Lexbase : A8569B7I), au Recueil, p. 188 ; CE Section, 18 novembre 1977, n° 02761 (N° Lexbase : A8029AYZ), au Recueil, p. 453, RJF, 11/78, n° 7.
(27) CE 9° s-s., 29 janvier 1965, n° 62558, Dupont 1965, p. 219. Cf., pour des avis de vérification : CE 7° et 9° s-s-r., 3 octobre 1978, n° 12128 (N° Lexbase : A2590AK7), RJF, 11/79, n° 672 ; CE, 5 juillet 1995, n° 153942, CAPC, Abdel Hadi, RJF, 10/95, n° 1169. De même, la lettre par laquelle le directeur des services fiscaux informe le contribuable qu'il fait l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble et non d'une vérification de comptabilité et rejette sa prétention de voir interrompre ce contrôle fiscal constitue un acte non détachable de la procédure d'imposition : CE 8° et 9° s-s-r., 28 octobre 1985, n° 42931 (N° Lexbase : A3023AMW), RJF, 12/85, n° 1569. Enfin, une demande d'autorisation de visite domiciliaire n'est pas détachable de la procédure d'imposition : CAA Paris, 17 mars 1998 : RJF 8-9/98, n° 1000.
(28) CE 7° et 9° s-s-r., 15 janvier 1982, n° 37220 (N° Lexbase : A8245AKL) ; CE 7° et 9° s-s-r., 15 janvier 1982, n° 37549 (N° Lexbase : A2513ALN) : RJF, 3/82, n° 299 ; CE 7° et 8° s-s-r., 30 juin 1982, n° 38020 (N° Lexbase : A8013AKY) : RJF, 10/82, n° 1010. Ainsi, la lettre par laquelle l'administration confirme au contribuable les redressements déjà notifiés ne constitue pas une décision détachable de la procédure d'imposition de nature à être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir : CE, 7° et 9° s-s-r., 26 novembre 1971, n° 83409 (N° Lexbase : A8161B8R), Dupont 1971, p. 34 ; CE 8° et 9° s-s-r., 28 juillet 1993, n° 130370, Cellerier (N° Lexbase : A0357ANK), RJF, 10/93, n° 1371. De même, ni la notification de redressements adressée au contribuable, ni la réponse faite par l'administration à ses observations ne constituent des actes détachables de la procédure d'imposition, de nature à être déférés à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir, alors même qu'ils n'ont été suivis d'aucune imposition : CE 8° et 9° s-s-r., 14 février 1996, n° 138423, Bourgeois (N° Lexbase : A7588AND), RJF, 4/96 n° 489.
(29) Pour l'évaluation d'un avantage en nature : CE, 15 avril 1988, n° 63896, Vincent (N° Lexbase : A6597APZ), au Recueil, p. 145. Une décision de refus de division de cote en matière de taxe d'habitation ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition et ne peut donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir : CAA Paris, 5ème ch., 11 avril 2000, n° 98PA01016, Carlier et Sommer (N° Lexbase : A9354BHW), RJF, 11/00, n° 1287. Le refus implicite opposé par l'administration à une demande de renseignements relative au mode de calcul des impositions litigieuses (taxe d'habitation) n'est pas une décision détachable du contentieux de l'imposition. Il ne peut donc être attaqué par la voie d'un recours pour excès de pouvoir : CE 8° et 9° s-s-r., 4 mars 1985, n° 36049 (N° Lexbase : A2933AML), RJF, 5/85, n° 733. Une proposition de forfait (TVA) ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition. Elle ne peut pas faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir : CE 8° et 9° s-s-r., 17 mai 1985, n° 40450, RJF, 7/85, n° 1116. Mentionnons, également, la décision par laquelle l'administration statue sur une demande tendant à ce que soient constatés les changements de consistance, d'affectation, de caractéristiques physiques ou d'environnement affectant une propriété : CAA Lyon, 11 octobre 2001, RJF, 5/01 n° 665.
(30) La lettre par laquelle un inspecteur des impôts fait savoir à un contribuable, en complément d'une notification de redressements, que les pénalités prévues en cas d'absence de bonne foi lui seront appliquées n'est pas détachable de la procédure d'imposition et ne peut dès lors faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir : CE 7° et 8° s.-s., 4 décembre 1985, n° 62141 (N° Lexbase : A3073AMR), RJF, 2/86, n° 232 ; CE 7° et 9° s-s-r., 21 mai 1986, n° 66722 (N° Lexbase : A4263AMT), RJF, 7/86, n° 730 ; CE 8° et 9° s-s-r., 3 juin 1991, n° 66814, Société Générale Immobilière de placement (N° Lexbase : A9077AQA), RJF, 8-9/91, n° 1149 ; CE 8° et 9° s-s-r., 9 décembre 1992, n° 115994, Hervé (N° Lexbase : A8551AR7), RJF, 2/93, n° 265 ; CE 9° s-s., 30 juin 1995 n° 119853, Castel (N° Lexbase : A4408ANL) ; CE, 9° s-s., 30 juin 1995, n° 119848, Coutaud (N° Lexbase : A4407ANK), RJF, 8-9/95, n° 1009.
(31) CE, 15 novembre 1978, n° 01961, Gaudissart (N° Lexbase : A2968AIR), au Recueil, p. 441 ; CE 8° et 9° s-s-r., 3 juin 1985, n° 41271 (N° Lexbase : A2991AMQ) : RJF, 7/85, n° 1115. Pour la contestation d'une lettre de rappel, cf. TA Toulouse, 16 juillet 2002 : RJF, 1/03, n° 109.
(32) CE 8° et 9° s-s-r., 24 juillet 1981, n° 28959 (N° Lexbase : A7627AKP) : RJF, 11/81, n° 1014 ; CE 7° et 9° s-s-r., 4 mars 1987, n° 74192 (N° Lexbase : A2762APY).
(33) CE 7° et 8° s-s-r., 17 décembre 1984, n° 43023 (N° Lexbase : A4719ALD) : RJF, 2/85, n° 310.
(34) CE, 25 octobre 1961, Dupont 1961, p. 659 ; CE, 27 janvier 1965, Dupont 1965, p. 219 ; CAA Nantes, 1ère ch., 21 juillet 1998, n° 95NT01669 (N° Lexbase : A4053BHL) : RJF, 2/99, n° 190 (rejet de la demande du contribuable tendant à la désignation d'une autre commission que celle territorialement compétente).
(35) CE 7° et 9° s-s-r., 26 juillet 1991, n° 80430, Compagnie des Entrepôts et Gares Frigorifiques (N° Lexbase : A9109AQG) : RJF, 10/91, n° 1291. En confirmant son refus d'accorder au contribuable le bénéfice de l'exonération prévue en faveur des entreprises nouvelles, le ministre de l'Economie et des Finances a pris une décision qui n'est pas détachable de la procédure contentieuse fiscale engagée par le contribuable et qui ne peut être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir : CE 8° et 9° s-s-r., 8 septembre 1999 n° 196426, Pelfrene (N° Lexbase : A4155AX8), RJF, 11/99, n° 1344.
(36) CE, 30 juin 1997, n° 178742, SA Sectronic (N° Lexbase : A0501AEB) : RJF, 8-9/97, n° 776, concl. J. Arrighi de Casanova, p. 511.
(37) Selon F. Séners : "la prise de position de l'administration fiscale, en l'espèce, n'est pas détachable, elle non plus, de la procédure d'imposition, car cette prise de position n'est pas foncièrement différente d'un refus d'exonération d'impôt et il est très difficile d'assimiler à un agrément la procédure qui permet à une association de consulter un correspondant fiscal attitré".
(38) CE, 13 mars 2006, n° 265582 et n° 273093, RFF et SNCF (N° Lexbase : A5923DNP) : RJF, 6/06, n° 803.
(39) Rapport sur le régime fiscal des associations remis au Premier ministre, Dr. Fisc. 1998, pp. 415 à 422.
(40) CE, 30 juin 1997, n° 178742, SA Sectronic (N° Lexbase : A0501AEB) : Dr. fisc., 1997, comm. 1301 ; RJF, 8-9/97, n° 776, concl. J. Arrighi de Casanova, p. 511 à 515.
(41) BOI 4 H-5-98 (N° Lexbase : X0387AAL), Dr. Fisc., 1998, instr. 12076.
(42) Vérification de comptabilité, notification de redressements, observations, réponse à ces observations, saisine de la commission départementale des impôts, voire même mise en demeure de souscrire des déclarations suivie, le cas échéant, d'une taxation d'office...
(43) Pour les agréments fiscaux, cf. CE Section, 10 mars 1967, n° 64509, Ministre c/ Société Samat (N° Lexbase : A7052B7C), Lebon, p. 113 et CE Section, 26 janvier 1968, n° 69765, Société Maison Genestal (N° Lexbase : A7564B8N), Lebon, p. 62. Pour l'inscription sur la liste de la commission paritaire des entreprises de presse qui donne droit à un traitement privilégié pour la TVA, cf. CE Section 3 novembre 1978, n° 3129 (N° Lexbase : A5655AIB) : RJF, 12/78, n° 526 et CE Section, 18 mai 1979, n° 13803 (N° Lexbase : A0746AKT) : RJF, 11/79, n° 642. S'agissant de la jurisprudence classique relative au déclassement des terres : si le classement intervient en vue de la fixation du bénéfice agricole, le refus de déclassement ne peut être contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir parce que les effets du classement sont annuels (CE, 9 février 1983, n° 31084 N° Lexbase : A9941ALR : RJF, 4/83 n° 562, concl. D. Léger, DF/83 c. 1374). Cf. également les conclusions contraires de N. Chahid-Nouraï sous CE, 3 février 1988, n° 81099 (N° Lexbase : A6668APN) : RJF, 5/88, n° 655.

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Santé

[Textes] Le rapport "Larcher" et les grandes orientations de la future réforme de l'hôpital

Réf. : Rapport de la commission de concertation sur les missions de l'hôpital, présidée par M. Gérard Larcher, 10 avril 2008

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 21 Octobre 2014

M. Gérard Larcher, ancien ministre du Travail et ex-président de la fédération hospitalière de France, a remis au Président de la République, le 10 avril 2008, un rapport de la commission de concertation sur les missions de l'hôpital, formulant des propositions visant à "mieux répondre aux besoins des patients, optimiser l'offre de soins hospitalière et préserver l'avenir de l'hôpital public". Ce document propose au chef de l'Etat, d'"oser au-delà des intérêts [...] et par-delà les habitudes", et une réforme en profondeur du secteur hospitalier. Pour cela, la commission a choisi de ne pas multiplier les propositions, mais de se concentrer sur certaines mesures emblématiques de nature à introduire une véritable révolution dans le monde de la santé. C'est par une lettre de mission du 12 octobre 2007 que le Président de la République a chargé M. Larcher de mener une large concertation sur les missions de l'hôpital auprès de l'ensemble des acteurs de santé, en s'appuyant sur une commission, notamment, chargée d'en assurer la synthèse.

La commission, installée le 16 octobre 2007, a procédé à une quarantaine d'auditions (1) et s'est organisée en cinq groupes de travail (2), qui ont intégré, dans leurs travaux, l'objectif d'une meilleure articulation entre l'hôpital et les institutions médico-sociales, et l'offre de soins ambulatoires. Chacun de ces groupes a dressé un état des lieux des constats, des problématiques et des enjeux pour la thématique le concernant, en tenant compte des auditions.

Les membres de la commission, comme les personnes auditionnées, ont, d'abord, souligné l'existence d'un service de qualité qui est reconnu comme l'un des meilleurs au monde, tout en permettant un large accès aux soins (3). Ils ont pu relever, de même, la constante adaptation et l'ampleur des réformes structurantes qu'a connues le secteur hospitalier au cours de ces dernières années. Les réformes successives ont concerné l'ensemble des établissements de santé quel que soit leur statut (4), même si certaines n'ont porté que sur l'hôpital public (par exemple, la réforme de la gouvernance de l'hôpital public).

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, sur les droits des malades et la qualité du système de santé (N° Lexbase : L1457AXA), (5) a donné une légitimité plus forte aux associations d'usagers (6), et un cadre législatif nouveau à l'exercice des droits individuels. Comme le souligne le rapport d'état des lieux de la commission (7), il y a là "un facteur positif et important d'élévation du niveau d'exigence à l'égard des prestations des établissements de santé".

L'exigence de sécurité sanitaire s'est, également, traduite par une recherche accrue de qualité : cela s'est concrétisé, par exemple, par des nouvelles accréditations et certifications (8) ou normes techniques et de sécurité (9), par le renforcement de la lutte contre les maladies nosocomiales (10), ou encore par la définition progressive d'indicateurs qualitatifs (11).

Enfin, et dans le même temps, les règles de planification hospitalière ont été profondément rénovées, à travers l'encadrement de l'activité et le développement de la contractualisation entre les Agences régionales d'hospitalisation (ARH) et les établissements. La carte sanitaire a été supprimée, le régime d'autorisation a été simplifié, et il a été donné plus de place à la contractualisation (voir, par exemple, les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens [CPOM]) (12). Tout ceci s'est accompagné, pour l'hôpital public, d'une mise en place d'une nouvelle organisation encore en cours, qui se matérialise, essentiellement, par une déconcentration accrue de la gestion (mise en place des pôles), l'implication dans la gestion des responsables médicaux et paramédicaux, ou encore le remodelage des instances décisionnelles de l'hôpital (13).

Pour autant, la nouvelle commission mise en place a pu identifier les problèmes restants et mettre en évidence les enjeux auxquels le monde hospitalier, public et privé est, aujourd'hui, confronté. Le premier problème, non encore réglé, est le recours abusif, dans nombre d'hypothèses, aux urgences hospitalières, dû en, grande partie, à l'absence de liens entre la médecine libérale et la médecine hospitalière, problème que les réseaux de soins puis réseaux de santé entre ville et hôpital n'ont pu que partiellement solutionner. De même, la définition de la notion de territoire en matière hospitalière soulève encore de nombreuses interrogations, notamment quant à sa cohérence avec les cadres institutionnels. Enfin, le concept de service public hospitalier suscite, lui aussi, aujourd'hui, beaucoup d'interrogations eu égard, essentiellement, aux conditions de fonctionnement des établissements privés qui participent à ce service. A l'inverse, l'hôpital public perd de son attractivité, son fonctionnement et son organisation étant remis en cause par rapport au secteur privé. En effet, les postes dans certaines spécialités (chirurgie et radiologie, notamment) sont de plus en plus difficilement pourvus en raison, essentiellement, du différentiel de rémunérations entre secteur privé et secteur public.

Cet état des lieux dressé par la commission en décembre 2007 a servi de base à la concertation puis à l'élaboration des propositions. Les propositions ont été débattues en réunion plénière de la commission et le rapport final a été structuré autour de quatre grands thèmes : l'aménagement des relations entre le monde hospitalier et son environnement, l'optimisation de l'offre de soins hospitalière, la préservation de l'avenir de l'hôpital public et le développement de l'enseignement et de la recherche.

Il ne sera traité ici, que des propositions relatives à la nouvelle organisation de l'hôpital public et à la nouvelle vision du service public hospitalier. Il convient, cependant, de relever les propositions faites, au surplus, pour améliorer la pertinence des recours à l'hôpital. Il est, ainsi, proposé d'améliorer la continuité du parcours de soins en prenant davantage en compte la dimension sociale et médicosociale de l'hospitalisation (préparation du retour à domicile, prise en charge pluripartenariale des publics fragiles), et en renforçant encore davantage la coordination entre les différents acteurs (14) (hôpital, médecine de ville, structures de moyen séjour, établissements et services sociaux et médicosociaux). Deux autres mesures participent, également, de ce même état d'esprit : une meilleure organisation des soins non programmés (urgences) en confiant, notamment, à la future agence régionale de santé (ARS) (15) une mission d'organisation globale (régulation, transport, permanence des soins, urgences) et en créant, par exemple, un "numéro unique" d'appel (le 15), permettant d'accéder aux urgences hospitalières ou au médecin de garde. Ce numéro unique doit mobiliser la médecine de ville quand il le faut, et l'hôpital quand c'est nécessaire.

Outre ce thème de recherche majeur, l'essentiel des propositions se concentre au travers de la volonté de moderniser l'hôpital public (I) et de renforcer encore les liens entre les établissements de santé publics et/ou privés, et revoir, ainsi, le concept de service public hospitalier (II).

I - Une volonté de moderniser l'hôpital public

La volonté de moderniser l'hôpital public passe par une nouvelle refonte des règles de gouvernance sans remise en cause de la précédente, mais plutôt en complément (A). De même, les enquêtes menées par la commission ont pu relever, aujourd'hui, le manque d'attractivité pour les métiers de l'hôpital public, la commission se proposant de remédier à cet état de fait (B).

A - La proposition d'évolution des règles de gouvernance

Les évolutions proposées par le rapport n'ont pas pour objectif de remettre en cause la "nouvelle gouvernance" (16), mais de permettre un meilleur exercice par chacun de ses responsabilités et, ainsi, rechercher le meilleur équilibre entre pouvoirs administratifs et médicaux à l'hôpital. L'exécutif de l'établissement est actuellement le directeur, le conseil d'administration n'ayant que des compétences d'attribution. L'ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005, simplifiant le régime juridique des établissements de santé (N° Lexbase : L3453G8E), a recentré les compétences du conseil sur des fonctions stratégiques, mais ce dernier peut encore se trouver placé dans des situations d'arbitrage difficile entre, par exemple, des objectifs de dynamique du territoire et des objectifs financiers (17). Il est, ainsi, proposé de supprimer l'actuelle dichotomie conseil d'administration/conseil exécutif, au profit d'une organisation inspirée de la nouvelle gouvernance des entreprises : un conseil de surveillance (qui resterait présidé par un élu), et un directoire dont le président serait directeur, et dont le président de la commission médicale d'établissement (CME) serait le vice-président. Grande nouveauté, c'est le conseil de surveillance qui choisit le directeur, lequel ne sera plus forcément issu de l'Ecole de la santé de Rennes, et pourra même venir du privé. Le ministère de la Santé, aidé par des cabinets de recrutement et la future ARS valident ce choix. Révocable, entouré d'un directoire essentiellement composé de soignants, le directeur deviendrait le véritable manager de l'hôpital. En ce sens et en pratique, les directeurs verront leurs pouvoirs renforcés au détriment du conseil de surveillance. Le chef de l'Etat a, à cet égard, souhaité renforcer le pouvoir du directeur d'hôpital afin que les établissements aient "un patron et un seul". Leur carrière sera, de même, dynamisée par une ouverture du recrutement, une meilleure gestion de carrière et une nomination par les directeurs des futures ARS (sauf pour les directeurs de CHU). Les médecins seront aussi nommés par le directoire, avec validation de la future ARS et non plus par le ministre. S'ils sont mal évalués par leurs pairs, ils pourront être placés "sous statut de recherche d'emploi".

Le statut des hôpitaux sera, également, revu à travers deux mesures phares : la suppression de la séparation des fonctions d'ordonnateur et de comptable, et l'instauration d'une certification des comptes et un assouplissement conséquent des règles des marchés publics, afin de développer la fonction d'acheteur. Concernant la première mesure, elle permettra de mettre fin aux contraintes liées au régime budgétaire et comptable des établissements publics de santé, et sera préférée à une poursuite de la modernisation du réseau (18), ou la création de départements comptables au sein des établissements. Concernant la seconde mesure, le régime de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumise au Code des marchés publics (N° Lexbase : L8429G8P) (19), pourra être appliqué aux hôpitaux publics. Plus de souplesse sera, ainsi, donnée aux règles de gestion, l'application aux hôpitaux publics du Code des marchés publics (20) étant source de surcoûts et d'allongement des délais de l'achat public. Il y a, de même, une différence de contraintes juridiques applicables aux différentes catégories d'établissements de santé (21).

B - La proposition de renforcement de l'attractivité des métiers de l'hôpital public

Le rapport "Larcher" préconise d'offrir aux médecins "des cadres d'exercice souples et valorisants" en développant, outre le statut actuel, un cadre statutaire aménagé, et en unifiant le cadre contractuel pour le rendre attractif et favoriser les exercices mixtes ou l'activité à temps partiel de médecins extérieurs. Les médecins hospitaliers pourront choisir entre leur statut public (allant jusqu'à l'instauration d'une rémunération à l'activité, notamment pour les chirurgiens) ou un contrat s'inspirant du droit du travail en vigueur dans le secteur privé. Les directeurs d'hôpitaux auront, ainsi, plus de liberté dans le recrutement des médecins, avec la possibilité de leur proposer des contrats de droit privé. Le statut de praticien hospitalier sera conservé, mais les médecins auront la possibilité de l'assortir d'une part de rémunération basée sur leur volume d'activité. Le Président de la République souhaite, par ailleurs, que les médecins étrangers hors Union européenne (près de sept mille médecins diplômés), qui exercent en France dans de moins bonnes conditions que leurs collègues à diplôme "UE", puissent accéder "au plein exercice de leur métier" d'ici à 2011, après "validation de leurs compétences et de leur expérience". Beaucoup de ces médecins, dont un grand nombre sont d'ailleurs de nationalité française, ont jusqu'ici un moins bon statut et de moins bons salaires que leurs homologues "UE". Peut-être est-ce un moyen, également, de pallier les "pénuries" annoncées dans certaines spécialités.

Les personnels non médicaux verront, également, leurs perspectives "développées", suivant en cela les évolutions en cours du cadre applicable à la fonction publique. Sont proposés : l'alignement sur le système "LMD" (22) (ce qui répond aux demandes des syndicats infirmiers), la diversification des perspectives d'évolution professionnelle, au-delà des seules fonctions d'encadrement administratif, en intégrant les fonctions d'expertise et de formation, ainsi que la recherche (la fonction de coordination des soins faisant l'objet d'une approche spécifique), et le renforcement de l'intéressement ou la délégation d'actes (notamment pour les infirmières et les sages-femmes).

Il faut, également, relever des propositions importantes formulées pour résoudre les difficultés auxquelles est confrontée la recherche hospitalière, ou remédier aux insuffisances du système de formation. Il est, ainsi, préconisé, de renforcer le lien universités-hôpitaux en structurant les activités d'enseignement et de recherche au niveau interrégional, ou de développer les perspectives des professionnels non médicaux (23), ou encore d'améliorer le pilotage de l'enseignement et de la recherche en mettant, notamment, en place une agence de moyens pour la recherche évaluée par l'AERES (24).

II - Une volonté de renforcer les liens entre les établissements de santé

Les propositions de réforme passent aussi par le renforcement des liens entre les différents établissements de santé. La proposition phare du rapport est de créer des communautés hospitalières de territoire (CHT) (A), sachant que c'est tout le service public hospitalier qui est repensé, notamment les conditions de participation des cliniques à ce service public (B).

A - La proposition de création de communautés hospitalières de territoire

Pour rapprocher les hôpitaux publics et développer les complémentarités autour d'un projet pertinent en termes d'activité médicale, de taille des établissements et de flux de population, le rapport propose, sur le modèle des communautés de communes et d'agglomérations, de créer des "communautés hospitalières de territoires" (CHT) (25). Les hôpitaux seront, ainsi, incités à mettre en commun, au sein d'un même territoire, leurs moyens et fonctionneront sous la houlette d'un hôpital référent. Cet établissement public de santé, au statut nouveau, sera le lieu des compétences obligatoires -équipe de direction, programmes d'investissements, stratégie médicale, gestion des médecins- et travaillera en coopération avec les établissements locaux. Pour les cas pointus et graves, le patient devra s'adresser à l'hôpital référent (bénéficiant d'un plateau technique important), les structures périphériques se chargeant des consultations et des soins palliatifs. Le rapport "Larcher" préconise que ces "communautés", regroupant plusieurs hôpitaux sur un bassin de population donné, puissent mutualiser leurs moyens, budgets, investissements et personnels. Les regroupements seront décidés au niveau local, sans périmètre préétabli, et pourront s'étendre sur un ou plusieurs cantons, voire presque un département dans les zones les moins peuplées. La "recomposition" souhaitée prendra deux directions : les hôpitaux modestes devront se rassembler entre eux ou autour d'un hôpital plus grand (le recentrage) pour créer des établissements "multi-sites", dans lesquels les services les moins performants seront transformés, notamment pour "la prise en charge du grand âge et de la dépendance" (la reconversion). Selon le rapport, "dans un même territoire, chaque hôpital doit cesser de vouloir tout faire".

Ce sont les élus, les usagers, les professionnels et les futures ARS qui vont tracer, au sein de chaque région, les territoires de santé. Dans chaque territoire, les hôpitaux auront la liberté de s'associer, comme les communes peuvent se regrouper dans les communautés de commune. L'organisation institutionnelle pourra, à cet égard, avec souplesse, s'inspirer de l'organisation intercommunale (instance délibérante, voire représentation médicale) en évitant, cependant, la démultiplication des structures et la création d'échelons supplémentaires. Les communautés hospitalières auront des compétences obligatoires (investissement, logistique, planning des médecins sur tous les sites) et d'autres optionnelles. Chaque hôpital local demeurerait, et garderait son conseil d'administration. On pourra avoir, par exemple, un hôpital central avec un plateau technique important (un CHU dans les grandes villes) et des hôpitaux périphériques avec des consultations, de la gériatrie et des soins palliatifs. A chaque territoire de trouver le schéma qui lui convient le mieux, en tenant compte des besoins de la population et non de l'offre, des exigences de qualité (niveaux de recours), et en menant une analyse économique. Le but n'est pas, selon le rapport, de promouvoir une organisation uniforme, mais de privilégier une approche pragmatique et exigeante.

B - La proposition d'évolution des conditions de participation des cliniques au service public hospitalier

La commission "Larcher" a insisté sur la nécessité de "repenser le service public hospitalier", et donc de redéfinir précisément les conditions de fonctionnement des établissements privés. Les cliniques ne sont plus aujourd'hui un simple complément à l'offre de soins du service public hospitalier. Elles ont une place de plus en plus importante dans l'offre de soins (26), sachant que la prise en charge des urgences et le développement d'actions de santé publique au titre des missions d'intérêt général marquent une nouvelle étape de leur évolution. Quel que soit leur statut, elles comportent des éléments du service public : financement public, intégration dans un SROS (27), et un régime d'autorisations, caractère universel de la couverture maladie. C'est une réalité qui doit aujourd'hui davantage se traduire dans la relation entre l'hospitalisation privée à statut commercial et les pouvoirs publics. Il est, ainsi, proposé que les établissements de santé privés bénéficient d'une délégation de service public : signature d'un contrat avec la future ARS sur la base d'un cahier des charges comportant des clauses dont la nature est fixée règlementairement, et dont le contenu est précisé dans le contrat. La contrepartie est l'éligibilité à des subventions à l'investissement et à des aides à la contractualisation. Si les obligations du contrat ne sont pas respectées, il est envisagé le reversement des financements, assorti de pénalités. Une clause d'ordre public de respect des obligations du contrat de délégation (28) doit, enfin, figurer aux contrats individuels des médecins qui les lient à leur établissement.

Le rapport juge, aussi, que l'intérêt des fonds d'investissements internationaux pour les cliniques privées pose certaines questions (29). Pour éviter certains excès et encadrer les rachats d'établissements privés, le rapport propose que la future Haute Autorité de régulation de la concurrence (30) examine les rachats des cliniques pour éviter que des grands groupes ne se trouvent en situation de monopole légal. Cette autorité pourra imposer des échanges :"si vous voulez acheter telle clinique, vous devez vendre telle autre dans une autre région où vous êtes très dominant". Pour éviter la revente si les bénéfices sont insuffisants, le rapport propose d'encourager les investisseurs à long terme à entrer au capital des cliniques, comme la Caisse des dépôts, certains assureurs ou banques mutualistes, ou de faciliter le portage par des médecins. Il y aurait, ainsi, une prise de participation publique dans le capital dans l'hypothèse où le service public ne serait plus assuré sur un territoire.

Enfin, au niveau de la gouvernance de l'hospitalisation privée, il est proposé de renforcer la participation collective des médecins au fonctionnement interne des établissements de santé privé, par l'extension des compétences de la Conférence médicale d'établissement dans le pilotage des cliniques au service public, et, plus précisément, en matière déontologique de l'exercice médical.


(1) Ont été invités à s'exprimer les représentants des fédérations hospitalières publiques et privées, les confédérations syndicales de salariés, les syndicats des médecins libéraux et des médecins hospitaliers, les conférences des directeurs d'établissements publics de santé, des présidents de CME et des doyens, ainsi que les responsables de l'assurance maladie et des organismes complémentaires privés et mutualistes.
(2) Dans sa lettre de mission, le Président de la République a orienté les travaux sur cinq thèmes : améliorer la pertinence des recours à l'hôpital ; renforcer le pilotage de l'hôpital ; structurer le service hospitalier de territoire ; améliorer l'activité pour les professionnels ; dynamiser la recherche et l'enseignement.
(3) La commission relève qu'il bénéficie d'une grande confiance de la part de la population, et l'existence d'un service hospitalier public et privé de qualité constitue, pour le pays, un atout important sur le plan économique et social, et un facteur d'attractivité.
(4) Hôpitaux publics, établissements de santé privés à but non lucratif, également dénommés participants au service public hospitalier (PSPH) ; cliniques.
(5) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, sur les droits des malades et la qualité du système de santé, publiée au Journal officiel du 5 mars 2002, p. 4118.
(6) En créant, notamment, un dispositif d'agrément des associations souhaitant représenter les intérêts des malades et des usagers auprès de certaines instances sanitaires et de santé publique.
(7) Rapport d'état des lieux en date du 14 décembre 2007, réalisé par la commission de concertation relative aux missions de l'hôpital.
(8) Ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, portant réforme de l'hospitalisation publique et privée (N° Lexbase : L4328GUT), publiée au Journal officiel du 25 avril 1996, p. 6324 ; décret n° 97-311 du 7 avril 1997, relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et modifiant le Code de la santé publique, publié au Journal officiel du 8 avril 1997, p. 5328.
(9) Par exemple, le décret n° 2006-577 du 22 mai 2006, relatif à la médecine d'urgence (N° Lexbase : L8098HIR), publié au Journal officiel du 23 mai 2006, p. 7535.
(10) Décret n° 2006-550 du 15 mai 2006, relatif aux sous-commissions de la commission médicale d'établissement mentionnées au II de l'article L. 6144-1 du Code de la santé publique et modifiant le même code (dispositions réglementaires) (N° Lexbase : L5848HIG), publié au Journal officiel du 16 mai 2006, p. 7162, et Circulaire DHOS/E2/DGS/5C n°2006-82 du 24 février 2006, relative aux mesures à envisager pour l'amélioration du niveau d'activité des établissements de santé en matière de lutte contre les infections nosocomiales (N° Lexbase : L4247HKI).
(11) Projet COMPAQH (Coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qualité hospitalière).
(12) ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003, portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation (N° Lexbase : L4482DIT), publiée au Journal officiel du 6 septembre 2003, p. 15391.
(13) Création d'un conseil exécutif composé à parité de médecins et d'administratifs placé auprès du directeur (ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005, simplifiant le régime juridique des établissements de santé N° Lexbase : L3453G8E, publiée au Journal officiel du 3 mai 2006, p. 7626).
(14) Notamment en ce qui concerne les relations entre les médecins hospitaliers et les médecins de ville par des permanences téléphoniques dans les services, ou la systématisation des transmissions électroniques entre praticiens de ville et services hospitaliers, voire l'identification pour chaque malade hospitalisé d'un médecin référent en charge des contacts avec la famille et le médecin traitant.
(15) Création d'une agence régionale de santé (ARS), dont la compétence sera étendue à la prévention et à la médecine de ville comme à la formation des professionnels de santé. Elle gérera des enveloppes réparties en fonction des caractéristiques et des besoins sanitaires de la population concernée. Deux rapports : "Ritter" et "Bur", alimenteront à l'automne 2008 la discussion au Parlement sur la création des ARS. Le but est de mettre en oeuvre un nouveau mode d'organisation régionale de la santé.
(16) Cf. Ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005, précitée.
(17) Le conseil d'administration ne porte pas la responsabilité financière de son établissement.
(18) Simplification des procédures, poursuite de la dématérialisation, déploiements de l'application informatique HELIOS, spécialisation des trésoreries avec des comptables dédiés aux établissements hospitaliers.
(19) Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics, publiée au Journal officiel du 7 juin 2005.
(20) Tel qu'issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006, portant Code des marchés publics (N° Lexbase : L4612HKZ), publié au Journal officiel du 4 août 2006, p. 11627.
(21) Les groupement de coopération sanitaire (GCS), les groupement d'intérêt publics (GIP), ainsi que les établissements de santé privés à but non lucratif peuvent, sous conditions, relever de l'ordonnance du 6 juin 2005, alors que les hôpitaux publics relèvent du Code des marchés publics.
(22) Licence Master Doctorat.
(23) Dans le cadre du statut, mise en place de la réforme "LMD" (Licence Master Doctorat) pour revaloriser les métiers et faciliter les évolutions professionnelles entre les différents métiers de la santé.
(24) Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.
(25) Proposition déjà connue et actée par avance par le ministre de la Santé.
(26) Les cliniques privées occupent près des deux tiers de l'activité de chirurgie ; la moitié des séances de radiothérapie et un tiers des séances de chimiothérapie ; un tiers des journées d'accueil en soins de suite et de réadaptation.
(27) Schéma régional d'organisation sanitaire.
(28) Participation à la permanence des soins, accueil en urgence, CMU, prise en compte des situations de précarité.
(29) Sont explicitement visés le groupe Générale de santé ou Vitalia, adossé au fonds américain Blackstone, qui rachète un nombre considérable de cliniques privées.
(30) Qui devrait regrouper le Conseil de la concurrence et la direction chargée des pratiques concurrentielles du ministère de l'Economie. L'une est indépendante et dispose du pouvoir de décision sur la "régulation" de la concurrence, l'autre réalise des enquêtes relatives aux pratiques anticoncurrentielles, et se charge de la protection des consommateurs et de la répression des fraudes (DGCCRF) (Proposition du rapport "Attali").

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Droit financier

[Jurisprudence] L'encadrement du pouvoir du bureau de constater la privation des droits de vote d'actionnaires supposés agir de concert

Réf. : T. com. Nanterre, 6 mai 2008, aff. n° 2007F02086, SA Grupo Rayet c/ SA Eiffage (N° Lexbase : A5123D8A)

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par Anne Lebescond - SGR en droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

Au regard du peu de dispositions légales traitant de ses attributions, le bureau de l'assemblée générale (composé d'un président, de deux scrutateurs et d'un secrétaire) a, longtemps, été cantonné à la certification de l'exactitude de la feuille de présence (C. com., art. R. 225-95 N° Lexbase : L0230HZK) et la signature du procès-verbal de l'assemblée (C. com., art. R. 225-106 N° Lexbase : L0241HZX), le président de l'assemblée étant, également, personnellement chargé d'exercer, dans le sens prévu par la loi, le droit de vote attaché aux actions ayant fait l'objet d'un pouvoir en blanc (C. com., art. L. 225-106 N° Lexbase : L5977AI9) et de faire voter les points figurant à l'ordre du jour. Fort heureusement, la jurisprudence est venue préciser le rôle -essentiel- des deux scrutateurs : garantir la régularité de l'assemblée générale. Pour autant, la loi (C. com., art. R. 225-101 N° Lexbase : L0236HZR) semble ne pas juger leur présence indispensable, puisqu'elle la subordonne à une acceptation. Pour cette raison, la jurisprudence a jugé que la composition irrégulière du bureau n'entachait pas d'irrégularité les décisions de l'assemblée générale (1). Il aurait, donc, pu sembler légitime de s'interroger sur l'impérieuse nécessité d'un tel organe dit "épisodique" au sein de l'assemblée générale d'actionnaires d'une société anonyme. Cette interrogation a, pourtant, perdu progressivement de sa légitimé par la reconnaissance progressive d'autres attributions, spéciales ou plus générales. La plus importante et la plus large d'entre elles est, sans aucun doute, le pouvoir de police du bureau reconnu récemment par la jurisprudence : le bureau est chargé de veiller à la tenue correcte et au bon déroulement de l'assemblée générale. Et en particulier, il est chargé de contrôler l'exercice du droit de vote par les actionnaires.

Cette obligation n'est pas nouvelle dans son principe, puisque l'article R. 225-95 du Code de commerce impose au bureau de certifier l'exactitude de la feuille de présence, qui doit mentionner, pour chaque actionnaire, le nombre d'actions et de droits de vote y attachés, et lui permet d'annexer à cette feuille "la procuration ou le formulaire de vote par correspondance portant les nom, prénom usuel et domicile de chaque actionnaire mandant ou votant par correspondance, le nombre d'actions dont il est titulaire et le nombre de voix attaché à ces actions". Dans ce cas, le bureau indique le nombre de pouvoirs et de formulaires de vote par correspondance annexés, ainsi que le nombre des actions et des droits de vote y relatifs. Ainsi, de façon implicite, la loi met à la charge du bureau le contrôle de "l'exactitude" des droits de vote. La nouveauté tient, donc, en réalité, aux moyens mis à sa disposition par la jurisprudence pour exercer sa mission.

Concernant plus particulièrement le sujet qui nous intéresse, il est, dorénavant, admis que le bureau puisse "constater" la privation des droits de vote d'actionnaires, lorsque les franchissements de seuil et les intentions n'ont pas été régulièrement déclarés, dans les conditions fixées à l'article L. 233-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3890HBP), applicable aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. La privation des droits de vote est prévue par l'article L. 233-14 de ce code (N° Lexbase : L3894HBT), qui dispose qu'à défaut d'avoir été régulièrement déclarées, "les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée [...] sont privées du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification". Il s'agit, ici, d'une sanction civile dont l'exécution peut, voire même doit, dorénavant, avoir lieu à l'initiative du bureau. La reconnaissance de cette attribution est récente (2). Mais déjà, la jurisprudence est venue encadrer ce pouvoir qui touche à un "droit fondamental" de l'actionnaire, comme le souligne le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 6 mai dernier dans l'un des derniers rebondissements de l'affaire "Eiffage" : le droit de vote.

Ce jugement porte, tout d'abord, sur la régularité de la décision du bureau de l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société Eiffage du 18 avril 2007 de priver, en application de l'article L. 233-14 du Code de commerce, la société Sacyr et 89 autres actionnaires des droits de vote attachés à leurs actions, pour la première, qui excèdent le seuil franchi et non déclaré prévu à l'article L. 233-7, et pour les autres, récemment acquises avant l'assemblée. Cette décision a été rendue après lecture d'une lettre remise au président de séance par l'un des actionnaires, qui mentionnait qu'"à la lecture de la feuille de présence de l'assemblée générale d'Eiffage, réunie ce jour, [il] constate la présence d'un certain nombre très significatif de nouveaux actionnaires dont la plupart présente de grandes similitudes de représentation, de localisation et de dénomination". Selon lui, il existait "des indices graves, précis et concordants caractérisant l'existence de concert" entre Sacyr et 89 actionnaires ibériques. Or, ce concert n'ayant pas été déclaré, en application de l'article L. 233-7, le bureau priva le "bloc espagnol" de ces droits de vote.

Cette décision, reconnue régulière par le juge des référés, puis, par la cour d'appel de Versailles (3), sur appel de l'ordonnance rendue par ce dernier, va, toutefois, être censurée par le tribunal de commerce de Nanterre, sur le fond (I), alors pourtant que le concert a bien été retenu, tant par l'AMF (4), que par la cour d'appel de Paris (5). Cette annulation entraîne la nullité de l'assemblée générale au cours de laquelle les droits de vote ont été supprimés, pour atteinte au droit fondamental des actionnaires de voter les délibérations soumises à l'assemblée (II).

I - Nullité de la décision du bureau de l'assemblée d'Eiffage de priver de droits de vote certains actionnaires, en application de l'article L. 233-14 du Code de commerce

Dans sa décision, le tribunal de commerce de Nanterre distingue selon que le bureau a eu connaissance de l'absence de déclaration de franchissement de seuil par un actionnaire, auquel cas, il a l'obligation de constater la privation des droits de vote (A), de la situation où un concert serait supposé, qui n'aurait pas été déclaré, auquel cas, le bureau se doit de suivre une procédure particulière avant de constater, éventuellement, cette privation (B).

A - L'obligation du bureau de constater la suppression des droits de vote en cas de défaut de déclaration de franchissement de seuil par un actionnaire

Le tribunal de commerce de Nanterre rappelle, tout d'abord, dans cette décision, les rares dispositions légales mentionnant ou régissant, un tant soit peu, la composition et le fonctionnement du bureau. Il s'agit des articles :

  • R. 225-95 du Code de commerce : qui dispose que "la feuille de présence doit être certifiée exacte par le bureau de l'assemblée" ;
  • R. 225-101 (N° Lexbase : L0236HZR) qui dispose que "sont les scrutateurs les deux membres de l'assemblée qui disposent du plus grand nombre de voix et acceptant cette fonction" ; et enfin,
  • R. 225-106 qui dispose que "le procès-verbal des délibérations de l'assemblée [...] est signé par le bureau".

Les juges rappellent, également, qu'"au-delà des attributions spécifiques, rappelées ci-dessus, il est admis par la jurisprudence, la doctrine et les usages que le bureau puisse exercer un pouvoir général de police de l'assemblée, notamment, contrôler l'exercice du droit de vote, le droit d'arrêter le quorum et vérifier qu'il est atteint pour chaque résolution, vérifier l'application des règles de majorité et résoudre certaines difficultés qui peuvent intervenir en séance". Toutefois, le tribunal tempère tout de suite ce principe, décidant que faute d'avoir reçu du législateur une délégation précise, le bureau ne peut exercer cette prérogative qu'a minima et ne dispose, en la matière, que d'un pouvoir de constatation. Plus précisément, puisqu'un simple constat n'est pas un pouvoir en soi, le bureau a le pouvoir de tirer les conséquences de ses propres constatations, lorsque l'évidence s'impose à tous.

Dans le cas particulier de la privation des droits de vote, en application de l'article L. 233-14 du Code de commerce, lorsque le constat du bureau porte sur l'absence de déclaration du franchissement de seuil par un actionnaire, les conséquences sont simples car l'évidence n'est pas contestable : la sanction, qualifiée d'"automatique" par la doctrine, de l'article L. 233-14 s'applique et le bureau ne rencontrera aucune difficulté quant à la privation des droits de vote. Ainsi que le rappelle la décision du tribunal de commerce de Nanterre, "le bureau peut user de son pouvoir de police pour constater matériellement l'absence avérée de déclaration de franchissement de seuil et appliquer les mesures matérielles de privation des droits de vote". L'arrêt de la cour d'appel de Paris parle, quant à lui, de devoir à la charge du bureau.

La solution est plus nuancée, lorsqu'il est reproché à plusieurs actionnaires, pressentis comme agissant de concert, de ne pas avoir déclaré cette action, conformément à l'article L. 233-14 du Code de commerce.

B - Les limites précisées par la décision "Eiffage" en cas de défaut de déclaration de franchissement de seuil par des "concertistes potentiels"

La décision du tribunal de commerce de Nanterre, dans un tel cas de figure, est claire : "dans le cas d'un franchissement de seuil par des actionnaires agissant de concert, l'évidence ne pourra être invoquée que si un accord a été conclu en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote pour mettre en oeuvre une politique commune, vis-à-vis de la société, un tel accord pouvant être présumé en application de L. 233-10-II du Code de commerce (N° Lexbase : L6588HWW)".

En l'espèce, il était reproché au "bloc espagnol" d'agir de concert avec Sacyr, en vue d'imposer une nouvelle politique au sein de la société Eiffage. En effet, ces nouveaux actionnaires avaient acquis un certain nombre d'actions de la société leur garantissant, ensemble, la majorité, postérieurement au refus renouvelé des actionnaires de nommer des membres du conseil d'administration proposés par la société Sacyr et préalablement à l'assemblée du 18 avril 2007. La société Sacyr souhaitait, en réalité, que soit réalisé un rapprochement entre elle et la société Eiffage, qui venait de se voir attribuer le contrôle des Autoroutes Paris-Rhin Rhône.

Le tribunal poursuit en expliquant la procédure à suivre : soit l'accord est avéré, à savoir, son existence est connue, auquel cas, la privation des droits de vote est constatée par le bureau qui ne prend pas en compte, pour le calcul du quorum et de la majorité, les droits de vote objets de la privation, soit l'accord est présumé, par le jeu des cinq présomptions posées à l'article L. 233-10-II susvisé et la même solution s'applique également, la condition de l'évidence étant, dans ce cas encore, remplie.

Cependant, en l'espèce, l'accord n'était pas avéré. En effet, après que le bureau ait constaté qu'aucune déclaration de franchissement de seuil n'avait été effectuée, le président de séance a questionné les intéressés sur l'existence d'un accord, les réponses en retour ayant toutes été négatives (et indignées, par la même occasion). Le bureau aurait donc dû, alors, ainsi que l'expose le tribunal, rechercher si l'une des cinq présomptions légales étaient applicables au cas d'espèce, ce qu'il n'a pas fait, et c'est en cela que son action a été censurée. En effet, selon lui "l'accord n'étant ni avéré, ni présumé, le bureau n'avait pas le pouvoir de réunir les éventuelles preuves d'une supposée action de concert ni d'apprécier les indices, qu'il ne lui appartenait pas de qualifier une situation juridique qu'il n'avait aucun pouvoir pour analyser ; qu'une telle qualification ne peut être dévolue qu'à une autorité de nature juridictionnelle soumise au principe d'impartialité et du respect des droits de la défense". Ainsi, en toute logique et avec bon sens, les juges soulignent qu'une telle situation conflictuelle ne peut être traitée que par une juridiction, puisqu'elle seule présente les garanties nécessaires au procès équitable, droit fondamental par excellence.

Cette nécessité est, d'ailleurs, illustrée par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 233-14 du Code de commerce qui prévoit, qu'outre la privation automatique des droits de vote, "le tribunal de commerce [...] peut, [...] sur demande du président de la société, d'un actionnaire ou de l'[AMF], prononcer la suspension totale ou partielle, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, de ses droits de vote à l'encontre de tout actionnaire qui n'aurait pas procédé aux déclarations [...] pendant la période de douze mois suivant sa publication". Or cette action n'a pas non plus été intentée en l'espèce, ce que note le tribunal de commerce de Nanterre.

La solution du tribunal vient en totale contradiction avec l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui avait eu à connaître de la contestation formulée par le "bloc espagnol" de l'ordonnance rendue par le juge des référés. La cour avait, en effet, estimé, après avoir relevé que les présomptions fixées à l'article L. 233-10, qui ont une caractère simple, ne trouvaient pas à s'appliquer au litige, que les éléments présentés dans la lettre lue à l'assemblée générale constituaient des faits objectifs et avérés, la décision du bureau n'étant de ce fait pas arbitraire, celui-ci agissant comme un "premier juge de l'évidence". La cour qualifiant les indices de l'existence apparente d'un concert comme "graves, précis et concordants", souligne l'automaticité de la privation des droits de vote en l'absence de décision arbitraire du bureau et distingue entre le droit de participer à l'assemblée, qui a été respecté en l'espèce, et celui de voter. Les indices en question étaient les suivants : le pourcentage de participation d'un des présumés concertistes, le chiffre d'affaires et le coût estimé d'actions de la société par l'actionnaire appelant, la concomitance des acquisitions et les prix et volume acquis. En outre, les juges estimaient intéressant de relever que le conseil d'un des présumés concertistes a indiqué qu'"il s'agit d'une atteinte à nos droits d'actionnaire", avant de quitter la salle avec les représentants d'un autre actionnaire.

Le tribunal de commerce ne semble donc pas adhérer à la théorie de la cour d'appel, selon laquelle le bureau est le "premier juge de l'évidence". En effet, soit l'évidence n'est pas contestable en raison d'un accord avéré ou présumé selon les règles légales, auquel cas elle ne peut qu'être constatée, la privation des droits de vote étant automatique, soit l'accord n'est ni avéré, ni présumé, auquel cas l'évidence, finalement, n'existe pas et il convient d'apprécier les indices réunis, ce qui n'est pas du pouvoir du bureau, puisqu'il ne présente aucune garantie juridictionnelle.

Le tribunal de commerce de Nanterre a, donc, jugé la décision du bureau de priver de droits de vote les actionnaires formant le "bloc espagnol" irrégulière et l'a, par conséquent, annulée. Restait pour lui à déterminer les conséquences de cette annulation sur la régularité des délibérations prises lors de l'assemblée générale.

II - Conséquences de la décision irrégulière du bureau de supprimer les droits de vote de certains actionnaires sur la régularité des délibérations prises par l'assemblée générale

La décision du bureau de priver le "bloc espagnol" de ses droits de vote a eu pour conséquence logique que les actionnaires en question n'ont pu participer au vote des résolutions soumises à l'assemblée. Rappelant le principe selon lequel le droit de participer à l'assemblée générale est un droit fondamental incluant celui de participer au vote des résolutions (A), le tribunal annule les délibérations prises par l'assemblée au cours de laquelle le droit de vote a été supprimé (B).

A - Affirmation du principe selon lequel le droit fondamental de participer à l'assemblée générale emporte celui du droit de voter en assemblée

Le tribunal de commerce de Nanterre rappelle, en premier lieu, les dispositions générales impératives de l'article 1844, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG), applicables à toutes les formes de sociétés, selon lesquelles "tout associé a le droit de participer aux décisions collectives" et celles plus spéciales des articles L. 225-113 (N° Lexbase : L5984AIH) et L. 225-122 (N° Lexbase : L5993AIS) du Code de commerce, applicables aux sociétés anonymes. Aux termes de l'article L. 225-113, "tout actionnaire peut participer aux assemblées générales extraordinaires et tout actionnaire possédant des actions visées à l'article L. 225-99 peut participer aux assemblées spéciales", toute clause contraire étant réputée non écrite, et aux termes de l'article L. 225-122, "sous réserve des dispositions des articles L. 225-10, L. 225-123, L. 225-124, L. 225-125 et L. 225-126, le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu'elles représentent et chaque action donne droit à une voix au moins", toute clause contraire étant, également, réputée non écrite.

Sur le fondement de ces articles, le tribunal caractérise une "atteinte [au] droit fondamental" qu'est le droit de participation aux assemblées générales, en ce que la privation des droits de vote n'a pu assurer aux actionnaires "la pleine participation au vote des résolutions de l'assemblée générale".

Ce faisant, les juges ne retiennent pas l'argumentation soutenue par la société Eiffage, selon laquelle le droit de participer à l'assemblée générale n'emporte pas celui de voter. Ces derniers se prévalaient, en réalité, de la jurisprudence dite "de Gaste", qui distinguait la participation à l'assemblée du vote (6), dans le cas du démembrement de propriété de droits sociaux. Cette jurisprudence est tombée en désuétude, depuis l'arrêt de principe "Château d'Yquem" (7) rendu dans le cadre de la privation des droits de vote d'un associé de SAS quant à son exclusion de la société, confirmé par l'arrêt, plus récent du 23 octobre 2007, de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (8), qui décident que "tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions" cette dérogation ne pouvant être réalisée "que dans les cas prévus par la loi" (9).

Ainsi, le tribunal de commerce de Nanterre rappelle, dans sa décision, la force du principe posé par l'article 1844 du Code civil, ce texte devant être compris comme emportant le droit pour tout actionnaire "de participer et de voter".

B - Nullité des délibérations de l'assemblée générale consécutivement au prononcé de la nullité de la décision du bureau de priver de droits de vote certains actionnaires

Ainsi que le rappelle le tribunal de commerce de Nanterre, l'article L. 235-2-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L1393HIG) sanctionne par la nullité "les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions". En application de cet article, et parce que les actionnaires constituant le "bloc espagnol" ont été privés de leurs droits de vote, le tribunal prononce la nullité des délibérations de l'assemblée générale au cours de laquelle ces droits de vote n'ont été comptabilisés, ni dans le quorum, ni dans la majorité.

Le tribunal décide, toutefois, d'accorder à la société un délai de quatre mois pour régulariser les délibérations litigieuses, ainsi que le prévoit l'article L. 235-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L6341AIP), le droit des sociétés, en général, et les juges, en particulier, étant frileux à prononcer la "nullité définitive".


(1) CA Paris, 25 janvier 1972, Bull. Joly 1972, p. 232 et V., également, QE n° 13768 de Mme Grzegrzulka Odette, JOANQ, 4 mai 1998, p. 2440, Emploi et Solidarité, réponse publ., 16 novembre 1998, p. 6280, 11ème législature (N° Lexbase : L0090BDP).
(2) V., notamment, CA Paris, 1ère ch., sect. A, 18 novembre 2003, n° 2003/11913, Société CNIM Construction industrielle de la Méditerranée ANO SA c/ Société IDI (N° Lexbase : A7050DAD).
(3) CA Versailles, 14ème ch., 27 juin 2007, n° 07/04540 (N° Lexbase : A5778DZZ).
(4) Décision AMF n° 207C1202, 26 juin 2007, Eiffage (Eurolist) (N° Lexbase : L8568H3Q).
(5) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 2 avril 2008, n° 2007/11675, Société Sacyr Vallehermoso SA e.a. c/ Société Eiffage SA (N° Lexbase : A7352D7G) et lire J.-B. Lenhof, Action de concert dans l'affaire "Eiffage" et respect de la procédure : nouvelle annulation d'une décision de l'Autorité des marchés financiers, Lexbase Hebdo n° 303 du 3 avril 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8797BEK).
(6) Cass. com., 4 avril 1994, n° 91-20.256, Consorts de Gaste et autre c/ M. Paul de Gaste (N° Lexbase : A4835AC3).
(7) Cass. com., 9 février 1999, n° 96-17.661, Société du Château d'Yquem c/ Mme de Chizelle et autres (N° Lexbase : A8033AGM).
(8) Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.537, M. Jacques D'Hem, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8236DYP).
(9) Pour un commentaire de ces arrêts, lire J.-B. Lenhoff, Difficultés d'application de la jurisprudence "Château d'Yquem" à une SAS ou, comment certains arrêts mériteraient de vieillir aussi bien que le Sauternes, Lexbase Hebdo n° 285 du 12 décembre 2007- édition privée générale (N° Lexbase : N4074BDA).

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Du bon usage de la délégation de pouvoir

Réf. : Cass. soc., 18 mai 2008, n° 07-40.002, Régie autonome des transports parisiens (RATP) c/ M. Didier Raynaud, F-D (N° Lexbase : A5406D8Q) ; Cass. crim., 8 avril 2008, 07-80.535, M. Claude PIC, F-P+F (N° Lexbase : A5440D8Y)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010



Lorsqu'une entreprise atteint une certaine taille, le chef d'entreprise se trouve, fréquemment, confronté à une impossibilité matérielle d'exercer seul les pouvoirs de direction. Il lui est, alors, possible, sinon nécessaire, d'associer un tiers à leur exercice au moyen de la délégation de pouvoir. Ainsi qu'il a été démontré, la délégation constitue une technique conventionnelle d'organisation de l'entreprise (1). Souvent envisagée au regard de ses effets en terme de transfert de la responsabilité pénale du chef d'entreprise, la délégation de pouvoir joue, également, un rôle important en matière sociale. Si la mise en oeuvre de cette technique n'est pas fondamentalement différente dans l'un et l'autre cas, la Cour de cassation semble faire preuve de beaucoup plus de rigueur quant à son admission lorsque la délégation opère dans le domaine pénal.

Résumé


Pourvoi n° 07-40.002 : "En statuant ainsi, alors, d'une part, que la délégation impersonnelle donnée le 17 septembre 2002 au directeur du département gestion et innovations sociales, afin, notamment, de mener le dialogue social et conclure des accords collectifs', constituait une délégation de pouvoir, et, alors, d'autre part, que les effets d'une délégation de pouvoir sont indépendants de la personne du délégant et du délégataire, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés".


Pourvoi n° 07-80.535 : "En prononçant ainsi, la cour d'appel qui, par des motifs contradictoires, a, à la fois déclaré inopérante l'argumentation de Claude P. prise d'un défaut de délégation de pouvoirs de la part de la société ICR et retenu à la charge du prévenu une infraction aux règles de sécurité ne pouvant, selon les dispositions de l'article L. 263-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6047ACX), devenu l'article L. 4741-1 du même code (N° Lexbase : L1970HXA), être imputée qu'au seul chef d'établissement ou à son délégataire, n'a pas justifié sa décision".


Commentaire


I La délégation de pouvoir en matière sociale


  • Une forme particulière de mandat


Encore que la question puisse être discutée (2), on peut, raisonnablement, considérer que la délégation de pouvoir est une forme particulière de mandat. Partant, les conditions générales de la première doivent être définies par référence au second (3). Cette assertion est confirmée par l'arrêt rendu le 18 mai 2008 par la Chambre sociale et, plus précisément, par le visa retenu. En effet, sont mentionnés les articles 1984 (N° Lexbase : L2207ABD) et 2003 (N° Lexbase : L2238ABI) du Code civil, dont on sait qu'ils ont trait au contrat de mandat.


On reste, en revanche, plus dubitatif quant à la référence aux "principes généraux du droit applicables en matière de délégation de pouvoir". C'est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation vise de tels principes généraux, dont on peine à tracer les contours précis au regard de la jurisprudence de cette même Cour de cassation. Sans doute, celle-ci a-t-elle voulu donner un fondement adéquat à la solution retenue dans un arrêt qui, il faut le souligner, ne fera pas l'objet d'une publication. Cela n'était, cependant, pas nécessaire et la référence aux seuls textes relatifs au mandat pouvait, sans doute, suffire pour assurer la pérennité de la délégation de pouvoirs en cas de changement d'identité du délégant ; question qui était au coeur de l'arrêt rapporté.


En l'espèce, la Régie autonome des transports parisiens (RATP), alors représentée par le directeur du département gestion et innovations sociales, en vertu d'un pouvoir délivré le 17 septembre 2002 par le président directeur général de cet établissement public, avait conclu avec des syndicats, les 3 octobre 2002 et 26 juin 2003, des accords collectifs instituant un régime de protection sociale d'entreprise et une mutuelle de groupe, à adhésion obligatoire. En application de ces accords, des prélèvements de cotisations à ce régime avaient été opérés à partir du 1er janvier 2004 sur la rémunération des agents. L'un d'entre eux, employé comme machiniste depuis 1985, avait demandé au juge prud'homal qu'il soit mis fin à ces prélèvements et que le remboursement des cotisations prélevées soit ordonné.


Pour faire droit à cette demande, la cour d'appel avait retenu que la délégation de pouvoirs donnée le 17 septembre 2002 à Mme T., en qualité de directeur du département gestion et innovations sociales, par le président directeur général de la RATP alors en fonction, était devenue caduque à la suite de la désignation d'un nouveau président-directeur général en la personne de Mme I., le 25 septembre 2002. Celle-ci n'ayant délivré une nouvelle délégation de pouvoir remplaçant la précédente que le 20 septembre 2004, il en résultait que Mme T. n'avait pas le pouvoir de conclure l'accord du 26 juin 2003 et qu'en conséquence, cet accord ne pouvait être opposé à M. R..


Cette décision est cassée par la Chambre sociale qui, au visa précité des "principes généraux du droit applicables en matière de délégation de pouvoir, ensemble les articles 1984 et 2003 du Code civil", affirme "qu'en statuant ainsi alors, d'une part, que la délégation impersonnelle donnée le 17 septembre 2002 au directeur du département gestion et innovations sociales, afin, notamment, de mener le dialogue social et conclure des accords collectifs', constituait une délégation de pouvoir, et alors, d'autre part, que les effets d'une délégation de pouvoir sont indépendants de la personne du délégant et du délégataire, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés".


  • La pérennité de la délégation de pouvoir


L'enseignement majeur qui ressort de cette décision réside dans l'idée que la disparition de l'organe du groupement doté de la qualité de chef d'entreprise n'a pas pour effet de remettre en cause la délégation de pouvoir qu'il avait consentie (4). A dire vrai, cette solution n'est pas pour surprendre, dans la mesure où elle est appliquée avec constance en droit des sociétés. Ainsi, dans un arrêt du 4 février 1997, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé que le départ du président du conseil d'administration n'entraîne pas ipso facto la caducité de la délégation qu'il a octroyée à un salarié, au motif que cette délégation fût accordée "au nom et pour le compte de la société, et non en son nom personnel", de sorte que la société "restait engagée par celle-ci malgré le changement de président, tant qu'elle n'avait été révoquée" (5).


L'arrêt commenté ne constitue, au fond, qu'une transposition de cette solution dans le domaine social. Il reste que l'on peut s'interroger sur son fondement juridique, au-delà du visa retenu par la Cour de cassation, dont on a vu qu'il pouvait prêter à discussion. Ainsi que l'a avancé un auteur, "l'acte juridique de délégation de pouvoir est un acte juridique d'organisation, accomplit par l'organe du groupement en qualité de représentant de l'entrepreneur. Partant, le dirigeant qui exerce le pouvoir de déléguer agit en qualité de représentant de la personne morale [...]. Si le départ du délégant ne rend pas caduque sa délégation de pouvoir, c'est parce qu'elle unit directement la personne morale entrepreneur au délégataire, en créant entre eux un lien de nature contractuelle" (6) .


Au regard de cette explication, le remplaçant n'a pas à consentir à une délégation qui s'impose déjà à la personne morale. En revanche, il peut la dénoncer en exerçant son pouvoir d'organisation. Il faut donc approuver la Cour de cassation pour avoir, en l'espèce, fait produire son effet à la délégation, malgré le changement de président-directeur général.


A lire le motif de principe de l'arrêt, il semble, en outre, que, pour la Cour de cassation, la personne du délégataire importe peu. Plus exactement, il est affirmé que "les effets d'une délégation de pouvoir sont indépendants de la personne du délégant et du délégataire". Il faut, sans doute, comprendre que le changement de délégataire n'aurait pas non plus été de nature à rendre caduque la délégation de pouvoir consentie. Cela peut, sans aucun doute, être admis, dès lors que la délégation est attachée à une fonction, telle celle de directeur des ressources humaines ou, comme en l'espèce, de "directeur du département gestion et innovations sociales". En revanche, lorsque la délégation est conférée à une personne nommément désignée, son éviction de la société la remet en cause. Relevons qu'en l'espèce, la Chambre sociale prend soin de préciser que la délégation de pouvoir était "impersonnelle", ce qui paraît signifier qu'elle était plus attachée à la fonction en cause, qu'à la personne de celui qui en était investi. Une telle "délégation fonctionnelle" (7) semble exclue en matière pénale.


II La délégation en matière pénale


  • Conditions d'efficacité


Le chef d'entreprise peut éviter les condamnations pénales pour infraction à la réglementation du travail en déléguant ses pouvoirs à un salarié. Pour le dire autrement, la délégation de pouvoir a pour effet d'entraîner un transfert de la responsabilité pénale du chef d'entreprise vers son délégataire.


Cette conséquence, pour le moins importante, a conduit la Cour de cassation à soumettre la délégation de pouvoir en matière pénale à des conditions d'efficacité rigoureuses. Selon la formule désormais classique : "sauf si la loi n'en dispose pas autrement, le chef d'entreprise qui n'a pas pris personnellement part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il apporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne dotée de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires" (8). L'efficacité de la délégation est, ainsi, subordonnée à des conditions tenant, d'une part, à la personne du délégataire et, d'autre part, à l'objet même de la mission qu'elle comporte (9).


Le chef d'entreprise étant, en principe, responsable dès qu'une infraction à la réglementation du travail est constatée dans ses établissements, il lui appartient d'invoquer la délégation de pouvoir pour qu'elle puisse jouer son rôle exonératoire. Cela ne suffit évidemment pas puisqu'il lui faut, en outre, rapporter la preuve de la délégation.


  • Preuve de la délégation de pouvoir et rôle des juges du fond


Si en la matière la preuve est libre, encore convient-il que cette démonstration s'appuie sur des éléments suffisamment précis et convaincants (10). Or, et pour en venir à l'arrêt rendu par la Chambre criminelle le 8 avril 2008, il apparaît qu'une telle démonstration n'avait pas été faite. Plus précisément, c'était moins l'employeur qui était, ici, en cause que les juges du fond.


En l'espèce, un salarié de la société Ingénierie Concept Réalisations (ICR), société qui assumait la maîtrise d'ouvrage déléguée d'une opération de construction de logements, avait été poursuivi devant le tribunal correctionnel, pour avoir laissé une salariée, employée par l'entreprise de nettoyage Nera Propreté, utiliser un ascenseur non conforme lors de travaux préalables à la réception des appartements, et involontairement causé à celle-ci des blessures entraînant une incapacité de travail supérieure à trois mois.


Pour déclarer le salarié coupable, notamment, de l'infraction à la réglementation relative à l'hygiène et à la sécurité, l'arrêt attaqué avait relevé que le prévenu n'était pas fondé à invoquer un défaut de délégation de pouvoirs en matière de sécurité et qu'il ne pouvait prétendre ignorer la non-conformité de l'ascenseur, ayant pris part aux réunions de chantier et étant chargé de constater la levée des réserves des parties privatives et communes de l'immeuble.


Cette décision est cassé par la Chambre criminelle qui considère "qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel qui, par des motifs contradictoires, a, à la fois déclaré inopérante l'argumentation de Claude P. prise d'un défaut de délégation de pouvoirs de la part de la société ICR et retenu à la charge du prévenu une infraction aux règles de sécurité ne pouvant, selon les dispositions de l'article L. 263-2 du Code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, être imputée qu'au seul chef d'établissement ou à son délégataire, n'a pas justifié sa décision" (11).


Cette solution nous paraît devoir être entièrement approuvée. Un salarié ne peut être poursuivi du chef d'infraction aux règles de sécurité qu'à la condition d'être titulaire d'une délégation de pouvoir. Partant, les juges du fond, à partir des éléments de preuve apportés par le chef d'entreprise, doivent caractériser, en tous ces éléments, une telle délégation.


Il importe, par ailleurs, de remarquer que l'arrêt est de nature à écarter certaines craintes qu'avait pu faire naître la recodification. En effet, là où, antérieurement, le texte d'incrimination visait "les chefs d'établissement, directeurs, gérants" (C. trav., art. L. 263-2, anc.), le nouveau se réfère uniquement à "l'employeur" (C. trav., art. L. 4741-1). Or, il n'est guère besoin de s'étendre sur le fait que, dans nombre de cas, l'employeur est une personne morale. Par suite, il pouvait être avancé que, désormais et dans ces hypothèses, seul l'employeur pouvait être poursuivi et non son représentant. A dire vrai, cette assertion était éminemment discutable à, au moins, deux égards. Tout d'abord, il n'est plus à démontrer que notre législateur, au moins dans le domaine social, confond allègrement les notions d'employeur, de chef d'entreprise ou d'établissement et de représentant de la personne morale (12). Ensuite, et surtout, ainsi qu'il a été affirmé et martelé, il s'agit d'une recodification à droit constant, qui ne doit donc entraîner aucune modification des règles de droit applicables.


En affirmant, dans l'arrêt sous examen, qu'une infraction aux règles de sécurité ne peut, "selon les dispositions de l'article L. 263-2 du Code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, être imputée qu'au seul chef d'établissement [...]" (13), la Chambre criminelle nous démontre qu'elle n'entend pas modifier sa jurisprudence.


Pour en terminer, et bien que l'arrêt de la Chambre criminelle ne portait nullement sur la question, on peut se demander quel serait l'effet de changements dans la personne du délégataire. Ainsi que l'ont relevé certains auteurs, "s'il n'est pas douteux qu'en matière sociale, ces changements n'affectent pas, en principe, l'efficacité du mécanisme de délégation, il en va autrement sur le plan pénal, dans la mesure où le transfert de la responsabilité pénale est lié à l'acceptation de celle-ci par le délégataire. Dans cette mesure, la délégation est forcément personnalisée" (14). En d'autres termes, l'éviction du délégataire entraînerait la caducité de la délégation de pouvoir qui devrait être formellement octroyée au remplaçant.



(1) N. Ferrier, La délégation de pouvoir, technique d'organisation de l'entreprise, Litec, Bibliothèque de droit de l'entreprise, préf. Ph. Petel.
(2) Sur ces discussions, v. la thèse de N. Ferrier, spéc., pp. 89 et s..
(3) N. Ferrier, op. cit., pp. 197 et s..
(4) La fait que la Cour de cassation qualifie "la délégation impersonnelle donnée le 17 septembre 2002 au directeur du département gestion et innovations sociales, afin, notamment, 'de mener le dialogue social et conclure des accords collectifs'" de délégation de pouvoir n'appelle pas de commentaire, au moins sur l'objet de la délégation. S'agissant de son caractère "impersonnel", nous y reviendrons ultérieurement.
(5) Cass. com., 4 février 1997, n° 94-20.681, M. Pradeau c/ Banque La Hénin (N° Lexbase : A1561ACS), Bull. civ. IV, n° 44 ; JCP éd. G, 1997, I, 676, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain. V., aussi, Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-13.032, Société générale c/ M. Moyrand, F-P+B (N° Lexbase : A2986DH3).
(6) N. Ferrier, thèse préc., § 178.
(7) Selon l'expression des Professeurs A. Coeuret et E. Fortis, Droit pénal du travail, Litec, 3ème éd., 2004, § 323.
(8) Cass. crim., 11 mars 1993, n° 91-80.598, Berthy Raymond, publié (N° Lexbase : A1522ATK).
(9) Sur ces conditions d'efficacité, v., notamment, A. Coeuret et E. Fortis, ouvrage préc., pp. 145 et s..
(10) A. Coeuret et E. Fortis, ibid., § 327.
(11) Relevons qu'après avoir visé l'article 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC), la Cour de cassation affirme "que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence".
(12) Ainsi, et pour ne prendre qu'un seul exemple, l'article L. 2232-31 dispose que, du côté patronal, les conventions et accords de groupe sont négociés et conclus par "l'employeur de l'entreprise dominante". Il s'agit, en réalité, du représentant légal de la société mère.
(13) Nous soulignons.
(14) A. Coeuret et E. Fortis, ouvrage préc., § 323.

Décisions


1° Cass. soc., 18 mai 2008, n° 07-40.002, Régie autonome des transports parisiens (RATP) c/ M. Didier Raynaud, F-D (N° Lexbase : A5406D8Q)


Cassation de CA Versailles (6ème ch.), 17 octobre 2006


Textes visés : les principes généraux du droit applicables en matière de délégation de pouvoir, ensemble les articles 1984 (N° Lexbase : L2207ABD) et 2003 (N° Lexbase : L2238ABI) du Code civil


Mots clefs : délégation de pouvoir ; caducité ; personne du délégant et du délégataire.


Liens base :


2° Cass. crim., 8 avril 2008, 07-80.535, M. Claude PIC, F-P+F (N° Lexbase : A5440D8Y)


Cassation de CA Nîmes, ch. correctionnelle, 12 décembre 2006


Texte visé : C. proc. pén., art. 593 (N° Lexbase : L3977AZC)


Mots-clefs : délégation de pouvoir ; conditions d'efficacité ; preuve ; rôle du juge.


Liens base :

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Licenciement

[Jurisprudence] De la résolution judiciaire d'un contrat emploi jeune à la suite d'une inaptitude en cas d'impossibilité de reclassement

Réf. : Cass. soc., 18 avril 2008, n° 06-43.846, M. Sébastien Ravel, FS-P+B (N° Lexbase : A1735D8R)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

La question de la rupture du contrat de travail par l'employeur d'un salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail, alors qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, se pose-t-elle en des termes particuliers pour les titulaires de contrats de travail spéciaux, dont feu le contrat emploi jeune ? En l'espèce, M. R., engagé par l'Office national des forêts par contrat à durée déterminée emploi jeune pour une durée de 60 mois, en qualité d'ouvrier forestier adjoint au chef d'équipe, a été victime d'un accident du travail. Au terme de ses arrêts de travail consécutifs, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste. Licencié pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle un reclassement dans l'établissement s'est révélé impossible, l'intéressé a contesté le bien fondé de ce licenciement. Par arrêt rendu le 9 mai 2006, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité en raison de la rupture anticipée de son contrat emploi jeune. La cour d'appel, après avoir constaté que l'employeur avait loyalement exécuté son obligation de reclassement, a retenu que le motif tiré de l'inaptitude du salarié à tout poste de travail était avéré et constitutif (au sens des dispositions de l'article L. 322-4-20 du Code du travail N° Lexbase : L8956G7T, abrogé) d'une cause réelle et sérieuse fondant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée emploi jeune. Mais, pour la Cour de cassation, il résulte de la combinaison des articles L. 322-4-20 et L. 122-32-5 alinéa 1 et 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5523ACK, art. L. 1226-10 N° Lexbase : L9850HWQ et L. 1226-11, recod. N° Lexbase : L9851HWR), que lorsque le salarié titulaire d'un contrat emploi jeune est déclaré inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur qui est dans l'impossibilité de le reclasser et qui souhaite rompre le contrat, ne peut que demander la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Résumé

Il résulte de la combinaison des articles L. 322-4-20 et L. 122-32-5, alinéa 1 et 2, du Code du travail, que lorsque le salarié titulaire d'un contrat emploi jeune est déclaré inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur, qui est dans l'impossibilité de le reclasser et qui souhaite rompre le contrat, ne peut que demander la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Avant d'analyser la qualification de la rupture du contrat de travail du salarié régi par un contrat de travail aidé, consécutive à un avis d'inaptitude et d'une impossibilité de reclassement, il convient de rappeler les solutions admises pour la qualification de la rupture du contrat de travail du salarié ordinaire, consécutive à un avis d'inaptitude et d'une impossibilité de reclassement.

Commentaire

I - Qualification de la rupture du contrat de travail du salarié ordinaire consécutive à un avis d'inaptitude et d'une impossibilité de reclassement

A - L'impossibilité de reclassement

  • Etendue de l'obligation de reclassement

Le principe a été clairement posé par le législateur : si l'employeur ne peut proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte à son emploi à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, il est tenu de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement (C. trav., art. L. 122-32-5, alinéa 1 et 2, art. L. 1226-10 et L. 1226-11, recod.) (1). La jurisprudence en a déduit que la preuve de l'impossibilité de reclassement incombe à l'employeur (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-47.686, F-P N° Lexbase : A0441DDP) (2). A défaut, le salarié a droit à l'indemnité minimum de 12 mois de salaires prévue par l'article L. 122-32-7 du Code du travail (N° Lexbase : L5525ACM, art. L. 1226-15, recod. N° Lexbase : L9855HWW) (Cass. soc., 20 octobre 1993, n° 90-41.661, Société Compagnie Maritime d'affrètement c/ M. Christian Jensen inédit N° Lexbase : A6809AHN ; Cass. soc., 5 décembre 1995, n° 92-45.043, Société Périgord distribution, société à responsabilité limitée c/ M. Bernard Brunet, inédit N° Lexbase : A2468AGI, Dr. soc., 1996, p. 425, obs. A. Mazeaud). Il n'appartient pas au salarié d'indiquer l'emploi qui aurait pu correspondre à son aptitude physique (Cass. soc., 5 juillet 1995, n° 92-40.202, M. Rémond Tartière c/ Société anonyme Générale de mécanique N° Lexbase : A6848AH4).

Mais il ne suffit pas de faire référence à l'avis du médecin du travail qui n'indique pas quel poste pourrait convenir au salarié déclaré inapte, pour justifier de l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise (Cass. soc., 10 janvier 2001, n° 98-43.970, Société Le garage Paris-Brest, inédit N° Lexbase : A4365AR4). Et si l'employeur ne dispose d'aucun poste conforme aux préconisations du médecin du travail, le seul poste de magasinier ayant été supprimé et l'unique poste de gardien étant pourvu, est rapportée la preuve de l'impossibilité du reclassement (Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 05-43.813, F-D N° Lexbase : A4679DQD).

  • Sanctions

L'absence de signification des motifs s'opposant au reclassement ouvre droit à des dommages et intérêts réparant le préjudice nécessairement subi par le salarié devenu inapte et non à l'indemnité de l'article L. 122-32-7 du Code du travail (art. L. 1226-15, recod.) (Cass. soc., 6 mai 1998, n° 95-40.579, M. Patrick Lard c/ Société Caillette, société à responsabilité limitée N° Lexbase : A6911AHG ; Cass. soc., 12 novembre 2002, n° 00-45.560, F-D N° Lexbase : A7346A3H). Mais, la notification des motifs qui s'opposent au reclassement du salarié inapte doit être faite par écrit avant que la procédure de licenciement ne soit engagée, à défaut, la Cour de cassation décide que la procédure est irrégulière et ouvre droit à dommages et intérêts pour le salarié (Cass. soc., 7 juillet 1988, n° 85-44.828, M. Saarinen c/ Société anonyme Normet N° Lexbase : A1615AHB).

L'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement n'expose pas l'employeur aux sanctions de l'article L. 122-32-7, mais le rend redevable d'une indemnité réparant le préjudice subi non-cumulable avec l'indemnité de licenciement injustifié (Cass. soc., 18 novembre 2003, n° 01-43.710, FS+P N° Lexbase : A1988DAU et les obs. de S. Martin-Cuenot, L'option reconnue au salarié déclaré inapte entre licenciement et poursuite du contrat, Lexbase Hebdo n° 97 du 3 décembre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9607AA3).

B - La rupture du contrat de travail, suite logique de l'impossibilité de reclassement

La règle, codifiée, est que l'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi au besoin après la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 122-32-5, alinéa 1 et 2, art. L. 1226-10 et L. 1226-11, recod.).

Aussi, selon la jurisprudence, ne peut constituer, en soi, une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus du poste de reclassement proposé en application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1401G9R, art. L. 1226-2, recod. N° Lexbase : L9842HWG), lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail (Cass. soc., 9 avril 2002, n° 99-44.678, FS-P+B N° Lexbase : A4958AYB).

Le licenciement est validé dès lors que l'intéressé n'aurait pu être occupé que pour des tâches ponctuelles de faible rentabilité, ce qui ne pouvait permettre de l'employer à longueur d'années sans faire supporter de lourdes charges à l'entreprise (Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-44.790, F-D N° Lexbase : A8626DNS).

La rédaction des textes indique que la qualification de la rupture du contrat de travail sera celle du licenciement, lorsque l'employeur justifie de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi de reclassement au salarié inapte suite à un accident du travail, contrairement au salarié inapte à la suite d'un accident du travail, dont la relation contractuelle est celle d'un contrat de travail à durée déterminée.

II - Qualification de la rupture du contrat de travail du salarié régi par un contrat de travail aidé, consécutive à un avis d'inaptitude et d'une impossibilité de reclassement

A - La rupture du contrat de travail à durée déterminée face à l'impossibilité du reclassement

  • Résiliation judiciaire

Lorsque le reclassement d'un salarié en contrat à durée déterminée devenu inapte s'avère impossible, l'employeur peut demander la résolution judiciaire du contrat. La juridiction saisie vérifiera les motifs et fixera l'indemnisation du salarié. En effet, en application de l'article L. 122-32-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5527ACP, art. L. 1226-20, recod. N° Lexbase : L9860HW4), les dispositions des deux derniers alinéas de l'article L. 122-32-5 (selon lesquels lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi) et des articles L. 122-32-6 (N° Lexbase : L5524ACL, art. L. 1226-14, recod. N° Lexbase : L9854HWU) à L. 122-32-8 (N° Lexbase : L5526ACN, art. L. 1226-16, recod. N° Lexbase : L9856HWX) ne sont pas applicables lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée.

Si l'employeur justifie qu'il se trouve dans l'impossibilité de proposer un emploi (dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 122-32-5, art. L 1226-10, 1226-11 et 1226-12, recod.), au salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions, l'employeur est en droit de demander la résolution judiciaire du contrat. La juridiction saisie prononce la résolution après vérification des motifs invoqués et fixe le montant de la compensation financière due au salarié (C. trav., art. L. 122-32-9, al. 2 N° Lexbase : L5527ACP, art. L. 1226-20, recod. N° Lexbase : L9860HW4).

La loi du 31 décembre 1992, relative à l'inaptitude des salariés à leur emploi (loi n° 92-1446, relative à l'emploi, au développement du travail à temps partiel et à l'assurance-chômage N° Lexbase : L0944AIS), ne mentionne que le licenciement comme mode de rupture du contrat de travail et ne saurait donc s'appliquer aux salariés sous CDD (circ. DRT, n° 93-11, du 17 mars 1993 N° Lexbase : L7489AI9).

Dans une telle situation, la Cour de cassation a précisé que l'inaptitude physique du salarié constatée au cours de l'exécution du contrat ne constituait pas un cas de rupture par l'employeur du contrat avant l'échéance de son terme (Cass. soc., 13 novembre 1986, Mme Martin c/ M. Formosa).

Les textes (C. trav., art. L. 122-32-1 N° Lexbase : L1371G9N, art. L. 1226-7, recod. N° Lexbase : L9847HWM) prévoient seulement que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie, ainsi que pendant le délai d'attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle (que, conformément à l'avis de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L8832G8M, doit suivre l'intéressé). Le salarié sous CDD, déclaré inapte à la suite d'un accident ou une maladie non professionnels, ne peut pas exercer l'action en résolution judiciaire, une telle action exigeant que l'inaptitude ait une origine professionnelle (Cass. avis, 29 avril 2002, n° 00-20.003, Société Chepar c/ Mademoiselle Crespo N° Lexbase : A2153A4I).

  • Contrôle judiciaire et sanctions

En cas de rupture du contrat par l'employeur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-32-4 du Code du travail (N° Lexbase : L5520ACG, art. L. 1226-8, recod. N° Lexbase : L9848HWN) (selon lequel, les conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise), du premier alinéa de l'article L. 122-32-5 (selon lequel si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi) ou du second alinéa de l'article L 122-32-9 (art. L. 1226-20, recod.) (selon lequel, si l'employeur justifie qu'il se trouve dans l'impossibilité de proposer un emploi au salarié titulaire d'un tel contrat, ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions, l'employeur est en droit de demander la résolution judiciaire du contrat), le salarié a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi. Cette indemnité ne peut être inférieure au montant des salaires et avantages qu'il aurait reçus jusqu'au terme de la période en cours de validité de son contrat. La juridiction saisie prononce la résolution après vérification des motifs invoqués et fixe le montant de la compensation financière due au salarié), le salarié a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi .

L'inaptitude physique du salarié ne constitue pas un cas de force majeure autorisant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée. Une telle inaptitude et l'impossibilité du reclassement de l'intéressé n'ouvrent pas droit au paiement des salaires restant à courir jusqu'au terme du contrat ni à l'attribution de dommages-intérêts compensant la perte de ceux-ci. Si c'est à tort que l'employeur a rompu le contrat de travail à durée déterminée le liant à sa salariée, celle-ci n'ayant pas droit à une rémunération dès lors qu'elle ne pouvait exercer effectivement ses fonctions ne peut prétendre qu'à l'attribution de dommages-intérêts résultant du préjudice subi (Cass. soc., 18 novembre 2003, n° 01-44.280, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1843DAI, Bull. n° 285). Dans le même sens, la Cour de cassation a décidé que, lorsque le médecin du travail déclare un salarié en CDD inapte, le contrat ne peut, toutefois, pas être rompu de manière anticipée dans la mesure où il ne s'agit pas d'un cas de force majeure (Cass. soc., 17 mai 2000, n° 98-41.388, Mme Mina Hassani c/ Société hôtel restaurant La Gentilhommière, société à responsabilité limitée N° Lexbase : A9400ATC).

Si les dispositions de l'article L. 122-24-4, alinéa 1er, du Code du travail, relatives à l'obligation de reclassement, sont applicables au contrat à durée déterminée, celles de l'alinéa 2 du même article, instituant l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement du salaire du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident et ni reclassé, ni licencié, à l'expiration du délai d'un mois à compter de l'examen médical de reprise du travail, ne sont pas applicables (l'employeur ne pouvait ni rompre le contrat à durée déterminée, ni, s'agissant d'une inaptitude d'origine non professionnelle, saisir le juge d'une demande de résiliation judiciaire), le contrat à durée déterminée ne pouvant pas être rompu par l'employeur en raison de l'inaptitude physique et de l'impossibilité du reclassement (Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-44.913, FS-P+B N° Lexbase : A6518DIA, Bull. civ. V, n° 193 et les obs. de S. Martin-Cuenot, Inaptitude : exclusion partielle du salarié sous CDD du bénéfice de la protection, Lexbase Hebdo n° 173 du 22 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5635AIK).

Dans son rapport 2005, la Cour de cassation relève que, selon les dispositions de l'article L. 122-3-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5457AC4, art. L. 1243-1, recod. N° Lexbase : L0055HXC), sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave et de force majeure. La Chambre sociale énonce de manière constante que l'inaptitude définitive d'un salarié ne constitue pas un cas de force majeure (Cass. soc., 12 juillet 1999, n° 97-41.131, M. Bonard c/ Société Transports Gelin N° Lexbase : A4760AGE, Bull. civ. V, n° 344 ; Cass. soc., 12 février 2003, n° 00-46.660, F-P+B N° Lexbase : A0129A7W, Bull. civ. V, n° 50). En outre, les dispositions de l'article L. 122-32-9 du Code du travail (art. L. 1226-20, recod.), qui permettent à l'employeur d'un salarié sous contrat à durée déterminée d'exercer une action en résolution judiciaire, ne sont pas applicables à une inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnels (Cass. avis, 29 avril 2002, préc., Bull. n° 3), ce qui a, d'ailleurs, conduit la Cour à suggérer dans son rapport annuel 2002 une modification de l'article L. 122-32-9 du Code de travail (art. L. 1226-20, recod.), en ce sens que la possibilité de résiliation judiciaire devrait être étendue à l'inaptitude d'origine non professionnelle.

L'intérêt de l'arrêt du 8 juin 2005 est d'affirmer explicitement que les dispositions de l'article L. 122-24-4, alinéa 1er, du Code du travail (art. L. 1226-2, recod.), relatives à l'obligation de reclassement, s'appliquent au contrat à durée déterminée, ce qui, jusqu'alors, ne résultait qu'implicitement de la jurisprudence de la chambre. On peut noter, néanmoins, que l'obligation de reclassement s'appréciera, nécessairement, d'une manière particulière, eu égard à la limitation des cas de recours au contrat à durée déterminée.

B - La rupture du contrat de travail aidé face à l'impossibilité du reclassement

  • Contrat emploi jeune

Le contrat emploi jeune (programme "Nouveaux services / Emplois Jeunes" (3)) ne portait que sur des activités présentant un caractère d'utilité sociale et des activités créatrices d'emplois, qui répondent à des besoins émergents ou non satisfaits (C. trav., art. L. 322-4-18, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 janvier 2005 N° Lexbase : L6160AC7). Les employeurs appartenaient au monde associatif (organismes privés à but non lucratif) ou aux services de l'Etat (C. trav., art. L. 322-4-18, al. 1er, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 janvier 2005). Le programme était ouvert aux jeunes de moins de 26 ans et aux jeunes de 26 à moins de 30 ans n'ayant jamais, ou peu, travaillé depuis la fin de la scolarité. Les contrats de travail étaient de droit privé, y compris lorsque l'employeur était un organisme de droit public. La rémunération minimale était le SMIC (C. trav., art. L. 322-4-19, al. 2, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 janvier 2005 N° Lexbase : L6155ACX). Le dispositif des emplois-jeunes est en voie progressive d'extinction, car les financements ont seulement été maintenus pour les programmes en cours (4). Le dispositif est progressivement remplacé par d'autres formules, dont le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS).

  • Autres contrats aidés à durée déterminée

La solution retenue par la Cour de cassation d'une résolution judiciaire du contrat de travail à durée déterminée, consécutive à une impossibilité de reclassement d'un salarié inapte suite à un accident du travail, a vocation à s'appliquer aux contrats aidés, par application de l'arrêt rapporté, autres que les emplois-jeunes (qui n'existent plus, en tout état de cause, depuis la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49), pour autant qu'ils soient conclus pour une durée déterminée : feu les contrat de qualification, contrat d'orientation, contrat emploi-solidarité et contrat emploi consolidé, contrats emploi-jeune conclus dans le cadre du programme "NS/EJ" et le contrat d'avenir, le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CDD senior, si les parties choisissent le CDD, le contrat de professionnalisation, le contrat initiative-emploi rénové, là aussi si les parties choisissent pour le contrat une durée déterminée.


(1) J.-Y. Frouin, La protection de l'emploi des salariés victimes d'une maladie ou d'un accident, RJS, 12/95, p. 773.
(2) Lire les obs. de G. Auzero, La preuve de l'impossibilité de reclasser un salarié inapte incombe à l'employeur, Lexbase Hebdo n° 130 du 21 juillet 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2399ABH).
(3) B. Allibert, Commentaire de la loi du 16 octobre 1997, relative au développement d'activité pour l'emploi des jeunes et du décret d'application du 17 octobre 1997, Petites affiches n° 28, 6 mars 1998, p. 8 ; J.-C. Boulard, Rapport d'information, Assemblée Nationale n° 337, 17 octobre 1997 ; Rapport d'information, Assemblée nationale, n° 1211, 18 novembre 1998 ; J. Chaumette et J.-Y. Kerbourc'h, L'accès des jeunes à l'emploi : l'apport du droit, in Ministère du Travail et de l'emploi, Les jeunes et l'emploi : recherches pluridisciplinaires, Cahier Travail et emploi, 1996 ; F. Duquesne, Les contrats "emplois-jeunes", SSL, 1999, n° 923, p. 41 ; D. Gelot et J.-L. Meyer, Le programme "Nouveaux services/emplois-jeunes", Dr. soc., 2001. 1062 ; A. Gournac, Rapport d'information, Doc. Sénat, 2000-2001, n° 25 ; C. Guitton, Emplois-jeunes - La professionnalisation en débat, Céreq Bref n° 158, novembre 1999 ; Y. Robineau (président), Rapport de l'instance d'évaluation des mesures d'aide aux premiers emplois du secteur non marchand, Conseil national de l'évaluation et Commissariat général du Plan, 2002 ; S. Salon et J.-C. Savignac, Emploi des jeunes, AJDA 1998. 54 ; J. Savatier, L'aide aux emplois-jeunes, Dr. soc., 1997, 908 ; G. Seraud, Le contrat jeune : l'invention du contrat à durée indéterminée affecté d'un terme, Dr. ouvrier, 1999, 179 ; S. Traoré, Les contrats emploi jeune de la loi du 16 octobre 1997 et les critères jurisprudentiels des contrats de l'Administration, RD publ., 1998, 225 ; Les contrats emploi-jeune de la loi du 16 octobre 1997, Nature juridique, Dr. adm., 1998, chron. n° 2, p. 6.
(4) S. Casaux, Que sont devenus les emplois jeunes des collectivités locales, des établissements publics et associations ?, DARES, 1ères informations, 1ères synthèses, novembre 2006, n° 44.1.

Décision

Cass. soc., 18 avril 2008, n° 06-43.846, M. Sébastien Ravel, FS-P+B (N° Lexbase : A1735D8R)

Cassation ( )

Textes visés : C. trav., art. L. 322-4-20 (N° Lexbase : L8956G7T, abrogé) et L. 122-32-5, alinéa 1 et 2 (N° Lexbase : L5523ACK, art. L. 1226-10 N° Lexbase : L9850HWQ et L. 1226-11, recod. N° Lexbase : L9851HWR)

Mots-clefs : contrat emploi-jeune ; accident du travail ; avis d'inaptitude ; impossibilité de reclassement ; mode de rupture du contrat de travail ; licenciement ; cause réelle et sérieuse (non) ; résiliation judiciaire (oui).

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Social général

[Focus] 28ème rapport d'activité 2007 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés : fichiers et droits des salariés

Réf. : Rapport d'activité 2007 de la Cnil

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N9849BEI

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Créée par la loi du 6 janvier 1978 (loi n° 78-17, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est l'autorité administrative chargée de veiller à la protection des données à caractère personnel et issues de la vie privée. Elle a, en premier lieu, un rôle d'information auprès des autorités publiques, des professionnels, mais, également, des citoyens, sur les règles applicables au traitement des données. Elle autorise l'accès à certaines informations. Elle a, en deuxième lieu, un rôle de contrôle du respect de la loi. Ce contrôle est un contrôle a priori, puisqu'elle vérifie les dossiers de déclaration. Le contrôle a, également, lieu a posteriori par les investigations qu'elle effectue sur place dans les entreprises ou tout autre organisme. Elle a, en troisième lieu, un rôle répressif. Les sanctions que peut prendre la formation contentieuse de la CNIL vont, en effet, de l'avertissement à la sanction pécuniaire, en passant par la mise en demeure de se mettre en conformité avec les textes. Cette institution fait état, dans son rapport 2007, des difficultés qu'elle rencontre pour imposer le respect des textes, notamment, lorsque les entreprises ont leur filiale dans un Etat non membre de la Communauté européenne et, en particulier, aux Etats-Unis. Les droits des salariés posés par la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 se trouvent, ainsi, bafoués, les entreprises, par méconnaissance pour la plupart, violant ce texte, ce qui les expose à des sanctions pouvant aller jusqu'à des condamnations pénales. Les principes posés par la loi informatique et libertés se trouvent, principalement, mis à mal par la mondialisation des données. I - Rappel de la protection instaurée par la loi "informatique et libertés"

A - Champ de la protection

La loi "informatique et libertés", consolidée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel (N° Lexbase : L0722GTW, lire les obs. de Ch. Radé, La protection du salarié citoyen après la réforme de la loi informatique et libertés, Lexbase Hebdo n° 132 du 31 août 2004 - édition sociale N° Lexbase : N2603ABZ), protègent les données et le traitement des données à caractère personnel. Cette loi garantit le citoyen contre l'utilisation abusive de l'informatique (article 1er N° Lexbase : L4315AHB).

L'article 2 (N° Lexbase : L4316AHC) prévoit le champ d'application de la loi, définissant par là ce qu'est une "donnée à caractère personnel", ce que constitue un traitement de "données à caractère personnel" et ce qu'est un "fichier de données à caractère personnel".

L'article 3 (N° Lexbase : L4327AHQ) précise, ensuite, qui peut collecter ces données, quelles sont celles qui peuvent être collectées, qu'elles sont celles qui ne peuvent pas, en principe, l'être, à moins que la personne n'ait expressément donné son consentement et, enfin, que les conditions qui doivent être respectées.

La loi prévoit, en outre, les modalités de collecte de ces données, ainsi que les règles applicables à leur conservation (articles 6 N° Lexbase : L4357AHT et 7 N° Lexbase : L4358AHU). Ces deux articles insistent sur le caractère impératif de la licéité et de la loyauté à adopter la collecte des données, elle impose que la collecte ait lieu à des fins déterminées, que les informations soient adéquates, pertinentes et non excessives.

Elle précise que les données collectées doivent être exactes et complètes et qu'elles doivent faire l'objet d'une mise à jour, les données inexactes devant faire l'objet d'une rectification, ou être effacées. Elle impose, par ailleurs, que la conservation de ces données, sous une forme permettant l'identification des personnes concernées, ne peut excéder une certaine durée.

Après avoir posé ces bases, la loi "informatique et libertés" reconnaît aux particuliers plusieurs droits essentiels.

B - Droits des citoyens

Nous l'avons vu, le premier droit du citoyen est un droit d'information. Ce droit permet à toute personne de savoir si elle est "fichée" et d'exiger qu'on lui communique le nom et les fichiers dans lesquels elle se trouve. Cette communication du contenu des fichiers correspond au droit d'accès également reconnu à tout citoyen par la loi informatique et liberté. Ce droit lui permet de vérifier l'exactitude des données. Il est complété d'un droit de rectification, qui permet à la personne concernée de faire rectifier les erreurs, compléter, actualiser....

Le dernier droit reconnu aux citoyens, enfin, est un droit d'opposition, qui permet à toute personne de s'opposer à ce qu'elle figure dans un fichier.

L'article 7 impose que le consentement de la personne ait été recueilli ou que l'une des conditions qu'il énumère soit présente pour que ces données puissent être collectées et conservées. Parmi ces conditions, figurent le respect d'une obligation légale par le responsable du traitement, la sauvegarde de la vie de la personne concernée, l'exécution d'un service public, l'exécution d'un contrat et la réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement.

Les professionnels sont tenus de faire une déclaration des fichiers auprès de la CNIL, ce qui permet des contrôles, non seulement du contenu, mais, encore, de la conservation des données collectées.

Ces règles sont applicables aux salariés, ce qui implique que les entreprises sont, en principe, tenues de les observer. Le rapport 2007 souligne, à cet égard, l'absence d'information des salariés de leurs droits en la matière et les violations répétées par les entreprises de leurs obligations légales.

II - Transfert des fichiers et droits des salariés

Concernant le contenu des fichiers, la CNIL souligne, dans son rapport, le renforcement des contrôles. Elle précise que, en 2007, les vérifications sur place, dans les entreprises, ont porté, essentiellement, sur les fichiers concernant les salariés. Singulièrement, ont été contrôlés les fichiers relatifs à la gestion des recrutements et des carrières, la géolocalisation des véhicules (GPS), les transferts de données à l'étranger, ainsi que le développement des lignes éthiques (1).

Ces contrôles ont permis de mettre en lumière de nombreuses irrégularités.

Il est précisé que plus d'un tiers des dossiers transmis à la formation contentieuse concerne le non-respect des obligations en matière d'information des personnes et de droit d'opposition, les atteintes à la vie privée, le fait de faire figurer sur des fichiers des données sur l'appartenance ethnique, des commentaires sur la vie privée, la santé.

Des problèmes ont, également, été relevés concernant l'absence de garanties de confidentialité des données.

Plusieurs points problématiques sont pointés du doigt par le rapport et, notamment, les fichiers des ressources humaines, les GPS embarqués dans les véhicules de société et les transferts transfrontaliers de données.

A - Le contenu des fichiers ressources humaines des entreprises passés "à la loupe"

Les fichiers ressources humaines de certaines sociétés ont été "épluchés". Il en ressort que plusieurs d'entre elles n'hésitent pas à faire figurer dans leurs fichiers "personnel" des commentaires subjectifs, contraires aux principes d'objectivité, d'adéquation et de pertinence des informations qui peuvent y figurer. Des sanctions ont été prises contre ces sociétés. Une entreprise a, par exemple, été condamnée à une amende de 40 000 euros pour ne pas avoir respecté les règles prévues concernant le contenu des fichiers, fait les déclaration et respecté les règles de conservation des données ou information sur les salariés qu'elle embauchait (décision de la CNIL du 11 décembre 2007, n° 2007-374, publiée le 11 avril 2008, Société service Innovation Groupe France (SIG)).

Les violations des droits des salariés ne s'arrêtent pas là, le rapport indique qu'ils se trouvent démultipliés par les transferts transfrontaliers de fichiers.

B - Difficultés résultant du transfert transfrontalier de données

La CNIL fait état, dans son rapport, de plusieurs difficultés consistant, notamment, dans le transfert des fichiers à l'étranger et leur conservation. Le rapport souligne, en effet, que ces transferts, parfois non autorisés, méconnaissent totalement les principes posés par la loi "informatique et libertés" et, en particulier, l'obligation de déclaration à la CNIL.

Le rapport précise, en effet, que lorsque les transferts de données ont lieu à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne, ils sont de nature à méconnaître les obligations résultant de la loi, notamment, celles imposant que les personnes (et, particulièrement, les salariés) figurant dans les fichiers transférés soient informées des transferts, mais, encore, et plus gravement, celles imposant au responsable du fichier de maîtriser la sécurité des données dont il est responsable. La loi impose, en effet, que le responsable du fichier connaisse le lieu (physique) de situation des fichiers et veille à ce que leur transfert se fasse de manière à garantir leur confidentialité. Une fois les données transférées, le responsable du fichier n'a plus aucune maîtrise sur ce dernier. Il ne peut, en outre, donner aucune garantie concernant la conservation (confidentialité) et la durée de conservation des fichiers qu'il a transférés.

Une autre difficulté transfrontalière réside dans la communication, par les sociétés françaises aux filiales américaines, de données dans le cadre de recherches de preuves en vue du règlement d'un litige.

Dans ce cadre, les sociétés mères et leurs filiales se voient contraintes de communiquer la copie de l'intégralité du contenu des disques durs ou des messageries électroniques de certains salariés, voire de l'ensemble du personnel de l'entreprise.

Le rapport souligne que ces demandes de communication d'informations sont contraires aux dispositions relatives à la protection des données concernant l'information des personnes, la proportionnalité du traitement effectué et les conditions du transfert des données. Les salariés ne sont, généralement, pas tenus informés de ces procédures, or, ce sont eux les principaux concernés.

Les sanctions susceptibles d'être prises contre les salariés ayant communiqué ces informations étant importantes, le rapport rappelle la protection dont disposent les sociétés françaises.

Le rapport précise que toute injonction doit faire l'objet d'une demande préalable d'entraide au bureau qui en est chargé au ministère de la Justice, lequel donne un avis favorable ou défavorable. La communication ne pourra donc avoir lieu que si le bureau a donné un avis favorable. Si une telle demande n'a pas été formulée, et tant que la réponse du bureau n'a pas été donnée, l'entreprise ne doit, en principe, pas communiquer ces données.

La loi du 26 juillet 1968 (loi n° 68-678, relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique N° Lexbase : L0265ATY) interdit, pour sa part, la communication d'informations tendant à la constitution de preuves judiciaires, à moins qu'il existe un accord permettant ces communications.

La SEC (securities and exchange commission, Commission des titres financiers et des bourses) et l'AMF (autorité des marchés financiers) ont conclu un accord.

Le rapport tient, sur ce point, à souligner que toute communication d'information demandée par la SEC, non relayée par l'AMF, est illégale. Il précise, en outre, que les entreprises qui n'auront pas trouvé le relais de l'AMF encourent des sanctions pénales pour avoir communiqué des informations.

Outre les difficultés transfrontalières, le rapport fait état des problèmes pouvant résulter de l'équipement des véhicules des employés par des GPS.

C - Géolocalisation des véhicules des salariés (2)

Certaines entreprises équipent les véhicules mis à disposition de leurs salariés de GPS. Ceci leur permet de savoir, à tout moment, où se situent les salariés. Les difficultés proviennent, généralement, de l'absence de précision, par ces sociétés, des finalités de ces équipements GPS. Il faut, en effet, prendre conscience que, en l'absence de telles précisions, ces entreprises s'exposent à ne pas pouvoir justifier d'une finalité légitime, or celle-ci est une condition nécessaire à la collecte de ces données. Il est donc important de mentionner l'objet de ces GPS, ce qui, tout à la fois, permet de justifier de la collecte et de l'utilisation des données, mais, encore, d'informer les salariés concernés par ces dispositifs.

Le rapport précise, en effet, que les salariés de ces entreprises ne sont, en outre, pas informés et ne peuvent donc faire valoir leur droit d'accès, d'opposition et de rectification des données collectées par les employeurs.

Il convient de se féliciter de ce rapport, qui permet tant aux employeurs qu'aux salariés d'être informés de leurs droit et obligations et ce, afin d'éviter les sanctions.


(1) Voir, en ce sens, la délibération de la CNIL n° 2005-110 du 26 juin 2005, relative à une demande d'autorisation de McDonald's France pour la mise en oeuvre d'un dispositif d'intégrité professionnelle (N° Lexbase : N6239AIW).
(2) Voir, en ce sens, la délibération de la CNIL n° 2006-066 du 16 mars 2006, portant adoption d'une recommandation relative à la mise en oeuvre de dispositifs destinés à géolocaliser les véhicules automobiles utilisés par les employés d'un organisme privé ou public (N° Lexbase : X6642ADD). Sur ce point, lire, également, Christine Baudoin, Avocat associé, LMT Avocats, spécialiste en droit social, La géolocalisation des salariés : enjeux juridiques et sociaux, Lexbase Hebdo n° 248 du 14 février 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0316BAX).

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] La transmission aux héritiers du préjudice subi par leur auteur

Réf. : Ass. plén., 9 mai 2008, n° 05-87.379, M. Jacques Fortin c/ Mme Ana Ratinho, P+B+R+I (N° Lexbase : A4495D8Y)

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N9836BEZ

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

A la faveur de deux arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 avril dernier (1), affirmant, sous le visa de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L3351AM3), devenu l'article L. 141-1 du même code (N° Lexbase : L7823HN3), "qu'il résulte de ce texte que l'Etat est tenu de réparer le dommage personnel causé aux victimes par ricochet par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice", et relevant, dans les deux affaires, que les demandeurs "invoquaient un préjudice par ricochet causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice", l'occasion était récemment donnée de rappeler que toute personne qui prouve avoir souffert d'un dommage personnel par contrecoup de celui qui a frappé la victime initiale (ou immédiate) peut en obtenir réparation et, par suite, de revenir sur l'autonomie du droit à réparation du dommage par ricochet par rapport au droit de la victime immédiate (2). Ce préjudice, personnel, subi par les victimes par ricochet elles-mêmes, ne doit pas être confondu avec le préjudice subi par les héritiers qui peuvent, eux aussi, en demander réparation, mais en exerçant cette fois non plus une action personnelle, mais une action à titre successoral. La mise en oeuvre de cette action n'est cependant pas sans poser quelques difficultés, particulièrement dans l'hypothèse où le de cujus n'aurait pas agi de son vivant. Bien que la jurisprudence se soit déjà prononcée sur la question, les résistances de certaines juridictions du fond ont conduit l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, par un arrêt du 9 mai dernier, à réaffirmer le principe de la transmission aux héritiers du droit à réparation du dommage subi par leur auteur.

En l'espèce, les héritiers avaient demandé réparation des préjudices matériels et moraux causés par les faits de falsifications de chèques et usage dont leur auteur avait été victime. Ils avaient, cependant, été déboutés de leur demande par la cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, les magistrats parisiens faisant, en effet, valoir que les héritiers ne pouvaient être considérés comme victimes directes de ces faits, alors même que leur auteur, bien qu'il en fût informé, n'avait jamais déposé plainte ni même manifesté l'intention de le faire. Leur décision est, néanmoins, cassée, sous le visa des articles 2 (N° Lexbase : L6998A4X) et 3 (N° Lexbase : L7014A4K) du Code de procédure pénale, ensemble l'article 731 du Code civil (N° Lexbase : L3338ABA).

La Haute juridiction, dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure, affirme, ainsi, que "toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers", pour en déduire, en l'espèce, qu'en statuant comme elle l'a fait, "alors que le droit à réparation des préjudices subis par [le de cujus], né dans son patrimoine, avait été transmis à ses héritiers qui étaient recevables à l'exercer devant la cour d'appel saisie des seuls intérêts civils, peu important que leur auteur n'ait pas introduit l'action à cette fin avant son décès, dès lors que le ministère public avait mis en mouvement l'action publique et que la victime n'avait pas renoncé à l'action civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés" (3).

A vrai dire, la question de la transmission du droit à réparation aux héritiers s'est surtout posée à propos du dommage moral, bien plus que pour le préjudice matériel, dont le caractère patrimonial est sans doute apparu plus nettement évident. On n'ignore pas, en effet, que, s'agissant du dommage moral, certains ont entendu contester la transmission du droit à réparation aux héritiers, en faisant valoir, d'une part, qu'il s'agirait d'un préjudice de nature extrapatrimoniale et, d'autre part, qu'il pouvait sembler contestable de permettre aux héritiers d'agir dans l'hypothèse dans laquelle leur auteur n'aurait pas lui-même agi de son vivant. Cette argumentation a cependant été condamnée par la Cour de cassation : si le préjudice moral est extrapatrimonial, le droit à réparation a, lui, une valeur patrimoniale, qui justifie sa transmission aux héritiers, peu important que la victime immédiate ait ou non agi de son vivant : un arrêt rendu par une Chambre mixte, le 30 avril 1976, a posé le principe selon lequel "le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance physique éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers" (4). Ce à quoi il faut au demeurant ajouter que cette même question, qui a divisé les chambres de la Cour de cassation et qui divisait encore récemment les différentes juridictions de l'ordre administratif (5), est également résolue de manière définitive depuis que le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 29 mars 2000, s'est aligné sur la jurisprudence civile : "considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers" (6).


(1) Cass. civ. 1, 16 avril 2008, 2 arrêts, n° 07-16.286, Mme Catherine Dalmais, épouse Jacquiot, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9367D73) et n° 07-16.504, M. Jean-Claude Perrin, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9368D74).
(2) Voir nos obs., Responsabilité de l'Etat pour faute lourde ou déni de justice et réparation du préjudice subi par ricochet, Lexbase Hebdo n° 303 du 8 mai 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8896BE9).
(3) Pour l'affirmation du principe de la transmission du droit à réparation : Cass. mixte, 30 avril 1976, 2 arrêts, n° 73-93.014, Consorts Goubeau c/ Alizan (N° Lexbase : A5436CKK) et n° 74-90.280, Epoux Wattelet c/ Le Petitcorps (N° Lexbase : A5437CKL), D., 1977, p. 185, note M. Contamine-Raynaud ; Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-19.020, Mme Viviane Saastamoinen, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa fille Cindy Picard, FS-P+B (N° Lexbase : A6869DUX).
(4) Voir les arrêts cités supra.
(5) Auparavant, le Conseil d'Etat faisait naître le droit à réparation du dommage au moment du déclenchement de l'action en justice : CE, 11 décembre 1946, Sieur Pochon, Rec., p. 305 ; CE, 17 juillet 1950, Sieur Mouret, Rec., p. 447 ; CE, 29 janvier 1971, n° 74941, Association "Jeunesse et Reconstruction" (N° Lexbase : A9609B8E), Rec., p. 81. Contra : CAA Nantes, 22 février 1989, n° 89NT00011, Centre hospitalier régional d'Orléans c/ Fichon (N° Lexbase : A7747A8G), AJDA, 1989, p. 276, note J. Arrighi de Casanova ; CAA Paris, 12 février 1998, n° 95PA02814, Mmes X et Y (N° Lexbase : A9453BHL), AJDA, 1998, p. 234.
(6) CE, 29 mars 2000, précité, D., 2000, p. 563, note A. Bourrel. V. également : CE contentieux, 15 janvier 2001, n° 208958, AP-HP (N° Lexbase : A8879AQW), D., 2001, IR, p. 597.

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Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 19 mai 2008 au 23 mai 2008

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N9882BEQ

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Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Conditions de travail

- Cass. soc., 20 mai 2008, n° 06-45.521, M. Jonathan Michaelson, F-D (N° Lexbase : A7035D83) : si le salarié dont l'affection, en vertu de la législation applicable, ne peut être prise en charge au titre des maladies professionnelles et qui attribue son état de santé aux mauvaises conditions de son travail imposées par l'employeur, peut demander réparation de son préjudice sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel, qui a constaté l'absence de preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail du salarié et son affection, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision .

  • Licenciement/Reclassement

- Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.717, M. Laurent Fromont, F-D (N° Lexbase : A7158D8M) : les mentions de la lettre de licenciement explicitant l'impossibilité de reclassement invoquée par l'employeur ne sauraient interdire à celui-ci de justifier par tous moyens d'une telle impossibilité. Par ailleurs, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a constaté qu'il ne pouvait être imposé à l'employeur de créer un poste sans réelle utilité ; elle a, ainsi, légalement justifié sa décision .

  • Absence prolongée

- Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.511, Mme Jeannette Papazian-Fassina, F-D (N° Lexbase : A7156D8K) : en ne caractérisant pas les troubles occasionnés par l'absence prolongée de la salariée et en ne précisant pas en quoi le recours à des contrats à durée déterminée pour le remplacement de la salariée absente ne pouvait pas être maintenu, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle .

  • Changement temporaire du lieu de travail

- Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.640, Mme Laurence Kaplan, F-D (N° Lexbase : A7157D8L) : en l'état de ses constatations relatives au caractère temporaire du changement de lieu de travail, à sa justification par l'intérêt de l'entreprise et à la distance légèrement supérieure à 15 kilomètres entre les deux sites, situés tous les deux en région parisienne, n'entraînant aucune gêne particulière pour la salariée, notamment, pour ce qui concerne la durée des trajets, la cour d'appel a pu en déduire qu'en l'absence de modification du contrat de travail, le refus de la salariée de son changement d'affectation n'était pas justifié .

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