Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 29-12-2000, n° 199296

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux


N° 199296

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
c/S.N.C.F.

M. Hourdin, Rapporteur
M. Courtial, Commissaire du Gouvernement

Séance du 29 novembre 2000
Lecture du 29 décembre 2000


REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10éme sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux



Vu le recours, enregistré le 3 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant un jugement du 7 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris, a accordé à la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1993 à concurrence de 173 596 740 F pour 1991. 162 697 635 F pour 1992 et 205 797 915 F pour 1993 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1 177 du 24 décembre 1997 ;

Après avoir entendu en audience publique :

  1. le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
  2. les observations de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français,
  3. les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, relatif aux modalités selon lesquelles la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est, sur demande du redevable, plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite par cette entreprise : "II - 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers... 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes : les stocks au début de l'exercice" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la S.N.C.F, a demandé que. par application des dispositions précitées de l"article 1647 B sexies du code général des impôts, le montant de la taxe professionnelle mise à sa charge au titre des années 1991, 1992 et 1993 soit plafonné en écartant du calcul de la "production de l'exercice", d'une part, l'indemnité compensatrice banlieue versée à la S.N.C.F. par l'Etat et par les collectivités locales conformément aux articles 6 et 8 du décret du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en région parisienne et, d'autre part, la contribution globale qu'elle perçoit, en application des articles 33 et 46 de son cahier des charges, au titre de la participation de l'Etat aux services de voyageurs d'intérêt régional, ainsi que la contribution de même nature qu'elle perçoit des régions avec lesquelles elle a conclu des conventions d'exploitation ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui, estimant fondée cette prétention de la S.N.C.F., lui a accordé les réductions d'imposition découlant de l'application du plafonnement dont elle avait réclamé le bénéfice ;

Considérant que la Cour s'est fondée sur le motif que, les deux catégories de subventions en cause ne se rapportant pas à des pertes de recettes ou à des charges précises mais ayant pour objet de compenser les pertes globales subies par la S.N.C.F. au titre des activités des services de voyageurs dans la région parisienne et au titre de services régionaux de voyageurs, elles ne pouvaient être assimilées à des subventions d'exploitation et ne devaient, par suite, pas être prises en compte dans le calcul de la "production de l'exercice" telle que définie au 2 du II de l'article 1647 B sexies précité ; que toutefois les deux catégories de subventions dont il s'agit ont pour objet de permettre la fixation du prix du transport à un montant inférieur à celui qu'auraient dû normalement acquitter les usagers, et sont établies de manière à assurer le financement équilibré, d'une part, du compte d'exploitation que l'entreprise est chargée de tenir à raison de l'activité du service des voyageurs dans la région parisienne et, d'autre part, des services de voyageurs d'intérêt régional : qu'elles sont ainsi destinées à compenser l'insuffisance de recettes d'exploitation ; qu'elles doivent. en conséquence. être regardées, au sens et pour l'application des dispositions du 2 du Il de l'article 1647 B sexies du code général des impôts. comme des "subventions d'exploitation" entrant, aux termes mêmes de ce texte, dans le calcul de la "production de l'exercice" ; que, par suite, en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour administrative d'appel a donné aux faits dont elle était saisie une qualification juridique erronée; que le ministre est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce. il y a lieu, par application de l'article 11 , deuxième alinéa, de la loi du 11 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les subventions ayant fait l'objet des versements effectués à la S.N.C.F. afin de compenser l'insuffisance de recettes. compte tenu du prix fixé pour le transport des voyageurs. provenant de l'exploitation du service des voyageurs en région parisienne et des services de voyageurs d'intérêt régional avaient, au sens des dispositions précitées du code général des impôts, le caractère de subventions d'exploitation ; que les sommes correspondantes devaient donc être prises en compte dans le calcul de la "production de l'exercice" , à retenir pour déterminer la valeur ajoutée produite par la S.N.C.F. au cours de la période de référence des impositions en litige ; que la S.N.C.F. ne pouvait, par suite, prétendre à une réduction de ces cotisations en application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts

Considérant. il est vrai, que pour demander l'annulation du jugement du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, la S.N.C.F. entend se prévaloir. sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la décision en date du 25 juillet 1991 par laquelle l'administration, statuant sur une demande de plafonnement formulée par l'entreprise au titre de la taxe professionnelle de l'année 1990. avait admis que la valeur ajoutée produite ne comprenait ni la contribution aux services d'intérêt régional. ni l'indemnité compensatrice banlieue, ni la contribution aux charges d'infrastructure ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration (...) a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...)'' ; que le premier alinéa de l'article L. 80 A dispose que : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été. à l'époque. formellement admise par l'administration" ;

Considérant, d'une part, que le rejet partiel, par l'administration. des réclamations présentées par la S.N.C.F. tendant au plafonnement de ses cotisations de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée ne constitue pas un "rehaussement d'impositions antérieures" ; qu'il suit de là que la S.N.C.F. ne peut se prévaloir, sur le seul fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l'appréciation de fait figurant formellement dans cette décision de dégrèvement ;

Considérant. d'autre part, que si la S.N.C.F. soutient que l'administration a, par sa documentation de base n° 13 L-1343 en date du 15 août 1994 donné une interprétation de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qui conduirait en l'espèce à la décharger des impositions mises à sa charge, cette interprétation qui ne concerne que la mise en oeuvre des articles L. 80 A et L. 80 B eux-mêmes, n'a pas pour objet d'interpréter le texte fiscal d'assiette qui constitue le fondement des droits en litige ; que, dès lors, la S.N.C.F, ne peut utilement s'en prévaloir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.N.C.F. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que. par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.N.C.F. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens


D E C I D E


Article 1er :L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 juillet 1998 est annulé.


Article 2 : La requête présentée par la S.N.C.F. auprès de la cour administrative d'appel de Paris, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.


Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la Société nationale des chemins de fer français.

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