Jurisprudence : CE Contentieux, 08-09-1999, n° 196426



Conseil d'Etat

Statuant au contentieux


N° 196426

8 / 9 SSR

Pelfrenne

M Olléon, Rapporteur

M Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement

M Groux, Président

Lecture du 8 Septembre 1999


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M Jean-Jacques PELFRENE, demeurant 16, rue Benoît Frachon à Oissel (76350) ; M PELFRENE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 11 mars 1998 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des instructions 4A-5-89 du 25 avril 1989 et 4 A-7-92 du 21 février 1992 relatives à l'application des dispositions du I de l'article 44 sexies du code général des impôts, et à ce que le bénéfice de l'exonération prévue par ce texte lui soit accordé ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 F, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Olléon, Auditeur,

- les conclusions de M Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts : "I - Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 jusqu'au 31 décembre 1994 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingttroisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au I" ;

Considérant que M PELFRENE a créé le 7 décembre 1990 une entreprise individuelle de mécanique, tuyauterie, chaudronnerie, et a ensuite adhéré au "réseau" dit "Techniciens sans frontières", qui effectue, pour le compte des artisans qui en sont membres, en contrepartie du paiement d'une redevance calculée au pourcentage de leur chiffre d'affaires hors taxe, certaines tâches administratives et commerciales, telles que facturation aux clients des biens et services fournis, encaissement des sommes correspondantes, règlement des taxes et charges, recherche de clientèle, aide à la négociation de contrats ; que l'administration a refusé d'accorder à M PELFRENE le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions, précitées, de l'article 44 sexies du code général des impôts, au motif que son entreprise aurait été créée dans le cadre d'une extension des activités préexistantes de "Techniciens sans frontières" ; que M PELFRENE, tout en poursuivant la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été en conséquence assujetti, a demandé au ministre de l'économie et des finances d'abroger les instructions 4-A-5-89 du 25 avril 1989 et 14A-7-92 du 21 février 1992, prises pour l'application de l'article 44 sexies, et de lui accorder le bénéfice de l'exonération prévue par ce texte ; que sa requête tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 mars 1998, par laquelle le ministre a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision ministérielle du 11 mars 1998, en tant qu'elle rejette la demande d'exonération présentée par M PELFRENE :

Considérant qu'en confirmant son refus d'accorder à M PELFRENE le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 sexies du code général des impôts à M PELFRENE, le ministre a pris une décision qui n'est pas détachable de la procédure contentieuse engagée par l'intéressé ; qu'ainsi, les conclusions de la requête de M PELFRENE qui tendent à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision ministérielle du 11 mars 1998, en tant qu'elle refuse d'agroger les instructions 4A-5-89 du 25 avril 1989 et 4A-7-92 du 21 février 1992 :

Considérant qu'en excluant du champ d'application de l'exonération instituée parl'article 44 sexies du code général des impôts, les entreprises "créées dans le cadre d'une extension d'activités préexistantes", le législateur n'a entendu refuser le bénéfice de cet avantage fiscal qu'aux entreprises qui, eu égard à la similarité ou à la complémentarité de leur objet par rapport à celui d'entreprises antérieurement créées et aux liens de dépendance qui les unissent à ces dernières, sont privées de toute autonomie réelle et constituent de simples émanations de ces entreprises préexistantes ;

Considérant qu'en précisant que l'exercice, par une entité juridiquement indépendante, d'activités qui sont l'extension d'activités préexistantes, est caractérisé lorsqu'est réunie la double condition qu'existe une communauté d'intérêts entre l'entreprise créée et une entreprise préexistante et que l'activité de l'entreprise créée prolonge celle de l'entreprise préexistante, les instructions contestées du ministre de l'économie et des finances se sont bornées à interpréter, dans le sens ci-dessus indiqué, les dispositions législatives applicables ; qu'elles ne constituent donc pas, dans cette mesure, des actes faisant grief susceptibles d'être attaquées ;

Considérant qu'en prévoyant que la "communauté d'intérêts" entre une entreprise nouvelle et une entreprise préexistante peut résulter de liens personnels ou de liens financiers ou commerciaux caractérisant une dépendance, et en illustrant l'existence de tels liens par une série d'exemples, l'instruction 4A-5-89 du 25 avril 1989 se borne, sans énoncer de règles prescriptives, à envisager des situations susceptibles de présenter le caractère d'une extension d'activité préexistante ;

Considérant que l'instruction 4A7-92 du 21 février 1992 énonce, dans ses cinquième, sixième et septième alinéas : "Il est donc considéré que l'extension d'activités est caractérisée non seulement pour les contrats de franchise ou de concession de licence de marque, mais également pour d'autres contrats, quelle que soit leur dénomination, dès lors que les deux conditions mentionnées ci-dessus sont satisfaites. Il en est ainsi par exemple des contrats de coopération, de distribution exclusive ou d'affiliation à des réseaux qui fournissent soit une enseigne, soit un accès à certains fournisseurs ou à un réseau informatique, soit certaines prestations comme l'agencement de magasins, la formation ou une publicité. Il en est de même de certains contrats dits de partenariat ou de correspondants qui permettent, généralement dans une zone d'activité déterminée, de faire bénéficier le nouveau partenaire de l'expérience, du savoir-faire ainsi que des moyens informatiques, techniques et promotionnels d'une entreprise préexistante" ; qu'en excluant, ainsi, de façon générale, du champ d'application de l'exonération instituée par l'article 44 sexies du code général des impôts les entreprises nouvelles qui ont souscrit l'un des contrats qu'ils énumèrent, ces alinéas de l'instruction du 21 février 1992 ne se bornent à interpréter la loi, mais y ajoutent des conditions n'entrant pas dans ses prévisions, que les auteurs de l'instruction n'étaient pas compétents pour édicter ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M PELFRENE est recevable et fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 11 mars 1998, en tant qu'elle refuse d'abroger les dispositions, indivisibles, contenues dans les cinquième, sixième et septième alinéas de l'instruction 4A-7-92 du 21 février 1992 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à M PELFRENE la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 11 mars 1998 est annulée, en tant qu'elle refuse d'abroger les cinquième, sixième et septième alinéas de l'instruction 4A-7-92 du 21 février 1992.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M PELFRENE est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M Jean-Jacques PELFRENE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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