Lexbase Public n°700 du 23 mars 2023

Lexbase Public - Édition n°700

Domaine public

[Actes de colloques] [A la une] Numéro spécial sur les rencontres de droit et procédure administrative RDPA organisées par le barreau de Marseille le 25 novembre 2022 : Les transformations contemporaines du droit domanial

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Le 22 Mars 2023

Lexbase Public vous propose cette semaine un numéro spécial sur la conférence organisée par le barreau de Marseille le 25 novembre 2022 dont la thématique était « Les transformations contemporaines du droit domanial ». Depuis 2006 avec la création du Code général de la propriété des personnes publiques, l’usage que l’administration peut faire de ses biens mais aussi les droits que les occupants peuvent faire valoir au gestionnaire du domaine ont été profondément remaniés. Le développement des nouveaux usages du domaine public ou des propriétés publiques, les nouvelles « pratiques urbaines » (notamment en termes de mobilités) et l’émergence de notions telles que celle d’espace public, ont soulevé des interrogations et modifié l’appréhension traditionnelle du droit des propriétés publiques. Le colloque de l’automne 2022 a donc été l’occasion de procéder à un bilan de ces réformes et des réponses que le droit positif offre, ainsi qu’à l’approche des questions qui restent encore en suspens.

 

 

 

Retrouvez ici les interventions de :

- Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux du Conseil d’État, Propos introductifs N° Lexbase : N4724BZY

Samuel Deliancourt, Premier conseiller, Rapporteur public CAA Lyon, Professeur associé, Faculté de droit, Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, La distinction du domaine public et du domaine privé est-elle toujours pertinente ? N° Lexbase : N4757BZ9

Franck Constanza, Avocat au barreau de Marseille, La problématique du trait de côte N° Lexbase : N4733BZC

Frédéric Lombard, Professeur agrégé de droit public, Aix-Marseille Université, Les nouvelles frontières intellectuelles du domaine public N° Lexbase : N4735BZE

Philippe Grimaud, vice-président du tribunal administratif de Toulouse, La sécurisation du titre ou comment éviter la requalification du contrat N° Lexbase : N4743BZP

Renaud Tricon, responsable de la mission études et modernisation de l’action juridique à la ville de Marseille et Paul Pipitone, juriste à la direction des affaires juridiques et des assemblées de la ville de Marseille, L'exigence d'une sélection transparente : premier bilan N° Lexbase : N4745BZR

Samuel Deliancourt, Premier conseiller, Rapporteur public CAA Lyon, Professeur associé, Faculté de droit, Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, Définitions des notions de domaine public maritime naturel et de domaine public portuaire et des différents types de contrat d’occupation N° Lexbase : N4761BZD

Alain Ofcard, directeur délégué mer et littoral des Bouches-du-Rhône, Spécificités des contrats d’occupation sur le domaine public maritime (regard de la DDTM, service gestionnaire de l’État) N° Lexbase : N4746BZS

Christophe Bertrand, directeur général des services de la commune de La Ciotat, état de la répartition des compétences du D.P.M. de La Ciotat N° Lexbase : N4750BZX

Sylvie Laridan, Avocat au barreau de MarseilleLes préoccupations des acteurs privés occupant le domaine public maritime et portuaire N° Lexbase : N4758BZA

Benjamin Valette, Avocat au barreau de MarseilleLes nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics N° Lexbase : N4723BZX

Yann Aguila, Avocat associé, Bredin Prat, Domaine public et environnement N° Lexbase : N4759BZB

Maxime Büsch, Avocat associé, LexCase, en collaboration avec Gwendoline Virassamy, Quels outils contentieux pour le candidat évincé et pour l’occupant du domaine public ? N° Lexbase : N4742BZN

Jean-Michel Laso, vice-président du tribunal administratif de Marseille, président de la 5ème chambre, Quels outils contentieux pour l’administration ? N° Lexbase : N4740BZL

Jean-Claude Ricci, Agrégé des facultés de droit, Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille, Rapport de synthèse N° Lexbase : N4765BZI

 

Ont également participé à la table ronde « Les spécificités des contrats d'occupation sur le domaine public maritime et de ceux relatifs au domaine public portuaire : attribution des titres, gestion, contentieux » :

Isabelle Demarlechef du service gestion des Ports de plaisance à la direction de l’Environnement et des ports de plaisance de la Métropole Aix-Marseille-Provence

Géraldine Bazin, administratrice générale des Finances publiques directrice régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône

Agathe Maurer-Philippecheffe du département juridique du Grand Port Maritime de Marseille

 

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - propos introductifs de Christine Maugüé

Lecture: 16 min

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par Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux du Conseil d’État

Le 22 Mars 2023

Voici 15 ans – déjà ! - , j’avais été invitée aux Rencontres de droit et procédure administrative organisées par le barreau de Marseille et les juridictions administratives marseillaises – le tribunal administratif et la cour administrative d’appel – pour parler de ce qui était alors le tout nouveau Code général de la propriété des personnes publiques, dit CG3P.

Aujourd’hui, 15 ans plus tard, ce sont les transformations du droit domanial qui sont le thème de ces rencontres. Car en 15 ans, le droit domanial n’a cessé d’évoluer, par petite touche, mais aussi parfois de façon plus substantielle. Et les politiques immobilières, et plus largement de gestion domaniale, des personnes publiques n’ont elles aussi pas cessé d’évoluer.

Il m’a été demandé d’introduire cette journée de réflexion en évoquant les transformations contemporaines du droit domanial. Il y a de mon point de vue deux façons d’appréhender ces transformations : elles peuvent être examinées d’abord au regard du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), ensuite, avec un prisme plus large, au regard de l’évolution du droit des biens publics.

I. Par rapport à l’ambition qui était celle du CG3P, rassembler, simplifier, moderniser et mettre en cohérence les dispositions domaniales générales concernant les personnes publiques, on observe deux phénomènes

A. Des difficultés de maintenance du CG3P

Ce phénomène n’est pas insolite et a tendance à toucher tous les codes. D’une manière générale il est difficile de maintenir la cohérence qui a présidé à l’élaboration d’un code.

À peine l’encre du CG3P était-elle sèche qu’on a pu observer des tentations centrifuges, qui se sont manifestées soit par l’adoption de dispositions domaniales générales codifiées dans autre code que le CG3P, soit par l’adoption de dispositions qui, quoiqu’ayant une dimension domaniale marquée, ne sont pas codifiées. La loi n° 2009-179 du 17 février 2009, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés N° Lexbase : L9450ICY, comportait ainsi des dispositions qui, quoique ayant vocation à être intégrées dans le CG3P, n’y figuraient pas :  il s’agit des articles 7 et 19 de la loi qui, le premier, autorisait l’État et ses établissements publics à consentir des baux emphytéotiques administratifs sur leurs biens immobiliers en vue de la réalisation de logements sociaux (disposition non codifiée) et, le second, étendait aux établissements publics de santé le bénéfice de la possibilité de procéder au déclassement anticipé de leurs biens (extension d’un article du CG3P par un article du code de la santé publique). Parmi de nombreux autres exemples, on peut mentionner deux cas récents : la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018, relative à l’organisation des Jeux olympiques N° Lexbase : L8126LIS, qui déroge à l’obligation de mise en concurrence des titres d’occupation domaniale et à l’assujettissement à redevance des titres d’occupation domaniale, en disant que les articles L. 2122-1-1 N° Lexbase : L9569LDR et L. 2125-1 N° Lexbase : L7215LZA du CG3P ne sont pas applicables, et la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame N° Lexbase : L4791LRU, qui déroge aux deux mêmes articles du CG3P.

B. Des évolutions constantes des règles applicables, dont certaines correspondent à un changement de paradigme

On observe que les règles domaniales évoluent régulièrement, de manière plus ou moins importante, et ceci est heureux car le droit domanial n’est pas figé.

Parmi ces évolutions, on peut mentionner les plus notables :

- la reconnaissance de la possibilité d’exploiter un fonds de commerce sur le domaine public. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises N° Lexbase : L4967I3D – dite loi « Pinel » - a introduit dans le CG3P un chapitre sur l’utilisation du domaine public dans le cadre de l'exploitation de certaines activités commerciales. L’article L. 2124-32-1 N° Lexbase : L5016I38 en tête de ce chapitre prévoit que « Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre ». Cette reconnaissance expresse de la possibilité d’exploiter un fonds de commerce sur le domaine public met fin aux divergences qui opposaient jusque-là le Conseil d’État et la Cour de cassation. Par une décision du 24 novembre 2014, Société des remontées mécaniques [1], le Conseil d’État a précisé que la loi était applicable uniquement aux nouveaux entrants, et non aux titres délivrés avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel.

- la réforme du stationnement payant, réalisée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « MAPTAM ») N° Lexbase : L3048IZW, et entrée en vigueur le 1er janvier 2018.

- l’institution d’un rescrit dans le domaine domanial, prévu à l’article L. 2122-7 du CG3P N° Lexbase : L9592LDM tel que modifié par l’ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015, relative aux garanties consistant en une prise de position formelle opposable à l’administration N° Lexbase : L6732KUU. Le titulaire d’une autorisation d'occupation temporaire du domaine public peut désormais demander à l'autorité qui a délivré le titre de lui indiquer si, au vu des éléments qui lui sont soumis à ce stade et sous réserve d'un changement ultérieur dans les circonstances de fait ou de droit qui l'obligerait à revenir sur sa décision, elle délivrera l'agrément à une personne déterminée qui lui sera substituée, pour la durée de validité du titre restant à courir, dans les droits et obligations résultant de ce titre. Ces dispositions ne sont cependant pas applicables aux autorisations d'occupation du domaine public qui ont été délivrées après une procédure de publicité et de mise en concurrence.

On observe par ailleurs qu’une clarification de l’articulation du droit domanial avec le droit de la commande publique a été opérée à l’occasion de la réforme des textes relatifs à la commande publique en 2015 et 2016.

En ce qui concerne le droit domanial, cette réforme s’est traduite par un recentrage de l’utilisation du bail emphytéotique administratif (BEA) et des autorisations d’occupation temporaire (AOT) sur une finalité proprement domaniale : ils ne peuvent plus servir de support à la commande d’une opération de construction par la collectivité, comportant une contrepartie économique.

Aux termes des deux derniers alinéas ajoutés à l’article L. 2122-6 du CG3P N° Lexbase : L9132KBT par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics N° Lexbase : L9077KBS, et modifiés par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, relative aux contrats de concession N° Lexbase : L3476KYE : « Une autorisation d'occupation temporaire ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les besoins d'un acheteur soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015  relative aux marchés publics ou d'une autorité concédante soumise à l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. / Dans le cas où un titre d'occupation serait nécessaire à l'exécution d'un contrat de la commande publique, ce contrat prévoit, dans le respect des dispositions du présent code, les conditions de l'occupation du domaine. »

Une rédaction identique a été adoptée à l'article L. 1311-2 du CGCT N° Lexbase : L7478L74, qui concerne les baux emphytéotiques administratifs que les collectivités locales peuvent conclure sur leurs biens immobiliers en vue de l'accomplissement, pour leur compte, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de leur compétence.

À l’ouverture continue des titres domaniaux a donc succédé une tendance au recentrage de ces titres sur les aspects purement domaniaux. Cela constitue une forme de « redomanialisation » des titres domaniaux, qui traduit la volonté de lutter contre le contournement du droit de la commande publique par la voie de titres domaniaux et de mettre fin à la concurrence des partenariats sectoriels vis-à-vis du marché de partenariat.

L’ordonnance du 19 avril 2017 a par la suite profondément modifié les pratiques de gestion du domaine, en imposant une procédure de sélection préalable avant la délivrance de tout titre domanial permettant à son titulaire d’exercer une activité économique sur celui-ci et en facilitant la circulation des biens des personnes publiques.

La question s’est posée de savoir si l’obligation de transparence s’appliquait également à la conclusion de baux sur le domaine privé. Dans une décision du 2 décembre 2022, M. Amigorena [2], concernant la conclusion d’un bail emphytéotique portant sur l’hôtel du Palais à Biarritz, qui appartient au domaine privé de la commune, le Conseil d’État a jugé que si l'article 12 de la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 N° Lexbase : L8989HT4, transposé à l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L9569LDR, implique des obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt du 14 juillet 2016, « Promoimpresa Srl » [3], il ne résulte ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux  portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même Directive. Il suit de là qu’en n’imposant pas d’obligations de publicité et mise en concurrence à cette catégorie d’actes, l’État ne saurait être regardé comme n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires de l'article 12 de la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Enfin, des mesures ont été prises pour sécuriser la situation des occupants du domaine durant la crise sanitaire. On peut mentionner à cet égard l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics N° Lexbase : L5734LWB, qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19, et l’ordonnance n° 2020- 460 du 22 avril 2020, portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid 19 N° Lexbase : L7287LWS.

II. Par-delà ce constat, on observe des tendances de fond dans l’évolution du droit des biens publics

A. Une banalisation relative du droit des biens publics

Cette banalisation se manifeste par un certain recul de l’exorbitance, qui marquait jusque -là fortement le droit domanial.

Ce phénomène a été très nettement illustré lors de l’adoption du CG3P, par la volonté de réduction du domaine public à laquelle a répondu la nouvelle définition du domaine public donnée par l’article L. 2111-1 de ce code N° Lexbase : L4505IQW.

Il y a eu, dans le même sens, un phénomène d’assouplissement de certaines règles, y compris pour les règles les plus strictes, comme celle de l’inaliénabilité : régularisation de cessions qui n’avaient pas observé les procédures de sortie du domaine public et qui auraient donc dû être invalidées ; autorisation de cessions sans déclassement entre personnes publiques ; possibilité du déclassement anticipé du domaine public, de promesses de vente sous conditions suspensives ou d’échanges ; droits accordées aux riverains et aux occupants (constitution de droits réels à partir de 1988 et 1994, servitudes conventionnelles sur des immeubles relevant de la domanialité publique, possibilité de constituer un fonds de commerce sur le domaine public, etc…).

La terminologie adoptée par le CG3P va dans le sens de la reconnaissance d’un véritable droit de propriété des personnes publiques : abandon de l’hypothèse du droit de garde sur les biens publics, glissement terminologique net (les termes de dépendances et de domaine cèdent le pas aux biens et à la propriété, marqueurs de cette banalisation).

Enfin l’essor de la problématique de la valorisation des biens publics en est une ultime manifestation. Les propriétés publiques constituent un patrimoine à exploiter. L’administration cherche à maximiser les ressources retirées de ses biens.

Cependant ce phénomène de banalisation n’est pas sans limites et des éléments de continuité sont également très forts.

En témoigne le maintien de nombreuses règles exorbitantes. Celles-ci sont évidemment plus marquées pour le domaine public (inaliénabilité et imprescriptibilité, protection pénale, place réservée au domaine public naturel, gratuité de certaines utilisations ou théorie des mutations domaniales), mais d’autres concernent l’ensemble des biens appartenant à des personnes publiques, quel que soit leur statut domanial (incessibilité à vil prix, impossibilité de recourir aux voies d’exécution du droit commun, fonction d’intérêt général qui s’attache à la gestion de ces biens).

En témoigne également le maintien de la distinction entre domaine public et domaine privé, dont l’utilité a été réaffirmée par la récente décision du Conseil d’État, « M. Amigorena » [4].

L’application de normes financières aux biens publics est un autre facteur de continuité. Les propriétés publiques ont toujours été appréhendées comme un vecteur de ressources financières pour les autorités publiques, les patrimoines publics font toujours l’objet d’une conception lucrative se traduisant notamment par des mesures de valorisation des recettes patrimoniales et par une maîtrise des dépenses relatives aux biens publics. Elles se voient donc appliquer des normes et des procédures directement issues du droit public financier. Il est à cet égard significatif que les biens de l’État soient gérés par le ministère de l’économie et des finances : France Domaine, puis la Direction de l’immobilier de l’État (depuis le décret n° 2016-1234 du 19 septembre 2016 N° Lexbase : L0925LAI) qui fait partie de la Direction générale des finances publiques. Les propriétaires publics locaux doivent quant à eux saisir la DIE préalablement à leurs acquisitions et leurs cessions de biens immobiliers.

B. Une diversification des acteurs en matière de biens publics

Cette diversification se manifeste de deux façons principales.

La plus évidente est le retrait de l’État au profit des autres personnes publiques. Ce retrait se manifeste par une tendance au transfert de la propriété de dépendances de l’État au profit d’établissements publics et de collectivités territoriales – ainsi par exemple du domaine public routier - . Il se manifeste également par un recentrage de l’État sur son « cœur de métier », en ne conservant que les biens stratégiques ou pour lesquels sa propriété se justifie et qui présentent véritablement un intérêt national, comme le domaine public maritime ou les ondes hertziennes

La seconde est une entrée en force des personnes privées. Cela prend diverses formes : développement de partenariats des personnes publiques avec des personnes privées au tournant des années 1980 et 1990 pour construire, financer ou gérer des équipements publics, transformation de nombreux établissements publics en sociétés anonymes, faisant basculer leur patrimoine dans la propriété privée (Aéroports de Paris, La Poste, SNCF, etc…), tendance des personnes publiques à externaliser la gestion de leur biens en permettant l’appropriation privée de biens pourtant essentiels aux activités régaliennes, comme les palais de justice ou les casernes de gendarmerie, les flottes de véhicules, les parc informatiques, les immeubles de logement.

Le rapport aux biens des personnes publiques a donc changé. De propriétaires, elles tendent à devenir de plus en plus locataires. Les biens qu’elles utilisent ne relèvent plus nécessairement de la catégorie des biens publics au sens organique, mais à la condition que soit assurée et sécurisée leur maîtrise publique de ces biens, de manière à préserver la mutabilité et la continuité du service public

C. Des phénomènes de mode patrimoniale

Des mouvements de va-et-vient caractérisent les politiques publiques patrimoniales.

Ainsi, les cessions de biens publics ont-elles été particulièrement encouragées depuis le début des années 2000. A partir de 2005, l’État a vendu de nombreux biens immobiliers. Cette politique méthodique de cessions a été favorisée par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, adoptant la partie législative du CG3P N° Lexbase : L3736HI9 et amplifiée par l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 N° Lexbase : L8339LD9.

Cette politique a cependant été quelque peu mise en cause dans la seconde moitié des années 2010, comme ayant été contre les intérêts des personnes publiques, y compris au plan financier. D’où une nouvelle évolution, consistant à ne plus recourir à la cession pure et simple des biens immobiliers, mais à en conserver la propriété et ne céder que l’usage d’un bien. Le sort fait à l’immeuble de l’hôtel de la Marine en est une bonne illustration : cet immeuble est resté la propriété de l’État, la maîtrise d’ouvrage de la réhabilitation en a été confiée au Centre des monuments nationaux, qui a opté pour un système locatif et le recours au mécénat.

Ce phénomène est favorisé par le contexte de disette budgétaire désormais structurelle de l’État et des autres personnes publiques.

Pour conclure, je dirai que ces évolutions et ces transformations sont parfaitement légitimes. Les propriétés publiques sont avant tout un moyen de réalisation de l’action publique. Il est dès lors tout à fait normal que le droit et la gestion des biens publics évoluent au gré des transformations de l’action publique.

 

[1] CE, 24 novembre 2014, n° 352402 N° Lexbase : A2574M44.

[2] CE, 2 décembre 2022, n° 460100 N° Lexbase : A69228WB.

[3] CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14 et C-67/15 N° Lexbase : A2158RX9.

[4] CE, 2 décembre 2022, n° 460100, préc.

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[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - La distinction du domaine public et du domaine privé est-elle toujours pertinente ?

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par Samuel Deliancourt, Premier conseiller, Rapporteur public CAA Lyon, Professeur associé, Faculté de droit, Université Jean-Monnet de Saint-Étienne

Le 22 Mars 2023

Je souhaiterais avant tout remercier l’Ordre des avocats du barreau de Marseille ainsi que le tribunal et la cour pour cette invitation à revenir à Marseille et parler de domanialité publique. Les lieux mêmes y incitent puisque je ne peux revenir sans penser aux décisions rendues par la cour administrative d’appel de Lyon jugeant, à une époque à laquelle la cour de Marseille n’avait pas encore été créée, que la rue de La Canebière relevait du domaine public routier… du département des Bouches-du-Rhône qui semble-t-il l’ignorait et qui devait dès lors en assurer l’entretien [1]. Et que dire du Vieux-Port dont la proximité sera l’occasion de structurer mon propos sur le droit domanial par une métaphore marine du navire qui sort du port pour voguer au large contre vents et marées. Vous aurez senti et sûrement compris mon émotion et mon sincère enthousiasme à revenir à Marseille où j’ai eu la chance et le bonheur d’exercer les fonctions de rapporteur public à la cour administrative d’appel dont on peut dire qu’elle fait ou, à tout le moins, initie la jurisprudence et l’état du droit en matière de domaine public et de domaine public maritime notamment.

Le sujet proposé porte sur la pertinence de la distinction entre domaine public et domaine privé. Il s’agit en réalité d’un véritable sujet de thèse que je dois résumer, et donc nécessairement appauvrir, dans le délai imparti. Existe-t-il un critère pertinent, actuel et adapté du domaine public [2] ? Je pense ici par exemple aux nouvelles formes d’utilisation (free flotting par exemple). Ou ne ferions-nous pas mieux d’en finir avec cette notion de domaine public [3], ainsi que certains auteurs ont pu ou peuvent le suggérer ou la renouveler ? La question est, tant d’un point vue juridique, pratique que sociétale, essentielle. Elle perd cependant de son sens dans la réalité et dans la pratique.

Le droit domanial vogue tel un navire entre les vents et courants dérivants, tentant de maintenir le cap, sans véritable certitude quant au port de destination. Malgré une conception vieillissante et un mauvais état du fait des vagues de la valorisation et des autres droits, le modèle domanial actuel continue de voguer, mais parfois sans cap ni destination précis, au gré des différents vents.

I. Une distinction binaire persistante malgré les coups de vent

A. Le chantier de construction

Le droit domanial en France a beaucoup été réfléchi, mais, du fait des évolution des mentalités et conceptions notamment, n’est pas satisfaisant malgré plus de deux cents ans de réflexions diverses et je passe ici les débats sur la souveraineté, la Nation, la nature du droit de propriété publique, etc. [4]. Le modèle domanial actuel [5] repose sur une distinction ancienne et binaire attribuée, à tort [6], en 1833 au doyen de faculté de droit de Dijon, J.-B. Victor Proudhon [7], sur la distinction entre domaine public et privé. Il a surtout en réalité systématisé cette division binaire qui perdure depuis lors. On la retrouve actuellement dans le Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) [8] qui définit le domaine public général puis énumère les divers domaines publics spéciaux avant de considérer que les biens qui n’en relèvent pas sont du domaine privé [9]. Ce dernier n’a donc pas de qualification juridique positive, mais seulement négative, par défaut, sauf qualifications législatives particulières [10], parfois non codifiées, comme les bureaux, les réserves foncières [11], les chemins ruraux [12] et les forêts des personnes publiques relevant du régime forestier [13].

B. Une sortie de chenal longue et difficile

Paradoxalement, et alors que la question de la propriété publique fait débats chez les auteurs depuis le XIXe siècle, une réglementation d’ensemble peinera à voir le jour et il faudra attendre le 1er juillet 2006 qui correspond à l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques [14], qui constitue la première codification générale, non sectorielle. Jusqu’alors, les propriétés publiques étaient régies par divers droits et, par la suite, étant notamment l’une des difficultés en raison de l’éparpillement des législations, plusieurs codes : le Code civil et le Code général des collectivités territoriales (CGCT) par exemple, s’agissant des dépenses obligatoires et de certains pouvoirs de police, générale comme spéciales, du maire ; le Code des ports maritimes et le Code de justice administrative pour les contraventions de grande voirie [15] ; le Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, ainsi que des lois aussi diverses qu’éparses. Et, toujours aujourd’hui, le Code général de la propriété des personnes publiques se contente pour certaines dépendances à renvoyer aux codes idoines (Code de la voirie routière, Code rural et de la pêche maritime, Code de l’environnement, etc.). De plus coexistent des législations domaniales propres et non codifiées [16]. Quant au Code du domaine de l’État qui datait de 1957 [17], il n’a pas codifié le dernier état du droit, notamment la décision « Le Béton » intervenue l’année précédente, et sa définition répondait à une logique de propriété et non d’affectation [18]. Souffrant « de vices et handicaps très sérieux, handicaps et vices dont la solution est d’une urgence évidente [19] », il ne concernait que… le domaine de l’État, et non les collectivités territoriales, à tel point que la jurisprudence administrative a parfois dû recourir aux principes généraux du droit français (PGD), par exemple pour asseoir et fonder la perception de redevances domaniales [20].

C. Une carène insatisfaisante réduisant la navigabilité

La définition comme le régime actuel des biens composant le domaine public confère une impression d’insuffisances en raison d’un état du droit imposé. Par exemple, les ondes hertziennes appartiennent à l’État, ce qui semble assez « peu évident [21] », ou encore inclut dans le domaine public maritime naturel de tout ce que recouvre le plus haut flot [22].

Je ferai trois séries de remarques. Tout d’abord, le Code général de la propriété des personnes publiques, après avoir donné une définition générale codifiant peu ou prou la jurisprudence administrative pour l’essentiel, et nous laisserons de côté la modification de l’aménagement « spécial » pour celui d’« indispensable [23] », procède par voie d’énumération [24] pour « identifier » ou, plus exactement, qualifier certains dépendances dites « spéciales » (domaine public, routier, maritime, fluvial, aéronautique, hertzien, etc.). La pertinence de ce procédé a divisé les auteurs [25], et l’application en pratique s’avère parfois difficile, voire délicate [26] : on pense ici aux promenades publiques, aux plages, aux étangs salés, à la question de la divisibilité des ensembles, etc. Ajoutons à cela le critère de la volonté d’affectation qui exige, au moins pour le domaine public artificiel, une démarche positive de la part de la collectivité [27]. Quant au domaine naturel, le critère de la volonté est absent. Ensuite, à coté de ce Code, et c’est une dominante [28], existent diverses lois non codifiées avec leur objet et finalité propres [29], même si on met de côté les législations spécifiquement dérogatoires à l’instar de l’organisation des Jeux olympiques [30] ou la reconstruction de Notre-Dame [31]. Par exemple, le Code général de la propriété des personnes publiques ne régit aucunement les biens immatériels, ce qui induit des difficultés de qualification s’agissant des actions ou de l’image des biens publics, d’où l’intervention sectorielle du législateur à l’instar de l’image des biens immobiliers relevant des « domaines nationaux » pour asseoir la perception d’une redevance [32]. Mais il s’agit là d’une actualisation qui serait nécessaire plus que d’un vice propre. Enfin, plusieurs dispositions nuisent à une cohérence, voire à une compréhension d’ensemble de cette distinction et de son maintien comme par exemple le statut juridique des recettes des halles et marchés [33] ou encore celui des chemins ruraux, lesquels répondent par nature et par définition à celle générale du domaine public comme celle spécifique du domaine public routier. Que dire également des notions reprises de législation anciennes aux finalités qui n'étaient pas les mêmes qu'à l'heure actuelle : lais et relais, rivages, contraventions de grande voirie qui ne concernent pas les voies, etc.

D. Un gouvernail faussé

Le raisonnement du juge lui-même s’en trouve faussé. La logique du Code général de la propriété des personnes publiques voudrait que l’on regarde si la dépendance relève du domaine public et répond aux critères généraux de l’article L. 2111-1 N° Lexbase : L4505IQW puis, si tel est le cas, de quelle catégorie de « domaine spécial ». Or, et c’est le cas en matière de voirie [34] puisqu’il existe des voies et places publiques ne relevant du domaine public routier [35] (!), et de domaine public maritime [36], le raisonnement est inverse. Ainsi que le remarque très justement le Professeur P. Delvolvé commentant la structure dudit Code, « l'ordre de présentation aurait pu et même dû être inversé, car les dispositions reprenant les critères jurisprudentiels n'apparaissent désormais que comme celles de la voiture-balai, qui ramasse ceux qui restent lorsque le cortège est parti. Aujourd'hui l'essentiel du domaine public est déterminé par les dispositions législatives propres à différentes catégories. C'est pour le surplus que s'appliquent les « règles générales », qui ne sont plus finalement que des règles secondes. Ce n'est qu'au titre des secondes que la condition de la propriété s'impose comme une condition première. Elle ne s'impose pas comme telle pour toutes les catégories faisant l'objet d'une reconnaissance propre par la loi [37] ». Aussi aboutit-on ainsi à regarder des dépendances comme des voies ou des plages relevant du domaine public général, mais pas catégoriel !

E. Un armateur égoïste

Pourquoi finalement maintenir cette distinction entre domaines public et privé ? Son intérêt est en réalité assez faible. Elle n’est pas satisfaisante d’un point de vue doctrinal et intellectuel, et se confronte à des contradictions parfois et à de nombreuses exceptions. Pourquoi un tel maintien ? Elle permet surtout de justifier, mais pour partie seulement, la répartition des compétences entre les deux ordres juridictionnels, alimentant des débats et des écritures plus ou moins nourries à l’occasion des missions de conseils et/ou celles juridictionnelles. « Pour résumer, la justification de la distinction des domaines est plus historique et contentieuse que rationnelle. Une telle division, qui pose de nombreux problèmes, pourrait disparaitre sans dommages majeurs. Reste que cette suppression est une vue de l’esprit en système de dualisme juridictionnel : elle subsistera probablement tant qu’existeront en France deux ordres de juridictions[38]. » Une fois l’état du navire effectué, quel cap suivre ?

II. À la recherche de nouveaux caps et horizons, voire de nouvelles terres à explorer

A. Un mirage sur l’eau : l’application du modèle domanial binaire 

D’un point de vue pratique, pour ne pas dire pragmatique, le XXe siècle qui est le grand siècle de la construction et des définitions en droit administratif a été celui des distinctions binaires et donc clivantes : contrat administratif/contrat de droit privé, travaux publics/privés, agents publics/salariés, service public administratif/industriel et commercial[39], etc. Ce qui importait alors était d'asseoir à la fois l'autonomie du droit administratif et l'existence de règles spécifiques applicables aux collectivités publiques dans la lignée de la décision « Blanco » (T. confl., 8 février 1873, n° 00012, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8170BDX) et d'identifier clairement le champ de compétence de la juridiction administrative à l'époque où celui-ci n'était pas encore constitutionnalisé. Cette répartition est aujourd'hui fixée mais critiquable et je prendrais deux exemples pour illustrer mon propos. La jurisprudence « Brasserie du théâtre [40] » n'est pas des plus compréhensibles ni évidentes et les contraventions de voirie routière concernant les atteintes portées au domaine public routier relèvent du juge judiciaire. Les juges administratifs se reconnaissent parfois compétents pour connaître des demandes d'expulsion du domaine public occasionnant des confusions, lors de l'occupation du rond-point par les gilets jaunes par exemple. Et que dire des logements de fonction et des logements du CROUS ? Quoi qu’il en soit, une telle distinction, par nature limitée, peut-elle rendre compte de la multitude de domaines publics qui existent ? Et un régime commun leur est-il applicable ? La réponse est assurément négative, même s’il existe un régime fondamentalement commun à toutes les dépendances domaniales que sont les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité que « rappelle » le Code général de la propriété des personnes publiques. Chacune des dépendances (routes, ondes, fleuves, etc.) obéit inévitablement et nécessairement à des régimes particuliers et qui sont détaillés, parfois dans le Code général de la propriété des personnes publiques, plutôt sinon dans d’autres Codes ou lois. La réalité est bien entendu beaucoup plus fine et complexe à l’heure actuelle qu’à une époque où il fallait définir, pour mieux l’ancrer, les définitions du droit administratif et affirmer la compétence juridictionnelle de la juridiction administrative. Mais celle-ci est depuis les années 1980 constitutionnalisée et définitivement ancrée. Peut-être le temps d’affiner les grandes notions est-il venu. Une classification non binaire serait idéale que plus proche de la réalité et elle serait surtout conforme aux régimes mis en place : tous les biens du domaine public n’ont pas besoin d’une protection identique ou accrue. Cette perspective n’est toutefois pas nouvelle et pourrait trouver une inspiration dans le droit de l’Union européenne.  

B. L’appel du grand large

Cette distinction duale n’est pas reconnue par l’Union européenne [41] ni par d’autres pays ou alors avec des régimes différents [42]. C’est ainsi qu’à la suite de la décision « Promoimpresa Srl » [43] rendue le 14 juillet 2016, est intervenu le pouvoir règlementaire par voie d’ordonnance, mais seulement pour le domaine public, et non pas le domaine privé. Or, ce qui fonde la Directive (CE) n° 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4 est la rareté des ressources, et non pas le support d’assiette de l’activité [44], ce que reconnaît d’ailleurs le droit interne de la concurrence [45]. Se posent par suite des litiges s’agissant des procédures de transparence et de mise en concurrence s’agissant du domaine privé [46]. Sans doute est-il possible de remettre en cause la définition même du domaine public : le critère de la propriété est-il absolument pertinent, nécessaire et indispensable ? Ne serait-ce point davantage en réalité comme d’un point de vue historique son affectation qui serait en réalité le critère central [47] ? Mais ce n’est pas l’objet du présent colloque.

C. Une distinction en rade

En effet, dès les années 1920, c'est-à-dire bien avant les décisions fondatrices « Marecar  »[48] et « Société Le Béton » (CE, sect., 19 octobre 1956, n° 20180, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3283B84), le doyen de la faculté de droit de Bordeaux, Léon Duguit, avait proposé une échelle [49] de domanialité [50]. Il proposait ainsi dans son Traité de droit constitutionnel (p. 327 et s.) au sein du chapitre V consacré au patrimoine de l’État, de retenir une classification en six catégories : les biens affectés à l’usage du public, les chemins de fer, les ouvrages militaires, les forêts de l’État soumises au régime forestier, les immeubles affectés au fonctionnement d’un service public ainsi que les objets mobiliers classés. Et d’expliquer clairement à propos des ouvrages miliaires, forts, forteresses, murs et fossés d’une place forte : « Mais peut-on véritablement les faire rentrer dans la même catégorie que les rivages de la mer, les routes, les canaux et même que les chemins de fer ? Peut-on les soumettre à un régime identique ? Évidemment non. La situation est absolument dissemblable virgule et tentée d'édifier une construction générale s'étendant à ces diverses dépendances, c'est tenter l'impossible et aller nécessairement à des contradictions, peut-être à des absurdités [51] ». Cette théorie n’est pas marginale et a séduit de nouveaux navigateurs et explorateurs, pas si solitaires en réalité. Elle a notamment été reprise par le doyen Auby [52] dans son article dédié au domaine privé [53] dans lequel il contestait le régime du domaine public en le prenant par son opposé, le domaine privé, et concluait : « La distinction du domaine public et du domaine privé, si l’on veut la maintenir, paraît donc s’établir dans un sens tout relatif [54] ». Le professeur F. Melleray relève en effet que cette théorie est « d’une saisissante actualité » puisqu’elle se combine avec la doctrine contemporaine qui distingue clairement les notions de propriété et de domanialité [55], faisant référence à l’indispensable et inévitable thèse du professeur Ph. Yolka. Et ce dernier d’asséner : « Déjà contestée par Duguit (thèse de « l’échelle de domanialité »), la dualité domaniale a perdu aujourd’hui une bonne part de ses justifications originelles. Le domaine public fait l’objet d’une valorisation économique favorisée par le législateur (octroi de droits réels aux occupants privatifs). Le domaine privé intègre des biens affectés au service public (immeubles de bureaux). C’est dire que la distinction des domaines se maintient surtout parce qu’elle est adossée au dualisme des ordres de juridiction : elle est devenue une coquille vide [56] ». Et c’est au nom de la valorisation économique qu’est prônée la mise en œuvre de cette échelle [57]. Celle-ci a été implicitement reconnue par le Conseil d’État [58] qui envisageait de réduire le champ d’application du régime de la domanialité publique. Et, dans ces conditions, cette solution « ne serait que le prolongement de la ligne générale, déjà très sensible dans le droit positif actuel, d'un éventail de régimes juridiques adaptés aux caractéristiques de chaque catégorie de biens » (p. 18). Elle est même appliquée en réalité si l’on prend en considération les multitudes et différences de régimes régissant les biens du domaine public, avec des affectations plus ou moins protégées des biens en raison de leur utilité.

Conclusion : un phare dans la nuit 

Après ces trop longs développements, je me permettrais de conclure en reprenant les propos de Jean Rivero dans un article demeuré célèbre qui posait la question suivante : Existe-t-il un critère du droit administratif [59] ? Il concluait ainsi : « lorsqu'un problème, après un siècle d'effort, et malgré les travaux des meilleurs esprits, n'a pu recevoir de solution, peut-être est-on en droit d'en reconsidérer l'énoncé et de se demander si l'échec ne tiendrait pas, non aux chercheurs, mais à quelque erreur incluse dans cet énoncé même, et qui rendrait le problème insoluble. C'est la solution de la modestie : comment espérer réussir là où les meilleurs échouent ? c'est aussi, peut-être, celle du bon sens ; car enfin, si elle existait, cette fameuse notion, cela se serait, comme dit la sagesse populaire, et il ne serait pas nécessaire de s'armer de la loupe pour tenter de la découvrir [60] ». Cette approche est transposable au domaine public et la question est d’autant plus importante et cruciale [61] que le domaine public est un espace de libertés [62] et permet l’accès aux divers services publics qui en constituent un des éléments de définition. Sans doute est-il possible de remettre en cause la définition même du domaine public : le critère de la propriété est-il absolument pertinent, nécessaire et indispensable ? Mais ne serait-ce point davantage en réalité son affectation qui serait le critère central [63] ? Ajoutons à cela la teneur des débats ayant présidé la construction du droit domanial : la recherche d'une définition conceptuelle du XIXe siècle jusque dans les années 1980, permettant également de définir l'ordre de juridictionnel compétent, puis la valorisation recherchée de ces dépendances dans des contextes de transparence et de sélection associées à de nouveaux usages, qui sont peut-être autant de limites à la notion et qui dessinent dès lors de nouvelles frontières. Mais, sur ce dernier point, je laisse la parole à mon ami le professeur Frédéric Lombard.

 

[1] V. par exemple, CAA Lyon, 6 février 1992, n° 90LY00515, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2559A8B ; CAA Lyon, 3e ch., 22 juin 1993, n° 92LY00167, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2506BGW.

[2] J.-G. Sorbara, L’affectation et le domaine, in Mélanges en l’honneur du professeur Christian Lavialle, Presses universitaires de Toulouse, 2020, p. 691.

[3] J. Caillosse, Faut-il en finir avec la domanialité publique ?, Études foncières, n° 100, 2002, p. 7.

[4] V. Y. Gaudemet, Les droits des biens publics : d’hier à aujourd’hui, in Mélanges en l’honneur de Marceau Long, Dalloz, 2016, p. 203.

[5] Sur l’histoire de cette distinction, v. C. Chamard, La distinction des biens publics et des biens privés – Contribution à la définition de la notion de biens publics, Nouvelle Bibliothèque de thèses, Dalloz, 2004, vol. n° 33, pp. 47 et s.

[6] Jean-Marie Pardessus dans son Traité des servitudes, 1820, en faisait état dans la lignée de Domat et Loyseau. V. M. Xifaras, Le code hors du code. Le cas de la « transposition » de la propriété au droit administratif, Droits, PUF, 2005/2, n° 42, p. 49.

[7] J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public ou de la distinction des biens considérés principalement par rapport au domaine public, cinq volumes, Lagier, Dijon, 1e éd., 1833- 1834, p. 265 et s.

[8] S. Guérard, La « domanialité codifiée » : une distinction arrêtée ou une codification à murir ?, in Réflexions sur la Code général de la propriété des personnes publiques, Lexisnexis, Colloques et débats, 2007, p. 5.

[9] Selon l’article L. 2211-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L4595IQA, « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. (…) ».

[10] Pour les espaces appartenant à l’établissement public « Société du Grand Paris » situés dans les gares qui sont à usage de parkings, de commerces ou de locaux d’activité, s’ils ne sont pas affectés au service public du transport, v. loi n° 2010-597, du 3 juin 2010, relative au Grand Paris N° Lexbase : L4020IMT, art. 12, III.

[11] CGPPP, art. L. 2211-1 N° Lexbase : L4595IQA.

[12] CGPPP, art. L. 2212-1 N° Lexbase : L7751IPR ; C. rur., art. L. 161-1 N° Lexbase : L3448AEG ; C. voirie routière, art. L. 161-1 N° Lexbase : L3157IMU.

[13] CGPPP, art. L. 2212-1 N° Lexbase : L7751IPR.

[14] G. Bachelier et C. Maugüe, Genèse et présentation du Code général de la propriété des personnes publiques, AJDA, 2006, p. 1073 ; G. Bachelier et C. Maugüe, La ratification du code général de la propriété des personnes publiques, enfin !, AJDA, 2009, p. 1177 ; G. Bachelier et C. Maugüe, Le Code général de la propriété des personnes publiques et les collectivités territoriales, Bulletin juridique des collectivités locales, 2006, p. 546.

[15] CJA, art. L. 774-1 et s. N° Lexbase : L3245ALR.

[16] V. par exemple en matière de gratuité de l’occupation, la loi n° 2014-877, du 4 août 2014, facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public N° Lexbase : L9382I3U, et le décret n° 2014-1313, du 31 octobre 2014, pris pour l’application de la loi n° 2014-877 du 4 août 2014, facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public N° Lexbase : L6947I43. V. Ph. Hansen, Véhicules électriques – L’occupation du domaine public par les infrastructures de recharge de véhicules électriques, JCP éd. A, 2015, n° 2055.

[17] Décret n° 57-1336, du 28 décembre 1957, portant réforme des règles de gestion et d’aliénation des biens ‎du domaine national et codification, sous le nom de Code du domaine de l’État, des textes législatifs ‎applicables à ce domaine.

[18] Selon l’article L. 1 du Code du domaine de l’État : « Le domaine national s’entend de tous les biens et droits mobiliers et immobilier sui appartiennent à l’État (…) ».

[19] M.-A. Latournerie, Les critères de la domanialité publique, In Domaine public et activités économiques, CJEG, 1991, HS, p. 16.

[20] CAA Marseille, 6 décembre 2004, Commune de Nice, rec. Tables, p., Contrats-Marchés publics 2005, comm. n° 165, note G. Eckert, AJDA, 2005, p. 832, note S. Deliancourt.

[21] Th. Pez., Le domaine public hertzien – Attribution et exploitation des fréquences radioélectriques, LGDJ, Systèmes, 2011, p. 15. V. également, A. Chaminade, La soumission du spectre des fréquences radioélectriques aux règles de la domanialité publique, JCP éd. G, 2003, II, n° 10189 ; M. Boul, Domaine public et fréquences hertziennes, rencontre du « troisième type », propos sur la propriété publique des fréquences, in Mélanges en l’honneur du professeur Christian Lavialle, Presses universitaires de Toulouse, p. 97.

[22] CGPPP, art. L. 2111-4 N° Lexbase : L0402H4N.

[23] C. Ballandras-Rozet, L’aménagement indispensable, un critère discutable de réduction du domaine public, AJDA, 2007, p. 571 ; C. Ballandras-Rozet, Les justifications économiques et juridiques au critère de l’aménagement indispensable, JCP A, 2007, n° 2089 ; M. Bardin, L’aménagement indispensable et la modernisation de la domanialité publique, JCP éd. A, 2013, n° 2171 ; M. Canedo-Paris, Feu le critère de l’aménagement indispensable ?, AJDA, 2008, p. 1145 ; Ph. Yolka, L’aménagement spécifique du domaine public, Droit de la voirie, 2019, n° 209, p. 148.

[24] H. Hubrecht, Faut-il définir le domaine public et comment ? Méthode énumérative et méthode conceptuelle, AJDA, 2005, p. 598.

[25] M.-A. Latournerie, Pour un nouveau concept du domaine public, RJEP/CJEG, 2005, n° 617, p. 47 ; Ph. Yolka, Identifier le domaine public, RJEP/CJEG, 2006, n° 636, p. 411 ; C. David, Pour une approche renouvelée du droit français de la domanialité publique, Petites affiches, août 2007, n° 165, p. 3. Considérant le concept toujours pertinent et utile, v. G. Bachelier, Le concept du « domaine public » : un concept toujours pertinent, in Juger l’administration, administrer la justice : mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, p. 35.

[26] Pour un exemple, v. CAA Bordeaux, 3e ch., 2 novembre 2021, n° 19BX03590, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A94037ZB (à propos de la contestation d’un contrat de bail emphytéotique portant sur les murs et dépendances de l’hôtel du Palais).

[27] CE, 1re-6e sous-sect. réunies, 2 novembre 2015, n° 373896, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5802NUG, Bulletin juridique des collectivités locales, 11/2015, p. 789, concl. J. Lessi.

[28] V. H. Hubrecht, op. cit., spéc. p. 602.

[29] Pour un exemple récent, v. l’article 202 de la loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R, concernant la possible gratuité en cas d’autorisations d'occupation temporaire du domaine public communal, participant au développement de la nature en ville et répondant à un objectif d'intérêt public en installant et entretenant des dispositifs de végétalisation. 

[30] Loi n° 2018-202, du 26 mars 2018, relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 N° Lexbase : L8126LIS, art. 17, qui déroge à l 'article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L9569LDR lorsque le titre, « accordé pour occuper des dépendances du domaine public dédiées aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, est délivré au comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques ou lorsque ce dernier délivre des titres de sous-occupation sur ces mêmes dépendances aux partenaires de marketing olympique au sens du contrat de ville hôte ».

[31] Loi n° 2019-803, du 29 juillet 2019, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet N° Lexbase : L4791LRU, art. 11, II. V. L. Touzeau-Mouflard, Loi Notre Dame de Paris : déconstruire le droit pour reconstruire la patrimoine, Droit de la voirie, 2019, n° 210, p. 198 (suppression de la procédure de sélection préalable et possibilité de gratuité des occupations).

[32] Loi n° 2016-925, du 7 juillet 2016, relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine N° Lexbase : L2315K9M. V. M. Cornu, Le législateur culturel et les chantiers de la création, de l'architecture et du patrimoine, Communication Commerce électronique, 2017, étude 5. Pour la liste des domaines nationaux concernés, voir le décret n° 2017-720, du 2 mai 2017, fixant la liste et le périmètre de domaines nationaux N° Lexbase : L1575LE3 et décret n° 2021-1174, du 10 septembre 2021, complétant la liste de l'article R. 621-98 du Code du patrimoine et délimitant le périmètre de domaines nationaux N° Lexbase : L8773L73.

[33] V. CGCT, art. L. 2331-2 N° Lexbase : L8077I4W. V. CE, 3e-8e sous-sect. réunies, 24 juin 2013, n° 348207, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7720KHE ; Dr. admin., 2013, comm. n° 73, note G. Eveillard, JCP éd. A, 2013, n° 2295, note E. Langelier ; v. égalalement, G. Guiaverc’h, Contrat administratif et compétence judiciaire – L’exemple atypique de la gestion délégué des halles et marchés, RFDA, 2001, p. 93.

[34] CE, 1re-6e sous-sect. réunies, 2 novembre 2015, n° 373896, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5802NUG, BJCL, 11/2015, p. 789, concl. J. Lessi : « si la parcelle litigieuse était accessible au public, elle ne pouvait être regardée comme affectée par la commune aux besoins de la circulation terrestre ; qu’ainsi, elle ne relevait pas, comme telle, en application de l’article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques, du domaine public routier communal ; qu’en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit de la circonstance que des piétons aient pu de manière occasionnelle la traverser pour accéder aux bâtiments mitoyens, que la commune ait affecté cette parcelle à l’usage direct du public ; qu’elle n’a pas davantage été affectée à un service public ni fait l’objet d’un quelconque aménagement à cette fin ; qu’elle n’entrait pas, dès lors, dans les prévisions de l’article L. 2111-1 du même code ».

[35] V. C. Chamard-Heim, L’article L. 2111-14 du CGPPP en question(s), Droit de la voirie, 2019, p. 77 ; Ph. Yolka, Des routes déroutantes (à propos des voies communales non classées), Droit de la voirie, 2019, n° 210, p. 197.

[36] CE, Sect., 30 mai 1975, n° 83245, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0762B94, AJDA, 1975, p. 348, chron. M. Franc et M. Boyon.

[37] P. Delvolvé, Le Code général de la propriété des personnes publiques, RFDA, 2006, p. 899.

[38] Ph. Yolka, Droit des biens publics, LGDJ, Systèmes, 2018, p. 53, n° 134.

[39] Sur l’échec d’une troisième catégorie que seraient les services publics sociaux, v. T. confl., 22 janvier 1955, n° 1511, rec. p. 614 et T. confl., 4 juillet 1983, n° 02306, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8095BD8, JCP éd. G, 1984, II, n° 20275, concl. D. Labetoulle.

[40] T. confl., 22 novembre 2010, n° 3764, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4408GLT ; Bulletin juridique des contrats publics, 2010, p. 55, concl. P. Collin ; Revue juridique de l’économie publique, 2011, comm. 13, note G. Pélissier ; Contrats-Marchés publ., 2011, comm. 26 ; AJDA, 2010, p. 2423, chron. D. Botteghi et A. Lallet ; Dr. admin., 2011, comm. 20, note F. Melleray ; AJDA, 2010, p. 841, note O. Févrot ; JCP éd. A, 2011, act. 537, obs. G. Eveillar.

[41] Ch. Roux, Propriété publique et droit de l’Union européenne, LGDJ, BDP, 2015.

[42] D. Jouve, L'utilisation privative du domaine public en Espagne, RFDA, 2019, p. 9

[43] CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14 et C-67/15, Promoimpresa Srl et Mario Melis N° Lexbase : A2158RX9 ; Contrats publics – Le Moniteur, n° 169/2016, p. 70, note P. Proot ; Contrats-Marchés publ., 2016, repère 11, note F. Llorens et P. Soler-Couteaux ; AJDA, 2016, p. 2176, note R. Noguellou ; AJCT, 2017, p. 109, obs. O. Didriche.

[44] Selon l’article 12 de la Directive (CE) n° 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4, « Lorsque le nombre d'autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les États membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d'impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l'ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture ».

[45] V. l’avis n° 04-A-19, du 21 octobre 2004, relatif à l’occupation du domaine public pour la distribution de journaux gratuits N° Lexbase : X4772ACQ : « § 32 : (…) les stations de transport en commun, qui constituent des espaces disponibles pour l’installation de présentoirs, sont nécessairement en nombre limité et constituent une ressource rare pour les entreprises de distribution de journaux gratuits. Les restrictions d’accès à cette ressource doivent donc être justifiées par des raisons objectives. Or, la nécessité́ technique d’une exclusivité d’installation des présentoirs sur cette partie du domaine public au profit d’un seul opérateur de diffusion de journal gratuit n’apparait pas clairement dans le dossier présenté au Conseil ».

[46] Certaines réponses ministérielles à des questions parlementaires l’affirment (QE n° 12868 de M. Jean-Luc Fugit, JOANQ, 2 octobre 2018, réponse publ. 2 janvier 2019 p. 861, 15e législature N° Lexbase : L2300LPU. V. également QE n° 14843 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat, 26 mars 2020, réponse publ. 12 novembre 2020 p. 5285, 15e législature N° Lexbase : L5979L3T). V. également C. Rollin, Mise en concurrence des titres d’occupation du domaine privé des personnes publiques : gare à la surtransposition, Droit de la voirie, 2019, n° 209, p. 150 ; N. Sudres, Occupation du domaine privé, ordonnance du 19 avril 2017 et mise en concurrence, AJDA, p. 2110.

[47] Y. Lenoir, Le rôle de l’affectation dans la propriété administrative et les autres droits réels administratifs, Sirey, Thèse, 1966. V. également M. Gros, L’affectation, critère central de la domanialité publique, RDP, 1992, p. 749.

[48] Rec. p. 734.

[49] Qualifiée avec humour d’« escabeau » au regard du nombre de barreaux par Ph. Yolka, in Droit des biens publics, op. cit., p. 51, note de bas de pages n° 3.

[50] V. sur ce point l’étude de F. Melleray, L’échelle de domanialité, in Mélanges Franck Moderne, Dalloz, 2004, p. 28

[51] Op. cit., p. 331-332

[52] J.-M. Auby, Contribution à l’étude du domaine privé de l’administration, Études et documents du Conseil d’État, 1958, p. 35.

[53] V. L. Demeester, Jean-Marie Auby et les classifications en droit administratif des biens, RFDA, 2020, p. 580.

[54] Op. cit., p. 37. Dans son étude, il remarque justement que : « chaque catégorie de biens publics est soumise à un régime exorbitant, dans la mesure où ce régime est nécessaire pour assurer sa protection ou son affectation. (…) Ce que l'on appelle le régime de domanialité publique (…) ne constitue en aucune manière un ensemble applicable en bloc à une catégorie de biens, mais une série de règles qui peuvent jouer indépendamment les unes des autres, chaque catégorie étant soumise à un nombre variable de ces règles. Cette application distributive des règles de manière domaniales est commandée dans les grandes lignes par le principe suivant. Le législateur ou la jurisprudence, pour chaque catégorie de biens publics, font appel aux règles exorbitantes qui leur paraissent nécessaires pour assurer la protection de ces biens. Les solutions variées qui découlent de ce principe, permettent alors d'établir une échelle de domanialité allant des biens publics dont le régime comporte un maximum d'exorbitance à ceux pour lesquels les règles de droit public sont peu nombreuses (…) ».

[55] F. Melleray, L’échelle de la domanialité, in Mélanges Franck Moderne, Dalloz, 2004

[56] Dictionnaire d’administration publique, 2014, entrée « Domanialité », p. 162.

[57] V. A. Sainson, La domanialité publique à l’épreuve de la décentralisation, Thèse, Université de Bourgogne, 2017, p. 514.

[58] M.-A. Latournerie, Réflexion sur l’orientation du droit des propriétés publiques, Études et documents du Conseil d’État, 1987, n° 38, p. 13.

[59] J. Rivero, Existe-t-il un critère du droit administratif ?, RDP, 1953, p. 289.

[60] Op. cit., p. 289.

[61] V. en ce sens la conclusion de M.-A. Latournerie, Point de vue sur le domaine public, Montchrestien, Clefs, 2004, n° 148.

[62] V. C. Boutayeb, Liberté d’utilisation du domaine public et affectation domaniale, RDP, 2001, p. 221 ; J.-P. Brouant, Domaine public et libertés publiques : instrument, garantie ou atteinte ?, Petites affiches, juillet 1994, n° 84, p. 21.

[63] Y. Lenoir, Le rôle de l’affectation dans la propriété administrative et les autres droits réels administratifs, Sirey, Thèse, 1966. V. également M. Gros, L’affectation, critère central de la domanialité publique, RDP, 1992, p. 749.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - La problématique du trait de côte

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N4733BZC

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par Franck Constanza, Avocat au barreau de Marseille

Le 22 Mars 2023

La gestion du recul du trait de côte est au cœur de la loi du 22 août 2021, dite « Climat et résilience » N° Lexbase : L6065L7R et de l’ordonnance du 6 avril 2022, relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte N° Lexbase : L2885MCT [1].

La problématique du recul du trait de côte, en lien avec le thème du présent colloque, n’apparaît pas de prime abord.

Un indice est donné par la définition du trait de côte, dont on observera qu’elle ne ressort pas des textes applicables. On se réfèrera à celle que retient le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM), à laquelle renvoie le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Le trait de côte est, à cet égard, regardé comme « la limite portée sur la carte séparant la terre de la mer » [2].

Cette définition recoupe, voire se confond avec celle de rivage de la mer qui participe de la délimitation du domaine public maritime naturel et dont elle est une notion clé.

Le rivage de la mer, tel qu’il est défini dans le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) [3], est une notion mouvante dès lors que sa délimitation dépend de phénomènes physiques qui, s’ils surviennent, ont pour effet d’étendre d’autant les limites du domaine public maritime naturel, avec pour effet l’incorporation  automatique des propriétés privées à ce domaine.

La délimitation du rivage de la mer contribue ainsi à fixer, selon la formule du Conseil constitutionnel dans sa décision du 24 mai 2013, « la limite entre le domaine public maritime naturel et les propriétés privées » [4].

La notion de trait de côte ne remplit pas juridiquement la même fonction. Il n’en demeure pas moins qu’elle trace la limite entre terre et mer et qu’à ce titre le recul du trait de côte, tel qu’il est appréhendé par la loi « Climat et résilience », esquisse un domaine public maritime naturel potentiel ou en devenir.

On évitera ici – même si la formule est tentante – de parler de domaine public maritime naturel par anticipation au regard de la jurisprudence « Association Eurolat » [5], qui postule une applicabilité des règles de la domanialité publique à un bien ne relevant pas du domaine public, mais dont l’affectation à un service public est certaine.

Les règles de la domanialité publique ne s’appliquent pas à l’espace délimité par le recul du trait de côte, qui reste encadré par la loi « Climat et résilience » et l’ordonnance du 6 avril 2022.

Il nous faut décrire ce corpus législatif, avant d’en apprécier les interactions.
 

I. Le corpus normatif

Le corpus normatif, formé par la loi et l’ordonnance, définit « une politique d’aménagement du littoral, appréhendée au travers du trait de côte, en adéquation avec les réalités du changement climatique » [6].

Il comprend deux volets.


A. La gestion intégrée du recul du trait de côte

Le premier volet met en place une gestion intégrée du recul du trait de côte, qui figure à l’article L. 321-13 A du Code de l’environnement N° Lexbase : L3065MCI.

Cette stratégie existait dans la pratique administrative. Une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte avait été adoptée en 2012, à la suite du Grenelle de la mer en 2009, qui a été actualisée en 2017 et sur le fondement de laquelle ont été élaborées les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte [7].

Il y a donc là une consécration législative de la gestion intégrée du recul du trait de côte.

Cette stratégie se décline à deux échelons.

À l’échelon national, tout d’abord, dans la mesure où il appartient à l’État d’élaborer « la stratégie nationale de gestion intégrée du recul du trait de côte […] qui constitue le cadre de référence pour la protection du milieu et la gestion intégrée et concertée des activités au regard de l’évolution du trait de côte » [8].

Notons que la reconnaissance de la gestion intégrée du trait de côte a été incluse, dans le débat législatif, au cours de l’examen du Sénat en seconde lecture. Le Gouvernement y était défavorable au motif que l’érosion côtière « ne pourrait être assimilée à un risque stricto sensu dès lors qu’il s’agit là d’un phénomène progressif pouvant être anticipé » [9], entendant ainsi exclure la compétence de l’État quant à sa prévention pour la transférer aux collectivités territoriales.

Cette stratégie nationale est établie en concertation avec les collectivités territoriales et le Conseil national de la mer et des littoraux créé, à cet effet, par la loi « Climat et résilience » [10].

Elle est adoptée par décret [11].

À l’échelon local, ensuite, dès lors que les collectivités territoriales sont invitées à adhérer à cette stratégie nationale, mais il ne s’agit, toutefois, que d’une simple faculté.

Les régions, qui comportent des territoires littoraux, ont ainsi la possibilité, à travers le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) [12], de fixer « des objectifs de moyen et long termes en matière de gestion du trait de côte en cohérence avec les orientations de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte » [13].

Les collectivités compétentes en matière de GEMAPI peuvent également élaborer des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte afin de mettre en œuvre « les principes » de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.

Ces stratégies locales doivent prendre en compte les objectifs et les règles générales définis par le SRADDET [14].


B. La mise en place d’un zonage protecteur

Le second volet est purement urbanistique.

Jusqu’alors, la prévention des risques liés à l’érosion côtière relevait principalement des plans de prévention des risques littoraux (PPRL), élaborés et approuvés par les services déconcentrés de l’État [15].

L’idée exposée plus haut, selon laquelle l’érosion côtière n’est pas un risque naturel prévisible, a fait son chemin pour aboutir à un renversement de paradigme. Le postulat, qui s’est imposé, a conduit à placer les collectivités territoriales, compétentes en matière d’urbanisme, au cœur même de la lutte contre le recul du trait de côte.

Un premier pas a été franchi avec l’ordonnance n° 2020-744, du 17 juin 2020, relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale (SCOT) N° Lexbase : L4299LXI [16].
Le document d’orientation et d’objectifs doit définir « les orientations de gestion des milieux aquatiques, de prévention des risques naturels liés à la mer et d’adaptation des territoires au recul du trait de côte » et la possibilité lui est ouverte d’identifier des « secteurs visant à accueillir des installations et des constructions pour des projets de relocalisation » [17].

Le SCOT devient ainsi « le principal instrument permettant de planifier les enjeux liés à l’érosion côtière avant la loi « Climat et résilience » [18].

Il était donc cohérent, dans ces conditions, de doter les collectivités territoriales des outils leur permettant d’intégrer, au sein des plans locaux d’urbanisme (PLU), les enjeux liés au recul du trait de côte.

La loi « Climat et résilience » et l’ordonnance du 6 avril 2022 sont sur ce point ambivalents. En effet, si la loi permet aux autorités compétentes de mettre en place un zonage protecteur de nature à freiner l’érosion côtière, l’ordonnance apporte des dérogations notables à la loi « Littoral » N° Lexbase : L7941AG9.

Concernant le zonage spécifique, le dispositif juridique en cause n’est ouvert qu’aux seules communes inscrites sur une liste fixée par décret [19], qui tient compte de la particulière vulnérabilité de leur territoire au recul du trait de côte et qui ne sont pas couvertes par un PPRL [20].


1) Le zonage propre au recul du trait de côte

Les communes éligibles doivent préalablement établir une carte locale d’exposition de leur territoire au recul du trait de côte [21].

Le document graphique du règlement du PLU, applicable dans ces communes, délimite alors :

- la zone exposée au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans ;

- la zone exposée au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans [22].

Au sein de la zone 0-30 ans, une distinction est faite entre les espaces urbanisés et ceux qui ne le sont pas.

Dans les premiers, sont autorisés :

- les travaux de réfection et d’adaptation des constructions existantes à la date d’entrée en vigueur du PLU délimitant les deux types de zones ;

- les constructions ou installations nouvelles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, à condition qu’elle présente un caractère démontable ;

- les extensions des constructions existantes à la date d’entrée en vigueur du PLU délimitant les deux types de zones, à condition qu’elles présentent un caractère démontable [23].

Dans les espaces non urbanisés des zones 0-30 ans, seules sont autorisées les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, à condition que ces constructions et installations présentent également un caractère démontable [24].

La zone 30-100 ans reste constructible, mais cette constructibilité est relative.

Une obligation de démolition est mise à la charge des propriétaires concernant les constructions nouvelles et les extensions des constructions existantes à compter de la date d’entrée en vigueur du PLU délimitant les deux types de zones, lorsque le recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne pourra plus être assurée au- delà d’une durée de trois ans [25].

En dehors de cette hypothèse, il reste possible de construire à la condition de consigner, entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations, une somme correspondant au coût prévisionnel de la démolition et de la remise en état [26].

 Ce zonage protecteur est contrebalancé par une planification stratégique des opérations de relocalisation.


2) Les opérations de relocalisation

En matière de relocalisation des constructions exposées au recul du trait de côte, le SCOT occupe une place essentielle, dès lors que le document d’orientation et d’objectifs peut identifier « des secteurs visant à accueillir des installations et des constructions pour des projets de relocalisation » [27].

Ces secteurs de relocalisation doivent être situés au-delà de la bande littorale et des zones 0-30 ans/30-100 ans, ainsi qu’en dehors des espaces remarquables du littoral [28].

Il appartient aux auteurs de PLU de retranscrire et parachever la planification des opérations de relocalisation.

À cet effet, les dispositions du Code de l’urbanisme relatives aux PLU ont été adaptées à la prise en compte du retrait de côte :

- les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables prennent en compte « l’adaptation des espaces agricoles, naturels et forestiers, des activités humaines et des espaces urbanisés, exposés au recul du trait de côte » [29] ;

- des emplacements peuvent être réservés pour « la relocalisation d’équipements, de constructions et d’installations exposés au recul du trait de côte, en dehors des zones  touchées par ce recul » [30].

L’ordonnance du 6 avril 2022 prévoit des dispositions spécifiques concernant les opérations d’aménagement.

Ainsi, lorsqu’un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA) prévoit une opération d’aménagement, dont l’objet est de mettre en œuvre la recomposition spatiale du territoire d’une ou plusieurs communes figurant sur la liste de l’article L. 321-15 du Code de l’environnement N° Lexbase : L3068MCM, il peut « délimiter sur le territoire qu’il couvre des secteurs de relocalisation de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte » [31].

À l’intérieur de ces secteurs – et c’est toute l’ambivalence du corpus législatif décrit – des dérogations à la loi Littoral sont autorisées sous réserve, toutefois, de l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites :

- le principe d’extension de l’urbanisation en continuité des villages et agglomérations existantes [32] peut être méconnu, à la condition que les biens soient relocalisés en dehors des espaces proches du rivage, des espaces littoraux remarquables et d’une bande d’une largeur d’un kilomètre à compter de la limite haute du rivage [33] ;

- dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages [34], il est possible « d’étendre le périmètre bâti existant », dès lors que les biens sont relocalisés en dehors des espaces proches du rivage et des espaces littoraux remarquables et que cette extension aboutit au plus à la création d’un village, au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9980LML [35] ;

- l’obligation de prévoir des coupures d’urbanisation dans les SCOT et les PLU [36] disparaît, sauf en ce qui concerne les espaces proches du rivage et les espaces littoraux remarquables [37] ;

- les dérogations apportées à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9980LML peuvent, à titre exceptionnel, s’appliquer dans les espaces proches du rivage, les zones 0- 30 ans et 30-100 ans, ainsi que dans les espaces littoraux remarquables, sous réserve de l’autorisation du ministre chargé de l’Urbanisme et de l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites [38].
 

II. Les interactions

A. Les limites futures du domaine public maritime naturel

Il est clair, en premier lieu, que les zones 0-30 ans et 30-100 ans ont vocation à définir les limites futures du domaine public maritime naturel, dans l’hypothèse où l’érosion côtière devait entraîner un recul du trait de côte et, donc, une avancée des limites hautes du rivage de la mer.


B. Les digues à la mer

Il apparaît, ensuite, que le régime applicable dans les zones 30-100 ans, qui peut conduire à la démolition des constructions nouvelles et celle des extensions des constructions existantes, s’apparente à la protection élevée dont bénéficie le domaine public maritime à travers, notamment, les dispositions de l’article L. 2132-3 du Code général de la propriété des personnes publique N° Lexbase : L4572IQE : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende ».

Ce point soulève une question.

Si l’on comprend bien le I de l’article L. 121-22-5 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3053MC3, les constructions nouvelles et les extensions des constructions existantes, édifiées dans la  zone 30-100 ans, doivent être démolies, à compter de l’entrée en vigueur du PLU délimitant ladite zone, lorsque le recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne pourra plus être assurée au-delà d’une durée de trois ans.

L’obligation de démolition et de remise en état est ordonnée par arrêté du maire [39].

Que sera alors le sort des « digues à la mer », qui sont au cœur de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 24 mai 2013 précitée [40] ?

Un propriétaire riverain du domaine public maritime naturel peut être autorisé à construire une digue à la mer, conformément à l’article 33 de la loi du 16 septembre 1807, relative au dessèchement des marais [en ligne].

Lorsque son fonds se trouve submergé par les plus hauts flots, il est automatiquement incorporé au domaine public maritime naturel et « l’État devient propriétaire des ouvrages  construits en même temps que le fonds dont la propriété lui est transférée du fait de l’action des  flots » [41].

Dans cette hypothèse, le propriétaire des ouvrages ne peut se voir contraint à la démolition.

Le Conseil constitutionnel considère en effet que : « Considérant, toutefois, que, lorsqu’une digue à la mer construite par un propriétaire est incorporée au domaine public maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer, il peut être imposé à l’intéressé de procéder à sa destruction ; que ce dernier pourrait ainsi voir sa propriété privée de la protection assurée par l’ouvrage qu’il avait légalement érigé ; que, dans  ces conditions, la garantie des droits du propriétaire riverain de la mer ayant élevé une digue à  la mer ne serait pas assurée s’il était forcé de la détruire à ses frais en raison de l’évolution des limites du domaine public maritime naturel ; que, sous cette réserve, le 1° de l’article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques est conforme à l’article 16 de la Déclaration de 1789 » [42].

Si l’on suit la logique de l’article L. 121-22-5 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3053MC3, une telle digue régulièrement édifiée sur un fonds privé, avant même qu’il ne soit recouvert par les plus hauts flots, est condamnée à la démolition, à partir du moment où le recul du trait de côte sera tel que la sécurité des personnes ne pourra plus être assurée au-delà de trois ans.

La démolition et la remise en état incombent alors au seul propriétaire, qui ne pourra réclamer aucune indemnisation, en vertu du VI de l’article L. 121-22-5 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3053MC3 [43].

Une telle situation heurte de plein fouet la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel.

Comment, dans ces conditions, combiner les normes en présence ?

Une première piste revient à opposer la décision du Conseil constitutionnel du 24 mai 2013 au VI de l’article L. 121-22-5 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3053MC3.

Elle doit cependant être immédiatement relativisée.

En effet, une réserve d’interprétation est d’interprétation stricte. Or la réserve émise par la Conseil constitutionnel, dans sa décision du 24 mai 2013, ne vaut a priori que pour le 1° de l’article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L4505IQW.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 2021 relative à la loi « Climat et résilience », ne s’est toutefois pas prononcé sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 242 de la loi du 22 août 2021, dont est issu l’article L. 121-22-5 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3053MC3 [44].

Une question prioritaire de constitutionnalité est donc toujours possible.

Reste un point.


C. L’aptitude de l’État à imposer les orientations de la stratégie nationale

Il nous faut, en effet, nous arrêter sur les effets de la stratégie nationale de gestion du trait de côte.

La stratégie de gestion du trait de côte relève du droit souple [45], selon les trois critères d’identification du droit souple retenus par le Conseil d’Etat [46].

C’est d’ailleurs la position du tribunal administratif de Montpellier dans une espèce récente [47].

Les orientations de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte qui, par définition, ne comportent aucune obligation, ne sont pas, pour autant, dépourvues de toute normativité.

Il est clair, à cet égard, qu’en donnant à la stratégie nationale, comme aux stratégies locales, une « assise législative », la loi permet de renforcer leur normativité [48]. Cette normativité reste toutefois faible et diffuse.

La loi « Climat et résilience » ne modifie pas, en effet, la hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme, telle qu’elle ressort des articles L. 131-1 et suivants du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L4668LX8 et n’érige donc pas les orientations de la stratégie nationale en normes de  référence.

La pénétration du droit souple, généré par la stratégie nationale de gestion du trait de côte, se fera donc à travers le SRADDET et les stratégies locales.

Le SRADDET doit être élaboré « en cohérence avec les orientations de la gestion intégrée du trait de côte » [49].

Le rapport de cohérence laisse, aux auteurs du SRADDET, une certaine marge de manœuvre dans l’intégration des orientations de la stratégie nationale de gestion du trait de côte [50].

Quant au rapport SRADDET/SCOT, il s’inscrit uniquement dans une obligation de prise en compte s’agissant des objectifs définis par le schéma régional, qui distend encore un peu plus la normativité des orientations de la stratégie nationale de gestion du trait de côte [51] et autorise l’instrument de planification « à s’éloigner desdites orientations pour un motif tiré de l’intérêt de l’opération envisagée, dès lors qu’il est justifié » [52].

La pénétration des orientations de la gestion nationale du trait de côte est également favorisée par l’adoption de stratégies locales, lorsque les autorités compétentes décident d’en élaborer une.

Dans cette hypothèse, de telles stratégies locales doivent prendre en compte les objectifs du SRADDET, mais elles sont également tenues par la stratégie nationale, qu’elles ont pour objet de mettre en œuvre [53].

La faible normativité apparente des orientations de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte ne doit, pourtant, pas tromper.

L’État conserve, en effet, un pouvoir de pression non négligeable, ce qui permet à une autrice d’affirmer que « ce dernier demeure le “maître du jeu” des rapports qui se nouent entre lui et les collectivités territoriales » [54].

Cette force de persuasion est susceptible de s’exercer, en premier lieu, à travers la conclusion des PPA, nécessaires à la réalisation des opérations de relocalisation, qui sont un préalable à la possibilité de faire jouer les dérogations à la loi Littoral [55].

Certes, de tels PPA n’imposent pas aux collectivités concernées d’élaborer préalablement une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte.

Il n’en demeure pas moins que les dérogations à la loi Littoral ne pourront être mises en œuvre qu’après que l’autorité administrative compétente de l’État a donné son accord, de telle sorte qu’il y a, là, un moyen de pression pouvant contraindre les collectivités intéressées à adopter une stratégie locale qui, selon les termes de l’article L. 321-16 du Code de l’environnement N° Lexbase : L3069MCN, devra mettre en œuvre les principes de la stratégie nationale.

Les pouvoirs des préfets relatifs à l’entrée en vigueur des documents d’urbanisme, ensuite, peuvent également être un moyen pour l’État d’imposer d’y inclure les orientations de la stratégie nationale de gestion du trait de côte [56].

Enfin, il n’est pas exclu que l’État utilise sa compétence exclusive en matière de domaine public maritime « pour limiter, voire neutraliser, les projets des collectivités territoriales déviant des orientations fixées par l’État, en particulier, des ouvrages de défense contre la mer » [57].

Il n’est pas exclu, non plus, que les services de l’État élaborent des lignes directrices fondées sur la stratégie nationale afin d’instruire les dossiers de demandes d’utilisation du domaine public maritime, présentées par les collectivités territoriales, ou les demandes de dérogation à la loi « Littoral » dans le cadre des opérations de recomposition spatiale [58].

En conclusion, on voit ainsi que le corpus normatif, composé par la loi « Climat et résilience » et l’ordonnance du 6 avril 2022, a une incidence indirecte, mais certaine, sur le domaine public maritime naturel, d’une part, parce qu’il préfigure sa délimitation future en cas d’érosion côtière continue et, d’autre part, parce que l’État est à même d’imposer les règles qui contribueront à sa gestion et s’apparentent à celles gouvernant la domanialité publique, alors même que les terrains concernés restent des propriétés privées.


[1] Loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R ; ordonnance n° 2022-489, du 6 avril 2022, relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte N° Lexbase : L2885MCT.

[2] [En ligne].

[3] CGPPP, art. L. 2111-1, 1° N° Lexbase : L4505IQW : « Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques ».

[4] Cons. const., décision n° 2013-316 QPC, du 24 mai 2013, SCI Pascal et autre N° Lexbase : Z70645ZI.

[5] CE, 2e-6e s.-sect. réunies, 6 mai 1985, n° 41589 et n° 41699, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3186AMX.

[6] M. Crespy-De Coninck, Les stratégies de gestion intégrée du trait de côte, RFDA, 2022, p. 444.

[7] Ibid.

[8] C. env., art. L. 321-13 A N° Lexbase : L3065MCI.

[9] J.-F. Struillou, Les règles d’utilisation des sols spécifiques aux zones exposées au recul du trait de côte, RFDA, 2022, p. 460.

[10] C. env., art. L. 219-1 A N° Lexbase : L6481L78.

[11] C. env., art. L. 321-13 A N° Lexbase : L3065MCI.

[12] CGCT, art. L. 4251-1 N° Lexbase : L1811MHK.

[13] C. env., art. L. 321-14 N° Lexbase : L3067MCL.

[14] C. env., art. L. 321-16 N° Lexbase : L3069MCN.

[15] N. Huten, Planification urbaine et recomposition spatiale des territoires exposés au recul du trait de côte, RFDA, 2022, p. 452.

[16] JORF n° 0149, du 18 juin 2020.

[17] C. urb., art. L. 141-13, 3°N° Lexbase : L6897L7L.

[18] N. Huten, Planification urbaine et recomposition spatiale des territoires exposés au recul du trait de côte, préc.

[19] C. env., art. L. 321-15 N° Lexbase : L3068MCM. V. le décret n° 2022-750, du 29 avril 2022, établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral N° Lexbase : L6357MCG. Ce décret fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.

[20] C. urb., art. L. 121-22-1 N° Lexbase : L7081L7E.

[21] Ibid.

[22] C. urb., art. L. 121-22-2 N° Lexbase : L7083L7H.

[23] C. urb., art. L. 121-22-4, I N° Lexbase : L3052MCZ.

[24] C. urb., art. L. 121-22-4, II N° Lexbase : L3052MCZ.

[25] C. urb., art. L. 121-22-5, I N° Lexbase : L3053MC3.

[26] C. urb., art. L. 121-22-5, 1, II N° Lexbase : L3053MC3.

[27 ]C. urb., art. L. 141-13, 3° N° Lexbase : L6897L7L.

[28] Ibid.

[29] C. urb., art. L. 151-5 N° Lexbase : L1738MHT.

[30] C. urb., art. L. 151-41, 6° N° Lexbase : L6906L7W.

[31] C. urb., art. L. 312-8 N° Lexbase : L3062MCE.

[32] C. urb., art. L. 121-8, al. 1er N° Lexbase : L9980LML.

[33] C. urb., art. L. 312-9, 1° N° Lexbase : L3063MCG.

[34] C. urb., art. L. 121-8, al. 2 N° Lexbase : L9980LML.

[35] C. urb., art. L. 312-9, 2° N° Lexbase : L3063MCG.

[36] C. urb., art. L. 121-22 N° Lexbase : L2339KIH.

[37] C. urb., art. L. 312-9, 3° N° Lexbase : L3063MCG.

[38] Ibid.

[39] C. urb., art. L. 121-22-5 N° Lexbase : L3053MC3.

[40] Cons. const., décision n° 2013-316 QPC, du 24 mai 2013, précité N° Lexbase : A8146KD3.

[41] S. Deliancourt, conclusions sous CAA Marseille, 7e ch., 6 mai 2014,  n° 10MA04256 N° Lexbase : A1620MMX, RFDA, 2014, p. 1075.

[42] Cons. const., décision n° 2013-316 QPC, du 24 mai 2013, précité N° Lexbase : Z70645ZI.

[43] « Nonobstant toutes dispositions contraires, les titulaires de droits réels ou de baux de toute nature portant sur des constructions créées ou aménagées en application du présent paragraphe ne peuvent prétendre à aucune indemnité de la part de l’autorité qui a fait procéder à la démolition et à la remise en état ».

[44] Cons. const., décision n° 2021-825 DC, du 13 août 2021 N° Lexbase : A71314Z7.

[45] M. Crespy-De Coninck, Les stratégies de gestion intégrée du trait de côte, précité.

[46] Nous renvoyons, sur ce point, au rapport du Conseil d’État, Le droit souple, Documentation française, 2013, p. 61 et s.

[47] TA Montpellier, 4e ch., 21 mars 2021, n° 1905928 N° Lexbase : A91224K3.

[48] M. Crespy-De Coninck, Les stratégies de gestion intégrée du trait de côte, précité.

[49] C. env., art. L. 321-14 N° Lexbase : L3067MCL.

[50] V. C. Touboul, conclusions sous CE, 1e-6e ch. réunies, 2 octobre 2017, n° 398322, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6433WTG, BJDU, n° 1/18, p. 18, ainsi que T. Thuillier, La hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme : des clarifications en demi-teinte, BJDU, n° 2/19, p. 91.

[51] C. urb., art. L. 131-2, 1° N° Lexbase : L4669LX9.

[52] T. Thuillier, La hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme : des clarifications en demi-teinte, précité, p. 92.

[53] C. env., art. L. 321-16 N° Lexbase : L3069MCN.

[54] M. Crespy-De Coninck, Les stratégies de gestion intégrée du trait de côte, précité.

[55] C. urb., art. L. 312-8 N° Lexbase : L3062MCE.

[56] C. urb., L. 143-25 N° Lexbase : L5042L8A pour les SCOT et C. urb., art. L. 153-25 N° Lexbase : L5037L83 pour les territoires qui ne sont pas couverts par un PLU.

[57] M. Crespy-De Coninck, Les stratégies de gestion intégrée du trait de côte, précité.

[58] Ibid.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Les nouvelles frontières intellectuelles du domaine public

Lecture: 14 min

N4735BZE

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par Frédéric Lombard, Professeur agrégé de droit public, Aix-Marseille Université

Le 22 Mars 2023

Il s’agit, dans le cadre de cette brève étude, de s’intéresser aux frontières c’est-à-dire aux bornes celles au-delà desquelles le domaine public n’est plus c’est-à-dire les cas dans lesquels les règles de la domanialité publique n’ont pas vocation a priori à s’appliquer ou sont inefficaces ou même inaptes à saisir, qualifier et résoudre un problème donné. Le sujet ne s’intéresse pas aux frontières physiques. Celles-ci sont des frontières juridiques. Elles sont tracées par les critères de la domanialité publique. Les frontières ainsi tracées ne sont pas immuables mais elles restent purement juridiques. De ce point de vue, l’actualité récente donne à voir des évolutions sinon majeures du moins remarquables.

Si le Conseil d’État a refus d’intégrer l’image des biens publics dans le domaine public, la révolution numérique l’a conduit a traité des biens publics très immatériels que sont les données numériques dont certaines sont désormais incluses dans le domaine public (à travers la notion de biens de retour dans les concessions). Il s’agit, à nouveau, de frontières physiques. Ce n’est pas l’objet de cette étude : celle-ci envisage les seules frontières intellectuelles. Il s’agit d’envisager la portée des catégories et principes de gestion du domaine qui ont été pensés pour un certain type d’usage (il y a fort longtemps d’ailleurs). Ces principes partent de postulats simples (une occupation est licite ou non, privative ou collective, liée à la gestion d’un service public ou à l’utilisation directe par le public ; l’autorité gestionnaire est, peu ou prou, une autorité de police qui dispose du pouvoir de limiter des libertés publiques qui ont pur siège le domaine).

La question que nous souhaitons poser est celle de la pertinence des règles directrices du domaine public (catégories générales et principes de gestion) pour face et ordonner les nouveaux usages du domaine public. L’interrogation n’est pas nouvelle ; elle est même permanente. Une série de questions nouvelles et récurrentes se posent en effet aux gestionnaires du domaine public (notamment routier mais pas seulement). La question est de savoir si les nouveaux usages constatés, les nouvelles notions émergentes, les nouvelles attentes du public (au sens large, le public ordinaire et celui qui exerce une activité économique sur le domaine) peuvent être correctement appréhendées avec les outils traditionnels de la domanialité publique.

I. L’évolution du contexte

A. Lévolution structurelle

Elle tient, pour l’essentiel à la place que prennent désormais les droits fondamentaux dans la gestion du domaine.

Traditionnellement le domaine public est administré par le gestionnaire pour satisfaire l’intérêt général directement ou non selon que le bien est affecté à l’usage directe du public ou à un service public. La question des droits, et donc des libertés, des administrés sur ce domaine n’est envisagée qu’indirectement. Elle n’est pas niée bien sûr mais l’affectation (et le respect de celle-ci) fait écran entre la gestion du domaine et les droits des administrés. Il faut ajouter à cela que le droit (et notamment le CGPPP) repose sur une logique, propriétariste du domaine, qui privilégie franchement le propriétaire dans la gestion du domaine au détriment des occupants et usagers (la logique de valorisation va dans ce sens) ; c’est une logique presque exclusiviste (des libertés).

L’essor (qui n’est plus nouveau) des libertés et droits fondamentaux affectent nécessairement cette situation. Il n’est pas rare, loin s’en faut, que le domaine public soit désormais le lieu d’expression de revendications individuelles souvent articulées sur des libertés fondamentales (liberté du commerce et de l’industrie, liberté religieuse, liberté de communication).

Le droit positif n’est pas démuni pour organiser ces revendications et assurer leur comptabilité avec la domanialité publique, le respect de l’affectation et la sauvegarde des pouvoirs du gestionnaire : la police administrative (de l’ordre public) le permet (et exige un contrôle de proportionnalité entre les droits des uns et le pouvoir de l’autre (le gestionnaire) ; il en est de même du contrôle de la compatibilité des occupations privatives avec l’affectation de la parcelle (qui permet de réguler l’exercice des libertés (notamment économiques le juge décidant que la liberté du commerce et de l’industrie n’est pas opposable au gestionnaire du domaine).

Il faut probablement désormais réévaluer cette situation et cette logique propriétariste à l’aune de l’essor des droits fondamentaux. Du fait de cet essor, se développe une forme de subjectivisation de l’occupation domaniale (qu’elle soit collective (paradoxalement) ou privative. Le droit positif évolue en ce sens : les occupants privatifs légaux du domaine (qui peuvent de plus en plus faire valoir une situation patrimoniale sur le domaine, même si le juge rechigne à leur appliquer par exemple le premier protocole additionnel de la CESDH N° Lexbase : L1625AZ9 ; le fonds de commerce, le rescrit, le droit de préférence dont jouissent les occupants réguliers lors d’un renouvellement…). Cette aspiration aux droits particuliers, subjectifs, aux libertés, s’étend du reste aux utilisation collective du domaine : l’affectation à l’usage direct du public (des rues, places, promenades…) offrent une multitude de possibilités d’usage que la population ne manque pas de faire valoir (de manière collective parfois) qui n’est borné que par le droit d’usage qui appartient à tous (CGPPP, art. L. 2122-1 N° Lexbase : L9569LDR).

La propriété publique doit probablement en effet considérer les utilités (c’est-à-dire les avantages) du domaine pour les usagers.

B. Les évolutions conjoncturelles

Je serai plus bref. Il s’agit ici de faire état de pratiques sociales assises sur le domaine public qui oblige les gestionnaires à s’interroger sur les modalités de gestion de celui-ci.

Dans cet essor, on ne peut pas ne pas mentionner la crise sanitaire que nous venons de vivre

Elle a non pas créé mais révéler ou accélérer certaines attentes du public et le développement de pratiques ou de solutions qui affectent la gestion et l’occupation du domaine. La sortie de crise a remis au gout du jour des thèses hygiénistes rendue nécessaire pour assurer la distanciation sociale (ce qui a engendré, notamment, le développement de la pratique du vélo sur les voies publiques impliquant à son tour des aménagements temporaires de la voirie ; faveur générale au mode de circulation alternatifs et de l’espace mis à la disposition des piétons en vue d’éviter l’entassement).

Il faut favoriser des utilisations de la voirie plus adaptées aux exigences sanitaires. Il s’en suit un effet d’aubaine pour les mobilités alternatives qui questionnent le droit domanial.

Plus globalement, il faut adapter les utilisations de la voirie au respect de l’environnement. De manière conjoncturelle (et immédiate) c’est la fin du « tout voiture » : le droit du domaine routier, de la ville, a essentiellement été pensé pour assurer les meilleures conditions de circulation possible pour les automobiles. La jurisprudence a très tôt reconnu la possibilité pour les autorités de police générale de limiter la circulation automobile au sein des villes. Elle l’a rarement fait néanmoins dans l’optique de favoriser d’autres catégories d’usagers du domaine public (les piétons, les cyclistes).

Le droit et la jurisprudence se sont peu préoccupés de l’utilisation simultanée du domaine routier par plusieurs catégories d’usagers. le fait est que la nécessité (ou le souhait) de limiter la circulation automobile au sein de ville et l’intérêt renouvelé accordé aux autres modes de déplacement (et on ne parle pas ici des transports en commun), oblige les autorités domaniales à envisager cette cohabitation et à l’ordonner.

II. L’apparition de nouvelles problématiques

A. Les nouveaux usages

L’usage ni privatif ni collectif.  L’utilisation du domaine public suit apparemment une logique binaire : elle est soit une utilisation collective soit une utilisation privative. Mais il existe une zone de gris fondée sur le droit d’usage qui appartient à tous. C’est un mode d’utilisation singulier.

Les biens à l’usage direct du public bénéficie d’un droit d’usage qui appartient à tous (selon les termes de l’article L. 2122-1 du CGPPP). Cela n’empêche pas, néanmoins, certains usagers de développer ou retirer, des utilités particulières, qui leurs sont propres (sinon exclusives) de l’occupation du domaine sans pour autant l’occuper privativement. Cela se manifeste lorsque des usagers (de la voirie souvent) modifie temporairement le domaine, dans le respect de son affectation, pour y développer des modes d’occupations singuliers souvent collectifs (terrasses éphémères, spectacles de rue…). Cela se manifeste aussi lorsqu’un utilisateur du domaine, bien qu’identifiable, ne semble pas excéder ce droit d’usage ordinaire qui appartient à tous (donc à chacun). C’est bien une occupation privative ; mais elle ne dépasse pas le droit d’usage donc pas soumises aux rigueurs de l’occupation privative (autorisation et redevance).

Il ne s’agit pas d’occupations privatives (qui exigeraient l’octroi d’un titre et le paiement d’une redevance) ni nécessairement collective (comme vu ci-dessus). Toute la difficulté est de connaitre la limite à partir de laquelle on bascule dans l’occupation privative. Le juge a déjà eu l’occasion de statuer sur ces questions (taxe trottoir, plaques professionnelles, utilisation de l’image d’un bien public). Il est difficile d’une part d’identifier ces utilisations singulières et d’autre part d’en connaitre le régime. Un bon exemple peut être proposé de ce type d’usage : le free floating sur le domaine public. Ce système permet la location de véhicules en libre-service (vélos, trottinettes ou autre) sans stations dédiées ni bornes de recharge. A l’orée du développement de ce modèle d’usage de la voirie, les opérateurs estimaient ne pas être occupants privatifs du domaine (et ne payaient donc pas de redevance). De fait, l’activité se situait dans une forme de Zone grise juridique (l’utilisation n’était ni purement collective évidemment ni privative faute d’emprise bornée sur le domaine). Il fallut une intervention du législateur (loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités N° Lexbase : L1861LUH) pour indiquer que le titre délivré aux opérateurs de services de partage de véhicules, cycles et engins permettant le déplacement de personnes ou le transport de marchandises, mis à disposition des utilisateurs sur la voie publique et accessibles en libre-service, sans station d'attache, est établi dans les conditions définies au CGPPP (C. transp., art. L. 1231-17 I N° Lexbase : L3501LU9).

Les conflits d’usage. La problématique n’est pas nouvelle. Elle consiste à s’interroger sur la manière d’ordonner la coexistence de plusieurs types d’usage (parfois conflictuels) sur une même dépendance. Encore une fois, la voirie fait office d’exemple. Le Conseil d’État a déjà traité ce genre d’hypothèse d’utilisation concurrentes dans les années 1970 et même avant. Il s’agit de la conciliation entre la circulation automobile et piétonne (mais elle s’étend à toutes les autres circulations individuelles). Elle met en jeu deux libertés au moins et que l’autorité de police doit concilier avec les nécessités de la circulation. A titre d’exmeple de questionnement, un maire peut-il interdire totalement pendant une journée l’accès d’une rue à tous les véhicules y compris ceux des immeubles riverains ? Peut-il, en sens inverse, autoriser le stationnement de véhicules automobile sur les trottoirs ne comportant pas de piste spéciale de stationnement ? Dans les deux cas, mais aussi dans d’autres hypothèses, le juge mobilise les principes de la police administrative (et notamment ceux issus de l’article L. 2213-1 du CGCT N° Lexbase : L3140LUT[1]) pour réguler ces conflits d’usage. La jurisprudence est riche d’enseignements (au passage relevons que les problèmes posés en 1970 restent les mêmes et que le droit contemporain ne fait que revisiter des questions classiques). Ainsi : les outils du droit domanial sont peu opérants ; ceux de la police générale le sont en revanche. L’autorité de police doit veiller à assurer la circulation respective des divers usagers de la voirie.

C’est cette conciliation et les nécessités de la circulation générale qui forme l’objet d’intérêt général de la police. Dans cette recherche d’équilibre et de conciliation, l’administration peut prendre en compte non seulement les questions de sécurité et de commodité mais aussi l’agrément des divers usagers : il s’agit d’un élément que doit prendre en compte l’autorité de police (elle n’est donc pas qu’une police de l’ordre au sens strict mais de l’harmonie). Ces conflits ne concernent pas toujours des dépendances voisines (la chaussée et le trottoirs) mais parfois une seule et même dépendance (la chaussée).

La loi prend le relais du juge désormais. La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 prévoit l’adoption de plans de mobilités qui doivent notamment veiller à l'amélioration de la sécurité de tous les déplacements, en opérant, pour chacune des catégories d'usagers, un partage de la voirie équilibré entre les différents modes de transport (…)

C’est une logique urbanistique qui gouverne à l’élaboration de ces plans. Toujours est-il que c’est selon une logique et avec les outils de la police administrative que ces diverses utilisations concurrentes et ces conflits d’usage doivent être résolus. Le droit du domaine est sinon marginalisé du moins peu utile.

On pourrait ajouter à ces conflits d’usage une autre problématique d’usage (différente) la sur-fréquentation du domaine qui exige, encore, que l’administration limite le droit d’accès (c’est la même logique qui est alors à l’œuvre).

B. Les notions concurrentes ou perturbatrices

L’urbanisme tactique

Il s’agit d’un mouvement d’origine américaine qui désigne un phénomène citoyen (donc qui n’est pas initié par les pourvois publics, au moins dans un premier temps) et qui consiste pour des communautés actives d’habitants de ville à se réapproprier les espaces publics (relevant souvent de la domanialité publique) afin d’y développer une série d’activité sociales (souvent « triviales ») qui se caractérise par leur caractère éphémère, leur faible échelle et leur coût réduit. Il s’oppose à l’urbanisme stratégique (plus institutionnel qui consiste à travailler sur les infrastructures lourdes de la ville, physiques ou de communication).

Le lieu d’exercice de cet urbanisme est la ville et au sein de celle-ci les voies de communications et voirie. C’est, concrètement, un mode d’utilisation du domaine public.

Il y a un hiatus ou une difficulté : c’est fondamentalement une logique spontanéiste et citoyenne ; la gestion des voies publiques est une prérogative publique, c’est une police de l’utilisation des biens affectés à l’usage direct du public. La puissance publique (le gestionnaire du domaine) ne peut pas se désintéresser de ces mouvements. 

Quelques exemples : parking day, terrasses éphémères, pistes cyclables éphémères.

Rien ne s’oppose apparemment de manière drastique à cela : le droit d’usage qui appartient à tous (les articles L. 2122-1 et L. 121-2 du Code de la route pour le domaine routier national) autorise de multiples usages sur les dépendances affectées à l’usage direct du public. Y compris donc l’urbanisme tactique. A condition qu’il soit exercé collectivement et dans le respect de l’affectation de la dépendance.

Quelques difficultés sont néanmoins relevées : si le respect de l’affectation de la dépendance ne pose pas de vrai problème, il faut être attentif à la limite entre cette pratique qui repose sur le droit s’usage qui appartient à tous et l’occupation privative avec la difficulté nouvelle qui est que les usagers se saisissent de ce droit d’usage pour revendiquer une forme de liberté d’utilisation du domaine, un droit sur le domaine ou un droit sur les utilisations possible du domaine (l’usus) (et plus seulement un droit d’accès) qui implique la liberté accordée aux usagers dans le choix des utilisations de la voirie (ils peuvent, dans le respect de l’affectation, proposer une redistribution des usages de la voirie). Le droit du domaine n’est pas pensé ainsi.

La notion d’espace public (Jean-Bernard Auby)

Je serai très bref et cela formera une ouverture. Il s’agit des espaces physiques ouvertes au public. Il est évidemment formé par le domaine public (notamment « urbain » et de voirie) mais aussi privé et parfois même par des propriétés privées ouvertes au public (parcs, galeries marchandes, parvis…). Il y a la une matière à construire car les enjeux sont souvent les mêmes (liberté d’accès ou non, rôle de la puissance publique, principes de gestion, gratuité, sélectivité à l’entrée…).

 

[1] Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'État dans le département sur les routes à grande circulation. À l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'État dans le département sur les routes à grande circulation.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - La sécurisation du titre ou comment éviter la requalification du contrat

Lecture: 9 min

N4743BZP

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par Philippe Grimaud, vice-président du tribunal administratif de Toulouse

Le 22 Mars 2023

La convention d’occupation du domaine public n’est pas une figure nouvelle du droit public. Toutefois, longtemps cantonnée à la « concession de voirie » classique [1], ce visage bien connu vit depuis quelques décennies un certain renouveau, et ce pour deux raisons.

La première cause de ce renouveau est la prise de conscience que le domaine public est un lieu de création de richesses pour les opérateurs économiques, voire un lieu stratégique pour certains. La possibilité de décharger un porte-conteneurs dans un grand port, de même que l’exploitation d’un lot de plage ou la buvette d’un jardin public, l’illustrent parfaitement, et on peut noter que ce que le géographe Michel Lussault appelle les « hyper-lieux », ces points nodaux de concentration de la mondialisation, sont le plus souvent des dépendances du domaine public : l’aéroport Charles de Gaulle, le port de Marseille, le palais des festivals de Cannes ou le Louvre, où toutes les composantes du monde se croisent, sont des dépendances domaniales.

La seconde cause de ce renouveau est ce que l’on nomme parfois la « nouvelle gestion publique », qui a conduit les personnes publiques à développer des outils contractuels associant une convention domaniale articulée à d’autres contrats pour faire financer des ouvrages publics, des services publics, ou des offres composites de biens et de services par des opérateurs privés occupant le domaine. Cela n’est pas nouveau, mais ce mouvement, lancé ou relayé par le législateur, s’est accru depuis dix à vingt ans.

Dans ce contexte, la réflexion sur la sécurisation des titres contractuels d’occupation du domaine vis-à-vis du risque de requalification appelle tout d’abord l’évocation brève des enjeux attachés à ce risque avant de dessiner les quelques règles de prudence permettant de l’éviter.

I. Les enjeux de la qualification… et d’une éventuelle requalification

La requalification d’un contrat ou de toute autre situation de droit consiste à découvrir qu’un objet juridique évolue dans un univers juridique qui n’est pas le sien. En ce qui concerne nos conventions domaniales, cette situation peut avoir plusieurs conséquences.

La première, assez anecdotique, est la requalification en contrat de droit privé d’un contrat qui ne serait pas, en réalité, un contrat d’occupation du domaine public relevant, par détermination de la loi, du juge administratif (CGPPP, art. L. 2131-1 N° Lexbase : L4566IQ8). L’hypothèse est assez marginale, mais existe, en cas d’erreur sur la nature de la dépendance ou des rapports entre les parties [2].

Deuxième risque, beaucoup plus important : l’inadéquation de la procédure de passation retenue, voire l’absence totale de procédure de passation.

Depuis l’intervention de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9, la passation d’une convention d’occupation domaniale est encadrée lorsqu’elle permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique (CGPPP, art. L. 2122-1 N° Lexbase : L9569LDR). Toutefois, le législateur n’impose au gestionnaire du domaine que des obligations assez légères : une sélection préalable impartiale et transparente après une publicité suffisante.

On est donc loin des procédures de passation des contrats de la commande publique, et le contrat que l’on avait cru de simple occupation du domaine, s’il est requalifié, sera le plus souvent irrégulier de ce fait [3]. La sanction contentieuse d’une telle irrégularité n’a, on le sait, rien d’automatique dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne » ou d’un recours « Béziers I », mais elle est possible.

La requalification d’une convention domaniale est enfin susceptible d’aboutir à une dernière conséquence qui est la méconnaissance des règles de compétence des personnes publiques ou des règles de fond applicables au contrat.

C’est là la conséquence naturelle de l’évolution du contrat dans un univers étranger : la convention domaniale requalifiée en marché public ou en DSP pourrait par exemple ne pas avoir été conclue par la personne publique ayant la compétence pour passer un tel marché ou pour déléguer ce service public. Par ailleurs, ses stipulations, écrites pour se conformer à ce que doit être une convention domaniale, ne comportent vraisemblablement pas les clauses nécessaires à en faire un contrat régulier de la commande publique, ou peut comporter au contraire des clauses illégales dans le cadre d’un tel contrat (pensons, par exemple, aux clauses relatives au prix du marché, à l’obligation de stipuler les tarifs à la charge des usagers du service public, ou aux durées maximales d’exécution du contrat).

II. Pour éviter la requalification du contrat d’occupation du domaine public, il convient de retenir la formule contractuelle la plus en phase avec le cœur de l’opération

Le risque de requalification est évidemment maximal lorsque les clauses du contrat se caractérisent par un « mélange » qui peut faire relever la somme de ces clauses de plusieurs catégories de contrat.

De ce point de vue, il faut distinguer trois situations.

La première ne crée aucun risque de requalification : il s’agit des contrats dont le régime défini par le législateur intègre une autorisation domaniale (v. p. ex. l’article L. 2213-10 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4133LRI pour le marché de partenariat et L. 3132-1 N° Lexbase : L3764LRT pour la concession). Aucune difficulté en pareil cas puisque tout, a priori, est prévu par le texte (y. c. l’absence de procédure de passation pour le titre : CGPPP, art. L. 2122-1-2 N° Lexbase : L9570LDS).

Les choses se compliquent évidemment dans les deux autres cas, qui ont pour point commun que les parties y mêlent elles-mêmes des clauses associant une occupation domaniale et un autre negotium : travaux, gestion d’un service public, concession de service, livraison de biens ou de services à la personne publique, tâches de conception (v. l’avis sur les passerelles sur la Seine). En revanche, il faut distinguer deux hypothèses quant à la forme de ce kaléidoscope contractuel qui peut :

- être contenu dans un unique contrat ;

- ou être réparti entre plusieurs contrats unissant les mêmes parties.

Disons-le d’emblée : ce choix entre l’unicité de l’instrumentum ou la répartition du negotium entre plusieurs actes n’a guère d’incidence sur la requalification. Le juge, en effet, sait reconnaître un contrat qui porte mal son nom, comme il sait reconstituer un montage contractuel qui ne fait que diviser une opération unique [4].

Précisons immédiatement que l’autre solution, celle du contrat unique, n’est guère plus salvatrice si le contrat encourt un risque réel de requalification. Certes, en pareil cas, le juge s’interrogera sur l’éventuelle divisibilité de certaines clauses, mais il est peu probable qu’on puisse alors distinguer deux contrats autonomes qui survivraient sans dommage car, en général, les clauses autorisant l’occupation du domaine auront été déterminantes dans le consentement.

La forme étant donc de peu d’importance, l’écueil majeur à éviter est la possibilité que le contrat soit regardé a posteriori comme un contrat soumis à un formalisme et à des règles de fond différents et susceptibles de sanction, donc, en bref, de parer le risque de requalification en marché public, en DSP ou en concession de forme quelconque. D’autres qualifications sont possibles, mais le risque d’erreur sur leur nature est moindre car ces autres contrats sont assez identifiables.

La question centrale est donc celle de l’objet principal du contrat [5] ou, autrement dit, celle de son centre de gravité, de sa « raison d’être » [6].

En ce qui concerne les marchés et concessions, il convient de se référer aux dispositions de l’article L. 2 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4461LRN, qui permettent d’identifier un marché ou une concession autre que de service public.

Ces qualifications seront retenues, en bref, si le prestataire agit à la demande d’une personne publique pour répondre à des besoins qu’elle a elle-même définis et pour un prix à la charge de celle-ci (qu’il prenne la forme d’un prix payé, d’un abandon de recettes, d’une exploitation au bénéfice du concessionnaire, etc.) ou en échange d’un risque pris par l’opérateur. Dès lors que, d’une manière ou d’une autre, la personne publique détermine le contenu de la prestation et entend se la faire livrer à plus ou moins long terme avec une contrepartie économique, la qualification de marché ou de concession est très probable. La jurisprudence, notamment communautaire, comporte bien des cas où la reconstitution d’opérations foncières ou immobilières banales selon une lecture formelle ont été regardées comme des marchés publics parce que répondant à un besoin de la personne publique [7].

Il convient donc d’être particulièrement attentif aux contrats à volet domanial se situant à la frontière de l’exécution des politiques publiques incombant à la personne publique et de la réponse à ses besoins pour l’exercice de ses compétences. Sont particulièrement sensibles à ce titre le développement économique ou l’aménagement urbain, qui incluent souvent un support foncier, une occupation domaniale et la commande d’ouvrages ou de prestations [8]. L’avis de la section de l’administration du 22 janvier 2019 sur les passerelles de Paris peut sans doute constituer un guide car il semble sous-entendre que toute « commande » dans un domaine qui s’approche d’un besoin rattachable à une compétence naturelle de la collectivité (en l’espèce, la voirie) rapproche le contrat du marché ou de la concession.

S’agissant de la possibilité de requalification en DSP, la problématique, plus simple, est celle de l’existence d’un service public sous-jacent, question qui sans être toujours absolument évidente, n’est guère complexe [9], l’autre critère étant la délégation de ce service via un contrat liant substantiellement la rémunération aux résultats de l’exploitation.

En conclusion, pour éviter la requalification et, en cas de requalification, l’illégalité du contrat, deux approches prudentes et complémentaires sont nécessaires.

La première est de conserver, autant que possible, des contrats « purs », dépourvus de démembrements ou d’excroissances, axés sur l’essence de ce que la personne publique entend faire : commander, c’est commander, déléguer c’est déléguer, occuper le domaine public, c’est occuper, et chacun de ces objets trouve aujourd’hui sans difficulté le contrat qui lui convient.

La seconde, en cas de doute sincère sur le type de contrat à venir, est d’appliquer, comme c’est obligatoire, la procédure de passation la plus rigoureuse [10].

 


[1] De ce point de vue, le Code général de la propriété des personnes publiques n’a pas innové en se bornant à disposer sans mystère en son article R. 2122-1 N° Lexbase : L2986IRZ que « l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d'une décision unilatérale ou d'une convention ».

[2] V. p. ex. T. confl., 13 octobre 2014, n° 3963 N° Lexbase : A6721MYL.

[3] V. pour des exemples de questionnement du juge sur la nature du contrat : CE, ass., 4 novembre 2005, n° 247298 N° Lexbase : A2732DLR ; CE, Sect., 3 décembre 2010, n°s 338272, 338527 N° Lexbase : A4439GMD ; CE, 15 mai 2013, n° 364593 N° Lexbase : A3193KDM et un très intéressant avis de la section de l’administration du Conseil d’Etat : CE, avis, 22 janvier 2019, n° 396221 ; v. p. ex. pour des requalifications : CAA Paris, 11 avril 2013, n° 11PA03649 N° Lexbase : A7299MQE ; CAA Nantes, 30 mars 2018, n° 16NT03892 N° Lexbase : A5923XP3.

[4] Voyez p. ex. CE, 1er octobre 2013, n° 349099 N° Lexbase : A3383KMA ; CE, 7 octobre 2020, n° 433986 N° Lexbase : A04993XR.

[5] V. CJCE, 19 avril 1994, aff. C-331/92, Gestion Hotelera Intern N° Lexbase : A9645AUR.

[6] Conclusions Trstenjak sur CJUE, 29 octobre 2009, aff. C-536/07, Cion c/ RFA N° Lexbase : A5617EMY.

[7] V. p. ex. l’arrêt C-536/07, préc.

[8] V. l’arrêt commune de Roanne ; CJUE, 25 mars 2010, aff. C-451/08, Helmut Müller N° Lexbase : A9884ETA, ou CE, 30 décembre 1998, n° 150297 N° Lexbase : A8558ASR ; CE, 11 juin 2004, n° 261260 N° Lexbase : A7651DCD.

[9] V. CE, 3 juin 2009, n° 311798 N° Lexbase : A7227EH7 ; CE, 19 janvier 2011, n° 341669 N° Lexbase : A1571GQA ; CE, 3 décembre 2010, Ve de Paris et Assoc. Paris Jean Bouin, préc..

[10] CE, 10 juin 2009, n° 317671 N° Lexbase : A0570EIX.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - L'exigence d'une sélection transparente : premier bilan

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N4745BZR

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par Renaud Tricon, responsable de la mission études et modernisation de l’action juridique à la ville de Marseille et Paul Pipitone, juriste à la direction des affaires juridiques et des assemblées de la ville de Marseille

Le 22 Mars 2023

L’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques prise suite à la jurisprudence « Promoimpresa » [1], a posé le principe de sélection préalable des occupations économiques du domaine public.

Ce régime, dont nous allons tenter d’esquisser un premier bilan plus de 5 ans après sa création, est régi par les articles L. 2122-1-1 N° Lexbase : L9569LDR et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques (ci-après « CG3P »).

I. Les procédures de sélection préalable des occupations à vocation économique

A. Le cadre général

Le 1er alinéa de l’article L. 2122-1-1 du CG3P pose le principe d’une sélection préalable « présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence et comportant des mesures de publicité permettant à tout candidat potentiel de se manifester » avant toute délivrance d’un titre d’occupation permettant d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique.

Le CG3P est muet quant à la nature de la publicité et de la sélection à opérer.

Les gestionnaires doivent prévoir eux-mêmes les règles afin de respecter les principes d’impartialité et de transparence.

Ces derniers établissent notamment des « appels à manifestations d’intérêt » (ci-après « AMI ») de manière à ce que :

tous les candidats doivent être traités à l’identique ;

la sélection doit permettre de retenir le meilleur candidat dans l’objectif de valorisation du domaine.

  • Quel champ d’application ?

Le critère est celui de l’activité économique exercée, qu’importe la structure sollicitant l’occupation.

  • Quelle publicité ?

La publicité doit être adaptée aux enjeux économiques (affichage, presse locale, nationale, européenne, publication sur internet etc.) afin que tout opérateur intéressé puisse candidater.

  • Comment l’organiser ?

Il convient d’indiquer aux candidats potentiels les informations relatives à l’occupation, comment postuler et comment la sélection sera effectuée. Les occupants actuels souhaitant candidater ne devront pas être davantage informés.

  • Quel contenu ?

Un AMI comporte généralement une description de l’objet de l’occupation, les candidats éligibles,  les documents à transmettre, les critères de notation des dossiers, le calendrier de la procédure etc.

  • Comment sélectionner ?

S’agissant des critères de sélection

Les critères (types d’activités, publics concernés...) doivent être établis afin de concilier les activités privées et la valorisation.

Une véritable liberté doit être laissée afin d’éviter la satisfaction d’un besoin, le contrôle des activités et donc tout risque de requalification en contrat de la commande publique.

S’agissant de leur pondération

La pondération permet aux gestionnaires de hiérarchiser leurs attentes et devra être appliquée de manière identique pour tous les candidats.

B. Une simple obligation de publicité préalable dans le cadre des procédures dites allégées

Le 2éme alinéa de l’article L. 2122-1-1 du CG3P dispose que : « Lorsque l'occupation ou l'utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d'autorisations disponibles pour l'exercice de l'activité économique projetée n'est pas limité, l'autorité compétente n'est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d'un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d'attribution ».

  • Cas des occupations de courte durée

Une instruction du 22 juillet 2019 sur les cirques et les foires a précisé que la notion de « courte durée » est égale ou inférieure à 4 mois. Ce délai est indicatif et les gestionnaires sont libres de le prendre en compte selon les types d’activités (notamment saisonnières) envisagées.

  • Cas où le nombre d'autorisations n'est pas limité

Ce cas peut notamment concerner certaines brocantes et braderies (etc.) durant lesquelles tous les acteurs intéressés peuvent occuper un emplacement.

Dernier cas : la manifestation d’intérêt spontanée prévue par l’article L. 2122-1-4 du CG3P N° Lexbase : L9572LDU.

Cas lorsqu’un exploitant sollicite une occupation auprès du gestionnaire. Si la rédaction d’un avis de publicité suffit, la détermination de critères précis (voire pondérés) est recommandée.

II. Quelles marges de manœuvre pour les exceptions au principe de sélection préalable ?

A. Les exceptions au principe de publicité et de mise en concurrence

1) Les exceptions au regard de l’objet de l’occupation

Aux termes de l’article L. 2122-1-2 du CG3P  N° Lexbase : L9570LDS :

« L’article L. 2122-1-1 n’est pas applicable :

- lorsque la délivrance du titre s’insère déjà dans une procédure disposant des mêmes caractéristiques que la procédure de sélection préalable déterminée par le 1er alinéa de l’article L. 2122-1-1.

Ici, la sélection se révèle en effet inutile puisque la délivrance du titre déjà fait l’objet d’une procédure de sélection ;

- lorsque le titre d’occupation est conféré par un contrat de la commande publique, ou que sa délivrance s’inscrit dans un ensemble contractuel ayant donné lieu à une procédure de sélection préalable.

- lorsque l’urgence le justifie, la durée du titre ne pouvant alors excéder un an. Cette exception est complexe à appréhender en l’absence de définition claire de l’urgence ;

- en cas de prolongation d’une autorisation existante (...), dans le respect du principe du caractère temporaire d’une telle autorisation (…) ».

2) Les possibilités prévues par le CG3P de délivrer le titre de « gré à gré » lorsque la procédure de sélection se révèle « impossible ou injustifiée »

L’article L. 2122-1-3 du CG3P N° Lexbase : L9571LDT permet la délivrance à l’amiable :

1° Lorsqu'une seule personne est en droit d'occuper la dépendance du domaine public en cause ;

2° Lorsque le titre est délivré à une personne publique dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l'autorité compétente ou à une personne privée sur les activités de laquelle l'autorité compétente est en mesure d'exercer un contrôle étroit ;

3° Lorsqu'une première procédure de sélection s'est révélée infructueuse ou qu'une publicité suffisante pour permettre la manifestation d'un intérêt pertinent est demeurée sans réponse.

La notion d’infructuosité est à apprécier selon la nature de la publicité mise en œuvre et des enjeux économiques.

4° Lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance (...) ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique projetée.

Ce cas s’applique notamment aux demandes des commerçants souhaitant implanter des terrasses devant leurs établissements.

5° Lorsque des impératifs tenant à l'exercice de l'autorité publique ou à des considérations de sécurité publique le justifient.

3) Exception relative aux JO 2024 [2] :

Ce cas concerne le titre accordé pour occuper des dépendances du domaine public dédiées aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Les contrats de sous-occupation doivent-ils être précédés d’une procédure de sélection préalable ?

Le CG3P ne traite pas de cette question et l’avis du Conseil d’État du 9 novembre 2017 sur le projet de loi JO 2024 a admis la dérogation apportée à cette procédure. Dans le doute, il est préférable que l’occupant organise lui-même la procédure de sous-occupation.

B. Règle concernant la délivrance à l’amiable des titres

Le dernier alinéa de l’article L. 2122-1-3 du CG3P dispose que : « Lorsqu'elle fait usage de ces exceptions, l'autorité compétente rend publiques les considérations de droit et de fait l'ayant conduite à ne pas mettre en œuvre la procédure  de sélection préalable (…) ».

III. Existe-t-il une obligation de sélection préalable du domaine privé ?

Aucune obligation de sélection n'a été posée par le CG3P concernant l’occupation du domaine privé à des fins économiques. Pour autant, le droit européen ne distingue pas domaine public et privé. Il n’existe donc pas, a priori, de motif valable pour refuser le principe de mise en concurrence du domaine privé (voir la réponse ministérielle du 29 janvier 2019 [3] précisant que les principes d’impartialité, de transparence et d’égalité de traitement s’appliquent).

Dans un arrêt du 2 novembre 2021 [4], la cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que la conclusion d’un BEA sur le domaine privé n’était pas soumise à la sélection et que les dispositions de l’article 12 de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4 ne s’appliquaient pas.

Il existe néanmoins un réel besoin de clarification comme le montre le jugement du tribunal judiciaire du Mans du 19 août 2021 [5]. Tout en admettant la requalification en bail commercial d’une convention d’occupation précaire conclue sur le domaine privé de l’État, le juge refuse le droit au renouvellement sur le fondement de l’article 12 de la Directive « Services » du 12 décembre 2006.

Cette décision est citée dans une réponse ministérielle [6] précisant : « qu’en l'absence d'autre jurisprudence, il paraît difficile d'exclure, par principe, l'ensemble des baux commerciaux et ruraux (...) du champ d'application de ces règles. Toutefois (...) les biens du domaine privé (...) ne devraient pas remplir systématiquement l'ensemble des conditions conduisant à prohiber leur prorogation automatique ».

Propos conclusifs

Dans son Rapport de 1995, « La transparence et le secret », le Conseil d’État avait indiqué qu’:

« À trop donner à voir, on ne montre plus rien ». 

Ainsi, la sélection préalable ne devrait pas être généralisée à toutes les occupations des domaines public comme privé et l’ordonnance du 19 avril 2017 a sans doute trouvé un juste équilibre en matière de transparence.

Pour autant, seules les pratiques des gestionnaires et leurs appréciations à venir par le juge administratif pourront permettre de parfaire progressivement ce régime.

 

[1] CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14, Promoimpresa N° Lexbase : A2158RX9

[2] Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018, relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 N° Lexbase : L8126LIS.

[3] QE n° 12868 de M. Jean-Luc Fugit, JOANQ, 2 octobre 2018, réponse publ. 29 janvier 2019 p. 861, 15ème législature N° Lexbase : L2300LPU.

[4] CAA Bordeaux, 3ème ch., 2 novembre 2021, n° 19BX03590 N° Lexbase : A94037ZB.

[5] TJ Mans, 19 août 2021, n° RG 20/00813 N° Lexbase : A37847HM.

[6] QE n° 41751 de M. Jean-Paul Mattei, JOANQ, 12 octobre 2021, réponse publ. 5 avril 2022, p. 2257, 15ème législature N° Lexbase : L2953ME4.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Définitions des notions de domaine public maritime naturel et de domaine public portuaire et des différents types de contrat d’occupation

Lecture: 24 min

N4761BZD

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par Samuel Deliancourt, Premier conseiller, Rapporteur public CAA Lyon, Professeur associé, Faculté de droit, Université Jean-Monnet de Saint-Étienne

Le 22 Mars 2023

« Et toi dont le courroux veut engloutir la terre,

Mer terrible, en ton lit quelle main se resserre ?

Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts,

La rage de tes flots expire sur tes bords ».

Louis Racine, La Religion, Chant. I

Le littoral [1] comme les plages ne font l’objet, en réalité, que d’un engouement récent, que l’on peut dater de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, ainsi que l’ont démontré de nombreux auteurs, dont Alain Corbin dans son ouvrage de référence qu’est Le territoire du vide [2]. La mer et ses dépendances n’étaient intéressantes que d’un point de vue militaire avec l’ordonnance de Colbert d’août 1681 ainsi que pour les ressources procurées par la pêche. Elles inspiraient sinon et au contraire la peur et la répulsion depuis les époques bibliques avec une représentation collective défavorable et négative. Les mentalités ont sensiblement puis rapidement évolué d’abord pour des raisons sanitaires dans les années 1840 associées au développement du tourisme avec en particulier le développement des congés payés, initialement et principalement à Dieppe et à Boulogne-sur-Mer qui disposaient d’établissements de bains. On pense ici à la décision « Prade » de 1936 du Conseil d’État dans laquelle la Haute Assemblée reconnaît aux bains de mer la qualité de service public [3].

I. Le domaine public maritime naturel

L’existence même d’un domaine public maritime naturel est remise en cause [4]. La question de l’appartenance au domaine public et donc de la propriété de l’État est affirmée par le législateur, mais sans considérations autres qu’historiques, là où le droit de propriété affirmé peut se confondre avec un droit de police [5]. Le législateur a, ce faisant, mis en place un système, non pas d’expropriation, car dans ce cas et même en cas d’expropriation de fait le propriétaire privé de son droit peut prétendre à indemnisation, mais de dépossession, et donc « une perte absolue » [6], puisque le transfert juridique est définitif, même si l’eau se retire par la suite [7]. Il en va ainsi tant du terrain d’assiette recouvert, que des constructions édifiées par le jeu de la théorie de l’accession [8].

A. L’appartenance affirmée du DPMN à l’État

Aussi, et en dépit de toute manifestation quelconque de volonté, tout ce qui est recouvert par le plus haut flot appartient à l’État, ainsi que l’affirme l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L0402H4N. Et le Conseil constitutionnel de poursuivre cette construction juridique : « en prévoyant que cette limite est fixée en fonction de tout ce que la mer “couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles”, le législateur a confirmé un critère physique objectif indépendant de la volonté de la puissance publique » [9]. Il s’agit en réalité d’un fait juridique, c’est-à-dire un fait auquel les pouvoirs publics confèrent des effets de droit, la « soi-disant évidence de la nature » pour reprendre les propos du Professeur Foulquier [10].

Ce droit de propriété « automatique » n’est assorti d’aucune contrepartie, ni d’une quelconque indemnisation des propriétaires dépossédés ainsi « naturellement » ni d’obligation de protection des propriétés riveraines. D’autre part, l’augmentation du niveau de l’eau a des incidences sur la propriété de l’État dès lors que tout ce qui est recouvert par les plus hauts flots est intégré dans le domaine public maritime naturel qui lui appartient. Ce recul du trait au cote du détriment des terres entraîne des effets considérables pour les propriétés privées riveraines. On peut toutefois s’interroger sur une certaine rupture d’égalité entre les propriétaires riverains dès lors que les soixante-quinze propriétaires de l’immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer évacués ont été indemnisés [11] par l’État à hauteur de 70 % de la valeur vénale, déterminée abstraction faite du risque d’effondrement du bien concerné [12], soit 7 millions d’euros au total. D’autre part, ni l’État ni aucune autre collectivité publique n’ont l’obligation de protéger les propriétés privées contre l’action des flots. On trouve cette origine à l’article 33 de la loi du 16 septembre 1807, relative au dessèchement des marais [en ligne], toujours en vigueur : « Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières ou torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux ; sauf le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics ». Aussi, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires les y contraignant, les communes comme l’État n’ont pas l’obligation d’assurer la protection des propriétés privées contre les atteintes de la mer [13], ainsi que l’a par exemple rappelé le Conseil d’État dans un arrêt d’Assemblée du 17 mai 1946, ministre des Travaux publics c/ Commune de Vieux-Boucau, ajoutant que l’État n’intervient que par l’allocation de subventions dans les cas où il le juge opportun [14]. Il ressort au contraire des articles 33 et 34 de la loi du 16 septembre 1807 que cette protection incombe aux seuls propriétaires intéressés [15].

B. L’absence de critère de définition du DPMN 

Contre toute attente, le DPMN n’est nullement défini : seule existe une énumération à l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L0402H4N des éléments. Cette méthode énumérative est négativement critiquée par la doctrine, notamment parce que la propriété étatique est affirmée et le critère de l’affectation non rempli [16]. Que recouvre ce domaine spécial dit « naturel » ? Les anciens vocables ont été conservés : le rivage est défini par l’article L. 2111-4 qui précise qu’il « est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ». Sont également inclus les étangs salés en communication directe avec la mer [17]. Le DPMN est également composé vers le large du sol et du sous-sol de la mer territoriale [18]. Les lais [19] et relais [20] relèvent du domaine public depuis la loi du 28 novembre 1963 pour ceux constitués postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi [21]. Pour ceux constitués avant, qui relevaient du domaine privé de l’État, ils devaient faire l’objet d’une procédure d’incorporation. Depuis le code, tous les lais et relais relèvent du domaine public.

Et les plages ? Il ne s’agit aucunement d’une notion domaniale et elles ne sont d’ailleurs nullement définies dans le Code général de la propriété des personnes publiques [22], qui pourtant en fait mention. Le Code de l’environnement [23] y fait rapidement référence en son article L. 321-9 N° Lexbase : L6113HIA, dans une section consacrée à l’« Accès au rivage » s’agissant de la liberté d’accès des piétons aux plages. Cette notion recoupe, pour faire simple et rapide, l’estran [24], qui est la zone du rivage soumise aux mouvements des marées et les lais et relais de la mer. À l’instar du littoral, elle est une notion de géographe. Cette qualification est parfois peu évidente juridiquement, car toutes les plages n’appartiennent pas à l’État. Certaines ne relèvent en effet pas du DMPN, mais du domaine public « général », ainsi qu’a eu l’occasion de juger le Conseil d’État dans la décision Gozzoli de 1975 : « Considérant que la parcelle dont s’agit ne fait pas partie du domaine public maritime, mais qu’il résulte de l’instruction que la partie de la plage ou elle est située est affectée à l’usage du public et fait l’objet d’un entretien dans des conditions telles qu’elle doit être regardée comme bénéficiant d’un aménagement spécial à cet effet ; que, dès lors, cette parcelle fait partie du domaine public communal » [25]. La qualification est importante, la délimitation étant sans incidence, notamment, par exemple, pour déterminer l’autorité compétente pour délivrer les autorisations et percevoir les redevances, mais également pour les occupants et la constitution d’un fonds de commerce si la plage occupée ne relève pas du DPMN.

C. Les différentes occupations et utilisations du domaine public maritime

Le DPMN, artificiel comme naturel, peut être utilisé. En premier lieu, il peut être exploité. L’utilisation a alors trait à toutes les ressources susceptibles de s’y trouver et de leur exploitation. Une autorisation est nécessaire pour exploiter les cultures maritimes et celle-ci vaut autorisation d’occupation domaniale [26]. En second lieu, concernant son occupation [27], l’État peut concéder et par suite louer des plages naturelles depuis l’article 2 de la loi de finances du 20 décembre 1872 votée pour mettre fin aux jurisprudences en sens contraire [28]. Les concessions et sous-concessions [29] sont relatives, non pas au DPMN, mais aux plages [30]. Actuellement, l’article R. 2124-16 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L2829KWP énonce : « Seuls sont permis sur une plage les équipements et installations démontables ou transportables ne présentant aucun élément de nature à les ancrer durablement au sol et dont l’importance et le coût sont compatibles avec la vocation du domaine et sa durée d’occupation ».

Ainsi qu’il a été dit plus avant, la plage n’est pas définie dans le Code général de la propriété des personnes publiques [31]. Elle recoupe, pour faire simple l’estran [32], qui est la zone du rivage soumise aux mouvements des marées et les lais et relais de la mer. Le Code de l’environnement précise en son article L. 321-9, alinéa 2 N° Lexbase : L6113HIA que : « L’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages au même titre que leur affectation aux activités de pêche et de cultures marines » [33]. C’est d’ailleurs cette affectation qui impose aux concessionnaires, en théorie, car la pratique diffère sensiblement [34], de laisser libre une bande de passage [35] afin que le public puisse y accéder et les utiliser [36]. Le code prévoit « qu’un minimum de 80 % de la longueur du rivage, par plage, et de 80 % de la surface de la plage, dans les limites communales, doit rester libre de tout équipement et installation. Dans le cas d’une plage artificielle, ces limites ne peuvent être inférieures à 50 %. La surface à prendre en compte est la surface à mi-marée ». Les autorisations sont délivrées par le préfet, l’État étant propriétaire [37], à condition d’être compatibles avec l’affectation au public. Ces titres sont des autorisations unilatérales ou contractuelles, sans possibilité lorsqu’il s’agit de commerçant de constituer des fonds de commerce. En effet, la loi « Pinel » [38] qui permet la constitution, après son entrée en vigueur [39], de fonds de commerce sous réserve de l’existence d’une clientèle propre[40] a expressément exclu de cette possibilité les dépendances du domaine public naturel [41]. D’où l’intérêt de la qualification juridique exacte de la dépendance concernée.

Quant aux occupations et utilisations sans titre du DPMN, elles doivent donner lieu à versement d’une indemnité s’agissant d’une faute, d’une procédure d’expulsion, soit au fond, soit en référé [42], et/ou à l’engagement d’une procédure de CGV à l’initiative du préfet. En effet, « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende » [43]. Une politique en ce sens a été mise en place depuis une dizaine d’années[44] et on pense ici à quelques démolitions d’office médiatisées sur le littoral méditerranéen [45].

II. Le domaine public maritime portuaire

Parmi les dépendances du domaine public maritime artificiel se trouve le domaine public portuaire [46], également appelé domaine public maritime portuaire [47]. Rappelons d’ailleurs que les ports sont à l’origine des deux critères actuels du domaine public puisque l’affirmation du droit de propriété sur le domaine public concernant l’a été par le Conseil d’État à propos d’extractions dans le port d’Oran [48] et que le critère de l’affectation au service public concernait également un port, non maritime, celui de Bonneuil-sur-Marne [49].

A. La notion non définie de ports maritimes

Les ports maritimes ne sont pas définis par les textes, le Code des transports en faisant seulement état pour déterminer leur régime [50]. L’expression de « domaine public portuaire » ne figure d’ailleurs pas dans le Code général de la propriété des personnes publiques, bien qu’employée par la jurisprudence administrative [51] ainsi que dans le fichage des nombreux arrêts du Conseil d’État publiés ou mentionnés au recueil Lebon. Ce domaine public spécial est défini par l’article L. 2111-6 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L2750IN8 : « Le domaine public maritime artificiel est constitué : 1° Des ouvrages ou installations appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 1, qui sont destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime ; 2° À l’intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transversale de la mer, appartenant à l’une des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 et concourant au fonctionnement d’ensemble des ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d’eau lorsqu’ils sont individualisables ». La délimitation n’est pas obligatoire [52] et, lorsqu’elle a été réalisée, elle permet le transfert à la collectivité concernée [53].

Il s’avère parfois difficile de déterminer dans les ports ce qui relève de la propriété publique et de la propriété privée [54]. L’un des arrêts fondateurs de la définition du domaine public, l’arrêt du 19 octobre 1956, Société Le Béton, concernait le port de Bonneuil-sur-Marne à propos duquel le Conseil d’État a considéré que « la partie des terrains que groupe le port “industriel” constitue l’un des éléments de l’organisation d’ensemble que forme le port […] ; qu’elle est, dès lors, au même titre que les autres parties de ce port, affectée à l’objet d’utilité générale qui a déterminé la concession à l’Office national de la navigation de la totalité de ces terrains et en raison duquel ceux-ci se sont trouvés incorporés, du fait de cette concession, dans le domaine public […] ». Aussi, chaque parcelle constituant l’un des éléments de l’organisation d’ensemble que forme le port fait partie du domaine public [55], l’aménagement spécial consistant ici dans la seule répartition spatiale.

Les ports maritimes n’obéissent pas au même régime juridique selon leur nature, laquelle dépend de leur activité principale [56] : ports maritimes de plaisance [57], de pêche et/ou de commerce [58]. Pour simplifier, les régions sont compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce, les départements pour les ports maritimes de pêche et les communes ou, le cas échéant, les communautés de communes, les communautés urbaines, les métropoles ou les communautés d’agglomération pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes dont l’activité principale [59] est la plaisance. Elles sont également compétentes pour aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche qui leur sont transférés.

Le service public d’amarrage est qualifié d’administratif (SPA) dans les ports de pêche : « La gestion de l’amarrage des navires dans un port de pêche constitue une mission de service public administratif, de sorte qu’une action en responsabilité au titre de cette activité ne relève pas de la compétence de la juridiction judiciaire »[60]. Nulle difficulté par suite pour déterminer l’ordre de juridiction compétent en cas de litige. En revanche, l’exploitation des ports de plaisance par les communes[61] constitue une mission de service public de nature industrielle et commerciale[62] (SPIC). Il s’ensuit qu’en cas de litiges avec les usagers, la juridiction judiciaire sera seule compétente pour en connaître. Ce qui pose difficulté, en pratique, est le critère de l’affectation à un service public, dès lors qu’un bien affecté à un service public, qu’il s’agisse d’un SPA comme d’un SPIC[63], relèvera du domaine public, mais que la relation avec un usager lorsqu’est concerné un SPIC présente un caractère contractuel qui justifiera la compétence de la juridiction judiciaire dans la lignée de la décision Établissements Companon-Rey[64]. La question de la compétence juridictionnelle revient ainsi très régulièrement dans le cadre de litiges en responsabilités selon la nature administrative ou industrielle et commerciale du service public. La gestion d’une zone de mouillage n’étant pas un SPIC, un dommage relèvera de la compétence de la juridiction administrative [65]. Pour les ports de plaisance, si la victime est un tiers, le juge administratif sera compétent, mais pas s’il a la qualité d’usager en raison de la relation contractuelle de droit privé le liant avec l’autorité gestionnaire du port. Dans la lignée du Tribunal des conflits [66], le juge administratif [67] comme judiciaire [68] appliquent parfois le critère de la détachabilité du service public pour déterminer la compétence juridictionnelle. La juridiction administrative est compétente par détermination de la loi lorsqu’est en cause le stationnement d’un bateau ou encore en cas de faute de la part de la commune concessionnaire si celle-ci est constitutive d’un dommage de travail public ou lié à un ouvrage public [69].

B. Les différents types de conventions conclues dans les ports 

1) L’autorisation de stationnement sur le plan d’eau

Ces autorisations privatives de postes à quais ou encore « amarrage » constituent une occupation du domaine public qui relève de l’autorité portuaire [70]. Il s’agit concrètement des anneaux de port pour lesquels les temps d’attente sont véritablement longs [71]. Pour les navires de plaisance, la durée ne peut excéder une année renouvelable [72]. Il s’agit d’éviter le phénomène de « navires-ventouse ». Pour les entreprises exerçant des activités de commerce et de réparation nautiques ou à des associations sportives et de loisirs, la durée est portée à cinq ans. Les usagers des postes à flots ne sont pas dans la même situation que ceux à sec, ce qui justifie une différence de traitement [73].

2) Le stationnement à sec sur le domaine public portuaire

Le stationnement à terre, c’est-à-dire sur l’espace portuaire, ou « à sec », pour réparations ou hivernage, constitue une forme d’occupation superficielle du domaine public portuaire : « le stationnement et le stockage à terre du navire constituaient une occupation du domaine public » [74]. Aussi, tout litige relatif à la redevance à verser pour stationnement d’un navire en zone publique de carénage du port ressort de la compétence des juridictions administratives [75], les juridictions judiciaires étant incompétentes pour connaître des litiges susceptibles d’en résulter [76].

3) Les contrats d’amodiation et garanties d’amarrage

Le système d’amodiation dans les ports de plaisance destinés à financer par des particuliers des équipements et ouvrages publics, sorte de « financement privé participatif public », a été créé par la circulaire n° 69, du 29 décembre 1965, relative aux modalités d’instruction des dossiers de création des ports de plaisance, au financement des opérations et à l’exploitation de ces ports. Il s’agit d’un financement privé d’ouvrages portuaires en contrepartie d’un poste à quai et donc de permettre le financement des marinas en soutien du développement de la navigation de plaisance dans ces mêmes années. La Cour de cassation a considéré qu’un contrat d’amodiation était un contrat d’occupation du domaine public [77]. Ce procédé a été remplacé en 1981 par la constitution de garantie d’usage des postes d’amarrage [78], à propos duquel se pose la question de sa nature, vraisemblablement duale [79]. Selon l’article R. 5314-31 du Code des transports N° Lexbase : L3525I7P : « Il peut être accordé des garanties d’usage de postes d’amarrage ou de mouillage pour une durée maximale de trente-cinq ans, en contrepartie d’une participation au financement d’ouvrages portuaires nouveaux constituant une dépendance du domaine public de l’État. Le contrat accordant la garantie d’usage mentionnée ci-dessus doit prévoir que le droit attaché à cette garantie ne peut faire l’objet d’une location que par l’entremise du gestionnaire du port ou avec son accord » [80]. Subsistent encore quelques litiges [81] concernant ces contrats conclus le plus souvent pour plusieurs dizaines d’années dans les années 1950-1960. 

4) Les concessions d’outillage

Les concessions d’outillage (levage, grues, lavage, etc.) sont destinées à permettre les travaux de réparation et sont des services publics de nature industrielle et commerciale [82] qui nécessitent l’occupation du domaine public portuaire. Elles peuvent se doubler d’une délégation de service public [83] selon l’objet principal du contrat. On distingue ainsi l’outillage public [84], c’est-à-dire mis à disposition du public, ce qui n’est pas le cas d’un appontement [85] puisqu’il faut différencier les ouvrages du port de l’outillage public [86], et les outillages privés, mis en place par une entreprise et nécessaires à ses propres besoins, mais assortis d’obligations de service public [87]. Les juridictions judiciaires sont compétentes pour connaître des litiges avec les usagers [88] et le juge administratif des litiges avec des tiers [89].

C. La perception des droits de ports et redevances 

1) Les droits de port

Un droit de port peut être perçu dans les ports maritimes à raison des opérations commerciales ou des séjours des navires et de leurs équipages qui y sont effectués [90]. Il a pour fait générateur le séjour ou le déchargement de marchandises dans un port maritime, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’appontement utilisé est public ou privé, et doit être distingué des redevances pour l’usage des outillages publics concédés [91]. Ces droits de port constituent une redevance pour service rendu ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel [92] dans sa décision n° 76-92 L, du 6 octobre 1976 N° Lexbase : A7944AC9. Par suite, ils ne peuvent être réclamés qu’en vue de couvrir les charges de ce service sous réserve d’une équivalence entre la somme réclamée et les prestations fournies [93], critère assoupli cependant dès lors que le montant peut prendre en compte les « avantages de toute nature qu’en retirent » les bénéficiaires de la prestation [94]. Pour les navires de commerce, ces droits de port comprennent une redevance sur le navire, une redevance de stationnement, une redevance sur les marchandises, une redevance sur les passagers ainsi qu’une redevance sur les déchets des navires. Pour les navires de pêche et de plaisance, il comprend une redevance d’équipement des ports de pêche, une redevance sur les déchets ainsi qu’une redevance au titre du stationnement, rendant encore plus poreuse, voire artificielle, la distinction [95] entre redevances pour services rendus et pour occupation domaniale. En réalité, « Les droits de port […] ont […] le caractère de redevance pour service rendu ; mais ils présentent un caractère composite et couvrent à la fois l’occupation du domaine et l’utilisation de l’ouvrage ou du service portuaire » [96].

Les juridictions judiciaires sont compétentes [97] pour connaître du contentieux des droits de ports [98] perçus à raison des opérations commerciales ou des séjours des navires qui y sont effectués [99]. Le juge administratif recouvre toutefois sa compétence lorsque c’est la délibération adoptant lesdits tarifs qui est contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. Par exemple, saisi de la contestation de la délibération de la ville de Marseille adoptant les tarifs des ports de plaisance de Marseille [100], le Conseil d’État a précisé que « pour être légalement établis, les tarifs des redevances des ports de plaisance doivent correspondre aux avantages que les usagers retirent de leurs équipements ; que si, pour la détermination de ces tarifs, l’autorité gestionnaire de ces ports peut tenir compte des  dépenses de grosses réparations des ouvrages et est en droit de financer de telles dépenses, selon une proportion qu’elle détermine, par des  redevances, et non par des emprunts, elle ne peut légalement mettre à la  charge des usagers les dépenses correspondant à une extension de la capacité des ouvrages existants, que si les usagers actuels sont susceptibles d’en tirer un avantage » [101]. La Cour d’appel phocéenne a récemment jugé en ce sens qu’« Une redevance pour service rendu doit, quant à elle, essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service et que le respect de cette équivalence peut être assuré, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de celui‑ci pour son bénéficiaire » [102].

2) Les redevances pour occupation du domaine public portuaire

Le titulaire de l’autorisation doit en contrepartie acquitter une redevance pour occupation du domaine public dont le contentieux relèvera de la seule compétence de la juridiction administrative par détermination de la loi [103]. Cette redevance d’occupation, qui fait partie des différentes recettes des ports [104], doit refléter les avantages de toute nature procurés par l’occupation [105]. Elle constitue la contrepartie, non pas de l’occupation, mais du droit à occupation [106], lequel est matérialisé par la délivrance préalable d’un titre unilatéral ou contractuel. Aussi, peu importe son utilisation effective ou non. Elle peut également comporter sans qu’elle soit considérée comme présentant un caractère mixte une redevance portant sur un service rendu [107]. Différentes contestations ont été initiées par des associations d’usagers ou des usagers s’agissant tant des critères que du prix unitaire appliqué [108]. Ce peut être en fonction de la surface occupée et donc la longueur et taille des bateaux [109] et/ou de la nature de l’activité, commerciale ou non, exercée, ou même du style s’il s’agit de bateaux anciens. La cour administrative d’appel de Marseille a jugé légale une augmentation annuelle de 200 euros pour les bateaux amarrés : « Pour le port à flot l’augmentation est fondée sur la rareté relative, compte tenu de la demande, des emplacements pour les bateaux de plus petite taille » [110]


[1] Sur les politiques mises en place ou non, voir A. Merckelbagh, Et si le littoral allait jusqu’à la mer ! La politique du littoral sous la Ve République, Éditions Quae, 2009, 351 p.

[2] A. Corbin, Le territoire du vide - L’Occident et le désir de rivage, Flammarion, 2018, 416 p.

[3] CE, 18 décembre 1936, Prade, rec. p. 1124 : « la convention […] tend à organiser l’exploitation de la plage dans l’intérêt du développement de la station ; que cette organisation présente […] le caractère d’un service public […] ». V. également CE, 23 mai 1958, Amoudruz, rec. p. 301 ; CE, 4 octobre 1961, Verneuil, rec. p. 533.

[4] V. C. Lavialle, Existe-t-il un domaine public naturel ?, CJEG 1987, p. 627 ; E. Fatôme, Bref regard sur le domaine public naturel après le Code général de la propriété des personnes publiques, AJDA, 2009, p. 2326.

[5] V. P. Bailliere, Du domaine public de l’État à Rome, dans l’ancien droit français et sous le régime du Code civil, LGDJ, 1882, p. 22 et s.

[6] F. Beignon, La notion de domaine public maritime naturel – Recherches sur le caractère exorbitant du droit domanial, thèse, Université de Nantes, 1998, ANRT, p. 84.

[7] Pour la jurisprudence antérieure admettant que le riverain puisse recouvrer sa propriété en faisant valoir ses droits « au cas où les lieux reviendraient naturellement ou à la suite de travaux régulièrement autorisés à l’état où ils se trouvaient avant », v. CE, 16 janvier 1935, Société des anciens établissements Courbet, rec. p. 63.

[8] Par exemple, CE, 20 mai 1927, Fabre, rec. p. 581.

[9] Cons. const., décision n° 2013-316 QPC, du 24 mai 2013, SCI Pascal et autre N° Lexbase : A8146KD3. V. également R. Radiguet, Érosion côtière et domanialité publique : quand nature fait loi, RJE, 2019, n° 44, p. 31.

[10] N. Foulquier, Le domaine public maritime naturel : la soi-disant évidence de la nature, AJDA, 2013, p. 2260.

[11] À propos de la contestation du refus de mettre en œuvre la procédure d’expropriation pour risques naturels, le Conseil d’Etat ayant eu l’occasion de juger à propos de cet immeuble « qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement, éclairées notamment par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement et de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dont elles sont issues, que le législateur n’a pas entendu étendre le régime d’expropriation qu’elles instituent aux risques liés à l’érosion côtière, lesquels ne sont assimilables ni aux risques de submersion marine, ni, par eux-mêmes, aux risques de mouvements de terrain, mentionnés dans cet article », CE, 5e-6e ch. réunies, 17 janvier 2018, n° 398671, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5266XAB, AJDA, 2018, p. 1109, note R. Radiguet.

[12] Loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L7971LXI, art. 64. V. le protocole conclu le 6 novembre 2020 indemnisant soixante-quinze propriétaires pour un montant total de 7 millions d’euros.

[13] Par exemple, CE, 13 février 1934, Sieur de Saint-Martin Lacaze, rec. p. 203.

[14] Rec. p. 135.

[15] Par exemple, CE, 13 février 1934, Sieur de Saint-Martin Lacaze, préc.

[16] Par exemple Ph. Yolka, Droit des biens publics, op. cit., p. 53.

[17] Pour un exemple de litige récent, voir CAA Bordeaux, 1re, 22 octobre 2020, n° 18BX01379 N° Lexbase : A88913YX, Le Droit maritime français, 2021, note N. Sudres, JCP éd. A, 2021, n° 2014, obs. S. Deliancourt, à propos de la plage blanche du lac d’Hossegor. La Cour juge que « le domaine public maritime ne s’étend pas à l’estran éventuellement constaté sur les rives des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer ». Par suite, la commune est compétente pour délivrer les autorisations d’occupation sur cette dépendance du domaine public communal et non pas maritime naturel.

[18] De 3 (portée de canon) à 12 miles marins (1.852), soit 22 km depuis le décret n° 72-612, du 27 juin 1972, portant modification des articles 1er et 7 du décret du 17 juin 1966, relatif au domaine public maritime (peu après l’épisode de la micronation de l’île artificielle des Roses du 1er mai au 24 juillet 1968 en mer Adriatique).

[19] Alluvions déposées par la mer.

[20] Terrains qui ne sont plus recouverts par la mer.

[21] Loi n° 63-1178, du 28 novembre 1963, relative au domaine public maritime [en ligne]. Pour des exemples de litiges, voir CAA Marseille, 6e ch., 19 décembre 2005, n° 02MA01902 N° Lexbase : A6666DN9 ; CAA Marseille, 7e ch., 29 octobre 2021, n° 19MA05501 N° Lexbase : A39597BA.

[22] V. J.-J. Pardini, La plage « saisie » par les règles de la domanialité publique : protection ou surprotection ?, RJE, 2014/3, n° 39, p. 417.

[23] Disposition issue d’une législation intervenue en droit de l’urbanisme, et non pas en matière domaniale, à savoir la loi n° 86-2, du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9. V. R. Hostiou, La loi « Littoral » et le domaine public maritime naturel, RFDA, 1986, p. 725.

[24] Appelée également « zone interdidale » ou « zone de marnage », laquelle correspond à l’espace entre la marée haute et la marée basse. V. encore « laisse de basse mer » et la « laisse de haute mer ».

[25] CE, Sect., 30 mai 1975, n° 83245, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0762B94, Rec. p. 325 (à propos de l’expulsion de l’établissement Les Flots Bleus situé sur un lais sur la plage de Bonnegrâce à Six-Fours-les-Plages. Ce lais existait avant 1963, mais n’avait pas été incorporé dans le domaine public maritime). Selon les conclusions du commissaire du Gouvernement, « Nous pensons, Messieurs en conséquence, qu’un bien affecté à l'usage du public peut être incorporé au domaine public d'une collectivité […] si, par sa nature même, il répond sans le secours d'aucun aménagement, aux besoins qu'il a pour mission de satisfaire./ Il est aisé, si vous admettez notre raisonnement, d’en faire application au pas d'espèce. Le lais de mer sur lequel est implanté l'établissement de la dame Gozzoli est laissé à la disposition du public usager. Compte tenu de l'exiguïté du domaine public maritime, ce lais de mer constitue l'essentiel de la plage de Bonnegrâce. Par sa nature même, il est adapté à l'usage auquel il est affecté, sans qu'il soit besoin de rechercher s'il a fait l'objet d'un aménagement spécial, qui n'est pas nécessaire à l'accueil des publics et qui ne serait d'ailleurs avoir pour effet que de restreindre le libre accès à la mer qui constitue précisément le besoin public auquel une plage doit répondre ».

[26] CGPPP, art. L. 2124-29 et s. N° Lexbase : L4558IQU et R. 2124-61 et s. N° Lexbase : L3118IRW.

[27] P.-M. Juret, De quelques utilisations du domaine public maritime naturel, Revue administrative, 1960, p. 491.

[28] CE, 19 mai 1858, Verne, rec. p. 399 (à propos de la contestation d’un arrêté du maire de la commune de Trouville imposant à tout baigneur l’obligation d’acquitter aux taxe au profit de l’établissement de bains contrairement aux stipulations du bail consenti par l’État à ladite commune) ; CE, 30 avril 1863, ville de Boulogne, rec. P. 405, concl. Robert, D., 1863, III, p. 64 : « Le rivage de la mer fait partie du domaine public, et que tout le monde a le droit d’y accéder librement ; qu’en conséquence, notre min. des Fin. a excédé la limite de ses pouvoirs, en accordant à la ville de Boulogne un droit exclusif dont elle pût se prévaloir, pour empêcher tout particulier, et notamment le sieur Bourgois, d’accéder librement à la mer pour y prendre ou y donner des bains, avec des voitures circulant sur la plage, conformément aux usages établis à Boulogne ».

[29] CE, 21 juin 2000, SARL Plage « Chez Joseph » et Fédération nationale des plages restaurants, rec. p. 282,  RFDA, 2000, p. 797, concl. C. Bergeal ; BJCP, 2000, n° 12, p. 355, concl. C. Bergeal ; Dr. adm., 2000, comm. 248, obs. S. Braconnier : « le sous-traité d'exploitation, s'il porte autorisation d'occupation du domaine public par le sous-traitant et présente ainsi le caractère d'une concession domaniale, tend également à organiser l'exploitation de la plage, dans l'intérêt du développement de la station balnéaire ; que le concessionnaire chargé de l'équipement, de l'entretien et de l'exploitation de la plage, doit également veiller à la salubrité de la baignade et au respect des mesures destinées à assurer la sécurité des usagers dans les conditions prévues par le sous-traité, sous le contrôle de la commune et sans préjudice des pouvoirs qui appartiennent à l'autorité de police municipale ».

[30] Décret n° 2006-608, du 26 mai 2006, relatif aux concessions de plage N° Lexbase : L8540HI7. V. N. Charrel et L. Bonnieu, Les concessions de plages face à deux écueils, CP-ACCP, novembre 2006, p. 51 ; E. Delacour, Nouveau régime pour les concessions de plage, commentaire du décret n° 2006-608 du 26 mai 2006, Contrats-Marchés publics, 2006, comm. n° 200 ; F. Linditch, Droit du sable ou droit au sable ? À propos du décret relatif aux concessions de plage, JCP ed. A, 2006, 1145 ; L. Bordereaux, L'encadrement juridique de l'économie de la plage, Dr. env., 2006, n° 140, p. 208 ; C. Bernard-Guillaumont et O. Guillaumont, Le nouveau régime des concessions et sous-concessions de plages, Contrats-Marchés publics, 2006, étude 18.

[31] Voir J.-J. Pardini, La plage « saisie » par les règles de la domanialité publique : protection ou surprotection ?, RJE, 2014/3, n° 39, p. 417.

[32] Appelée également « zone intertidale » ou « zone de marnage », laquelle correspond à l’espace entre la marée haute et la marée basse. V. encore « laisse de basse mer » et la « laisse de haute mer ».

[33] Disposition issue d’une législation intervenue en droit de l’urbanisme, et non pas en matière domaniale, à savoir la loi n° 86-2, du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9. V. R. Hostiou, La loi « Littoral » et le domaine public maritime naturel, RFDA, 1986, p. 725.

[34] Sur la réalité de celle-ci, voir le rapport de mission relatif aux difficultés d’application du décret relatif aux concessions de plage établi par F. Wallhoff, Y.-M. Allain, J.-G. de Chalvron, Y. Goulam, janvier 2009 : « […] malgré la faible amplitude des marées en Méditerranée, les vagues peuvent s’étaler assez largement sur les plages en fonction de la houle, notamment l’après-midi. Cet étalement, conjugué à une tendance naturelle des matelas de plage à “glisser” vers l’eau au fil de la journée, aboutit au fait que “l’espace d'une largeur significative tout le long de la mer” permet à peine la libre circulation du public, circulation qui est d’ailleurs fortement découragée par la matérialisation des limites des lots de plage, sans même parler du libre usage qui relèverait de la provocation à certains endroits “privés” de la plage ».

[35] Selon CGPPP, art. L. 2124-4, II N° Lexbase : L3500IZN, tout contrat de concession doit déterminer la largeur de l’espace en tenant compte des caractéristiques des lieux. Cette bande de passage dépend de la configuration des lieux et de la largeur des plages, laquelle est plus ou moins importante selon les lieux et en général, c’est une bande de 3 à 5 mètres qui est constatée.

[36] L. Prieur, L’accès aux plages, RJE, 2012/5, p. 93.

[37] V. CGPPP, art. R. 2122-2 N° Lexbase : L2987IR3 et R. 2122-4 N° Lexbase : L2989IR7.

[38] V. loi n° 2014-626, du 18 juin 2014, relative à « l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises N° Lexbase : L4967I3D, art. 72.

[39] CE, 3e-8e s.-sect. réunies, 24 novembre 2014, n° 352402, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2574M44, rec. p. 350.

[40] CGPPP, art. R. 2124-13 et s. N° Lexbase : L3070IR7.

[41] CGPPP, art. L. 2124-35 N° Lexbase : L5019I3B. V. C. Chamard-Heim et Ph. Yolka, La reconnaissance du fonds de commerce sur le domaine public, AJDA, 2014, p. 1641.

[42] CJA, art. L. 521-3 N° Lexbase : L3059ALU.

[43] CGPPP, art. L. 2132-3 N° Lexbase : L4572IQE. Ces dispositions tendent à assurer, au moyen de l’action domaniale qu’elles instituent, la remise du domaine public maritime naturel dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection, notamment, d’ordonner à celui qui l’a édifié ou, à défaut, à la personne qui en a la garde, la démolition d’un ouvrage immobilier irrégulièrement implanté sur ce domaine. Dans le cas d’un tel ouvrage, le gardien est celui qui, en ayant la maîtrise effective, se comporte comme s’il en était le propriétaire : CE, 3e-8e ch. réunies, 31 mai 2022, n° 457886, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A61967Y7, rec. tables, p., Contrats-Marchés publics 2022, comm. n° 247, note C. Chamard-Heim ; AJDA, 2022, p. 1132, obs. E. Maupin ; Dr. voirie et domaine public, 2022, n° 227, p. 117, note Ch. Otero ; JCP éd. A, 2022, n° 2231, note Ph. Yolka ; JCP éd. A, 2022, 2256, comm. P. Levallois.

[44] Voir la circulaire du 20 janvier 2012 relative à la gestion durable et intégrée du domaine public maritime naturel [en ligne]. Dans son point 6 relatif à « La poursuite systématique des occupants sans titre », elle précise que : « Je vous demande d'identifier l'ensemble des occupations non autorisées sur le domaine public maritime naturel, afin, soit de les régulariser par la délivrance d'un titre d'occupation domanial lorsque cela est possible et souhaitable, soit de poursuivre les occupants sans titre. Cette activité de veille suppose une présence des agents des services de l’État sur le terrain. […]  Si la procédure amiable ne suffit pas à convaincre les contrevenants de libérer les lieux et de les remettre dans leur état initial, je vous demande, après une mise en demeure infructueuse visant à mettre fin à l'occupation sans titre du DPMN, de verbaliser systématiquement les occupations sans titre du DPMN. De même, vous verbaliserez systématiquement tout dépôt de déchets sur le domaine public maritime ».

[45] Pour l’exemple de « La Voile Rouge » sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle démolie le 7 décembre 2011, v. CE, 3e-8e s.-sect. réunies, 25 septembre 2013, n° 354677, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9649KLX, AJDA, 2014, p. 290, note S. Duroy, Dr. adm., 2013, comm. n° 81, note J.-F. Giacuzzo.

[46] Sur la recherche de la qualification et la distinction entre le rivage de la mer qui relève du DPMN et le domaine public portuaire, v. CE, Sect., 24 mai 1935, Thireaut, rec. p. 597, relevant que la rade où était mouillé le radeau ne relevait pas du rivage ni d’une dépendance du port et ne faisant dès lors pas partie du domaine public maritime, rendant illégale une contravention de grande voirie.

[47] Par exemple en matière d’exploitation des ressources naturelles, CGPPP, art. L. 2124-30 N° Lexbase : L4559IQW et R. 2124-63 N° Lexbase : L6419I7U. V. loi n° 86-2, du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9, anc. art. 29.

[48] CE, 17 janvier 1923, ministre des Travaux publics et gouverneur général de l’Algérie c/ Sieurs Piccioli, rec. p. 44, S., 1925, 2, p. 17, note M. Hauriou. V. H. Moysan, Le droit de propriété des personnes publiques, LGDJ, 2001 ; B. Schmaltz, Les personnes publiques propriétaires, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de Thèses, vol. 160, 2016.

[49] CE, Sect., 19 octobre 1956, Société Le Béton, rec. p. 375, D., 1956, J., p. 681, concl. M. Long.

[50] C. transp., art. L. 5311-1 et s. N° Lexbase : L5601L49.

[51] Par exemple, CE, 10e-3e s.-sect. réunies, 18 mars 1981, n° 10978, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7016AK3, rec. tables, p. 744-854-909-959 ; CE, 2e-6e s.-sect. réunies, 13 novembre 1985, n° 58718, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3652AM9, rec. tables, p. 772 ; CE, 2e-6e s.-sect. réunies, 15 juin 1987, n° 39250, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3350APR, rec. p. 216 ; CE, 2e-6e s.-sect. réunies, 12 octobre 1988, n° 67859, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7803APP, rec. p. 340 ; CAA Marseille, 13 novembre 2017, SARL Saint-Pierre, n° 16MA01150 ; CAA Marseille, 7e ch., 13 décembre 2019, n° 19MA01171 N° Lexbase : A58827ZU.

[52] V. par exemple, CE, 6e-2e s.-sect. réunies, 4 décembre 1995, n° 124977, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6978ANR : « l’absence alléguée d'une délimitation du port au sens de l’article R. 151-1 du Code des ports maritimes est sans effet sur les conditions d'application de cette loi ».

[53] Cass. civ. 1, 13 avril 1999, n° 97-15.638, inédit N° Lexbase : A4952CS9.

[54] V. par exemple, s’agissant de la détermination du montant de la valeur locative des installations du port de plaisance de Port-Camargue, CE, 8e s.-sect., 20 décembre 2011, n° 301419, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8060H8Z, JCP éd. A, 2011, n° 2148, note S. Rougé, jugeant que « les quais ou ouvrages d’accostage de la partie privée du port de plaisance appartiennent aux propriétaires des marinas et que les enrochements et talus sur lesquels sont édifiées les marinas ne constituent pas un élément du domaine public maritime dont le coût de construction devrait être pris en compte pour l’appréciation de la valeur de construction du port servant de base au calcul de la valeur locative des installations portuaires ».  

[55] CE, 10é-7é s.-sect. réunies, 8 mars 1993, n° 119801, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8882AMW.

[56] Sur la compétence des collectivités territoriales et des EPCI, voir C. transp., art. L. 5314-1 et s. N° Lexbase : L7022INE.

[57] Voir G. Gueguen-Hallouet, La gestion des ports de plaisance - Entre l’intérêt général et le marché, Revue de droit des transports, 2009, étude n° 15.

[58] V. R. Rézenthel, L’évolution du régime juridique des ports maritimes français : de 1965 à nos jours, in Mélanges Godfrin, Les nouvelles orientations du droit de la propriété publique, Mare et Martin, 2014, p. 449.

[59] Les communes étaient compétentes pour les ports exclusivement affectés à la plaisance en vertu de l'article 6 de la loi n° 83-663, du 22 juillet 1983, complétant la loi n° 83-8, du 7 janvier 1983, relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l' État N° Lexbase : L5399HUI, modifié par l’article 104 de la loi n° 2002-276, du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité N° Lexbase : L0641A37 qui a remplacé les mots : « et qui sont affectés exclusivement à la plaisance » par « et dont l'activité dominante est la plaisance ».

[60] Cass. civ. 1, 2 février 2022, n° 20-21.617, FS-B N° Lexbase : A14027LI, AJDA, 2022, p. 1052, note J.-F. Lachaume (à propos de la rupture d’amarres lors d’un coup de vent ayant provoqué des abordages en chaîne entre plusieurs navires. Il était reproché à la CCI gestionnaire du port d’avoir commis des fautes en permettant à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste et en s'abstenant d'avoir pris les mesures de prévention nécessaires alors qu'un coup de vent était annoncé).

[61] Depuis le vote de loi n° 2002-276, du 26 février 2002, relative à la démocratie de proximité N° Lexbase : L0641A37, les communes sont compétentes pour créer, aménager et exploiter les ports dont l'activité dominante est la plaisance.

[62] CE, 5e-7e s.-sect. réunies, 14 mai 2003, n° 245628, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0408B7A, rec. tables, p. 920-924, JCP éd. A, 2003, p. 1677, Dr. adm., 2003, comm. n° 142, note G. L. C., Le Droit maritime Français, 2003, p. 689, note R. Rézenthel.

[63] CE Contentieux, 23 octobre 1998, n° 160246, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8307ASH, rec. p. 365 ; AJDA, 1998, II, p. 1017, concl. J. Arrighi de Casanova ; RFDA, 1999, p. 582, note C. Lavialle ; Dr. adm. 1999, chron. 4, note J. Dufau.

[64] CE, Sect., 13 octobre 1961, rec. p. 567.

[65] TA Martinique, 12 mai 2022, n° 2100490 N° Lexbase : A843178R : « Aucune disposition du Code du tourisme, du Code général des collectivités territoriales ou du Code général de la propriété́ des personnes publiques, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire ne confère aux zones de mouillages et d’équipements légers la qualification de service public à caractère industriel et commercial. Compte-tenu de l’objet de la zone de mouillages et d’équipements légers de Grande Anse, laquelle a notamment été mise en place pour protéger les fonds marins des destructions causées par les ancres des plaisanciers, […] être qualifiée de service public à caractère industriel et commercial […] » (à propos de la rupture de la bouée d’amarrage ayant pour origine un défaut d’entretien des ouvrages par le gestionnaire de la zone de mouillage).

[66] T. confl., 17 novembre 2014, Chambre de commerce et d’industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, n° 3965 N° Lexbase : A9525M38.

[67] Par exemple CAA Nantes, 4e ch., 10 juillet 2020, n° 19NT01157 N° Lexbase : A152373S, AJDA, 2021, p. 38, note Ph. Yolka, jugeant que « 2. Les litiges relatifs à la passation et à l'exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l'article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, de la compétence du juge administratif. Il en va de même des litiges nés des contrats conclus entre un délégataire de service public et un tiers et comportant occupation du domaine public. Cependant les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale ». À la différence du jugement entrepris, la Cour décline la compétence de la juridiction administrative pour connaître d’une action en responsabilité à la suite de l’incendie d’un voilier amarré dans un port de plaisance dès lors cette mise en cause se rattache à l'exécution par cette dernière de sa mission de SPIC au bénéfice de ses usagers. 

[68] Cass. civ. 1, 30 novembre 2016, n° 15-25.516, F-P+B N° Lexbase : A8325SNN, AJDA, 2017, p. 88, jugeant que si le dommage trouve son origine dans la rupture d’un corps-mort, le juge judicaire est compétent car ce litige a trait à un SPIC et est détachable de l’occupation domaniale.

[69] Pour des dommages aux bateaux survenus lors d’une tempête en raison des pontons où étaient amarrés les navires qui se sont décrochés des pieux qui étaient d’une hauteur insuffisante, voir CE, 10e-1re s.-sect. réunies, 19 juin 1992, n° 66925, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7161ARN, rec. tables, p., RDImm., 1992, p. 514, obs. F. Llorens et Ph. Terneyre.

[70] Selon l’article L. 5331-7 du Code des transports N° Lexbase : L5620L4W, « L'autorité portuaire exerce la police de l'exploitation du port, qui comprend notamment l'attribution des postes à quai et l'occupation des terre-pleins./ Elle exerce la police de la conservation du domaine public du port ».

[71] V. Ph. Yolka, Places dans les ports de plaisance : une si longue attente…, Droit de la voirie, 2019, n° 209, p. 77.

[72] C. transp., art. R. 5314-31 N° Lexbase : L3525I7P.

[73] Par exemple CAA Marseille, 7e ch., 4 février 2022, n° 20MA01157 N° Lexbase : A84697ZP, Contrats et Marchés publics, 2022, n° 121, note C. Chamard-Heim ; JCP éd. A, 2002, n° 2137, note C. Meurant (pourvoi en cours).

[74] Cass. civ. 1, 26 octobre 2011, n° 10-21.547, F-P+B+I N° Lexbase : A0628HZB.

[75] CAA Marseille, 6 novembre 2012, n° 10MA02488, Le Droit maritime français, concl. S. Deliancourt.

[76] Cass. civ. 1, 26 octobre 2011, n° 10-21.547, F-P+B+I N° Lexbase : A0628HZB, JCP éd. A, 2011, n° 2181, note O. Renard-Payen ; JCP éd. A, 2012, n° 2325, chron. C. Chamard-Heim (à propos des dommages occasionnés à navire calé sur un ber dans la zone de carénage déséquilibré par un coup de vent et a été endommagé). La Cour de cassation sanctionne la cour d’appel qui avait estimé que la convention conclue entre les parties et qui mentionne « forfait stationnement à terre – grutage entrée et grutage sortie – stockage à terre » portait sur des prestations de service, et non occupation de domaine public.

[77] Cass. civ. 1, 23 février 2012, n° 11-10.178, F-D N° Lexbase : A3271IDI.

[78] Voir la circulaire n° 81-22/2/5, du 19 mars 1981. Voir R. Rézenthel, La garantie d’usage des postes d’amarrage à la croisée du droit public et du droit privé, Le Droit Maritime Français, n° 832, 1er février 2021.

[79] Selon le Professeur F. Lombard, « selon nous la garantie d'usage n'est pas un titre domanial (même si le texte du code ne l'indique pas il l'implique) : elle n'est qu'une priorité d'accès accordée aux plaisanciers ayant contribué au financement de certains travaux qui doit être complétée par un véritable titre domanial (…) », in La place au port de plaisance et les contraintes du domaine public maritime, Le Droit maritime Français n° 845, 1er avril 2022. V. également F. Lombard, Les garanties d'usage dans les ports de plaisance, Le Droit maritime français, 2017, p. 1036 ; R. Rézenthel et G. Germani, La garantie d'usage des postes d'amarrage dans les ports de plaisance, Le Droit maritime français, 2008, p. 75) ; R. Rézenthel, La garantie d'usage des postes d'amarrage à la croisée du droit public et du droit privé, Le Droit maritime Français, 2021, p. 162.

[80] « Dans certains cas, ce qui compte c’est moins d’amarrer devant sa résidence un bateau (que l’on ne possède d’ailleurs plus ou pour lequel on n’a plus d’affinité) que d’éviter qu’un autre navire occupe ledit emplacement et que cela ne provoque, pour les résidents, lorsqu’il y a proximité immédiate du ou des logements, une promiscuité et des nuisances diverses. Et lorsque ce problème de proximité ne se pose pas, il n’est pas rare au contraire que le propriétaire d’une résidence n’ayant plus de navire et souhaitant réduire ses charges, sous-loue le poste avec (ou sans !) l’autorisation de l’autorité portuaire, voire le remette purement et simplement à sa disposition. Ou encore qu’un propriétaire vive dans son navire « ventouse », pour louer la résidence... », in J.-M. Hamon, J.-M. Pietri et F. Marendet, Fin des contrats d'amodiation dans les marinas des ports de plaisance, Rapport CGEDD/IGAM, novembre 2017, p. 14 [en ligne].

[81] V. par exemple CAA Marseille, 6e ch., 15 juin 2020, n° 18MA01339 N° Lexbase : A82063NA, JCP éd. A, 2020, n° 2252, note Ph. Yolka.

[82] T. confl., 3 juin 1996, CCI de Saint-Malo, n° 2988, rec. p. 540 (à propos du statut des agents du port). V. plus spécifiquement, T. confl., 17 novembre 2014, Chambre de commerce et d’industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, n° 3965 N° Lexbase : A9525M38 : « Considérant que les litiges relatifs à la passation et à l’exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, de la compétence du juge administratif ; qu’il en va de même des litiges nés des contrats conclus entre un délégataire de service public et un tiers et comportant occupation du domaine public ; que, cependant, les litiges entre le gestionnaire d’un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l’activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l’occupation domaniale ; qu’il en va notamment ainsi des litiges entre une chambre de commerce et d’industrie concessionnaire de l’outillage public portuaire, service public industriel et commercial, et un usager de ce service » (à propos d’un navire de plaisance placé en cale sèche dans la zone de carénage. La compétence du juge judiciaire a été admise dès lors que le litige porte sur le paiement des sommes dues à la CCI ayant pour fondement la convention conclue pour la mise en carénage de son navire de plaisance dans le cadre de l’exploitation de l’outillage public du port).

[83] CE, 20 décembre 2000, Chambre de commerce et d'industrie du Var, n° 217639, rec. tables, p. 1089, Contrats et Marchés publics, 2001, comm. n° 74, note F. Llorens, à propos d'une convention ayant notamment pour objet l'exploitation d'une fosse d'élévateurs de bateaux située sur le domaine public maritime ; CE, 2e-7e s.-sect. réunies, 10 juin 2009, n° 317671, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0570EIX, rec. tables, p. 890 ; RJEP, 2010, comm. n° 7, note C. Chamard-Heim ; Contrats-Marchés publics, 2009, comm. n° 286, note W. Zimmer ; Contrats-Marchés publics, 2011, comm. n° 267, note P. Soler-Couteaux. À l’inverse, le contrat entre un port autonome et une société ayant pour objet de mettre à la disposition de cette société sur le domaine public portuaire pour une durée de vingt ans des formes de radoub afin de permettre à cette société d'y exercer une activité de réparation navale, qui réserve au port autonome l'utilisation et l'exploitation avec son personnel, dans les conditions prévues par le règlement d'exploitation des engins de radoub, des outillages du port nécessaires pour les manœuvres de mise à sec des bateaux venant séjourner dans les formes en vue de leur réparation et pour les manœuvres de mise en eau, n'est pas une concession d’outillage public, mais un contrat d'occupation du domaine public (CE, 3e-8e s.-sect. réunies, 8 juin 2011, n° 318010, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5419HTU, rec. p. 923, Contrats et Marchés publics, 2011, n° 267, note P. Soler-Couteaux).

[84] Se reconnaissant compétent s’agissant de la contestation d’une augmentation des redevances pour occupation du domaine public et jugeant que « le directeur départemental des impôts a notamment pris en compte les caractéristiques et la surface des plans d'eau utilisables et le nombre de postes de mouillage affectés aux navires de plaisance ; qu'en retenant ces éléments significatifs de la situation particulière de l'exploitant ainsi que de la rentabilité de la concession d'outillage public, le chef des services fiscaux a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article R. 56 du Code du domaine de l'État » (CAA Lyon, 2e ch., 24 mai 1995, n° 91LY00924 N° Lexbase : A2896BGD).

[85] CE, 7e-8e s.-sect. réunies, 4 décembre 1985, n° 50538, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3072AMQ, rec. p., D., 1986, J, p. 221 note R. Rézenthel et F. Pitron.  

[86] CE, Sect., 17 avril 1959, Abadie, rec. p. 239.

[87] C. transp., art. R. 5313-81 et s. N° Lexbase : L2935LNZ (C. ports mar., anc. art. R. 115-7 N° Lexbase : L6089IB7 : concernant les ports autonomes).

[88] CAA Nantes, 1re ch., 14 mars 1990, n° 89NT00415 N° Lexbase : A7337A8A, rec. p. 424 (échouement d’un pétrolier sur la digue principale du port du Havre-Antifer).

[89] Par exemple, CE, Sect., 24 mai 1935, port autonome du Havre, rec. p. 596.

[90] C. transp., art. L. 5321-1 N° Lexbase : L5618L4T.

[91] CAA Bordeaux, 2e ch., 25 mai 1998, n° 96BX31762 N° Lexbase : A6318BEQ.

[92] « Les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel instituent, à l'occasion des séjours des navires dans les ports et des opérations qui y sont effectuées, des droits dont le montant est intégralement affecté au financement de dépenses portuaires ; qu'ainsi ces droits qui trouvent leur contrepartie dans l'utilisation de l'ouvrage public et dans les prestations qui sont fournies à cette occasion ont le caractère de redevances pour service rendu, que, dès lors, ces dispositions ont le caractère réglementaire ».

[93] CE, Ass., 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens, rec. p. 572.

[94] CE Contentieux, 16 juillet 2007, n° 293229, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4716DXX, rec. p. 349.

[95] E. Untermaier-Kerléo, Que reste-t-il de la distinction des redevances pour service rendu et des redevances pour occupation du domaine public ?, AJDA, 2010, p. 1062.

[96] EDCE, Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public, La Documentation française, 2001, p. 87.

[97] C. transp., art. L. 5321-3 N° Lexbase : L8760L7L.

[98] Pour un exemple de répartition des compétences juridictionnelles, Cass. com., 19 décembre 2018, n° 17-27.234, F-D N° Lexbase : A6637YRA.

[99] C. transp., art. R. 5321-1 N° Lexbase : L5618L4T.

[100] Étaient concernés les redevances d'usage de postes d'amarrage ou d'occupation de postes à flot, une participation fixe annuelle des usagers aux travaux pendant trente-cinq ans, des taxes d'usage des installations et appareils ainsi que des redevances d'occupation du domaine public maritime.

[101] CE, 8e-9e s.-sect. réunies, 2 février 1996, n° 149427, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7696AND, LPA, 19 juin 1996, n° 74, p. 14 concl. J. Arrighi de Casanova.

[102] CAA Marseille, 7e ch., 4 février 2022, n° 20MA01157 N° Lexbase : A84697ZP, Contrats et Marchés publics, 2022, n° 121, note C. Chamard-Heim, JCP éd. A, 2002, n° 2137, note C. Meurant (pourvoi en cours).

[103] CGPPP, art. L. 2331-1 N° Lexbase : L2125INZ.

[104] Sur ce cette question, voir R. Rézenthel, Le régime juridique des principales recettes des ports de plaisance, Le Droit maritime Français, 2011, p. 899.

[105] CGPPP, art. L. 2125-3 N° Lexbase : L4561IQY.

[106] CE, 3e-8e s.-sect. réunies, 29 novembre 2002, n° 219244, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4733A43, rec. p. 419.

[107] Pour un exemple de service de manutention au moyen d’un chariot élévateur pour la mise en eau et hors d’eau de leur navire présentant un caractère forfaitaire annuel dès lors qu’il est utilisé au moins une fois jugé comme constituant un simple accessoire de l’autorisation d’occupation dont il est indissociable, CAA Marseille, 7e ch., 4 février 2022, n° 20MA01157 N° Lexbase : A84697ZP, Contrats et marchés publics, 2022, n° 121, note C. Chamard-Heim ; JCP éd. A, 2002, n° 2137, note C. Meurant (pourvoi en cours), jugeant que « 9. Ainsi, la redevance d’amarrage doit être regardée, non comme une redevance de caractère mixte comme l’ont estimé les premiers juges, mais comme une redevance domaniale qui rémunère un droit d’occupation privative du domaine public, dans lequel est intégré le coût des avantages de toute nature dont bénéficient les titulaires d’un droit d’amarrage ».

[108] V. par exemple CAA Marseille, 7e ch., 21 avril 2015, n° 12MA04889 et n° 12MA04890 N° Lexbase : A2130NQX, Le Droit maritime Français, 2015, n° 774, p. 916, concl. S. Deliancourt.

[109] Par exemple CAA Marseille, 4 février 2022, préc.

[110] CAA Marseille, 4 février 2022, préc., jugeant que « la SPL La Ciotat Shipyards, en majorant le montant de la redevance pour occupation du domaine public en se fondant sur la rareté des emplacements disponibles ainsi que sur les avantages retirés de son occupation, n’ayant pas entaché d’une erreur de droit ni d’une erreur manifeste d’appréciation la délibération contestée ».

newsid:484761

Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Spécificités des contrats d’occupation sur le domaine public maritime (regard de la DDTM, service gestionnaire de l’État)

Lecture: 5 min

N4746BZS

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par Alain Ofcard, directeur délégué mer et littoral des Bouches-du-Rhône

Le 22 Mars 2023

I. Introduction

Le littoral constitue un foncier des plus attractifs et les occupations sont de diverses natures : ouvrage maritime, réseaux, activité touristique et balnéaire, port, …

Le domaine public maritime fait partie du domaine de l’État affecté au public. La direction départementale des territoires et de la mer en est le gestionnaire et garant de sa préservation c’est-à-dire concilier les activités, les pressions, avec des écosystèmes riches, uniques et contrastés, à terre et en mer. Les Bouches-du-Rhône (BDR) présentent une grande diversité de territoires littoraux : la Camargue, les Calanques, la côte bleue, l’étang de Berre. Gérer c’est aussi permettre une fréquentation libre et gratuite du public sans que cette pression de fréquentation n’excède la capacité de résilience du milieu naturel. A cela s’ajoute le contexte du réchauffement climatique et de la montée des eaux d’où une érosion continue du littoral qui entraîne une évolution de la limite domaniale puisque la limite des plus hautes eaux reste le critère principal de la délimitation du domaine public maritime (DPM).

Il est à noter que dans les douze miles nautiques, la DDTM gère par délégation du préfet de département compétent sur le fond marin (prolongement de la terre) et du préfet maritime compétent pour la colonne d’eau.

II. Stratégie de l’État

Pour cela, la DDTM s’appuie, d’une part, sur la stratégie nationale de l’État [1], d’autre part, sur des acteurs et partenaires : collectivités, parcs marins et nationaux, conservatoire du littoral, les ports.

La stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML) s’applique aux 19 000 kilomètres de côtes françaises également à la deuxième surface de ZEE  au monde.

La nouvelle SNML s’appuiera sur les trois priorités que sont les énergies maritimes renouvelables avec l’éolien en mer, la protection de la biodiversité marine en articulation avec les aires marines protégées et la définition des zones de protection fortes, et le développement de l’économie maritime avec les activités de pêche et de conchyliculture, les activités de transports, industrielles et de tourisme.

Dans les territoires, le préfet et la DDTM déclinent une stratégie départementale [2] de gestion du littoral, donc du domaine public maritime.

Parmi les objectifs des Bouches-du-Rhône, citons en deux.

a) la promotion et régulation de l’économie bleue et du tourisme : organisation de l’occupation du plan d’eau et des mises à l’eau pour les activités nautiques, de l’offre touristique (restauration et services balnéaires avec les concessions de plages), développement des énergies marines et des infrastructures numériques.

b) La libération du DPM au bénéfice du public et la restauration de son bon état écologique : travail au long cours qui passe par la suppression des occupations qui ne sont pas en rapport avec la nécessaire proximité de la mer, ou celles qui sont soumises à des risques et  de remplacer les occupations en « dur », qui artificialisent le trait de côte et accentuent l’érosion par des structures démontables davantage respectueuses de l’environnement.

Enfin nous travaillons avec les collectivités pour analyser, anticiper, et gérer les effets de l’érosion du trait de côte et de la montée du niveau de la mer en s’appuyant sur les nouvelles possibilités ouvertes par la loi climat et résilience.

III. Les outils

L’attribution des titres s’appuie sur divers outils juridiques issus du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), depuis complété d’un décret « plages » (décret n° 2006-608 du 26 mai 2006, relatif aux concessions de plage N° Lexbase : L8540HI7), puis de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, relative aux contrats de concession N° Lexbase : L3476KYE) et de l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9.

L’État peut également transférer la gestion du domaine public notamment au conservatoire du littoral ou aux collectivités locales.

Par ailleurs, les autorisations commerciales suscitent toujours beaucoup d’attention car elles génèrent un revenu à l’utilisateur du DPM et une redevance pour la collectivité et l’État.

Dans les BDR, cela concerne onze concessions de plage accordées aux collectivités   et plus de 250  AOT. Les concessions de plage (durée maximum de douze ans prévue par la loi) sont définies avec les communes (activités, surfaces, linéaire, conditions environnementales, accessibilité) avant enquête publique.

Les AOT (durée de 1 à 5 ans) font l’objet de publicité et processus de sélection. Ce processus définit des critères de sélection principalement axés sur la qualité de l’occupation et des activités.

Les concessions d’utilisation du DPM permettent aussi le développement de projets économiques d’avenir telles que les éoliennes en mer ou les câbles sous marins qui transportent de plus en plus de données numériques. Pour Marseille, devenu septième hub mondial, le défi sera de préserver la capacité d’accueil de futurs câbles par une gestion économe du domaine maritime.

Finalement l’État dispose d’un panel de titres domaniaux, de configurations de partenaires, de thématiques : les titres domaniaux étant bien les outils nécessaires pour une gestion efficace de son domaine lui permettant de mettre en œuvre une stratégie nationale et locale.

Quant aux sanctions, elles s’appliquent de manière graduée : avertissement, mises en demeure, contravention de grande voirie puis démolition aux frais de la partie condamnée. Nous recherchons une réponse adaptée aux infractions constatées.

Heureusement, souvent les contrevenants procèdent eux-mêmes à la remise en état du DPM ou à la prise en charge des frais.


[1] Stratégie nationale pour la mer et le littoral, une V2 en cours d'élaboration, site du secrétariat d'Etat chargé de la mer.

[2] Gestion du Domaine Public Maritime, site du département des Bouches-du-Rhône.

newsid:484746

Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - État de la répartition des compétences du D.P.M. de La Ciotat

Lecture: 8 min

N4750BZX

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par Christophe Bertrand, directeur général des services de la commune de La Ciotat

Le 22 Mars 2023

Le domaine public maritime (DPM), bien que sur le territoire de la commune, ne relève pas uniquement de sa compétence. Au contraire, le DPM fait l’objet d’un jeu complexe de compétences qui sont d’abord celles relevant de l’État, sauf pour les ports qui relèvent du Département.

Afin de mieux appréhender la complexité de cette répartition des compétences, une approche géo-historique sera adoptée en prenant en compte trois zones géographiques :

- zone sous délégation à la SEMIDEP (Chantiers Navals et ZAC de la Source du Pré) ;

- port de plaisance et plages ;

- Île Verte.

I. Zone sous délégation SEMIDEP (Chantiers Navals, ZAC de la Source du Pré)

Depuis les lois de décentralisation, les chantiers navals de La Ciotat sont un port qui relève de la compétence du département et non plus de l’État. Dans le cadre de la politique de revitalisation des activités portuaires industrielles et de développement des quartiers adjacents, la commune a participé à la signature d’une convention de concession entre le département et la société chargée du projet : la SEMIDEP. La convention de concession des chantiers navals a été signée entre ces deux acteurs en 1996, puis approuvée par délibération par le Conseil municipal la même année.

Outre l’occupation du chantier naval par la SEMIDEP (aujourd’hui La Ciotat Shipyards), il a également été attribué un projet de construction d’un quartier autour de ces chantiers sous forme de zone d’aménagement concerté, et par délibération du 18 janvier 2002, la commune fait cession du terrain correspondant afin de lancer les travaux de la ZAC de la Source du Pré.

Les travaux sont achevés et officiellement clôturés par délibération le 25 septembre 2017.

Accompagnant le développement des activités portuaires, de nouvelles sociétés se sont ensuite installées sur les chantiers navals, dont notamment les deux principaux opérateurs du site, MB 92 et Monaco Marine France.

Afin de faire face à l’augmentation de la demande en entretien de yachts, la capacité des chantiers navals a été est augmentée par délibération du 16 décembre 2019 qui prévoyait l’implantation d’une plateforme ATLAS de 4 300 tonnes susceptibles d’accueillir sept méga yachts. Cet équipement spectaculaire a été inauguré en novembre 2022.

Parallèlement, d’autres projets avaient été menés sur la ZAC de la Source du Pré, notamment la construction du collège Jean Jaurès qui a nécessité la cession du terrain correspondant de la commune au conseil général (actuel conseil départemental) en 2003.

Ainsi, la zone correspondant à l’ancienne ZAC de la Source du Pré relève de la compétence municipale, alors que les chantiers navals relèvent de la compétence départementale. La commune et le département ont, dans le cadre des projets de revitalisation de cette zone, délégué la gestion chantiers navals à La Ciotat Shipyards.

II. Port-Vieux, plages et port de plaisance

Le Port-Vieux, le Port de Plaisance et les Plages (et le reste du littoral ciotaden) sont originellement sous la compétence de l’État, sous la responsabilité du préfet des Bouches-du-Rhône, et plus précisément de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM). Néanmoins, la gestion de plusieurs de ces espaces a été déléguée à la commune, à savoir le Port-Vieux, le port de plaisance et les plages.

Par délibération du 19 janvier 2004, le conseil municipal approuve la convention signée entre la commune et le préfet qui donne lieu à une superposition de compétences sur le Port-Vieux. Toutefois, cela n’a pas empêché la commune de solliciter des arrêtés préfectoraux d’autorisation d’occupation du domaine public maritime pour plusieurs projets. Parmi ces projets il y a notamment la création de locaux pour des associations et la construction de parkings et de jardins sur le nouveau port, avec d’autres arrêtés pour permettre l’entretien des infrastructures.

Concernant le port de plaisance, la compétence déléguée à la commune a elle-même été déléguée à la Métropole qui, dans le cadre d’une délibération métropolitaine de 2006, permet à la commune de jouir pleinement des infrastructures existantes et d’en construire de nouvelles.

Enfin, les plages concernent une zone partant du port de plaisance jusqu’au quartier de Saint-Jean, originellement sous compétences préfectorale, a été déléguée à la commune. À cet effet, la commune a lancé plusieurs procédures de délégation de service public afin de permettre aux établissements situés dans cette zone d’y placer des terrasses. La première date de 2016 et, actuellement, une nouvelle procédure a été relancée par délibération du conseil municipal du 18 octobre 2021.

III. Île Verte et Calanques

Située au large de La Ciotat, l’Île Verte est sous compétence départementale. Dès les années 1960, des conventions furent signées entre la commune et le département pour la promotion d’activités sur cette île.

En 1988, une première convention est signée entre la commune et le département, mettant en place une situation de gestion conjointe de l’île. À ce titre, plusieurs arrêtés municipaux permettant l’occupation temporaires du territoire ont été accordés, notamment pour la construction d’un restaurant sur l’île.

Par délibération du 30 novembre 2020, le conseil municipal de La Ciotat approuve l’ouverture de l’opération ZAPEF, ou Zone d’Accueil du Public En Forêt, permettant ainsi de faciliter la visite de l’île.

Concernant les calanques, à savoir Figuerolles et le Mugel, elles ont toujours été sous compétence directe de l’État (DDTM). Plusieurs arrêtés préfectoraux régulant sa gestion ont été pris, dont la dernière mettant en concurrence une occupation du domaine public maritime pour le restaurant « Le Mugel ».

 

Annexe 1 : Tableau récapitulatif de l’état des compétences sur le D.P.M. de La Ciotat

 

LIEU

COMPETENT ORIGINAL

DÉLÉGATION

ACTE

Chantiers Navals

Département des Bouches-du-Rhône

SEMIDEP – La Ciotat Shipyard

Convention de 1996

ZAC Source du Pré

Commune de La Ciotat

SEMIDEP – La Ciotat Shipyard

Convention de 2002

Fin 2017

Collège Jean Jaurès

Commune de La Ciotat

Département des Bouches-du-Rhône

Délibération du Conseil Municipal

Port-Vieux

État

Cogestion Commune/État

  •     /

Plages

État

Commune de La Ciotat

Convention

Port de plaisance

État

Métropole (par délégation de la Commune)

  •     /

 

Annexe 2 : Tableaux récapitulatif des A.O.T. et autres actes concernant le D.P.M. de La Ciotat.

 

AOT SEMIDEP CHANTIERS NAVALS – PORT – ZAC SOURCE DU PRÉ

NUMÉRO

DATE

OBJET

 

23/12/1996

Contrat concession entre Département et SEMIDEP pour AOT

Délibération

30/10/1996

Approbation convention AOT du DPM à la SEMIDEP pour construction ZAC Source du Pré

01

18/01/2002

Cession à la SEMIDEP terrain pour ZAC Source du Pré

02

18/11/2002

Cession à MPM des Calanques

02

26/05/2003

Cession au Conseil Général terrain pour construction d’un collège

18

19/01/2004

Convention superposition de compétence sur le Port-Vieux

13

12/07/2004

Avenant n°1

30

24/09/2007

Acquisition terrain pour construction d’une médiathèque

10

25/06/2007

Avenant n°2

27

06/02/2012

Avenant n°3

27

11/02/2013

Avenant n°3 rectifié

13

07/07/2014

Avenant n°4

39

25/09/2017

Clôture aménagement

09

16/12/2019

Création plateforme méga-yacht

13

07/03/2022

Avis sur activité Société Monaco Marine France

12

07/03/2022

Sur MB92

 

ARRÊTÉS PRÉFECTORAUX D’AOT SUR LE PORT

2009/31

12/05/2009

Création locaux pour associations de plaisanciers

2013/305

31/10/2013

Banquette de protection

2016/36

11/01/2016

Création jardins + garages à bateaux

2015/30

27/07/2015

Parkings + jardins

31-2014/EA/PC

02/03/2015

Remplacement pannes

 

DÉLIBÉRATIONS SUR LES PLAGES

NUMÉRO

DATE

OBJET

38

13/06/2016

Attribution lot S1

25

14/11/2016

Attribution lot4b

36

10/04/2017

Choix délégataires

26

10/07/2017

Avenant n°1 lot 3O

24

25/09/2017

Avenant n°1 lot 3F

23

18/12/2017

Avenant n° lot 5H

15

05/02/2018

Avenant n°1 lot 5H

09

01/07/2019

Avenant n°2 lot 3I

19

20/05/2019

Avenant n°1 lot 3M

16

18/12/2020

Renouvellement concession Villa des Tours au Port de Saint Jean

13

18/10/2021

Lancement procédure DSP Plages

 

ARRÊTÉS MUNICIPAUX

NUMÉRO

DATE

OBJET

901

22/07/2021

Permis temporaires exploitation

948

26/07/2021

Permis temporaire d’exploitation

368-390

-

Permis temporaire d’exploitation

456 – 479

  •  

Permis temporaire

 

ARRÊTÉS PRÉFECTORAUX SUR LES CALANQUES

NUMÉRO

DATE

OBJET

22260

25/03/2022

Autorisation occupation du domaine public restaurant « Le Mugel »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

newsid:484750

Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Les préoccupations des acteurs privés occupant le domaine public maritime et portuaire

Lecture: 6 min

N4758BZA

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par Sylvie Laridan, Avocat au barreau de Marseille

Le 22 Mars 2023

S’il est indispensable que les personnes publiques valorisent leur domaine public, il n’en reste pas moins que la situation des acteurs privés est précaire et – pour les activités exercées sur le domaine public maritime et portuaire -   soumises à des aléas et contraintes : la météo, la durée saisonnière de l’activité etc …

Il est de l’intérêt des personnes publiques de pouvoir déterminer au mieux le montant de la redevance et pour cela il me semble indispensable qu’elles connaissent les contraintes qui pèsent sur les bénéficiaires en fonction des activités exercés.

Dans le cadre des mises en concurrence si le montant de la redevance versée par le bénéficiaire du titre devient le critère principal des critères de jugement des offres, le risque est grand d’avoir des offres qui ne soient pas sérieuses. Le Conseil d’Etat considère – s’agissant des conventions de délégation de service public - qu’un critère d’appréciation portant sur l’estimation du montant du chiffre d’affaires des candidats pendant toute la durée de la concession était irrégulier, motif pris de ce qu’il repose sur les seules déclarations des soumissionnaires, sans engagements contractuels de leur part et sans possibilité pour la personne publique d’en contrôler l’exactitude [1]. Cette jurisprudence trouverait certainement à s’appliquer dans le cadre des mises en concurrence de conventions d’occupation domaniale.

Et au-delà même de ne pas avoir des offres sérieuses financièrement le risque est d’avoir ensuite une exécution non conforme aux exigences de la convention : je pense au restaurant de plage ou il est souvent demandé dans les cahiers des charges « une ambiance familiale » avec l’interdiction de « fêtes et d’alcool sur l’espace dédié aux matelas ». Or, si le candidat retenu est celui qui a fait la meilleure offre financière au regard d’un chiffre d’affaires très élevé, il y a un risque que l’ambiance de la plage ne soit pas si familiale que cela….

Pour appréhender les préoccupations des acteurs privés qui occupent le domaine public, l’exemple des sociétés de locations de voiliers est intéressant.

Les sociétés de locations de voiliers doivent avoir une flotte d’une vingtaine ou trentaine de bateaux pour être attractives et rentables (première contrainte un nombre significatif de places doit donc être mis en concurrence). Ces sociétés sont généralement liées à un constructeur (Jeanneau, Bénéteau Dufour…) par un contrat de distribution qui fixe une exclusivité dans un périmètre donné et qui impose des objectifs annuels d’achat de voiliers.

Même en anticipant la fin de la convention, il est quasiment impossible d’avoir des places dans un autre port dans le périmètre du contrat de distribution et il est évidemment impossible de trouver un emplacement pour des voiliers en dehors d’un port.

L’occupant se voit en fin de contrat devoir reprendre son personnel et matériel sans savoir où mettre ses voiliers.

La mise en concurrence est problématique pour ces sociétés car elle leur impose de se préparer à la perte possible de l’emplacement longtemps à l’avance (diminution de la flotte de bateaux, non remplacement des bateaux) avec du coup une perte d’attractivité et de rentabilité et avec in fine, le risque de la perte du contrat de distribution.

Si la mise en concurrence reste le principe en cas d’exploitation économique du domaine public (CGPPP, art. L. 2122-1-1 N° Lexbase : L9569LDR), il ne faut pas perdre de vue que le législateur a introduit de nombreuses exceptions.

Je n’en citerai qu’une seule : l’article L. 2122-1-3 4° du CGPPP N° Lexbase : L9571LDT autorise qu’il n’y ait pas de mise en concurrence « lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d'occupation ou d'utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique projetée ».

Une réponse du ministre de l’Économie publiée au JO du 4 décembre 2018 est venue préciser ces dispositions en s’appuyant sur les travaux interministériels qui ont précédé l'adoption de l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9 [2]. Il ressort entre autres de cette circulaire que les « ‘caractéristiques particulières de la dépendance’ peuvent s'appliquer aux dépendances domaniales situées à proximité d'un site donné, d'un équipement spécifique ou encore des parcelles adjacentes à une parcelle déjà concédée et nécessaire à l'extension et à la réalisation de l'activité (caractéristiques techniques ou fonctionnelles) ».

Il y a donc des pistes à creuser sur les exceptions à la mise en concurrence pour concilier activité économique et occupation du domaine public. Il me semble que la bonne méthode serait pour les gestionnaires de rédiger une doctrine (comme le fait le Grand Port Maritime de Marseille) qui expliciterait et justifierait en amont les raisons qui font que l’attribution d’un emplacement pour telles ou telles activités n’est pas soumise à concurrence.

Par ailleurs, dans les ports de plaisance la durée d’attribution des postes à quai pour des activités économiques est limitée à cinq ans par l’article R. 5314-31 du Code des transports N° Lexbase : L3525I7P ce qui est souvent très insuffisant pour amortir les investissements.

La question se pose de savoir si les gestionnaires de port sont tous tenus par cette limitation de durée.

Une lecture combinée des articles R. 5314-28 N° Lexbase : L3398KWR et R. 5314-31 du Code des transports pourrait laisser penser que non.

En effet, l’article R. 5314-28 dispose que « Les dispositions de la présente section sont applicables aux dépendances du domaine public naturel ou artificiel, maritime ou fluvial, mises à la disposition des régions, des départements, des communes ou des groupements de collectivités territoriales en application de l'article 9 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 (…) ».

L’article R. 5314-31 du Code des transports qui limite à cinq ans l’attribution des postes à quai ne serait donc applicable qu’aux ports de plaisance qui n’auraient pas encore fait l’objet d’un transfert en pleine propriété.

On sait que les gestionnaires de ports de plaisance, une fois délimités les contours du port (en application de l’article R. 5311-1 du Code des transports N° Lexbase : L3289I7X, peuvent demander des transferts en pleine propriété de leur port (cela a été fait par la commune de Cavalaire par exemple).

Un transfert en pleine propriété des ports semble donc donner plus de marge de manœuvre aux gestionnaires des ports pour accorder les titres et permettre des durées d’occupation non plus limitées à cinq ans mais sur une durée qui sera déterminée en tenant compte des investissements et de la durée des amortissements dans les conditions prévues à l’article L. 2122-2 du CGPPP N° Lexbase : L9591LDL.

 

[1] CE, 8 avril 2019, n° 425373 N° Lexbase : A8880Y8E.

[2] QE n° 6259 de M. Patrick Vignal, JOANQ, 13 mars 2018, réponse publ. 4 décembre 2018, p. 11020, 15ème législature N° Lexbase : L7379LNM.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Les nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics

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par Benjamin Valette, Avocat au barreau de Marseille

Le 22 Mars 2023

La valorisation des biens publics n’a pas toujours été l’évidence qu’elle constitue aujourd’hui. Elle résulte, en réalité, d’une évolution qui a conduit à un changement de logique dans l’appréhension des biens publics et du patrimoine des personnes publiques.

Pendant longtemps, la valorisation des biens publics s’est heurtée à un obstacle majeur à savoir le fait que les personnes publiques n’étaient pas véritablement en mesure de déterminer avec précision l’étendue de leur patrimoine. En d’autres termes, les personnes publiques n’avaient pas une connaissance précise des biens qui leur appartenaient, ce que relevait d’ailleurs régulièrement la Cour des comptes jusqu’il y a quelques années [1]. Mécaniquement, il n’était dès lors pas possible pour les personnes publiques de valoriser un patrimoine dont elle ne maîtrisait pas l’étendue. Au fil des décennies, c’est la connaissance – si ce n’est parfois la découverte pour certaines personnes publiques – de l’étendue de leur patrimoine qui a progressivement permis d’envisager et de recourir à la valorisation des biens dont elles étaient propriétaires.

Une fois ce premier obstacle matériel surmonté, encore fallait-il que les personnes publiques, d’une part, perçoivent dans la valorisation un intérêt et, d’autre part, qu’elles disposent des moyens pour ce faire.

En ce qui concerne l’intérêt, l’idée selon laquelle les biens publics peuvent constituer une source financière n’est pas nouvelle. Elle est même ancienne dans la mesure où « le domaine constituait une part importante des ressources de la couronne » [2]. Ce qui a, en revanche, changé c’est l’environnement entourant les biens publics. Ainsi, sous l’effet des contraintes budgétaires, les personnes publiques ont dû percevoir leur patrimoine non comme une seule charge financière résultant de leur entretien mais aussi et surtout comme une source de revenus résultant de leur exploitation. Cette tendance a d’ailleurs été largement initiée par les différentes réformes du début des années 2000 notamment par la réforme de la loi organique de la loi de finances de 2001 [3] qui a instauré une véritable démarche managériale dans la gestion du domaine mais aussi une logique de performance.

En ce qui concerne les moyens nécessaires à la valorisation des biens publics, ceux-ci ont longtemps manqué aux personnes publiques. Cela avait d’ailleurs été relevé dès 1986 par le Conseil d’État dans son Rapport intitulé « Réflexions sur l’orientation du droit des propriétés publiques » [4]. En effet, celui-ci alertait déjà à cette époque sur le fait que les outils juridiques dont disposaient les personnes publiques étaient obsolètes, trop complexes, inadaptés et qu’il était devenu indispensable de les moderniser. 20 ans plus tard, ce fut chose faite avec l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) le 1er juillet 2006 qui a remplacé l’approche classique fondée sur la distinction entre domaine public et domaine privé par une approché fondée sur la propriété [5]. Or, comme le relevait Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État lors du colloque organisé le 6 juillet 2011 intitulé « La valorisation économique des propriétés des personnes publiques » : « si la notion de domaine public renvoie fondamentalement à l’idée de protection, la propriété suggère pour sa part la valorisation » [6].

Précisément, ce changement d’approche s’est ainsi accompagné d’un changement de logique. Les biens publics sont passés d’une logique de protection à une logique de valorisation. Cela explique donc l’apparition de nouvelles pratiques dans la manière de gérer le domaine public des personnes publiques mais aussi leur domaine privé.

Parmi ces nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics, il est possible de distinguer celles dont l’existence n’est pas nouvelle mais dont le contenu a fait l’objet d’une modernisation (I) de celles dont l’existence est, en revanche, nouvelle et parfois même inédite (II).

I. La modernisation d’anciennes pratiques

Les nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics ne concernent pas seulement des pratiques complètement inédites. Elles concernent aussi, et même avant toute chose, des pratiques préexistantes mais qui ont été modernisées afin de répondre aux nouveaux enjeux et impératifs auxquels sont soumises les personnes publiques.

Sans qu’il soit nécessaire, dans le cadre de la présente étude, de revenir sur l’ensemble des apports en particulier du CGPPP, il est néanmoins possible de citer deux anciennes pratiques ayant fait l’objet de modernisation. Il s’agit, d’une part, de la cession (A) et, d’autre part, de la mise à disposition (B).

A. La modernisation de la cession

Parmi les pratiques permettant la valorisation des biens publics, la cession constitue à n’en point douter la plus extrême. En effet, si la cession permet de générer des recettes importantes à un instant donné, ces ressources sont néanmoins temporaires et sont susceptibles d’entraîner des coûts supplémentaires pour les personnes publiques notamment si elles doivent procéder au remplacement de ce qui a été cédé soit par le biais de l’acquisition, soit par le biais de la location.

Il n’en demeure pas moins que la cession reste une pratique ancienne de valorisation qui a fait l’objet de modernisation. Deux exemples méritent, à cet égard, d’être cités.

Le premier exemple réside dans la possibilité introduite par l’ordonnance du 19 août 2004 [7] d’aliéner les biens immobiliers à usage de bureaux, propriété de l'État ou de ses établissements publics alors même qu'ils continuent à être utilisés par les services de l'État ou d'un établissement public. Cette possibilité a, par la suite, été étendue par le CGPPP aux collectivités territoriales en faisant entrer dans le champ de leur domaine privé « les biens immobiliers à usage de bureaux à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public » (CGPPP, art. L. 2211-1 N° Lexbase : L4595IQA).

Le second exemple, plus novateur encore, a été introduit par l’article L. 2141-2 du CGPPP N° Lexbase : L9596LDR) qui permet un déclassement par anticipation d’immeubles encore affectés à un service public. Initialement cette possibilité n’était offerte qu’à l’État avant d’être étendue aux collectivités territoriales, à leurs groupements ainsi qu’à leurs établissements publics par la loi du 9 décembre 2016 [8]. Cette technique permet ainsi aux personnes publiques, sous réserve du respect de certaines conditions strictes, de procéder à la vente d’un immeuble appartenant au domaine public qui n’a pas encore été désaffecté. En d’autres termes, le CGPPP a permis l’assouplissement du recours à la vente d’immeubles appartenant au domaine public de telle sorte que ces dernières puissent davantage être réactives et agir tant selon les réalités économiques du marché que selon leurs propres nécessités.

Au travers de ces deux exemples, il est donc possible d’identifier un double mouvement de modernisation des pratiques de la valorisation des biens publics s’agissant de la cession. D’une part, un élargissement du recours à la cession en intégrant dans le domaine privé des personnes publiques les immeubles à usage de bureaux. D’autre part, un assouplissement du recours à la cession pour les immeubles appartenant au domaine public.  

B. La modernisation de la mise à disposition

           

La mise à disposition, notamment par le biais de l’autorisation d’occupation du domaine public constitue une pratique ancienne et classique de valorisation des biens publics. Elle constitue, en outre, non seulement une potentielle source de recettes importantes pour les personnes publiques mais aussi un moyen efficace d’entretenir et d’apporter des améliorations aux biens dont elle est propriétaire. Sur ce point, le CGPPP est venu consacrer, préciser et encadrer les règles applicables tant à la redevance due au titre de l’occupation qu’à la durée de ladite occupation.

S’agissant de la redevance, l’adoption du CGPPP a été l’occasion de consacrer législativement le principe selon lequel « toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique donne lieu au paiement d'une redevance » (art. L. 2125-1 du CGPPP). Cette consécration n’a rien d’anodine car si la gratuité pouvait, à certains égards susciter un certain nombre de débats, elle est désormais clairement identifiée comme étant l’exception. Le principe désormais affirmé est donc celui du paiement d’une redevance et, partant, d’une forme de valorisation imposée par le CGPPP aux personnes publiques.

Une fois imposée, cette valorisation des biens publics par le versement d’une redevance est encadrée dans ses modalités. En effet, le CGPPP a également consacré législativement non seulement les modalités de calcul du montant de la redevance mais aussi les modalités de versement de ladite redevance.

En ce qui concerne le montant de la redevance, celui-ci doit tenir « compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation » (CGPPP, art. L. 2125-3 N° Lexbase : L4561IQY). Là encore, cette consécration revêt une importance particulière dans la mesure où la valorisation de l’autorisation de l’occupation repose, d’un point de vue financier, directement sur ce qu’en retire l’occupant. En réalité, cette obligation relative à la fixation du montant de la redevance permet d’assurer aux personnes publiques une optimisation financière dans le cadre de la valorisation des biens dont elles autorisent l’occupation privative. Ces modalités de calcul sont d’ailleurs adaptées par le juge administratif au type de biens dont l’occupation est autorisée. À titre d’exemple, la cour administrative d’appel de Lyon a considéré s’agissant d’un complexe sportif dans un arrêt du 12 juillet 2007 [9] que : « les avantages tirés de l'occupation d'un complexe sportif s'apprécient notamment au regard des recettes tirées de son utilisation telles que la vente des places et des produits dérivés aux spectateurs, la location des emplacements publicitaires et des charges que la collectivité publique supporte telles que les amortissements, l'entretien et la maintenance calculés au prorata de l'utilisation d'un tel équipement ».

En ce qui concerne les modalités de versement de la redevance, le CGPPP a instauré la règle au terme de laquelle la redevance était payable d’avance et annuellement (CGPPP, art. L. 2125-4 N° Lexbase : L1801MH8) et qu’en cas de retard, les sommes dues étaient majorées d'intérêts moratoires au taux légal (CGPPP, art. L. 2125-5 N° Lexbase : L4562IQZ).

S’agissant de la durée des autorisations d’occupation du domaine public, depuis l’ordonnance du 19 avril 2017 [10], celle-ci est limitée lorsqu’elles ont pour objet une exploitation économique. En effet, la nouvelle rédaction de l’article L. 2122-2 du CGPPP N° Lexbase : L9591LDL), en vigueur depuis le 21 avril 2017, instaure une limitation de la durée de l’autorisation à ce qui « nécessaire pour assurer l'amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis ». Cette formule est d’ailleurs à rapprocher de celle applicable à la durée des contrats de concession. La justification apportée par l’article du CGPPP lui-même est d’ailleurs de ne « pas restreindre ou limiter la libre concurrence » et l’on retrouve ici la logique de la commande publique. Mais au-delà de cette justification, cette obligation permet également aux personnes publiques d’optimiser le rythme temporel d’occupation de ses biens et, partant, de davantage les valoriser.

Le CGPPP tel qu’issues des différentes réformes, a donc, en consacrant certaines anciennes pratiques et en en modernisant d’autres, eu pour effet d’imposer la valorisation des biens publics aux personnes publiques propriétaires. Toutefois les nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics ne résultent pas que d’une seule modernisation des anciennes, elle résulte également de l’apparition de nouvelles.

II. L’apparition de nouvelles pratiques

Le passage d’une logique de protection à une logique de valorisation a conduit les personnes publiques à développer des pratiques complètement inédites. Le succès de ces nouvelles pratiques est à nuancer dans la mesure où si certaines ont connu un échec ne serait-ce que partiel (A), d’autres ont, en revanche, connu davantage de succès laissant très certainement entrevoir de nouvelles perspectives (B).

A. L’échec des nouvelles pratiques

Fort de la volonté de valoriser leurs biens, les personnes publiques ont parfois tenté de mettre en œuvre des nouvelles pratiques qui se sont parfois soldées par un échec somme toute relatif. Deux pratiques méritent d’être évoquées ici.

La première de ces pratiques a trait à la valorisation de l’image des biens dont les personnes publiques sont propriétaires. En effet, certaines personnes publiques, parmi lesquelles l’établissement public du domaine national de Chambord, ont pu être tentées d’utiliser l’image des leurs biens à des fins de valorisation. L’idée, somme toute assez simple et presque de bon sens, était alors d’assujettir au paiement d’une redevance l’utilisation de l’image d’un immeuble appartenant au domaine public – en l’occurrence le château de Chambord – à des fins de publicité commerciale. Dans son arrêt d’Assemblée du 13 avril 2018 [11], le Conseil d’État a néanmoins refusé cette possibilité en considérant que : « Si l'opération consistant en la prise de vues d'un bien appartenant au domaine public est susceptible d'impliquer, pour les besoins de la réalisation matérielle de cette opération, une occupation ou une utilisation du bien qui excède le droit d'usage appartenant à tous, une telle opération ne caractérise toutefois pas, en elle-même, un usage privatif du domaine public. En outre, l'utilisation à des fins commerciales de l'image d'un tel bien ne saurait être assimilée à une utilisation privative du domaine public, au sens des dispositions précitées du Code général de la propriété des personnes publiques ». La messe était alors dite dans la mesure où, sur le fondement du droit de la domanialité publique classique, l’image des biens ne pouvait être valorisée par la perception d’une redevance dans la mesure où son utilisation à des fins de publicité commerciale ne constituait pas une utilisation privative du domaine.

Ce propos est néanmoins à nuancer dans la mesure où la loi du 7 juillet 2016 [12] créant l’article L. 621-42 du Code du patrimoine N° Lexbase : L2447K9I) a soumis à la délivrance d’une autorisation préalable et au paiement d’une redevance l’utilisation à des fins commerciales de l'image des immeubles constituant des domaines nationaux. La liste de ces domaines, dont le nombre est de 16 à ce jour, est fixée par l’article R. 621-98 du Code du patrimoine N° Lexbase : L1897MDM). Pour les gestionnaires de ces domaines nationaux, l’image des biens peut donc être valorisée mais non sur le fondement du droit de la domanialité publique classique mais en raison de dispositions législatives spéciales. Pour l’anecdote, le domaine de Chambord n’a été défini comme domaine national que par décret du 20 mai 2017 [13], soit postérieurement aux faits de l’espèce rendant donc inapplicables ces dispositions au fait de l’espèce.

La deuxième des nouvelles pratiques dont le succès fut pour le moins nuancé est l’apposition de marquages publicitaires sur les trottoirs. En effet, par décret du 22 décembre 2017 [14], il a été, à titre expérimental dérogé aux articles R; 418-3 du Code de la route N° Lexbase : L5873AWG et R. 581-27 du Code de l'environnement N° Lexbase : L0849ISA en tant qu'elles interdisent d'apposer des marquages publicitaires sur les trottoirs et ce, pour une durée de 18 mois au sein des agglomérations de Bordeaux, Lyon et Nantes. L’apposition de ces marquages publicitaires sur les trottoirs étaient néanmoins soumise au respect d’un certain nombre de conditions parmi lesquelles l’utilisation de matériaux biodégradables, le maintien des caractéristiques d’adhérence du trottoir, une durée de vie du marquage inférieure à 10 jours ou encore une surface du marquage inférieure à 2m2.

Cette dérogation, prévue à titre expérimental par le Premier Ministre, allait véritablement dans le sens d’une valorisation des biens publics et constituait une pratique tout à fait inédite de valorisation. Toutefois, cette expérimentation ne fut que de courte durée dans la mesure où, en raison notamment de l’absence de consultation préalable des agglomérations concernées, il y a très rapidement été mis fin de sorte par arrêtés du Ministre de l’Intérieur en date du 8 janvier 2018 [15] pour Bordeaux et Nantes et du 22 octobre 2018[16] pour Lyon de sorte qu’il n’a pas été véritablement possible d’évaluer les retombées économiques et factuelles d’une telle pratique de valorisation.

Que ce soit pour des raisons juridiques ou politiques, ces nouvelles pratiques n’ont donc pas rencontré le succès escompté. Il n’est pour autant pas interdit d’imaginer – et même de souhaiter – que de nouvelles expérimentations soient mises en œuvre, après concertation cette fois, et ce, dans le but d’évaluer le recours à ces nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics. D’ici là et afin d’éviter une attente qui ne serait jamais récompensée, il convient d’évoquer les nouvelles pratiques de valorisation qui, elles, ont connu un succès.

B. Le succès des nouvelles pratiques

Parmi les nouvelles pratiques de valorisation des biens publics ayant connu un succès certain, il en est une particulièrement notoire. Il s’agit du naming également appelé « nommage ». Cette pratique consiste pour une société à donner son nom ou celui de l’une de ses marques à une infrastructure ou un lieu et ce, dans le but, d’améliorer ou d’augmenter son image et sa visibilité auprès du public. En contrepartie de la possibilité pour l’entreprise d’utiliser le nom de l’immeuble comme outil de communication, celle-ci verse une somme à la personne publique propriétaire du bien.

Cette pratique, qui s’est développée dans les années 2000 en Europe a connu un essor particulier en France depuis les années 2010 notamment à l’occasion de la construction ou de la rénovation des stades en vue de l’organisation de l’Euro 2016 de football. Cette pratique s’est depuis lentement étendue aux équipements culturels et pourrait s’étendre encore à d’autres biens publics. À titre d’exemple, l’ancien Palais Omnisport de Paris-Bercy a, en 2015, été renommé l’AccorHotels Arena. Plus récemment encore, le Palais des Sports René-Bougnol dont la Métropole de Montpellier est propriétaire a été renommé « FDI Stadium » en 2021.

D’un point de vue juridique, le naming consiste en la dénomination d’un équipement relevant du domaine public qui constitue une propriété immatérielle [17]. Or, il appartient au conseil municipal de la commune, sur le fondement des dispositions de l’article L. 2121-29 du CGCT N° Lexbase : L8543AAN, de choisir et de modifier la dénomination des biens dont la commune est propriétaire. Cette compétence, reconnue par le Conseil d’État, a néanmoins été conditionnée à l’existence d’un intérêt public local dans un arrêt dans un arrêt du 26 mars 2012, « Commune de Vergèze » [18].

En d’autres termes, si les personnes publiques disposent de la compétence de choisir et de modifier le nom des biens dont elles sont propriétaires, il faut néanmoins que cela soit justifié par l’existence d’un intérêt public local. Cette limite pourrait s’opposer à ce que le naming soit étendu à d’autres équipements que sportifs et culturels tels que des bâtiments municipaux ou des noms de rue par exemple. Cela doit néanmoins être nuancé En effet, le contrôle du juge administratif semble se limiter dans ce cas au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation tel qu’a pu le juger la Cour administrative d’appel de Marseille dans un arrêt du 12 novembre 2007, « Ville de Nice » [19]. Cela laisse donc une marge de manœuvre importante aux personnes publiques pour choisir non seulement la dénomination mais aussi les lieux dont la dénomination peut être modifiée.

En tout état de cause, le naming constitue à l’évidence une nouvelle pratique de valorisation des biens publics qui, si elle pour l’heure cantonnée aux équipements sportifs et culturels, peut offrir encore de nouvelles perspectives de valorisation.

En définitive, le Professeur Yves Gaudemet écrivait, en 1997, en préface de la thèse du Professeur Philippe Yolka « Le droit de la propriété publique […] est devenu aujourd’hui un droit de l’exploitation » [20]. 25 ans plus tard, cette affirmation semble plus que jamais d’actualité au regard des nouvelles pratiques de la valorisation des biens publics qu’il s’agisse des anciennes pratiques qui ont été modernisées, des pratiques complètement inédites ou encore des pratiques qu’il reste à explorer.

 

[1] V. notamment en ce sens Cour des comptes, Certification des comptes de l’État, Exercice 2010, Rapport, mai 2011, pp. 65 et s.

[2] J.-P. Duprat, L’évolution des logiques de gestion du domaine de l’État, AJDA, 2005, p. 578.

[3] Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances N° Lexbase : L1295AXA, JORF n° 177 du 2 août 2001, texte n° 1.

[4] Conseil d’État, Réflexions sur l’orientation du droit des propriétés publiques, rapport adopté par la Section du rapport et des études en juin 1986.

[5] Ch. Maugüé, G. Bachelier, Genèse et présentation du Code général de la propriété des personnes publiques, AJDA, 2006, p. 1073.

[6] J.-M. Sauvé, Introduction du colloque dans le cadre des entretiens du Conseil d'État en droit public économique intitulé « La valorisation économique des propriétés des personnes publiques », 6 juillet 2011.

[7] Ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004, relative au statut des immeubles à usage de bureaux et des immeubles dans lesquels est effectué le contrôle technique des véhicules et modifiant le Code du domaine de l'État N° Lexbase : L0884GTW), JORF n° 194 du 21 août 2004, texte n° 4.

[8] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique N° Lexbase : L6482LBP, JORF n° 0287 du 10 décembre 2016, texte n° 2.

[9] CAA Lyon, 12 juillet 2007, n° 06LY02105 N° Lexbase : A4922DXL.

[10] Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9, JORF n° 0093 du 20 avril 2017, texte n° 8.

[11] CE, ass., 13 avril 2018, n° 397047 N° Lexbase : A2046XLD, Rec. p. 118.

[12] Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine N° Lexbase : L2315K9M, JORF n° 0158 du 8 juillet 2016, texte n° 1.

[13] Décret n° 2017-720 du 2 mai 2017, fixant la liste et le périmètre de domaines nationaux N° Lexbase : L1575LE3, JORF n° 0105 du 4 mai 2017, texte n° 96.

[14] Décret n° 2017-1743 du 22 décembre 2017, portant expérimentation de marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires N° Lexbase : L6990LHD, JORF n° 0300 du 24 décembre 2017, texte n° 5.

[15] Arrêté du 8 janvier 2018, relatif à la suspension à l'intérieur des agglomérations de Bordeaux et Nantes de l'expérimentation des marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires N° Lexbase : L9074LHK, JORF n° 0006 du 9 janvier 2018, texte n° 4.

[16] Arrêté du 22 octobre 2018, relatif à la suspension à l'intérieur de l'agglomération de Lyon de l'expérimentation des marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires, JORF n° 0248 du 26 octobre 2018, texte n° 36.

[17] M. Carius, Le naming des enceintes sportives, les nouveaux dieux du stade, AJCT, 2012, p. 357.

[18] CE, 26 mars 2012, n° 336459 N° Lexbase : A0180IH7, Rec. p. 127.

[19] CAA Marseille, 12 novembre 2007, n° 06MA01409 N° Lexbase : A0133D3C.

[20] Ph. Yolka, La propriété publique – Éléments pour unte théorie, LGDJ, 1997, préface Y. Gaudemet.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Domaine public et environnement

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N4759BZB

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par Yann Aguila, Avocat associé, Bredin Prat

Le 29 Avril 2024

Introduction [1] 

La crise environnementale a des effets matriciels sur le droit. Elle nous conduit à procéder à une relecture de nombreuses notions fondamentales du droit : personne morale, sujet de droit, distinction entre les personnes et les biens, propriété, contrat, souveraineté, etc...

À ce titre, une remarque incidente : on s’interroge beaucoup ces derniers temps sur la pertinence de l’attribution d’une personnalité morale à certains éléments de la nature. En première approche, cette idée peut paraître étrange : venue d’ailleurs, et particulièrement d’Amérique latine, peut sembler trop éloignée de nos traditions pour que la greffe puisse prendre en droit français. Pourtant, à bien y réfléchir – et pour rebondir sur l’intervention du président du Parc national des Calanques, le régime des parcs nationaux n’en est pas très éloigné : on y trouve un élément de la nature érigé en établissement public, avec une gouvernance qui inclut de nombreuses parties prenantes, y compris la population locale à travers les collectivités territoriales, dans le but d’assurer une protection accrue des parcs (C. env., art. L. 331-1 N° Lexbase : L7966K9W et suivants). Comme on le voit à travers cet exemple, il me semble qu’il faut garder l’esprit ouvert au débat et ne pas s’arrêter à des positions dogmatiques. Il faut surtout ne pas oublier que le droit repose sur des fictions et que, ce qui importe in fine, ce sont les objectifs poursuivis. Or, nous pourrions constater ensemble que, malgré la différence des outils juridiques (naturellement liée à la diversité des traditions), nous poursuivons bien en réalité des objectifs communs. Plus largement, on observera que, quelles que soient les réponses, une question, elle, reste bien posée : la question de la représentation des intérêts de la nature, en particulier devant le juge [2]. Il appartiendra aux juristes de proposer des réponses, dans les années qui viennent.

Pour en revenir au sujet qui nous préoccupe ici, la notion de domaine public n’échappe pas à la remise en cause à laquelle nous invite l’enjeu écologique. À cet égard, si l’état actuel du droit ne paraît pas satisfaisant au regard de l’exigence accrue de protection de la nature (I), des évolutions de la domanialité publique sont à la fois souhaitables et possibles (II).

I. L’état du droit : un cadre juridique insuffisant face aux enjeux

En première approche, on aurait pu penser que le droit du domaine public se prêterait volontiers, mieux que celui de la propriété privée, à l’exigence de protection de la nature. Pourtant, force est de constater qu’il n’existe pas de supériorité environnementale de la propriété publique, qu’il s’agisse de la notion de domaine public (A) ou de son régime (B).

A. La notion de domaine public

La notion même de domaine public est en réalité assez éloignée de celle d’espaces naturels (1) ou de biens communs environnementaux (2). Parce qu’elle repose désormais sur la notion de propriété, elle ne se prête pas spontanément à l’affichage d’une finalité environnementale (3).

1) Domaine public et espaces naturels

Pour lever toute ambiguïté, il faut d’abord relever qu’il n’y a pas de recoupement entre la notion de domaine public et celle d’espaces naturels.

D’une part, il n’y pas de recoupement physique avec la nature. Certes, le domaine public se divise entre un domaine public artificiel et le domaine public naturel. Mais ce dernier est très loin de recouvrir l’ensemble des espaces naturels. Il ne comprend pas, par exemple, les forêts, qui relèvent le plus souvent du domaine privé.

D’autre part, il n’y a pas de recoupement juridique entre domaine public et espaces naturels protégés. La protection des espaces naturels est issue d’une autre législation, la police de l’environnement. Or, s’agissant de l’application de cette législation environnementale, la nature publique ou privée de la propriété concernée n’a aucune incidence. Qu’il s’agisse des zones protégées comme les zones Natura 2000, ou les sites naturels classés, ou encore des parcs, régionaux ou nationaux, la circonstance que l’espace concerné relève éventuellement du domaine public n’est pas prise en compte. A titre de comparaison, aux États-Unis, le système des parcs est différent puisque ces derniers sont la propriété de l’État.

2) Domaine public et biens communs environnementaux

On rappellera d’abord qu’un débat se développe, depuis quelques années, sur la notion de « communs » et, notamment à l’échelle internationale, sur l’existence « biens publics mondiaux ». La notion de « res communes » est ancienne. En droit français, ces biens sont mentionnés à l’article 714 du Code civil N° Lexbase : L3323ABP : « Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous ». Sont ainsi souvent qualifiés de biens communs ceux qui sont d’une utilité commune et qui ne peuvent (ou ne doivent) pas faire l’objet d’appropriation, tels que la mer, l’eau ou l’air. Mais cette notion connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, compte tenu des risques de rareté et de pénurie de ces biens, estimés auparavant inépuisables (l’eau), des menaces liées à la pollution (l’air et le réchauffement climatique), et encore de l’exploitation économique excessive (les forêts). Face à ces risques, s’est développé un mouvement contre la marchandisation et la valorisation économique des biens publics, en particulier les biens « environnementaux ».

Or, il n’y a aucun recoupement entre la notion de domaine public et celle de biens communs. En effet, les biens communs sont, par définition même, des choses qui ne peuvent pas faire l’objet d’appropriation. Or le domaine public a un propriétaire : l’État et, plus largement, les personnes publiques.

3) Notion de domaine public et notion de propriété

En réalité, la notion même de propriété peut constituer un obstacle à la prise en compte de la nature par la domanialité publique. A cet égard, on rappellera que la conception actuelle du domaine public met en avant le concept de « propriété » publique. Cette conception dite « propriétariste » du domaine public a fait l’objet de nombreux débats, notamment lors de l’adoption du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP).  

Certes, l’outil de la propriété peut être utile. Ainsi, l’appropriation publique peut parfois se mettre au service de l’environnement. Tel est le cas de la mission confiée au Conservatoire du littoral, qui passe par l’acquisition de terrains pour mieux les protéger, ou encore de l’outil juridique du droit de préemption des parcs (nationaux ou régionaux) pour les espaces naturels sensibles (C. urb., art. L. 215-6 N° Lexbase : L2723KIP).

Cependant, cette conception « propriétariste » porte en elle-même une limite : si l’État n’intervient qu’en qualité de propriétaire, alors ses objectifs sont la protection classique de ses intérêts de propriétaire. Cette qualité de propriétaire semble commander aujourd’hui les principales finalités du régime de la domanialité, à savoir la conservation des biens, la valorisation patrimoniale, ou encore la politique de gestion « en bon père de famille ». Ces objectifs ne sont pas toujours alignés avec les principes environnementaux. 

B. Le régime du domaine public

L’absence de préoccupation écologique se manifeste tant dans les règles (1) que dans la politique (2) de gestion du domaine public. L’enjeu environnemental n’irrigue pas davantage le régime des sanctions (3).

1) Les règles de gestion du domaine public

La finalité des règles actuelles n’est pas la protection de la nature. En effet, en l’état du droit, le régime juridique du domaine public poursuit principalement deux objectifs : la conservation de la propriété publique (d’où l’existence du principe d’inaliénabilité) et sa rentabilité (d’où l’encadrement de la redevance par le CGPPP).  Certes, s’agissant des redevances d’occupation du domaine public, il existe, par dérogation à la règle, des cas d’occupation à titre gratuit, prévus par les dispositions de l’article L. 2125-1 du CGPPP N° Lexbase : L7215LZA. Mais cet article ne mentionne pas expressément l’intérêt environnemental.

Ainsi, les obligations pour l’État dans la gestion du domaine intègrent peu de préoccupations environnementales. Certes, il existe une obligation de protection. L’impératif de protection du domaine public est une obligation constitutionnelle posée par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 N° Lexbase : A8307ACN). Mais il n’existe pas réellement d’obligation claire d’entretien du domaine public – au-delà du fameux « défaut d’entretien normal » qui ne concerne que les ouvrages publics. Plus largement, il n’y a pas d’objectif de « qualité » du domaine public.

Au total, le régime du domaine public ne se donne donc pas de finalité environnementale.

Certes, quelques progrès récents peuvent être mentionnés. Ainsi, dans le cadre de l’utilisation du domaine public maritime, depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages N° Lexbase : L8435K9B, l’article L. 2124-1 du CGPPP N° Lexbase : L7962K9R dispose que « les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ; elles sont à ce titre coordonnées notamment avec celles concernant les terrains avoisinants ayant vocation publique. / Ces décisions doivent être compatibles avec les objectifs environnementaux du plan d'action pour le milieu marin prévus aux articles L. 219-9 à L. 219-18 du code de l'environnement. […] ».

De même, s’agissant de la redevance, la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R, a prévu, à l’article L. 2125-1-1 du CGPPP N° Lexbase : L6595L7E, que la commune peut « délivrer à titre gratuit les autorisations d'occupation temporaire du domaine public communal, lorsqu'elles sont sollicitées au bénéfice de personnes morales de droit public ou de personnes privées qui participent au développement de la nature en ville et répondent à un objectif d'intérêt public en installant et entretenant des dispositifs de végétalisation ». 

Toutefois, le CGPPP procède souvent par simple renvoi aux préoccupations environnementales exprimées par d’autres codes. Par exemple, il renvoie au code de l’environnement pour les espaces naturels, ainsi qu’au code de la construction pour la réglementation environnementale RE2020 et la politique de rénovation énergétique des bâtiments publics [3]. Le renvoi du CGPPP aux autres codes rappelle le principe sous-jacent d’indépendance des législations : à chaque législation sa spécialité.

Il nous semble que deux grands principes issus de la Charte de l’environnement de 2004 devrait inviter la réglementation du domaine public à mieux intégrer l’enjeu écologique. D’une part, le devoir de préservation de l’environnement, consacrés à l’article 2 de la Charte. Ce devoir s’applique évidemment aux personnes publiques, en leur qualité de propriétaires. D’autre part, le principe d’intégration, en vertu duquel chaque politique publique doit intégrer des préoccupations environnementales, consacré à l’article 6 de la Charte [4]. Ainsi, on pourrait penser qu’en application de ces principes constitutionnels, il appartient au régime de la domanialité publique d’intégrer en son sein les considérations environnementales, plutôt que de se reposer sur les autres codes. 

2) La politique de gestion du domaine public

Au-delà des règles, la politique de gestion est souvent tournée vers la « valorisation économique ». C’est une gestion dite « patrimoniale », qui suit une logique de rendement. Tel est le cas par exemple du développement des occupations du domaine public à des fins privatives. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la politique de gestion du domaine public est confiée au ministère de l’Economie et des Finances, au sein duquel se trouve la Direction de l’immobilier de l’État (DIE). Nous ne savons pas dans quelle mesure le ministère de la transition écologique est associé – ou pas ? – à la définition des principes de gestion du domaine public. En tout cas, nous n’avons pas connaissance de circulaires de politique générale ni de lignes directrices émanant de Bercy qui seraient tournées vers un objectif de protection de l’environnement.

Un exemple notable de la faible prise en compte de l’enjeu écologique est celui de la forêt domaniale, dont la politique est clairement axée vers l’exploitation économique. Certes, les forêts ne relèvent pas du domaine public mais du domaine privé. Mais cet exemple est très révélateur. Les forêts ne bénéficient donc pas du régime du domaine public : elles sont soumises à un objectif clair d’exploitation économique (récoltes, etc…). L’Office national des forêts (ONF) est bien un établissement public industriel et commercial.  Il gère les forêts conformément à un contrat « d'objectifs et de performance » conclu avec l’État. Certes, certains éléments tentent de trouver un équilibre entre enjeux écologiques et économiques : depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, l’objectif général de gestion des forêts domaniales est de « produire plus de bois, tout en préservant mieux la biodiversité ». La loi du 8 août 2016 précitée a permis de créer 250 « réserves biologiques » par le biais de l’ajout de l’article L. 212­-2-­1 dans le Code forestier (« Le document d'aménagement peut identifier des zones susceptibles de constituer des réserves biologiques dans un objectif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel »). Il n’en reste pas moins que la gestion des forêts ne fait pas l’objet d’une politique environnementale affichée : l’objectif principal paraît rester celui de la rentabilité.

3) La sanction de la dégradation du domaine public : les contraventions de grande voirie

Les contraventions de grande voirie permettent la protection contre les dégradations et les occupations sans titre du domaine public. Théoriquement, elles peuvent donc être utilisées en vue de protéger la biodiversité. Sur le domaine public maritime, il peut s’agir d’atteintes à la qualité des eaux : la pollution des eaux d’un port par des hydrocarbures par exemple.

En pratique, leur usage est toutefois différent. Dans la célèbre affaire de l’Erika, la contravention n’a pas été retenue, et les poursuites contre Total ont été abandonnées. Un accord conclu entre l’État et Total prévoyait la remise en l’état du site par l’entreprise en contrepartie de l’abandon des poursuites. La légalité de cette transaction a été confirmée par le Conseil d’État dans une décision du 30 septembre 2005 [5]. On signalera toutefois que le Parc national des Calanques conduit pour sa part une politique plus active dans ce domaine : il semble constituer l’un des rares exemples d’usage volontariste des contraventions de grande voirie dans un parc national.

II. Réflexions prospectives : quelles évolutions du domaine public pour mieux prendre en compte l’exigence de protection environnementale ?

Si l’état actuel du droit n’est pas à la hauteur des enjeux environnementaux, les exigences de protection de l’environnement pourraient bien entraîner des évolutions profondes de la domanialité publique. Nous présenterons ici davantage de questions que de réponses. Le but est surtout de proposer des pistes de réflexion. Reprenant le découpage de la première partie, nous aborderons d’abord la notion (A) puis le régime (B) du domaine public.  

A. Les évolutions souhaitables de la notion de domaine public

La réflexion pourrait porter tant sur la définition (1) que sur le périmètre (2) du domaine public.

1) Réflexions sur la définition même du domaine public

L’origine du problème se loge probablement dans la définition même du domaine public. Comme le relève le professeur Philippe Yolka, « l’outil domanial n’a pas été pensé pour protéger l’environnement » [6].

Au fond, la définition du domaine public est tournée avant tout vers l’utilité du domaine, sous deux formes : soit l’utilité pour les besoins du service public, soit l’utilité pour les besoins de l’usage du public. Le domaine public est ainsi conçu comme un outil au service de l’action administrative, un moyen d’action. Pour le dire autrement, il repose aujourd’hui sur une conception utilitariste. Comme indiqué précédemment, les évolutions récentes ont plutôt accentué ce caractère, avec le développement d’une conception « propriétariste » du domaine. On tend vers l’idée que la propriété publique est une propriété comme les autres.

Or, l’enjeu écologique nous conduit à poser cette question : un retour aux sources n’est-il pas nécessaire ?

La conception première du domaine public n’était pas celle d’une « propriété », au sens strict du terme. L'État ne détenait pas l'abusus, le domaine public étant inaliénable. Il ne bénéficiait pas nécessairement de l'usus, qui revient souvent au public. Et il délaissait le fructus, qui reste accessoire. Dans le cadre de cette conception originelle, l’État était simplement dépositaire du domaine public, le gardien de ce domaine, qui lui était simplement « affecté ».

Par un curieux retournement, cette conception ancienne pourrait bien être avant-gardiste. N’est-elle pas parfaitement en phase avec les réflexions contemporaines sur les biens publics mondiaux ?

Ainsi, il ne serait pas absurde que la notion de domaine public retrouve une certaine proximité avec celles de biens communs. La réflexion pourrait s’inspirer des mots de Portalis, lorsqu’il s’interrogeait sur les « choses communes », avec pour idée que l’État en est le gardien et non le maître, n’ayant que « la simple disposition de ces choses et le droit de protéger leur destination naturelle » [7].  

2) Réflexions sur la délimitation du périmètre du domaine public naturel

Le domaine public naturel comporte surtout le domaine maritime et le domaine fluvial. Mais quid du domaine public naturel terrestre ? Ce dernier est quasiment inexistant. Pour le dire autrement, quel régime juridique pour le grand absent du domaine public naturel : les forêts ?

La question mérite d’être posée : faut-il faire évoluer la qualification des forêts publiques, ou au moins de certains espaces protégés au sein de ces forêts, pour les inclure dans le domaine public ?

Il n’y a sans doute pas de réponse évidente : tout est affaire d’équilibre entre les avantages et les inconvénients de chaque système. Toutefois, on ne peut qu’être frappé par le décalage entre, d’un côté, l’importance des forêts au regard de l’enjeu de la protection de la biodiversité et, d’un autre côté, leur régime juridique tourné vers l’exploitation économique.

B. Les évolutions souhaitables du régime du domaine public

Des évolutions pourraient être envisagées tant pour les règles (1) que pour la politique (2) de gestion du domaine public.

1) Evolution des règles de gestion du domaine public

Des évolutions seraient possibles pour mieux intégrer les préoccupations environnementales dans le CGPPP. Sans prétendre à l’exhaustivité, on mentionnera ici quelques exemples.

Ainsi, le législateur pourrait poser clairement dans le CGPPP une obligation d’entretien du domaine public. De façon plus précise, il serait utile d’indiquer que cette obligation comprend le devoir de préserver la biodiversité.

S’agissant des redevances, on pourrait envisager leur « verdissement ». A minima, il faudrait retenir une interprétation large des occupations à titre gratuit, fondées sur l’intérêt général. On peut citer dans ce sens un extrait du JurisClasseur Propriétés publiques [8] : « Le montant de la redevance peut prendre en compte l’impact environnemental de l’occupation ou de l’utilisation du domaine public. Les auteurs du rapport « Les redevances d’occupation du domaine public maritime naturel » prônaient le « verdissement » de ces redevances, c’est-à-dire la prise en considération accrue des coûts environnementaux dans le montant des redevances ».

Pour aller plus loin, ne faudrait-il pas envisager de modifier le texte, pour introduire expressément l’enjeux environnemental parmi les critères de fixation de la redevance ? Actuellement l’article L. 2125-3 du CGPPP N° Lexbase : L4561IQY prévoit que « la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ». Il faudrait écrire clairement que ces « avantages » peuvent être de nature environnementale. A cet égard, on pourrait s’inspirer de la rédaction de l’article L. 132‑15­­­­‑­1 du Code minier : s’agissant des gisements en mer situés sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive, il précise que « [l]e calcul de la redevance tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de la concession, de l’impact environnemental des activités concernées ainsi que du risque pour l’environnement […] ».  

Plus largement, se pose la question de la responsabilité du propriétaire qu’est l’État. Quid de la notion de « propriétaire responsable » ? Par analogie, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) pour les sociétés privées repose sur la notion d’entreprises responsables. A fortiori, l’État propriétaire doit prendre également sa part de responsabilité, celle-ci intégrant une finalité environnementale.

Enfin, et pour ouvrir le débat, on pourrait poser la question de l’établissement d’une protection constitutionnelle du domaine public, et notamment de qualité au regard des considérations environnementales. En droit comparé, cette protection constitutionnelle existe en Grèce au bénéfice des forêts.

2) Évolution de la politique de gestion du domaine public

A minima, il conviendrait de poser clairement ces exigences dans des actes de droit souple (circulaires, lignes directrices, etc). La politique de gestion du domaine public doit être guidée, à côté de l’objectif de valorisation économique du domaine, par un objectif de protection de la biodiversité.

L’État et les personnes publiques en général se doivent d’être exemplaires dans la gestion de leur domaine. À titre d’exemple de cette exemplarité, on peut citer l’exposé des motifs du Projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables (ENR) : « L’État se doit aussi d’être exemplaire et engagera des actions dans ses administrations et ses bâtiments publics ».  

  


[1] Cette intervention lors du colloque organisé par le barreau de Marseille le 25 novembre 2022 doit beaucoup aux excellentes études académiques qui ont été conduites sur le sujet, et particulièrement aux deux articles suivants : S. Caudal, La domanialité publique comme instrument de protection de l’environnement, AJDA 2009, p. 2329 ; Ph. Yolka, Brèves remarques sur l’environnementalisation du droit domanial, Mélanges Caudal, 2020.

[2] Cette question se pose par exemple dans le régime du préjudice écologique du code civil (articles 1246 et suivants), comme le montrent les réflexions de la Commission environnement du Club des juristes, dans son rapport de 2012 « Mieux réparer le dommage environnemental ». Suivant les recommandations de ce rapport, l’article 1248 retient une diversité de représentants, en prévoyant que « [l]'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'État, l'Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement ».

[3] S’agissant de la réglementation environnementale, la France est passée, depuis 2020, d’une réglementation thermique (RT2012) à une réglementation environnementale, la RE2020.  Cette nouvelle réglementation s’inscrit dans une action continue et progressive en faveur de bâtiments moins énergivores. En France, le secteur du bâtiment représente 44 % de la consommation d’énergie et près de 25 % des émissions de CO2. La RE2020 a pour objectif de poursuivre l’amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone.

[4] Article 6 : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

[5] CE, 30 septembre 2005, n° 263442 N° Lexbase : A6065DKT.

[6] Ph. Yolka, Brèves remarques sur l’environnementalisation du droit domanial, Mélanges Caudal, 2020.

[7] « Toutes les choses qui s’offrent à nous dans la nature sont ou non commerçables par elles-mêmes ou hors du commerce et destinées par la providence à demeurer communes. Les premières appartiennent exclusivement aux particuliers ou aux communautés qui les possèdent […]. Les choses de la seconde espèce, c’est-à-dire celles qui sont hors du commerce et qui, par leur destination naturelle, doivent demeurer communes, sont incapables d’être l’objet d’une propriété privée et ne peuvent appartenir, à titre de domaine proprement dit, à qui que ce soit, pas même à l’État, qui n’a que la simple disposition de ces choses et le droit de protéger leur destination naturelle ». Portalis, De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le XVIIIème siècle, 1799.

[8] É. Untermaier-Kerléo, Fasc. 59-10 : Redevances domaniales, JurisClasseur Propriétés publiques, 4 octobre 2018.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Quels outils contentieux pour le candidat évincé et pour l’occupant du domaine public ?

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par Maxime Büsch, Avocat associé, LexCase, en collaboration avec Gwendoline Virassamy

Le 22 Mars 2023

Entrée en vigueur le 1er juillet 2017, l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L9569LDR impose aux gestionnaires de domaine public d’organiser « librement » une procédure de sélection préalable à toute occupation privative en vue d’une exploitation économique du domaine public.

Cette disposition désormais bien connue provient de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9, qui elle-même transpose la Directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4.

L’ordonnance n’a toutefois créé ni adapté aucune voie de droit particulière qui permettrait à un candidat évincé d’une procédure de sélection de contester efficacement en justice la décision d’attribution du titre d’occupation. Il faut donc s’en remettre au droit commun, comme l’a d’ailleurs confirmé une réponse ministérielle du 1er juillet 2021 [1] : « Le législateur n'a pas institué de procédure contentieuse spécifique pour permettre de contester et de sanctionner le non-respect de ces prescriptions. Ainsi, ce sont les règles du droit commun, essentiellement définies par la jurisprudence administrative, qui doivent trouver à s'appliquer dans ces situations. »

Quelles sont ces procédures ? La réponse à cette question dépend avant tout de la nature du titre accordé : soit conventionnel (I), soit unilatéral (II). Les textes n’imposent en effet aucune forme pour les titres d’occupation, sauf cas particulier (cf. par exemple l’article L. 46 du Code des postes et des communications électroniques N° Lexbase : L0113IRM, qui impose la forme de la convention pour l’occupation du domaine public non routier par les exploitants de réseaux de communication électronique).

Le cas particulier du refus de renouvellement d’un titre, notamment parce que le gestionnaire est dans l’obligation de mettre en œuvre une procédure de sélection préalable, méritera également d’être évoqué (III).

I. Les recours en cas de convention d’occupation

1. Recours au fond : On s’en souvient, les décisions « Tropic Travaux Signalisation » en 2007 [2], puis « Tarn-et-Garonne » en 2014 [3], ont ouvert la possibilité d’un recours de plein contentieux en contestation de la validité du contrat, pour tous les tiers lésés, dans un délai de deux mois à compter de la publicité de la signature du contrat. Dans le même temps, la voie du recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables en invoquant des vices du contrat a été fermée.

Ce recours de plein contentieux permet, selon la gravité des manquements, d’obtenir l’annulation ou la résiliation du contrat, ou éventuellement une condamnation de l’administration à prendre des mesures de régularisation. Il permet également à un candidat évincé d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait des illégalités commises. Mais encore faudra-t-il pour ce dernier prouver qu’il avait des chances de se voir attribuer le titre d’occupation et prouver la nature et le quantum de ses préjudices (frais de préparation de l’offre, surcoût de loyer par rapport à la redevance d’occupation qu’il aurait versé en application de la convention, etc.)

La possibilité d’engager un recours « Tarn-et-Garonne » pour les candidats évincés à une procédure de sélection d’un occupant du domaine public a été confirmée par le Conseil d’État dans sa décision « École centrale de Lyon » du 2 décembre 2015 [4], avant même qu’une telle procédure devienne obligatoire.

Néanmoins, il faut souligner que les requérants sont strictement limités dans les moyens qu’ils peuvent invoquer à l’encontre du contrat. Ces derniers sont en effet limités « aux vices en rapports directs avec intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ».

Cette exigence stricte de rapport direct avec les intérêts lésés a été explicitée par la suite pour ce qui concerne le cas particulier du candidat évincé, le Conseil d’État indiquant que celui-ci ne peut « utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction » [5].

Or, si la voie est relativement bien tracée en matière de marchés publics ou concessions passés selon une procédure formalisée, elle ne l’est quasiment pas en matière de procédure de sélection d’un occupant du domaine public. La seule obligation légale du gestionnaire du domaine public est en effet d’organiser « librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester » (CGPPP, art. L. 2122-1-1). La loi n’impose rien de plus, s’agissant par exemple du choix et de la publicité et des modalités d’application des critères de sélection, des délais de la procédure ou encore des obligations d’information des candidats évincés (étant précisé que compte tenu de l’obligation de motiver une décision de refus d’accorder un titre d’occupation du domaine public [6], il nous semble que les candidats évincés doivent être informés des raisons du rejet de leurs offres).

Ainsi, la contestation de la régularité de la procédure n’est pas chose aisée. La difficulté à trouver dans la jurisprudence accessible aux praticiens du droit des exemples dans lesquels un juge aurait constaté un manquement du gestionnaire du domaine public est d’ailleurs très révélatrice.

Au total, la contestation en justice par un candidat évincé d’une convention d’occupation du domaine public est selon nous à réserver aux cas les plus flagrants d’atteinte par le gestionnaire aux principes d’impartialité et de transparence.

De plus, s’agissant d’une procédure au fond, les délais de jugement restent la plupart du temps dissuasif.

2. Recours en référé : pour contourner l’inconvénient de la durée d’une procédure au fond, le concurrent évincé peut toujours tenter d’agir en référé.

Néanmoins, le référé précontractuel et le référé contractuel ne sont ouverts que contre les procédures de passation de contrats relevant du champ de la commande publique (les marchés publics, les concessions, etc.) et contre les procédures de sélection des actionnaires des sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) [7].

La seule possibilité pour un concurrent évincé reste donc la voie du référé-suspension, prévu par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3057ALS (nous excluons d’emblée l’hypothèse du référé-liberté dès lors qu’il a déjà été jugé que « la décision délivrer ou non une autorisation d’occupation du domaine, que l’autorité n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie » [8]).

Mais la difficulté majeure du référé suspension est que le requérant doit justifier d’une urgence à agir (outre l’existence d’un moyen propre à créer en l’état de l’instruction un doute quant à la légalité de la décision), laquelle est appréciée de façon très restrictive par le juge. En effet, celui-ci exige de façon de façon habituelle que soit fournie la preuve d’une atteinte « suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ». Concrètement, cette urgence n’est admise que lorsque la situation litigieuse crée un risque majeur et quasi certain pour la pérennité de l’activité du requérant, ou pour sa situation personnelle (risque de faillite, perte totale de revenu sans possibilité de substitution, etc) [9].

Là encore, cette voie contentieuse ne permet que très rarement aux concurrents évincés d’aboutir.

II. Les recours en cas d’autorisation d’occupation unilatérale

Il s’agit donc d’une hypothèse bien plus rare, puisque dans l’immense majorité des cas, les titres d’occupation du domaine public prennent la forme d’une convention d’occupation temporaire.

Dès lors que le titre d’occupation prend la forme d’un acte unilatéral, celui-ci peut, de façon très classique, être contestée par la voie du recours pour l’excès de pouvoir [10].

Dans un tel cas, et contrairement au recours « Tarn-et-Garonne » qui peut être intenté à l’encontre d’une convention, le candidat évincé ne sera pas limité dans les moyens qu’il pourra soulever à l’encontre de l’acte (pour cette raison, un gestionnaire de domaine public aura donc tout intérêt à privilégier la voie contractuelle plutôt que la voie unilatérale).

La situation des candidats serait donc très différente et plus favorable que dans le cadre classique d’une convention d’occupation, alors même que rien ne justifie cette différence de traitement.

Naturellement, en complément du recours pour excès de pouvoir, le candidat évincé serait tout à fait recevable à former un référé suspension (CJA, art. L. 521-1). Mais là encore, cette voie de droit reste extrêmement étroite, voire théorique, en raison de la condition de l’urgence appréciée de façon restrictive par le juge.

III. Cas particulier de la décision de non-renouvellement d’un occupant en place

Pour finir, il est intéressant de mentionner le cas un peu particulier de l’occupant bénéficiant d’un titre d’occupation renouvelable (titre souvent accordé avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2017) et qui se voit refuser par l’administration le bénéfice de ce renouvellement (la plupart du temps, en raison précisément de l’obligation de mise en concurrence prévue par ladite ordonnance).

Le Conseil d’État a rendu un arrêt intéressant le 13 juillet 2022, dans lequel il a confirmé que l’occupant n’est pas recevable à former un recours en reprise des relations contractuelles, comme il aurait pu le faire contre une décision de résiliation. En effet, les décisions de non renouvellement « n'ont ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours ». Elles ne peuvent donc être assimilée à des décisions de résiliation [11].

Dans une telle hypothèse, « l’occupant évincé » ne peut donc, le cas échéant, que réclamer l’indemnisation du préjudice subi du fait de la décision litigieuse.

 

[1] QE n° 17175 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat, 9 juillet 2020, p. 3141, réponse publ. 1er juillet 2021 p. 4079, 15ème législature N° Lexbase : L8280MAW.

[2] CE, ass., 16 juillet 2007, n° 291545 N° Lexbase : A4715DXW.

[3] CE, ass., 14 avril 2014, n° 358994 N° Lexbase : A6449MIP.

[4] CE, 2 décembre 2015, n° 386979 N° Lexbase : A6192NYY : « Considérant que tout tiers à une convention d'occupation du domaine public conclue sur le fondement de ces dispositions, susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, est recevable à former, devant le juge du contrat, un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que la légalité du choix du cocontractant ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un tel recours, exercé dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, et qui peut éventuellement être assorti d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat ».

[5] CE, 5 février 2016, n° 383149 N° Lexbase : A5051PKB. Pour une application récente à une procédure de l’article L. 2122-1-1 du CGPPP : CAA, 13 juillet 2022, n° 20BX01591 N° Lexbase : A36968BI.

[6] CE, 23 mai 2012, n° 348909 N° Lexbase : A0935IML.

[7] CJA, art. L. 551-1 N° Lexbase : L3270KG9 et L. 551-13 N° Lexbase : L1581IEB ; CE, 3 décembre 2014, n° 384170 N° Lexbase : A9087M4C ; CE, 14 février 2017, n° 405157 N° Lexbase : A5671TND.

[8] CE, 23 mai 2012, n° 348909 N° Lexbase : A0935IML.

[9] Cf. pour une illustration récente en matière de recours contre une convention d’occupation du domaine public : TA Montpellier, ord., 18 août 2022, n° 2203814 N° Lexbase : A71508EK : rejet du référé suspension pour défaut d’urgence dès lors que l’occupant (camion pizza) : continuait à exercer son activité (sans titre), ne prouvait pas de façon objective la perte de revenu personnel et ne prouvait avoir vainement tenté de rechercher d’autres emplacements pour l’exercice de son activité ni s’être heurté à des refus d’autorisation.

[10] Ibid.

[11] CE, 13 juillet 2022, n° 458488 N° Lexbase : A22198BS.

[8] CE, 23 mai 2012, n° 348909 N° Lexbase : A0935IML.

[9] Cf. pour une illustration récente en matière de recours contre une convention d’occupation du domaine public : TA Montpellier, ord., 18 août 2022, n° 2203814 N° Lexbase : A71508EK : rejet du référé suspension pour défaut d’urgence dès lors que l’occupant (camion pizza) : continuait à exercer son activité (sans titre), ne prouvait pas de façon objective la perte de revenu personnel et ne prouvait avoir vainement tenté de rechercher d’autres emplacements pour l’exercice de son activité ni s’être heurté à des refus d’autorisation.

[10] Ibid.

[11] CE, 13 juillet 2022, n° 458488 N° Lexbase : A22198BS.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Quels outils contentieux pour l’administration ?

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par Jean-Michel Laso, vice-président du tribunal administratif de Marseille, président de la 5ème chambre

Le 22 Mars 2023

Présenter les outils contentieux pour l'administration, c'est d'abord présenter les outils pour protéger le domaine des administrations.

Ces outils sont variés. J’en ai identifié trois que je vais vous présenter sommairement et de manière pragmatique.

Le premier outil contentieux à disposition de l’administration pour protéger son domaine, c’est la saisine du juge des référés mesures utiles pour obtenir en urgence l’expulsion d’un occupant sans titre.

Cette expulsion peut également être demandée au juge du fond. La saisine du juge du fond permet à l'administration d'utiliser un autre outil contentieux (dont le juge des référés mesures-utiles ne dispose pas) : obtenir une indemnisation.

L'indemnisation vise la réparation résultant d’une occupation sans titre d’une dépendance du domaine public. Protection et valorisation du domaine public.

Enfin, l'administration dispose d'un outil spécifique qui allie relative urgence, expulsion et réparation avec la contravention de grande voirie (CGV) et la saisine du juge de la CGV.

Cette procédure vise la protection du domaine public et permet non seulement l’expulsion d’un occupant sans titre mais surtout la remise en état des dépendances du domaine public. C’est l’action domaniale.

Variété des outils contentieux mais, dans tous les cas, nous partons du principe/de la nécessité pour l'occupant de disposer d'une autorisation.

Ce principe issu de l’article L. 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) N° Lexbase : L9569LDR qui énonce (que) nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du DP d’une personne publique ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous.

L’administration est tenue d'exercer les pouvoirs qu'elle tient pour faire cesser les atteintes portées au domaine public. Cette obligation a été rappelée par le Conseil d’État dans la décision du 30 septembre 2005 « Cacheux » [1].

En l'espèce, l’atteinte portée au domaine public maritime résultait de la pollution par hydrocarbures à la suite du naufrage du navire "Erika".

Avec, immédiatement, une atténuation. L’obligation trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont les autorités publiques chargées de la police et de la conservation du DPM ont la charge et notamment les nécessités de l'ordre public.

I. L’expulsion de l’occupant sans titre devant le juge des référés mesures utiles

Le texte applicable est l'article L. 521-3 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3059ALU qui dispose : « en cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ».

Les demandes d'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public présentées au juge des référés mesures utiles ne doivent pas être manifestement insusceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative.

Le plus souvent, la demande d'expulsion est une mesure d'exécution d'un contrat d'occupation du domaine public qui a expiré et qui n’a pas été renouvelé ou qui a été résilié. Dans cette hypothèse, la question de la compétence ne soulève pas de difficulté.

Le juge des référés peut prononcer l’expulsion d'un occupant sans titre de cette dépendance lorsque cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse. La libération des locaux doit présenter un caractère d'urgence.

C’est à la date à laquelle il statue que le juge des référés recherche si la demande d’expulsion présente un caractère d’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse [2].

Par ailleurs, le juge des référés mesures utiles doit tenir une audience publique pour statuer sur une demande d'expulsion - eu égard au caractère quasi-irréversible de la mesure qu'il peut être conduit à prendre [3].

Pour autant, la saisine du juge des référés comporte une limite, elle ne doit pas contenir d’autres conclusions que l'expulsion.

Les demandes d’expulsion portent sur des situations très variées.

Elles sont souvent présentées par les collectivités pour des occupations sans titre de dépendances de leur domaine public. Par exemple pour des occupations par des gens du voyage.

Le CE a jugé que le référé-mesures utiles est applicable à une demande d’expulsion des gens du voyage [4].

Dans cette hypothèse, l’urgence résulte de la gravité des risques qui pèsent, du fait de l’occupation irrégulière du domaine public, sur la sécurité et la salubrité publique tant pour les tiers que pour les occupants sans titre.

Un autre exemple : les demandes d’expulsion du Marché d’intérêt national (MIN) à Marseille. Ces demandes sont présentées par le gestionnaire du domaine de préférence à la collectivité propriétaire : la SOMIMAR (société d’économie mixte pour la construction et l’exploitation du MIN de Marseille).

L'urgence peut résulter de l'existence d'un candidat pour occuper l'emplacement indument occupé ou l'impossibilité de réaliser des travaux ou un projet compte tenu de cette occupation sans titre.

L’idée est la valorisation économique du bien. Urgence et utilité se rejoignent. L'utilité consiste à permettre une bonne gestion du domaine public.

S'agissant de l'absence de contestation sérieuse : il s'agira souvent de répondre au moyen tiré de l'illégalité de la décision de résiliation ou du non renouvellement du contrat d'occupation.

Le moyen de la contestation du rejet d'une candidature à un appel d'offres est en revanche inopérant dès lors que le candidat évincé ne bénéficie d'aucun titre à occuper le domaine public.  

Les mesures susceptibles d'être ordonnées par le juge des référés sont conservatoires.

Elles se traduisent par l'expulsion demandée de l'occupant sans titre, la libération des lieux, l’évacuation des matériels présents sur le site.

Une astreinte peut aussi être prononcée par le juge des référés.

Enfin, le juge des référés pourra ordonner le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion de l'occupant sans titre.  

L’administration peut saisir le juge du fond d’une requête comportant des conclusions à fin d’expulsion et des conclusions à fin d’indemnisation.

II. L’indemnisation de l’occupation sans titre devant le juge du fond

Dans une affaire jugée par le TA de Marseille le 9 juin 2022 (n° 1902753), le gestionnaire du DPF (SNCF Réseau) cherchait à obtenir la libération de parcelles occupées par des sociétés dont les conventions d'occupation n'avaient pas été renouvelées.

Comme pour le juge du référé « mesures utiles », l'objectif de SNCF Réseau était l'expulsion des sociétés mais SNCF Réseau a également présenté des conclusions indemnitaires.

Le principe a été dégagé par le CE de longue date selon lequel l’occupant sans droit ni titre commet une faute qui engage sa responsabilité envers le gestionnaire du domaine [5].

Le gestionnaire est donc fondé à réclamer à l’occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période d’occupation.

Ce principe a été rappelé récemment par le CE dans les décisions du 13 décembre 2015 [6] et du 15 mars 2017 « Commune de Cannes » [7], dans des litiges concernant des titres exécutoires émis à l’encontre d’occupant irréguliers.

A cet égard, la Haute-Assemblée a précisé que les circonstances tenant au fait que le gestionnaire du domaine public n'ait pas mis l'occupant irrégulier en demeure de quitter les lieux, ne l'ait pas davantage invité à régulariser sa situation ou ait entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, ces circonstances ne sauraient faire obstacle au droit du propriétaire/gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de l’occupation irrégulière.

Ces circonstances peuvent seulement être de nature à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l'occupant dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d'une faute [8].

Comment est calculée l’indemnité due par l’occupant irrégulier ?

Il appartient au gestionnaire du domaine de calculer l’indemnité par rapport au tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public ou, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public [9].

L’idée est de transposer au cas d’une occupation irrégulière le mode de calcul retenu à l’égard de l’occupant régulier.

Le Conseil d’État a précisé que la circonstance que l'occupation en cause soit interdite n'empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l'indemnité due par l'occupant irrégulier par référence au montant de la redevance due, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires – car s’agissant d’une occupation interdite le calcul par rapport au tarif existant n’étant pas possible [10].

Dans le jugement TA Marseille n° 1902753 précité, l'indemnisation a été calculée par rapport aux redevances des conventions précédemment conclues avec les sociétés et actualisées grâce à une expertise foncière produite par SNCF Réseau.

Quelques mots sur l’occupant irrégulier. C’est celui sur qui pèse la charge de l'indemnisation.

Dans le jugement « TAM Marseille », il s’agit des sociétés occupantes, qu’elles aient conclu ou pas une convention avec SNCF Réseau (sociétés occupantes et sous-occupantes).  

A ce titre, le Conseil d’État a précisé que lorsque l'occupation du domaine public procède de la construction sans autorisation d'un bâtiment sur le domaine public, c'est soit la personne qui a construit le bâtiment ou qui a acquis les droits du constructeur soit celle qui l'occupe soit les deux, en fonction des avantages respectifs qu'elles en ont retiré [11].

De la même manière, s’agissant d’un navire, lorsque le gestionnaire d’une dépendance du domaine public ferroviaire poursuit l'indemnisation du préjudice résultant de l'occupation sans titre, il est fondé à mettre les sommes à la charge soit de la personne qui est propriétaire de ce navire ou qui en a la garde, soit de la personne qui occupe le navire, soit de l'une et de l'autre en fonction des avantages respectifs qu'elles ont retirés de l'occupation [12].

III. La remise en état du DP par la CGV et la saisine du juge de la CGV

L'article L. 2132-2 du CGPPP N° Lexbase : L4571IQD dispose que les CGV sont instituées en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet la protection de l'intégrité et/ou de l'utilisation du domaine public.

Le même texte précise que les CGV sont constatées, poursuivies et réprimées par la voie administrative. 

L'article L. 2331-1 du CGPPP dispose que les litiges relatifs aux CGV sont portées devant le juge administratif conformément à l'article L. 774-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3245ALR.

Pour qu’il y ait CGV, il faut qu'il y ait une atteinte au domaine public ou à son affectation. La CGV a pour finalité d’obtenir la remise en état de la dépendance du domaine public.

Pour autant, la mise en œuvre d'une procédure pour CGV n'interdit pas à l'autorité domaniale de saisir le juge administratif des référés et celui-ci ne commet donc pas d'erreur de droit en accueillant une demande d’expulsion alors qu'un PV de CGV a été dressé [13].

Les CGV sont variées.

En cas d'occupation sans autorisation dans un port de plaisance par des navires ou tous autres engins ou tous autres objets et l’autorité chargée de la police et de la conservation du domaine public portuaire est généralement la Métropole Aix-Marseille-Provence (MAMP) pour la partie du territoire métropolitain.

En cas de dommages au domaine public portuaire - aux installations portuaires du GPMM - par des navires ou autres et l'autorité chargée des poursuites est le Grand Port Maritime de Marseille.

En cas de constructions sans autorisation sur le domaine public maritime naturel : les cabanons à l’embouchure du Rhône ou les constructions dans l'anse de Maldormé, et l’autorité chargée des poursuites est le préfet. 

Pour une occupation sans autorisation sur le domaine public fluvial et Voie Navigable de France est alors chargé des poursuites.

La procédure de CGV est rigide et l’office du juge est contraint.

En effet, la CGV a été instituée dans l’intérêt de la protection du domaine public à laquelle ni l’administration ni le juge ne sauraient renoncer.

Les différents temps de la CGV. L’administration exerce les poursuites

Rappel : l’administration est tenue d'exercer les pouvoirs qu'elle tient pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles crées de manière illicite sur le domaine public.

Précision : une mise en demeure de procéder à la remise en état du domaine public avant l’engagement d’une procédure de CGV constitue un acte dépourvu d’effets juridiques propres qui ne présente pas le caractère d’une décision susceptible de recours [14].

Et l'irrégularité d'une mise en demeure préalable est sans incidence sur la régularité des poursuites.

Le procès-verbal de constat de l'infraction est rédigé par l’administration et n'a pas à être contradictoire. Il doit être notifié dans le délai de 10 jours au contrevenant (article L. 774-2 N° Lexbase : L5593L4W du CJA) mais ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité.

Une notification tardive ne doit toutefois pas être excessive et ne doit pas avoir mis le contrevenant dans l'ignorance durable des faits reprochés.

L'idée est que le contrevenant ne doit pas être privé de réunir des éléments utiles à sa défense [15] ; mais, en l'espèce, il a fallu l'écoulement d'un délai de sept années pour annuler les poursuites.

En revanche, la notification irrégulière du procès-verbal de CGV est régularisée par la saisine régulière du TA par l'autorité compétente.

C’est un moyen d’ordre public [16].

Le juge est saisi régulièrement même sans conclusion, par un simple procès-verbal de constat [17].

Quel est l’office du juge de la CGV ?

Le juge vérifie la compétence des agents pour constater les faits, leur habilitation, leur assermentation.

Il doit vérifier si les faits constatés par un procès-verbal de CGV constituent une infraction à d'autres dispositions que celles qui sont expressément citées par l'administration.

Il vérifie également la délimitation du domaine public.

Mais une décision administrative de délimitation est sans incidence sur l'office du juge saisi en matière de CGV.

Le juge de la CGV doit donc déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public [18].

Pour le domaine public maritime naturel, il y a lieu d’appliquer les critères fixés par l’article L. 2111-4 du CGPPP N° Lexbase : L0402H4N.

Le juge se fonde sur les énonciations du procès-verbal de CGV lesquelles font foi jusqu’à preuve contraire. Ces énonciations peuvent être accompagnées d’un plan de situation, de photographies.

Le juge peut également recourir à une expertise judiciaire et les contrevenants peuvent recourir à des expertises amiables.

L’office du juge de la CGV est contraint dès lors que la CGV est instituée dans l’intérêt de la protection du domaine public (rappel). 

Comme indiqué, le juge est tenu par le seul effet de la transmission du procès-verbal de statuer pour toute contravention sur l’action domaniale et sur l'action publique (non évoquée).

L'action domaniale. Elle est imprescriptible.

Rappel : lorsque la contravention est caractérisée, le juge ne peut légalement refuser de condamner le contrevenant.

Le juge de la CGV va condamner le contrevenant à libérer les lieux, à les remettre en état, à enlever, à démolir les installations, sans délai [19].

Le juge de la CGV ne peut accorder de délai au contrevenant pour évacuer le domaine public irrégulièrement occupé.

Toutefois, dans le cas particulier d'un ouvrage public irrégulièrement implanté sur le domaine public maritime, c'est à l'administration et à elle seule d'apprécier si une régularisation de la situation demeure possible et si la démolition de l'ouvrage public entraîne une atteinte excessive à l'intérêt général [20].

Le contrevenant, c'est le gardien de la chose. C'est celui qui a le pouvoir de direction et de contrôle.

La personne qui peut être poursuivie est, soit celle qui a commis - ou pour le compte de laquelle a été commise - l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention [21].

Le gardien c’est celui qui entretient l'ouvrage ou qui occupe le bâtiment, peu importe qu'il ne soit pas à l'origine de la construction [22].

Plus récemment, le gardien est celui qui, en ayant la maîtrise effective, se comporte comme s’il était le propriétaire de l’ouvrage immobilier irrégulière implanté sur le DPM [23].

En revanche, en cas de vente d'un bateau intervenue antérieurement à l'établissement du procès-verbal de CGV, l'ancien propriétaire ne peut plus être regardé (à la date du procès-verbal de CGV) comme la personne ayant commis l'infraction (le stationnement sans autorisation) ni comme la personne pour le compte de laquelle l'infraction a été commise, ni comme la personne ayant la garde du bateau cause de la contravention [24].

Les mesures susceptibles d'être ordonnées par le juge de la CGV.

Le contrevenant peut être condamné - sans délai et au titre de l'action domaniale - à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l’enlèvement des installations [25].

Si le contrevenant n’exécute pas les travaux, l’administration peut y faire procéder d’office si le juge l’a autorisée à le faire aux frais, risques et périls du contrevenant.

La confiscation des objets ou des biens en cause est également une possibilité prévue par certaines dispositions applicables au domaine public portuaire fluvial, portuaire, maritime, pour garantir l'administration du remboursement des frais d'enlèvement.

Mais l’administration devra déduire la valeur de l’objet/bien confisqué, du coût des opérations d’enlèvement et si ce coût est inférieur à la valeur de l’objet et verser le surplus au propriétaire [26].

Le juge de la CGV peut aussi condamner le contrevenant à réparer les dommages causés au domaine public mais le juge de la CGV ne peut pas condamner le contrevenant à réparer des dommages autres que la personne publique ou le gestionnaire du domaine public a pu subir.

On peut penser au coût des dépenses exposées par le retard d’un train ou d’un navire à la suite d’une atteinte au domaine public ferroviaire ou portuaire, ces frais ne relèvent pas du juge de la CGV car il ne s’agit pas de réparer les atteintes au domaine public.

Pour autant, le Tribunal des Conflits a jugé dans un arrêt du 13 avril 2015 [27] que le propriétaire d’un bien du domaine public dispose de la faculté d’exercer une action en responsabilité contractuelle contre l’auteur d’une dégradation à ce bien y compris lorsque ce bien est protégé par le régime de la CGV et y compris lorsque le juge de la CGV a relaxé cet auteur des poursuites engagée contre lui. Cette action sera exercée devant la juridiction judiciaire.

Les réparations des atteintes physiques au domaine public qui ne résultent pas d’une occupation sans titre avec les dommages causés aux installations portuaires.

Le juge de la CGV n’est pas tenu d’évaluer d’office les frais de remise en état du domaine public. Ces frais sont évalués par le gestionnaire et contrevenant n'est fondé à en demander la réduction que dans le cas où ils présentent un caractère anormal [28].

Dans une décision « Yannakakis » [29], le Conseil d’État a jugé que lorsque les frais de remise en état n’ont pas été calculés/liquidés à la date du jugement, le juge de la CGV a la faculté de les mettre à la charge du contrevenant sans en préciser le montant, sauf à ce que le contrevenant, si les dépenses exposées par l’administration lui paraissent excessives, à en discuter ultérieurement la liquidation devant le juge.

Pour terminer, un mot sur l’astreinte et sa liquidation.

Lorsque le juge de la CGV ordonne la libération sans délai du domaine public, il peut - d'office - prononcer une astreinte [30] en en fixant lui-même le point de départ de l'astreinte, sans être lié par la demande l’administration.

Et il appartient au juge et à lui seul, en cas d'inexécution ou d'exécution tardive de la condamnation, de liquider l'astreinte et de condamner le contrevenant à son paiement.

Par suite, l'autorité administrative excède sa compétence en liquidant l'astreinte due par le contrevenant directement et en contraignant celui-ci à en payer le montant [31].

De même, le juge peut modérer l'astreinte provisoire ou la supprimer, même en cas d'inexécution de la décision juridictionnelle [32].

Enfin, les astreintes prononcées dans les instances relatives à la répression des CGV doivent être liquidées en totalité au profit de l'administration gestionnaire du domaine public en cause.

Je vous remercie de votre attention.

 

[1] CE, 30 septembre 2005, n° 263442 N° Lexbase : A6065DKT.

[2] CE, 16 mai 2003, n° 249880 N° Lexbase : A7833C8M.

[3] CE, 24 novembre 2006, n° 291294 N° Lexbase : A7652DS9.

[4] CE, 16 juillet 2020, n° 437113 N° Lexbase : A38883RG.

[5] CE, Sect., 25 mars 1960, n° 44533.

[6] CE, n° 366036 N° Lexbase : A4173NB8.

[7] CE, n° 388127 N° Lexbase : A3159T8I.

[8] CE, 15 avril 2011, n° 308014 N° Lexbase : A5423HN8.

[9] CE, 16 mai 2011, n° 317675 N° Lexbase : A0301HSX, également rendu pour un titre exécutoire).

[10] CE, 1er juillet 2019, n° 421403 N° Lexbase : A3522ZHW, s’agissant de redevances pour des terrasses.

[11] CE, n° 388127, précité.

[12] CE, 13 septembre 2021, n° 443019 N° Lexbase : A9244447, dans un contentieux de titres exécutoires.

[13] CE, 26 juin 2002, n° 231807 N° Lexbase : A0218AZ4.

[14] CE, 14 juin 2022, n° 455050 N° Lexbase : A481077B.

[15] CE, 30 avril 1997, n° 132753 N° Lexbase : A9229AD8.

[16] CE, 21 novembre 2011, n° 329240 N° Lexbase : A9936HZZ et CE, 10 octobre 2012, n° 338756 N° Lexbase : A2680IUS.

[17] CE, 23 décembre 2010, n° 306544 N° Lexbase : A6969GNG.

[18] CE, 25 septembre 2013, n° 354677 N° Lexbase : A9649KLX.

[19] CE, 25 septembre 2013, n° 354677, précité.

[20] CE, 23 décembre 2010, n° 306544, précité.

[21] CE, 31 décembre 2018, n° 301378 N° Lexbase : A0544EIY.

[22] CE, 9 novembre 2011, n° 341399 N° Lexbase : A9072HZZ.

[23] CE, 31 mai 2022, n° 457886 N° Lexbase : A61967Y7.

[24] CE, 13 septembre 2021, n° 450097 N° Lexbase : A718444T.

[25] CE, 14 juin 2022, n° 455050, précité.

[26] CE, 12 mars 2021, n° 448007 N° Lexbase : A93034KR.

[27] T. confl., n° 3993 N° Lexbase : A9547NGP.

[28] CE, 29 juillet 1983, n° 33711 N° Lexbase : A8715ALD.

[29] CE, 7 janvier 1976, n° 90827 N° Lexbase : A4747B7X.

[30] CE, 5 février 2014, n° 364561 N° Lexbase : A9270MDP.

[31] CE, 24 juillet 1987, n° 44897 N° Lexbase : A3384APZ.

[32] CE, 15 octobre 2014, n° 338746 N° Lexbase : A6647MYT.

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Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Rapport de synthèse

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N4765BZI

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par Jean-Claude Ricci, Agrégé des facultés de droit, Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille

Le 22 Mars 2023

Le thème de ces Rencontres, vingtièmes du nom, a porté sur un aspect qui est réputé être parmi les plus tranquilles du droit administratif, l'un des plus plaisants aussi. Le droit du domaine est assez simple, dit-on, il fait voyager, il est exotique : on y côtoie l'ordonnance de Colbert [1] et l'édit de Moulins [2], on y rencontre les cinquante pas du roi ; on s'y souvient aussi d'un Dauphin qui rendit célèbre l'allée des Alyscamps en Arles [3], de l'empereur Justinien vaincu involontairement par le sieur Kreitmann [4], de l'étang Napoléon en Camargue [5], de la véritable bataille d'Hernani suscitée par l'enlèvement des célèbres stalles de l'église de Barran [6] ou encore du sieur Mougamadousadagnetoullah [7]. Sans oublier la domanialité publique conférée aux ondes électro-magnétiques, alors que le nuage qui les contient et qui a été attribué à la France par les conventions internationales de répartition de la bande de fréquences [8] se situe approximativement au-dessus de l'Himalaya. Avec une domanialité publique française là-bas, on peut dire que la théorie atteint un sommet...

Et puis, couronnant le tout, nous avons le beau dyptique imprescriptibilité / inaliénabilité, etc.

Bref, c'est tout un monde un peu onirique qui se présente à nous. Pourtant si doux soient les rêves, il y a la réalité et celle-ci est plus complexe car demeurent des interrogations persistantes. J'en retiens quatre.

Se rencontre d'abord la distinction domaine public/domaine privé : son existence est-elle encore pertinente pour parler comme le Conseiller Samuel Deliancourt ?

Je rappelle qu'en principe un bien dont est propriétaire une personne publique fait ipso facto partie de son domaine privé sauf s'il satisfait à l'un des critères de la domanialité publique : le principe est donc la domanialité privée des biens publics et l'exception leur domanialité publique.

Depuis Léon Duguit, Marcel Waline et Jean-Marie Auby est évoquée l'idée d'une échelle de domanialité qui, par degrés presque insensibles, fait passer de l'un à l'autre, rendant injustifiée la dualité des régimes juridiques et des compétences juridictionnelles. Voilà une distinction à ranger dans les vieilles lunes : Exit donc.

Ensuite, cela n'a pas été évoqué mais importe pourtant, c'est l'existence d'un prétendu domaine naturel. La nature n'a jamais créé du domaine public; c'est un choix purement arbitraire des hommes qui a décidé de faire produire à certains états naturels plutôt qu'à d'autres des effets juridiques. Cette expression et cette catégorie juridique sont à la fois inexactes car il n'y entre aucune naturalité et dangereuses car elles donnent à penser que cette domanialité-là est indiscutable, objective, puisque conforme à la nature. Exit le domaine public naturel.

Pareillement, en va-t-il de l'imprescriptibilité et de l'inaliénabilité, mots dont la longueur et la sonorité pouvaient impressionner Marcel Proust, mais qui ne résistent ni au déclassement, lequel est une prérogative discrétionnaire résultant de la seule désaffectation du bien ni à la complicité abandonnataire des gestionnaires. Remarquons au passage que sont déclarées inaliénables d'importantes dépendances du domaine privé, comme les forêts, inaliénabilité d'autant mieux protégée que, fixée par la loi, à la différence de celle du domaine public, elle échappe à la volonté des gestionnaires. Exeunt l'imprescriptibilité et l'inaliénabilité.

Enfin, reste le domaine public immatériel appelé à prendre de plus en plus d'importance du fait des évolutions techniques et du développement de leur utilisation, voyez les données numériques. Aujourd'hui, le droit de ce domaine est encore en gestation en de nombreux points or il faut, d'une part, aller vite, très vite et, d'autre part, cesser de penser "français" pour agir a minima de concert avec nos partenaires européens, dimension qui ne sera d'ailleurs peut-être pas suffisante, tant les moyens techniques sont, pour l'essentiel, entre les mains chinoises.

J'en viens maintenant directement aux Rencontres de ce jour.

Depuis qu'il y a un peu plus de quinze ans, est apparu un Code général de la propriété des personnes publiques la donne a largement changé. Les audaces du code de 2006 ont libéré les initiatives, faisant voler en éclats les réticences et autres inhibitions, provoquant ainsi de nombreuses modifications dont le cumul nous a conduit aujourd'hui à reprendre l'examen du droit domanial.  

De toute cette évolution, Mme la présidente Christine Maugüé s'est fait l'écho à travers le vaste panorama qu'elle a brossé des nouvelles frontières, des nouveaux usages et des nouvelles gestions, elle qui présida à la codification de 2006, qu'elle était alors venue présenter ici même dans le cadre de l'une de nos rencontres. Je retiens de ses propos combien les évolutions récentes du droit domanial répondent davantage à des préoccupations extra-domaniales qu'elles ne sont l'expression d'une réelle politique domaniale. Semblablement le Professeur Frédéric Lombard a tracé Les nouvelles frontières, intellectuelles celles-là, du domaine public et l'on peut dire qu'il a ouvert d'intéressantes et vastes perspectives.

Au fond, nos différents intervenants et la table-ronde nous ont dit trois choses sur ce droit domanial nouveau : c'est un droit domanial qui rassure (I), c'est un droit domanial qui rapporte (II) et c'est un droit domanial qui s'interroge (III).

I. Une occupation domaniale plus sécurisée

Le droit domanial est devenu bien plus sûr pour l'occupant et pour les gestionnaires du domaine. J'en donne trois exemples.

Cette volonté de sécurisation se manifeste d'abord en ce qui concerne l'accès à l'autorisation d'occupation en vue d'une exploitation économique, autorisation qui est accordée désormais, depuis l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9, au terme d'une procédure dite de sélection préalable. Il est ainsi pris acte mais avec une très nette réticence, de l'incompatibilité de la jurisprudence de Section « Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin » [9] avec la jurisprudence « Promoimpresa-Mario Mellis » de la CJUE [10]. Ceci explique sans doute le faible degré de normativité de cette sélection préalable, source prometteuse de contentieux tant, Philippe Grimaud l'a bien montré, les chausses trapes sont nombreuses. MM. Renaud Tricon et Paul Pipitone ont dressé un significatif bilan de la mise en oeuvre d'un processus un peu plus transparent et un peu - un peu seulement - concurrentiel. Leur bilan qui pointe un certain nombre d'incertitudes juridiques (modalités de publicité et de procédure de sélection, les critères et leur pondération, les hypothèses d'application des procédures allégées et des exceptions). Incertitudes qu'a également décrites Me Woimant.

Cette volonté de sécurisation se manifeste aussi concernant la pérennité de l'occupation et des conditions originaires de cette occupation même si ce souci n'exclut pas le risque de requalification du contrat comme l'a savamment montré le Président Philippe Grimaud. La multiplication des dispositions, la volonté de prévoir tous les cas, peuvent, en se cumulant, changer la nature de l'acte d'occupation domaniale en un contrat de la commande publique. En second lieu, il convient d'éviter les montages complexes où s'entrecroisent des intentions diverses et des procédures hétérogènes débouchant souvent, finalement, sur des situations juridiques périlleuses. La meilleure recette c'est encore de faire simple.

Cette volonté de sécurisation se manifeste enfin, et en dépit de certaines imperfections, par les voies contentieuses, assez diversifiées mais classiques, qui permettent tant à l'occupant évincé, qu'à l'occupant titulaire ou à l'administration, une défense correcte de leurs intérêts respectifs en dépit, nous a dit Me Busch, du silence des textes pour ce qui est du recours du candidat évincé. Me Maxime Busch et le Président Jean-Michel Laso ont été très clairs sur ce sujet. Ce dernier a, à juste titre, mis l'accent sur deux aspects souvent ignorés ou négligés : 1° l'obligation pour l'administration de protéger son domaine et de sanctionner les atteintes qui y sont portées [11] ; 2° l'administration aussi a besoin d'une sécurisation par rapport aux atteintes que l'occupant peut porter au bien lui-même ou à ses conditions d'occupation. L'éviction d'occupants sans titre par ex. est tout sauf une affaire simple à gérer.

J'ajouterai, Frédéric Lombard en a savamment parlé ce matin, que le mouvement actuel conférant un impact puissant aux libertés fondamentales sur les différents régimes juridiques comme le développement tous azimuths du principe de proportionnalité, ne seront pas sans conséquences importantes surtout sur la précarité des occupations domaniales et feront progresser la sécurisation de leurs bénéficiaires.

Au total, et pour répondre à une question figurant sur l'annonce du programme de ces Rencontres, la situation des occupants privatifs du domaine a été véritablement renforcée ou sécurisée par les réformes législatives et les avancées jurisprudentielles récentes.

II. Un domaine plus rentable

Avec le besoin aigu de trouver des ressources nouvelles du fait de la crise de la recette publique, les collectivités publiques ont pris à nouveau conscience de cette richesse potentielle que constitue le domaine. D'où l'importance des nouvelles pratiques permettant la valorisation des biens publics décrites par Me B. Valette : pour les unes, dont l’existence n’est pas nouvelle, c'est le contenu qui a fait l’objet d’évolutions récentes (comme, par ex., le montant de la redevance d'occupation) tandis que pour les autres l’existence est nouvelle, parfois même inédite.

Fréquemment, le domaine a, pour l'occupant potentiel, deux avantages. Premier avantage : les dépendances domaniales sont souvent très bien situées, pratiques d'utilisation ou facilement accessibles. Second avantage : pour bien des activités, leur existence même n'est possible que sur le domaine (activités portuaires, ferroviaires, routières, aéroportuaires, terrasses de café et restaurants, marchés et foires, halles, etc.). Ceci a conduit à fixer les tarifs d'occupation en considérant notamment, l'avantage financier retiré d'une installation sur une dépendance domaniale. Ce qu'a mis en évidence la table-ronde et notamment l'intervention de Mme Maurer-Philippe du GPMM, certes limitée aux spécificités des contrats d’occupation sur le domaine public maritime et le domaine public portuaire, nous sommes à Marseille..., mais aussi il s'agit de domaines très importants.

Il y a un lien étroit entre la sécurisation du titre d'occupation évoquée au point précédent et le souci de rentabiliser les autorisations d'occupation. Le Professeur Norbert Foulquier a insisté sur l'importance de sécuriser à la fois et l’occupant et le gestionnaire. Il est clair, en effet, qu'un double intérêt réciproque lie les deux protagonistes : l'occupant est prêt à payer le prix de sa pérennisation et le gestionnaire sait qu'il lui doit une certaine stabilité s'il veut en retirer des recettes plus substantielles; c'est un peu le jeu de "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette". On aura noté les importantes précisions et les conseils que le Professeur Norbert

Foulquier a donnés concernant la constitution ou la revendication de droits réels

En particulier, ce souci de rentabilisation du domaine s'est traduit par la loi du 18 juin 2014 admettant désormais qu'un fonds de commerce puisse être exploité sur le domaine public dès lors qu'existe une clientèle propre. Elle mettait ainsi fin à une erreur, traditionnelle, qui a fait croire qu'il ne pouvait pas exister de fonds de commerce sur le domaine public car étaient confondus fonds de commerce et bail commercial qui sont deux choses distinctes  comme le confirme encore la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l'activité professionnelle indépendante N° Lexbase : L3215MBP [12].

Le fonds de commerce n'emporte pas ipso facto propriété commerciale. Il existe de nombreux fonds de commerce sans propriété commerciale (commerce de livraison ne disposant pas de local, entreprise de vente en ligne, entreprise propriétaire de ses locaux, etc.).

Quelque part, avec le souci de sécurisation, est plus ou moins battue en brèche la sacro-sainte règle de la précarité des occupations domaniales et, à cet égard, il me paraît nécessaire de faire encore des efforts pour limiter l'application de cette règle. En particulier, il serait bon que le gestionnaire ne puisse user de cette faculté qu'à la triple condition : 1°/ d'établir que le motif d'intérêt général qu'il invoque n'existait pas déjà ou n'était pas prévisible au moment où il a consenti à l'occupation à laquelle il veut désormais mettre un terme, 2°/ de démontrer qu'il n'est pas possible soit de transférer l'occupation actuelle sur une autre dépendance soit d'exercer le besoin nouveau sur une dépendance autre que celle actuellement occupée, 3°/ d'établir avant tout usage de l'exception de précarité une balance contradictoire des coûts et des avantages respectifs pour l'intérêt général et pour l'intérêt privé de l'occupant. Il me semble qu'il faudrait exclure l'exception de précarité dans tous les cas où sa mise en oeuvre conduirait à la cessation complète et définitive de l'activité privée existante sauf à accorder une indemnisation d'un très haut niveau.

III. Un droit domanial qui s'interroge parfois

En dépit des importantes et nombreuses évolutions qui l'ont caractérisé ces dernières années, le droit domanial s'interroge encore.

Je ne reviens pas l'interrogation née de la distinction du domaine public et du domaine privé examinée par M. Deliancourt.

Une autre interrogation, pour les rivages maritimes, résulte de l'évolution du trait de côte du fait de la montée des eaux qui, soulève déjà, et de plus en plus, des besoins d'adaptation juridique. Pour fixer les idées, rappelons que la France dispose de 20 000 km de rivages marins dont 5500 en métropole et que le quart du rivage est concerné par cette érosion, ce chiffre atteignant 50 % dans les Bouches-du-Rhône. Me Franck Constanza a montré combien est enchevêtrée et complexe la hiérarchie des normes régissant la matière à partir d'une décision du Conseil constitutionnel [13] dont il n'est pas certain qu'il en ait lui-même mesuré toute la portée mais dont il est certain que l'Etat n'a pas du tout l'intention de lui faire donner sa pleine mesure car il veut sauvegarder le statut du domaine public maritime, transférer aux collectivités territoriales l'essentiel de la charge financière induite par les mesures préconisées et cela par l'instauration d'un mécanisme très douteux de combinaison entre le SCOT nouvelle manière, le SRADDET (schéma régional d'aménagement, de déeloppement durable et d'égalité des territoires), les PPRL et le PLU.

C'est encore une série d'interrogations importantes qu'a pointée Me Antoine Woimant à propos du devenir des sous-concessions domaniales, devenir rempli d'incertitudes : Une sous-occupation doit-elle être agréée par le gestionnaire du domaine ? Doit-elle être soumise à une sélection préalable ? Et si oui, à qui incombe l'organisation de cette sélection ? Les exceptions et dérogations à l'exigence de sélection s'appliquent-elles ipso facto aux sous-occupations ? Le sous-occupant peut-il, à son tour, disposer d'un fonds de commerce ? etc.).

Pour terminer, il revenait à M. Didier Réault et à Me Yann Aguila de nous expliquer quelles incidences ont pour le domaine les exigences environnementales, notamment via l'expérience du Parc national des calanques.

Il me semble, tout d'abord, que ce domaine étant sur ce point soumis techniquement aux mêmes contraintes que les particuliers, cela contribue davantage encore à banaliser le droit domanial et donc à en réduire la spécificité.

Yann Aguila a montré combien est décevant l'état actuel du droit positif dans la prise en compte de la nature, notamment à travers le prisme du régime de la domanialité publique. Il a plaidé pour une revitalisation des notions de "biens communs" ou de res communis, pour une intégration du droit de l'environnement dans toutes les branches du droit.

Enfin, les conséquences juridiques de ces préoccupations d'environnement seront diverses et considérables sur le domaine, sans distinction d'ailleurs selon qu'il est public ou privé. Cependant, si tout cela est bel et bon, et c'est là l'élément de doute, il n'en demeure pas moins qu'il est absolument nécessaire d'avoir une volonté politique forte et pérenne, d'avoir le courage d'imposer des solutions ou des conditions parfois déplaisantes, douloureuses et forcément impopulaires et, enfin, de disposer des moyens financiers indispensables à ce qui constitue assurément une révolution.

Dans cette riche journée peuvent être regrettés certains silences : sur le caractère toujours faiblement démocratique du droit domanial en raison de la prédominance d'une conception presque exclusivement propriétariste du domaine ; sur ce qu'a de choquant le caractère unilatéral de la délimitation du domaine public et donc des biens des particuliers.

En définitive, ce domaine des personnes publiques tentant aujourd'hui de concilier sécurité juridique et rentabilité économique, pérennité de ses principes et sauvegarde de notre environnement, nous a offert au cours de ces Rencontres l'occasion de belles réflexions intellectuelles. Réflexions intellectuelles qui, en cette année du centenaire de la mort de Marcel Proust, permettent de faire se rejoindre le côté de Méséglise et le côté de Guermantes. En effet, comme l'écrit superbement l'illustre écrivain : « Aussi le côté de Méséglise et le côté de Guermantes restent-ils pour moi liés à bien des petits événements de celle de toutes les diverses vies que nous menons parallèlement, qui est la plus pleine de péripéties, la plus riche en épisodes, je veux dire la vie intellectuelle » [14].

 

[1] D'août 1669 sur les eaux et forêts.

[2] De février 1566 sur l'inaliénabilité du domaine royal.

[3] CE, ass., 11 mai 1959, sieur Dauphin, Rec. Lebon p. 294.

[4] CE, ass., 12 octobre 1973, n° 86682 N° Lexbase : A8864B7G, RDP 1974, concl. M. Gentot.

[5] Cass. Plén., 23 juin 1972, n° 70-12.960 N° Lexbase : A8937AYN.

[6] CE, 17 février 1932, Commune de Barran , Rec. Lebon p. 189.

[7] CE, 28 juin 1935, Mougamadousadegnetoullah (Marécar), D.P. 1936.III.20, concl. R. Latournerie, note M. Waline.

[8] À partir des conférences de Berlin (1906 : fondation de l'Union internationale de la radio-télégraphie), de Washington (1925) et d'Atlantic City (1947 : création de l'Union internationale des télécommunications (UIT)).

[9] CE, 3 décembre 2010, n° 338272, 338527, au Recueil Lebon N° Lexbase : A4439GMD.

[10] CJUE, 14 juillet 2016 aff. C-458/14, Promoimpresa Srl et aff. C-67/15, Mario Melis N° Lexbase : A2158RX9.

[11] CE, Sect., 23 février 1979, n° 04467 N° Lexbase : A2200AKP, Rec. Lebon, p. 75.

[12] Pour un bon exemple de cette conception erronée, voir par ex., CE, 31 juillet 2009, n° 316534 N° Lexbase : A1347EK4.

[13] Cons. const., décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 N° Lexbase : A8146KD3.

[14] Marcel Proust, Du côté de chez Swann,  p. 181-183, édition Gallimard, collection Folio, 1988.

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