Jurisprudence : Cass. civ. 1, 02-02-2022, n° 20-21.617, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 02-02-2022, n° 20-21.617, FS-B, Cassation

A14027LI

Référence

Cass. civ. 1, 02-02-2022, n° 20-21.617, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/77982814-cass-civ-1-02022022-n-2021617-fsb-cassation
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CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022


Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 102 FS+B

Pourvoi n° K 20-21.617


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022


La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Côtes d'Armor, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° K 20-21.617 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Aa] [V], domicilié [… …], armateur du navire Condor V,

2°/ à M. [E] [J], domicilié [… …], armateur du navire L'Ocethan,

3°/ à la société Swiss International SE, société européenne, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à Mme [D] [Y], épouse [L], domiciliée [Adresse 1],

5°/ à M. [W] [L], domicilié [… …],

6°/ à M. [K] [N], domicilié [… …], armateur du navire Trugarez,

7°/ à la société Herviou Jean-Michel, dont le siège est [Adresse 10],

8°/ à la société Herviou et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13],

9°/ à la société d'Assurances mutuelle Bretagne océan, dont le siège est [Adresse 6],

10°/ à la société Helvetia assurances, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Gan euro ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Herviou Jean-Michel, de la société Herviou et associés, de la société d'Assurances mutuelle Bretagne océan, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [V], de M. [Ab], de la société Swiss International SE, et l'avis de M. Ac, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes A Ad, Ae, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Ac, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 avril 2020), la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor (la CCI) est chargée de l'exploitation du port de pêche de [12], selon convention de délégation de service public.

2. Dans la nuit du 27 au 28 mars 2016, un coup de vent s'est abattu sur le port et les amarres du navire [8] se sont rompues, provoquant des abordages en chaîne entre les navires Trugarez, Men Bret, Bas de l'eau, Opter Noz, Condor V et L'Océthan, amarrés au même ponton.

3. Les 19, 25 et 29 mars 2019, certains assureurs et propriétaires des navires ont assigné l'armateur et l'assureur du navire Discovery en responsabilité et indemnisation. M. [V], propriétaire du Condor V, M. [Ab], propriétaire de L'Océthan, et la société Swiss International, assureur de ces navires, ont également assigné la CCI aux motifs qu'elle avait commis des fautes en permettant à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste et en s'abstenant d'avoir pris les mesures de prévention nécessaires alors qu'un coup de vent était annoncé. Les instances ont été jointes et la CCI a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, s'agissant des demandes dirigées contre elle.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La CCI fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître des demandes dirigées contre elle et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, alors « que la gestion de l'amarrage des navires dans un port de pêche ou de commerce est une mission de service public à caractère administratif ; qu'après avoir relevé que l'action en responsabilité dirigée contre la CCI était fondée sur une prétendue faute consistant à « avoir permis à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste », ce dont il résultait qu'était invoquée une faute dans la mission de l'amarrage des navires, la cour d'appel a toutefois considéré que l'action en responsabilité relevait d'un litige entre les usagers et le gestionnaire d'un service public industriel et commercial ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. »


Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

5. La gestion de l'amarrage des navires dans un port de pêche constitue une mission de service public administratif, de sorte qu'une action en responsabilité au titre de cette activité ne relève pas de la compétence de la juridiction judiciaire.

6. Pour dire la juridiction judiciaire compétente pour juger des demandes dirigées contre la CCI, après avoir relevé que celles-ci étaient fondées sur une faute consistant à avoir permis à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste, l'arrêt retient que le service de mise à disposition des professionnels de la pêche des installations portuaires nécessaires à leur activité économique et industrielle est un service industriel et commercial.

7. En statuant sur ces demandes, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Comme suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er , du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la juridiction judiciaire compétente pour connaître des demandes dirigées contre la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor, l'arrêt rendu le 7 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des demandes dirigées contre la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor ;

Renvoie, sur ce point, les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne M. [Af], M. [Ab] et la société Swiss International aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juridictions du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president


Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la Chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor.

La CCI des Côtes d'Armor fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Saint Brieuc compétent pour en connaître ;

ALORS QUE la gestion de l'amarrage des navires dans un port de pêche ou de commerce est une mission de service public à caractère administratif ; qu'après avoir relevé que l'action en responsabilité dirigée contre la CCI était fondée sur une prétendue faute consistant à « avoir permis à un trop grand nombre de navires de s'amarrer à un même poste », ce dont il résultait qu'était invoquée une faute dans la mission de l'amarrage des navires, la cour d'appel a toutefois considéré que l'action en responsabilité relevait d'un litige entre les usagers et le gestionnaire d'un service public industriel et commercial ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ;

ALORS QUE la cour d'appel a retenu que « le service de mise à disposition des professionnels de la pêche des installations portuaires nécessaires à leur activité économique et industrielle est un service industriel et commercial » ; que pour juger que les propriétaires des navires étaient usagers d'un service public industriel et commercial, la cour d'appel s'est bornée à relever que la CCI avait mis à disposition des places à quai, sans jamais établir que cette mise à disposition serait « nécessaire à leur activité économique et industrielle », privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ;

ALORS QUE la gestion du domaine public portuaire suppose la mise en oeuvre de prérogatives de puissances publique et constitue donc une mission de service public à caractère administratif ; que la CCI faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les griefs qui lui étaient reprochés étaient en lien avec la mise oeuvre de prérogatives de puissance publique, de sorte que les juridictions administratives étaient compétentes pour en connaitre ; qu'en ne répondant pas, même sommairement, à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛.

Le greffier de chambre

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