Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 26 mai 2014, n° 342339, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6399MPP)
Lecture: 1 min
N2541BUN
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 12 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442541
Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 28 mai 2014, n° 358154, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6333MPA)
Lecture: 1 min
N2540BUM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442540
Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 28 mai 2014, n° 376501, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6384MP7)
Lecture: 2 min
N2453BUE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442453
Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 26 mai 2014, n° 376548, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7884MNC)
Lecture: 1 min
N2439BUU
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442439
Réf. : CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE)
Lecture: 15 min
N2459BUM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, chargé d'enseignement à l'Ecole de Formation des Avocats de Centre-Sud (EFACS)
Le 06 Juin 2014
I - Les demandes d'autorisation de construire portant sur des terrains appartenant à des personnes publiques
Le maire de Val d'Isère, commune de Savoie d'environ 1 600 habitants, mondialement connue et renommée pour ses stations de ski, a délivré à une SARL un permis de construire le 20 février 2007, suivi de deux permis modificatifs les 11 juillet et 23 novembre 2007, aux fins de construction d'un ensemble bar-restaurant-discothèque pouvant accueillir près de 750 personnes en bas des pistes. Une partie de ce projet devait être enterrée sous une piste de ski, le bar étant, pour sa part, à niveau. La parcelle concernée appartenant à ladite commune, le conseil municipal a approuvé, le 27 février 2006, un projet de bail emphytéotique administratif pour une durée de 40 ans au bénéfice de ladite société. Cette délibération fut contestée par deux syndicats de copropriétaires riverains devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a fait droit à leurs demandes d'annulation au motif que la réalisation et l'exploitation d'un tel établissement ne constituait pas l'accomplissement d'une mission de service public pour le compte de la commune, contrairement aux exigences posées par l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L0988IZM) (5). Ce motif fut confirmé l'année suivante par la cour administrative d'appel de Lyon (6).
Un maire peut être compétent pour délivrer, au nom de la commune, des autorisations d'urbanisme (7), y compris sur une parcelle dont la commune est propriétaire. Ces immeubles relèvent soit du domaine public, soit du domaine privé communal (8). Il est compétent pour statuer sur ces demandes lorsqu'elles émanent de tiers, comme en l'espèce, de même que lorsque la demande concerne un projet communal. Dans ce cas, la demande de permis déposée par le maire au nom de sa commune est subordonnée à l'autorisation expresse et régulière du conseil municipal (9). La circonstance que la commune soit bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme sollicitée et délivrée par le maire n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder l'exécutif comme intéressé, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, au sens des dispositions de l'article L. 422-7 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3436HZB) (10).
Lorsque la demande est présentée par une personne autre que la commune, mais sur un terrain appartenant à cette dernière, l'autorisation devait, en vertu de l'article R. 421-1-1, alinéa 1er, du Code de l'urbanisme, être sollicitée par une personne disposant d'un titre l'habilitant à construire. A été considérée comme justifiant d'un tel titre une personne privée ayant déposé une demande portant sur un terrain communal, bien que le bail n'ait été conclu que postérieurement à l'autorisation délivrée (11). Depuis le 1er octobre 2007, qui est la date d'entrée en vigueur du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (N° Lexbase : L0281HUX), le demandeur doit seulement produire une attestation selon laquelle il est autorisé à construire (12), sans avoir à apporter de documents justificatifs, ce qui est beaucoup moins contraignant. L'autorité administrative n'a pas à vérifier la validité de cette attestation (13). Dans le cas où le pétitionnaire procède à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, le permis qui lui est délivré doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu (14).
Lorsque la demande concerne une dépendance du domaine public, l'article R. 421-1-1, alinéa 3, du Code de l'urbanisme exigeait également que soit jointe l'autorisation de l'occuper, sous forme d'un titre unilatéral, permission de voirie ou permis de stationnement, ou d'une convention d'occupation domaniale, avant que l'autorité administrative ne statue (15) et sans qu'il soit possible de la régulariser par la production d'actes postérieurs (16). Le cas échéant, le permis encourt l'annulation (17). L'autorité administrative doit contrôler l'existence de cette autorisation, mais, également, qu'elle a été régulièrement délivrée (18) et qu'elle est appropriée au projet (19). Tel est le principe que rappelle ici le Conseil d'Etat : "une construction est subordonnée à une autorisation appropriée d'occupation du domaine public, laquelle doit alors être jointe à la demande de permis de construire, lorsqu'elle est destinée à occuper le domaine public ou nécessite un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public" (cons. n° 13). Le caractère approprié du titre joint à la demande d'urbanisme s'apprécie sur la base d'un faisceau d'indices, notamment la date à laquelle le titre cesse de produire ses effets, les modalités de son renouvellement éventuel, ainsi que la nature et l'importance de l'ouvrage projeté (20). Aussi, un permis ne peut être légalement accordé si la construction envisagée est de nature à créer une emprise définitive sur la dépendance du domaine public (21) : soit le titre doit le permettre, soit la parcelle d'assiette doit être préalablement déclassée (22). Le requérant ne peut, d'ailleurs, pas utilement exciper de l'illégalité de la procédure au terme de laquelle ont été décidés la désaffectation et le déclassement de parcelles appartenant au domaine public communal, puisque le permis de construire en litige ne constitue pas une application de ces décision (23). Lorsqu'un permis de construire est demandé pour l'édification d'un ouvrage sur le domaine public ou le surplombant, l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7623HZD) exige, depuis le 1er octobre 2007, que soit joint une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'ouvrage qu'il se propose d'édifier (24).
II - Les pistes de ski peuvent appartenir au domaine public
A - Les positions des juridictions du fond quant à la domanialité de la parcelle concernée
Un des moyens soulevés avait trait à la complétude du dossier de demande d'autorisation. Pour déterminer si le moyen était opérant, il était nécessaire de savoir si la parcelle d'assiette du projet appartenait au domaine public ou privé de la commune.
En vertu de l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4505IQW), le domaine public d'une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu, qu'en ce cas, ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public (25).
En première instance, le tribunal administratif de Grenoble, par jugement (26) lu le 29 janvier 2009, avait estimé que ce terrain ne faisait pas partie du domaine public en l'absence d'affectation permanente à l'usage du public, considérant que "le terrain d'assiette du projet en litige, qui appartient à la commune de Val d'Isère, est partiellement utilisé par une piste de ski ; qu'il est également constant que cet usage n'est pas permanent, puisqu'il est limité à la période d'ouverture des remontées mécaniques et dépend, en outre, des conditions d'enneigement ; que, du fait du caractère non permanent de cet usage, ce terrain ne peut être regardé comme affecté à l'usage direct du public au sens des dispositions précitées ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce terrain constituerait une dépendance du domaine public de la commune de Val d'Isère". La cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement sur ce point au motif que, "si cette parcelle qui ne se rattache pas au front de neige' ne peut être regardée comme affectée à l'usage direct du public, elle a, comme il a été dit ci-dessus, fait l'objet d'aménagements spécialement adaptés à l'exploitation du domaine skiable qui, ainsi qu'il est dit à l'article L. 342-13 du Code du tourisme (N° Lexbase : L0179HGQ), constitue un service public industriel et commercial ; que, par suite, au regard tant de la nature et de l'importance desdits aménagements que des caractéristiques du secteur dans lequel elle s'inscrit, la parcelle d'implantation du projet constitue une dépendance du domaine public de la commune de Val d'Isère" (27). Elle a donné raison aux syndicats requérants en annulant les autorisations contestées en l'absence de titre régulier par la société pour déposer la demande d'urbanisme du fait du caractère irrégulier du bail emphytéotique, ce projet ne se rattachant à une mission de service public ou à une opération d'intérêt général. Saisi en cassation, le Conseil d'Etat annule partiellement cette décision au motif que si le sous-sol des pistes comme les pistes peuvent faire partie du domaine public, les conditions ne sont pas remplies en l'espèce.
B - L'affectation des pistes de ski alpin à un service public selon le Conseil d'Etat
Des pistes recouvertes par des mètres de neige ne suivent pas forcément les chemins ou les parcelles dont la commune est propriétaire et peuvent, dans ces conditions, ne pas relever du domaine public, faute de propriétaire public.
Lorsqu'elles sont situées sur des dépendances de la commune, la jurisprudence administrative refusait de les considérer comme étant affectées au public. C'est dans cette lignée que se situe le raisonnement tenu par le tribunal administratif en première instance. La jurisprudence a également dénié cette qualification de dépendance du domaine public, après avoir admis que la condition d'affectation à un service public était remplie, bien que ce ne sont pas les pistes qui sont affectées au service public, mais ce dernier qui est affecté aux pistes (28), au motif que le critère de l'aménagement spécial faisait défaut, en considérant que les aménagements réalisés n'étaient suffisamment conséquents, à l'instar de travaux de nivellement (29).
Ce raisonnement était contestable à deux niveaux. Le premier est que le critère de l'aménagement spécial a toujours été largement interprété par la jurisprudence au point que l'on a pu douter de l'utilité de ce critère qui devait être réducteur de la domanialité publique (30). La jurisprudence a, par exemple, considéré que le simple entretien (31), ou encore la pose d'une chaîne (32) suffisait à regarder cette exigence comme établie. A l'appui de l'existence de tels aménagements, l'article R. 145-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3525HWH) définit une piste de ski alpin comme "un parcours sur neige réglementé, délimité, balisé, contrôlé et protégé des dangers présentant un caractère anormal ou excessif, éventuellement aménagé et préparé, réservé à la pratique du ski alpin et des activités de glisse autorisées". Il est dans ces conditions assez difficile de considérer qu'il n'y a pas d'aménagements. Le second est que toutes les pistes sont tracées, nivelées, entretenues, damées, parfois générées grâce à l'intervention des canons à neige. Il n'y a, en réalité, rien de moins naturel qu'une piste de ski offerte à la descente des touristes et vacanciers. Selon le bon mot du Professeur P. Yolka, "une telle manière de voir est fort discutable, à considérer en quoi consiste la réalisation des pistes de ski, dessinées à l'explosif et au bulldozer : on est passé avec l'industrie des loisirs et les usines à ski -risquons ce raccourci abrupt- de la montagne sacrée à la montagne massacrée" (33).
Ce refus de voir un ouvrage affecté au public ou à un service public est une des conséquences de l'arrêt "Rebora" (34), dans lequel la responsabilité de la commune de Bourg-Saint-Maurice était recherchée sur le fondement du défaut d'entretien normal de la piste de ski. Le refus de qualifier la piste d'ouvrage public, que certains auteurs estiment fondé sur des raisons d'opportunité (35), puisque la victime ne pouvait rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics, a eu pour conséquence que les juridictions ont refusé de qualifier les pistes de dépendances du domaine public lorsqu'elles étaient situées sur des terrains appartenant à des personnes publiques, faute d'affectation au public, bien que domaine public et ouvrage public soient deux notions différentes et indépendantes (36).
Les éléments autres des domaines skiables (37) étaient pourtant considérés comme des ouvrages publics et comme relevant du domaine public, en raison, notamment, de leur affectation au service public. Il existe, en effet, un service public du développement économique et touristique (38) dégagé par la jurisprudence administrative et auquel il est possible de rattacher ces activités. L'exploitation des remontées mécaniques a ainsi été qualifiée de service public (39) de nature industrielle et commerciale (40) par la jurisprudence, puis par le législateur. Selon l'article 47 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne (N° Lexbase : L7612AGZ), codifié à l'article L. 342-13 du Code du tourisme (41), relatif aux remontées mécaniques et pistes de ski, "l'exécution du service est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d'un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l'autorité compétente". La jurisprudence judiciaire comme administrative a globalisé le champ d'application de service public en l'étendant aux pistes du domaine skiable (42). Le Conseil d'Etat a ainsi jugé dans l'arrêt "Beaufils" du 19 février 2009 que "l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski est exploitée en régie directe par la commune" (43). Les pistes de ski sont donc affectées à ce service public.
A cela s'ajoute le fait que les aménagements du domaine skiable sont soumis à un régime d'urbanisme particulier (44). Au regard de cette finalité de service public associée à ce régime d'urbanisme destiné à permettre la réalisation de divers travaux des défrichement, terrassement, débroussaillage et autres, le Conseil d'Etat pose le principe selon lequel "une piste de ski alpin qui n'a pu être ouverte qu'en vertu d'une telle autorisation a fait l'objet d'un aménagement indispensable à son affectation au service public de l'exploitation des pistes de ski ; que, par suite, font partie du domaine public de la commune qui est responsable de ce service public les terrains d'assiette d'une telle piste qui sont sa propriété" (cons. n° 10). Cette rédaction semble même induire une présomption de l'existence de ces aménagements. Tel était le cas, en l'espèce, d'une partie de terrains, ceux visés par l'autorisation d'urbanisme, aménagés et utilisés comme pistes de ski. Cette affectation désormais admise, et dès lors que la condition d'affectation à l'utilité générale est plus large que celle de l'affectation au public, les pistes de ski alpin doivent être regardées comme étant des ouvrages publics.
En revanche, pour les terrains non concernés par l'autorisation d'aménagement, il fallait vérifier si les conditions posées par le Code général de la propriété des personnes publiques étaient remplies. Le Conseil d'Etat considère qu'il n'y avait pas d'aménagements indispensables s'agissant de l'affectation au service public. S'agissant du critère alternatif relatif à l'affectation au public, la Haute juridiction relève que, "si les skieurs l'empruntaient précédemment pour se rendre aux remontées mécaniques situées à proximité, notamment à la gare de départ du télésiège Solaise Express, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'elle aurait été affectée à l'usage direct du public" (cons. n° 11). Est ainsi confirmée la distinction entre ouverture et affectation au public (45). Ce terrain dissociable ne répondant pas aux critères de domanialité publique, il n'y a pas eu violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme. Restait la qualification du sous-sol devant abriter la discothèque et le restaurant.
C - Les sous-sols des pistes de ski peuvent être des dépendances du domaine public
Le restaurant et la discothèque devaient être réalisés sous une piste de ski. En droit du domaine public, la question de la divisibilité des volumes dans un immeuble construit, que cette divisibilité soit horizontale, c'est-à-dire par étages, ou verticale avec la question des entrées indépendantes ou non (46), est bien connue. Il est possible de distinguer les affectations et donc de diviser un immeuble appartenant à une personne publique comme relevant de son domaine public ou de son domaine privé, selon la configuration des lieux. Il ne s'agissait pas ici de faire application de la théorie de l'accession de l'article 552 du Code civil (N° Lexbase : L3131ABL), selon lequel "la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous". Cette disposition n'a trait qu'à la propriété (47). La question était celle de savoir si cette dépendance communale située sous la piste pouvait faire partie du domaine public en application de la théorie de l'accessoire (48). Il est en effet possible d'avoir des superpositions de dépendances susceptibles d'être différemment qualifiées en fonction de leurs affectations effectives et réelles. Selon l'article L. 2111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4506IQX), "font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable". Deux conditions cumulatives sont exigées. Le Conseil d'Etat juge, ainsi, que, "le sous-sol de ces terrains fait également partie du domaine public de la commune s'il comporte lui-même des aménagements ou des ouvrages qui, concourant à l'utilisation de la piste, en font un accessoire indissociable de celle-ci" (cons. n° 10). Mais, en l'espèce, tel n'est pas le cas, "le sous-sol en cause n'avait pas fait l'objet d'aménagements et ne peut en l'espèce être regardé comme constituant un accessoire indissociable de la piste de ski à l'utilisation de laquelle il concourrait" (cons. n° 13). Il était difficile de voir dans un restaurant et une discothèque une unité fonctionnelle avec les pistes de ski, malgré la superposition physique de ces dépendances. Aussi le moyen tiré de la violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme est-il écarté.
D - L'accès au terrain par une dépendance du domaine public ne nécessite pas que soit joint une autorisation d'occuper le domaine public
Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme était également invoqué au regard des modalités de réalisation des travaux devant être effectués et pour l'exécution desquels des autorisations de voirie seront par la suite nécessaires. En toute logique, le moyen est également écarté au motif que, "lorsque la construction nécessite seulement une autorisation d'occupation pour les besoins des travaux, une telle autorisation ne constitue pas une condition de légalité du permis de construire" (cons. n° 13). Le maître d'ouvrage devra obtenir les autorisations idoines pour procéder aux travaux, mais une autorisation d'urbanisme n'a pour but que de sanctionner, en principe et en l'absence de renvoi, le seul respect des règles d'urbanisme (49), ainsi que le rappelle l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3427HZX). Il y a donc une application du principe d'indépendance des législations (50) avec le droit régissant les autorisations domaniales. Par ailleurs, l'autorisation d'urbanisme étant délivrée par rapport à un projet défini, les conditions d'exécution dudit projet, comme le non-respect des prescriptions, sont sans incidence sur la légalité même de cet acte administratif. Le Conseil d'Etat juge ainsi que "la réalisation de la construction autorisée nécessitait seulement des travaux d'affouillement provisoire du sol au niveau de la piste de ski mais aucun aménagement permanent du domaine public, la piste de ski devant être remise dans un état identique à celui existant avant les travaux ; que, par suite, la légalité des permis de construire attaqués n'était pas subordonnée à la production, à l'appui du dossier de demande, d'une autorisation d'occupation du domaine public" (cons. n° 13). Les autres moyens ayant plus spécifiquement trait au droit de l'urbanisme, car tirés de la méconnaissance des prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols et de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7370HZY) sont écartés. L'arrêt d'annulation rendu par la cour administrative d'appel de Lyon est annulé sur ces points et la requête présentée aux fins d'annulation des permis de construire contestés rejetée.
(1) CE, Sect., 12 décembre 1986, n° 51249, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4847AMH), p. 281, AJDA, 1987, p. 354, concl. J.-C. Bonichot, CJEG, 1987, p. 601, concl. J.-C. Bonichot, note D. Richer, D. 1987, SC, p. 343, obs. F. moderne et P. Bon, LPA, 6 mars 1987, note F. Moderne, Revue administrative, 1987, p. 35, note P. Terneyre.
(2) CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE).
(3) C. urb., art. L. 445-2, devenu art. L. 473-1 (N° Lexbase : L3509HZY).
(4) Voir, par exemple, CAA Nantes, 2ème ch., 15 juin 2012, n° 10NT01698 (N° Lexbase : A0759IQ8).
(5) TA Grenoble, 27 avril 2011, n° 06017947.
(6) CAA Lyon, 3ème ch., 27 novembre 2012, n° 11LY01353 et 11LY01521 (N° Lexbase : A6227IYB).
(7) Voir C. urb., art. L. 422-1 (N° Lexbase : L9324IZD).
(8) Les dépendances du domaine privé peuvent être grevées de servitudes destinées à assurer le passage, l'aménagement et l'équipement des pistes de ski et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés (C. tour., art. L. 342-20 N° Lexbase : L3377HNE).
(9) Voir, par exemple, CAA Marseille, 1ère ch., 10 décembre 1998, n° 96MA02238 (N° Lexbase : A2835BMX).
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 3 juillet 2009, n° 321634 (N° Lexbase : A5660EIH), BJDU 4/2009, p. 285, concl. E. Geffray, note J.-C. B.
(11) CE 2° et 6° s-s-r., 26 février 1988, n° 73393, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7585APM), p. 90 ; Dr. adm., 1988, comm. n° 235, D.1988, IR, p. 112. Voir également CE 3° et 5° s-s-r., 29 mai 1985, n° 36087, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3468AME).
(12) C. urb., art. R. 423-1 (N° Lexbase : L7483HZ8).
(13) CAA Lyon, 1ère ch., 15 février 2011, n° 09LY02155 (N° Lexbase : A3201HNU) ; CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8510KQA), BJCL, 1/2014, concl. S. Von Coester.
(14) CE 9° et 10° s-s-r., 15 février 2012, n° 333631, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8522ICM), BJDU, 4/2012, p. 296, concl. F. Aladjidi, BJDU, 6/2012, p. 419, note F. Polizzi ; CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..
(15) CE 7° et 10° s-s-r., 8 avril 1994, n° 132721, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0335AS9), p. 1250, RDP, 1996, p. 593.
(16) CE, Sect., 23 octobre 1981, n° 19804 (N° Lexbase : A5423AK3) ; CE 3° et 5° s-s-r., 22 novembre 1995, n° 109246, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6416ANX), BJDU, 1995, p. 492.
(17) Voir, par exemple, CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0799ASE), p. 915-1250, RDP, 1996, p. 593, note G. Lebreton (concernant un projet de construction comportant la création d'un passage piétonnier nécessitant un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public et nécessitant que soit jointe à la demande la permission de voirie nécessaire) ; CAA Lyon, 1ère ch., 27 mars 2012, n° 11LY01465 (N° Lexbase : A7857IPP).
(18) Voir, par exemple, CE 12° et 6° s-s-r., 9 mai 1976, n° 96119, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3166B8R), p. 265 ; CE 3° et 8° s-s-r., 23 septembre 2005, n° 276772, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6103DKA), BJDU, 1/2006, p. 29, concl. P. Collin, obs. J.-C. Bonichot.
(19) En ce sens, voir CE 2° et 6° s-s-r., 12 mai 1976, n° 85271, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8661B7W), p. 252 ; CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc. ; CE 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2008, n° 277298, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6474D8B).
(20) CE 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2008, n° 277298, inédit au recueil Lebon, préc..
(21) CAA Bordeaux, 1ère ch., 28 octobre 2010, n° 10BX00075 (N° Lexbase : A6214IKD).
(22) Voir, par exemple, TA 9 février 1977, Syndicat des marchands du Carreau du Temple (N° Lexbase : A9861BSZ), Rec. tables, p. 1004.
(23) Voir, par exemple, CAA Bordeaux, 18 octobre 2011, 5ème ch., n° 10BX03015 (N° Lexbase : A6707MP4).
(24) Voir, par exemple, en ce sens, CAA Marseille, 1ère ch., 14 avril 2011, n° 09MA03433 (N° Lexbase : A2682HPZ) ; CAA Lyon, 31 juillet 2012, n° 10LY01234 (N° Lexbase : A6708MP7) ; CAA Lyon, 9 février 2013, n° 12LY01811 (N° Lexbase : A6709MP8).
(25) C. Ballandras-Rozet, L'aménagement indispensable, un critère discutable de réduction du domaine public, AJDA, 2006, p. 571 ; Les justifications économiques et juridiques au critère de l'aménagement indispensable, JCP éd. A, 2007, n° 2089.
(26) TA Grenoble, 29 janvier 2009, n° 0701992, n° 0704124, n° 0800163 (N° Lexbase : A8155MKA).
(27) CAA Lyon, 1ère ch., 7 mars 2011, n° 09LY00750 (N° Lexbase : A7224HPA).
(28) Lire en ce sens, P. Yolka, Domaines skiables = domaine public ?, JCP éd. A, 2011, Act. 284.
(29) CAA Lyon, 1ère ch., 17 novembre 2005, n° 03LY00492 (N° Lexbase : A0496DMC), JCP éd. A, 2006, n° 1264, note P. Yolka.
(30) F. Hervouet, L'utilité de la notion d'aménagement spécial dans la théorie du domaine public, RDP 1983, p. 135.
(31) Voir, par exemple, CE 30 mai 1975, n° 83245, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0762B94), p. 325, AJDA, 1975, p. 345, note Franc et Boyon.
(32) CE, Ass., 11 mai 1959, Dauphin, publié au recueil Lebon, p. 294, D. 1959, J., p. 314, concl. H. Mayras, AJDA, 1959, 1, p. 113, chron. M. Combarnous et J.-M. Galabert, AJDA, 1959, II, p. 228, note J. Dufau, JCP éd. G, 1959, II, n° 11269, note J. de Lanversin.
(33) P. Yolka, Le statut des pistes de ski : nouveaux développements, JCP éd. A, 2006, n° 1264.
(34) Par ex., reprenant la même motivation, CAA Lyon, 16 février 1989, n° 89LY00108 (N° Lexbase : A3054A8M) ; CAA Lyon, 8 avril 1992, n° 91LY00152 (N° Lexbase : A2709A8T) ; CAA Nancy, 3ème ch., 14 décembre 2006, n° 05NC01012 (N° Lexbase : A8743DTY) ; CAA Lyon, 6ème ch., 14 octobre 2008, n° 06LY01806 (N° Lexbase : A4086EBX).
(35) Voir J. Petit et G. Eveillard, L'ouvrage public, Lexisnexis, 2009, p. 24, n° 95.
(36) Voir, par exemple, CE 2° et 7° s-s-r., 23 janvier 2012, n° 334360, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4243IBR) ; lire nos obs., Domaine, travaux et ouvrages publics : propriété, définition et consistance, La Gazette des communes, 17 mars 2008, p. 54.
(37) Reconnaissant la qualité de dépendance du domaine public d'une piste de ski nordique, voir CA Besançon, 18 mars 2009, n° 08/02185 (N° Lexbase : A6261ET3) ; reconnaissant la qualité d'ouvrage public d'un poteau soutenant un filet de protection, voir CE 2° et 6° s-s-r., 13 février 1987, n° 55617, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3213APP).
(38) CE 3° et 8° s-s-r., 25 janvier 2006, n° 284878, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5443DMK), p. 743, Collectivités-Intercommunalité, 2006, comm. n° 43, note L. Erstein, Contrats et Marchés publics, 2006, comm. n° 88, note G. Eckert.
(39) CE, Sect., 23 janvier 1959, Commune d'Huez, publié au recueil Lebon, p. 67 ; T. confl., 7 juillet 1980, n° 02165 (N° Lexbase : A8160BDL).
(40) Voir, par exemple, T. confl., 7 décembre 1998, n° 03126 (N° Lexbase : A5515BQC) ; T. confl., 29 octobre 1990, Moyal, D. 1990, IR, p. 289.
(41) Voir également CE, Sect., 23 janvier 1959, Commune d'Huez, n° 39532, préc., concl. M. Braibant, AJDA 1959, p. 65, concl. M. Braibant.
(42) Voir, par exemple, T. confl., 18 juin 2001, n° 3246 (N° Lexbase : A5608BQR) ; T. confl., 15 décembre 2003, n° 3380 ; T. confl., 20 mars 2006, n° 3487 (N° Lexbase : A7777DND), Rec. tables, p. 785.
(43) CE 2° et 7° s-s-r., 19 février 2009, n° 293020, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2523EDS), p. 61, Dr. Adm., 2009, comm. n° 76, note G. Mollion, JCP éd. A, 2009, n° 2086, note G. Pelissier, AJDA, 2010, p. 430, note O. Févrot, RFDA, 2009, p. 777, note D. Pouyaud, RLCT, juin 2009, p. 27, note P. Tifine.
(44) Voir C. urb., art. L. 473-1 (N° Lexbase : L3509HZY), R. 473-1 (N° Lexbase : L7737HZL) et suivants.
(45) T. confl., 5 juillet 1999, n° 03149 (N° Lexbase : A5487BQB), rec. p. 458.
(46) Voir, par exemple, CE 11 décembre 2008, n° 309260, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8872EB9), p. 734-852, Dr. adm., 2009, comm. n° 25, AJDA, 2009, p. 828, note O. Fevrot, RJEP, 2009, n° 665, p. 20, note C. Chamard-Heim ; CE, Sect., 28 décembre 2009, n° 290937, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0255EQI), p. 528 ; CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2011, n° 342621, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7042GZT).
(47) Voir CE 7 mai 1931, Compagnie nouvelle des chalets de commodité, rec. p. 491.
(48) Voir H. Charles, Accessoire et domaine public en droit administratif français, in Mélanges Siassinopoulos,1974, p. 187. Sur ces notions et leurs rapports, voir notamment P. Allinne, Domanialité publique et ouvrages complexes, AJDA, 1977, p. 523, Y. Gaudemet, La superposition des propriétés privées et du domaine public, D. 1978, Chron., p. 293.
(49) Voir, par exemple, CE 9 octobre 1981, n° 18350 (N° Lexbase : A3625AKH), Dr. adm., 1981, comm. n° 362 ; CE 3° et 5° s-s-r., 20 septembre 1991, n° 84291, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2305ARS) ; CE 9° et 8° s-s-r., 5 mars 1993, n° 95395, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8689AMR).
(50) Voir, par exemple, CE 1er juillet 1959, Sieur Piard, rec. p. 413. Voir M.-F. Delhoste, Les polices administratives spéciales et le principe d'indépendance des législations, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 2001, Tome n° 214, p. 304.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442459
Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 28 mai 2014, n° 359738, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6337MPE)
Lecture: 1 min
N2542BUP
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442542
Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 26 mai 2014, n° 344265, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6400MPQ)
Lecture: 2 min
N2543BUQ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 11 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442543
Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 28 mai 2014, n° 324852, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6321MPS)
Lecture: 1 min
N2544BUR
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 06 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442544
Réf. : Loi n° 2014-567 du 2 juin 2014, relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié (N° Lexbase : L3859I3C)
Lecture: 6 min
N2508BUG
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 05 Juin 2014
La suspension avait été ordonnée sur la base de la clause de sauvegarde prévue par l'article 23 de la Directive (CE) 2001/18, qui énonce qu'en cas de risque grave, un Etat peut prendre des mesures urgentes telles que la suspension de la mise sur le marché. Dans le cadre de la Directive (CE) 2001/18, la mesure de commercialisation d'un OGM sur son territoire est prise directement par l'Etat en question. De son côté, la Haute autorité provisoire sur les OGM, nouvellement créée par le "Grenelle de l'environnement" (loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement N° Lexbase : L6063IEB), avait émis un avis très réservé sur l'innocuité de l'OGM "MON 810" le 9 janvier 2008. C'est sur la base de cet avis que la clause de sauvegarde avait été mise en oeuvre par le Gouvernement. Par la suite, la société Monsanto France et deux autres semenciers ont attaqué cette décision ministérielle devant le Conseil d'Etat. Ce dernier a décidé, dans une décision du 6 novembre 2009, de poser une série de trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne avant de statuer sur le fond (CE 3° et 8° s-s-r., 6 novembre 2009, n° 313605, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7972EM9).
Dans une décision rendue le 8 septembre 2011 (CJUE, 8 septembre 2011, aff. C-58/10 N° Lexbase : A5289HX8), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé que la clause de sauvegarde prise par la France en février 2008 pour suspendre la culture du maïs transgénique "MON 810" était illégale en raison d'un vice de procédure. Elle a considéré que c'est la procédure prévue par l'article 34 du Règlement (CE) n° 1829/2003 du 22 septembre 2003 qui aurait du être utilisée, cet article permettant, notamment, aux opérateurs qui le souhaitent d'obtenir une autorisation unique, laquelle porte aussi bien sur la culture que sur les utilisations alimentaires d'un produit génétiquement modifié. Cet article, intitulé "mesures urgentes", permet à un Etat de saisir la Commission européenne en cas de risque grave afin que cette dernière prenne des mesures conservatoires allant jusqu'à la suspension. L'article 54 du Règlement (CE) n° 178/20029 du 28 janvier 2002 (N° Lexbase : L3661A3Y), permet à l'Etat de prendre lui même des mesures de ce type, mais uniquement lorsque la Commission n'a pas agi précédemment.
Par la suite, le Conseil d'Etat a annulé les arrêtés ministériels suspendant la culture du maïs OGM "MON 810", au motif que le ministre n'avait pas établi l'existence de circonstances de nature à caractériser une urgence et d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement (CE, 28 novembre 2011, deux arrêts, inédits au recueil Lebon, n° 312921 N° Lexbase : A0231H3X et n° 313546 N° Lexbase : A0232H3Y). Le ministre de l'Agriculture a alors pris un nouvel arrêté immédiatement annulé par la Haute juridiction administrative (CE 3° et 8° s-s-r., 1er août 2013, n° 358103, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1721KKX). Aux termes d'un nouvel arrêté ministériel, le Conseil d'Etat a cette fois rejeté la demande de suspension (CE référé, 5 mai 2014, n° 376808 N° Lexbase : A7208MK8), estimant que les requérants ne justifiaient pas d'une situation d'urgence, l'une des conditions qui doit être impérativement remplie pour que le juge procède à cette suspension. Il a, en particulier, estimé que l'arrêté ne portait pas une atteinte grave et immédiate à la situation économique des requérants et de la filière, la culture du maïs "MON 810" ne représentant qu'une place très réduite des cultures. La représentation nationale prenant l'affaire en main, une proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié "MON 810" a été déposée le 18 février 2014, au nom d'éventuels impacts économiques sur les autres filières, conventionnelle, biologique, ainsi que les filières apicoles et les filières qualifiées "sans organismes génétiquement modifiés", ainsi qu'en raison de la dissémination incontrôlée de pollen pouvant être à l'origine de présence fortuite d'organismes génétiquement modifiés indésirables dans d'autres produits.
II - Dans leur décision du 28 mai 2014, les Sages de la rue de Montpensier rejettent l'argumentation des sénateurs et députés requérants selon laquelle cette interdiction est contraire au principe de primauté du droit européen, aux articles 55 (N° Lexbase : L0884AH9) et 88-1 (N° Lexbase : L0911AH9) de la Constitution et aux dispositions de plusieurs Directives et Règlements de l'Union européenne, en particulier l'article 23 de la Directive du 12 mars 2001 et l'article 34 du Règlement du 22 septembre 2003 précités. L'article 55 de la Constitution énonce, en effet, que "les Traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou Traité, de son application par l'autre partie". Le Conseil constitutionnel précise que, "si ces dispositions confèrent aux Traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution [...] le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité". Le grief tiré de la violation du droit européen n'est, en effet, pas un grief d'inconstitutionnalité.
Depuis sa décision "IVG" rendue le 15 janvier 1975 (Cons. const., décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 N° Lexbase : A7913AC3), le Conseil constitutionnel rappelle de façon constante que l'article 55 de la Constitution institue une règle de conflit de normes. Il appartient à tout juge chargé de l'application de la loi de faire respecter cette règle de conflit qui conduit à écarter la loi nationale lorsqu'elle est incompatible avec un engagement international ou européen en vigueur. La hiérarchie posée par l'article 55 ne constitue donc pas une règle de validité constitutionnelle des lois. Cette jurisprudence a été confirmée avec constance depuis (Cons. const., décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010 N° Lexbase : A1312EXU), tant pour des Traités internationaux (Cons. const., décision n° 77-83 DC du 20 juillet 1977 N° Lexbase : A7957ACP, n° 77-92 DC du 18 janvier 1978 N° Lexbase : A7973ACB, n° 80-116 DC du 17 juillet 1980 N° Lexbase : A8013ACR, n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 N° Lexbase : A8301ACG et n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 N° Lexbase : A8313DN9), que pour le droit communautaire (Cons. const., décisions n° 91-293 DC du 23 juillet 1991 N° Lexbase : A8244ACC, n° 91-298 DC du 24 juillet 1991 N° Lexbase : A8248ACH et n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 N° Lexbase : A8782ACA) (2).
Cependant, le débat n'est pas tout à fait clos car le champ de la loi est très réduit et ne couvre pas tous les OGM. Elle ne concerne que les variétés de maïs génétiquement modifié et non tous les OGM en général comme le colza ou la pomme de terre qui sont également susceptibles de modifications génétiques. Par ailleurs, elle ne concerne que la mise en culture ; elle n'interdit donc pas la commercialisation de produits alimentaires, pour les hommes ou les animaux, composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés. Par définition, cette loi n'interdit pas les OGM cultivés dans un autre Etat (3). Enfin, gageons que le débat relatif aux OGM ne sera pas clos au niveau national, mais plutôt européen, le Conseil des ministres de l'Environnement de l'Union européenne devant prochainement se réunir sur cette question le 12 juin 2014.
(1) Clause de sauvegarde française sur les OGM : quand la CJUE fait application du principe de précaution - Questions à Alexandre Faro, Avocat associé, Cabinet Faro et Gozlan, Lexbase Hebdo n° 218 du 13 octobre 2011 - édition publique (N° Lexbase : N8101BST).
(2) Commentaire de la décision n° 2014-694 DC du 28 mai 2014.
(3) A. Gossement, OGM : décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2014, blog d'actualités, 1er juin 2014.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442508
Réf. : Cons. const., décision n° 2014-694 DC, 28 mai 2014 (N° Lexbase : A7899MNU)
Lecture: 1 min
N2448BU9
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 03 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442448
Réf. : Loi n° 2014-567 du 2 juin 2014, relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié (N° Lexbase : L3859I3C)
Lecture: 1 min
N2465BUT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 04 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442465
Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 20 mai 2014, n° 370820, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5777MLK)
Lecture: 11 min
N2451BUC
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Bernard Geneste, Avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre, spécialiste en droit public et en droit international de l'Union européenne
Le 05 Juin 2014
On se souvient que, statuant sur les recours dont il avait été saisi dirigés contre l'ordonnance du 19 décembre 2012 (1), prise pour la transposition en France de la Directive (UE) 2011/62 (2), le Conseil d'Etat a, en juillet 2013, prononcé l'annulation partielle de l'article L. 5125-34 (N° Lexbase : L5485IZ8) introduit dans le Code de la santé publique par l'ordonnance attaquée. Selon une rédaction peu fréquente mais pas totalement inconnue, la Haute Assemblée a annulé l'article L 5125-34 précité "en tant qu'il ne limite pas aux seuls médicaments soumis à prescription médicale obligatoire l'interdiction de faire l'objet de l'activité de commerce électronique" (3). Cette rédaction reprend en fait celle de l'ordonnance du 14 février 2013 par laquelle le juge des référés avait d'ores et déjà suspendu l'exécution du même article (4).
L'annulation "en tant que ne pas" est une figure qui n'est pas inconnue du juge administratif. Elle a été identifiée voici une quinzaine d'années et est notamment directement liée aux contraintes spécifiques que la transposition des Directives européennes impose aux Etats membres (5). Techniquement, elle se présente comme une variante, une déclinaison particulière, de l'annulation partielle. Elle correspond à l'hypothèse dans laquelle, à l'occasion de la transposition d'une Directive, l'autorité réglementaire est restée en-deçà des obligations que lui impose la Directive à transposer. Le manquement aux obligations européennes ne résulte donc pas de l'absence de transposition, mais plutôt d'une transposition incorrecte en ce que les moyens mobilisés ne permettent pas, du fait de leur insuffisance, d'atteindre le résultat imposé par la Directive.
Cette hypothèse est celle rencontrée avec la vente de médicaments par internet : l'ordonnance du 19 décembre 2012 entrouvre la porte de la vente du médicament par internet sur le marché français, mais insuffisamment au regard des prescriptions européennes. En effet, alors que, conformément à la solution dégagée dès 2003 par la Cour de justice de l'Union européenne (6), l'article 85 quarter introduit dans le Code communautaire du médicament par la Directive (UE) 2011/62 impose aux Etats membres de permettre la vente de médicaments par internet sous réserve du cas des médicaments à prescription médicale obligatoire (PMO), l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique, issu de l'ordonnance du 19 décembre 2012, limite cette forme de commerce aux seuls médicaments en accès libre, catégorie qui, non seulement n'est pas connue du droit européen, mais encore ne regroupe pas, tant s'en faut, la totalité des médicaments non soumis à PMO. Au total, le champ d'application matériel du texte de transposition est donc plus étroit que celui de l'article 85 quarter. L'ordonnance du 19 décembre 2012 ne limite pas aux seuls médicaments soumis à PMO l'interdiction de la vente par internet, mais l'étend au contraire à tous les médicaments autres que ceux qui sont proposés en accès libre. Le Conseil d'Etat ne peut que prononcer l'annulation de l'article L. 5125-34 et, pour rester au plus près de la rédaction retenue par le législateur européen, prononce, dans les termes rappelés ci-dessus, la sentence d'annulation "en tant que ne pas".
Il procède ainsi chaque fois que le dispositif d'annulation, quoique quelque peu inhabituel, n'est pas sujet à interprétation du fait que l'écart entre le résultat qui a été atteint par le texte de transposition et celui qui aurait dû être atteint est clairement mesurable (7). C'est ce que des commentateurs particulièrement autorisés nomment la "prédétermination" (8) de l'écart.
Dans cette hypothèse de "prédétermination", le Conseil d'Etat considère que, par l'effet rétroactif de l'annulation, le dispositif de l'arrêt d'annulation s'incorpore directement ab initio dans le texte annulé. Ainsi donc, au moment même où le juge administratif en prononce l'annulation, le texte annulé "en tant que ne pas" se trouve purgé de son vice originel et d'emblée conforme à la Directive à transposer.
Cette solution est dictée par les contraintes spécifiques que le droit européen impose aux Etats membres. Ainsi que l'expose clairement l'arrêt d'Assemblée du 29 juin 2001 précité, l'annulation partielle, lorsqu'elle est fondée, comme c'est le cas dans cette affaire, sur une discrimination "ne saurait avoir pour effet de maintenir dans l'ordre juridique français une discrimination contraire aux exigences du droit communautaire". D'où la nécessité, précise le même motif de l'arrêt, de préciser la portée du dispositif d'annulation "par des motifs qui en constituent le soutien nécessaire". De même que dans l'arrêt de principe du 29 juin 2001, le dispositif de l'arrêt d'annulation du 17 juillet 2013 a donc pour objet de rétablir d'emblée la conformité du droit français au droit de l'Union en évitant que ne subsiste dans l'ordonnancement juridique français une rédaction de l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique qui ne serait pas conforme au droit européen.
II - Une application délicate au cas des ordonnances de l'article 38
L'arrêt commenté montre quelles redoutables difficultés cette construction prétorienne a priori insusceptible de quelque critique que ce soit soulève dans le cas où, comme en l'espèce, le texte annulé "en tant que ne pas" est une ordonnance prise en vertu de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC).
Dans les conditions désormais prévues à l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ), le Conseil d'Etat était invité à se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions du I de l'article 4 de la loi du 24 février 2014 de ratification de l'ordonnance du 19 décembre 2012 (9). Cet article se borne à disposer que : "L'ordonnance [...] est ratifiée". Il ratifie donc, entre autres, l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique qui fait partie intégrante de l'ordonnance ratifiée. Mais de quelle rédaction parle-t-on ? Quelle rédaction de l'article L. 5125-34 le législateur a-t-il entendu ratifier ? S'agit-il de la rédaction originelle de l'article, ultérieurement annulée par le Conseil d'Etat ? C'est, notamment, ce que pourrait laisser penser le fait que le législateur a cru utile, après avoir ratifié l'ordonnance, de modifier expressément -pour l'avenir seulement- l'article L. 5125-34 pour le mettre en conformité avec le dispositif de l'arrêt d'annulation du 17 juillet 2013. En effet, depuis le 26 février 2014, date d'entrée en vigueur de la loi du 24 février 2014, l'article L. 5125-34 se lit comme suit : "Seuls peuvent faire l'objet de l'activité de commerce électronique les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire". A la définition "en creux" des médicaments qui peuvent être vendus par internet retenue par le droit européen, le législateur français a préféré une définition positive. Il ne fait, toutefois, pas de doute que dans les deux cas les champs d'application sont désormais identiques.
En dépit donc de ce solide argument de texte, la rédaction de l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique ratifiée par la loi du 24 février 2014 serait-elle, au contraire, par application de la construction prétorienne rappelée ci-dessus, celle qui résulte de l'arrêt d'annulation du 17 juillet 2013 ?
Amené donc à trancher entre ces deux interprétations, le Conseil d'Etat opte sans hésitation aucune pour la seconde. Il juge, en effet, que : "le I de l'article 4 de la loi du 24 février 2014 ratifie l'ordonnance du 19 décembre 2012 dans sa rédaction seule applicable de la date de son entrée en vigueur jusqu'au 25 février 2014, laquelle résulte de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 17 juillet 2013 [...]".
Cette solution présente certes deux principaux avantages : d'une part, en garantissant la continuité de la rédaction applicable depuis l'origine du texte, elle évite, sous une seule réserve qui sera examinée ci-dessous, tout risque d'incertitude juridique et écarte tout débat sur l'interprétation du texte applicable. D'autre part, et ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, elle permet le maintien dans l'ordonnancement juridique d'un texte qui est, dès l'origine, conforme au droit de l'Union. C'est en ce sens qu'il faut probablement comprendre rétrospectivement l'un des motifs retenus par le juge des référés dans son ordonnance du 14 février 2013 ordonnant la suspension de l'exécution de l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique. Rappelons, en effet, que, par une rédaction inédite, cette ordonnance retient "que l'intérêt public commande [...] que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne". Cette ordonnance constitue d'ailleurs l'un des apports majeurs du contentieux généré par la vente des médicaments par internet puisqu'il semble bien que, au 14 février 2013, aucun précédent n'existait ayant ordonné la suspension de l'exécution d'un acte administratif "en tant que ne pas".
III - Une altération inévitable de la séparation des pouvoirs ?
Mais, à côté de ces aspects positifs indéniables, la solution retenue par le Conseil d'Etat présente plusieurs inconvénients majeurs dont on peut se demander s'ils ont été appréhendés par le juge ou si, au contraire, celui-ci ne s'est pas borné à appliquer dans le cas d'un texte législatif la solution qui lui est familière dans le cas d'un texte réglementaire, sans s'interroger sur le point de savoir s'il n'existerait pas au cas d'espèce des obstacles à une telle analogie.
En tout cas, ces inconvénients touchent à des principes si fondamentaux que le débat ne peut être esquivé : c'est en effet rien moins que la séparation des pouvoirs qui est en cause.
Outre que l'on ne comprend pas très clairement quelles raisons font que la rédaction de l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique résultant de l'arrêt d'annulation du 17 juillet 2013 ne s'appliquerait que depuis le 22 décembre 2012, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, et non depuis le 19 décembre 2012, date de son adoption, alors que la loi de ratification prend effet, quant à elle, au 19 décembre 2012, la solution retenue par la Haute Assemblée pose en effet deux questions majeures et corollaires au regard du principe de séparation des pouvoirs, alors même que l'arrêt précise que la solution ainsi retenue ne heurte pas "le principe de séparation des pouvoirs".
En premier lieu, en effet, se pose la question de savoir si le juge administratif n'écarte pas ici un peu rapidement les travaux du Parlement. Bien que, il est vrai, les travaux préparatoires de la loi du 24 février 2014 ne soient malheureusement guère éclairants sur ce point, ne faut-il pas postuler que le législateur est cohérent dans sa démarche pour en déduire qu'à partir du moment où il a modifié pour l'avenir le texte de l'article L. 5125-34, c'est que nécessairement il a entendu ratifier la rédaction originelle de cet article, interprétation qui s'inscrirait en cohérence avec la rédaction de l'article de ratification qui ratifie l'ordonnance du 19 décembre 2012 sans autre précision.
En second lieu, la solution retenue par la Haute Assemblée pose des questions plus profondes encore au regard du principe de séparation des pouvoirs. Non seulement le juge écarte ici d'un revers de main la rédaction que lui propose le législateur, mais encore il s'autorise à substituer à la rédaction ainsi proposée par le Parlement-législateur sa propre rédaction qui s'incorpore ainsi directement à la loi. En ce sens, on peut donc se poser la question de savoir si la solution légitime, audacieuse et particulièrement constructiviste dégagée par l'arrêt d'Assemblée du 29 juin 2001 n'atteint pas ses limites dans le cas où le support juridique qui fait l'objet de l'annulation "en tant que ne pas" est une ordonnance de l'article 38 de la Constitution qui a donc vocation, sauf caducité, à devenir rétroactivement un acte législatif.
Autant peut-être que la Directive elle-même, l'ordonnance de l'article 38 "intrigue, dérange, divise" en raison de sa "singularité" (10). C'est un acte hybride en ce sens que c'est un acte législatif en devenir. Comme le montre l'arrêt du 20 mai 2014, cette nature hybride pose aux juristes de redoutables questions.
Si les difficultés que posent les ordonnances de l'article 38 de la Constitution ne sont pas nouvelles, l'arrêt du 20 mai 2014 montre, en revanche, comme déjà celui du 5 février 2014 concernant Canal Plus (11), que le nouvel instrument processuel qu'est la question prioritaire de constitutionnalité expose le juge à des questions inédites.
En l'espèce, en effet, se pose inévitablement la question de l'impartialité du juge : en s'érigeant en législateur, le juge n'en vient-il pas nécessairement à porter atteinte à sa fonction même par altération du principe cardinal d'impartialité ? Comment, en effet, le juge pourrait-il douter de la conformité à la Constitution d'une disposition législative à la rédaction de laquelle il a concouru ? La Haute Assemblée écarte ces interrogations légitimes par une affirmation péremptoire selon laquelle la solution retenue ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs.
Dans une hypothèse telle que celle de l'espèce, il n'appartient donc, semble-t-il, qu'au Conseil constitutionnel de dire quelle est la loi applicable et si elle est applicable. Seule cette solution est de nature à éviter de confronter le juge administratif au questionnement qui vient d'être analysé.
IV - Vers un dénouement du contentieux administratif de la vente du médicament sur internet ?
La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 5125-34 ainsi tranchée, reste pour le Conseil d'Etat à statuer sur le fond du litige dont il reste saisi.
La question de la conformité à la Constitution de la loi de ratification de l'ordonnance du 19 décembre 2012 a, en effet, été soulevée dans le cadre d'un contentieux de l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté ministériel du 20 juin 2013, approuvant les bonnes pratiques de dispensation du médicament par internet (12), dont le point 2.1. précise que, "conformément à la législation, les médicaments pouvant faire l'objet de l'activité de commerce électronique sont les médicaments mentionnés à l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique", de sorte que le juge ne pouvait statuer sur le contentieux en annulation dont il est saisi sans qu'au préalable ait été tranchée la question de la rédaction de l'article L. 5125-34 du Code de la santé publique applicable à la date du 20 juin 2013, date d'adoption de l'arrêté dont l'annulation est demandée.
Compte tenu de la réponse apportée à cette question le 20 mai 2014, le Conseil d'Etat jugera-t-il que l'arrêté du 20 juin 2013, clairement illégal à la date de son adoption, a été purgé de son vice par l'effet de l'arrêt d'annulation du 17 juillet 2013 ou jugera-t-il, au contraire, que la légalité de l'arrêté du 20 juin 2013 n'est pas affectée par cette décision ? C'est à cette question que la Haute Assemblée devrait prochainement répondre, en mettant ainsi un point final au volet administratif du contentieux de l'encadrement juridique de la vente du médicament sur internet en France.
(1) Ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012, relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments (N° Lexbase : L7161IUR), JO du 21 décembre 2012.
(2) Directive (UE) 2011/62 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, modifiant la Directive (CE) 2001/83, instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés (N° Lexbase : L7632IQQ), JOUE, L. 174, 1er juillet 2011, p. 74.
(3) CE 1° et 6° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 365317, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9544KIC).
(4) CE référé, 14 février 2013, n° 365459, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1122I83).
(5) CE, Ass., 29 juin 2001, n° 213229, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5087AUX).
(6) CJUE, 11 décembre 2003, aff. C-322/01 (N° Lexbase : A3781DAB), Rec. p. I - 14951.
(7) Voir, par exemple, CE Sect., 25 février 2005, n° 253593, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8442DGR).
(8) P. Cassia, J-C. Bonichot, B. Poujade, Les grands arrêts du contentieux administratif, Dalloz, 4ème éd., 2014, commentaire sous l'arrêt CE, Ass., 29 juin 2001, n° 213229, publié au recueil Lebon, préc..
(9) Loi n° 2014-201 du 24 février 2014, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la santé (N° Lexbase : L5332IZI), JO du 26 février 2014.
(10) R. Kovar, Observations sur l'intensité normative des Directives, Liber amicorum P. Pescatore, 1987, p. 359.
(11) CE 9° et 10° s-s-r., 5 février 2014, n° 373258, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9297MDP).
(12) Arrêté du 20 juin 2013, relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique (N° Lexbase : L1861IX9), JO du 23 juin 2013.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442451
Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 30 avril 2014, n° 356730, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7061MKQ)
Lecture: 11 min
N2370BUC
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen
Le 05 Juin 2014
La procédure du sursis à statuer est ancienne puisqu'elle est issue de deux décrets-lois du 25 juillet 1935. Elle permet à l'autorité compétente de réagir aux demandes d'autorisation portant sur des projets dont la réalisation pourrait nuire aux évolutions qu'elle souhaite mettre en oeuvre. De manière très concrète, elle a pour objectif de contrer les effets d'aubaine qui peuvent surgir du fait de la modification prévisible de la réglementation locale de l'urbanisme ou de la réalisation de certaines opérations d'aménagement, telles que les ZAC ou les opérations de travaux publics.
Dans ses dispositions applicables à l'affaire, le sursis était prévu par l'article L. 123-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9342IZZ) dans les termes suivants : "A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8 (N° Lexbase : L7235ACX), sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan". Le régime général du sursis applicable à toutes les hypothèses prévues par le Code de l'urbanisme était, à l'époque des faits, fixé par l'article L. 111-8. Ces dispositions n'ont pas été modifiées de manière substantielle par les réformes successives du droit de l'urbanisme qui n'ont changé que leur codification, le régime du sursis étant régi par les actuels articles L. 111-7 (N° Lexbase : L6292HIU) à L. 111-9 du Code de l'urbanisme.
Le sursis à statuer doit être motivé. Le caractère nécessairement limité dans le temps du sursis opère un relatif rééquilibrage entre les droits des pétitionnaires et les nécessités de l'intérêt général poursuivi, en principe, par la collectivité publique. C'est ainsi qu'il ne peut excéder deux ans. A l'issue de cette période, le sursis peut, éventuellement, être renouvelé, suite à la demande du pétitionnaire. Il doit cependant impérativement reposer sur un fondement différent de celui qui a motivé la première décision. En tout état de cause, et afin de limiter d'éventuels détournements de pouvoir utilisant des sursis abusifs destinés à faire obstacle sans raisons juridiques valables à la demande, la durée totale des sursis ne peut en aucun cas excéder trois ans.
L'expiration du délai ouvre au pétitionnaire, non le droit à obtenir son autorisation, mais celui d'obtenir une décision sur sa demande. Comme le pétitionnaire peut avoir modifié son projet, ou même y avoir renoncé, la demande d'autorisation doit être confirmée afin d'éviter à l'administration de statuer sur une demande dont elle ne serait plus saisie. La décision doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de cette confirmation qui doit être déposée moins de deux mois après l'expiration du délai de validité du sursis. Faute de notifier une décision, l'administration est réputée avoir autorisé le projet dans les termes dans lesquels il a été demandé.
La jurisprudence est venue préciser plusieurs aspects éléments essentiels de cette procédure.
Ces précisions concernent, tout d'abord, l'édiction de la décision. L'exigence de motivation est remplie dès lors qu'elle précise, par exemple, que le terrain d'assiette du projet est réservé à l'urbanisation future où toute construction est interdite et que l'exécution de ces travaux serait donc de nature à compromettre la réalisation de ce document d'urbanisme en cours de révision (4). A l'issue du délai de deux ans, l'autorité administrative doit statuer sur la demande de confirmation, sans pouvoir légalement la rejeter à nouveau en l'état au motif qu'une autorisation risquait de compromettre le plan d'occupation des sols prescrit mais non encore rendu public à cette date (5). La règle applicable à la demande de confirmation est celle en vigueur à la date où l'administration statue sur la demande confirmative (6). La décision de sursis à statuer peut valoir retrait d'un permis de construire non définitif illégal (7).
La jurisprudence a, ensuite, précisé les conditions de légalité interne d'une décision relative au sursis.
La faculté de surseoir à statuer est subordonnée à la seule condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan d'occupation des sols en cours de révision (8), mais la contradiction entre le projet du pétitionnaire et les règles issues de la modification du plan d'occupation des sols n'est pas nécessairement de nature à contraindre à l'autorité à opposer le sursis à exécution (9).
Plusieurs exemples permettent de cerner les conditions de légalité d'une décision opposant le sursis : l'insuffisante justification de l'incidence des projets de lotissement sur l'exécution du plan d'urbanisme en cours de révision est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité d'une décision de sursis à statuer (10) ; en revanche, un sursis est fondé, dès lors que les terrains d'assiette des constructions envisagées se trouvent situés sur l'emplacement d'une future ZAC réservée à la circulation au pied des remontées mécaniques (11).
Le juge contrôle également le refus d'opposer un sursis à statuer. Un projet qui ne déroge que de manière limitée aux règles du futur document d'urbanisme ne justifie pas le prononcé d'un sursis à statuer (12). De même, la circonstance que le terrain d'assiette du projet serait classé dans le futur PLU en zone urbaine pavillonnaire et que le projet litigieux n'y serait plus autorisé n'est pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan (13). En revanche, le sursis aurait dû être opposé à un projet situé à proximité de la mer dont la hauteur dépasse largement celle prévue par le futur plan (14) ou à un projet qui dépasse la hauteur et le taux d'emprise au sol prévus par le futur document (15). De même, un sursis doit être opposé à une demande d'autorisation pour une maison d'habitation sur un terrain qui, en raison de sa situation dans une zone non aedificandi du futur POS ne pouvait, en aucun cas recevoir cette affectation (16).
Enfin, il faut souligner que l'état d'avancement du projet de document d'urbanisme constitue un élément essentiel dans l'appréciation de la décision d'une décision relative au sursis.
L'autorité ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'opposer le sursis à statuer, dès lors que l'état d'avancement du projet de POS ne permet pas de déterminer l'affectation future des parcelles d'assiette des immeubles projetés par le pétitionnaire (17). Dès lors que l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan ne permettait pas encore, à la date de la décision attaquée, de préciser la portée exacte des modifications projetées, et que la délibération prescrivant la révision du POS ladite délibération ne permettait pas de localiser les zones du territoire communal concernées par les modifications ainsi envisagées, le sursis à statuer ne pouvait être légalement opposé (18). C'est le cas lors que le conseil municipal a ordonné la révision du plan d'occupation des sols dans le but de procéder à la réalisation, d'une part, d'un plan de circulation et, d'autre part, d'un aménagement cohérent des grands espaces constructibles de la commune en modifiant le zonage et en prévoyant une participation des lotisseurs aux dépenses de réseaux et de voirie, mais que la délibération ne permettait pas de localiser les zones du territoire communal concernées par les modifications ainsi envisagées (19).
En revanche, une décision de sursis peut être valablement opposée dès lors qu'à la date de la décision attaquée, le projet d'aménagement et de développement durable de la commune, composante du plan local d'urbanisme, ainsi qu'un projet de règlement de celui-ci, comportant des cartes détaillées du zonage à venir, avaient été rendus publics. L'état d'avancement des travaux d'élaboration de ce nouveau document d'urbanisme permettait donc, à la date de la décision de sursis, de préciser la portée exacte des modifications projetées (20).
On notera que le projet d'aménagement et de développement durable peut valablement fonder une décision opposant le sursis. En effet, même si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, l'autorité compétente doit prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan (21).
II - Les évolutions du contrôle juridictionnel
L'arrêt du 30 avril 2014 précise la portée du contrôle effectué par le juge administratif sur la décision relative au sursis. La décision opposant le sursis à exécution peut, bien entendu, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et d'un référé-suspension (22).
Le contrôle du juge du fond sur la décision varie selon le sens de celle-ci. La décision opposant le sursis à statuer relève du plein contrôle des juges du fond qui ne peuvent se limiter à exercer un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. Le juge d'appel commet ainsi une erreur de droit en rejetant le recours dirigé contre une décision de sursis, tout en relevant que l'édification de la construction projetée sur les deux parcelles en cause situées à un emplacement essentiel pour l'aménagement des voies de circulation au pied des remontées mécaniques aurait pour effet de rendre plus onéreuse l'exécution du plan d'occupation des sols (23). Une cour ne peut conclure que le projet n'était pas de nature à compromettre l'exécution du futur plan en se fondant sur la seule circonstance que la construction envisagée devait être réalisée à proximité de constructions déjà existantes, implantées en continuité, sans rechercher si ce projet était compatible avec l'objectif fixé au plan local d'urbanisme, dans son projet d'aménagement et de développement durable, tendant à stopper le processus de mitage des espaces naturels et agricoles (24).
En revanche, la décision de ne pas opposer le sursis à exécution est soumise au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation (25). Les juges du fond ne peuvent donc se borner à relever que le projet était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan d'occupation des sols sans rechercher s'il enfreignait les dispositions du plan d'occupation des sols en vigueur à la date de la demande, d'une part, ou si, d'autre part, au regard des difficultés qu'il pouvait susciter pour la mise en oeuvre du futur plan d'occupation des sols, la décision du maire de ne pas surseoir à sa délivrance, était entachée d'erreur manifeste d'appréciation (26).
De son côté, le juge de cassation contrôle, bien entendu, la motivation des décisions des juges du fond. Celui-ci doit préciser les dispositions du futur plan d'occupation des sols dont l'exécution est susceptible d'être compromise par l'édification des immeubles autorisés, mais n'est pas tenu de préciser l'ampleur des manquements à ces nouvelles règles prévues dès lors que ceux-ci ne sont pas contestés (27). Sur le fond, le juge de cassation limite son contrôle à l'erreur de droit et à la dénaturation. Les conséquences de la demande d'autorisation sur le futur document d'urbanisme relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (28). L'état d'avancement du plan qui permet de justifier l'application des dispositions permettant d'opposer le sursis à statuer à une demande de permis de construire est contrôlé par le juge de cassation au titre de l'erreur de droit (29).
L'arrêt du 30 avril 2014 marque néanmoins une certaine évolution du contrôle du juge de cassation.
En l'occurrence, le maire de la commune de Ramatuelle avait, par un arrêté du 2 mai 2006, opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire en vue de la construction d'une villa avec piscine. Le sursis était motivé par la perspective de classement en zone naturelle inconstructible, par le futur plan local d'urbanisme, du terrain d'assiette de cet ensemble. Les juges de première instance avaient confirmé ce sursis en rejetant le recours du pétitionnaire. Toutefois, la cour administrative d'appel avait annulé le jugement.
Le Conseil d'Etat, par l'intermédiaire du grief de la dénaturation, opère ici un contrôle particulièrement poussé de la décision. Il relève, en effet, qu'en vertu du règlement du projet de plan local d'urbanisme de la commune de Ramatuelle, la zone d'assiette du projet du pétitionnaire sera classée en zone N. Celle-ci correspond aux espaces naturels à protéger en raison, notamment, de la qualité des sites et des paysages ou de la valeur des boisements, et comprend un secteur Nb contenant principalement des terrains d'urbanisation diffuse existante, dans lequel les constructions et installations de toute nature sont interdites, à l'exception des agrandissements limités des constructions existantes.
Le Conseil d'Etat constate ensuite que le projet litigieux, d'une surface hors oeuvre nette (SHON) de 280 m2 et d'une surface hors oeuvre brute (SHOB) de 429 m2, se situait sur une vaste parcelle naturelle proche du rivage dans le secteur Nb du projet de plan local d'urbanisme, bordée pour partie de terrains non bâtis et appartenant à la même unité paysagère que le site classé des trois Caps, caractéristique du patrimoine naturel du littoral méditerranéen.
Il en conclut "que, par suite, en jugeant que le projet litigieux n'était pas de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme, qui avait pour objet de protéger les espaces naturels de cette zone en raison notamment de la qualité des sites et des paysages, la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis".
La décision appelle plusieurs observations.
Tout d'abord, le juge de cassation prend en considération, comme il se doit, les dispositions du futur plan. Il semble logique de considérer que, dès lors que ce dernier limite exclusivement les nouvelles constructions à l'hypothèse de l'agrandissement limité des constructions existantes, la construction d'un nouveau bâtiment va directement à l'encontre de ces dispositions. Le sursis à statuer est donc parfaitement fondé.
Ensuite, le juge de cassation étend son contrôle au-delà des dispositions purement formelles du projet de plan. Il aurait pu, en effet, se limiter à constater l'incompatibilité du projet avec la future règle d'inconstructibilité des terrains situés en zone N. Toutefois, ainsi qu'on l'a rappelé, la seule incompatibilité entre le projet du pétitionnaire et les règles du futur plan n'est pas nécessairement susceptible de justifier l'opposition automatique d'un sursis. En l'occurrence, le Conseil d'Etat remonte donc "à la source" : ce n'est pas tant la règle d'inconstructibilité que les motifs pour lesquelles elle est prévue qui justifie le sursis. En l'espèce, ces motifs tiennent à la protection d'un secteur appartenant à la "même unité paysagère" qu'un site classé. Les préoccupations environnementales sont donc le fondement de cette décision.
Enfin, on notera le caractère encore une fois mouvant du contrôle du juge de cassation. Le Conseil d'Etat a maintenu sa position traditionnelle en limitant son contrôle à l'erreur de droit et à la dénaturation. Toutefois, quelle précision dans le contrôle de dénaturation ! Si l'on compare, en effet, cette décision à celles dans lesquelles le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits, on est frappé par une certaine ressemblance dans les motifs retenus et dans la formulation. C'est le cas pour l'appréciation du caractère compatible d'un projet de carrière avec les termes de la charte d'un parc naturel régional (30) ou la qualification d'un terrain d'espace remarquable au sens de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6327IWA) (31).
Après avoir annulé l'arrêt, le Conseil d'Etat, fidèle à sa politique actuelle, se dispense de statuer au fond et renvoie l'affaire devant les juges d'appel.
(1) CE 2° et 6° s-s-r., 18 décembre 1981, n° 24161, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4150AKW).
(2) CE 2° et 6° s-s-r., 7 mai 1982, n° 19083 et 19356, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9375AKG).
(3) CAA Marseille, 1ère ch., 20 décembre 2011, n° 10MA00406 (N° Lexbase : A2880IBB).
(4) CE 1° et 6° s-s-r., 13 avril 2005, n° 259085, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2319DGY).
(5) CE 6° s-s., 21 mars 1986, n° 45279, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4912AMU).
(6) CE 2° et 6° s-s-r., 17 septembre. 1999, n° 167265, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4605AXT).
(7) CE 9° s-s., 14 février 2007, n° 275024, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1998DUK).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 13 avril 2005, n° 259805, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8443DH8).
(9) CE 9° et 10° s-s-r., 8 juillet 2005, n° 275060, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0168DKG).
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 9 octobre 2002, n° 244783, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3018A38).
(11) CE 1° et 6° s-s-r., 13 avril 2005, n° 259085, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2319DGY).
(12) CE 1° et 6° s-s-r., 21 mai 2008, n° 284801, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7198D84).
(13) CE 6° s-s., 16 octobre 2013, n° 359098, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1097KNX).
(14) CE 1° et 4° s-s-r., 23 octobre 1987, n° 50679, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3435APW).
(15) CE 6° s-s., 26 décembre 2012, n° 347458, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1441IZE).
(16) CE 2° et 6° s-s-r., 6 novembre 1981, n° 18586, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6367AKZ).
(17) CE 1° et 4° s-s-r., 22 février 1984, n° 35589, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7404ALS).
(18) CE 1° et 4° s-s-r., 9 décembre 1988, n° 68286, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8366APK).
(19) CE 1° et 4° s-s-r., 9 décembre 1987, n° 68287, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0440AQD).
(20) CE 6° s-s., 30 mai 2011, n° 327769, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0375HT3).
(21) CE 9° et 10° s-s-r., 1er décembre 2006, n° 296543, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7664DSN) ; CE 1° et 6° s-s-r., 20 décembre 2006, n° 295870, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1481DTZ) ; CE 6° s-s., 30 mai 2011, n° 327769, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0375HT3).
(22) CE 3° et 8° s-s-r., 9 octobre 2002 n° 244783, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3018A38).
(23) CE 2° et 7° s-s-r., 13 avril 2005, n° 259805, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8443DH8).
(24) CE 6° s-s., 30 mai 2011 n° 327769, inédit au recueil Lebon, préc..
(25) CE 6° s-s., 16 octobre 2013, n° 359098, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1097KNX) ; CE 6° s-s., 26 décembre 2012, n° 347458, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1441IZE).
(26) CE 9° s-s., 14 février 2007, n° 275024, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1998DUK).
(27) CE 1° et 2° s-s-r., 25 avril 2003 n° 208398, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7643BSU).
(28) CE 6° s-s., 26 décembre 2012, n° 347458, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1441IZE) ; CE 1° et 6° s-s-r., 20 décembre 2006, n° 295870, inédit au recueil Lebon, préc. ; CE 7° et 10° s-s-r., 28 juillet 1998, n° 184419, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9288B8I).
(29) CE 7° et 10° s-s-r., 28 juillet 1998, n° 184419, inédit au recueil Lebon, préc..
(30) CE 1° et 6° s-s-r., 12 février 2014, n° 357215, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3806MEP).
(31) CE 1° et 6° s-s-r., 20 mai 2011, n° 325552, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0315HSH) et lire nos obs., Chronique de droit de l'urbanisme - Juin 2011, Lexbase Hebdo n° 444 du 16 juin 2011 - édition publique (N° Lexbase : N4339BSI) ; CE 4° et 5° s-s-r., 3 septembre 2009, n° 306298, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7466EKQ).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442370
Réf. : CE 5° s-s., 28 mai 2014, n° 369456, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6370MPM)
Lecture: 1 min
N2546BUT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 07 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442546
Réf. : Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-80.574, F-P+B (N° Lexbase : A6275MP4)
Lecture: 1 min
N2547BUU
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 10 Juin 2014
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:442547