Cahiers Louis Josserand n°1 du 28 juillet 2022 : Contrats spéciaux

[Chronique] Droit des contrats spéciaux civils

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par Rebecca Frering, Docteur en droit, Centre patrimoine et contrats, Équipe de recherche Louis Josserand, ATER à l’Université Jean Moulin Lyon 3

le 21 Février 2023

L’information précontractuelle du consommateur devant la CA de Lyon

♦ CA Lyon, 6e ch., 10 février 2022, n° 20/02544 N° Lexbase : A88207MM

♦ CA Lyon, 6e ch., 16 juin 2022, n° 20/00692 N° Lexbase : A306178U

♦ CA Lyon, 6e ch., 10 mars 2022, n° 20/06796 N° Lexbase : A07937QG

♦ CA Lyon, 6e ch., 24 mars 2022, n° 20/07201 N° Lexbase : A74937RX

I. L’information précontractuelle du consommateur en matière de vente hors établissement

(CA Lyon, 6e ch., 10 février 2022, n° 20/02544 N° Lexbase : A88207MM ; CA Lyon, 6e ch., 16 juin 2022, n° 20/00692 N° Lexbase : A306178U)

Si l’on en croit la jurisprudence, la vente de panneaux photovoltaïques grâce au démarchage est un marché prospère. Les crises énergétique et écologique qui se profilent pourraient bien encourager ces ventes. Le contexte du démarchage – appelé vente hors établissement depuis une Directive communautaire (UE) n° 2011/83, du Parlement européen et du Conseil, du 25 ocotbre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la Directive (CEE) n° 93/13, du Conseil et la Directive (CE) n° 1999/44, du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la Directive (CEE) n° 85/577, du Conseil N° Lexbase : L2807IRE – incite le législateur à protéger le consommateur tant que faire se peut, au moyen d’un arsenal législatif important (sur l’évolution de la législation, v. G. Raymond, Contrats conclus hors établissements, JCl. Concurrence – Consommation, fasc. 903, n° 4 et 5). Le consentement du consommateur fait l’objet d’une attention particulière de sa part, qui se manifeste par un important formalisme ad validitatem. Le contrat conclu dans le cadre d’un démarchage doit effectivement porter l’inscription de nombreuses informations à peine de nullité. Cela résulte de la combinaison des articles L. 221-5 N° Lexbase : L1253MAN, L. 221-9 N° Lexbase : L1255MAQ et L. 242-1 N° Lexbase : L1270MAB du Code de la consommation. La cour d’appel de Lyon a eu l’occasion de se prononcer sur cette obligation d’information précontractuelle dans le cadre de la vente hors établissement de panneaux photovoltaïques. Si les articles appliqués par la cour sont des versions antérieures des actuelles dispositions, le contenu de l’information exigée demeure identique : le contrat doit mentionner les caractéristiques du bien vendu.

Les deux contrats litigieux ne respectaient pas cette exigence, puisqu’ils ne mentionnaient pas la marque, la référence, les dimensions et poids des panneaux ni les caractéristiques de micro-onduleurs. Dans les deux cas d’espèce, le prix n’était pas non plus ventilé entre le coût des matériaux et celui de la main-d’œuvre. S’il ne s’agit pas d’une obligation, la cour retient tout de même cette circonstance comme un indice de la volonté du professionnel d’entretenir une certaine confusion auprès du consommateur. Elle rappelle effectivement dans ces deux hypothèses que le professionnel était en mesure de fournir un devis détaillé et que cette absence empêchait le consommateur de procéder à une comparaison avec les prestations proposées par la concurrence. De telles manœuvres pourraient être sanctionnées sur le terrain du dol (v. Cass. civ. 1, 20 janvier 2021, n° 19-14.425, F-D N° Lexbase : A25184EY). Mais là n’était pas l’objet de la demande : les parties sollicitaient l’annulation du contrat au titre du manquement à l’obligation précontractuelle d’information en raison des irrégularités du bon mentionnées. Sans grande surprise, la cour a prononcé cette nullité dans les deux espèces.

Ces irrégularités, susceptibles d’entraîner la nullité du contrat, soulevaient néanmoins deux questions.

Éventuelle confirmation du consommateur qui exécute le contrat. D’abord, dans chacune des espèces, les parties avaient poursuivi l’exécution du contrat de sorte que l’on pouvait se demander s’il n’y avait pas là une confirmation de la nullité de leur part. C’est précisément ce que soulevaient les parties adverses. Un tel acte suppose néanmoins la connaissance du vice affectant le contrat. Or la Cour de cassation a une jurisprudence particulièrement stricte sur ce point, puisqu’elle considère que la seule reproduction des dispositions du Code de la consommation dans les conditions générales de vente acceptées par le consommateur suffit à caractériser la connaissance du vice par le consommateur (Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n° 18-25.686, FS-P N° Lexbase : A585839T ; Cass. civ. 1, 31 août 2022, n° 21-10.741, F-D N° Lexbase : A92928GA ; v. cependant Cass. civ. 1, 14 février 2018, n° 16-25.744, F-D N° Lexbase : A7576XDX considérant que la seule mention du fait que le consommateur a pris connaissance de ces dispositions est insuffisante). De même, elle estime que la mention sur la facture, émise a posteriori de la signature du contrat, des précisions manquantes sur ledit contrat permet de caractériser la connaissance du vice par le consommateur (Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 18-26.761, FS-P+B N° Lexbase : A85783YD). Dans les deux cas d’espèce dont la cour d’appel a eu à connaître, la teneur des conditions générales de vente n’est pas évoquée. L’on sait, en revanche, que les factures ne mentionnaient pas les caractéristiques manquantes. La cour d’appel se contente toutefois d’énoncer que le consommateur n’avait, dans chacun de ces cas, pas eu la possibilité de connaître le vice avant l’installation du matériel pour écarter la confirmation, ce qui peut étonner compte tenu de l’appréciation très stricte de la Cour de cassation.

Fautes de l’organisme de prêt accordant le crédit lié à la vente. Ensuite, dans chacun de ces cas d’espèce, la vente des panneaux photovoltaïques avait donné lieu à la souscription d’un contrat de crédit auprès d’un organisme de crédit et interrogeait alors la responsabilité de celui-ci à plusieurs égards. D’une part, l’organisme de crédit qui procède au déblocage des fonds sans s’assurer de la livraison complète commet une faute (v. par exemple Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 19-11.277, F-D N° Lexbase : A88734BA), pouvant engager sa responsabilité à condition d’établir l’existence d’un préjudice pour l’acquéreur (v. Cass. civ. 1, 8 septembre 2021, n° 19-22.789, F-D N° Lexbase : A257844A). Dans les deux arrêts, l’organisme de crédit avait débloqué les fonds tout en sachant pertinemment que la prestation n’avait pas été exécutée en sa totalité en l’absence de raccordement. Elle considère néanmoins à chaque fois que le consommateur n’a pas subi de préjudice, le raccordement ayant finalement été réalisé. D’autre part, l’organisme de crédit est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal. Il commet ainsi une faute susceptible de le priver de sa créance de restitution lorsqu’il ne vérifie pas la présence des mentions imposées au titre de l’obligation précontractuelle d’information, susceptible d’engager sa responsabilité si les acquéreurs rapportent la preuve de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité avec cette faute (Cass. civ. 1, 22 septembre 2021, n° 19-21.968, F-D N° Lexbase : A451547D). La cour d’appel retient l’existence de cette faute dans les deux cas d’espèce sans pour autant parvenir à la même solution. Dans l’un, elle considère que le consommateur ne subit pas de préjudice dès lors que le vendeur a dû procéder au remboursement du prix en application de l’exécution provisoire du premier jugement (CA Lyon, 6e ch., 10 février 2022, n° 20/02544 N° Lexbase : A88207MM). Dans l’autre arrêt, elle estime qu’un préjudice équivalent au montant du capital prêté et un lien de causalité sont caractérisés. La nullité du contrat principal a effectivement entraîné la restitution des biens par les acquéreurs sans que ceux-ci ne puissent se voir restituer le prix par la société venderesse dès lors que celle-ci a fait l’objet d’une liquidation judiciaire (CA Lyon, 6e ch., 16 juin 2022, n° 20/00692 N° Lexbase : A306178U).

II. La preuve de l’exécution de l’obligation précontractuelle d’information en matière de crédit à la consommation

(Lyon, 6e ch., 10 mars 2022, n° 20/06796 N° Lexbase : A07937QG ; CA Lyon, 6e ch., 24 mars 2022, n° 20/07201 N° Lexbase : A74937RX)

En matière de crédit à la consommation, l’obligation précontractuelle d’information pesant sur le professionnel concerne également le pouvoir de rétractation du consommateur, qu’il peut exercer dans un délai de quatorze jours. L’article L. 312-21 du Code de la consommation N° Lexbase : L1341K7S impose effectivement que l’offre de crédit soit accompagnée d’un bordereau de rétractation satisfaisant les exigences de l’article R. 312-9 du même code N° Lexbase : L1627K8R. L’article L. 341-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L1602LRR sanctionne le non-respect de ce formalisme par la déchéance du droit aux intérêts. La Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence sur cette question, sous l’influence des juges européens. Elle a pu, par le passé, considérer que la clause type, acceptée par le consommateur, selon laquelle il reconnaissait avoir reçu le bordereau permettait de présumer cette remise (Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-17.595, F-P+B+I N° Lexbase : A7511IQA ; Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, n° 12-14.122, FS-P+B+I N° Lexbase : A4083I3M). La question de savoir si cela emportait également la présomption de la régularité du bordereau restait en revanche entière (sur ce point, v. S. Hazoug, Le contentieux en matière de bordereau de rétractation, LPA, 28 juillet 2017, p. 16 ; G. Raymond, CCC, 2013, comm. 92, obs. sous Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, préc.). La Cour de justice de l’Union européenne a cependant donné une interprétation suivant laquelle une telle clause type ne doit pas emporter la présomption de l’exécution de l’obligation précontractuelle d’information relative au droit de rétractation et ne peut, au mieux, que constituer un indice de cette exécution devant être corroboré par d’autres éléments de preuve par le prêteur (CJUE, 18 décembre 2014, C-449/13, CA Consumer Finance N° Lexbase : A7873M7Q). La Cour de cassation a alors explicitement opéré un revirement de jurisprudence pour s’aligner sur la position des juges européens (Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-18.971, FS-P+B+I N° Lexbase : A31913YT).

Dans deux arrêts, la cour d’appel de Lyon est conduite à réformer des jugements de première instance dans lesquels elle considère que les juges se sont livrés à une interprétation extensive de cette jurisprudence. À l’origine de chacune de ces affaires, un couple de particuliers avait contracté un emprunt permettant le regroupement de crédits, et n’avait pas honoré ses échéances, conduisant le prêteur à notifier la déchéance du terme et à les assigner en paiement. Saisis respectivement de ces affaires, les juges des tribunaux de proximité de Nantua et de Belley ont condamné les emprunteurs au remboursement, mais déchu les prêteurs de leur droit aux intérêts. Dans les deux procédures, l’absence de remise du bordereau ou son irrégularité n’était pas soulevée par les emprunteurs, mais les juges relevaient d’office le moyen de la déchéance des intérêts, ainsi que le leur permettait l’article L. 141-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L7865IZC, et considéraient que les prêteurs ne rapportaient pas la preuve de l’exécution de leur obligation. Or selon la cour d’appel de Lyon, si les juges ont effectivement la prérogative de soulever d’office ce moyen, rien ne leur permettait de caractériser l’absence de remise du bordereau ou son irrégularité, et de prononcer une telle sanction. Elle considère que la jurisprudence de la Cour de cassation a seulement pour effet de permettre au consommateur d’invoquer l’inexécution de l’obligation précontractuelle d’information malgré la présence d’une clause type, mais n’inverse pas la charge de la preuve en imposant au prêteur de rapporter la preuve de son exécution. Il en résulte qu’il appartient à l’emprunteur qui l’invoque de prouver en premier lieu l’absence de remise du bordereau, ou son irrégularité, en rapportant son exemplaire d’offre de crédit. C’est seulement une fois cette preuve rapportée que le prêteur doit prouver l’exécution de son obligation, la clause type n’étant qu’un indice devant être corroboré par d’autres éléments de preuve. Or dans chacun des jugements, en relevant d’office le moyen de la déchéance du droit aux intérêts et en la prononçant, les juges de première instance sont partis du postulat que les emprunteurs contestaient la remise du bordereau ou bien sa régularité, alors même que leur exemplaire d’offre de crédit ne figurait pas parmi les pièces produites et ne permettait pas de caractériser cette défaillance. En considérant qu’il appartenait au prêteur de prouver son exécution, ils ont, selon la cour d’appel, mal interprété la jurisprudence de la Cour de cassation. Les juges auraient dû a minima ordonner la production de cette pièce pour pouvoir se prononcer sur la bonne exécution par le prêteur de son obligation précontractuelle d’information. La cour d’appel de Lyon a ainsi réformé ces deux jugements sur ce point de la déchéance du droit aux intérêts.

Par Rebecca Frering

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