Cahiers Louis Josserand n°7 du 29 juillet 2025 : Droit transitoire

[Doctrine] La méthode de contrôle de la règle de droit transitoire en droit de la Convention européenne des droits de l’homme

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par Xavier Dupré de Boulois, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ISJPS UMR CNRS 8103)

le 01 Août 2025

Définition du sujet. Le choix a été fait d’étudier la méthode européenne relative aux conflits de lois dans le temps. Une autre approche du sujet eut été possible [1], qui aurait conduit à concentrer l’analyse sur la jurisprudence européenne relative aux dispositions transitoires des lois. Il arrive en effet que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) indique que l’État aurait dû prévoir des mesures transitoires pour atténuer les conséquences délétères de l’application d’une règle nouvelle [2], mais les données disponibles restent trop limitées pour pouvoir faire système. Par ailleurs, il est entendu que l’étude du droit de la CESDH ne se limitera pas à la seule jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Elle portera plus encore sur sa réception par les juridictions internes françaises qui sont les juges de droit commun du droit de la CESDH. Compte tenu de la nature du contentieux devant la CEDH – il porte sur une affaire particulière et intervient a posteriori – et de la démarche de la Cour – une certaine propension à réfuter la montée en généralité –, il est d’un grand profit d’analyser les jurisprudences des juridictions internes qui gèrent « l’intendance » de l’application du droit européen. Enfin, deux champs d’investigation ont été écartés d’emblée. Il en est d’abord ainsi du droit pénal et donc de l’article 7, § 1 de la CESDH N° Lexbase : L4797AQQ qui pose le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. Sa mise en œuvre soulève des questions spécifiques de telle sorte que l’unité du propos s’en serait trouvée altérée. Il en est de même de l’application dans le temps des revirements de jurisprudence, même si les solutions européennes sont inspirées de la jurisprudence sur les conflits de lois dans le temps.

Les conflits de loi dans le temps saisis par la CESDH. Comme l’attestent les actes de ce colloque, le contentieux des conflits de loi dans le temps est d’une grande richesse. Il est aussi peu « européanisé », en ce qu’il mobilise en proportion assez peu le droit de la CESDH. Lorsque tel est le cas, le juge français est invité à mobiliser une autre façon de penser le conflit de lois dans le temps. Le juge s’attache alors à mettre ses pas dans ceux de la Cour de Strasbourg. Il doit par exemple « tenir compte de la définition par la Cour EDH de la notion de bien protégé par l’article 1er du Protocole 1er » [3]. Deux dispositions de la CESDH en particulier [4] jouent un rôle central dans le droit européen des conflits de lois dans le temps : l’article 6, § 1 N° Lexbase : L7558AIR qui garantit le droit au procès équitable ; l’article 1er du premier protocole additionnel de la CESDH N° Lexbase : L1625AZ9 qui protège le droit au respect des biens. En apparence, ils visent des situations distinctes. Le premier est mobilisé en présence d’une loi qui entend prendre position sur les actions en justice engagées avant son entrée en vigueur, quelle que soit sa dénomination : loi rétroactive, loi de validation, voire loi interprétative. Le contentieux « article 6 §1 » met donc souvent en cause les dispositions transitoires de la loi qui entendent aménager le sort des instances engagées sur la base de la loi antérieure ou de l’interprétation de cette loi. Le second joue en présence de lois rétroactives au sens strict du terme, mais également à l’égard de lois dites rétrospectives (petite rétroactivité) et de lois simplement d’application immédiate. Il convient de se garder de toute vision antagonique. Les champs d’application respectifs de ces deux dispositions se recoupent largement. Il en est en particulier pour les lois rétroactives. Par ailleurs, les faits générateurs de leur application ne sont pas si éloignés. Le contentieux de l’article 6, § 1 met lui aussi en cause l’atteinte à un intérêt patrimonial, à savoir des droits et obligations de caractère civil. Inversement et comme on le verra, l’application de l’article 1er du protocole 1er n’est pas indifférente à l’égard de l’existence d’une réclamation voire d’un recours juridictionnel formé par le requérant. Enfin, les motifs de nature à justifier une ingérence dans ces droits sont les mêmes. Il est toujours question d’un motif d’intérêt général qui en principe ne saurait être exclusivement financier. Aussi le juge n’hésite-t-il pas dans certaines circonstances à considérer que le constat de la non-violation de l’une de ces dispositions emporte non-violation de l’autre [5].

Plan. Les considérations ci-dessus justifient que l’étude de l’application de l’article 6, § 1 et de l’article 1er du protocole 1er aux conflits de lois dans le temps soit menée de concert. En l’occurrence, l’ambition didactique conduit à structurer le propos de manière rustique.

La mise en œuvre de ces deux dispositions repose invariablement sur deux étapes qui sont classiques en droit des libertés. Il convient d’abord de se préoccuper de l’existence d’une ingérence dans l’un ou l’autre des droits en cause (I), avant d’en apprécier la licéité (II).

I. L’existence d’une ingérence

A. L’atteinte à un bien

L’application de l’article 1er du protocole 1er suppose par définition la démonstration d’une atteinte à un bien. On sait que la Cour appréhende cette notion de manière particulièrement souple quant à la nature du bien et à son existence. Constitue un bien non seulement une créance certaine, mais aussi l’espérance légitime de se voir reconnaître un intérêt patrimonial. Compte tenu des litiges en cause en matière de conflits de lois dans le temps – une loi intervient et remet possiblement en cause le bénéfice d’une supposée créance –, le débat se cristallise largement sur l’existence d’une telle espérance.

L’espérance légitime. Le requérant doit démontrer qu’il est titulaire d’une créance dont il pouvait espérer la réalisation au moment où est intervenue la loi querellée. Au regard de la jurisprudence de la Cour, la détermination de cette créance espérée n’est pas sans évoquer la distinction civiliste entre l’acte juridique et le fait juridique [6]. Dans certains cas, l’espérance légitime se rapporte à une situation où la personne concernée peut légitimement escompter qu’un acte juridique lui conférant des droits ne sera pas remis en cause rétroactivement (loi rétroactive) ou pour l’avenir (loi d’application immédiate). Dans d’autres cas, l’espérance légitime se rapporte à une créance née d’une situation régie par une règle de droit interne qui se trouve modifiée ou supprimée là encore de manière rétroactive ou non. Cette espérance légitime peut avoir pour objet des créances de toute nature : une créance de réparation, une créance de salaire, un permis d’exploitation, une bourse d’enseignement, un droit à déchéance, un droit à restitution, un droit à pension, un crédit d’impôt, un agrément fiscal ou encore une exonération d’impôt ou de cotisations sociales. Dans tous les cas, il convient qu’il existe un certain degré de certitude que la personne aurait été en mesure d’obtenir la réalisation de cette créance en l’absence de l’intervention de la loi querellée. L’incertitude peut avoir plusieurs raisons. Elle peut être liée au caractère conditionnel de la créance. L’accomplissement de la condition peut dépendre du titulaire de la créance alléguée : le bénéfice d’un avantage est subordonné à des réquisits que la personne doit remplir de telle sorte que si elle ne s’y conformait plus au moment de l’intervention de la loi, elle ne saurait se prévaloir d’une espérance légitime [7]. Ce bénéfice peut aussi procéder de la décision d’un tiers. Ainsi dans l’affaire du tableau d’amortissement, la Cour de cassation a estimé que la déchéance du droit aux intérêts est une sanction civile laissée à la discrétion du juge et qu’en conséquence, le requérant n’avait pas la certitude qu’il pourrait obtenir la réalisation de cette déchéance [8]. L’incertitude est aussi souvent imputable à la base juridique de la supposée créance. Cette base juridique doit avoir une certaine constance d’application qu’il s’agisse d’une loi ou d’une jurisprudence [9] ou des deux [10]. Tel n’est pas le cas d’une jurisprudence qui opérerait un revirement six mois avant le rétablissement par la loi d’une jurisprudence constante [11] ou encore de deux lois intervenues sept mois seulement avant une disposition de validation [12]. Il est également tenu compte de la communication gouvernementale ou des travaux du Parlement pour apprécier la stabilité de la base juridique. S’ils laissent entendre que la réglementation avait vocation à évoluer, le requérant ne peut pas se prévaloir d’une espérance légitime [13].

Cas de la petite rétroactivité et de l’application immédiate : un législateur en liberté surveillée. La question de la stabilité de la base juridique appelle des développements spécifiques en présence de deux catégories de lois, la loi rétrospective et la loi d’application immédiate. Courante en matière fiscale, la rétrospectivité procède de ce que le fait générateur de certains impôts (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) est réputé intervenir au terme de la clôture de l’exercice soit le 31 décembre de chaque année. Il en résulte qu’une loi intervenant au cours dudit exercice et qui modifierait la situation fiscale des contribuables n’est pas rétroactive stricto sensu, puisque leur situation fiscale n’est définitivement arrêtée qu’au 31 décembre. Dès lors que l’administré ne peut ignorer que la fiscalité applicable est celle en vigueur lors de la clôture de l’exercice fiscal et qu’elle est donc susceptible d’évoluer au cours dudit exercice, il ne peut se prévaloir d’une espérance légitime que la législation telle qu’elle était au début de l’exercice fiscal n’évoluera pas [14]. La solution pourrait sembler encore plus évidente pour la loi d’application immédiate. Dès lors qu’il est toujours loisible au législateur de changer la loi pour l’avenir, elle ne saurait faire naître une espérance légitime dans la pérennité de ses dispositions et donc d’un avantage qu’elle prévoirait [15]. L’espérance légitime ne peut porter sur une créance future. Le juge administratif a toutefois apporté un bémol à cette idée dans une situation bien précise : lorsque la disposition législative abrogée ou modifiée pour l’avenir avait établi un dispositif incitatif pour une durée limitée reposant sur l’octroi d’un avantage en échange de certains engagements du bénéficiaire, le Conseil d’État estime que ce dernier avait l’espérance légitime de bénéficier de l’avantage en question pour la durée initialement prévue par la loi. Née en matière fiscale [16], cette jurisprudence s’est diffusée dans d’autres domaines [17]. La dimension « synallagmatique » de la situation justifie ainsi la survivance de la loi ancienne.

Cas de la loi rétroactive : la nécessité d’une réclamation ? La détermination de l’existence d’une espérance légitime en présence d’une loi rétroactive a suscité un débat autour de la nécessité que la personne concernée ait pris certaines diligences en vue d’obtenir la réalisation de l’intérêt patrimonial allégué avant l’intervention de la loi querellée. Doit-elle avoir réclamé la réalisation de cet intérêt avant l’entrée en vigueur de la loi pour se voir reconnaître une espérance légitime de jouir d’un intérêt patrimonial ? Pour reprendre une classification élaborée par Martin Collet, il conviendrait donc de distinguer les requérants « primitifs », dont l’action a pu susciter l’adoption d’une loi rétroactive, les requérants « suivistes » qui ont exercé un recours après les décisions favorables à des tiers placés dans une situation équivalente à la leur, mais avant l’adoption d’une loi de validation et les requérants « tardifs », « ayant exercé leur droit au recours après l’adoption de la loi de validation venant modifier rétroactivement leur situation » [18].

Dans plusieurs décisions, le juge administratif a subordonné la reconnaissance d’une espérance légitime à la formulation d’une réclamation préalable auprès de l’administration [19]. Telle a également la démarche suivie par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans l’affaire dite « des heures d’équivalence » [20], mais sans excès de constance [21]. Cette question est aussi à l’origine de la célèbre divergence de jurisprudences entre la Cour de cassation et le Conseil d’État dans l’affaire « Perruche ». La première a estimé qu’une personne était fondée à se prévaloir d’une espérance légitime, dès lors que son dommage était intervenu avant l’entrée en vigueur de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : C73847ZI, alors que le second a estimé que la personne en question devait en sus avoir engagé une instance avant l’entrée en vigueur de la loi. Le juge administratif opérait ainsi une application littérale de l’arrêt « Draon » dans lequel la Cour a bien précisé que la solution retenue – la reconnaissance d’une espérance légitime – ne valait qu’en tant que « la loi contestée concerne les instances engagées avant le 7 mars 2002 et pendantes » [22]. La Cour de Strasbourg juge désormais que la considération de la date d’introduction de l’instance est indifférente pour déterminer l’existence d’une espérance légitime et que seule la date de survenance du dommage doit donc être prise en compte [23]. Une certaine incertitude domine le sujet. L’exigence d’une réclamation préalable a été justifiée en matière fiscale par le constat qu’il est difficile d’admettre que puisse se prévaloir d’une espérance légitime contrariée par une loi rétroactive, un contribuable qui n’a pas réclamé un avantage comme il pouvait le faire avant son adoption [24]. Dans le même sens, l’exigence d’une réclamation permet de déterminer le jour auquel il convient de se placer pour établir l’existence d’une espérance légitime de jouir d’un intérêt patrimonial [25]. Un auteur a défendu un point de vue inverse en droit privé [26].

B. L’interférence dans une action en justice

Un droit ou une obligation de caractère civil. En apparence, l’application de l’article 6, § 1 mobilise des considérations différentes. Elle prohibe une interférence dans le cours du procès qui aurait pour effet de favoriser l’une des parties ou de priver le recours de son objet. Il n’est pas question de n’importe quel procès. Doit être en cause une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil. L’enjeu est donc lui aussi en principe de nature patrimoniale. La CEDH précise que l’article 6, § 1 trouve à s’appliquer sous son volet civil lorsque qu’il y a une contestation sur un droit que l’on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s’agir d’une contestation réelle et sérieuse, qui peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice. Enfin, l’issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question, un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisant pas à faire entrer en jeu l’article 6, § 1 [27]. Elle a ajouté que le droit ou l’obligation doit avoir une base en droit interne en prenant en compte les dispositions du droit national pertinent et l’interprétation qu’en font les juridictions internes [28]. Pour autant, le droit défendable ou la contestation réelle et sérieuse portant sur l’existence de droits patrimoniaux au sens de l’article 6, § 1 ne sont pas assimilables à l’espérance légitime de se voir reconnaître une créance au sens de l’article 1er du protocole 1er. L’applicabilité de l’article 6, § 1 ne suppose pas que le requérant démontre que le procès en cours lui aurait permis avec un certain degré de certitude de voir se réaliser le droit qui constitue l’objet du litige. En réalité, la considération de la consistance du droit allégué ne joue pas au stade de la recevabilité du grief, mais dans l’appréciation de la licéité de l’ingérence [29]. La CEDH prend en compte la question de savoir si les requérants pouvaient légitimement prétendre voir se réaliser leur créance dans l’évaluation de la proportionnalité de l’ingérence [30].

Un recours juridictionnel. L’article 6, § 1 n’est en principe invocable que dans l’hypothèse où un recours juridictionnel a été engagé avant l’entrée en vigueur de la loi querellée [31]. « La jurisprudence des organes de la Convention n’a jamais admis que la rupture de l’égalité des armes pût résulter de mesures anticipant en quelque sorte sur un procès non encore né, et ce serait aller trop loin qu’étendre cette théorie par une espèce d’analogie » [32]. Toutefois, la CEDH a nuancé cette exigence en jugeant que l’article 6, § 1 est applicable dans une affaire où la personne concernée avait formé réclamation devant l’administration au moment de l’entrée en vigueur de la loi querellée. Il convient cependant que cette phase dite précontentieuse ait « constitué une condition sine qua non pour déclencher la phase judiciaire proprement dite » [33]. Il en est ainsi de la règle de la décision préalable ou encore du recours administratif préalable obligatoire en droit administratif.

Litiges verticaux et horizontaux. L’interférence dans une procédure juridictionnelle stigmatisée sur le fondement de l’article 6, § 1 n’est pas forcément celle qui bénéficie à l’État ou à une autre personne publique. Autrement dit, cette disposition ne concerne pas seulement des litiges internes dans lesquels l’État ou certains de ses démembrements (collectivités territoriales, établissements publics, etc.) ont été parties. Elle peut concerner des lois qui influent sur les relations entre particuliers et qui trouvent donc à s’appliquer dans des litiges horizontaux. La question s’est posée il y a une vingtaine d’années. Dans un premier temps, la Cour de cassation a semblé exclure son invocabilité à l’égard des dispositions d’une loi de validation dès lors que cette dernière ne constituait pas une intervention de l’État dans une procédure l’opposant à des parties [34]. Les foudres de la Convention n’auraient concerné que les hypothèses dans lesquelles l’interférence dans le cours de la justice romprait l’égalité des armes entre la partie étatique ou publique et un particulier. La Cour est revenue sur cette interprétation en Assemblée plénière : les exigences relatives à l’article 6, § 1 s’applique « même lorsque l’Etat n’est pas partie au procès » a-t-elle affirmée [35]. La jurisprudence de la CEDH va dans le même sens [36].

II. Licéité de l’ingérence

Deux exigences sont communes à l’application des articles 6, § 1 et 1er du protocole 1er : l’ingérence doit être fondée sur un motif d’intérêt général ; il doit exister un juste équilibre entre l’ingérence et ce motif.

A. Le motif d’intérêt général

Un motif d’intérêt général qualifié. Concernant le motif de nature à fonder l’ingérence, le Conseil d’État a opéré une distinction entre l’ingérence dans le droit au procès équitable qui ne peut être justifiée que par un motif d’intérêt général qualifié – il doit être impérieux – et l’ingérence dans le droit au respect des biens qui est possible en présence d’un simple motif d’intérêt général [37]. Il s’est donc inscrit à rebours de la démarche de la CEDH [38] et de la Cour de cassation [39]. Cette différence a été justifiée par le constat que contrairement à l’article 6, § 1, l’article 1er du protocole 1er autorise expressément des ingérences étatiques dans le droit au respect des biens. L’argument peine à convaincre dès lors que la CEDH a, de longue date, jugé que les droits garantis par l’article 6, § 1 sont susceptibles de faire l’objet de limitations implicites [40]. Il n’est pas sûr en tout état de cause que cette nuance entraîne de véritables conséquences dans l’appréciation du motif à même de fonder l’ingérence. « La différence d’approche est, au demeurant, essentiellement sémantique », a relevé Edouard Crepey en ce sens [41]. Au surplus, le Conseil d’État n’est pas toujours fidèle à son choix [42], du moins lorsqu’est en cause une loi rétroactive interférant dans une procédure juridictionnelle [43]. Le paradoxe est qu’au regard de la jurisprudence, le juge semble plus facilement enclin à reconnaître l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général dans le cadre de l’application de l’article 6, § 1 que la présence d’un motif d’intérêt général lors de l’application de l’article 1er du protocole 1er. Cette tendance lourde pourrait être liée à la configuration particulière des litiges impliquant l’article 6, § 1. Ils mettent le plus souvent en cause une loi de validation dont le législateur a lui-même veillé à cantonner la portée : elle ne concerne pas les décisions passées en force de chose jugée, voire les instances en cours à la date de son entrée en vigueur ; elle ne permet la validation d’un acte de l’administration que pour autant que serait allégué à son encontre un grief déterminé, souvent un vice de légalité externe (incompétence, vice de procédure). Elle a donc une portée a priori limitée de telle sorte que l’ingérence intègre d’emblée la prise en compte de l’exigence de proportionnalité.

La consistance du motif d’intérêt général. L’étude des jurisprudences respectives des juridictions françaises et européennes relatives au motif d’intérêt général ne laisse qu’une prise limitée à la systématisation. Quelques affaires célèbres illustrent une plus grande sévérité de la Cour de Strasbourg dans l’appréciation de ces motifs comme celles dites « du tableau d’amortissement » [44] et « des heures d’équivalence » [45]. En principe, l’ingérence ne peut être justifiée par des considérations exclusivement budgétaires. Il en est ainsi lorsqu’est en cause l’intérêt financier de l’État [46] ou de l’un de ses démembrements comme un EPCI [47] et la Sécurité sociale [48], et ce, quand bien même les sommes en jeu seraient considérables [49]. Il en est de même de l’intérêt d’entités dont l’appartenance au secteur public peut être discutée à l’instar d’une association placée sous la tutelle de l’État [50] ou bénéficiant de prérogatives de puissance publique [51]. La même solution s’impose lorsque sont en cause des organismes purement privés comme une caisse de retraite complémentaire [52] et des bailleurs privés [53]. Le motif d’intérêt financier peut en revanche justifier l’ingérence quand il se mêle à d’autres éléments [54]. Au titre des justifications licites récurrentes, la jurisprudence mentionne régulièrement le souci d’éviter un effet d’aubaine [55], de mettre fin à une rupture d’égalité entre différentes catégories de personnes [56] ou encore de se conformer à une exigence supralégislative, constitutionnelle [57] ou conventionnelle [58]. En tout état de cause, l’État doit apporter des éléments de preuve des considérations d’intérêt général qu’il allègue, en particulier lorsqu’il justifie en tout ou partie l’intervention du législateur par un motif financier [59].

Appréciation in concreto. La licéité du motif d’intérêt général doit s’apprécier en tenant compte des données du litige dont le juge est saisi, en particulier en présence d’une loi de validation. Cette idée a été illustrée par un arrêt du Conseil d’État de 2010 [60]. En l’occurrence, le motif d’intérêt général allégué tenait à la nécessité, en supprimant le vice d’incompétence affectant les contrats couverts par la validation, d’assurer la continuité du service public de l’eau et de l’assainissement. Il s’agissait donc de permettre la poursuite de l’exécution des contrats en cours. Or, dans l’espèce dont était saisie la juridiction administrative, le contrat en cause avait été résilié depuis plusieurs années. La continuité du service public ne pouvait donc justifier d’écarter un vice entachant le contrat en application de la loi de validation.

B. La proportionnalité de l’ingérence

Conformément à une exigence classique, il convient qu’il existe un juste équilibre entre l’atteinte au droit au procès équitable ou au droit au respect des biens d’une part et le motif d’intérêt général ayant justifié l’adoption de la loi d’autre part [61]. Dans l’appréciation de ce juste équilibre, est tenu compte de la gravité de l’atteinte.

Droit au procès équitable. Dans le champ de l’article 6, § 1 et donc des lois de validation, il a déjà été signalé que l’exigence de proportionnalité est sous-jacente dans l’appréciation de la licéité du motif impérieux d’intérêt général, quand il est question de la portée de la disposition de validation. Elle doit être limitée à ce qui est nécessaire pour pourvoir au motif impérieux d’intérêt général. Elle le sera en particulier lorsque la loi exclut son application aux décisions de justice définitive et que la portée de validation est réduite à certains griefs [62].

Droit au respect des biens. Dans le domaine de l’article 1er du protocole 1er, il convient de tenir compte de la distinction que cette disposition porte entre privation de propriété et simple ingérence dans l’exercice du droit au respect des biens à l’occasion du test de proportionnalité [63]. Les juges sont régulièrement amenés à constater que la loi querellée n’a pas entraîné une privation de propriété, mais une simple limitation [64]. Cette considération joue un rôle important dans l’appréciation de la proportionnalité de l’atteinte au droit au respect des biens. La loi passe souvent le test avec succès lorsqu’elle emporte des conséquences mesurées sur la jouissance de l’intérêt patrimonial, en particulier la simple réduction d’un avantage [65].

 

[1] Sur les ambigüités terminologiques en la matière, J. Petit, Droit transitoire et terminologie, in G. Drago et a. (dir.), Repenser le droit transitoire, Dalloz, Thèmes & commentaires, 2010, p. 7.

[2] Par ex. : CEDH, 19 janvier 2023, Req. 32667/19, Domenech Aradilla et Rodríguez González c/ Espagne [en ligne].

[3] Cass. soc., 21 mars 2012, n°04-47.532, FS-P+B N° Lexbase : A4200IGN.

[4] La mobilisation d’autres dispositions de la CEDH est marginale. Pour l’article 3, protocole n°1 : CEDH, 15 juin 2006, Req. 33554/03, Lykourezos c. Grèce N° Lexbase : A9284DPK.

[5] CE, 9e-10e s.-s. réunies, 12 avril 2012, n°337528 N° Lexbase : A6131IIW, rec. t.

[6] CEDH, gr. ch., 28 septembre 2004, Req. 44912/98, Kopecki / Slovaquie N° Lexbase : A4295DDG.

[7] CE, 3e-8e s.-s. réunies, 20 mars 2013, n° 349834 N° Lexbase : A8560KAB. Également CE, 1re-4e ch. réunies, 11 mai 2021, n°447963 N° Lexbase : A52654RG, Rec. t.

[8] Cass. civ. 1, 30 septembre 2010, n° 09-67.930, F-P+B+I N° Lexbase : A6798GAZ.

[9] CE, 9e-10e s.-s. réunies, 21 octobre 2011, n° 314767 N° Lexbase : A8315HYM.

[10] CE, 9e-10e s.-s. réunies, 23 janvier 2015, n° 362580 N° Lexbase : A9877M9P.

[11] CE, 3e-8e s.-s. réunies, 19 novembre 2008, n° 292948 N° Lexbase : A3127EBG, Rec. p. 425 ; CE, 9e ch., 28 juillet 2017, n° 399674 N° Lexbase : A0678WQ8.

[12] CE, 23 janvier 2015, n° 362580, précité.

[13] CE, 1re-4e ch. réunies, 30 mai 2018, n° 409440 N° Lexbase : A8217XPZ, rec. t.

[14] CE, 9e-10e ch. réunies, 7 juin 2019, n° 421946 N° Lexbase : A9493ZDX ; CE, 3e-8e s.-s. réunies, 21 novembre 2012, n° 347223 N° Lexbase : A2644IX9 ; Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-24.055, FS-P N° Lexbase : A955838I.

[15] CE, 3e-8e ch. réunies, 18 septembre 2023, n° 471851 N° Lexbase : A20841HN ; CE, 8e-9e s.-s. réunies, 30 novembre 1994, n° 128516 N° Lexbase : A3582ASH ; CE, 3e-8e s.-s. réunies, 2 juin 2010, n° 318014 N° Lexbase : A2044EYD ; CE, 3e-8e s.-s. réunies, 22 janvier 2013, n° 355844 N° Lexbase : A4755I3I.

[16] CE, sect., 9 mai 2012, n° 308996 N° Lexbase : A1790ILU ; CE, 9e-10e s.-s. réunies, 27 juillet 2012, n° 327850 N° Lexbase : A0695IR8 ; CE, sect., 25 octobre 2017, n° 403320 N° Lexbase : A4472WXW, Rec. ; CE, 3e-8e ch. réunies, 13 mars 2019, n° 417536 N° Lexbase : A6904Y34, Rec. T. ; CE, 3e-8e ch. réunies, 18 septembre 2023, n° 471851 N° Lexbase : A20841HN.

[17] CE, 1re-4e ch. réunies, 28 janvier 2021, n° 437776 N° Lexbase : A85404DN, Rec. t. 928 : exonération de cotisations sociales ; CE, 1re-4e ch. réunies, 2 mars 2020, n° 416833 N° Lexbase : A93033GN : bourse de l’enseignement supérieur.

[18] M. Collet, Sécurité juridique et rétroactivité de la loi fiscale, RFFP, 2015, n°130, p. 107.

[19] Droit fiscal : CE, 9e-10e s.-s. réunies, 21 octobre 2011, n° 314767 N° Lexbase : A8315HYM ; droit des pensions : CE, 3e s.-s., 27 avril 2011, n° 320999 N° Lexbase : A4324HPT ; CE, 16 janvier 2009, n° 299443, 9e s.-s. N° Lexbase : A3294ECY.

[20] Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-46.295 et n° 06-46.297, FS-P+B+R N° Lexbase : A9248D8Z ; Cass. soc., 21 mars 2012, n° 04-47.532, FS-P+B N° Lexbase : A4200IGN.

[21] Cass. soc., 24 novembre 2010, n° 08-44.181, FP-P+B+R N° Lexbase : A7516GLX.

[22] CEDH, 6 octobre 2005, Req. 1513/03, Draon c/ France, § 72 N° Lexbase : A6795DKU.

[23] CEDH, 3 févr. 2022, Req. 66328/14, N. M. c/ France N° Lexbase : A19107MP.

[24] Concl. Cl. Legras sur CE, 21 octobre 2011 : Bull. concl. fisc., 2012.

[25] Par ex. : CE, 9e-10e ch. réunies, 8 juin 2016, n° 386137 N° Lexbase : A2409RSZ ; CE, 23 janvier 2015, précité.

[26] W. Benjamin, Immortelle espérance ?, Droit social, 2011 p. 155.

[27] CEDH, 3 avril 2012, Req. 37575/04, Boulois c/ Luxembourg, § 90 N° Lexbase : A1309IHX.

[28] CEDH, gr. ch., 21 juin 2016, Req. 5809/08, Al-Dulimi et Montana Management Inc. c/ Suisse, § 97 N° Lexbase : A7778RTA.

[29] CE, 9e-10e s.-s. réunies, 12 avril 2012, n° 337528 N° Lexbase : A6131IIW.

[30] CEDH, 27 mai 2005, Req. 42219/98, OGIS-Institut Stanislas et a. c/ France, § 70 N° Lexbase : A2603DCE ; CEDH, 8 novembre 2018, Hôpital Local Saint-Pierre d’Oléron et autres c/ France, § 70 N° Lexbase : A5221YKL.

[31] Cass. soc., 19 mai 2009, n° 07-43.996, F-D N° Lexbase : A3776EHC ; CE sect., avis, 18 juillet 2006, n° 286122 N° Lexbase : A6584DQW.

[32] CEDH, 29 août 2000, Req. 39971/98, ONSIL c/ France N° Lexbase : A2603DCE.

[33] CEDH, 27 mai 2005, précité, §62.

[34] Cass. soc., 6 septembre 2002, n° 00-18.950 N° Lexbase : A4955AZK.

[35] Cass. ass. plén., 23 janvier 2004, n° 03-13.617 N° Lexbase : A8595DAL.

[36] CEDH, 9 janvier 2007, Req. 20127/03, Arnolin et a. c/ France N° Lexbase : A3730DTC ; CEDH, 12 juin 2007, Req. 40191/02, Ducret c/ France, § 33 N° Lexbase : A8534DWY.

[37] CE, ass., avis, 27 mai 2005, n° 277975 N° Lexbase : A4113DI8, Rec. p. 213 ; CE, 9e-10e s.-s. réunies,  12 avril 2012, n° 337528 N° Lexbase : A6131IIW, Rec.

[38] CEDH, 14 février 2006, Req. 67847/01, Lecarpentier et a. c/ France N° Lexbase : A8583DMT.

[39] Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-16.558, FS-P+B N° Lexbase : A8569DNP.

[40] CEDH, 28 mai 1985, Req. 8225/78, Ashingdane c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A2007AWA.

[41] Concl. sur CE, sect., 25 octobre 2017, n° 403320 N° Lexbase : A4472WXW : RJF, 2018/1, p. 162.

[42] CE, 3e s.-s., 27 avril 2011, n° 320999 N° Lexbase : A4324HPT ; CE, 9e s.-s., 16 janvier 2009, n° 299443 N° Lexbase : A3294ECY ; CE, 3e ch., 2 août 2018, n° 408169 N° Lexbase : A9614XZ4.

[43] En ce sens, J. Boucher, concl. sur CE, sect., 9 mai 2012, n° 308996 N° Lexbase : A1790ILU : RJF, 2012/7, n° 786.

[44] Comp. Cass. civ. 1, 29 avril 2003, n° 00-20.062, F-P N° Lexbase : A7490BS9 et CEDH, 14 février 2006, Lecarpentier et a. c/ France, précité.

[45] Comp. Cass. ass. plén., 24 janvier 2003, n° 01-41.757 N° Lexbase : A7229A4Iet CEDH, 9 janvier 2007, Arnolin et a. c/ France, précité.

[46] CEDH, 28 octobre 1999, Req. 24846/94, Zielinski et Pradal et Gonzalez c/ France N° Lexbase : A7567AW8 ; CEDH, 23 juillet 2009, Req. 30345/05, Joubert c/ France N° Lexbase : A1212EK4.

[47] CE, ass., 28 juillet 2000, n° 202798 N° Lexbase : A9424B8K, Rec.

[48] CEDH, 16 janvier 2007, Req. 954/05, Chiesi SA c/ France N° Lexbase : A5711DTP.

[49] CEDH, 16 janvier 2007, précité. : 500 millions d’euros.

[50] CEDH, 23 mai 2007, Req. 31501/03, Aubert et a. c/ France N° Lexbase : A3743DTS.

[51] Cass. civ. 1, 27 juin 2018, n° 17-21.850, FS-P+B+I N° Lexbase : A0132XUG ; Cass. civ. 1, 11 décembre 2019, n° 18-19.520, F-D N° Lexbase : A1505Z8A.

[52] CE, ass., 8 février 2007, n° 279522 N° Lexbase : A2006DUT.

[53] Cass. ass. plén., 23 janvier 2004, n° 03-13.617 N° Lexbase : A8595DAL.

[54] CE, 27 juillet 2012, n° 327850, précité ; CE, 3e ch., 2 août 2018, n° 408169 N° Lexbase : A9614XZ4 ; CE, 9e-10e ch. réunies, 3 février 2023, n° 462840 N° Lexbase : A25789B4.

[55] Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-16.558, FS-P+B N° Lexbase : A8569DNP ; Cass. civ. 1., 17 février 2016, n° 15-12.805, FS-P+B+I N° Lexbase : A3361PL3 ; CE, 3e-8e ch. réunies, 18 septembre 2023, n° 471851 N° Lexbase : A20841HN ; CE, 3e ch., 2 août 2018, n° 408169 N° Lexbase : A9614XZ4 ; CEDH, 27 mai 2005, Req. 42219/98, OGIS-Institut Stanislas et a. c/ France, précité.

[56] CE, 1re-4e ch. réunies, 28 janvier 2021, n° 437776 N° Lexbase : A85404DN ; CE, 4e ch., 18 juillet 2018, n° 414912 N° Lexbase : A0979XYW ; CEDH, gr. ch., 3 novembre 2022, Req. 49812/09, Vegotex International SA c/ Belgique, § 105 N° Lexbase : A01468S9.

[57] CE, 2e-7e ch. réunies, 7 octobre 2016, n° 395082 N° Lexbase : A4515R7D.

[58] CE, 5e-6e ch. réunies, 18 décembre 2019, n° 421004 N° Lexbase : A4710Z8X, Rec. T ; CE, 3e-8e s.-s. réunies, 1er février 2012, n° 339387 N° Lexbase : A6670IBN, Rec.

[59] CE, 3e-8e ch. réunies, 6 juin 2018, n° 414482 N° Lexbase : A7921XQG ; CE, 13 mars 2019, n° 417536, précité ; CEDH, 23 mai 2007, Aubert c/ France, précité ; CEDH, 9 janvier 2007, Arnolin et a. c/ France, précité.

[60] CE, sect., 10 novembre 2010, n° 314449 N° Lexbase : A8898GGN, Rec. p. 429.

[61] CEDH, 14 février 2006, Lecarpentier et a. c/ France, précité, § 47.

[62] CE, 4e-5e s.-s. réunies, 18 novembre 2009, n° 307862 N° Lexbase : A7252ENW.

[63] CEDH, 14 février 2006, Lecarpentier et a. c/ France, précité, § 40 ; CEDH, 9 janvier 2007, Aubert et a. c/ France, précité.

[64] Pour une exonération de cotisations sociales : CE, 27 juillet 2012, n° 327850, précité.

[65] CE, 18 décembre 2019, n° 421004, précité ; CE, 1re-4e ch. réunies, 28 janvier 2021, n°437776 N° Lexbase : A85404DN ; CE, 27 juillet 2012, n° 327850, précité.

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