La lettre juridique n°583 du 18 septembre 2014

La lettre juridique - Édition n°583

Éditorial

La Juris'Cup : une régate, des valeurs, une image de l'identité profonde des professionnels du droit

Lecture: 5 min

N3688BU7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443688
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 18 Septembre 2014


A l'heure où les professions juridiques réglementées sont prises à partie, stigmatisées ; où le contour de leurs activités est remis en cause ; où les gouvernants, eux-mêmes, sans égard aucun, évoquent, sous l'égide des vertus de la concurrence, "les rentes de situation" et "l'absence de valeur ajoutée de certains services rendus" conduisant à une "spoliation" réglementairement organisée au détriment des ménages : il n'est pas inutile de rappeler, par tout moyen de communication, directe et indirecte, les valeurs qui animent ces professions, surtout, lorsque, comme les avocats, elles prennent, sur leur si mal nommé "business", le temps et les moyens d'assurer le conseil et la défense des plus nécessiteux.

Et, pour faire face au front de la réforme de l'aide juridictionnelle, à celui de la réforme des professions réglementées -pour le redressement et la croissance (sic)-, et à celui d'une justice du XXIème siècle aux grandes ambitions mais avec peu de ressources financières affectées, les valeurs véhiculées à travers une compétition interprofessionnelle et amicale, mais une compétition tout de même, comme la Juris'Cup sont très utiles : très utiles d'abord pour rappeler aux interlocuteurs, aux rapporteurs de ces différentes réformes, arc-boutés sur une vision tronquée des métiers du droit, ce qui anime vraiment les juristes de bon poil ; très utiles encore pour attirer l'attention des justiciables sur les atouts et chances qu'offre l'assistance, à tout stade du conseil et de la justice, d'un professionnel du droit, qui plus est soumis, justement, à une déontologie réglementairement établie et contrôlée.

Un récent sondage de REPUCOM, leader mondial des études dédiées au sport et au sport business, met en relief cinq valeurs clairement identifiées par le panel interrogé. La technicité arrive en tête (71 %), devant le dépassement de soi (69 %), l'exigence (69 %), la performance (66 %) et enfin l'innovation (58 %). Voilà finalement les cinq vertus d'un bon professionnel du droit : et il n'est pas étonnant, dès lors, qu'il se trouve à son aise sur un bateau, pour une régate de trois jours dans la baie de Marseille. Avec plus de 2 000 participants, et 24 ans d'expérience, la Juris'Cup est la plus grande régate corporative de France.

"La voile, outre les cinq grandes valeurs saillantes identifiées a deux spécificités importantes : elle incarne des ancrages identitaires forts, suivant les compétitions qui vont de l'audace, à l'esprit d'équipe en passant par le côté aventure qui fait rêver les français. Par ailleurs, la voile a cette force de faire partie des sports dans lequel on observe peu de valeurs négatives ou d'éléments déplaisants selon les Français", rappelle Bruno Lalande, Directeur de la stratégie Europe, Middle East et Afrique de l'institut de sondage (in Le Figaro du 11 juin 2013).

Les Français sont orgueilleux de la technicité déployée par les "gens de justice", même s'ils veulent une justice simplifiée et plus lisible, et s'ils sont effrayés par le verbiage juridique qui les entoure. Et, les français admirent toujours et encore ces professionnels, souvent avocats, qui montrent de l'audace et s'aventurent à leurs risques et périls pour la défense des droits, qu'ils estiment fondamentaux. La France des Lumières, elle vit encore : à travers la francophonie et à travers, surtout, le développement du droit continental que principalement les barreaux, la Conférence internationale des barreaux et le CNB, bref les avocats, promeuvent, accompagnent, et défendent, plutôt seuls et contre tous.

Des avocats marins et des marins avocats, il y en a eu de célèbres hier, de Louis-Antoine de Bougainville, avocat au Parlement de Paris, à Olivier Metzner, au destin tragiquement et éternellement lié à la mer. Il y en a encore aujourd'hui : le Bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur est l'exemple de l'avocat, marin chevronné -qui barrera son propre voilier (le OWL un KETCH AURIQUE de 16,80 m)-, et d'autres, comme Henri de la Motte Rouge, avocat au barreau de Paris, et Yann Castel, avocat au barreau de Nantes, tout deux passionnés de droit et de voile, skippers non professionnels, qui barreront chacun un bateau, dans la catégorie Grand Surprise, armé sous la bannière des éditions juridiques Lexbase qui se reconnaissent aussi dans ces valeurs cardinales plus haut décrites. Le refus de s'attacher les services d'un skipper est en soi une démarche valeureuse, dans une compétition ardue et technique ; mais il témoigne d'une volonté farouche de montrer les avocats "à la barre" face à leurs responsabilités et véhicule un message fort : l'égalité des armes, si chère aux auxiliaires de justice comme à ceux qu'ils défendent.

En voile, ce n'est pas la seule compétence physique qui compte mais aussi la connaissance du milieu et de l'équipier, promet la Fédération française de voile. Et, c'est cette connaissance du maillage territorial et des autres acteurs de la Justice qu'offre l'assistance d'un avocat, lui à qui l'on entend remettre en cause, de-ci, de-là, le régime de la postulation territoriale.

Mais, alors pourquoi avoir des valeurs, spécialement aujourd'hui ? Le philosophe et essayiste Vincent Cespedes rappelait, lors d'une allocution à la plénière Prestige du CJD Artois, qu'il s'agit de pouvoir dire que l'on a agi en conscience, qu'on ne s'est pas défaussé de ses responsabilités. C'est avoir suffisamment d'estime de soi pour se dire honnêtement que l'on a agi de manière digne. Ensuite, en situation de crise ou d'urgence, il nous faut réagir rapidement et nos actions/décisions du moment sont guidées par nos valeurs ; ces dernières deviennent alors notre meilleur garant, notre instinct en quelque sorte. Enfin, l'autocritique constante. Les valeurs nous permettent de juger de notre efficacité et si cette dernière est conforme à nos valeurs. Pour l'intervenant, une valeur doit revêtir deux caractères : la simplicité et la confiance. Qu'est ce que la déontologie si ce n'est la somme de valeurs attachées à la profession ?

"Connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature" enseigne Descarte dans son Discours sur la méthode. La justice est dans la Nature, elle est l'une des grandes vertus si ce n'est la principale d'où découlent toutes les autres ; et toute injustice est contraire au droit naturel. Mais, pour qu'elle s'accomplisse, qu'elle dépasse sa simple condition naturelle et qu'elle soit une réalité quotidienne d'une société qui torture la nature, il convient de la domestiquer, d'user de performance et de la technicité propre des professionnels aguerris : la dé-réglementation des professions juridiques, voilà une fausse bonne idée au service de la concurrence pure, mais imparfaite, voire dangereuse pour les justiciables.

Non, décidément, la Juris'Cup n'est pas une énième régate corporatiste, récréative pour des plaisanciers "entre-soi" ; la somme des valeurs qu'elle véhicule est tellement identifiable aux professionnels du droit, que le décalque s'opère et que les justiciables peuvent s'apercevoir, ainsi, mieux qu'avec des discours, quelles sont les valeurs qu'ils s'attachent en faisant appel à leur assistance.

newsid:443688

Sécurité sociale

[Brèves] Opposabilité d'une décision de la caisse primaire d'assurance maladie à l'employeur malgré une réception concomitante de la prise en charge de l'assuré et des réserves de l'employeur

Réf. : Cass. civ. 2, 18 septembre 2014, n° 13-23.205, F-P+B (N° Lexbase : A8436MWD)

Lecture: 1 min

N3775BUD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443775
Copier

Le 25 Septembre 2014

La prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle est opposable à l'employeur alors même que les réserves émises par ce dernier sont réceptionnées par la caisse le jour de la décision de prise en charge de l'assuré. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 septembre 2014 (Cass. civ. 2, 18 septembre 2014, n° 13-23.205, F-P+B N° Lexbase : A8436MWD). Dans cette affaire, la société B. avait déclaré, le 5 avril 2010, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), un accident concernant M. H., l'un de ses salariés. L'employeur avait émis des réserves dans un courrier du 7 avril 2010, alors que la caisse avait déjà pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle sans procéder à une instruction préalable. L'employeur avait saisi d'un recours une juridiction de Sécurité sociale. L'employeur avait estimé qu'une décision de prise en charge dont il n'avait pas eu connaissance au moment de la formulation des réserves lui était inopposable. En effet, ce dernier avait émis des réserves réceptionnées le jour même où la décision de prise en charge par la caisse était intervenue. De ce fait, seules les réserves adressées par l'employeur à la CPAM devaient être prises en compte pour apprécier si celle-ci, en application de l'article R 441-11 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6173IED), se devait d'adresser un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de procéder à une enquête auprès des intéressés. La réserve motivée s'entend d'une contestation de l'employeur visant à émettre des doutes sur le fait que l'accident ait eu lieu au temps ou au lieu du travail ou à établir que l'accident a une cause totalement étrangère au travail. La Cour de cassation à néanmoins rejeté le pourvoi au motif que la caisse ne peut avoir eu connaissance des réserves formées par l'employeur lorsqu'elle réceptionne celles-ci le jour même de la décision de prise en charge (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E3307EUZ).

newsid:443775

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] "Passerelle" de l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 : exclusion du juriste affecté successivement à des services non juridiques

Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-19.949, F-P+B (N° Lexbase : A4370MWR)

Lecture: 1 min

N3662BU8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443662
Copier

Le 18 Septembre 2014

Pour pouvoir prétendre au bénéfice de la "passerelle" de l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), le juriste d'entreprise doit avoir exclusivement exercé ses fonctions dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de l'ensemble des services qui la constituent, ce qui ne saurait être le cas du juriste affecté successivement à des services non juridiques, tels que le pôle foncier ou la direction d'une chambre départementale d'agriculture, fut-ce pour y traiter des problèmes juridiques spécifiquement posés par l'activité de chacun d'eux. Telle est la précision apportée par la première chambre de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 septembre 2014 (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-19.949, F-P+B N° Lexbase : A4370MWR ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8005ETN). Dans cette affaire, Mme M. ayant exercé, auprès de la chambre départementale d'agriculture de la Guadeloupe, les fonctions de juriste, rattaché successivement au service chargé de la gestion et de l'administration des groupements fonciers agricoles, puis à la direction en tant que responsable des affaires juridiques et institutionnelles, a sollicité son admission au barreau de la Guadeloupe sous le bénéfice de la dispense de formation prévue pour les juristes d'entreprise justifiant de huit années au moins de pratique professionnelle. Le conseil de l'Ordre ayant rejeté sa demande la décision fut infirmée par la cour d'appel de Basse-Terre pour laquelle le service juridique spécialisé, au sein duquel le juriste d'entreprise doit avoir exercé ses activités, peut être constitué d'une seule personne dès lors qu'il traite des problèmes juridiques posés par l'activité de l'entreprise, ce qui est le cas des activités exercées par la postulante quand bien même certaines d'entre elles ont porté sur la gestion et l'administration des GFA et d'autres sur l'assistance juridique de la direction de la chambre. A tort, selon la Haute juridiction qui rappelle ainsi les conditions d'exercice du juriste pour qu'il puisse prétendre au bénéfice de la "passerelle".

newsid:443662

Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] Retrait d'un associé d'une SCP : quand le ver est dans le fruit, comment jeter (rapidement ?) la pomme de la Discorde ?

Lecture: 16 min

N3643BUH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443643
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 18 Septembre 2014

Les lois ne sont pas toutes adoptées sous le coup de l'émotion. Et, parce que "la dispute alimente la dispute et engloutit ceux qui s'y plongent" (Sénèque), la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, relative aux sociétés civiles professionnelles (SCP) (N° Lexbase : L3146AID), fait figure, quant aux conditions de retrait de l'associé, d'un stoïcisme hors pair -mais il est vrai qu'elle fut promulguée en d'autres temps et sous d'autres moeurs que l'immédiateté-. Tout est organisé pour que, en principe, la rupture soit rapidement consommée et que les situations de blocage soient évitées et que la société puisse poursuivre son activité sans mésentente préjudiciable. Une loi sur l'apaisement du "divorce" professionnel, avant l'heure, en somme. "Divorce" professionnel ? Bien souvent le retrait intervient dans le cadre d'une mésentente entre les associés de la SCP : d'où la dramatisation naturelle d'une telle séparation. Encore que, si la mésentente entre associés doit être "préalable" à la mise en oeuvre par le notaire associé de son retrait (hors arrêté de destitution) (Cass. civ. 1, 21 février 1995, n° 93-11.662, publié au bulletin N° Lexbase : A6242AHN), une telle mésentente n'est en rien une condition au retrait d'un associé qui n'est pas officier ministériel. Et, la jurisprudence prendra soin de préciser, au passage, que les difficultés relatives au contrat de maintenance Lexis Nexis et à l'embauche du personnel ne sont pas de nature à paralyser le fonctionnement d'une SCP (CA Versailles, 1ère ch., 29 mai 2008, n° 07/08835 N° Lexbase : A0359ERQ). C'est dire le pragmatisme avec lequel le juge analyse les sources de conflits entre associés -l'analyse prévaut-elle, en 2014, au sein d'une SCP d'avocats ?-.

Quelques arrêts récents, ainsi que l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, relative au droit des sociétés (N° Lexbase : L1321I4P), incite à une synthétisation des conditions et modalités d'exercice du droit de retrait.

Pour atteindre une telle pacification de l'exercice du droit retrait et, surtout, pour éviter les situations et blocages abusifs liés, il est vrai toutefois, le plus souvent à une certaine mésentente entre associés, les dispositions de loi du 29 novembre 1966 et ses décrets d'application propres à chaque profession libérale concernée sont donc d'ordre public. Mais, les statuts de la SCP peuvent aménager et préciser les modalités de ce retrait (I). Et, parce que la mésentente empêche toute objectivité dans l'évaluation des parts rachetée, la désignation d'un expert impartial est fondamentale (II). Par ailleurs, le rachat des parts du retrayant, in fine par la SCP, n'intervient aucunement d'office : une action en exécution forcée étant impérative, le juge appréciant que l'ensemble des conditions requises soient remplies (III). Enfin, durant la période transitoire, entre la décision de retrait et le retrait effectif, chacun, associés et retrayant, navigue en eaux troubles : le retrayant reste pleinement associé sans vouloir l'être et l'abus de droit pointe son nez au tort de la SCP (IV).

I - Réglementation des modalités de retrait par la loi et les statuts

Législation et réglementation en vigueur. L'article 19 de la loi précitée dispose que "les parts sociales peuvent être transmises ou cédées à des tiers avec le consentement des associés représentant au moins les trois quarts des voix. Toutefois, les statuts peuvent imposer l'exigence d'une majorité plus forte ou de l'unanimité des associés. La transmission ou le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois, à compter de la dernière des notifications, le consentement est implicitement donné. Si la société a refusé de donner son consentement, les associés sont tenus, dans le délai de six mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts sociales, un prix fixé dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L8956I34)".

Par ailleurs, les cessions entre vifs par un associé sont régies par les articles 24 à 30 du décret du 20 juillet 1992 (décret n° 92-680 N° Lexbase : L7112AZG). Aussi, il résulte des articles 21 de la loi du 29 novembre 1966 et 28 du décret du 20 juillet 1992 que l'expiration du délai de six mois ouvert à une société civile professionnelle saisie de la demande d'un associé retrayant en rachat et annulation de ses parts, marquant le terme extinctif du temps à elle imparti pour exécuter son obligation légale, permet à l'intéressé d'exercer une action en réalisation forcée de celle-ci. L'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixée, à défaut d'accord, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil par un expert désigné par le président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.

Rôle des statuts de la SCP. Pour autant, les statuts de la SCP peuvent reprendre et préciser certaines modalités afférentes à l'exercice du droit de retrait ; mais le coeur du dispositif (loi du 29 novembre 1966, art. 19 et 28) est d'ordre public. Toute clause contraire est réputée non écrite (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 juin 2014, n° 12/21251 N° Lexbase : A3735MRR).

Est également nulle la clause obligeant le cessionnaire de parts de SCP, qui se réinstalle ailleurs, à reverser les rémunérations perçues auprès des anciens clients (Cass. civ. 1, 14 novembre 2012, n° 11-16.439, FS-P+B+I N° Lexbase : A8662IWQ). Le retrait ne doit pas emporter taxation de l'activité future du retrayant !

Enfin, toute contravention aux statuts n'emporte pas nullité du droit retrait : le fait que la notification du retrait du co-associé ait été faite sans mentionner la qualité de co-gérante et à l'adresse personnelle de l'autre co-associé, contrairement aux statuts de la SCP, est sans incidence (CA Montpellier, 2 avril 2013, n° 11/08459 N° Lexbase : A3737KBZ).

C'est donc en matière d'évaluation des parts, finalement, que l'intérêt et l'apport statutaire sont le plus évidents.

La nouvelle rédaction de l'article 1843-4 du Code civil, issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, relative au droit des sociétés, précise désormais que l'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties. Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions décrites ci-dessous (II). L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.

Résumons-nous. Une fois sa décision de retrait prise, le retrayant informe les autres associés de sa volonté de se retirer de la SCP, décision emportant cession de ses parts soit à un tiers, qu'il en propose un ou que les associés en adoubent un autre, à l'un ou plusieurs des autres associés eux-mêmes, ou à la société civile professionnelle elle-même, en dernier ressort (cf. CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 juin 2014, n° 12/21251, préc. : "l'associé n'est pas tenu d'acquérir les parts sociales en cause dès lors qu'il a proposé un candidat au rachat ; [...] en tout état de cause, le prix de rachat est, en cas de désaccord, fixé au vu de l'évaluation qui en a été faite par l'expert"). La loi du 29 novembre 1966 qui réglemente les SCP offre donc par le jeu combiné des articles 18 et 21 à l'associé qui entend se retirer deux possibilités : choisir lui-même le cessionnaire ou confier à la société le soin de le choisir (CA Versailles, 18 juin 2009, n° 08/02531 N° Lexbase : A8189G43). Dans tous les cas, une solution de sortie est obligatoire, et le retrayant ne peut rester indéfiniment associé, l'empêchant d'exercer sereinement sa profession dans une autre structure ou individuellement ou, du fait d'une mésentente vive, empêchant la société d'exercer pleinement son activité.

Et, le silence de l'associé n'est en rien à leur avantage. Il peut même se retourner contrer l'associé négligent. En l'absence d'offres concurrentes et d'opposition formée par l'un des associés, la cession peut intervenir au bénéfice d'un seul associé. Dès lors que l'un des associés, pourtant parfaitement informé de la décision de retrait avec cession des parts dans les conditions édictées par les statuts, ne notifie pas sa volonté d'en acquérir la moitié, le retrayant peut céder la totalité de ses parts au troisième associé. Il n'y a, en effet, aucun désaccord entre les associés sur ce point puisqu'un seul associé a accepté le rachat de la moitié ou de la totalité des parts et que l'autre associé n'a manifesté, avant la signature de l'acte litigieux, aucune opposition qui ne peut se déduire de son simple silence lequel vaut acquiescement puisque, bien que tenu de notifier un projet de rachat des parts, il s'est abstenu de répondre (CA Versailles, 1ère ch., 29 mai 2008, n° 07/08835 N° Lexbase : A0359ERQ).

II - Evaluation des parts par un expert désigné par les parties concernées

Désignation de l'expert. En principe, l'article 1843-4 du Code civil prévoit que l'expert chargé d'évaluer les droits sociaux d'un associé est désigné par les parties concernées. A défaut d'accord entre les parties, l'expert chargé d'évaluer les droits sociaux est désigné par le président du tribunal de commerce en la forme des référés et sans recours possible (Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-24.587, F-D N° Lexbase : A1515MSW). Ainsi, la demande de désignation d'un expert prévu à l'article 1843-4 du Code civil est portée devant le président du tribunal de commerce pour les sociétés commerciales, ou du tribunal de grande instance dans les autres cas (décret n° 78-704, art. 17 N° Lexbase : L1376AIS). Attention, le président n'a pas le pouvoir de préciser la mission de l'expert (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 23 novembre 2005, n° 05/07615 N° Lexbase : A2976DM8). Il ne peut donc pas encadrer la mission de l'expert par les textes du Code de procédure civile applicables aux seules expertises judiciaires (CA Paris, 14ème ch., sect. B, 30 janvier 2009, n° 08/13762 N° Lexbase : A2188EDE).

Il est précisé que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux appartient au seul président du tribunal, et non à la cour d'appel (Cass. com., 30 novembre 2004, deux arrêts, n° 03-13.756 N° Lexbase : A1303DEY et n° 03-15.278 N° Lexbase : A1324DER, FS-P+B+I+R et Cass. civ. 3, 28 mars 2012, n° 10-26.531, FS-P+B N° Lexbase : A9931IGW). Toutefois, si le président du tribunal a seul le pouvoir de désigner l'expert chargé de l'évaluation des droits, aucun texte ne fait obstacle à ce que l'actualisation du rapport soit confiée au même expert, en cause d'appel, par le conseiller de la mise en état (Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-10.141, FS-P+B+I N° Lexbase : A7104GM3).

Mais la jurisprudence, elle-même, insiste, d'abord, sur la force d'une expertise conjointement désignée. Un expert désigné sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) donne son avis sans que les parties soient liées par le contenu de cet avis ; celles-ci peuvent toujours contester le rapport qu'il a rendu, alors qu'un expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil est le mandataire commun des parties. En effet, en acceptant sa mission, il s'engage à fixer le prix de cession en respectant l'intérêt de chacune des parties ; et le prix qu'il détermine s'impose légitimement erga omnes (CA Aix-en-Provence, 10 octobre 2013, n° 12/16496 N° Lexbase : A5043KMQ.

Les juges apportent des précisions quant à l'initiative et à la responsabilité d'une telle nomination. Ainsi, tout d'abord, la société ne commet pas de faute en s'abstenant d'engager la procédure prévue par l'article 1843-4 du Code civil, aucune norme légale ou contractuelle ne précisant laquelle des parties devait saisir le président du tribunal en cas de désaccord. L'obligation pour la société de racheter les actions de l'actionnaire n'implique pas qu'elle ait aussi l'obligation de faire désigner l'expert de l'article 1843-4 du Code civil (Cass. com., 12 juillet 2005, n° 04-10.379, inédit N° Lexbase : A9296DI7).

Et, il n'appartient pas à la cour d'appel, en application de l'article 1843-4 du Code civil, de désigner, en vue de déterminer la valeur de droits sociaux, un second expert après avoir écarté l'évaluation faite par un premier arbitre (Cass. civ. 1, 25 novembre 2003, n° 00-22.089, publié N° Lexbase : A3015DAW).

Enfin, un tiers cessionnaire de droits sociaux non agréé par la société n'a pas la qualité pour demander la désignation judiciaire d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil (Cass. com., 6 décembre 2000, n° 99-10.233 N° Lexbase : A1804AIN).

Pas de recours possible. La décision rendue par le président du tribunal statuant en la forme de référés juge des référés sur la demande de désignation d'un expert pour la détermination de la valeur de droits sociaux est sans recours possible (Cass. com., 11 mars 2008, n° 07-13.189, FS-P+B N° Lexbase : A4067D7R). Ce principe s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours et il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, F-P+B N° Lexbase : A6991ILI ; Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-16.349, F-P+B N° Lexbase : A6604IKS ; Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7605EGR).

De même, le principe selon lequel la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible, sauf en cas d'excès de pouvoir, s'applique au remplacement d'un premier expert ayant renoncé à sa mission (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, F-P+B, préc.).

Méthode d'évaluation des parts sociales. La valeur des parts sociales devant être déterminée par un expert désigné soit par les parties soit par ordonnance du président du tribunal, la cour d'appel ne saurait déterminer le prix des droits sociaux dont elle ordonne la cession (Cass. civ. 1, 20 décembre 2007, n° 04-20.696, F-P+B N° Lexbase : A1150D3Y). Pour cause : les associés sont invités indirectement à prévoir la méthode et les modalités d'une telle évaluation, au préalable, conventionnellement, notamment dans les statuts de la SCP (cf. supra).

Et, en cas de contestation, la valeur des parts sociales doit être déterminée par l'expert, et non par référence au prix d'une autre cession intervenue en même temps (CA Paris, 25ème ch., sect. A, 22 mars 2002, n° 1999/11020 N° Lexbase : A5446AYD). Il s'agit là  d'un petit rappel sur la prédominance de l'analyse in concreto de l'expertise sur la méthode comparatiste.

III - Action en exécution forcée

Demande judiciaire de l'exécution forcée. Dans un important arrêt du 7 février 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 03-10.850, FS-P+B N° Lexbase : A8374DM4) a décidé, au visa de l'article 21 de loi du 29 novembre 1966 et de l'article 28 du décret du 20 juillet 1992 que "l'expiration du délai de six mois ouvert à une SCP saisie de la demande d'un associé retrayant en rachat et annulation de ses parts, marquant le terme extinctif du temps à elle imparti pour exécuter son obligation légale, permet seulement à l'intéressé une action en réalisation forcée de celle-ci". Ainsi, même si la loi fait obligation, a minima, à la SCP de racheter les parts de l'associé retrayant, ce rachat n'intervient pas d'office. Le retrayant doit en demander judiciairement l'exécution forcée devant le juge. En l'espèce, Mme B., avait, par une première lettre recommandée, fait connaître à son coassocié sa volonté d'user de son droit de retrait. Dans une seconde lettre recommandée, en date du 24 avril 1997, celle-ci avait demandé à la société, en application de l'article 21 précité, qu'elle procède au rachat et à l'annulation de ses parts. Cette seconde requête ouvrait, en vertu de l'article 28 du décret de 1992 susvisé, un délai de six mois à la société pour notifier à l'associé un projet de cession ou de rachat des parts. Cependant, la société n'avait, à l'expiration de ce délai, fait aucune offre à l'associé retrayant. Les juges du fond ont, alors, estimé que ce silence impliquait l'acceptation implicite par la société du rachat des parts litigieuses. Ainsi, le transfert de propriété desdites parts s'est effectué le 25 octobre 1997, soit six mois après la seconde notification. Cette date est également celle de la perte de la qualité d'associé du demandeur. La Cour de cassation casse cet arrêt estimant que l'absence de réponse ne vaut pas consentement implicite de la SCP ; si bien que l'action en exécution forcée est obligatoire.

Demande expresse de l'exécution forcée. A l'issue des six mois le retrayant peut donc demander la cession forcée de ses parts, laquelle en effet ne peut pas résulter de la seule expiration du délai, mais suppose l'introduction d'une instance à cette fin. Aucun accord pour une cession à l'un ou l'autre des associés ou à la SCP n'étant intervenu avant la dissolution et la liquidation subséquente, une telle cession ne peut plus être envisagée. Et, il ne peut être considéré que le fait pour les associés de prendre acte du retrait par l'un des associé de la SCP ou que la demande de désignation d'un expert en référé, que le retrayant avait sollicité par assignation, afin d'évaluer ses parts, aient la valeur d'une demande en cession forcée de parts sociales. Tels sont les rappels et précisions apportés par la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 18 juin 2009, n° 08/02531 N° Lexbase : A8189G43).

Et, dans le même sens, la convention de rachat proposée par un associé étant assortie de modalités concernant non seulement le prix mais aussi les conditions d'exercice du retrayant et étant conditionnée à la renonciation à tout recours contentieux, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que cette proposition n'impliquait, en l'absence d'acceptation de ces conditions et modalités par le retrayant, aucun engagement de la part de son auteur, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait fonder la demande de rachat forcé des parts sociales à la suite d'une dissolution dûment constaté de la SCP (Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-16.093, F-D N° Lexbase : A6771E38).

Ou encore, le tribunal, saisi d'une demande de voir condamnée une SCP à racheter des parts sociales d'un associé retrayant selon un montant évalué par un expert désigné au visa de l'article 145 du Code de procédure civile, a exactement estimé qu'il ne pouvait statuer que sur une demande d'exécution forcée de l'obligation faite à la société de racheter les parts de l'associé à un prix préalablement fixé par un expert désigné conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil (CA Aix-en-Provence, 10 octobre 2013, n° 12/16496 N° Lexbase : A5043KMQ).

IV - Période transitoire entre la décision de retrait et le retrait effectif

Conservation de la qualité d'associé du retrayant. Le retrayant, qui n'a pas perçu la valeur intégrale de ses droits sociaux en capital, conserve sa qualité d'associé et par voie de conséquence son droit à percevoir des dividendes (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-13.957, F-D N° Lexbase : A4367MWN ; CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 16 janvier 2013, n° 10/21483 N° Lexbase : A2684I3S).

Ainsi, le retrayant, notaire, même destitué par un arrêté du Garde des Sceaux, et peu important que son maintien ait un caractère abusif, a droit, aussi longtemps qu'il est titulaire de ses parts dans la SCP, à la rétribution de ses apports en capital et, partant, à sa quote-part dans les bénéfices distribués. Il peut dès lors agir non seulement à l'encontre de la SCP, mais aussi à l'encontre de ses associés qui se sont attribué, pour les années précédentes, les sommes devant lui revenir (Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-14.134, F-D N° Lexbase : A2831MTZ).

C'est pourquoi, la perte des droits patrimoniaux de l'associé retrayant, qui tiennent aussi bien à la valeur de ses parts qu'à la rémunération de son apport, ne saurait être préalable au remboursement de l'intégralité de ses droits sociaux. Ces droits s'exercent aussi longtemps que l'associé retrayant en demeure nominalement titulaire (Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, n° 09-15.358, F-D N° Lexbase : A6735E3T). Et, en l'absence de toute disposition contractuelle fixant les modalités d'indemnisation de l'associé retrayant, il n'a droit qu'à un partage des bénéfices non distribués, autrement dit des "réserves" ou bien encore, lors de la liquidation, du "boni" (CA Paris, 1ère ch., sect. A, 17 juin 2008, n° 06/03926 N° Lexbase : A2645D9T).

Retrait... du retrait. Par ailleurs, si le prix proposé n'est pas accepté par le retrayant et si celui-ci persiste dans son intention, le prix est fixé à la demande de la partie la plus diligente par le président du tribunal de grande instance ; il en résulte que la renonciation au retrait peut être notifiée aussi longtemps que cette fixation n'est pas intervenue (Cass. civ. 1, 4 janvier 1995, n° 92-21.110, inédit N° Lexbase : A6218AHR).

Abus de droit. Faute de proposition sérieuse de la part de la SCP, le retrayant est en droit de se réinstaller avant le remboursement de ses droits sociaux, dès l'expiration du délai de six mois imparti à la SCP pour procéder à la cession ou au rachat (Cass. civ. 1, 12 juin 2012, n° 11-18.472, F-P+B+I N° Lexbase : A8845INW).

Réciproquement, le notaire destitué par un arrêté du Garde des sceaux qui se maintient dans la SCP depuis de nombreuses années sans y exercer d'activité professionnelle, au mépris des règles déontologiques et de la loyauté due à ses autres associés qu'il avait contraints à intenter contre lui de multiples procédures et recours, qui affirme qu'il "ne souhaite pas vendre" ou alors "contraint et forcé", adopte un comportement constitutif d'un abus de droit aux conséquences pécuniaires dont la SCP et les autres associés sont susceptibles de demander réparation (Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-14.134, F-D, préc.).

On le voit bien, malgré des dispositions législatives et réglementaires parfaitement claires sur les modalités du retrait de l'associé d'une SCP, afin d'éviter toute union sociale contrainte, et de dénouer le noeud gordien de la discorde, l'affaire n'en demeure pas moins compliquée. Les associés restant n'auront pas nécessairement intérêt à un tel retrait, ni à un rachat des parts ; ils préféreront parfois dissoudre et liquider la SCP, en se déjouant du formalisme du retrait. Par ailleurs, la question de l'expertise et l'évaluation des parts, question à haute envolée contentieuse, reste entière, l'expertise ne satisfaisant "étrangement" personne. A l'image de Salomon, la loi veut trancher vite et bien, pour la plus efficace des justices ; mais attention, à la fin, c'est souvent la SCP qui trinque : d'où l'impérieuse nécessité de statuts prévoyants, autant que le permettent la législation et la réglementation.

newsid:443643

Avocats/Honoraires

[Brèves] Interruption de la prescription quinquennale de recouvrement des dépens

Réf. : Cass. civ. 2, 11 septembre 2014, n° 13-24.041, F-P+B (N° Lexbase : A4351MW3)

Lecture: 2 min

N3657BUY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443657
Copier

Le 18 Septembre 2014

N'interrompt pas la prescription ou ne constitue pas un nouvel évènement faisant courir la prescription de recouvrement des frais et salaires dus à l'avoué, désormais avocat, une demande de vérification des dépens faisant suite à un arrêt condamnant les clients aux dépens. La prescription quinquennale était donc acquise au jour de la signification du certificat de vérification par exploit en date du 29 novembre 2012, l'arrêt condamnant aux dépens ayant été prononcé le 12 juin 2007. Telle est la décision d'un arrêt de deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 11 septembre 2014 (Cass. civ. 2, 11 septembre 2014, n° 13-24.041, F-P+B N° Lexbase : A4351MW3 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2710E47). L'arrêt revêt une importance particulière en ce qu'il tranche indirectement un conflit d'interprétation, auprès des juridictions du fond, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I), reconnaissant clairement l'application de la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) au recouvrement, ici des dépens, mais il en va nécessairement de même des honoraires, de l'avocat. Or, si pour la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 24 juin 2014, n° 13/22346 N° Lexbase : A6973MRP), comme celle de Lyon (CA Lyon, 21 mai 2013, n° 12/08283 N° Lexbase : A2317KHB), de Toulouse (CA Toulouse, 9 juillet 2014, n° 116/2014 N° Lexbase : A1575MUU), de Reims (CA Reims, 3 avril 2014, n° 13/02110 N° Lexbase : A4249MI9) et de Nancy (CA Nancy, 30 janvier 2014, n° 13/03126 N° Lexbase : A3968MLK), c'est bien le délai de prescription de l'article 2224 du Code civil qui s'applique en matière d'honoraires de l'avocat : soit la prescription de droit commun de cinq ans ; la prescription des demandes en paiement de professionnels envers les particuliers a été ramenée à deux ans, au lieu de trente ans, par l'effet combinatoire de l'article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) et de l'article 26-II de la loi du 17 juin 2008, selon certaines cours d'appel (CA Bordeaux, 17 avril 2012, n° 11/02979 N° Lexbase : A7069IIN ; CA Versailles, 31 juillet 2013, n° 12/04142 N° Lexbase : A1648KKA). Cette dernière position est donc infirmée. Et, la Cour de cassation précise également que l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 est intervenue le 19 juin 2008, contrairement à ce que laissait entendre un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 17 avril 2012, n° 11/02979, préc.).

newsid:443657

Contrat de travail

[Brèves] Refus d'un renouvellement d'une autorisation de travail en cas de non-respect des termes de celle-ci par l'étranger

Réf. : CE, 2° et 7° s-s-r., 19 septembre 2014, n° 362660, (N° Lexbase : A6128MWU)

Lecture: 2 min

N3779BUI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443779
Copier

Le 25 Septembre 2014

Le renouvellement d'une des autorisations de travail prévues par le Code du travail peut être refusé en cas de non-respect des termes de l'autorisation par l'étranger. Telle est la décision retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt mentionné rendu le 19 septembre 2014 (CE, 2° et 7° s-s-r., 19 septembre 2014, n° 362660, mentionné N° Lexbase : A6128MWU).
Dans cette affaire, M. B. avait formé un recours à l'encontre du préfet qui avait refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui avait fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B souhaitait obtenir un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, que le préfet réexamine sa situation, et à ce titre puisse le munir d'une autorisation provisoire de séjour. Pour cela, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, dont relève la situation de M. B. sollicitant son admission au séjour en qualité de salarié, exigeaient la production d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. L'administration avait opposé un refus de séjour au titre de ces stipulations, en faisant application des dispositions de l'article R. 5221-34 du Code du travail (N° Lexbase : L1124IAU) relatives au renouvellement de l'autorisation de travail d'un étranger. Le Conseil d'Etat estime que les dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du Code du travail relatives aux titres de séjour délivrés aux étrangers s'appliquaient, ainsi que le rappellent respectivement leurs articles L. 111-2 (N° Lexbase : L1394I3Z) et L. 5221-1 (N° Lexbase : L2507H9Q), sous réserve des conventions internationales.
Par conséquent, en ce qui concerne les ressortissants marocains, les dispositions de l'article R. 5221-34 du Code du travail (N° Lexbase : L1124IAU), qui ne sont toutefois applicables qu'au renouvellement des autorisations de travail et non à la première demande en vue de l'obtention d'un tel titre, en vertu desquelles le renouvellement d'une des autorisations de travail prévues par le Code peut être refusé en cas de non-respect des termes de l'autorisation par l'étranger, sont également susceptibles de recevoir application à la demande d'un ressortissant marocain ayant bénéficié d'une autorisation de travail et d'un titre de séjour délivré sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7433ES4).

newsid:443779

Droit des étrangers

[Brèves] Obligation d'admission par les Etats membres des ressortissants de pays tiers qui souhaitent séjourner plus de trois mois à des fins d'études

Réf. : CJUE, 10 septembre 2014, aff. C-491/13 (N° Lexbase : A1642MWQ)

Lecture: 1 min

N3715BU7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443715
Copier

Le 19 Septembre 2014

Les Etats membres sont tenus d'admettre sur leur territoire des ressortissants de pays tiers qui souhaitent séjourner plus de trois mois à des fins d'études, dès lors que ceux-ci remplissent les conditions d'admission prévues de manière exhaustive par le droit de l'Union ; ceux-ci ont donc l'interdiction d'introduire des conditions d'admission supplémentaires, énonce la CJUE dans un arrêt rendu le 10 septembre 2014 (CJUE, 10 septembre 2014, aff. C-491/13 N° Lexbase : A1642MWQ). La Directive 2004/114/CE du 13 décembre 2004, relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à des fins d'études, d'échange d'élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat (N° Lexbase : L5089GUZ), prévoit que les ressortissants de pays tiers qui demandent à être admis à des fins d'études pendant plus de trois mois doivent remplir plusieurs conditions générales et particulières, dont celle de ne pas constituer une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique. La Directive vise à favoriser la mobilité des étudiants de pays tiers à destination de l'Union afin de promouvoir l'Europe en tant que centre mondial d'excellence pour les études et la formation professionnelle. Permettre à un Etat membre d'introduire des conditions d'admission supplémentaires irait, selon les juges luxembourgeois, à l'encontre de cet objectif. Si la Directive reconnaît aux Etats membres une marge d'appréciation lors de l'examen des demandes d'admission, la Cour souligne que cette marge de manoeuvre se rapporte uniquement aux conditions prévues par la Directive, ainsi que, dans ce cadre, à l'évaluation des faits pertinents (notamment en ce qui concerne l'existence d'une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique) (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E2976EYU).

newsid:443715

Électoral

[Brèves] Déchéance de plein droit d'un sénateur se trouvant dans un cas d'inéligibilité à la suite d'une condamnation pénale

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-22 D, 16 septembre 2014 (N° Lexbase : A4676MW4)

Lecture: 1 min

N3718BUA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443718
Copier

Le 20 Septembre 2014

Le Conseil constitutionnel constate la déchéance encourue de plein droit par un élu de son mandat de sénateur du fait de l'inéligibilité résultant de la condamnation définitive prononcée à son encontre, dans une décision rendue le 16 septembre 2014 (Cons. const., décision n° 2014-22 D, 16 septembre 2014 N° Lexbase : A4676MW4). Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 septembre 2014 par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, dans les conditions prévues à l'article L.O. 136 du Code électoral (N° Lexbase : L7623AI8), d'une requête tendant à la constatation de la déchéance de plein droit de M. X de sa qualité de membre du Sénat. Par arrêt du 7 février 2013, la cour d'appel de Papeete a condamné celui-ci à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis et à 15 millions de francs CFP d'amende et prononcé, à titre de peine complémentaire, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois années. A la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 23 juillet 2014 (Cass. crim., 23 juillet 2014, n° 13-82.193, FS-P+B+I N° Lexbase : A6145MU7 et lire N° Lexbase : N3420BU9), rejetant le pourvoi en cassation formé par l'intéressé contre cet arrêt, la condamnation est devenue définitive. Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article 131-26 du Code pénal (N° Lexbase : L2174AMH) et des articles L.O. 296 (N° Lexbase : L0639IQQ), L.O. 127 (N° Lexbase : L3720IQT) et L. 2 (N° Lexbase : L2503AAX) du Code électoral, que les personnes qui ne jouissent pas de leurs droits civils et politiques sont inéligibles au Sénat et qu'est déchu de plein droit de sa qualité de membre du Sénat toute personne se trouvant dans un cas d'inéligibilité. En conséquence, le Conseil constitutionnel a constaté la déchéance encourue de plein droit par M. X de son mandat de sénateur du fait de l'inéligibilité résultant de la condamnation définitive prononcée à son encontre (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E0336CTM).

newsid:443718

Fiscal général

[Brèves] Le bilan des organismes de gestion agréés par la Cour des comptes

Réf. : Rapport de la Cour des comptes du 11 septembre 2014

Lecture: 1 min

N3670BUH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443670
Copier

Le 19 Septembre 2014

La Cour des comptes a rendu public, le 11 septembre 2014, un rapport sur les organismes de gestion agréés (OGA) demandé par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (loi organique, 1er août 2011, n°2001-692 N° Lexbase : L1295AXA). Créés en 1974, les OGA sont des structures associatives "loi 1901" qui visent à faciliter l'accomplissement par les très petites entreprises de leurs obligations. Les adhérents à ces organismes bénéficient de plusieurs avantages fiscaux. Cependant, au fur et à mesure des années, le coût du dispositif s'est alourdi, sans pour autant que l'avantage principal attendu en termes de garantie de la régularité des déclarations fiscales des entreprises individuelles soit démontré. La Cour dresse alors un bilan mitigé de ce dispositif et formule dans ce rapport 15 recommandations visant à le réorienter afin qu'il contribue plus efficacement à la régularité des déclarations fiscales de leurs adhérents. Elle souhaite notamment recentrer l'activité des organismes agréés sur leurs missions fiscales. L'objectif étant d'améliorer leur contribution à la sincérité fiscale des déclarations de leurs adhérents. Elle préconise également de supprimer les avantages fiscaux accessoires. Dans la mesure où de nombreux avantages concourent au même objectif (l'adhésion aux organismes agréés), il convient de simplifier le système autour de la principale mesure incitative qu'est la non-majoration de 25 % des revenus professionnels. Il faudrait enfin, selon ce rapport, rationaliser le fonctionnement du système. Afin d'améliorer l'efficience du système, tant pour la collectivité que pour les entreprises adhérentes, il convient d'harmoniser les conditions d'exercice des vérifications fiscales entre organismes agréés et professionnels de l'expertise comptable disposant du visa fiscal, de renforcer l'indépendance des organismes agréés, et de réduire leur coût de gestion. Au final, la réduction des missions annexes des organismes agréés, la résorption des montants de trésorerie élevés là où cela est justifié et l'informatisation des processus devraient être de nature à dégager des marges de manoeuvre suffisantes pour leur permettre de se recentrer sur leurs missions fiscales à plus forte valeur ajoutée.

newsid:443670

Fiscalité internationale

[Questions à...] Mise en place d'une norme mondiale par l'OCDE en faveur de l'échange automatique de renseignements - Questions à Pascal Saint-Amans, Directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE

Réf. : Norme mondiale d'échange automatique de renseignements

Lecture: 7 min

N3668BUE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443668
Copier

par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 18 Septembre 2014

La coopération entre les administrations fiscales est essentielle dans la lutte contre la fraude fiscale. Un aspect fondamental de cette coopération est l'échange de renseignements. Depuis 2012, l'intérêt politique s'est de plus en plus focalisé sur les possibilités qu'offre l'échange automatique de renseignements. Ce procédé concerne la communication systématique, à intervalles réguliers, de renseignements relatifs à diverses catégories de revenu, par le pays de la source du revenu au pays de résidence du contribuable. L'échange automatique de renseignements peut permettre de disposer en temps utile d'informations sur des cas de fraude fiscale portant soit sur des rendements d'investissements, soit sur le montant du capital sous-jacent même lorsque les administrations fiscales ne disposaient jusque-là d'aucune indication en ce sens. Ainsi, déterminée à se diriger vers une plus grande transparence et à mettre fin au secret bancaire dans les affaires fiscales, l'OCDE a publié, le 21 juillet 2014, une nouvelle norme mondiale pour l'échange de renseignements entre juridictions. Pour en savoir plus sur la mise en place de l'échange automatique de renseignements, Lexbase Hebdo-édition fiscale a interrogé Pascal Saint-Amans, Directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE.

Lexbase : Pouvez-vous nous décrire le fonctionnement, les modalités techniques de ce dispositif d'échange de renseignements ?

Pascal Saint-Amans : La norme commune de déclaration (NCD) de l'OCDE sur l'échange automatique de renseignements connue sous l'acronyme anglais "CRS" constitue la première norme mondiale unique pour l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers. Cette norme bénéficie de l'appui politique du G20. En septembre 2013, les leaders du G20 ont endossé la proposition de l'OCDE de concevoir une telle norme et lui ont donné mandat de travailler avec les pays du G20 pour qu'elle soit présentée au sommet des ministres des Finances du G20 en février 2014. Le 20 septembre 2014, le paquet complet de la NCD, qui inclura aussi les modalités techniques, sera présenté aux ministres des Finances du G20 lors de leur réunion à Cairns (Australie).

En vertu de cette norme, les pays partenaires échangeront automatiquement et de manière bilatérale des renseignements sur les comptes financiers déclarables sur une base annuelle (ces comptes ayant été identifiés par les institutions financières déclarantes en suivant des procédures communes en matière de déclaration et de diligence raisonnable).

Au préalable les pays qui souhaitent échanger automatiquement auront signé (sur la base de leur convention fiscale bilatérale ou de la convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale) un accord prévoyant ce type d'échange. La norme commune contient à la fois les règles en matière de déclaration et de diligence raisonnable pour les institutions financières et un modèle d'accord qui contient les règles détaillées sur l'échange de renseignements.

La NCD contient des règles spécifiques de confidentialité et de protection des données échangées pour la mise en oeuvre des principes de confidentialité de l'échange de renseignements contenus dans les conventions et instruments sur la base desquels les renseignements sont échangés.

Avant de signer un accord réciproque d'échange automatique de renseignements il est essentiel que les pays partenaires aient en place le cadre juridique et les dispositifs nécessaires pour assurer la confidentialité et la protection des données échangées. Si ce n'est pas le cas les pays ne signeront pas un tel accord et ne procéderont pas à l'échange automatique.

Etant donné le volume des informations échangées dans le cadre de l'échange automatique, il est impératif qu'elles le soient de manière standardisées afin de pouvoir être exploitées efficacement et au moindre coût. La NCD comprend donc un schéma standardisé et aussi des recommandations sur le niveau de sécurité à adopter pour assurer la protection des données transmises électroniquement.

Lexbase : Cette norme est naturellement souhaitable afin de lutter contrer contre la fraude fiscale, mais sera-t-elle concrètement réalisable ? Quid de l'efficacité de la loi "FATCA" aux Etats-Unis ?

Pascal Saint-Amans : Cette norme est réalisable, sinon, 65 pays et territoires ne se seraient pas engagés à la mettre en oeuvre et à la transposer dans leur législation interne. En outre, 46 d'entre eux se sont entendus sur un calendrier commun et ambitieux pour la mettre en oeuvre en 2017.

La NCD est largement inspirée de l'approche intergouvernementale suivie par un large nombre de pays, y compris la France, pour la mise en oeuvre des obligations déclaratives contenues dans la loi "FATCA". Bien que cette approche diffère de la NCD sur certains aspects, les différences tiennent principalement à la nature multilatérale du système NCD et à d'autres facteurs spécifiques aux Etats-Unis. Ceci permet donc de réduire les coûts à la fois pour les institutions financières et pour les pays et territoires.

Par ailleurs l'expérience en matière d'échange automatique de renseignements existe déjà au sein de l'Union européenne avec la Directive "Epargne" (Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 N° Lexbase : L6608BH9) et aussi dans les pays de l'OCDE qui pratiquent depuis de nombreuses années cette forme d'échange sur différents types de revenus et suivant un schéma normalisé conçu par l'OCDE. Cette expérience a d'ailleurs été utile pour concevoir la nouvelle norme mondiale et atteste de l'efficacité d'un système multilatéral. Certes, les pays en voie de développement n'ont généralement pas, à l'heure actuelle, la capacité de mettre en oeuvre la nouvelle norme, mais le G20 a donné mandat au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de les assister pour identifier leurs besoins en termes d'assistance pour ce qu'ils puissent participer à l'échange automatique et en bénéficier.

Il est prématuré de mesurer l'efficacité de la loi "FATCA" mais on peut déjà constater qu'elle a comme tout échange automatique un effet dissuasif, c'est aussi le cas de la nouvelle norme.

A cet égard, une analyse des programmes de déclaration spontanée conduite par l'OCDE a montré que, depuis 2009, plus d'un demi-million de contribuables ont déclaré spontanément des revenus et des éléments de patrimoine jusque-là dissimulés à l'administration fiscale. Le fait que les pays estiment avoir collecté plus de 37 milliards de dollars grâce à ces programmes de déclaration spontanée démontre le grand potentiel d'amélioration de la qualité et de la quantité des revenus déclarés offert par la NCD.

Enfin, il est probable que la mise en oeuvre de la NCD par les pays et territoires et les premières expériences pratiques de son utilisation vont amener l'OCDE à régulièrement mettre à jour la NCD, afin d'en améliorer le fonctionnement et de tenir en compte d'éventuels problèmes rencontrés au fil du temps.

Lexbase : Comment contrôler l'exactitude des renseignements échangés ? Existera-t-il des sanctions en cas de non-respect de la norme ?

Pascal Saint-Amans : La NCD contient une section sur la mise en oeuvre effective de l'échange automatique de renseignements, afin d'assurer que les juridictions mettent en place les mesure législatives et administratives nécessaires pour le bon fonctionnement de la NCD. Dans ce cadre, il est attendu des pays et territoires adoptant la NCD qu'ils mettent en place des mesures adéquates pour garantir que les institutions financières respectent les procédures de diligence raisonnable et de déclaration des comptes financiers et leurs titulaires prévues par la NCD et qu'ils prévoient des mesures coercitives en cas de non-respect de ces obligations.

Etant donné que, contrairement à FATCA, la NCD ne connait pas une retenue à la source qui peut être appliqué aux revenus appartenant aux contribuables ou institutions financières non-coopératives, la qualité et l'efficacité de l'échange de renseignements sur base de la NCD nécessite le rattachement d'une plus grande importance aux contrôles de bon fonctionnement. A cet égard, le G20 a mandaté le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements pour établir un mécanisme de surveillance et d'examen de la mise en oeuvre effective de la NCD. Cet examen permettra de s'assurer que les pays et territoires qui ont adopté la NCD la respectent bien et au besoin de faire des recommandations pour remédier aux manquements.

Lexbase : Vous devez certainement anticiper la réactivité des fraudeurs fiscaux. Quelles seront les prochaines mesures que compte mettre en oeuvre l'OCDE afin d'intensifier cette lutte ?

Pascal Saint-Amans : Tout d'abord, la NCD a été conçue pour limiter au maximum les possibilités de contournement. Notamment, des règles ont été incluses visant à éviter que les contribuables puissent mettre en place des structure juridiques qui permettent d'échapper à la déclaration de leurs revenus et actifs financiers, ou soient en mesure de placer leurs avoirs auprès des institutions financières ou dans des produits financiers non couverts par la NCD. Cette approche ce traduit concrètement dans les trois dimensions suivantes.

- Les institutions financières soumises à l'obligation déclarative : la NCD couvre non seulement les banques, mais également d'autres institutions financières telles que les courtiers, certaines entités de d'investissement, y compris les OPC et les trusts, et certaines sociétés d'assurance.

- Les titulaires de compte soumis à l'obligation déclarative : la NCD exige la communication d'informations concernant les personnes physiques, et limite les possibilités pour les contribuables de recourir à des entités ou des constructions juridiques pour se soustraire à leurs obligations déclaratives. Par conséquent, les institutions financières sont tenues de regarder au travers des sociétés-écrans, des fiducies et structures analogues, y compris les entités imposables.

- Les informations financières communiquées : la NCD couvre différentes catégories de revenus d'investissement, y compris les intérêts, dividendes et types analogues de revenu, ainsi que des informations sur les soldes de comptes.

Il est également prévu que les pays qui transposent la norme adoptent des mesures anti-abus pour éviter son contournement.

L'objectif actuel est d'assurer l'adhésion d'un maximum de pays et territoires à la norme pour assurer son efficacité et éviter la délocalisation vers des centres financiers qui n'adhéreraient pas à la NCD. Au plan international, le nombre de pays ayant indiqué leur soutien de la NCD comme norme mondiale d'échange de renseignements sur les comptes financiers continue d'augmenter. Actuellement le Forum mondial fait l'état des lieux des engagements et il est prévu qu'une liste des pays et territoires qui ont adhéré à la NCD, sera communiquée aux dirigeants du G20, lors de leur sommet de novembre 2014.

Dans les mois et années qui viennent l'OCDE va assurer le suivi de la mise en oeuvre de la NCD pour apporter les améliorations si cela s'avère nécessaire.

Finalement il est aussi prévu de développer des recommandations pour renforcer la capacité d'utiliser efficacement les informations reçues par les pays et territoires participants.

newsid:443668

[Brèves] Cautionnement manifestement disproportionné au moment de l'engagement : il appartient au créancier de prouver le "retour à meilleure fortune" de la caution

Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 12-28.977, F-P+B (N° Lexbase : A4223MWC)

Lecture: 1 min

N3702BUN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443702
Copier

Le 20 Septembre 2014

Il résulte de la combinaison des articles 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) et L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C) qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 10 septembre 2014 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 12-28.977, F-P+B N° Lexbase : A4223MWC), qui reprend les termes de la solution dégagée quelques mois plus tôt par la Chambre commerciale (Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-11.313, FS-P+B N° Lexbase : A6236MIS ; lire N° Lexbase : N1957BUZ). En l'espèce, par acte du 30 novembre 2004, un cautionnement solidaire d'un prêt d'un montant de 27 000 euros a été consenti à une banque ? Après défaillance de l'emprunteur, la banque a assigné la caution en remboursement dudit prêt. Cette dernière a alors soutenu, sur le fondement de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, que la banque ne pouvait se prévaloir de son engagement de caution en raison de son caractère disproportionné à ses biens et revenus. La cour d'appel de Basse-Terre ayant accueilli la demande du garant (CA Basse-Terre, 30 janvier 2012, n° 09/01262 N° Lexbase : A8178IBI), la banque a formé un pourvoi en cassation. La Cour régulatrice, énonçant le principe précité, rejette le pourvoi. Elle précise que, ayant relevé, après avoir constaté la disproportion de l'engagement souscrit, qu'il ne ressortait pas des éléments communiqués qu'au moment où la caution avait été appelée, elle avait un patrimoine différent de celui déclaré lors de la souscription de son engagement, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu que la caution n'était pas en mesure de faire face à son obligation (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8923BXR).

newsid:443702

[Doctrine] De l'art de faire n'importe quoi : l'oeuvre législative en droit des sûretés

Lecture: 12 min

N3652BUS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443652
Copier

par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur-adjoint de l'IRDAP, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 18 Septembre 2014

"Jadis réputé poussiéreux et figé" (1), le droit des sûretés fait l'objet, depuis maintenant une quinzaine d'années, de nombreuses réformes.
La plus emblématique, et la plus importante, fut celle réalisée par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH). Cette réforme peut être globalement qualifiée de réfléchie, puisqu'elle fut précédée et inspirée par un rapport, élaboré par des spécialistes du droit des sûretés, issus de l'Université et de la pratique. L'ordonnance ne s'est toutefois pas limitée au contenu du rapport, et comportait un certain nombre d'ajouts.
La réforme de 2006 avait été précédée par certains textes, tels la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC), et a été suivie par de nombreux autres, relatifs à une ou plusieurs sûretés : les décrets du 23 décembre 2006 n° 2006-1803 relatif au gage des stocks (N° Lexbase : L9635HTZ) et n° 2006-1804, à la publicité du gage sans dépossession (N° Lexbase : L9636HT3), la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, introduisant en droit français la fiducie (N° Lexbase : L4511HUM), la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté (N° Lexbase : L2777ICT), l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, relative aux instruments financiers (N° Lexbase : L4604ICI), l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, relative à la fiducie (N° Lexbase : L6939ICY) et la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG). Ces différentes réformes, qui ambitionnaient toutes -du moins peut-on l'espérer- d'améliorer le droit français des sûretés, ont pour la plupart engendré des difficultés. Celles-ci sont telles qu'une certaine insécurité juridique a gagné le droit des sûretés.
Pour s'en convaincre, il suffit d'opérer un rappel (I) des critiques que l'on peut adresser à l'oeuvre législative en droit des sûretés, avant de proposer des solutions, sous forme d'un appel (II).

I - Le rappel

Les effets néfastes de l'oeuvre législative en droit des sûretés se font sentir tant dans les sûretés personnelles (A) que dans les sûretés réelles (B).

A - L'oeuvre législative en droit des sûretés personnelles

Les réformes récentes du droit des sûretés n'ont guère perturbé la garantie autonome et la lettre d'intention, pour une raison assez simple : le législateur n'a aucunement innové au sujet de ces sûretés. L'ordonnance du 23 mars 2006 s'est judicieusement contentée de les intégrer dans le Code civil, aux articles 2321 (N° Lexbase : L1145HIA) et 2322 (N° Lexbase : L1146HIB). Ces deux textes constituent un simple énoncé de quelques règles tirées de la pratique et de la jurisprudence, telles que l'inopposabilité des exceptions ou la théorie de l'appel manifestement abusif.

Le cautionnement a, en revanche, particulièrement souffert des lacunes législatives.

En premier lieu, il convient de remarquer que, faute d'habilitation législative (2), l'ordonnance du 23 mars 2006 n'a pu réformer la plus utilisée des sûretés personnelles. Le droit français du cautionnement date ainsi, en grande partie, de la promulgation du Code civil en 1804. Il en résulte quelques dispositions quelque peu désuètes, comme par exemple l'article 2296 (N° Lexbase : L1125HII), qui dispose que "la solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés foncières".

Le défaut de réforme a également laissé subsister des doublons qui auraient utilement pu être supprimés. C'est ainsi qu'en 2014, le droit français connaît toujours des textes redondants relatifs à l'obligation d'information pesant sur le créancier ou à l'exigence de proportionnalité du montant du cautionnement aux biens et revenus de la caution. Certes, ces textes n'ont jamais exactement le même domaine d'application, quant aux personnes ou aux contrats principaux. Néanmoins, les articles L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C à propos de la proportionnalité) et L. 341-6 (N° Lexbase : L5673DLP au sujet de l'obligation annuelle d'information) ont procédé à une telle généralisation de ces mécanismes qu'il est permis de se demander s'il n'aurait pas été possible de les regrouper en un seul texte, afin de supprimer les doublons.

Le défaut de réforme a enfin empêché de remédier à la balkanisation du droit français du cautionnement. A une époque où la simplicité du droit et l'accessibilité à la norme sont des impératifs unanimement reconnus, peut-on encore se satisfaire d'un cautionnement dont le régime relève d'une douzaine de codes (3) ?

Il serait cependant inexact d'écrire que les défauts du cautionnement découlent tous de l'absence de réforme en 2006. La loi n° 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC), dite "loi Dutreil", a montré à quel point le législateur peut faire preuve d'ineptie lorsqu'il s'agit du droit des sûretés.

L'exemple le plus frappant est assurément constitué par les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7) du Code de la consommation. Ces textes sont à ce point mal rédigés qu'ils ont permis toutes les interprétations, même les plus surprenantes, de la part de la jurisprudence. Les juges du fond ont ainsi pu annuler des cautionnements pour cause de point remplacé par une virgule (4), ou encore de lettre minuscule remplaçant une lettre majuscule (5). Certaines cautions ont vu dans ces textes une règle juridique à la hauteur de leur mauvaise foi (6). Même si la Cour de cassation a mis un peu d'ordre dans ce contentieux, le droit français ne sort pas grandi de ce genre d'errements législatifs et jurisprudentiels.

De même, les articles L. 341-2 à L. 341-4, en ne visant que la caution personne physique, a contraint la jurisprudence, sur le fondement de l'adage "ubi lex non distinguit [...]", à décider que ces textes sont applicables au dirigeant qui se porte caution de sa société (7). Sans même discuter de l'opportunité d'une telle idée sur le fond, il est permis de regretter que par la grâce de la loi du 1er août 2003, le Code de la consommation en vienne à protéger des dirigeants sociaux se portant cautions dans l'exercice de leur activité professionnelle...

Une dernière illustration est fournie par l'article L. 341-6, qui prévoit comme sanction de l'obligation annuelle d'information la déchéance du créancier de son droit au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus durant la période au cours de laquelle l'information fait défaut, et non la déchéance du créancier de son droit aux intérêts échus durant cette période. La sanction retenue révèle, elle aussi, la pauvreté intellectuelle et la faiblesse juridique des dispositions relatives au cautionnement issues de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003. En effet, au contraire, par exemple, de l'article L. 341-1 du Code de la consommation, qui envisage l'information de la caution dès le premier incident de paiement du débiteur principal non régularisé dans le mois suivant l'exigibilité, l'information prévue par l'article L. 341-6 est absolument étrangère à une situation d'impayé. La référence aux pénalités et intérêts de retard n'a donc aucune raison d'être.

B - L'oeuvre législative en droit des sûretés réelles

L'oeuvre législative en droit des sûretés réelles est, sur certains points, tout aussi saugrenue qu'en droit du cautionnement. Et malheureusement, toutes les sûretés réelles semblent touchées.

L'hypothèque ordinaire n'a guère souffert des réformes récentes. En revanche, l'hypothèque rechargeable invite à se poser des questions quant à la méthode législative. Créée par l'ordonnance du 23 mars 2006, l'hypothèque rechargeable a été supprimée par l'article 46 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX). Certes, le succès pratique de ce mécanisme n'était pas flagrant. Cependant, les arguments justifiant cette suppression ne sont guère convaincants. Qualifier l'hypothèque rechargeable de "subprime à la française" (8) est risible. En outre, si l'on considère que l'hypothèque rechargeable est dangereuse pour les emprunteurs en raison de son caractère rechargeable, pourquoi ne pas avoir également abrogé la fiducie-sûreté rechargeable (C. civ., art. 2372-5 N° Lexbase : L2542IEU et 2488-5 N° Lexbase : L2532IEI) ? La seule explication plausible est que le législateur a oublié l'existence de la fiducie-sûreté rechargeable.

L'antichrèse était déjà mal aimée. Elle est maintenant également mal nommée. La loi du 12 mai 2009, dite de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, a considéré que la simplification et la clarification du droit des sûretés nécessitait un changement de vocabulaire. C'est ainsi que le législateur a décidé de remplacer le terme "antichrèse" par celui de "gage immobilier". Le simplisme d'un tel raisonnement laisse pantois. D'une part, pourquoi rattacher l'antichrèse au gage, quand la réforme du 23 mars 2006 l'en avait éloigné, la rapprochant de l'hypothèque ? D'autre part, qui peut sérieusement penser qu'une simplification du vocabulaire suffit à simplifier le fond ?

Les privilèges constituent l'une des faces les plus obscures du droit des sûretés. Obscure, car, au fil du temps, le législateur a créé un nombre de privilèges tel, qu'il est devenu quasiment impossible de tous les recenser! Le dernier exemple en date résulte de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (N° Lexbase : L8342IZY). Ce texte a ajouté un privilège immobilier spécial à la liste de l'article 2374 du Code civil (N° Lexbase : L9083IZG 1° ter), qui profite à l'opérateur chargé par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale d'entretenir les parties communes ayant fait l'objet d'une expropriation sur le fondement de l'article L. 615-10 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8864IZC). A chaque nouveau privilège, c'est l'accessibilité et la prévisibilité du droit des sûretés qui en pâtit.

La fiducie est la sûreté qui a fait l'objet du plus de réformes récentes : outre la loi du 19 février 2007 qui a créé la fiducie française, la loi du 4 août 2008, les ordonnances des 18 décembre 2008 et 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009 l'ont considérablement retouchée. Si ces textes visaient à améliorer le mécanisme, voire à corriger certaines erreurs (9), ils ne sont pas exempts de reproches. D'un point de vue formel, il est permis de regretter d'avoir intégré la fiducie-sûreté dans le plan retenu dans le livre IV du Code civil, qui distingue entre les sûretés mobilières et les sûretés immobilières. La fiducie pouvant grever des meubles et/ou des immeubles, le législateur a créé des textes miroirs (C. civ., art. 2372-1 N° Lexbase : L2551IE9 à 2372-5 et 2488-1 N° Lexbase : L2497IE9 à 2488-5). Ceci était parfaitement inutile, et aboutit à ce que toute modification de texte doive être apportée en double exemplaire.

En outre, la loi de 2007, en créant la fiducie, l'avait limitée aux constituants personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés. Il s'agissait d'une sorte de période d'essai, destinée à évaluer l'intérêt de ce mécanisme avant de l'étendre aux personnes physiques pour lesquelles l'opération pourrait présenter davantage de risques. Or, moins de 18 mois plus tard, la loi du 4 août 2008 procède à cette extension, sans aucun recul, sans retour d'expérience, sans avoir examiné ce que la pratique entendait faire de la fiducie.

Enfin, s'agissant du gage, il est permis de penser qu'il est le plus touché. Le gage de droit commun a vécu une évolution bizarre en 2008, au sujet du droit de rétention accordé au gagiste sans dépossession. En effet, la loi du 4 août 2008, pour la modernisation de l'économie, a doté le créancier bénéficiaire d'un gage sans dépossession d'un droit de rétention dématérialisé (C. civ., art. 2286, 4° N° Lexbase : L2439IBX). Mais quatre mois plus tard, l'ordonnance du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté, déclare ce droit de rétention inopposable pendant la période d'observation et l'exécution du plan (C. com., art. L. 622-7, I N° Lexbase : L7285IZT), c'est-à-dire au moment où ce droit serait le plus utile ! Certes, la logique et les contraintes du droit des entreprises en difficulté sont différentes de celles du droit des sûretés, mais la confrontation de ces deux réformes, si rapprochées d'un point de vue chronologique, donne une impression d'improvisation non réfléchie.

Certains gages spéciaux ne sont pas en reste. L'illustration la plus marquante est sans conteste le gage sur stocks. Le problème découle de l'ordonnance de 2006, qui a créé cette sûreté, tout en autorisant le gage de droit commun à grever des biens fongibles et futurs. Ce texte ayant oublié d'articuler le gage de droit commun et le gage sur stocks, s'est posée la question de savoir si des stocks pouvaient être mis en garantie par le biais d'un gage de droit commun, plus simple à constituer. La cour d'appel de Paris a jugé que les parties pouvaient choisir entre les deux sûretés (10). La Cour de cassation a condamné cette solution, estimant que l'établissement de crédit qui souhaite une sûreté sur les stocks de son débiteur ne peut inscrire que le gage des stocks des articles L. 527-1 (N° Lexbase : L2852IXW) et suivants du Code de commerce (11). Cette position n'a visiblement pas convaincu la cour d'appel de Paris, qui, sur renvoi, a considéré qu'aucune disposition n'interdit aux parties de choisir l'application du droit commun du gage, et qu'elles peuvent donc valablement se référer aux dispositions des articles 2333 (N° Lexbase : L1160HIS) et suivants du Code civil (12). Ici encore, les hésitations sont dues au travail bâclé du législateur.

Tant de maladresses et d'approximations nécessitent des solutions (II).

II - L'appel

Pour remédier aux difficultés recensées précédemment, il est possible d'appeler à une réforme du cautionnement (A) et à davantage de pragmatisme dans le domaine des sûretés réelles (B).

A - Appel à une réforme du cautionnement

L'appel à une réforme du cautionnement se doit de commencer par une nuance. Si nous appelons de nos voeux une réforme du cautionnement, c'est à la condition qu'elle soit menée intelligemment. Si la réforme du cautionnement doit être du même niveau que la loi "Dutreil" du 1er août 2003, il est préférable de ne commettre aucune réforme.

Une réforme du cautionnement pourrait se servir, comme base de travail, du rapport remis par le groupe de travail présidé par M. Grimaldi. Certaines propositions contenues dans ce rapport seraient précieuses en vue d'une réforme.

Plus particulièrement, la volonté de restituer la cohérence du droit des sûretés, en luttant contre l'éparpillement des textes est louable. Des dispositions générales dans le Code civil relatives à l'obligation annuelle d'information de la caution (13) et à l'exigence de proportionnalité (14), accompagnées de l'abrogation des multiples textes spéciaux qui y sont relatifs seraient judicieuses.

De même, un texte précisant mieux quelles sont les exceptions appartenant au débiteur principal que la caution peut opposer au créancier serait le bienvenu (15), afin de mettre un terme aux incertitudes découlant de la jurisprudence du 8 juin 2007 (16).

Il est par ailleurs possible de penser à des améliorations du droit français des sûretés que n'avait pas proposé le rapport "Grimaldi". Ainsi, l'abrogation pure et simple des mentions manuscrites imposées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation serait opportune, au regard du contentieux suscité par ce texte, et de l'inefficacité de la protection fournie à la caution.

De même, il serait intéressant de mieux délimiter le périmètre des mesures de protection de la caution. Cela supposerait une définition précise de la caution avertie (17), notamment afin de clarifier la situation des professionnels du droit (18) et des cautions profanes assistées d'un conseil (19). Cela supposerait également de mieux distinguer les mesures de protection qui sont applicables aux seules cautions personnes physiques et celles qui peuvent aussi bénéficier aux cautions personnes morales.

Enfin, le droit du cautionnement octroyé par une société pourrait également être amélioré. Le législateur pourrait utilement déterminer les effets d'une fusion ou d'une scission sur le cautionnement (20). Il pourrait aussi préciser les conditions pour qu'un cautionnement soit, ou non, conforme à l'intérêt social (21). Il pourrait encore fixer le sort du cautionnement donné par une société anonyme sans autorisation du conseil d'administration (22).

Il ne s'agit là que de quelques pistes. Le droit français des sûretés réelles, quant à lui, pourrait faire l'objet de davantage de pragmatisme (B).

B - Appel à davantage de pragmatisme en droit des sûretés réelles

Comment est-il possible d'aboutir à davantage de pragmatisme en droit des sûretés réelles ?

Une première idée serait d'articuler plus souplement les sûretés réelles entre elles. Le cas du gage des stocks est très significatif : la position de la Cour de cassation, qui refuse aux contractants la possibilité de grever des stocks d'un gage de droit commun, n'emporte pas l'adhésion (23). Le gage des stocks obéit à un régime inutilement lourd pour un contrat conclu, par hypothèse, entre professionnels. Il serait certainement plus opportun de ramener le gage des stocks dans le giron du gage sans dépossession de droit commun, en précisant simplement que le pacte commissoire y est prohibé, puisqu'il s'agit là du principal enjeu.

Une seconde idée, beaucoup plus ambitieuse, serait de réduire le nombre de sûretés réelles que connaît le droit français. L'objectif serait d'élaborer un droit commun des sûretés réelles, et moins de règles spéciales. Le droit comparé offre un exemple intéressant d'une telle méthode : le législateur québécois a fait le choix de regrouper toutes les sûretés réelles conventionnelles en une seule: l'hypothèque (24). L'hypothèque n'est donc pas réservée aux biens immobiliers, et peut porter sur tout bien, meuble ou immeuble, corporel ou incorporel (25). Ainsi, sous le vocable "hypothèque", le droit québécois regroupe l'équivalent de l'hypothèque, du nantissement et du gage du droit français. Et lorsqu'elle porte sur des biens meubles corporels, l'hypothèque québécoise peut être constituée avec ou sans dépossession du constituant (26).

Le contraste est saisissant avec le droit français des sûretés, qui connaît la fiducie-sûreté, l'hypothèque, le gage immobilier, le gage de droit commun, le gage automobile, le gage des stocks, le gage du matériel et de l'outillage, les warrants, le nantissement de créance, le nantissement du fonds de commerce, le nantissement de parts sociales, le nantissement des comptes-titres, le nantissement du droit d'exploitation des logiciels, le nantissement des films cinématographiques, et une centaine de privilèges...

Les opposants à un tel regroupement font généralement valoir qu'il ne s'agit que d'une façade, car le droit québécois, en plus des règles générales, communes à toutes les hypothèques, connaît également des règles spéciales, en fonction de la nature du bien grevé. L'objection est fondée. Il n'en demeure pas moins que l'option retenue par le droit québécois présente un avantage considérable : il oblige le législateur à penser avant tout en termes de droit commun, ce qui est un facteur de simplification et de meilleure lisibilité du droit. Délaisser l'entassement des règles spéciales, au profit d'une réflexion sur le droit commun mériterait assurément l'attention de notre législateur.


(1) Expression empruntée à l'ouvrage de M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 9ème éd. 2010, 4ème de couverture.
(2) Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie, art. 24 (N° Lexbase : L5001HGC).
(3) Sans compter les textes qui font un usage abusif des termes "cautionnemen" et "caution", les employant comme synonymes de dépôt de garantie: v. par exemple les articles 383 du Code des douanes (N° Lexbase : L0987ANU) ou R. 623-52 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L4304ADR).
(4) CA Rennes, 22 janvier 2010, n° 08/08806 (N° Lexbase : A5135ESY), JCP éd. G, 2010, doctr. 708, n° 2, obs. Ph. Simler, arrêt cassé par Cass. com., 5 avril 2011, n° 10-16.426, FS-P+B (N° Lexbase : A3424HN7), nos obs., La mention manuscrite dans le contrat de cautionnement, encore et toujours !, Lexbase Hebdo n° 251 du 18 mai 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N2752BSQ).
(5) CA Dijon, 26 janvier 2012, cassé par Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n° 12-19.094, nos obs.. Mentions manuscrites dans le cautionnement : la Cour de cassation tiraillée entre pointillisme et pragmatisme, Lexbase Hebdo n° 354 du 10 octobre 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N8835BTE).
(6) V. également Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-23.623, F-P+B (N° Lexbase : A7128IUK), D., 2012, p. 2509, obs. V. Avena-Robardet, Gaz. Pal., 13 décembre 2012, p. 11, obs. Ch. Albigès : remplacement de la lettre X par la désignation du débiteur principal ; Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I (N° Lexbase : A0814KC7), D., 2013, p.1460, note J. Lasserre-Capdeville et G. Piette : substitution du mot "banque" à ceux de "prêteur" et de "créancier".
(7) Cass. com., 13 avril 2010, n° 09-66.309, F-D (N° Lexbase : A0705EWZ), RLDC, juin 2010, p. 30, obs. J.-J. Ansault ; Cass. com., 22 juin 2010, n° 09-67.814, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2722E39), D., 2010, p. 1985, note D. Houtcieff, RTDCiv., 2010, p. 593, obs. P. Crocq, RTDCom., 2010, p. 552, obs. C. Champaud et D. Danet, RDBF, septembre-octobre 2010, n° 172, obs. D. Legeais, V. Téchené, La sanction du cautionnement disproportionné souscrit par le dirigeant, personne physique, au profit d'un créancier professionnel, Lexbase Hebdo n° 404 du 22 juillet 2010 - édition privée (N° Lexbase : N6432BPW) ; Cass. com., 19 octobre 2010, n° 09-69.203, F-D (N° Lexbase : A4348GCZ), RLDC, décembre 2010, p. 33, obs. J.-J. Ansault.
(8) Opinion du rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, à l'occasion de la discussion du rapport n° 1156 fait au nom de la Commission des affaires économiques.
(9) Par exemple, le fait pour la loi du 4 août 2008 d'avoir qualifié le décès du constituant personne physique de cause d'extinction de la fiducie-sûreté constituait une erreur, corrigée par la loi du 12 mai 2009.
(10) CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 3 mai 2011, RG 10/13656 (N° Lexbase : A9188HZC), RTDCiv., 2011, p. 785, obs. P. Crocq ; Gaz. Pal., 22 décembre 2011, p. 21, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.
(11) Cass. com., 19 février 2013, n° 11-21763, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3699I8I), D., 2013, p. 493, note R. Damman et G. Podeur ; JCP éd. G, 2013, 539, note N. Martial-Braz ; JCP éd. G, 2013, 585, n° 16, obs. Ph. Delebecque ; Gaz. Pal., 21 mars 2013, p.22, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RLDC 1er avril 2013, p.26, note Ch. Gijsbers ; V. Téchené, Consécration du caractère exclusif du régime juridique du gage de stock, Lexbase Hebdo n° 329 du 28 février 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N6011BTS). Adde, M. Bourassin, La force d'attraction du gage des stocks, D., 2013, p. 1363.
(12) CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 27 février 2014, n° 13/03840 (N° Lexbase : A0421MGP), D., 2014, p. 924, obs. Ch. Gijsbers ; A. Bordenave, Gage de stocks : une espérance nouvelle à encourager, Lexbase Hebdo n° 381 du 15 mai 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N2163BUN)
(13) Rapport Grimaldi, art. 2307.
(14) Ibid., art. 2305.
(15) Ibid., art. 2308.
(16) Cass. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602, P+B+R+I (N° Lexbase : A5464DWB), JCP éd. G, 2007, II, 10138, note Ph. Simler ; D., 2007, p. 2201, note D. Houtcieff ; G. Mégret, Retour sur la notion "d'exception purement personnelle" en droit du cautionnement, Lexbase Hebdo n° 267 du 5 juillet 2007 - édition privée (N° Lexbase : N7597BBY).
(17) Sur les difficultés liées à cette notion, v. E. Paldeveau, Réflexions sur la caution avertie, Dr. et patr., 1er octobre 2012, p. 36.
(18) Cass. civ. 1, 13 novembre 2008, n° 07-15.172, F-D (N° Lexbase : A2295EBM).
(19) Que la Chambre commerciale traite comme des cautions averties (Cass. com., 12 novembre 2008, n° 07-15.949, F-D N° Lexbase : A2301EBT), alors que la première chambre civile les qualifie de cautions profanes (Cass. civ. 1, 30 avril 2009, n° 07-18.334, FS-P+B+I N° Lexbase : A6440EGM).
(20) V. par exemple les hésitations engendrées par Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-20.204, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0244KT9), JCP éd. G 2014, p. 686, note Ph. Simler ; Ch. Lebel, Transmission universelle du patrimoine en cas de fusion : transmission du cautionnement aussi !, Lexbase Hebdo n° 365 du 16 janvier 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N0227BUX).
(21) Entreprise ébauchée par la Cour de cassation : Cass. civ. 3, 25 mars 1998, n° 96-17.307 (N° Lexbase : A5492ACE), Bull. Joly, 1998, p. 635, obs. A. Couret, Banque et droit, 1999, p. 47, obs. N. Rontchevsky ; Cass. com., 8 novembre 2011, n° 10-24438, F-D (N° Lexbase : A8873HZN), JCP éd. G, 2012, 626, n° 4, obs. Ph. Simler, RDBF, 2012, comm. 8, obs. A. Cerles, Dr. et patr., 2012, n° 211, p. 86, obs. Ph. Dupichot, Gaz. Pal., 22 décembre 2011, p.18, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, n° 11-17.948, FS-P+B (N° Lexbase : A7475ISN), J.-B., Lenhof, Garantie hypothécaire donnée par une SCI et respect de l'intérêt social, Lexbase Hebdo n° 314 du 23 octobre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N4131BT8).
(22) A l'heure actuelle, entre l'irresponsabilité du dirigeant (Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-15.418 N° Lexbase : A5458AC7, JCP éd. E, 1998, p. 2025, note A. Couret) et celle de la société (Cass. com., 15 janvier 2013, n° 11-27.648, F-P+B (N° Lexbase : A4980I3T), D., 2013, p. 624, note B. Dondero ; JCP éd. G, 2013, 585, n° 5, obs. Ph. Simler ; Ch. Lebel, Précisions jurisprudentielles en matière d'autorisation des garanties, Lexbase Hebdo n° 328 du 21 février 2013 - édition affaires N° Lexbase : N5920BTG), c'est le créancier qui pâtit le plus de l'absence d'autorisation.
(23) D'où la résistance de la cour d'appel de Paris. Cf. supra.
(24) A cette hypothèque, il faut ajouter la fiducie-sûreté, et cinq priorités, qui sont des rangs prioritaires s'exerçant lors de la réalisation des biens visés par la priorité, et ne conférant aucun droit réel à leur titulaire: D. Pratte, Priorités et hypothèques, Ed. Revue de Droit de l'Université de Sherbrooke, 3ème éd. 2012, p. 453.
(25) C.c.Q., art. 2660.
(26) C.c.Q., art. 2665, al. 2.

newsid:443652

Licenciement

[Brèves] Justification d'une différence de traitement conventionnelle concernant l'indemnité de licenciement due aux cadres dirigeants

Réf. : Cass. soc., 24 septembre 2014 n° 13-15.074, FS-P+B (N° Lexbase : A3147MXT)

Lecture: 1 min

N3915BUK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443915
Copier

Le 02 Octobre 2014

Est justifiée la différence de traitement conventionnelle concernant l'indemnité de licenciement due aux des cadres dirigeants dès lors que, dans le contexte de la gestion des établissements d'une association, ces cadres-dirigeants, qui ont la responsabilité directe de la mise en oeuvre du projet associatif, sont plus exposés que les autres salariés au licenciement, comme directement soumis aux aléas de l'évolution de la politique de la direction générale. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 24 septembre 2014 (Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-15.074, FP-P+B N° Lexbase : A3147MXT). Dans cette affaire, M. J. avait été engagé par une association le 1er septembre 1981 en qualité de chef de service éducatif. Par la suite, il avait été licencié le 2 avril 2010 et avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. La cour d'appel (CA Montpellier, 4ème ch., 6 février 2013, n° 11/05459 N° Lexbase : A6142I7M) l'ayant débouté de ses demandes de complément d'indemnité de licenciement, M. J. a formé un pourvoi en cassation. La Haute juridiction rejette le pourvoi et approuve les juges du fond d'avoir déduit, après avoir relevé que dans le contexte de la gestion des établissements de l'APAJH 11, les cadres-dirigeants, qui ont la responsabilité directe de la mise en oeuvre du projet associatif, sont plus exposés que les autres salariés au licenciement, comme directement soumis aux aléas de l'évolution de la politique de la direction générale, que la différence de traitement prévue à l'article 15.2.3.2 de la Convention collective des établissements hospitaliers privés à but non lucratif du 31 octobre 1951 pour le calcul de l'indemnité de licenciement, laquelle avait pour objet de prendre en compte les spécificités de la situation des cadres dirigeants liées aux conditions d'exercice de leurs fonctions et à l'évolution de leur carrière, était justifiée .

newsid:443915

Procédure administrative

[Jurisprudence] Une appréciation ferme des modalités de clôture d'une instruction rouverte à la suite de la communication d'un mémoire après la clôture initiale

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 23 juin 2014, n° 352504, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7713MR4)

Lecture: 13 min

N3640BUD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443640
Copier

par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 18 Septembre 2014

La procédure administrative contentieuse est d'abord dite inquisitoriale. Le juge y joue un rôle actif dans la recherche de la vérité, au point que l'on soutient souvent qu'en matière d'excès de pouvoir il n'y a pas de charge de la preuve. Le premier moyen d'investigation réside dans l'instruction et les pouvoirs généraux donnés au juge administratif, dans ce cadre, lui permettent normalement de démêler le vrai du faux dans les débats qu'il lui appartient d'arbitrer. Des actes de procédure (requêtes, mémoires, notes en délibéré) ont pour objet de délimiter le litige et d'exposer l'ensemble des prétentions des parties en énonçant les faits pertinents, les conclusions et les moyens et arguments des parties. Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, l'instruction s'achève, en principe, à la date de la clôture de l'instruction. L'instruction d'une affaire devant les juges du fond est normalement close trois jours francs avant la date de l'audience. Cette clôture est automatique et n'appelle aucune décision particulière (CJA, art. R. 613-2 N° Lexbase : L5878IGS), sachant que le délai de trois jours francs est compté sans que soit décompté le samedi, le dimanche ou le jour férié qu'il pourrait comporter ou selon qu'il est ou non précédé d'un tel jour (1). Le président des formations de jugement a le pouvoir de fixer la date de la clôture de l'instruction par voie d'ordonnance. Les dispositions du Code de la justice administrative lui en offrent la possibilité (CJA, art. R. 613-1 N° Lexbase : L5927IGM et R. 611-11 N° Lexbase : L3106ALM), mais ne lui en imposent pas l'obligation (2). Les difficultés apparaissent quand un mémoire "de dernière minute" est transmis à la juridiction qui décide de le communiquer à la partie adverse. Le juge doit, en la matière, concilier plusieurs préoccupations. D'une part, il doit préserver son pouvoir de direction sur la phase d'instruction et donc le principe du caractère inquisitorial de la procédure. S'y ajoutent les nécessités du bon fonctionnement de la justice. Ces nécessités tiennent, par exemple, à la notion de rigueur procédurale, à la lutte contre les retards et négligences des parties qui rallongent, devant les tribunaux et cours d'appel, les délais de jugement au détriment du droit garanti aux justiciables par l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). D'autre part, si le juge peut préférer ignorer certains éléments de preuve afin de sanctionner la défaillance des requérants, c'est au détriment de leur droit d'accès au juge et au prix du sacrifice de l'exactitude matérielle des faits pris en compte pour la décision. Le juge doit avoir le souci de faire triompher la vérité en disposant de tous les éléments de fait et de droit utiles à la décision, même tardivement. Il doit favoriser la contradiction et donc favoriser l'accès au juge des justiciables même s'ils ne le méritent pas.

L'arrêt d'espèce est ici un exemple de ce contentieux assez abondant où le juge tente justement de concilier assez subtilement l'ensemble de ses préoccupations. Il ressort des pièces du dossier que, dans un litige portant sur un refus d'autorisation administrative de licenciement, le greffe de la cour administrative d'appel de Nancy avait communiqué à la société défenderesse, moins de trois jours francs avant l'audience et, par suite, après clôture automatique de l'instruction, un mémoire complémentaire de la requérante ainsi que la copie d'un rapport du directeur départemental du travail de Paris versée au dossier par l'administration, en la priant de produire ses observations éventuelles dans les meilleurs délais. Le Conseil d'Etat a, tout d'abord, rappelé que, "lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction". Il a, ensuite, estimé que, "lorsque le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique trois jours avant l'audience prévue par l'article R. 613-2 [...] il appartient à ce dernier, qui, par ailleurs, peut toujours, s'il estime nécessaire, fixer une nouvelle date d'audience, de clore l'instruction ainsi ouverte". Par suite, en s'abstenant de clore à nouveau l'instruction alors que le délai de trois jours francs prévu par l'article R. 613-2 était expiré, la cour administrative d'appel a rendu son arrêt au terme d'une procédure irrégulière. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

En expliquant les modalités de clôture d'une instruction rouverte, le Conseil d'Etat clarifie les effets et les conséquences de cette réouverture à travers un rappel exigeant à la rigueur procédurale et au respect des nécessités du bon fonctionnement de la justice (II) mais, en agissant de la sorte, il permet aussi de confirmer, au préalable, la tendance jurisprudentielle qui vise, sur la phase de clôture de l'instruction, à préserver et rappeler l'importance des pouvoirs de direction du juge en la matière à un moment où c'est surtout l'accès au juge des justiciables et l'approfondissement de la contradiction qui ont été favorisés (I).

I - La confirmation de la volonté de préserver les pouvoirs de direction du juge sur la phase de clôture de l'instruction

Les règles et les effets liés à la clôture de l'instruction sont le reflet de la tension qui peut exister dans la conciliation entre le respect des nécessités d'une rigueur procédurale et les nécessités de faire triompher la vérité. La manière dont ces règles et effets sont littéralement énoncés dans le Code de justice administrative n'a plus grand-chose à voir avec la manière dont le Conseil d'Etat les conçoit. Pour autant, si l'on pouvait percevoir une tendance jurisprudentielle à un certain assouplissement dans le souci de favoriser l'accès au juge des justiciables, il semble que le juge fasse aujourd'hui davantage mention du maintien d'une certaine rigueur procédurale au détriment de la recherche de la vérité et d'une plus grande contradiction, ce que semble confirmer l'arrêt d'espèce. En ce sens, est confirmé le fait qu'il n'y ait pas d'obligation d'analyse des mémoires produits après la clôture de l'instruction (A), tout comme il n'y pas d'obligation de réouverture de l'instruction lors de la production de tels mémoires (B).

A - L'absence d'obligation d'analyse des mémoires produits après la clôture de l'instruction

S'agissant des effets attachés à la clôture de l'instruction, l'article R. 613-3 du Code de la justice administrative (N° Lexbase : L3134ALN) énonce, de façon très stricte, que "les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction" (3). Le Conseil d'Etat a entrepris d'atténuer la portée de ce principe et a, dans une très large mesure, neutralisé cette disposition. Dans ces décisions "Leniau" (4) et "Préfet des Pyrénées-Orientales" (5), il a, en effet, facilité une meilleure prise en compte des productions intervenant après le terme officiel de l'instruction. Si la première décision concerne spécifiquement les notes en délibéré, la seconde porte sur l'ensemble des "productions postérieures à la clôture de l'instruction". Ces deux arrêts de principe mettent en place un régime très proche fondé sur le pouvoir inquisitorial du juge et justifié par la nécessité pour le juge de remplir son office de "bien juger".

Pour autant, le juge a l'obligation d'examiner la pièce, il doit la mentionner dans les visas, mais il n'est pas obligé de l'analyser. Pour attester qu'il a satisfait à l'obligation de prendre connaissance de la production, le juge peut se borner à la viser au nombre des "autres pièces du dossier", un visa spécifique n'étant pas nécessaire. De même, la circonstance qu'il a cru devoir indiquer à cette même fin qu'en application de l'article R. 613-3, la pièce produite après la clôture de l'instruction "n'a pas été examinée" par lui, est sans incidence sur la régularité de la décision (6). A l'inverse, est entaché d'une irrégularité justifiant son annulation un arrêt dont les visas ne font pas mention d'un mémoire enregistré après la clôture de l'instruction et avant l'audience publique (7).

A partir du moment où le mémoire est visé, le juge ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 613-3. Il en va ainsi d'un mémoire parvenu sous forme de télécopie au greffe avant la clôture de l'instruction, et qui a été confirmé par un mémoire reçu après la clôture (8). Toujours dans la même logique, la seule circonstance qu'une cour administrative d'appel a, non seulement visé, mais aussi analysé un mémoire en défense enregistré après la clôture de l'instruction, sans mentionner dans l'analyse de ce mémoire une fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête d'appel, est sans incidence sur la régularité de son arrêt (9).

Dans le cas où un requérant fait valoir qu'une cour administrative d'appel a omis de mentionner dans les visas un mémoire en réplique et les observations apportées en réponse, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à vicier la régularité des arrêts attaqués dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs (10). Enfin, dans le cas où un mémoire émane d'un défendeur et que les conditions de sa communication sont discutées par un autre défendeur, le caractère contradictoire de l'instruction n'est également pas méconnu. C'est le cas, d'une part, si le mémoire poursuit les mêmes fins que celui déjà produit par le codéfendeur et, d'autre part, ne développe que des moyens ou argumentations n'appelant aucune discussion de la part de ce dernier. Le litige concernait un permis de construire et le mémoire produit et communiqué le jour de la clôture de l'instruction avait été présenté par l'auteur de la décision. Le plaignant était le bénéficiaire de l'autorisation auquel il est donc opposé l'inutilité de la communication (11).

B - L'absence d'obligation de réouverture de l'instruction en cas de mémoires produits après la clôture de l'instruction

Les formes que peut prendre la décision de rouvrir l'instruction sont de trois sortes. Elle peut être décidée par la formation de jugement elle-même qui prononcera un jugement avant dire droit. La transmission par le tribunal d'un mémoire aux autres parties implique, ensuite, nécessairement la décision de rouvrir l'instruction (12). Mais outre ces deux formes, la réouverture procède en principe d'une ordonnance prise par le président de la formation de jugement. L'article R. 613-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3135ALP) dispose que "le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours".

En ce sens et en raison de l'utilisation du verbe pouvoir dans la rédaction de l'article précité du Code de justice administrative, la réouverture de l'instruction est facultative. La décision de faire droit à une demande de réouverture est entièrement discrétionnaire et la prise en compte d'une demande là où elle ne s'impose pas ne peut faire l'objet d'un contrôle de la part du juge d'appel. Un président de tribunal administratif peut, par exemple, sans porter atteinte aux droits de la défense, décider de ne pas rouvrir l'instruction, alors que cette mesure a été demandée par le nouvel avocat désigné par le défendeur (13).

De même, un tribunal peut, sans entacher son jugement d'irrégularité, refuser de rouvrir l'instruction pour permettre à une partie de répondre à un mémoire produit peu avant la clôture d'instruction et ne comportant pas d'élément nouveau (14). Dans le même sens, quand un désistement parvient après la clôture de l'instruction, le tribunal administratif a la faculté de rouvrir l'instruction et de donner acte du désistement après l'avoir communiqué aux parties, mais il n'est pas tenu de le faire. Est aussi régulier le jugement qui statue en l'état du dossier à la date de clôture de l'instruction (15). Enfin, dans le cas où le mémoire produit par les requérants postérieurement à la clôture de l'instruction et à l'audience publique contenait des éléments de fait relatifs à des formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7749HZZ), alors que ceux-ci étaient en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction, la réouverture de l'instruction n'était également pas obligatoire (16).

II - La confirmation du maintien d'une certaine rigueur procédurale attachée aux effets de la réouverture de l'instruction

Lorsque le juge décide de rouvrir l'instruction, il doit aller au bout de sa logique et s'attacher à faire respecter toutes les conséquences procédurales attachées à cette réouverture (B). L'arrêt d'espèce confirme ainsi le maintien d'une certaine rigueur procédurale attachée aux effets de la réouverture de l'instruction. Elle fait suite à une appréciation déjà assez restrictive des conditions rendant obligatoire la réouverture de l'instruction (A), mais l'ensemble témoigne d'une volonté du juge de bien marquer le fait que la procédure est inquisitoriale et qu'il reste, en définitive, le maître de la procédure.

A - Une appréciation restrictive des conditions rendant obligatoire la réouverture de l'instruction

Si la procédure est normalement facultative, la réouverture de l'instruction peut s'imposer dans certains cas de figure. En réalité, plus qu'encouragée, la réouverture de l'instruction tend désormais à s'imposer au juge dans certains cas précis. L'analyse du mémoire peut être rendue obligatoire lorsque sont en cause les exigences de la contradiction, le respect des droits des parties, mais aussi la nécessité d'établir l'exactitude matérielle des faits et le droit applicable en l'espèce. Plus précisément, selon la formulation retenue dans l'arrêt "Leniau" précité et régulièrement confirmée depuis lors, la prise en compte du mémoire est obligatoire, à peine d'irrégularité de la décision, soit en cas "d'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office". Cette formulation a été reprise in extenso par la jurisprudence ultérieure et notamment l'arrêt "Préfet des Pyrénées-Orientales" précité qui généralise ce régime à tout type de production.

Ainsi, par exemple, lorsque le juge se prononce en matière de plein contentieux et qu'aucune disposition n'a fixé la clôture de l'instruction, un changement des circonstances de fait et de droit intervenu avant la lecture de la décision emporte nécessité de rouvrir l'instruction contradictoire (17). De même, quand un requérant invoque à son bénéfice, dans un mémoire produit après la clôture de l'instruction, une décision du Conseil d'Etat intervenue peu avant celle-ci, le tribunal administratif ne peut régler le litige dont il était saisi sans tenir compte de ce mémoire, qui contenait l'exposé d'une circonstance de droit nouvelle, et sans rouvrir l'instruction sous peine de rendre son jugement à l'issue d'une procédure irrégulière (18).

Pourtant, les documents tardivement présentés, bien que potentiellement déterminants, peuvent ne pas être analysés parce que le Conseil d'Etat interprète strictement les conditions rendant obligatoire la réouverture de l'instruction. Dans l'arrêt "Montmeza" précité, le juge a considéré qu'il n'avait pas l'obligation de rouvrir l'instruction malgré un élément de fait potentiellement déterminant pour l'issue de la procédure, dès lors que l'administration disposait de la faculté de communiquer la pièce avant la clôture de l'instruction, et en tout état de cause, bien avant la tenue de l'audience.

Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat ne fait pas référence aux circonstances particulières de l'espèce et c'est bien l'absence de circonstances permettant de justifier le retard des requérants qui semble fonder la solution. Ainsi, l'obligation faite au juge de prendre en compte les productions tardives et donc de rouvrir l'instruction reste l'exception malgré les assouplissements jurisprudentiels récents. L'approche retenue par le Conseil d'Etat peut être qualifiée de restrictive du point de vue des requérants mais elle a le mérite de préserver la marge de liberté du juge administratif dans une période où, justement, il se voit imposer de nouvelles obligations. Cette approche a également été retenue au préalable par certaines cours d'appel (19).

B - Une appréciation rigoureuse des conséquences procédurales attachées à la réouverture de l'instruction

L'arrêt d'espèce confirme les conséquences attachées à la réouverture de l'instruction s'agissant de l'office du juge. Dès que l'instruction a été rouverte, le juge doit prendre en compte l'ensemble des éléments produits devant lui postérieurement à la clôture initiale et statuer en fonction de ces éléments, quitte à les écarter sur le fond. Il ne lui est pas loisible de les écarter au seul motif que le mémoire tardif ne révélait, en définitive, aucune circonstance de fait nouvelle dont le requérant n'aurait pas été en mesure de faire état avant la précédente clôture de l'instruction et qu'il aurait pu ne pas être communiqué (20).

La réouverture de l'instruction empêche ainsi un certain retour en arrière une fois un certain stade dépassé. Il n'y a pas de sanction du juge suprême dans les hypothèses de réouvertures facultatives quand il y a refus de rouvrir. En revanche, quand le juge a des remords, il est sanctionné, il doit tirer toutes les conséquences d'une instruction poursuivie, ce qui implique, le cas échéant, la tenue d'une nouvelle audience (21) et, comme en l'espèce, de clore à nouveau l'instruction rouverte sous peine d'irrégularité de la procédure.

Si l'instruction peut être implicitement rouverte par la communication d'un mémoire, elle ne peut, en revanche, qu'être expressément close et une audience sans clôture explicite de l'instruction est irrégulière. Si un mémoire est communiqué après la clôture, il y a donc réouverture implicite ou explicite des débats, l'audience qui suit doit obligatoirement être précédée d'une clôture. Ce sera donc soit une clôture expresse, soit un renvoi à une nouvelle audience, laquelle sera nécessairement précédée d'une clôture expresse ou automatique trois jours avant la date prévue (22).

Il a pu être jugé dans le même ordre d'idée que, lorsque le juge des référés décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, il doit être regardé, dans ces conditions, comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient alors, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close, et il ne saurait rendre son ordonnance tant que l'instruction est ainsi rouverte (23).

Concernant l'arrêt "Elections municipales de Grenoble" précité et l'obligation de tenir une nouvelle audience, il y a là encore une appréciation tout à fait logique de la part du juge dans la mesure où "la contradiction entre les parties ne saurait rester en apesanteur" (24). A quoi bon rouvrir l'instruction si ce n'est pas pour nourrir les débats publics et une nouvelle délibération de la formation de jugement ? Le tribunal doit aller au bout de la logique processuelle. Comme le relève le rapporteur public Mattias Guyomar, "la loyauté du procès implique la clarté des choix de procédure" (25). Si le juge décide de communiquer des mémoires produits après la clôture de l'instruction compte tenu de l'intérêt qu'il y décèle pour la résolution du litige, il doit reprendre l'ensemble de la procédure. Le procès administratif repose sur une logique interne qui ne saurait être remise en cause.

Au rapporteur public de poursuivre qu'il y a "un ordre des séquences à respecter : l'instruction précède la séance publique et c'est au terme de celle-ci que le périmètre du litige est cristallisé. C'est pourquoi il ne peut valablement y avoir de poursuite masquée de l'instruction aux incidences incernables" (26). Dans tous les cas, s'il y a réouverture de l'instruction, le litige doit faire l'objet d'une nouvelle audience à l'issue du débat contradictoire qui s'est ainsi poursuivi et, si l'instruction a été rouverte, il appartient au juge de clore à nouveau l'instruction sous peine d'irrégularité de la procédure. Il y a là, au final, une approche assez manichéenne, sans nuances et sans état intermédiaire, de l'état de l'instruction de la part du juge, même si celle-ci peut se révéler difficile à comprendre et à maîtriser de la part des justiciables.


(1) CE, Avis, 9 avril 1999, n° 202344, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3481AX9).
(2) CE 1° et 4° s-s-r., 22 juin 1992, n° 65316, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7085ART).
(3) Voir, par exemple, CE 3° et 5° s-s-r., 10 janvier 2000, n° 197886, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6944B7C).
(4) CE 3° et 8° s-s-r., 12 mai 2003, n° 231955, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0369B7S), p. 309, RFDA, 2003, p. 307, concl. D. Piveteau.
(5) CE, Sect., 27 février 2004, n° 252988, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3647DBP), p. 94.
(6) CE 1° et 6° s-s-r., 7 juin 2012, n° 342328, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4023INC) et CE 3° et 8° s-s-r., 13 juillet 2012, n° 352115, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8423IQZ).
(7) CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 258164, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1312DKS).
(8) CE 3° et 8° s-s-r., 19 mars 2003, n° 228229, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6483BLP).
(9) CE 9° et 10° s-s-r., 9 juillet 2010, n° 304254, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1299E4U), p. 906.
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 2 juin 2006, n° 263423, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7244DPY), p. 1022 .
(11) CE 1° et 6° s-s-r., 11 juillet 2012, n° 347001, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8406IQE).
(12) CE 1° et 6° s-s-r., 4 mars 2009, n° 317473 et n° 317735, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5793EDW).
(13) CE 3° et 5° s-s-r., 19 avril 1989, n° 80244, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1948AQ9), p. 859.
(14) CE 8° et 9° s-s-r., 20 mars 1996, n° 162927, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8388ANY).
(15) CE 3° et 5° s-s-r., 5 avril 1996, n° 141684, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8641AND), p. 121.
(16) CE 9° et 10° s-s-r., 19 décembre 2008, n° 297716, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8832EBQ), p. 841.
(17) CE, Sect., 19 novembre 1993, n° 100288, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1771ANW), p. 326.
(18) CE 3° et 8° s-s-r., 22 mai 2013, n° 350551, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9267KDL).
(19) CAA Douai, 1ère ch., 16 décembre 2004, n° 04DA00131 (N° Lexbase : A9971DEZ) ou CAA Marseille, 6ème ch., 7 juillet 2005, n° 02MA00857 (N° Lexbase : A6956DL9).
(20) CE 1° et 6° s-s-r., 27 juin 2007, n° 293349 et n° 293400, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9628DWI), p. 1018.
(21) CE 8° s-s., 30 avril 2009, n° 322149, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7747EGZ), AJDA, 2009, p. 1054, concl. M. Guyomar.
(22) CE 1° et 6° s-s-r., 7 décembre 2011, n° 330751, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1748H4I).
(23) CE 1° et 6° s-s-r., 26 septembre 2012, n° 359479, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6405ITE).
(24) Concl. M. Guyomar préc., AJDA, 2009, p. 1054.
(25) Ibid.
(26) Ibid.

newsid:443640

Procédure civile

[Brèves] Atteinte à la vie privée et droit à la preuve

Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-22.612, F-P+B (N° Lexbase : A4236MWS)

Lecture: 2 min

N3698BUI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443698
Copier

Le 24 Septembre 2014

Le simple récit d'activités, observées à partir de la voie publique, notamment en direction du balcon d'une personne, ne constitue pas une atteinte à sa vie privée. Une telle atteinte n'est pas disproportionnée lorsque, eu égard au droit à la preuve de toute partie en procès, elle se réduit, à la simple constatation de l'absence de port de lunettes lors de la conduite d'un véhicule ou lors du ménage et rangement d'un balcon, et qu'aucune atteinte au droit de chacun sur son image ne peut être retenue dès lors que la mauvaise qualité de celle-ci, au terme d'une constatation souveraine effectuée, rend impossible l'identification de la personne représentée. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 septembre 2014 (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-22.612, F-P+B N° Lexbase : A4236MWS ; lire sur le sujet N° Lexbase : N3464BUT). Selon les faits de l'espèce, à la suite d'un litige ayant opposé Mme K. à un institut de beauté, M. R., avocat de ce dernier, a été condamné pour avoir produit, à l'encontre de la première, les pièces défavorables d'une procédure pénale non encore achevée, violant ainsi la présomption d'innocence, mais a écarté le grief allégué d'atteinte à sa vie privée et à son image. Mme K. a ensuite fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors que toute immixtion arbitraire dans la vie d'autrui est prohibée. Dès lors, a-t-elle soutenu, constitue une atteinte à la vie privée l'immixtion tenant à la photographie et au récit des activités d'une personne se trouvant sur le balcon de son propre domicile. En jugeant pourtant que le simple récit d'activités, visibles à partir de la voie publique, ne constituait pas une atteinte à la vie privée, après avoir pourtant constaté que les activités observées se déroulaient sur le balcon du domicile de Mme K., la cour d'appel a violé les articles 9 (N° Lexbase : L3304ABY), 9-1 (N° Lexbase : L3305ABZ) et 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) ainsi que l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR). Les juges rejettent son pourvoi en énonçant les règles ci-dessus rappelées (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E7396ET4 et "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4094ETS).

newsid:443698

Propriété intellectuelle

[Brèves] Exception de parodie au droit d'un artiste-interprète : réunion des conditions de finalité humoristique et d'absence de risque de confusion

Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-14.629, FS-P+B (N° Lexbase : A4328MW9)

Lecture: 2 min

N3703BUP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443703
Copier

Le 19 Septembre 2014

Dans un arrêt du 10 septembre 2014 (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-14.629, FS-P+B N° Lexbase : A4328MW9), la première chambre civile de la Cour de cassation retient que la parodie se révèle substantiellement différente de l'interprétation parodiée, et confirme un arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 21 septembre 2012, n° 11/12027 N° Lexbase : A2642ITZ) ayant jugé que les deux conditions de finalité humoristique et d'absence de risque de confusion, telles qu'elles résultent de l'article L. 211-3, 4° du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L4191IRN), sont remplies. En l'espèce, la veuve et les filles de l'acteur Bruno Crémer ont repris l'instance par laquelle celui-ci avait assigné une société à laquelle il reprochait d'avoir publié, en 2008 et 2009, deux albums de bandes dessinées qui, intitulés "Crémèr et le maillon faible de Sumatra", puis "Crémèr et l'enquête intérieure", renvoyaient l'un et l'autre au rôle du commissaire Maigret, tiré des romans de Georges Simenon, et joué par le comédien dans cinquante-quatre téléfilms. La cour d'appel a accueilli et sanctionné par des dommages-intérêts leurs demandes relatives aux droits de Bruno Crémer sur ses nom, image, vie privée, et à l'utilisation abusive et mercantile de sa notoriété, mais les a déboutées de celles qui concernaient tant l'atteinte à ses droits d'artiste-interprète que la condamnation à cesser toute diffusion et publicité de deux publications. Les héritiers ont donc formé un pourvoi en cassation que la Cour régulatrice rejette. Elle relève, en effet, que la cour d'appel a retenu que, si les bandes dessinées litigieuses utilisent, clairement et sans nécessité, sans son autorisation et à ses dépens, le nom, la corpulence et les traits de Bruno Crémer, comédien devenu l'incarnation du commissaire Maigret aux yeux du public par son interprétation dans les nombreux épisodes de la série télévisée, et donnent du "commissaire Crémèr" une image particulièrement ridicule et dévalorisante, notamment du fait des situations dans lesquelles il se retrouve, de sa nudité affichée, de son manque de compétence ou encore des idées qui lui sont attribuées, leur lecture montre que l'intention des auteurs n'a pas été d'offrir une version dégradée de l'interprétation qu'assumait avec application et sérieux Bruno Crémer et d'avilir le jeu de l'acteur, mais de tirer parti du décalage entre les enquêtes fictives du "commissaire Crémèr" et l'interprétation que le public avait coutume de voir lors de la diffusion de la série télévisée, la parodie se révélant substantiellement différente de l'interprétation parodiée, de sorte que sont remplies les deux conditions de finalité humoristique et d'absence de risque de confusion, telles qu'elles résultent de l'article L. 211-3, 4° du Code de la propriété intellectuelle.

newsid:443703

Responsabilité

[Brèves] Responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur : la condamnation des parents ne fait pas obstacle à la condamnation personnelle du mineur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 2, 11 septembre 2014, n° 13-16.897, F-P+B (N° Lexbase : A4237MWT)

Lecture: 2 min

N3685BUZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443685
Copier

Le 20 Septembre 2014

La condamnation des père et mère sur le fondement de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS) ne fait pas obstacle à la condamnation personnelle du mineur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) ; telle est la règle dégagée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 septembre 2014 (Cass. civ. 2, 11 septembre 2014, n° 13-16.897, F-P+B N° Lexbase : A4237MWT ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E7769EQS). En l'espèce, par jugement du 18 février 1993, un tribunal pour enfants avait déclaré M. B., un mineur de quinze ans, coupable de blessures volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale de plus de huit jours, commises sur la personne de M. A.. Statuant sur les intérêts civils, le tribunal avait condamné M. B. et ses parents in solidum à verser aux représentants légaux de la victime, une indemnité provisionnelle de 3 000 francs (457,35 euros) et ordonné une expertise médicale de ce dernier. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), après avoir indemnisé la victime, avait exercé son recours subrogatoire à l'encontre de M. B. et de ses père et mère. M. B. faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen (CA Rouen, 16 janvier 2013, n° 12/01412 N° Lexbase : A3867I3M) de le condamner in solidum avec ses parents, ces deux derniers étant condamnés solidairement, à verser au FGTI la somme de 56 380,41 euros et de les condamner solidairement à verser à ce dernier la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG), soutenant que n'est pas tenu à indemnisation à l'égard de la victime l'enfant mineur dont les parents sont solidairement responsables. Il n'obtiendra pas gain de cause. La Cour suprême énonce, en effet, que la condamnation des père et mère sur le fondement de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil ne fait pas obstacle à la condamnation personnelle du mineur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Dès lors, selon la Haute juridiction, la cour d'appel avait retenu à bon droit que la minorité de M. B. ne faisait pas obstacle à sa condamnation à indemniser la victime pour le dommage qu'elle avait subi à la suite de sa faute et qu'il doit l'être in solidum avec ses parents lesquels, seuls, étaient tenus solidairement.

newsid:443685

Responsabilité médicale

[Panorama] Panorama de responsabilité civile médicale (mars 2014 - août 2014) (première partie)

Lecture: 33 min

N3658BUZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443658
Copier

par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 17 Mars 2015

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver, cette semaine, le panorama de responsabilité civile médicale de Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, traitant de l'actualité de mars à août 2014, rendue par les juridictions administratives et judiciaires. La première partie de ce panorama, publiée cette semaine, est consacrée aux différents cas d'indemnisation : la faute médicale, les infections nosocomiales, les produits de santé, et enfin la naissance d'un enfant handicapé ; une seconde partie, publiée la semaine prochaine, traitera exclusivement de l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la responsabilité et des procédures d'indemnisation. 1. Cas d'indemnisation

1.1. Faute médicale

  • Ne commet pas de faute dans l'organisation du service, la clinique à qui est reproché le retard pris dans la fourniture des moyens nécessaires à une opération, alors qu'elle n'en avait pas été informée en temps utile ni de la nécessité de commander le matériel nécessaire faute, d'une part, d'avoir reçu une commande de matériel devant être réalisé par le praticien, et, d'autre part, en l'absence d'indication du nom du patient sur le registre des admissions à la date prévue pour l'intervention (Cass. civ. 1, 18 juin 2014, n° 13-18.508, F-D N° Lexbase : A5840MRQ ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E0314ER3)

L'affaire. L'affaire concernait la pose d'un neuro-stimulateur qui avait dû être retardée dans la mesure où la clinique ne disposait pas du matériel nécessaire à son implantation.

La cour d'appel (1) avait condamné la clinique après avoir affirmé qu'elle était tenue de fournir les moyens humains et matériels nécessaires à toute opération, et qu'elle était nécessairement avertie des opérations programmées, singulièrement de l'implantation du neuro-stimulateur.

L'arrêt est cassé pour manque de base légale, c'est-à-dire en raison d'une motivation considérée par la Haute juridiction comme "générale", la clinique ayant fait valoir en appel qu'elle n'avait reçu de la part du médecin aucune demande précise concernant ce matériel et que le patient ne figurait pas au registre des admissions.

C'est donc vers le médecin qu'il aurait fallu diriger le recours, ce dernier apparaissant comme le seul responsable de la situation.

  • Commet une faute de nature à engager la responsabilité civile du SDIS, le capitaine des sapeurs pompiers qui fait le choix, après un examen sommaire, de suturer la plaie sur le lieu de l'accident en privant ainsi la victime de la possibilité de pratiquer, dans un établissement hospitalier, un examen plus approfondi de la plaie, qui aurait permis de déceler le fragment de tissu à l'origine de l'aggravation de son état (CE, 3° s-s., 12 juin 2014, n° 348483, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6675MQB ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E0175ERW)

Intérêt de la décision. La condamnation du SDIS, employeur du médecin concerné, se justifie ici tant par un défaut de réponse à conclusion que par les faits eux-mêmes qui devaient induire une qualification de faute résultant non pas des modalités de réalisation de l'acte médical, mais du choix de procéder à celui-ci sur le moment, et sur site, sans avoir envisagé de le différer de quelques minutes pour le réaliser dans des conditions qui auraient pu éviter le dommage qui s'est finalement réalisé.

Les faits. Un cycliste avait été victime d'une chute qui lui avait occasionné une plaie à la cuisse, immédiatement suturée dans le véhicule du SDIS par le médecin. Quelques jours plus tard, une infection devait se déclarer due à la présence dans la plaie d'un minuscule morceau de vêtement qui n'avait pas été décelé lors des soins.

La cour administrative d'appel de Bordeaux avait débouté la victime de sa demande indemnitaire, ce qui lui vaut ici la cassation. Pour la juridiction d'appel, en effet, le médecin avait, avant de procéder sur les lieux de l'accident à la suture de la plaie, effectué une exploration visuelle et manuelle de la plaie et l'avait désinfectée sans que cette intervention ne permette de déceler la présence du corps étranger. Par la suite, une échographie n'avait pas davantage permis de déceler la présence du petit morceau de tissu qui s'était glissé dans la plaie derrière un muscle, comme l'a ensuite révélé l'échographie réalisée juste avant l'opération de l'abcès infectieux. Pour les juges, l'absence de détection, sur les lieux de l'accident, des fragments textiles, dont la présence dans la plaie n'avait été soupçonnée qu'avec l'apparition de la tuméfaction inflammatoire nécessitant une intervention chirurgicale, ne pouvait être regardée comme constituant une faute de nature à engager la responsabilité du SDIS de la Gironde.

Mais pour le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel aurait dû répondre au moyen, soulevé devant elle par le demandeur, selon lequel la faute commise par le médecin consistait à avoir fait le choix, après un examen sommaire, de suturer sa plaie sur le lieu de l'accident en se privant ainsi de la possibilité de pratiquer, dans un établissement hospitalier, un examen plus approfondi, qui aurait permis de déceler le fragment de tissu à l'origine de l'aggravation de son état.

C'est donc ici le choix d'une technique inappropriée qui devait être stigmatisé, et non la réalisation même de l'intervention, ce qui aurait été de nature à entraîner la réparation d'une perte de chance d'avoir pu éviter l'infection (2).

  • Commet une faute le psychiatre qui prescrit du Prozac à une patiente mineure, sans avoir au préalable recherché le consentement du père, qui exerçait conjointement l'autorité parentale, et en l'absence d'urgence caractérisée (CE, 4° s-s., 7 mai 2014, n° 359076, inédit au recueil Lebon, contentieux disciplinaire N° Lexbase : A9373MKD (3) ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E5812EYW)

Cadre juridique. La question du consentement des mineurs aux actes médicaux est réglée d'une manière générale, depuis la loi "Kouchner" (loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1457AXA), par les dispositions du Code de la santé publique (4). C'est ainsi que le code considère que ce sont les titulaires de l'autorité parentale qui doivent recevoir l'information médicale, selon les termes de l'article L. 1111-2, alinéa 5, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5232IEI), le texte précisant que les mineurs concernés "ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs [...]" S'agissant du consentement à l'acte médical, celui-ci est également du ressort du représentant légal du mineur, même si l'article L. 1111-4, alinéa 6, du même code (N° Lexbase : L9876G8B), précise que "le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision". Le texte prévoit, enfin, l'hypothèse d'un conflit portant sur la nécessité d'un acte : "dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables".

Il est considéré que ce régime doit tenir compte également de l'article 16-3 du Code civil (N° Lexbase : L6862GTC), qui admet qu'il puisse être porté atteinte à l'exigence d'un consentement préalable à l'acte médical lorsque l'état de l'intéressé "rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir".

Il convient également de tenir compte des obligations déontologiques qui pèsent sur les médecins, et singulièrement des dispositions de l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8324GTH), aux termes duquel "sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible".

De l'application combinée de ces différents textes, résulte l'obligation faite au médecin de recueillir le consentement préalable à l'acte médical des deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale, pour les actes médicaux les plus graves, lorsqu'on n'est pas dans une situation d'urgence caractérisée.

Reste bien entendu à déterminer ce qu'est un acte grave, et c'est tout l'intérêt de cette décision.

Application en l'espèce. Un médecin-psychiatre avait reçu en 2008 une jeune fille de seize ans, accompagnée de son père divorcé mais exerçant conjointement l'autorité parentale avec la mère ; le praticien avait alors diagnostiqué une dépression. A la suite d'une aggravation de son état de santé, le médecin avait de nouveau reçu la jeune fille, accompagnée cette fois-ci de sa mère, et lui avait prescrit du Prozac, sans avoir toutefois cherché à recueillir le consentement du père, ce que ce dernier lui avait reproché en saisissant le conseil de l'Ordre.

La chambre disciplinaire nationale avait considéré que le médecin n'avais commis aucune faute en s'abstenant de prévenir le père du mineur, compte tenu de l'urgence de la situation.

Tel n'est pas l'avis du Conseil d'Etat pour qui les membres de la chambre n'avaient pas relevé "les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d'urgence au sens de l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique, autorisant l'absence d'information du père de la jeune fille mineure". Dès lors, il y a lieu de faire application du principe selon lequel "un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l'égard d'un mineur qu'après que le médecin s'est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement".

Intérêt. Le contentieux en la matière est suffisamment rare pour que la décision du Conseil d'Etat soit signalée (5), et approuvée tant au regard des règles qui gouvernent l'autorité parentale qu'au regard de celles qui résultent du Code de la santé publique (6).

On rappellera, en premier lieu, que l'exercice de l'autorité parentale survit à la séparation du couple parental (7) ; le principe étant posé, les exceptions, directes ou indirectes, doivent donc être interprétées strictement. Or, non seulement la consommation d'un médicament tel le Prozac n'a rien d'anodine et n'entre d'évidence pas dans la liste des actes courants qu'un parent peut accomplir seul, mais de surcroît, la "nécessité" visée à l'article 16-3 du Code civil n'est manifestement pas établie lorsque le père est parfaitement capable d'être informé et de prendre cette décision.

S'agissant des règles du Code de la santé publique, ici encore la solution s'impose dans la mesure où l'article L. 1111-4 n'admet pas d'exception au consentement du ou des représentants légaux, et où l'urgence visée par l'article R. 4127-42 (N° Lexbase : L8324GTH), qui, soit dit-en passant, ne saurait, par son caractère réglementaire, soustraire aux pouvoirs que chaque représentant légal tire de la loi, être caractérisée en dehors d'un risque imminent d'atteinte à la santé physique ou mentale du mineur.

  • Une faute commise dans la pose d'un implant contraceptif peut être à l'origine d'un préjudice moral, la femme ayant dû subir une IVG en Espagne, mais non des préjudices matériels en résultant, cette décision relevant de son seul choix (CE, 5° et 4° s-s-r., 5 mai 2014, n° 357802, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9369MK9)

Les faits. Après la naissance de son septième enfant, une mère de famille avait décidé de se faire poser un implant contraceptif dans le bras. Ayant découvert qu'elle était enceinte et ne pouvant plus, compte tenu de l'écoulement du délai légal, subir d'IVG en France, elle avait dû se rendre en Espagne pour y subir cette intervention par césarienne. Elle avait alors appris à cette occasion qu'en réalité aucun implant n'avait été valablement posé. Elle avait alors agi contre l'hôpital pour faire prendre en charge, au titre des dommages tant moraux que matériels causés par la faute de l'établissement, mais avait été déboutée en première instance, et en appel, en raison du caractère indirect du lien de causalité.

La cassation. Elle obtient cette fois-ci gain de cause devant le Conseil d'Etat, au prix d'une décision très riche. Parmi les éléments de la décision, on relèvera l'affirmation du caractère non fautif du retard pris dans la découverte de sa grossesse, retard résultant non d'une négligence de sa part mais de la croyance en l'existence d'un implant contraceptif rendant cette grossesse improbable (consid. 10), ainsi que le caractère direct du préjudice moral résultant de la découverte de cette grossesse non désirée (indemnisé à hauteur de 10 000 euros).

Le Conseil d'Etat affirme, en revanche, que "les préjudices pécuniaire et esthétique et la souffrance liés aux conditions mêmes de l'interruption volontaire de grossesse que l'intéressée a pris la décision de faire pratiquer ne sont pas en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier".

En d'autres termes, les préjudices matériels résultaient de la seule décision d'interrompre la grossesse, et non de la faute commise dans la mise en place de l'implant qui n'en était qu'une cause indirecte.

Une solution discutable. Ce raisonnement, qui consiste à affirmer que l'exercice de la liberté de choix du patient, interrompt la causalité entre une faute antérieure, et le préjudice qui est résulté du choix réalisé par le patient, n'est pas propre au Conseil d'Etat ; dans une autre affaire, la Cour de cassation avait également refusé d'indemniser la séropositivité d'enfants nés d'un père séropositif après avoir été contaminé par le VIH lors d'une transfusion sanguine, et qui avait librement choisir de concevoir des enfants, et donc pris le risque de leur transmettre le VIH, dans la mesure où la situation des enfants était directement et exclusivement imputable au père et non à la transfusion (8).

Ce refus de considérer l'existence d'un lien de causalité juridique entre la faute et les dommages est discutable dès lors qu'il est admis que la mère de famille avait clairement manifesté sa volonté de ne plus avoir d'enfant, en choisissant de se faire poser un implant contraceptif, que le retard dans la découverte de sa grossesse s'expliquait par la croyance erronée dans l'existence de cet implant, et du lien étroit entre les dommages matériels (les frais engendrés par l'opération) et personnels (notamment les souffrances et séquelles esthétiques) consécutifs à l'opération. Le recours à la théorie de l'équivalence des conditions aurait été sans doute préférable ici.

On rappellera également que, dans une situation analogue, la Cour de cassation avait refusé de tenir compte d'une IVG qui s'était déroulée à l'étranger, non pas en raison du caractère indirect du préjudice, mais au motif, contestable par ailleurs, que la causalité doit s'apprécier au regard des données du droit français, et non de celles d'un droit étranger qui autoriserait une interruption de grossesse là où le droit français la refuserait (9). Fort heureusement, le Conseil d'Etat ne s'engage pas sur cette voie, même si au final la conclusion est la même.

  • Une faute médicale est établie par les rapports d'expert qui mettent en évidence que la lésion due à une dissection de la carotide droite survenue au moment de l'accouchement s'était produite durant les manipulations effectuées soit par l'un, soit par l'autre des médecins ayant pris en charge l'accouchement, même s'il n'est pas possible d'identifier avec précision lequel des médecins a commis cette faute (CE, 5° s-s., 30 avril 2014, n° 354713, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7056MKK ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" [LXB=E0191ERI])

Les faits. Un enfant était né en 1991 en état de mort apparente, et avait été réanimé et placé sous respirateur artificiel, conservant de graves troubles neurologiques et un taux d'incapacité permanente partielle estimée à 75 %. Estimant que l'état de santé de leur fils était imputable à une faute commise par le service public hospitalier lors de l'accouchement, les parents ont agi contre le centre hospitalier, mais ont été déboutés en première instance puis en appel, les magistrats ayant considéré qu'ils n'apportaient aucun élément de nature à démontrer que les manoeuvres d'extraction de l'un ou l'autre des médecins mis en cause auraient été inappropriées ou non conformes aux règles de l'art.

L'arrêt d'appel est cassé dans la mesure où le rapport d'expertise avait démontré que les lésions cérébrales étaient nécessairement consécutives à une dissection de la carotide droite survenue au moment de l'accouchement, même s'il n'était pas possible de l'imputer précisément à l'un ou l'autre des praticiens.

Commentaire. La solution est parfaitement logique et s'inscrit dans le contexte d'utilisation des présomptions graves, précises et concordantes pour établir la causalité dans les affaires de responsabilité médicale (10). La loi du 4 mars 2002, inapplicable compte tenu de l'ancienneté des faits, entérine d'ailleurs cette possibilité de condamné l'hôpital sans imputer précisément la faute à l'un ou l'autre des intervenants, en subordonnant la mise en cause de la responsabilité pour faute à la preuve "d'une" faute médicale, sans autre exigence (11).

  • En l'absence dans le dossier, et par la faute du médecin, d'éléments relatifs à l'état de santé et à la prise en charge de la patiente entre le moment sa naissance, où une hémorragie avait été constatée, et celui de son hospitalisation, il appartient à ce médecin d'apporter la preuve des circonstances en vertu desquelles cette hospitalisation n'avait pas été plus précoce, un retard injustifié étant de nature à engager sa responsabilité (Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 13-14.964, F-D N° Lexbase : A0921MKC ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" [LXB=E9565EQC])

Les faits. Un enfant était né en 1970, présentant un important hématome au niveau du crâne et un creux au niveau de la paupière gauche ; hospitalisé quarante-huit heures après sa naissance pour souffrances méningées néonatales, il est demeuré atteint de graves séquelles psychomotrices. Ses parents avaient été déboutés en appel de leurs demandes indemnitaires, les juges ayant toutefois constaté que le dossier médical ne comprenait pas certaines pièces qui auraient dû y figurer, comme les témoignages écrits de surveillance biologique et clinique de l'enfant, son alimentation réelle pendant les deux premiers jours de vie à la maternité, ainsi que la radiographie du crâne effectuée pendant cette période, car ils avaient considéré que même si le dossier médical avait été complet il n'était pas établi qu'il aurait été de nature à caractériser les fautes commises par le praticien.

La cassation. Cet arrêt est cassé, au visa des articles 1315 (N° Lexbase : L1426ABG) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil. Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, la cour d'appel avait inversé la charge de la preuve "alors qu'en l'absence dans le dossier, par la faute [du médecin], d'éléments relatifs à l'état de santé et à la prise en charge de [l'enfant] entre le moment sa naissance, où une hémorragie avait été constatée, et celui de son hospitalisation, il appartenait au médecin d'apporter la preuve des circonstances en vertu desquelles cette hospitalisation n'avait pas été plus précoce, un retard injustifié étant de nature à engager sa responsabilité".

Intérêt. Cette décision s'inscrit dans la droite ligne de l'arrêt "Lanseur" rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 13 décembre 2012, dès lors que des éléments déterminants pour les requérants ne figurent pas dans le dossier médical, par la faute du médecin ou de l'établissement mis en cause (12). On se rappellera que, dans cette affaire "Lanseur", il s'agissait de l'absence "d'enregistrement du rythme foetal pendant plusieurs minutes" à un moment critique de l'accouchement, et que la Haute juridiction avait alors, au visa des mêmes articles 1315 et 1147 du Code civil, affirmé qu'"il incombait à la clinique d'apporter la preuve qu'au cours de cette période, n'était survenu aucun événement nécessitant l'intervention du médecin obstétricien". En d'autres termes, l'absence fautive d'éléments devant figurer obligatoirement au dossier médical crée, au bénéfice du patient, une présomption favorable qu'il appartient au médecin, ou à l'établissement, de combattre en rapportant la preuve que les faits concernés par les documents manquant excluent l'existence de la faute médicale, ou de l'imputabilité du dommage à l'acte médical considéré.

Cette solution est parfaitement justifiée.

Le Code de la santé publique impose, en effet, aux professionnels de santé la tenue d'un dossier médical (13) destiné à rassembler les éléments dont ils sont les comptables, et dont le patient doit avoir connaissance, s'il le souhaite. Il est donc parfaitement logique que cette obligation soit sanctionnée, lorsqu'elle n'est pas respectée, et singulièrement qu'on ne puisse pas exonérer l'acteur de santé de toute responsabilité sous prétexte que les éléments factuels attestés par le dossier médical ne peuvent pas être établis, faute de pièces ; ce serait alors permettre au responsable de s'exonérer en faisant disparaître les pièces susceptibles de le mettre en cause. Dès lors, il semble juste de faire bénéficier le patient d'une présomption de vérité s'agissant des éléments qui ne figurent pas au dossier médical, alors qu'ils devraient y être, tout en laissant à l'établissement, qui présente d'évidence la meilleure aptitude à la preuve, la possibilité de présenter d'autres éléments de preuve.

  • Absence de faute de surveillance à la suite de la fugue d'un patient hospitalisé après un AVC (Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 13-15.561, F-D N° Lexbase : A1005MKG)

Les faits. Un jeune homme, victime d'un accident vasculaire cérébral, avait été hospitalisé avant de fuguer de l'établissement. Sa famille tentait d'obtenir réparation des préjudices subis pendant cette nuit de fugue, en vain.

La solution. Pour mettre hors de cause l'établissement, la Cour de cassation relève que, si lors de son admission le patient semblait désorienté dans l'espace et le temps, il n'était pas agité avant qu'il eût arraché sa perfusion et qu'il fugue, que son état n'exigeait alors des diligences particulières telles que la mise en place d'une surveillance constante, des mesures de contention ou l'administration d'un sédatif, que, vers 4 heures du matin, l'infirmière de garde, lorsqu'elle a constaté qu'il avait quitté sa chambre, errait dans les couloirs de la clinique et devenait très agressif, après l'avoir recouché, avait immédiatement appelé le médecin qui était arrivé en quelques minutes et avait constaté sa disparition, que les secours étaient aussitôt intervenus et que l'intéressé avait été retrouvé rapidement. Constatant encore que les portes de l'établissement étaient fermées à partir de 20 heures 30, que le patient avait vraisemblablement, compte tenu de ses blessures, escaladé l'enceinte grillagée de l'établissement, haute de trois mètres, et que la clinique, en tant qu'établissement de gériatrie, ne pouvait se voir imposer un dispositif renforcé comparable à celui d'un hôpital psychiatrique, les juges avaient considéré qu'aucune faute de surveillance ne pouvait être mise à la charge de l'établissement.

Appréciation. Pour établir la faute de surveillance le juge tient compte, classiquement, de l'état du patient avant l'accident, et de la nature, spécialisée ou non, de l'établissement (14), et sera d'ailleurs peu enclin à condamner dans des établissements non spécialisés (15) qui ne sont pas censés prendre des mesures de surveillance particulières pour les patients ordinaires qui ont par ailleurs le droit de quitter l'établissement, s'ils le souhaitent.

  • Un médecin, tenu, par l'article R. 4127-5 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8699GTD), d'exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science (Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-14.288, FS-P+B+I N° Lexbase : A6878MKX ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E9509EQA)

Les faits. Une patiente avait consulté, en 2002, un médecin pour obtenir un deuxième avis, à la suite d'une suspicion de tumeur de l'utérus (léomyosarcome), avancée par un confrère, le premier qui avait préconisé une hystérectomie. Elle était décédée des suites de ce cancer en 2009. La responsabilité du second médecin n'avait pas été retenue en appel car les magistrats avaient considéré qu'il n'avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère.

Pour obtenir la cassation de cet arrêt, le demandeur prétendait qu'il avait commis une faute en posant un diagnostic moins sévère.

Tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi et confirme ainsi l'arrêt d'appel, la Haute juridiction considérant "qu'un médecin, tenu, par l'article R. 4127-5 du Code de la santé publique, d'exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science".

Intérêt. Cette décision confirme l'analyse faite des responsabilités respectives des médecins qui collaborent à l'établissement du diagnostic médical. Il est en effet admis que chaque praticien doit établir son propre diagnostic, indépendamment de celui posé par son confrère, et assurer le suivi de son patient dans le champ de sa propre compétence, sans pouvoir s'en remettre à l'autre praticien (16). Cela ne signifie pas que les professionnels ne doivent pas collaborer, et que la consultation d'un spécialiste ne doit pas être recommandée lorsqu'un médecin atteint les limites de ses compétences (17), mais simplement que le propre d'un deuxième avis médical est d'être donné indépendamment du premier, précisément pour éviter tout risque d'interférence.

  • Commet une faute en relation avec le dommage (arrachement du plexus brachial) le médecin dont il est établi qu'il aurait dû procéder à une césarienne, celle-ci étant de nature à éviter de manière évidente, en l'absence de manoeuvres d'extraction, le risque de lésion du plexus brachial qui s'est réalisé (Cass. civ. 1, 13 mai 2014, n° 13-14.298, F-D N° Lexbase : A5690MLC)

Faits. Une femme avait accouché, en 1995, d'une fille née en état de mort apparente et qui, ayant dû être réanimée, avait subi plusieurs lésions dont une lésion du plexus brachial. Pour condamner le médecin à réparer l'intégralité des préjudices, la cour d'appel avait retenu l'usage d'une technique inappropriée (dite manoeuvre de Jacquemier, en lieu et place d'une césarienne) et considéré que sans cette faute le dommage ne se serait pas réalisé.

Cette solution est confirmée, la Cour de cassation relevant, à la suite du rapport d'expertise et de l'arrêt d'appel, que le médecin avait commis une faute en ne recourant pas à une césarienne prophylactique, ce qui était de nature "à éviter de manière évidente" le risque qui s'était réalisé.

Intérêt. On notera ici que c'est le rapport d'expertise qui, ayant conclu au fait qu'il était "évident" que le dommage était directement et exclusivement lié à la (mauvaise) technique utilisée, qui justifie la mise à l'écart de la technique de la perte de chance qui suppose qu'un doute existe sur ce qui se serait passé si la faute n'avait pas été commise.

1.2. Infections nosocomiales

  • La responsabilité de l'hôpital public en cas d'infection nosocomiale contractée avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, est engagée sauf si l'établissement prouve le caractère endogène du germe, ou la force majeure (CE, 5° s-s., 30 avril 2014, n° 357907 N° Lexbase : A7070MK3)

Contexte. Le Conseil d'Etat avait, avant l'entrée en vigueur de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002, considéré que les établissements publics étaient responsables de plein droit des conséquences des infections nosocomiales contractées à l'hôpital (18), seule la force majeure étant susceptible d'exonérer l'établissement (19).

Restait à déterminer ce que l'on entend par infection nosocomiale et singulièrement s'il convient de faire application de ce régime lorsque le patient a été infecté par ses propres germes à l'occasion d'un acte médical.

On croyait la chose entendue du côté judiciaire (20) comme administratif (21), les deux Hautes juridictions ayant finalement retenu la conception large de l'infection et écarté la différence selon qu'elles sont d'origine endogène ou exogène.

Lorsque le Conseil d'Etat avait admis la prise en compte des infections d'origine endogène, en 2011, et affirmé pour l'occasion que "les dispositions [...] du I de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit apportée", il avait toutefois été observé que ce changement d'orientation s'inscrivait dans le contexte de l'application de la loi du 4 mars 2002, alors que, jusqu'à présent, la Haute juridiction administrative n'avait eu à connaître que d'infections contractées avant son entrée en vigueur, de telle sorte que l'on pouvait s'interroger sur le maintien des solutions antérieures pour des faits ne relevant pas de la loi nouvelle.

Le Conseil d'Etat avait malheureusement (pour les victimes) déjà répondu en maintenant sa jurisprudence antérieure admettant l'exonération de l'établissement si la preuve du caractère endogène de l'infection était rapportée (22). C'est ce que confirme cette nouvelle décision.

Les faits. Une patiente avait été prise en charge par le CHR de Besançon en mai 1999, en raison d'une pneumopathie infectieuse hypoxémiante. Des prélèvements avaient révélé la présence de germes infectieux dans l'expectoration ainsi qu'au niveau d'une escarre et du cathéter posé.

La responsabilité de l'établissement avait été recherchée, mais les demandeurs avaient été déboutés tant en première instance qu'en appel, les juges du fond ayant considéré que le patient avait contracté une infection nosocomiale durant son hospitalisation alors qu'il avait été transféré en service de réanimation, et qu'eu égard à l'état général de l'intéressé dont les défenses immunitaires étaient particulièrement amoindries par une pneumopathie sévère, accompagnée d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë engageant le pronostic vital, cette infection présentait un caractère imprévisible et irrésistible et en ayant déduit que la preuve d'une cause étrangère était rapportée.

Confirmant la formule qui avait été la sienne avant 2011, le Conseil d'Etat considère en effet que "l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réparation des infections nosocomiales issues de la loi susvisée du 4 mars 2002 révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci", et "qu'il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé". Dans cette affaire, le Conseil d'Etat réfute la force majeure et affirme au contraire que "l'infection était consécutive aux soins dispensés [...] et ne résultait donc pas d'une circonstance extérieure à l'activité du centre hospitalier".

Fort heureusement pour la victime, l'établissement n'avait pas dans cette affaire rapporté la preuve du caractère endogène des germes mis en cause, et devait donc être jugé responsable des conséquences de l'infection.

Commentaire. Le refus de revenir sur les solutions dégagées dans le cadre de la jurisprudence "Cohen" s'explique par la différence de contexte juridique entre les différentes affaires. Antérieurement à la loi du 4 mars 2002, en effet, le législateur n'imposait pas d'assurance obligatoire de responsabilité et n'articulait pas responsabilité et solidarité via l'intervention de l'ONIAM pour les dommages non pris en charge par l'assurance. En ne modifiant sa définition de l'infection nosocomiale que dans le cadre d'application de la loi du 4 mars 2002, le Conseil d'Etat tient donc compte du changement de contexte légal, et réglementaire (23), et du nouvel équilibre des charges induit par la loi, et considère qu'il n'y a donc pas lieu d'anticiper, en quelque sorte, l'application de la loi pour des infections relevant de l'ancien régime en modifiant, dans le sens d'un élargissement, sa définition de l'infection nosocomiale.

  • Les caisses de Sécurité sociale ne disposent d'aucun recours envers l'établissement de santé au titre des sommes qu'elles ont versées à leur assuré ou pour son compte lorsqu'il a été victime d'une infection nosocomiale prise en charge par l'ONIAM (Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 13-16165, P+B+R+I N° Lexbase : A0787MKD ; Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 13-17.223, F-D N° Lexbase : A2778MQX)

Contexte. La question de l'autonomie du régime d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, qui se pose depuis l'entrée en vigueur de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002, n'est pas purement théorique puisqu'elle conduit à déterminer les règles applicables aux situations non prévues par les textes. Si, en effet, l'on considère que le régime présent dans le Code de la santé publique ne se substitue pas totalement aux règles qui prévalaient jusqu'à lors, tout ce qui n'a pas été prévu par le législateur reste soumis au droit commun ; mais si l'on considère, au contraire, que le dispositif d'indemnisation constitue un tout cohérent et "auto-nome" (c'est-à-dire constitué de ses propres normes), alors les solutions ne peuvent être recherchées que dans le cadre propre défini par le législateur en 2002.

Cette problématique d'autonomie d'un dispositif d'indemnisation n'est pas nouvelle, et s'est posée à chaque nouvelle réforme ; on sait donc comment la jurisprudence procède habituellement ; si le régime est suffisamment structuré et les règles mises en place suffisamment cohérentes, alors les solutions doivent être recherchées dans l'application de la loi nouvelle, sans qu'il soit possible d'invoquer le droit commun dont l'application ne pourrait que perturber l'application de la loi nouvelle.

La question s'était déjà posée pour le régime d'indemnisation des victimes d'infections nosocomiales, pour savoir si, nonobstant l'action dont elles disposent contre l'ONIAM, celles-ci conservent le droit d'agir directement contre l'établissement au sein duquel l'infection a été contractée ; dans un arrêt en date du 19 juin 2013, la Cour de cassation avait pris position dans le sens d'une application exclusive de la loi du 4 mars 2002 (24), tout comme le Conseil d'Etat le 5 février 2014 (25).

Restait à déterminer si la même logique allait prévaloir lorsqu'est en cause non pas l'action directe de la victime, mais le recours des caisses primaires d'assurance maladie qui relève d'un régime propre prévu par le Code de la Sécurité sociale.

L'autonomie de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 opposable aux caisses primaires d'assurance maladie. La première chambre civile de la Cour de cassation a donc choisi d'étendre au recours des caisses la solution retenue pour les victimes, et de faire prévaloir le principe specialia generalibus derogant, de manière inconditionnelle, en considérant que les droits et actions non prévues par le Code de la santé publique ne peuvent bénéficier aux victimes, ou aux tiers payeurs, et ce même si ces derniers disposaient de prérogatives antérieurement : ce qui vaut pour la victime, qui ne peut plus agir directement contre l'établissement dès lors que l'article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1859IEL) trouve à s'appliquer, vaut également pour les caisses de Sécurité sociale dans la mesure où aucune disposition spéciale ne les a dotées d'un recours contre l'établissement, contrairement à l'ONIAM visé par l'article L. 1142-17 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4429DLM).

Commentaire. La solution nous semble, sur un plan juridique, incontestable dans la mesure où l'intention du législateur a bien été de construire, à partir de 2002, un véritable régime d'indemnisation bâti sur des équilibres précis et conciliant les droits des victimes et les intérêts des acteurs de la santé, un transfert de charges s'opérant des établissements vers la collectivité des assurés, grâce à la généralisation de l'assurance de responsabilité devenue obligatoire, et vers l'ONIAM au travers de ses obligations indemnitaires propres. Admettre que des actions puissent continuer de s'exercer, alors qu'elles n'ont pas été prévues par le législateur, sous prétexte de droit commun, fausserait alors totalement les termes de cet équilibre et irait contre la volonté autonomiste du législateur. La solution n'est d'ailleurs pas une surprise compte tenu des solutions admises, notamment dans le cadre de l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation où l'autonomie de la loi du 5 juillet 1985 a été admise en jurisprudence dès 1987, et de l'opinion très majoritaire de la doctrine.

Après avoir appliqué ce principe aux victimes, en 2013, la Haute juridiction l'applique également aux caisses de Sécurité sociale qui bénéficient d'un régime pourtant particulier de recours, comparable en certains aspects à celui de l'ONIAM, puisque l'article L. 376-1, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4530IR9), ouvre droit à recours "contre l'auteur responsable de l'accident", sans autre restriction. Mais dans la mesure où le régime d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux est à la fois plus récent et plus particulier, et qu'il n'a pas prévu le recours des caisses, celui-ci doit être logiquement écarté, faute d'avoir été expressément prévu par le législateur. C'est donc vers ce dernier que les caisses doivent désormais se tourner, et non vers le juge dont l'office n'est pas de refaire la loi, mais bien seulement de l'appliquer.

1.3. Produits de santé

  • N'engage pas la responsabilité civile du fabricant du Distilbène la patiente qui ne rapporte pas la preuve que le dommage allégué est en relation avec l'exposition au DES. Caractérise en revanche un préjudice moral certain et en lien direct avec l'exposition au DES le fait d'avoir vécu, depuis son plus jeune âge, dans une atmosphère de crainte (Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 10-19.206, F-D N° Lexbase : A2735MTH)

Contexte. Les contentieux liés au DES (diéthylstilbestrol) qui est la molécule commune aux deux médicaments mis en cause dans des pathologies dont souffrent des personnes exposées in utero, présentent, pour les victimes, de nombreuses difficultés probatoires liées à l'ancienneté des faits : comment, en effet prouver avoir été exposé in utero, c'est-à-dire comment prouver que sa mère a pris l'un des deux médicaments alors sur le marché ? Comment savoir lequel des deux médicaments a été pris ? On sait que, pour aider les victimes, la Cour de cassation a développé des solutions très favorables : dès lors que l'expertise établit que le dommage résulte très certainement d'une exposition à la molécule litigieuse (26), alors la responsabilité des laboratoires est engagée, à charge pour chacun d'eux de rapporter la preuve, chimérique d'ailleurs, que la mère n'avait pas consommé son médicament mais celui du concurrent (27).

A cette première difficulté d'ordre matériel, s'ajoute une difficulté plus scientifique qui tient au fait que, pour certaines affections, des doutes existent sur l'imputabilité au DES ; dès lors, il appartient à la victime de prouver le lien de cause à effet, ce qui s'avère complexe compte tenu de l'état des connaissances scientifiques (28). C'est malheureusement ce qu'illustre cette nouvelle affaire.

Les faits. Une jeune femme, née en 1964, a recherché la responsabilité de la société UCB Pharma, venant aux droits du laboratoire qui commercialisait le produit, invoquant divers préjudices qu'elle imputait à son exposition in utero au diéthylstilboestrol (DES) que sa mère s'étant vue prescrire au cours de la grossesse.

Une partie du litige portait sur une grossesse extra-utérine qu'elle imputait à l'exposition au DES. La cour d'appel l'avait débouté de sa demande, après avoir considéré que celle-ci était imputable à des antécédents infectieux, et qu'elle ne rapportait pas la preuve de ce que la dysplasie apparue à deux reprises, et qui avait nécessité un traitement par vaporisation au laser, lequel n'avait, au demeurant, entraîné aucune séquelle physique, était imputable à son exposition in utero au DES.

S'agissant de l'imputabilité de la grossesse extra-utérine au DES. L'intéressée contestait cette affirmation, mais le pourvoi est sèchement rejeté, la Cour de cassation se référant ici au pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve fournis au dossier. S'agissant d'un problème d'imputabilité, on sait en effet qu'à condition que les juges du fond ne se prononcent pas par voie de considérations générales, ils apprécient souverainement les faits qui leur sont soumis par les parties, ce qui donne finalement un pouvoir très important aux experts, et à leurs certitudes.

S'agissant du préjudice moral. L'intéressée réclamait également la réparation d'un préjudice moral lié à la crainte de développer les maladies liées à l'exposition in utero au DES. La cour d'appel avait écarté également cette demande, les experts faisant état d'une pathologie subie, à tout le moins confuse, mais déniant fermement le moindre rapport entre les difficultés professionnelles éprouvées au moment de l'expertise et cette exposition, tout en soulignant l'absence de manifestation de véritable désir d'enfant, liée tant à l'investissement professionnel qu'à son angoisse favorisée par un contexte familial.

Sur ce second point, l'arrêt est cassé, au visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), ensemble le principe de la réparation intégrale. Pour la Haute juridiction, en effet, la cour d'appel n'avait pas tiré les conséquences de ses propres constatations ; l'intéressée avait vécu, depuis son plus jeune âge, dans une atmosphère de crainte, d'abord diffuse, car tenant à l'anxiété de sa mère, médecin, qui connaissait les risques imputés à l'exposition de sa fille in utero au Distilbène, puis par les contrôles gynécologiques majorés, exigés et pratiqués lors des événements médicaux survenus, en raison de son exposition au DES, faisant ainsi ressortir qu'elle avait subi, fût-ce dans le passé, un préjudice moral certain et en lien avec cette exposition, qu'elle se devait de réparer.

Ce préjudice "d'anxiété", parfaitement justifié par les éléments repris par la Haute juridiction dans cette décision et qui avait d'ailleurs été caractérisé dès les premières affaires dont avait eu à connaître la cour de Versailles (29), n'est pas propre à l'exposition au DES et doit être rattaché plus largement à la même catégorie que celui éprouvé par les victimes de l'amiante (30) ou les victimes contaminées pour qui la jurisprudence a reconnu l'existence d'un préjudice spécifique de contamination (31).

1.4. Naissance d'un enfant handicapé

  • L'abrogation par le Conseil constitutionnel du II-2 de l'article L. 114-5 du CASF ne produit d'effet que pour les actions en responsabilité engagées avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; le dispositif prévu par ce texte est donc applicable aux enfants nés avant le 7 mars 2002, dès lors que l'action en responsabilité a été engagée après cette date (CE, 5° et 4° s-s-r., 31 mars 2014, n° 345812, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6400MIU)

Contexte. Le maintien du dualisme juridictionnel, en dépit de règles d'indemnisation désormais applicables indifféremment dans le secteur de la santé privée et publique, exposait le régime mis en place par la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 à des divergences d'interprétations fâcheuses, et ce alors même que l'un des objectifs poursuivis en 2002 était précisément de mettre un terme aux divergences de jurisprudences entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat en matière d'indemnisation des victimes d'aléas thérapeutiques et des dommages liés à la naissance d'enfants nés avec un handicap non décelé pendant la grossesse. S'agissant de ce dernier point, on pensait le risque écarté avec l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er de la loi, transférées à l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles en 2005 (N° Lexbase : L8912G8L), voilà que ressurgit le spectre d'une divergence de jurisprudence au plus haut niveau.

La divergence vient des suites à donner à l'abrogation par le Conseil constitutionnel du dernier alinéa de cet article L. 114-5 (32) et qui avait été rendue nécessaire par sa condamnation par la CEDH en 2005 (33). C'était singulièrement la portée dans le temps de l'abrogation du texte qui faisait une application immédiate du nouveau dispositif aux instances en cours, restreignant très sensiblement l'indemnisation des enfants (désormais limitées aux seules atteintes directes à leur intégrité physique) et de leurs parents (n'indemnisant que leurs préjudices moraux sous réserve de la preuve d'une faute caractérisée (34)).

Le texte imposant une application immédiate du dispositif étant abrogé, les règles nouvelles devaient-elles s'appliquer immédiatement aux enfants nés après son entrée en vigueur, ce qui ne faisait guère difficulté, mais également à tous les enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle mais n'ayant pas encore engagé (par le biais de leurs représentants légaux) d'action en réparation, étant entendu que le Conseil constitutionnel semblait, quoi qu'on n'en fut d'ailleurs pas certain, limiter la portée de l'abrogation aux seules actions engagées avant cette date. C'est en tout cas en ce sens que le Conseil d'Etat avait statué en 2011, contre l'avis de son rapporteur public (35), et affirmé "qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel et des motifs qui en sont le support nécessaire qu'elle n'emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 que dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002" (36).

La Cour de cassation a, pour sa part, choisi, dans un arrêt en date du 15 décembre 2011, l'interprétation large, protectrice des enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi et donc les parents n'auraient pas engagé d'action avant le 6 mars 2002, considérant que les intentions du Conseil constitutionnel ne résultaient ni du dispositif, ni clairement des motifs de la décision (37).

Le Conseil d'Etat persiste et signe ! Comme l'on pouvait s'y attendre, le Conseil d'Etat reprend ici, dans cette décision du 31 mars 2014, son interprétation de 2011, et n'a donc pas souhaité s'aligner sur la position adoptée par la Cour de cassation. D'un point de vue strictement constitutionnel, l'interprétation des termes de la décision du Conseil est des plus délicates. Mais, au risque de nous répéter, la solution adoptée par la Cour de cassation nous semble plus conforme à la jurisprudence de la CEDH rendue sur le fondement de l'article 1er du premier protocole à la Convention (38). Si les familles concernées par les affaires traitées par le Conseil d'Etat le souhaitent, la question pourrait donc être tranchée par la Cour de Strasbourg, la France une nouvelle fois condamnée pour violation du premier protocole, et le Conseil d'Etat bien obligé, comme il l'avait déjà été en 2005, de se soumettre à la volonté des juges européens... Faudra-t-il en arriver là pour convaincre le Conseil d'Etat ? On peut aujourd'hui le craindre...


(1) CA Nouméa, 15 janvier 2013, n° 11/00560 (N° Lexbase : A0498I9C).
(2) Le juge judiciaire a même pu imputer l'entier dommage au choix d'une technique inapproprié, lorsque la faute commise par le médecin était flagrante, ce qui ne semblait pas être le cas ici : Cass. civ. 2, 1er juin 2011, n° 10-15.108, FS-D (N° Lexbase : A3195HTI), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (juin à octobre 2011), Lexbase Hebdo n° 463 du 24 novembre 2011 - édition privée (N° Lexbase : N8879BSN).
(3) Cf., également, les obs. d'Adeline Gouttenoire, La prescription de Prozac à une adolescente doit être autorisée par ses deux parents, Lexbase Hebdo n° 573 du 5 juin 2014 - édition privée (N° Lexbase : N2502BU9).
(4) Certaines règles particulières existent, pour assurer l'autonomie décisionnelle du mineur, notamment en matière de contraception ou d'IVG. Sur ces question, A. Gouttenoire et Ph. Bonfils, Droit des mineurs, Précis Dalloz, 2ème édition, 2014, n° 699 s..
(5) Ecartant également l'urgence comme justification de l'absence de consentement des deux parents à l'acte médical : CA Nîmes, 1ère ch., sect. B, 15 septembre 2009, n° 07/04215 (N° Lexbase : A9462IQI).
(6) Dans le même sens, le commentaire d'A. Gouttenoire, préc..
(7) C. civ., 373-2, al. 1er (N° Lexbase : L2905AB9).
(8) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 12-35.023, F-P+B+I (N° Lexbase : A9857KZ4), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (novembre 2013 - février 2014), Lexbase Hebdo n° 564 du 27 mars 2014 - édition privée (N° Lexbase : N1409BUQ).
(9) Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08 12.457, FS-D (N° Lexbase : A7260EIQ), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (avril à juillet 2009) (troisième partie), Lexbase Hebdo n° 363 du 17 septembre 2009 (N° Lexbase : N9249BL7).
(10) On sait, par ailleurs, que la Cour de cassation a eu recours à la notion de causalité alternative notamment dans les affaires dites "du Distilbène", lorsqu'il apparaît que les lésions sont imputables au DES, mais sans qu'il soit possible de déterminer quel médicament la mère avait pris (Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-18.837, F-P+B N° Lexbase : A7626EQI, et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (septembre à décembre 2009) (seconde partie), Lexbase Hebdo n° 382 du 11 février 2010 - édition privée N° Lexbase : N1649BNE), ou en matière d'infections nosocomiales lorsque l'infection est susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs établissements (Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-67.011, FS-P+B+I N° Lexbase : A1110E3I, et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (15 juin - 30 octobre 2010), Lexbase Hebdo n° 415 du 4 novembre 2010 - édition privée N° Lexbase : N4537BQ4).
(11) C. santé publ., art. L. 1142-1, I (N° Lexbase : L1910IEH).
(12) Cass. civ. 1, 13 décembre 2012, n° 11-27.347, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8295IYU), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (octobre 2012 à mars 2013), Lexbase Hebdo n° 523 du 11 avril 2013 - édition privée (N° Lexbase : N6596BTH) ; Resp. civ. et assur., 2013, comm. 68, obs. L. Bloch ; RTDCiv., 2013, p. 386, note P. Jourdain ; RJPF, 2013, n° 3, p. 35, note S. Hocquet-Berg ; JCP éd. G, 2013, p. 359, note P. Sargos.
(13) C. santé publ., art. R. 1112-2 (N° Lexbase : L0439HHQ).
(14) Pour les établissements spécialisés : Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 12-21.194, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3724KEN), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (mars à juillet 2013) (première partie), Lexbase Hebdo n° 536 du 18 juillet 2013 - édition privée (N° Lexbase : N8110BTK).
(15) Pour la mise hors de cause d'une clinique dans des circonstances comparables : Cass. civ. 1, 23 février 2012, n° 10-25.895, F-D (N° Lexbase : A3280IDT), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (février 2012 - mai 2012), Lexbase Hebdo n° 489 du 14 juin 2012 - édition privée (N° Lexbase : N2384BTH).
(16) Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5198KDU), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (mars à juillet 2013) (première partie), Lexbase Hebdo n° 536 du 18 juillet 2013 - édition privée (N° Lexbase : N8110BTK) ; JCP éd. G, 2013, n° 27, note P. Sargos ; RCA, 2013, comm. 269, note S. Hocquet-Berg.
(17) Voir ainsi Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-68.631, FS-D (N° Lexbase : A7578GLA), Cassation (CA Montpellier, 1ère ch., sect. D, 11 juin 2008) et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (octobre 2010 à janvier 2011) - première partie, Lexbase Hebdo n° 432 du 17 mars 2011 (N° Lexbase : N7435BRS).
(18) CE Contentieux, 9 décembre 1988, n° 65087 (N° Lexbase : A7891APX).
(19) CE 4° et 5° s-s-r., 13 juillet 2007, n° 299693 (N° Lexbase : A2905DXU).
(20) Cass. civ. 1, 4 avril 2006 n° 04-17.491, FS-P+B (N° Lexbase : A9651DNR) ; Resp. civ. et assur., 2006, comm. 244 ; RTDCiv., 2006, p. 567, obs. P. Jourdain.
(21) CE 4° et 5° s-s-r., 10 octobre 2011, n° 328500 (N° Lexbase : A7422HYK), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (juin à octobre 2011), Lexbase Hebdo n° 463 du 24 novembre 2011 - édition privée (N° Lexbase : N8879BSN), AJDA, 2012 p. 1665, note H. Belrhali-Bernard ; CE, 5° s-s., 14 décembre 2011, n° 330644 (N° Lexbase : A4977H8T) ; CE 5° s-s., 13 février 2012, n° 336293 (N° Lexbase : A8528ICT) ; CE 5° s-s., 26 novembre 2012, n° 344862 (N° Lexbase : A6300IXM) ; CE 5° s-s., 15 mai 2013, n° 348818 (N° Lexbase : A5356KDQ) ; CE 4° et 5° s-s-r., 21 juin 2013, n° 347450 (N° Lexbase : A2090KHU).
(22) Dans le même sens, CE 4° et 5° s-s-r., 2 février 2011, n° 320052 (N° Lexbase : A2598GRN) ; CE 5° s-s., 25 juillet 2013, n° 345646 (N° Lexbase : A2968KK7) ; CE 4° et 5° s-s-r., 12 mars 2014, n° 358111 (N° Lexbase : A9171MGR).
(23) C. santé publ., art. R. 6111-6 (N° Lexbase : L3664INZ), créé par le décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 (N° Lexbase : L3268IND) : "les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales".
(24) Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-20.433, FS-P+B (N° Lexbase : A1988KH4), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (mars à juillet 2013) (première partie), préc..
(25) CE 4° et 5° s-s-r., 5 février 2014, n° 362351 (N° Lexbase : A9263MDG), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (novembre 2013 - février 2014), préc..
(26) La Cour de cassation refuse de trancher elle-même le débat, et s'en remet au pouvoir des juges du fond, ce qui entraîne des différences de jugement difficilement compréhensibles pour les victimes : Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, 2 arrêts, n° 08-10.081, FS-P+B (N° Lexbase : A3172EL3) et n° 08-16.305, FS-P+B (N° Lexbase : A3172EL3), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (septembre à décembre 2009) (seconde partie) Lexbase Hebdo n° 382 du 11 février 2010 - édition privée (N° Lexbase : N1649BNE).
(27) Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-18.837, F-P+B (N° Lexbase : A7626EQI), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (septembre à décembre 2009) (seconde partie), préc..
(28) Sur ce débat, notre étude, Causalité juridique et causalité scientifique : de la distinction à la dialectique, D., 2012, chron. p. 112.
(29) CA Versailles, 3ème ch., 10 avril 2008, deux arrêts, n° 07/02477 (N° Lexbase : A1645D9S) et n° 07/02482 (N° Lexbase : A1646D9T), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (avril à septembre 2008), Lexbase Hebdo n° 321 du 9 octobre 2008 - édition privée (N° Lexbase : N3835BHI).
(30) Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1745EXW), note Ch. Willmann, Préjudice d'anxiété reconnu pour les salariés exposés à l'amiante, mais réparation d'une perte de chance refusée pour les préretraités amiante, Lexbase Hebdo n° 395 du 20 mai 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N1931BP9).
(31) Sur lequel, dernièrement, Cass. civ. 1, 4 juillet 2013, n° 12-23.915, F-P+B (N° Lexbase : A5465KIA), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (juillet à novembre 2013), Lexbase Hebdo n° 549 du 28 novembre 2013 - édition privée (N° Lexbase : N9560BTA).
(32) Cons. const., décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 (N° Lexbase : A8019EYN).
(33) CEDH, 6 octobre 2005, Req. 11810/03 (N° Lexbase : A6794DKT), Resp. civ. et assur., 2005, comm. 327, obs. Ch. Radé. La solution a été suivie immédiatement d'effet par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 02-13.775 FP-P+B N° Lexbase : A5688DMM, Resp. civ. et assur., 2006, comm. 94, obs. Ch. Radé ; JCP éd. G, 2006, II, 10062, note A. Gouttenoire et S. Porchy-Simon ; Dr. famille, 2006, comm. 94, obs. B. Beignier et concl. J. Sainte-Rose) puis par le Conseil d'Etat (CE, 5° et 6° s-s-r., 24 février 2006 n° 250704 N° Lexbase : A3958DNW, Resp. civ. et assur., 2006, comm. 127).
(34) Sur laquelle Cass. civ. 1, 14 novembre 2013, n° 12-21.576, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6213KPS) et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (juillet à novembre 2013), préc. ; RCA, 2014, étude 2, S. Hocquet-Berg ; Droit de la famille et des personnes, 15 février 2014, n° 2, p. 1, note A. Batteur ; Journal de droit de la santé et de l'Assurance maladie, n° 1-2014, note M. Baccache.
(35) RFDA, 2011, p. 772, concl. J.-Ph. Thiellay.
(36) CE, Ass., 13 mai 2011, n° 317808 (N° Lexbase : A8711HQP) et n° 329290 (N° Lexbase : A8726HQA), publiés au recueil Lebon : RGDM, 2011, n° 40, p. 355, note J. Saison-Demars et M. Girer ; JCP éd. A, 2011, n° 29, p. 29, note B. Pacteau ; RDSS, 2011, p. 749, note D. Cristol ; RFDA, 2011, p. 772. Egalement, mais dans une formule n'excluant pas formellement les naissances antérieures : CE, 5° s-s., 18 juillet 2011, n° 328881, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3149HWK) : "que cette décision emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002".
(37) Cass. civ. 1, 15 décembre 2001, n° 10-27.473, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2913H8E) ; JCP éd. G, 2012, p. 72, note P. Sargos ; RDA, 2012, comm. 20, obs. F. Melleray ; RFDA, 2012, p. 364, rapport P. Chevalier.
(38) CEDH, 6 octobre 2005, Req. 11810/03, préc..

newsid:443658

Sécurité sociale

[Textes] LFRSS 2014, une loi au service des politiques de l'emploi

Réf. : Loi n° 2014-892 du 8 août 2014, de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (N° Lexbase : L0228I49)

Lecture: 16 min

N3680BUT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443680
Copier

par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 18 Septembre 2014

Les mesures annoncées dans le Pacte de responsabilité se déclinent dans la loi de finances rectificative pour 2014 (champ d'application du versement de transport ; réforme du financement de l'apprentissage ; modification du champ des bénéficiaires de l'allocation temporaire d'attente (1) : loi n° 2014-891 du 8 août 2014, de finances rectificative pour 2014 N° Lexbase : L0228I49) et la loi n° 2014-892 du 8 août 2014, de financement rectificative de la Sécurité sociale (LFRSS) pour 2014 (2). La forte médiatisation de la censure partielle prononcée par le Conseil constitutionnel (3) et l'investissement des parlementaires, en termes de travaux (4), rendent compte de l'importance des enjeux, tant politiques qu'économiques, peut-être aussi électoraux. La LFRSS 2014 comprend, classiquement pour une LFSS, des dispositions relatives aux recettes et équilibre général et des mesures relatives aux dépenses. Au titre des premières (recettes), la LFRSS 2014 prévoit :

- une nouvelle baisse du coût du travail ciblée sur les bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC, en complément du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), pour une enveloppe estimée de 4,5 milliards d'euros en 2015 (loi n° 2014-892 du 8 août 2014, art. 1). Les taux d'allégements seront harmonisés entre les entreprises de moins de 20 et celles de plus de 20 salariés. Cette baisse permettra d'atteindre le "zéro charge URSSAF" au niveau du SMIC, dès le paiement des cotisations au titre des salaires de janvier 2015 ;

- une baisse des cotisations sociales des employeurs et des travailleurs indépendants ;

- les cotisations personnelles des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles seront réduites de 3,1 points pour les cotisants dont les revenus sont inférieurs à 41 000 euros, la réduction étant prolongée de façon dégressive jusqu'à environ 52 000 euros ;

- une diminution de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), payée par les entreprises à proportion de leur chiffre d'affaires, entamera sa baisse dès 2015, avec une suppression prévue pour toutes les entreprises en 2017 (loi n° 2014-892, art. 2). Un abattement permettra, dès lors qu'elles ont un chiffre d'affaires inférieur à 3 250 000 euros, d'être totalement exonérées dès 2015 ;

- une réduction de cotisations salariales. Les cotisations salariales devaient diminuer dès le 1er janvier 2015 pour les salariés percevant jusqu'à 1,3 SMIC (loi n° 2014-892, art. 2). Mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel (Cons. const., n° 2014-698 DC du 6 août 2014 N° Lexbase : A8365MUD) (5).

Au titre des dépenses, la LFSS prévoit :

- la révision à la baisse de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2014 (ONDAM) est revu à la baisse de près de 0,8 milliards d'euros, pour tenir compte des économies supplémentaires réalisées en 2013 ;

- l'absence de revalorisation pour une année, à titre exceptionnel, au 1er octobre 2014, des aides au logement et des retraites de base (à l'exception de celles touchées par des retraités dont le montant total des pensions est inférieur à 1 200 euros) (loi n° 2014-892, art. 9). Cette disposition n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel (6).

La LFRSS 2014 a également mis en place d'autres mesures :

- élargissement des possibilités de recommandations temporaires d'utilisation (C. santé. publ., art. L. 5121-12-1 N° Lexbase : L9697I3K ; CSS, art. L. 162-17-2-1 N° Lexbase : L9698I3L) ;

- élargissement de l'accès à l'aide à l'acquisition de la complémentaire santé aux contrats collectifs à adhésion facultative (CSS, art. L. 863-1 N° Lexbase : L2015IZN et L. 863-6 N° Lexbase : L4699H9W) ;

- obligation pour les contrats présentés dans le cadre des appels d'offres prévus pour déterminer les prestations susceptibles d'être couvertes par l'ACS de couvrir l'ensemble des bénéficiaires de l'ACS (CSS, art. L. 863-6 N° Lexbase : L4699H9W) ;

- possibilité de résiliation ou de modification d'un contrat en cours pour un titulaire de l'ACS (CSS, art. L. 863-4 N° Lexbase : L3463HW8) ;

- enfin, modulation en faveur des signataires d'un contrat d'accès aux soins du montant des plafonds de prise en charge des dépassements par les contrats d'assurance complémentaire éligibles à l'ACS (loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la Sécurité sociale pour 2014, art. 56 N° Lexbase : L6939IYN).

I - Les mesures d'allègement du coût du travail consacrées

Le dispositif comprend deux mécanismes : amplification des allégements généraux de cotisations patronales pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC ("réduction Fillon") ; réduction linéaire de 1,8 point des cotisations d'allocations familiales pour la même fourchette de rémunérations, pour les employeurs ; réduction forfaitaire de 3,1 points des cotisations personnelles d'allocations familiales des travailleurs indépendants jusqu'à 3 SMIC, puis d'une réduction dégressive de ces mêmes cotisations jusqu'à 3,8 SMIC.

Au printemps 2014, le Gouvernement a lancé un programme dit "zéro charges URSSAF" au niveau du SMIC. Sa mise en oeuvre passe par un double dispositif : amplification des exonérations de cotisations patronales par l'augmentation du taux des cotisations entrant dans le champ de l'exonération, sans modification de son ciblage sur les bas salaires (compris entre 1 et 1,6 SMIC) et sans modification du caractère dégressif du dispositif ; diminution, proportionnelle, de 1,8 point des cotisations d'allocations familiales pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 SMIC.

A - Elargissement de la réduction "Fillon"

A ce jour, il existe deux mécanismes, au bénéfice des employeurs de salariés dont le salaire est le moins élevé : la réduction générale des cotisations patronales de Sécurité sociale (allégements "Fillon"), instaurée par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, relative aux salaires au temps de travail et au développement de l'emploi (N° Lexbase : L0300A9Y) ; le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), créé par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L7970IUQ).

La LFRSS 2014 réforme la réduction "Fillon", en l'élargissant à des catégories de cotisations qui en étaient jusque là exclues : cotisations et contribution des employeurs au Fonds national d'aide au logement (FNAL, soit 0,1 % pour les entreprises de moins de 20 salariés et à 0,5 %, pour celle de plus de 20 salariés) ; contribution de solidarité pour l'autonomie (taux de 0,3 %), dont bénéficie la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ; fraction des cotisations AT-MP, dans la limite de 1 %.

Enfin, en application de la LFRSS 2014 :

- à compter du 1er janvier 2015, l'allégement "Fillon" ne sera plus différencié selon l'effectif de l'entreprise (plus ou moins 20 salariés) puisque toutes les entreprises bénéficieront d'un même niveau de réduction ;

- à partir du 1er janvier 2015, le nouvel article L. 241-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2961IWL) ne reprend pas le dispositif permettant de neutraliser la rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage. La rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage ne constituant pas du temps de travail, versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007, sera réintégrée dans la rémunération totale retenue pour le calcul de l'allègement "Fillon" (ce qui aura pour conséquence d'en réduire le montant).

1 - Cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP)

La LFRSS 2014 intègre dans le champ des allègements généraux, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), dans la limite de la cotisation minimale (CSS, art. L. 241-13-I N° Lexbase : L1981IP3) (7).

En 2011, en raison de la nature des cotisations AT-MP (directement liée à la sinistralité des entreprises), le législateur avait écarté du champ des allègements généraux les cotisations AT-MP (loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011).

La LFRSS 2014 (CSS, art. L. 241-5, al. 3 N° Lexbase : L3101IN8) réintègre les cotisations AT-MP du champ des allègements généraux pour la partie correspondant à la cotisation minimale commune à toutes les entreprises qui n'est pas liée au taux spécifique de sinistres intervenus dans l'entreprise mais à la situation financière générale de la branche. En effet, ce taux est indépendant des efforts que peut déployer l'entreprise pour réduire les risques.

2 - Cotisation au FNAL et contribution solidarité autonomie

La LFRSS 2014 a modifié le champ des allègements généraux de cotisations non seulement pour y réintroduire les cotisations AT-MP mais aussi y ajouter la cotisation au FNAL et la contribution solidarité autonomie. Cette innovation représente une réduction nouvelle de 1,8 point pour les entreprises de plus de 20 salariés et de 1,4 point pour les entreprises de moins de 20 salariés (LFRSS 2014, art. 2-I-5°, préc.).

B - Baisse des cotisations d'allocations familiales

1 - Réduction du taux de cotisation d'allocations familiales sur les salaires

La LFRSS 2014 a mis en place une réduction de 1,8 point du taux des cotisations d'allocations familiales à la charge des employeurs (CSS, art. L. 241-6 N° Lexbase : L5056I3N) (8). L'objectif poursuivi est double : renforcer la baisse du coût du travail sur les bas salaires et renforcer la progressivité des cotisations d'allocations familiales.

Ce taux réduit de cotisation s'appliquera :

- aux employeurs bénéficiant de la réduction "Fillon", c'est-à-dire les employeurs du secteur privé soumis à l'obligation de cotiser au régime d'assurance chômage, les employeurs des régimes spéciaux de Sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires ainsi que certains employeurs du secteur parapublic ;

- pour les rémunérations ou gains versés à leurs salariés inférieurs ou égaux à 1,6 fois le montant annuel du SMIC (soit 27 751 euros bruts), que les salariés soient à temps plein ou à temps partiel, en contrat à durée déterminée ou indéterminée ;

- de façon uniforme jusqu'à 1,6 SMIC.

A compter du 1er janvier 2015, le taux des cotisations patronales famille au titre des salariés rémunérés entre 1 et 1,6 SMIC sera donc de 3,45 % et de 5,25 % pour les rémunérations supérieures à ce seuil.

2 - Exonération partielle pour les indépendants

A l'heure actuelle, les travailleurs indépendants sont soumis (CSS, art. L. 242-11 N° Lexbase : L4435IRP) à cotisation au titre des allocations familiales au même taux que celui applicable pour les employeurs (CSS, art. R. 242-13 N° Lexbase : L8674IUS), soit 5,25 % ; ils sont dispensés du versement de la cotisation les travailleurs indépendants lorsque le revenu d'activité est inférieur à un certain seuil (13 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 4 881 euros en 2014).

La LFRSS 2014 instaure une exonération partielle de cotisations d'allocations familiales pour ceux d'entre eux dont les revenus d'activité sont inférieurs à un certain seuil (le niveau doit être fixé par décret à l'équivalent de 3,8 SMIC nets annuels, soit un peu plus de 52 000 euros) (9).

La LFRSS 2014 s'inscrit dans la continuité de la réforme du régime social des travailleurs indépendants, engagée par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (N° Lexbase : L4967I3D). La loi du 18 juin 2014 a revu le niveau des cotisations minimales à compter du 1er janvier 2015. La cotisation minimale d'assurance maladie (976 euros pour les travailleurs indépendants dont les revenus d'activité sont inférieurs à 40 % du plafond annuel de la Sécurité sociale) s'établirait à environ 250 euros pour les travailleurs indépendants dont les revenus d'activité sont inférieurs à 3 830 euros (10,2 % du plafond annuel) ; la cotisation minimale d'assurance vieillesse de base (338 euros pour les travailleurs indépendants dont les revenus d'activité sont inférieurs à 1 971 euros), passera à environ 500 euros, pour faciliter l'acquisition de deux trimestres de retraite (au lieu d'un seul).

La LFRSS 2014 réduit jusqu'à l'équivalent de 140 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit un peu plus de 52 000 euros par an :

- l'exonération serait proportionnelle et égale à 3,1 points de cotisations, jusqu'à l'équivalent de 3 SMIC nets annuels (soit un peu plus de 40 000 euros, soit 110 % du plafond annuel de la Sécurité sociale). Jusqu'à ce niveau de revenus, les travailleurs indépendants seront soumis à un taux de cotisations d'allocation familiales de 2,15 % (contre 5,25 % actuel) ;

- à partir du seuil de 3 SMIC nets annuels et jusqu'au plafond de 3,8 SMIC nets annuels, le taux de l'exonération décroîtrait linéairement.

II - Une mesure d'allègement du coût du travail invalidée

A - Le dispositif de réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale

Le législateur a voulu instaurer une réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale (CSS, art. L. 131-1 N° Lexbase : L4584AD7) (10). Cette réduction dégressive des cotisations à la charge des travailleurs salariés au titre des assurances sociales était assise sur les gains et rémunérations jusqu'à 1,3 fois le SMIC. Cette mesure devait également s'appliquer au régime des travailleurs salariés agricoles (C. rur., art. L. 741-15 N° Lexbase : L9514ITK) ainsi qu'à la fonction publique (C. pens. retr., art. L. 61 N° Lexbase : L3095INX). L'ensemble devait porter sur les cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2015.

- Objectif

L'exonération des cotisations salariales, pour les salariés dont les rémunérations étaient comprises entre 1 et 1,3 SMIC et pour les fonctionnaires dont les traitements sont compris entre 1 et 1,5 SMIC, aurait permis, selon les travaux parlementaires, de redonner du pouvoir d'achat à 5,2 millions de salariés et à 2,2 millions de fonctionnaires.

De plus, l'objectif poursuivi par le législateur était d'introduire un mécanisme, clairement affiché, de progressivité. Jusqu'à présent, le système des cotisations salariales reposait sur un principe de proportionnalité, dans les faits, atténué, en raison des mécanismes de plafonnement existants, les prélèvements salariaux présentant in fine une légère dégressivité. Il s'agissait donc de rétablir une plus franche progressivité de ces prélèvements, par l'introduction d'une réduction dégressive des cotisations salariales pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,3 SMIC.

- Mécanisme

A ce jour (depuis le 1er janvier 2014), les cotisations à la charge des travailleurs salariés au titre des assurances sociales obligatoires s'élèvent à 0,75 % sur la totalité du salaire, au titre de l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès ; 6,80 % en 2014 (puis de 6,85 % en 2015, de 6,90 % en 2016 et en 2017) sur la partie du salaire inférieure au plafond de la Sécurité sociale (soit 37 548 euros par an et 3 129 euros par mois) et de 0,25 % au 1er janvier 2014 (0,30 % au 1er janvier 2015 et de 0,40 % au 1er janvier 2017) au-delà du plafond de la Sécurité sociale, au titre de assurance vieillesse. A ces cotisations, il faut ajouter : 7,86 % pour une rémunération inférieure à 12 516 euros (8 % au-delà), au titre de la CSG et CRDS ; 3,05 % pour la tranche de rémunération inférieure à 3 129 euros et de 8,05 % pour la tranche comprise entre 3 129 euros et 9 387 euros, au titre des retraites complémentaires ; enfin, 2,40 % jusqu'à 12 516 euros, au titre de l'assurance chômage.

La formule de calcul de ce coefficient envisagée par le Gouvernement et présentée dans l'étude d'impact du projet de loi était : (0,03/0,3) x (1,3 x Smic annuel / rémunération annuelle - 1). Pour un salarié rémunéré au SMIC, le gain net lié à la mise en place de cette exonération de cotisations salariales se serait élevé à 520 euros par an ; 347 euros pour un salarié dont la rémunération est égale à 1,1 SMIC ; et 173 euros pour un salarié dont la rémunération est égale à 1,2 SMIC. Le gain se réduirait ensuite pour devenir nul à hauteur de 1,3 SMIC.

B - Son invalidation

Selon les requérants, l'introduction d'une réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale serait contraire à la distinction entre les cotisations sociales et les impositions de toute nature et aurait pour effet de dénaturer l'objet des cotisations sociales ; en réservant la réduction dégressive de cotisations sociales aux seuls salariés dont la rémunération équivalent temps plein est comprise entre 1 et 1,3 SMIC, alors que ces salariés continueront de jouir d'un niveau de prestations sociales inchangé, le législateur méconnaît le principe d'égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel a été convaincu du bien-fondé de ces critiques (décision préc., cons. 12 et 13), et a rappelé que le législateur (PLFRSS 2014) avait institué une réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale des salariés dont la rémunération, qui équivaut au temps plein, est comprise entre 1 et 1,3 SMIC ; mais dans le même temps, le législateur a maintenu inchangés, pour tous les salariés, l'assiette de ces cotisations ainsi que les prestations et avantages auxquels ces cotisations ouvrent droit. Ainsi, un même régime de Sécurité sociale aurait continué à financer, pour l'ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l'absence de versement, par près d'un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime. Il s'ensuit, pour le Conseil constitutionnel, que le législateur a institué une différence de traitement qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d'un même régime de Sécurité sociale, sans rapport avec l'objet des cotisations salariales de Sécurité sociale. Bref, cette disposition méconnait le principe d'égalité.

Une différence de traitement entre assurés d'un même régime placés dans la même situation peut être admise dès lors qu'elle repose sur des critères objectifs et rationnels et est en lien avec l'objectif poursuivi par le législateur. Cette problématique n'est ni récente ni inédite. Elle s'est posée essentiellement dans le champ des cotisations sociales versées par les employeurs (11), notamment au titre de la prévoyance complémentaire (12). En matière de cotisations sociales salariées, le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé à plusieurs reprises.

1 - Critère objectif et rationnel justifiant une différence de traitement

Dans la décision n° 2011-158 QPC du 5 août 2011 (N° Lexbase : L3735IPZ), portant sur une exonération de cotisations patronales sur certaines aides à domicile, le Conseil constitutionnel a estimé que l'objectif de favoriser le maintien à domicile de personnes dépendantes, en rapport direct avec l'exonération instituée, constituait un critère objectif et rationnel pour fonder la différence de traitement.

2 - Différences de traitement, en rapport avec l'objet de ces cotisations

En 2012, le Conseil constitutionnel (13) a reconnu qu'une différence de traitement distinguant entre les employeurs et les salariés est bien en rapport avec l'objet de la protection sociale.

Toujours en 2012, le Conseil constitutionnel (14), sur le fondement de ce principe selon lequel la différence de traitement doit être en rapport avec l'objet de ces cotisations, a déclaré la deuxième phrase du second alinéa de l'article L. 131-9 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4405IRL), issu du PLFSS 2012, contraire à la Constitution. En effet, le législateur avait voulu mettre en place des taux particuliers de cotisations d'assurance maladie sur la fraction des revenus des assurés d'un régime français d'assurance maladie exonérés en tout ou partie d'impôts directs en application d'une convention ou d'un accord international qui n'est pas assujettie à l'impôt sur le revenu. Pour le Conseil constitutionnel, le PLFSS 2012, en soumettant à un régime dérogatoire de taux de cotisations certains des assurés d'un régime français d'assurance maladie, a crée une rupture d'égalité ente les assurés d'un même régime qui ne repose pas sur une différence de situation en lien avec l'objet de la contribution sociale.

3 - Différence de traitement, en rapport avec une différence de situation

En l'espèce, le Conseil constitutionnel relève que la différence de traitement instituée par le dispositif de réduction dégressive des cotisations salariales de Sécurité sociale ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d'un même régime de Sécurité sociale. En effet, le législateur a maintenu inchangés, pour tous les salariés, l'assiette de ces cotisations ainsi que les prestations et avantages auxquels ces cotisations ouvrent droit. Ainsi, un même régime de Sécurité sociale aurait continué à financer, pour l'ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l'absence de versement (par les salariés dont le salaire est compris entre 1 SMIC et 1,3 SMIC, soit près d'un tiers de ceux-ci), de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime. La solution, assez peu commentée eu égard à son caractère très récent, a été approuvée (15).

La décision, pour être techniquement en ligne avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, n'emporte pas une approbation juridiquement totalement enthousiaste. Si le fondement de la solution se comprend parfaitement, un certain nombre d'arguments, en sens contraire, peuvent être avancés.

D'autres salariés bénéficient d'exonération de cotisations salariales, sans que l'argument d'atteinte de rupture d'égalité n'ait prospéré. Il s'agit :

- des apprentis, non soumis à aucune cotisation salariale sur le montant de leur rémunération correspondant au minimum légal (C. trav., art. D. 6222-26 N° Lexbase : L1946I4T) ;

- des salariés agricoles liés par un "contrat vendanges", lesquels bénéficient d'une exonération totale de cotisations salariales quel que soit le niveau de leur rémunération ;

- des stagiaires en entreprise et les stagiaires du service civique, lesquels jouissent d'une exemption d'assiette de leurs cotisations salariales maladie et vieillesse (dues uniquement sur le montant net de l'indemnité mensuelle) ;

- des salariés effectuant des heures supplémentaires, lesquels bénéficiaient d'une exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires. Mais cette mesure a été supprimée dans le cadre de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 (préc.) ;

- dans le cadre du complément de mode de garde, la branche famille prend en charge une partie des cotisations salariales des gardes d'enfants à domicile ainsi que des assistantes maternelles, à hauteur de 50 % pour les premières dans la limite d'un montant plafond, et en intégralité pour les secondes dans la limite d'un plafond journalier.

L'argument, avancé par le Conseil constitutionnel, selon lequel il n'est pas juste qu'une partie des salariés ne participe pas au financement des régimes de base de la Sécurité sociale (assurance vieillesse et assurance maladie) tout en étant pris en charge, au titre des prestations ("un même régime de Sécurité sociale continuerait à financer, pour l'ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l'absence de versement, par près d'un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime"), n'est pas du tout convaincant. Certes, en raison même du mécanisme mis en place par le législateur (LFRSS 2014), les salariés visés spécifiquement par le législateur auraient été dispensés de verser des cotisations salariales. En effet, le législateur a prévu un mécanisme dit de "compensation", selon lequel l'Etat prend à sa charge les exonérations (et autres dispositifs d'allègement et réductions de charges sociales), en raison des ressources financières dont les caisses de Sécurité sociale se seraient trouvées privé.

Or, la LFRSS 2014 a justement, spécifiquement mentionné, en son article 4, qu'un montant rectifié de 3,7 milliards d'euros sera affecté à la compensation des exonérations, réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de Sécurité sociale (liste figurant à l'annexe 5 jointe au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014). En d'autres termes, le débat ne serait plus celui de l'égalité entre les cotisants ou de la différence de traitement entre les cotisants dont les rémunérations sont comprises entre 1 et 1,3 SMIC (par hypothèses, qui auraient été dispensés de verser des cotisations) et les autres salariés (dont la rémunération est supérieure).

Cette approche est réductrice, en ce que :

- les cotisants dont les rémunérations sont comprises entre 1 et 1,3 SMIC ne cotisent pas (directement), mais cotisent, indirectement, dans la mesure où c'est l'Etat (au titre du mécanisme de compensation) qui prend en charge leur cotisation ;

- dans la mesure où les cotisants dont les rémunérations sont comprises entre 1 et 1,3 SMIC cotisent (au final, indirectement, via l'Etat, au titre du mécanisme de compensation), la question de l'égalité de traitement, finalement, ne se pose plus, contrairement ce qu'avance le Conseil constitutionnel.

La question que pose cette décision du Conseil constitutionnel, au final, n'est pas tant celle de la rupture d'égalité entre cotisants (selon qu'ils appartiennent à la catégorie des cotisants 1-1,3 SMIC ou à la catégorie de cotisants + 1,3 SMIC) que celle du financement de la branche maladie et de la branche vieillesse, qui pourrait être assuré non pas par les cotisants mais par l'Etat ; en d'autres termes, la question de la fiscalisation du financement de ces branches.


(1) LSQ, n° 164 du 12 septembre 2014 ; loi de finances rectificative pour 2014 - Dispositions relatives à la taxe d'apprentissage, Lexbase Hebdo n° 581 du 4 septembre 2014 - édition fiscale (N° Lexbase : N3512BUM) ; Dispositions relatives à la prorogation de la contribution exceptionnelle sur l'IS, Lexbase Hebdo n° 581 du 4 septembre 2014 - édition fiscale (N° Lexbase : N3511BUL) ; Dispositions relatives au régime de l'abattement de droit commun en matière de plus-values mobilières concernant les stock-options et BSPCE, Lexbase Hebdo n° 581 du 4 septembre 2014 - édition fiscale (N° Lexbase : N3497BU3) ; D. Chrétien, Loi de finances rectificative pour 2014 - Prix de transfert : renforcement des prérogatives de l'administration concernant le contrôle des opérations avec les Etats et territoires non-coopératifs (ETNC), Lexbase Hebdo n° 581 du 4 septembre 2014 - édition fiscale (N° Lexbase : N3457BUL).
(2) Publication de la loi de finances rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, Lexbase Hebdo n° 581 du 4 septembre 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N3456BUK).
(3) Cons. const., décision n° 2014-698 DC, du 6 août 2014 ([LXB=8365MUD]) ; loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 Note, V. Collen, Cotisations des salariés modestes : les sages infligent un camouflet à Hollande, Les Echos, 7 août 2014 ; H. Bekmezian, Nouveau camouflet pour le gouvernement, Le Monde, 8 août 2014, p. 5 ; I. Ficek, Le camouflet du Conseil constitutionnel relance le débat fiscal à gauche, Les Echos, 8 et 9 août 2014, p. 3 ; J. Le Cacheux, Il faut réformer la CSG pour soulager les bas revenus, Le Monde débats, 10 et 11 août 2014.
(4) Essentiellement, G. Bapt, rapport Assemblée nationale n° 2061, 25 juin 2014 ; Y. Daudigny, rapport Sénat n° 703, 9 juillet 2014 ; J.-P. Caffet, avis Sénat n° 701, 9 juillet 2014 ; D. Lefebvre, avis Assemblée nationale n° 2058, 25 juin 2014 ; V. aussi G. Bapt, rapport Assemblée nationale, n° 2160, 18 juillet 2014 ;
(5) LSQ n° 16647, 8 août 2014.
(6) Selon les requérants, en limitant l'application de la règle de revalorisation annuelle à certaines pensions, le PLFRSS 2014 produisait un effet de seuil entre des assurés se trouvant dans des situations comparables, en violation du principe d'égalité. Le Conseil constitutionnel a rejeté l'argument (cons. 17). En réservant la revalorisation annuelle des pensions de retraite des régimes de base aux seuls pensionnés qui perçoivent des pensions de retraite inférieures à un seuil, le législateur a entendu préserver les faibles pensions de retraite. A cette fin, il a retenu l'ensemble des revenus de pension pour l'application d'un dispositif de revalorisation des seules pensions servies par les régimes obligatoires de base de Sécurité sociale. Cette mesure ne s'applique qu'à la seule revalorisation au titre de l'année 2014. Bref, le PLFRSS ne crée pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
(7) Not., G. Bapt, rapport Assemblée nationale n° 2061, préc., p. 72- 77, p. 91-100 ; Y. Daudigny, rapport Sénat n° 703, préc., p. 37.
(8) Not., G. Bapt, rapport Assemblée nationale n° 2061, préc., p. 100-101 ; Y. Daudigny, rapport Sénat n° 703, préc., p. 35.
(9) Not., G. Bapt, rapport Assemblée nationale n° 2061, préc., p. 103-108 ; Y. Daudigny, rapport Sénat n° 703, préc., p. 39 et p. 42-43.
(10) Not., G. Bapt, rapport Assemblée nationale n° 2061, préc., p. 59-70 ; Y. Daudigny, rapport Sénat n° 703, préc., p. 27-34.
(11) Not., P. Lokiec, L'égalité devant la loi, Dr. soc., 2014 p. 325 ; R. Lafore, L'égalité en matière de Sécurité sociale, RDSS, 2013 p. 379.
(12) J. Barthélémy, Egalité de traitement et sort des cotisations de prévoyance : à propos de l'article 17 de la LFSS du 20 décembre 2010 et du décret y afférent du 9 janvier 2012, Dr. soc., 2012. 510 ; D. Asquinazi-Bailleux, L'exonération de cotisations sociales et sa conjugaison avec le principe d'égalité de traitement, Dr. soc., 2013 p. 907.
(13) Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, cons. 13 (N° Lexbase : A8299IYZ)
(14) Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, préc., cons. 15.
(15) D. Rousseau, entretien, Le Monde, 8 août 2014, p.5.

newsid:443680

Sécurité sociale

[Brèves] Opposabilité d'une décision de la caisse primaire d'assurance maladie à l'employeur malgré une réception concomitante de la prise en charge de l'assuré et des réserves de l'employeur

Réf. : Cass. civ. 2, 18 septembre 2014, n° 13-23.205, F-P+B (N° Lexbase : A8436MWD)

Lecture: 1 min

N3775BUD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443775
Copier

Le 25 Septembre 2014

La prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle est opposable à l'employeur alors même que les réserves émises par ce dernier sont réceptionnées par la caisse le jour de la décision de prise en charge de l'assuré. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 septembre 2014 (Cass. civ. 2, 18 septembre 2014, n° 13-23.205, F-P+B N° Lexbase : A8436MWD). Dans cette affaire, la société B. avait déclaré, le 5 avril 2010, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), un accident concernant M. H., l'un de ses salariés. L'employeur avait émis des réserves dans un courrier du 7 avril 2010, alors que la caisse avait déjà pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle sans procéder à une instruction préalable. L'employeur avait saisi d'un recours une juridiction de Sécurité sociale. L'employeur avait estimé qu'une décision de prise en charge dont il n'avait pas eu connaissance au moment de la formulation des réserves lui était inopposable. En effet, ce dernier avait émis des réserves réceptionnées le jour même où la décision de prise en charge par la caisse était intervenue. De ce fait, seules les réserves adressées par l'employeur à la CPAM devaient être prises en compte pour apprécier si celle-ci, en application de l'article R 441-11 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6173IED), se devait d'adresser un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de procéder à une enquête auprès des intéressés. La réserve motivée s'entend d'une contestation de l'employeur visant à émettre des doutes sur le fait que l'accident ait eu lieu au temps ou au lieu du travail ou à établir que l'accident a une cause totalement étrangère au travail. La Cour de cassation à néanmoins rejeté le pourvoi au motif que la caisse ne peut avoir eu connaissance des réserves formées par l'employeur lorsqu'elle réceptionne celles-ci le jour même de la décision de prise en charge (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E3307EUZ).

newsid:443775

Sécurité sociale

[Brèves] Publication d'un décret, relatif aux conditions de prise en charge par l'assurance maladie et de fixation du prix des allergènes préparés spécialement pour un seul individu

Réf. : Décret n° 2014-1022 du 8 septembre 2014, relatif aux conditions de prise en charge par l'assurance maladie et de fixation du prix des allergènes préparés spécialement pour un seul individu (N° Lexbase : L1778I4M)

Lecture: 1 min

N3691BUA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443691
Copier

Le 19 Septembre 2014

Un décret n° 2014-1022 du 8 septembre 2014, relatif aux conditions de prise en charge par l'assurance maladie et de fixation du prix des allergènes préparés spécialement pour un seul individu, a été publié au Journal officiel du 10 septembre 2014 (décret n° 2014-1022 du 8 septembre 2014 N° Lexbase : L1778I4M). Le présent décret définit la procédure applicable pour la fixation du prix, par le comité économique des produits de santé, des allergènes préparés spécialement pour un seul individu. Il précise ainsi le contenu du dossier de demande de prix adressé par l'entreprise et le délai (90 jours) dans lequel doit intervenir la fixation de ce prix ; ce délai peut être exceptionnellement suspendu dans l'attente d'éléments complémentaires. Le décret indique également les modalités selon lesquelles le prix initialement fixé peut être modifié à l'initiative de l'entreprise ou de l'administration. Par ailleurs, le texte mentionne les critères selon lesquels des allergènes préparés spécialement pour un seul individu peuvent être exclus de la prise en charge par l'assurance maladie. Enfin, le décret prévoit, à titre transitoire, des modalités d'application particulières pour la première mise en oeuvre de ce nouveau dispositif de tarification, notamment un allongement du délai de fixation du prix (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E8311ABG).

newsid:443691

Sécurité sociale

[Brèves] Clarification par la CJUE de la question du rattachement des assurés dans un Etat membre pour le versement des prestations familiales

Réf. : CJUE, 11 septembre 2014, aff. C-394/13 (N° Lexbase : A2324MWY)

Lecture: 2 min

N3694BUD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443694
Copier

Le 24 Septembre 2014

Il ressort d'un arrêt rendu le 11 septembre 2014 par la CJUE que le simple enregistrement d'un domicile permanent en République tchèque ne permet pas le rattachement de l'assuré et par conséquent le versement des prestations familiales (CJUE, 4 septembre 2014, aff. C-394/13 N° Lexbase : A2324MWY). En l'espèce, le ministère du Travail et des Affaires sociales était opposé à Mme B. au sujet d'une décision retirant à celle-ci le bénéfice des prestations familiales au motif que la République tchèque se jugeait incompétente pour octroyer ces prestations. Dans cette affaire, Mme B. avait perçu des prestations de chômage en France et son mari y exerçait une activité professionnelle. L'ensemble de la famille bénéficiait de l'assurance maladie en France. Mme B. avait été en congé de maternité et, à ce titre, avait perçu, en France, une allocation de maternité. Par la suite, elle avait également perçu dans cet Etat membre une prestation familiale complémentaire dénommée "prestation d'accueil du jeune enfant", ou "PAJE", dont le montant est en fonction des revenus du bénéficiaire. Une fois épuisé son droit à ladite prestation, Mme B. avait introduit une demande en République tchèque en vue d'obtenir une prestation familiale. Considérant que le droit de Mme B. à une prestation familiale devait faire l'objet d'une nouvelle appréciation à dater du 1er mai 2010, l'autorité régionale de la région avait décidé de lui retirer le bénéfice de la prestation en cause, à dater du 1er mai 2010, aux motifs que la République tchèque n'était plus l'Etat membre compétent dès lors que le centre d'intérêt de Mme B. et de sa famille était localisé en France. En effet, le simple enregistrement par Mme B. d'un domicile permanent en République tchèque, sans qu'elle vive dans cet Etat membre, tandis qu'elle paraissait résider habituellement en France avec sa famille, où elle avait perçu des prestations de chômage, une allocation de maternité, puis une prestation familiale semblable à celle dont elle avait par la suite réclamé le paiement à la République tchèque, ne semblait pas, de nature à créer entre Mme B. et la République tchèque un tel rattachement. La CJUE s'est opposée en vertu du Règlement n° 883/2004 (N° Lexbase : L3988ITU) à ce qu'un Etat membre, qui n'est pas l'Etat compétent à l'égard d'une personne considérée, octroie des prestations familiales à celle-ci, à moins qu'il n'existe un rattachement précis et particulièrement étroit entre la situation en cause et le territoire de ce premier Etat membre (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E1271EUM).

newsid:443694

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Pas de déduction complète de TVA pour une commune propriétaire d'un bien qu'elle utilise pour des activités en tant qu'autorité publique et en tant qu'assujettie

Réf. : CJUE, 10 septembre 2014, aff. C-92/13 (N° Lexbase : A1646MWU)

Lecture: 2 min

N3671BUI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/20101070-edition-n-583-du-18092014#article-443671
Copier

Le 23 Septembre 2014

Lorsqu'une commune occupe pour la première fois un immeuble qu'elle a fait construire sur son propre terrain et qu'elle va utiliser pour les activités de son entreprise, pour une grande partie en tant qu'autorité publique, et pour une autre en tant qu'assujettie, dont une partie pour des prestations exonérées n'ouvrant pas droit à déduction, cette situation doit être considérée comme n'ouvrant pas droit à une déduction complète de la TVA (CJUE, 10 septembre 2014, aff. C-92/13 N° Lexbase : A1646MWU). En l'espèce, une commune a commandé la construction, sur un terrain lui appartenant, d'un nouveau bâtiment à usage de bureaux. Elle va utiliser ce bien à concurrence de 94 % de sa superficie pour ses activités en tant qu'autorité publique, et de 6 % de cette superficie pour ses activités en tant qu'assujettie, dont 1 % pour des prestations exonérées n'ouvrant pas le droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. La commune a réclamé le remboursement du montant total de la TVA inscrit sur les factures relatives à la construction du bâtiment, ce qu'elle n'a pas obtenu au niveau national. La Cour de justice a rappelé qu'en principe, les communes ne sont pas considérées comme assujetties à la TVA pour les activités ou les opérations qu'elles accomplissent en tant qu'autorités publiques. Toutefois, elle s'est basé sur l'article 5, § 7, a), de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) pour répondre défavorablement aux attentes initiales de la commune. Cet article indique en effet que les Etats membres peuvent assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux, soumise à la TVA, l'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise, d'un bien produit construit dans le cadre de son entreprise dans le cas où l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la TVA. En l'espèce, cette disposition couvre l'immeuble construit par un tiers sur le terrain appartenant à la commune car il était utilisé également à des fins autres que des opérations imposables. Il n'aurait pas été possible de déduire intégralement la TVA en amont s'il avait été acquis entièrement auprès d'un autre assujetti. Par conséquent, dans la mesure où les biens concernés sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, soit à concurrence de 5 % de la superficie du bâtiment en l'espèce, l'assujetti est, en principe, autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable la TVA acquittée. Dans la proportion dans laquelle lesdits biens sont utilisés pour les opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d'application de la TVA, la déduction de la TVA ne sera donc pas admise .

newsid:443671

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.