Jurisprudence : Cass. civ. 1, 16-05-2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I, Cassation

Cass. civ. 1, 16-05-2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I, Cassation

A5198KDU

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Cass. civ. 1, 16-05-2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8212592-cass-civ-1-16052013-n-1221338-fsp-b-i-cassation
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Abstract

L'obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, l'obligation pour chacun d'eux, d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences.



CIV. 1 DG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 16 mai 2013
Cassation
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 481 FS-P+B+I
Pourvoi no S 12-21.338
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ la société Macsf assurances, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est Puteaux,
2o/ Mme Nicole Y, domiciliée Besançon,
3o/ Mme Marie-Rose X épouse X, domiciliée Illkirch-Graffenstaden,
4o/ Mme Catherine W épouse W, domiciliée Besançon,
agissant toutes trois en qualité d'héritières de Marcel X,
contre l'arrêt rendu le 11 avril 2012 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. Marc V, domicilié Mérey-Vieilley,
défendeur à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 avril 2013, où étaient présents M. Charruault, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Gridel, Mme Crédeville, M. Gallet, Mmes Marais, Kamara, M. Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, conseillers, M. Jessel, Mmes Darret-Courgeon, Canas, M. Vitse, conseillers référendaires, M. Mellottée, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Dreifuss-Netter, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Macsf assurances, de Mmes Y, X et W, ès qualités, de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. V, l'avis de M. Mellottée, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 64 du code de déontologie devenu l'article R. 4127-64 du code de la santé publique ;

Attendu que l'obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, l'obligation pour chacun d'eux, d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences ;
Attendu que, pour rejeter l'action en garantie de M. X, gynécologue obstétricien, condamné à réparer, à hauteur de 80 %, le préjudice subi par Mme ..., victime, à la suite d'un accouchement le 18 décembre 1992, d'une phlébite cérébrale qu'il avait tardé à diagnostiquer, contre M. V, anesthésiste, la cour d'appel, statuant sur renvoi après l'arrêt de cassation du 28 avril 2011 (pourvoi no 10-16.230), ayant constaté, d'une part, que la pathologie était une suite de l'accouchement et non de l'anesthésie, d'autre part, que c'est M. X qui assurait, en sa qualité de gynécologue obstétricien, le suivi de l'intéressée au sein du service de
"suites des couches", en a déduit que le diagnostic de phlébite cérébrale, qui relevait de sa compétence, incombait à lui seul sans que l'on puisse admettre que ce diagnostic devait être posé par M. V au seul motif que lui avaient alors été signalés ces maux, Mme ... restant sous la surveillance du médecin obstétricien seul compétent pour contrôler toutes les suites de l'accouchement, avec leurs conséquences éventuelles, partant, sous sa seule responsabilité au regard, notamment, du diagnostic qui devait être posé plus précocement ;

Qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que M. V avait été appelé au chevet de Mme ... en raison de la survenance de céphalées et lui avait prescrit un neuroleptique pour les soulager, de sorte qu'il lui incombait de s'informer de l'effet de ce traitement, notamment aux fins de déterminer, en collaboration avec le gynécologue obstétricien, si ces troubles étaient en lien avec l'anesthésie ou avec l'accouchement, ce qui aurait pu permettre un diagnostic plus précoce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. V aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. V ; le condamne à payer à la société Macsf assurances et à Mmes Y, X et W, ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Macsf assurances, Mme Y, Mme X et Mme W
Il est fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR mis hors de cause Monsieur V et débouté la MACSF ainsi que Mmes Y, X et W de leur appel en garantie à l'encontre de M.VV,
AUX MOTIFS PROPRES QU'"au terme de la mission d'expertise qui leur a été confiée les professeurs Brion, Saint-Maurice et Papiernik ont expliqué que l'hémiplégie gauche dont souffrait Madame ..., qui avait pour cause une phlébite cérébrale qui s'était manifestée initialement par une céphalée, était "une complication classique du postpartum dont la sémiologie comporte des céphalées initiales, ce qui était le cas ici et, ultérieurement, soit une hémiplégie, soit des crises à d'épilepsie, soit l'ensemble de ces symptômes, ce qui a également été le cas chez Mme ..." ; qu'il résulte de cet avis formel des experts que la pathologie qui affecte Mme ..., d'une part, procède des suites de l'accouchement et non des suites de l'anesthésie péridurale, avec laquelle elle est sans lien, d'autre part, se traduit de façon habituelle, primitivement, par des céphalées ; qu'il apparaît ainsi que c'est au docteur Marcel X - qui assurait, en sa qualité de gynécologue obstétricien, le suivi post-partum de la parturiente au sein du service de "suites des couches" - qu'incombait seul le diagnostic de phlébite cérébrale qui ressortissait à sa compétence ; qu'ainsi, dès lors que lui était révélée, lors de sa visite dans ce service au lendemain de l'accouchement, l'apparition chez Mme ... de très violentes céphalées, il appartenait au docteur Marcel X d'envisager et de vérifier lui-même l'éventualité d'une telle pathologie, sans que l'on puisse admettre que ce diagnostic devait être posé par M. V au seul motif que lui avaient alors été signalés ces maux ; en effet, que le signalement ainsi effectué auprès du médecin anesthésiste n'a pu avoir pour effet de transférer à celui-ci, qui a seulement soulagé Mme ... de ses maux de tête au moyen de la prescription de "Tiapridal" - ni la charge du diagnostic de phlébite cérébrale, ni la prise en charge, ni le suivi post-partum de la patiente toujours hospitalisée en unité de soins de couches, laquelle restait sous la surveillance du médecin obstétricien seul compétent pour contrôler toutes les suites de l'accouchement, avec leurs conséquences éventuelles, partant, sous sa seule responsabilité au regard, notamment, du diagnostic qui devait être posé plus précocement" (arrêt, p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'"en présence des signes présentés par la parturiente, le docteur X, médecin spécialiste, devait y prêter l'attention qui lui incombe et en rechercher les causes, ce qu'il n'a pas fait,
renvoyant la question au docteur V, anesthésiste ; qu'il n'apparaît pas que l'accident vasculaire cérébral soit une complication de la péridurale ; qu'en conséquence, le Tribunal estime, comme les experts, que le docteur X s'est montré négligeant en ne recherchant pas, dès la survenance des céphalées, leur cause et que sa négligence a conduit à un diagnostic tardif de l'affection que développait Madame ... alors qu'une prise en charge rapide aurait eu de grandes chances de conduire à une guérison sans séquelles ; qu'aucune faute ne peut être retenue tant à l'égard du docteur V que de la clinique Bon Secours" (jugement, p. 4) ;
ALORS QUE, D'UNE PART, tout médecin est tenu de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; qu'un médecin qui prend en charge le traitement d'un patient, ne peut s'exonérer de son obligation de suivi et de sa responsabilité en invoquant la faute d'un autre praticien ; que la cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité du docteur V qui avait pris en charge le traitement des céphalées en prescrivant lui-même un traitement au lendemain de l'accouchement au motif inopérant que le médecin obstétricien était chargé de la surveillance des suites de l'accouchement ; que la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, tout médecin est tenu de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; que l'anesthésiste qui prescrit un traitement à la suite d'un accouchement pour céphalées, doit assurer le suivi de ce traitement et notamment s'assurer de ce que la réaction du patient confirme le diagnostic qui l'a conduit à prescrire ce traitement ; qu'en écartant la responsabilité du docteur V au motif inopérant qu'il n'apparaît pas que la phlébite cérébrale soit une suite de l'anesthésie péridurale effectuée au moment de l'accouchement, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

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