L'employeur peut se prévaloir à l'égard du salarié des informations fournies par un chronotachygraphe, dont il ne pouvait ignorer l'existence, et ce même si son existence n'a pas été déclarée à la CNIL, l'obligation de mettre en place et d'utiliser, sous peine de sanctions pénales, ce matériel de contrôle résultant du Règlement CEE n° 3821/85 du 20 décembre 1985 (
N° Lexbase : L8756AUT), d'application directe. C'est en ce sens qu'a statué la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 14 janvier 2014 (Cass. soc., 14 janvier 2014, n° 12-16.218, FS-P+B
N° Lexbase : A7857KT8).
Dans cette affaire, un salarié, occupant les fonctions de chauffeur longue distance, avait été licencié pour faute grave à la suite d'une mise à pied conservatoire, son employeur lui reprochant notamment une manipulation frauduleuse de son chronotachygraphe -mécanisme de contrôle du temps de travail- afin de majorer son temps de service et sa rémunération.
Dans le cadre du contentieux introduit en contestation du bien-fondé du licenciement, le débat portait notamment sur la recevabilité de la preuve obtenue par le biais du chronotachygraphe. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a cru pouvoir considérer que les enregistrements effectués par suivi satellitaire et chronotachygraphe des déplacements du salarié n'étaient pas opposable au salarié, "
faute de déclaration de ces dispositifs à la commission nationale de l'informatique et des libertés".
La Haute juridiction censure le raisonnement de la cour d'appel, appelant au soutien de sa décision le Règlement CEE précité. En vertu de la norme communautaire, dont la Cour de cassation prend le soin de souligner l'application directe, l'employeur est tenu, sous peine de sanctions pénales, d'assurer la mise en place et l'utilisation d'un chronotachygraphe. Dès lors, la seule absence de déclaration du dispositif de contrôle de l'activité du salarié chauffeur, ne saurait priver l'employeur de la possibilité de se prévaloir, à l'égard du salarié, des informations fournies par ce matériel de contrôle ; étant précisé, comme le souligne la Cour de cassation, que le salarié ne peut prétendre ignorer l'existence du chronotachygraphe au sein de son véhicule. La Cour de cassation en déduit donc logiquement que la preuve d'un comportement fautif du salarié peut être révélée par les informations tirées de ce mécanisme spécifique de contrôle des temps de conduite du salarié .
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