Réf. : CE 2 s-s., 29 avril 2013, n° 357122 (N° Lexbase : A5445KDZ)
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Le 30 Mai 2013
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
Le 31 Mai 2013
Lexbase : Pouvez-vous nous retracer le parcours de votre carrière ?
Philippe Coen : C'est au cours de mon cursus universitaire que s'est développé mon goût pour l'international. En licence (troisième année), j'ai étudié le droit des affaires "option internationale", mais sans sortir juridiquement et physiquement des frontières françaises. A l'occasion d'un concours organisé ("moot court") aux Pays-Bas (Académie de droit international de La Haye), portant sur un procès sur le thème de conflits interétatiques, je me suis aperçu de deux choses : d'une part, les étudiants français manquent cruellement d'apprentissage et de pratique de l'anglais par rapport à leurs homologues européens, qui sont le plus souvent parfaitement bilingues ; les Français étaient à la traîne ! D'autre part, le droit international s'apprend dans un contexte international. Ni les nouvelles technologies, ni les cours de droit comparé, ne suffisent à former le juriste en droit international.
J'ai donc décidé de m'inscrire aux cours d'été du Certificat de droit international public de l'Académie de La Haye, qui se déroulent depuis 1923 dans l'enceinte du Palais de la Paix, même si ma formation était "privatiste". Les conférences données dans ce cadre, par des professeurs venus de nombreux pays étrangers, sont en anglais ou en français, ce qui permet de développer son vocabulaire juridique. Les cours sont résolument tournés vers le droit international.
De retour en France, j'ai ensuite pu poursuivre mon cursus universitaire avec un double diplôme à Paris 1 : une maîtrise (Master 1) en droit des affaires internationales et un diplôme universitaire en droit des communautés européennes (à cette époque, l'Université de la Sorbonne était la seule à proposer ce type de diplôme, intitulé le CUECE). En parallèle, j'ai suivi un master en cinéma à Paris 7, passion qui m'anime depuis toujours. J'ai passé mon DESS (Master 2) en droit du commerce international à l'Université de Nanterre et suivi un autre en droit public à l'Université Paris 13, puis j'ai effectué un stage chez Gide, Loyrette et Nouel. A la suite de ce stage, j'ai décidé d'étudier à Harvard, avec l'aide d'une bourse octroyée par le ministère des Affaires étrangères. A la fin de cette année d'études, je suis entré dans le cabinet Linklaters comme collaborateur, à New York, puis au bureau de Paris. J'ai d'abord exercé en tant que conseil juridique, puis j'ai suis devenu avocat, en bénéficiant de la passerelle réservée aux conseils juridiques. J'ai prêté serment et ai exercé au sein du cabinet Berlioz & Co.
En 1997, The Walt Disney Company Europe recherchait un juriste, et m'a convaincu d'exercer la profession de juriste d'entreprise en son sein. Ne m'étant, tout d'abord, pas destiné à une autre profession que celle d'avocat, je tente aujourd'hui de conserver les réflexes de cette profession en termes de compréhension et de logique (rédaction de conclusions, procédure, etc.). Depuis 16 ans, je pratique le droit en entreprise, selon les besoins, soit dans tous ses domaines ou presque, à l'international, Disney investissant beaucoup dans des pays étrangers.
Lexbase : Comment êtes-vous parvenu à la tête de l'European company lawyers association ?
Philippe Coen : Après mon entrée chez Disney, je me suis rapidement intéressé à l'organisation de la profession des juristes d'entreprise. Venant de la profession d'avocat, réglementée et très organisée, j'ai cherché à savoir s'il en était de même pour les juristes d'entreprise.
Les juristes d'entreprise sont représentés, notamment, en France, par l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), qui regroupe plus de 4 600 juristes, sur les 16 500 existants. Aujourd'hui, cette association est assez affirmée pour défendre et organiser la profession. Une fois entré dans l'association, je m'y suis beaucoup investi en tant qu'administrateur, jusqu'à devenir, en 2008, son Vice-président.
L'AFJE propose de nombreuses formations aux juristes d'entreprise qui en sont membres, par le biais de commissions, d'ateliers, et d'un Campus AFJE annuel. Pour ma part, j'anime la commission "Propriété intellectuelle et audiovisuelle", qui se réunit très régulièrement, et je m'occupe, avec d'autres, des affaires internationales et de la communication de l'association. Par ailleurs, j'ai créé, en juillet dernier, le comité "Déontologie et pratique professionnelle" qui s'attelle à réglementer la profession de l'intérieur.
ECLA réunit les organisations représentatives des juristes d'entreprise. Tout naturellement, je me suis intéressé à cette institution européenne, m'y suis investi, et, en mars 2012, je suis devenu son Vice-président. Le 16 novembre 2012, ECLA m'a nommé Président de l'association. Depuis six mois, j'applique le programme pour lequel j'ai été élu.
Lexbase : Quel est le mode de fonctionnement d'ECLA ? Quel est son objet ?
Philippe Coen : ECLA fonctionne sur la base d'une gouvernance bien installée. Tous les trimestres, une assemblée générale est organisée, ainsi qu'une assemblée générale annuelle. La prochaine se déroule le 26 septembre 2013, au Palais d'Egmont, à Bruxelles, sous forme d'événement public et tous les juristes d'entreprises sont les bienvenus à s'inscrire à cette grande réflexion et célébration de notre profession au sein de l'Europe (voir ici). La suivante aura lieu à Riga, en Estonie, fin mai 2014. Il est aussi prévu d'organiser, à l'automne, à Bruxelles, un évènement annuel.
En outre, chaque mois, une réunion téléphonique est effectuée entre les membres de l'executive board, auxquels j'ai choisi d'ajouter tous les représentants de pays qui souhaitent être actifs, dans la recherche d'une transparence et d'une collaboration accrues. Enfin, l'executive board se rencontre chaque trimestre pour traiter des dossiers.
Tous les deux mois, ECLA diffuse une nouvelle newsletter (ECLANEWS) accessible à tous via notre site, qui retrace l'actualité de la profession et les réalisations de l'association et des pays membres. ECLA est aussi active sur twitter, et prépare son entrée sur linkedin, des interviews vidéos intitulées "ECLAVISIONS", etc., et est clairement ancrée dans les réseaux sociaux, l'expansion et la modernité. C'est ainsi que l'association s'est donnée pour chantier cette année de renouveler son site internet (www.ecla.eu), ainsi que son logo.
Lexbase : Quelles sont vos ambitions pour ECLA et quels sont les moyens de les réaliser ?
Philippe Coen : Mes ambitions pour ECLA portent sur son développement et le resserrement des liens entre les pays membres, pour collaborer autrement.
ECLA a deux "chantiers" importants à venir et qui concernent tous les juristes. Tout d'abord, l'association souhaite participer activement à la rédaction d'un code de déontologie pour l'Europe, qui s'adresserait à tous les juristes d'entreprise. En effet, le juriste d'entreprise est une des "consciences de l'entreprise". Les thèmes comme la responsabilité sociale des entreprises, la responsabilité citoyenne, etc., sont sur le devant de la scène juridique aujourd'hui, et il est important d'intensifier ces discussions afin de donner au juriste le cadre européen qui permettra une application harmonieuse de ces idées.
Ensuite, ECLA s'implique fortement dans les suites à donner à l'arrêt rendu par la CJUE le 14 septembre 2010, "Akzo Nobel" (CJUE, aff. C-550/07 P N° Lexbase : A1978E97). Par cette décision, les juges de l'Union ont refusé aux juristes d'entreprise et avocats internes la confidentialité de leurs avis. Il s'en est suivi, en France, un débat passionné et toujours actuel, portant sur le "legal privilege" et le rapprochement des professions de juriste et d'avocat.
La Cour avait fondé sa décision sur le constat de la dépendance du juriste d'entreprise, attaché à l'entreprise qui l'emploie par un contrat de travail. Or, le juriste d'entreprise est indépendant par nature. ECLA travaille à la rédaction d'un livre blanc argumentant en ce sens, "Company Lawyer : independent by design". L'entreprise qui emploie un juriste attend de lui qu'il délivre des avis en toute indépendance, car c'est là que se trouve sa vraie valeur ajoutée.
En déniant la confidentialité des avis aux juristes d'entreprise, le juge européen porte atteinte à la compétitivité des entreprises. Ainsi, en Europe, les juristes d'entreprise bénéficient ou non de la confidentialité de leurs avis. En Belgique, le legal privilege appartient aux juristes d'entreprise (lire à ce sujet, L'Institut des juristes d'entreprise en Belgique, une autre façon d'organiser une profession réglementée - Questions à Anne De Wolf, Directeur général de l'Institut des juristes d'entreprise en Belgique, Lexbase Hebdo n° 144 du 20 février 2013 - édition Professions N° Lexbase : N5872BTN), alors que ce n'est pas le cas en France. Cet élément peut influencer l'implantation des entreprises sur le territoire européen, en l'absence d'harmonisation européenne. Nous cherchons donc à remédier à cette difficulté qui handicape la profession et, au-delà, les entreprises que nous conseillons.
La dichotomie qui existe entre les juristes d'entreprise et les avocats ne se conçoit pas partout. Et même, la France fait figure d'exception, avec l'Italie et de rares nations européennes ! Au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas, au Portugal, en Croatie, en République tchèque, en Pologne, ce sont les barreaux ou l'Institut Belge dédié dans ce cas précis qui adhèrent à ECLA, association qui représente les juristes. Et ces pays ne comprennent pas pourquoi en France et en Italie les barreaux n'englobent pas les juristes d'entreprise.
Ce sujet fera partie des deux thèmes qui seront abordés le 26 septembre 2013, au Palais d'Egmont à Bruxelles, au cours de la soirée de célébration des 30 ans d'ECLA. Cet évènement est le premier célébrant la profession de juriste d'entreprise, avec des invités "VIP". Deux sujets seront à l'ordre du jour : l'indépendance des juristes d'entreprise et les problèmes liés à la mise en cause des juristes dans les procédures pénales.
Pour réaliser les ambitions que nous nous sommes fixées, et pour fonctionner au quotidien, l'association a besoin de fonds. Le financement d'ECLA, comme toute association, fonctionne d'abord sur la base des cotisations de ses membres : dix-neuf pays représentés versent chaque année la somme modique de 1 000 euros de cotisation. De plus, l'association est soutenue par des sponsors, toujours plus nombreux.
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 27 Mars 2014
La personne publique doit, comme pour tout marché, déterminer la nature et l'étendue des besoins à satisfaire, avant tout appel à la concurrence. Définir le besoin consiste, en principe, en une description quantitative et qualitative des prestations attendues, accompagnée d'une estimation chiffrée. Mais cette étape préalable et déterminante est souvent délicate en matière de prestations juridiques. En effet, doivent être pris en compte le nombre d'heures de travail, le nombre de mémoires à produire, les visites d'expertises ou les réunions de travail nécessaires ; et ces éléments sont difficilement évaluables avant le début de la prestation juridique. Les questions à se poser portent donc sur les thèmes suivants : la nature des prestations ; le domaine juridique à couvrir ; les modalités souhaitées ; la durée et la fréquence du besoin pour chaque domaine identifié ; enfin, le montant estimé des prestations.
Ensuite se pose la question de la forme du marché. Aux termes de l'article 10 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2670HPL), dès lors que l'objet du marché permet l'identification de prestations distinctes, l'allotissement est le principe.
Mais le fait d'associer dans un même lot deux catégories de compétences juridiques qui sont sans aucun lien entre elles a tout d'abord été jugé comme illégal (TA Lille, 3 juillet 2008, n° 080463 : annulation d'une procédure de passation pour avoir prévu un lot qui présentait toutes les caractéristiques d'un marché global eu égard à l'ampleur et l'hétérogénéité des matières qu'il regroupait).
Une telle position jurisprudentielle était de nature à faire adopter par les collectivités publiques une attitude prudentielle dans la définition des marchés de prestations juridiques.
Ainsi, il aurait été logique de bannir les marchés regroupant des prestations de droit public et de droit privé par exemple. De même, il aurait pu apparaître délicat de regrouper des prestations de conseil et de représentation en justice. Plusieurs décisions, toutefois, se sont par la suite attachées à laisser une marge de manoeuvre aux pouvoirs adjudicateurs. Ainsi, par deux jugements en date du 30 mars 2010, le tribunal administratif de Montreuil a validé le non allotissement d'un marché de prestations juridiques, englobant des prestations de conseil et de représentation en justice dans différents domaines du droit et ce, en raison du caractère modeste du volume de prestations et des difficultés techniques pour tracer des lignes claires entre les domaines du droit applicables aux collectivités territoriales (TA Montreuil, 30 mars 2010, n° 0904772 et n° 0901584).
Enfin, le Conseil d'Etat a validé le choix fait par la commune d'Ajaccio de diviser son marché de services juridiques en deux lots, l'un relatif à des prestations de conseil et l'autre à celles de représentation en justice, alors même que chacun de ces lots regroupait différents domaines du droit. Le Conseil d'Etat a alors précisé "que s'il appartient au juge des référés précontractuels de relever un manquement aux obligations de mise en concurrence résultant d'une méconnaissance de ces dispositions, s'agissant de la définition du nombre et de la consistance des lots, un tel manquement ne peut résulter que d'une erreur manifeste du pouvoir adjudicateur, compte tenu de la liberté de choix qui lui est reconnue à ce titre ; que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, en relevant l'existence d'une méconnaissance de l'article 10 du Code des marchés publics au motif que les deux lots retenus par la commune d'Ajaccio, comprenant des prestations dans les domaines du droit public, du droit privé ou du droit pénal, par l'ampleur et l'hétérogénéité des matières qu'ils regroupent présentent en réalité les caractéristiques d'un marché global, sans limiter son contrôle à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination du nombre et de la consistance des lots eu égard à la nature des prestations et à l'objet du marché, a commis une erreur de droit" (CE 7° et 2° s-s-r., 21 mai 2010, n° 333737, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4097EXZ).
Toutefois, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé, dans un arrêt rendu le 19 mai 2011 (CAA Lyon, 4ème ch., 19 mai 2011, n° 09LY02352, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4057HTG), que "contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération de Villefranche-sur-Saône, l'objet du marché d'assistance juridique qui concernait tous les secteurs du droit public et du droit privé liés à l'exercice de ses compétences statutaires, ainsi qu'au fonctionnement et au travail de ses services, permet l'identification de prestations différentes ; que la communauté d'agglomération de Villefranche-sur-Saône n'établit ni que l'allotissement du marché rendrait son exécution techniquement difficile, ni qu'elle ne serait pas en mesure d'assurer par elle-même ce qui correspond pour un tel marché aux missions d'organisation, de pilotage et de coordination ; que la passation d'un marché global a donc méconnu les dispositions de l'article 10 du Code des marchés publics".
La direction des affaires juridiques (DAJ) dans une fiche actualisée au 13 février 2013 attire l'attention sur les risques d'une parcellisation effective de l'allotissement. En effet, un découpage excessif des prestations aura un effet inverse à celui souhaité sur la concurrence ; un découpage incohérent des prestations se révèlera, en outre, peu opérationnel pour le pouvoir adjudicateur ; l'allotissement peut avoir aussi pour effet d'accroître le nombre de titulaires d'un marché. Chaque avocat aura alors une approche parcellaire des affaires juridiques du pouvoir adjudicateur, nécessitant que ce dernier dispose d'un service juridique capable d'opérer la coordination générale.
Sur les prix. Le principe de la libre négociation des honoraires des avocats posé à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée (N° Lexbase : L6343AGZ), ne fait pas obstacle à la candidature des avocats aux consultations lancées par les pouvoirs adjudicateurs.
Aux termes du 1er alinéa de l'article 17 du Code des marchés publics, "les prix des prestations faisant l'objet d'un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées".
Le prix unitaire peut être déterminé à l'heure ou à la tâche. Les prestations de services juridiques sont souvent facturées au taux horaires. L'utilisation de taux horaires rend la dépense peu contrôlable pour l'acheteur public. En effet, le candidat pourra être tenté de sous-évaluer ses taux horaires afin de remporter le marché, mais il devra ensuite multiplier le nombre d'heures facturées pour compenser l'insuffisance du taux horaire pour couvrir ses coûts fixes. La DAJ estime que le pouvoir adjudicateur qui aurait choisi un avocat sur le seul critère du prix horaire le plus bas, pratique à proscrire, se trouvera alors sans maîtrise aucune sur les coûts de la prestation juridique.
L'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat (N° Lexbase : L6025IGA), prévoit que "des honoraires forfaitaires peuvent être convenus. L'avocat peut recevoir d'un client des honoraires de manière périodique, y compris sous forme forfaitaire".
A la différence des prix unitaires appliqués aux tâches ou au nombre d'heures réellement exécutées, le prix forfaitaire s'applique quel que soit le nombre de tâches exécutées. Les candidats doivent donc pouvoir évaluer a priori les prestations, afin de proposer une rémunération adaptée. Il est pour cela nécessaire d'avoir préalablement précisé les besoins du pouvoir adjudicateur dans le cahier des charges, exercice difficile.
Le juge administratif a précisé que lorsque la fixation d'un prix définitif est impossible, en raison de l'incertitude pesant sur la durée de la prestation, un marché de représentation en justice peut, à défaut de pouvoir être conclu à prix provisoires, prévoir des prix unitaires (CE Ass., 5 mars 2003, n° 238039, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3482A74).
Si les honoraires calculés exclusivement en fonction du résultat sont prohibés par les dispositions de l'article 10, alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971, le marché peut, en revanche, prévoir, outre la rémunération des prestations effectuées, la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. L'honoraire de résultat prend généralement la forme d'un pourcentage calculé sur les sommes encaissées ou payées par voie de compensation. Enfin, il n'est dû à l'avocat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ou à la fin d'une négociation ou dans les conditions prévues dans le marché.
Enfin, doit être mentionnée dans le cahier des charges la durée du marché qui sera fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une mise en concurrence périodique.
II - La mise en oeuvre de la procédure
Les marchés de services juridiques sont soumis aux dispositions des articles 28 (N° Lexbase : L3682IRS) et 30 (N° Lexbase : L6005IRT) du Code des marchés publics, qui prévoient qu'ils peuvent être passés en procédure adaptée, quel que soit leur montant. Lorsque le montant estimé du besoin est inférieur au seuil de 15 000 euros HT, le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalable. Lorsque leur montant est supérieur à 200 000 euros HT, ils doivent faire l'objet d'un avis d'attribution et sont attribués, pour les collectivités territoriales, par la commission d'appel d'offres. Même si les dispositions du titre IV du Code des marchés publics relatif à l'exécution des marchés (avances, acomptes, etc.), ne leur sont pas applicables, rien n'interdit, néanmoins, de prévoir de telles avances et acomptes. Enfin, les marchés de représentation en justice d'une collectivité territoriale ne sont pas soumis au contrôle de légalité.
A - La procédure adaptée avec publicité et mise en concurrence
- Marchés de services juridiques dont le montant est supérieur à 15 000 euros HT
Les modalités de publicité doivent être appropriées aux caractéristiques du marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé. La publicité choisie doit permettre aux candidats ayant vocation à répondre à la consultation, d'être informés de la procédure et de soumissionner. Une large publicité permettra d'obtenir une diversité d'offres suffisante pour garantir une réelle mise en concurrence. Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 22 janvier 2007 (CE 7° et 2° s-s-r., 22 janvier 2007, n° 294290, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7128DT8) que le syndicat des transports d'Ile-de-France avait assuré une publicité suffisante au regard des prescriptions de l'article 30 du Code des marchés publics en publiant un avis d'appel public à la concurrence au bulletin officiel des annonces des marchés public. Compte tenu notamment du prix et de la durée du marché en cause, il n'était pas tenu de faire paraître un avis d'appel public à la concurrence au Journal officiel de l'Union européenne.
- Marchés de services juridiques dont le montant est supérieur à 200 000 euros HT
Les marchés de prestations juridiques dont le montant est supérieur à 200 000 euros HT sont soumis, en outre, à trois exigences particulières : les prestations doivent être définies par des spécifications techniques (C. marchés publ., art. 6 N° Lexbase : L2695ICS et art. 30-II, 2°) ; les marchés passés par les collectivités territoriales doivent être attribués par la commission d'appel d'offres ; et l'avis d'attribution du marché doit être publié.
B - La procédure sans publicité ni mise en concurrence préalable
Le pouvoir adjudicateur peut faire appel à l'avocat de son choix, de gré à gré, sans publicité ni mise en concurrence lorsque le montant estimé du marché est inférieur au seuil de 15 000 euros HT. Le code dispose néanmoins que l'acheteur devra veiller à choisir une offre répondant de manière pertinente à son besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire.
C - La sélection des candidats à un marché de services juridiques
Pour les marchés de conseils juridiques, la loi du 31 décembre 1971 modifiée limite le nombre de personnes susceptibles de délivrer des consultations juridiques. Si l'information juridique est libre, la consultation juridique est strictement encadrée par la loi (article 66-1). L'article 54 de la loi précise les conditions dans lesquelles une personne peut, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques pour autrui. L'acheteur public doit vérifier que les candidats justifient d'une compétence appropriée pour donner des consultations juridiques dans le domaine du droit en cause, objet du marché. En effet, l'attribution d'un marché de services juridiques en méconnaissance de la loi du 31 décembre 1971 constitue un manquement aux obligations de mise en concurrence prescrites par le Code des marchés publics.
Ainsi, une association qui ne disposerait pas d'un agrément pour donner des consultations juridiques dans le secteur d'activité objet du marché de conseils juridiques en cause, ne peut se le voir attribuer (CAA Nancy, 4ème ch., 23 mars 2009, n° 08NC00594, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5945EHN). Seule une mission d'information juridique ou de recherche documentaire pourrait lui être confiée (TA Cergy-Pontoise, 3 février 2011, n° 1100321 N° Lexbase : A3818HKM). Ainsi, une association habilitée à la pratique du droit, à titre accessoire de son activité principale dans un secteur d'activité déterminé, ne peut être candidate à l'attribution d'un marché ayant pour objet des prestations de consultations juridiques dans tous les domaines juridiques.
Pour les marchés de représentation en justice, il s'agit pour le titulaire de prendre en charge un dossier devant les juridictions, en vue de la représentation du pouvoir adjudicateur et de la défense de ses intérêts. L'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée précise que "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation". Partant seuls des avocats peuvent concourir aux marchés publics de représentation en justice.
D - Le contenu du dossier de candidature
L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction résultant de la loi du 11 février 2004, dispose que "en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention 'officielle', les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel".
Dans un arrêt du 7 mars 2005 (CE 7° et 2° s-s-r., 7 mars 2005, n° 274286, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2109DHL), le Conseil d'Etat avait retenu que la production de références professionnelles par des avocats candidats à un marché public ne porte pas atteinte au secret régissant leurs relations avec leurs clients dès lors que les renseignements qu'ils apportent ne comportent pas de mention nominative et ne permettent pas non plus d'identifier les personnes qui ont demandé les consultations au travers d'indications sur les circonstances dans lesquelles les conseils ont été donnés. Afin de permettre aux avocats de faire mention des références nominatives de leurs clients dans les procédures d'attribution de marchés publics, sous réserve d'obtenir leur accord exprès et préalable, le CNB a opéré une modification de l'article 2 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8), le 17 juillet 2007. Le Conseil d'Etat, par un arrêt rendu le 6 mars 2009 (CE 2° et 7° s-s-r., 6 mars 2009, n° 314610 N° Lexbase : A5784EDL), a reconnu que le RIN avait pu légalement autoriser les avocats candidats à un marché public ayant pour objet la fourniture de services de conseil et d'assistance juridiques à révéler le nom de leurs clients, avec l'accord de ces derniers. En effet, sous réserve des cas de secrets protégés par la loi, la conclusion d'un marché de services juridiques avec une personne publique ne peut légalement être confidentielle au sens de l'article 66-5 de la loi de 1971. Le Conseil d'Etat a ainsi fait injonction à la commune d'Aix-en-Provence de différer la signature du marché afin de donner le temps au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, à qui l'affaire a été renvoyée, de reprendre l'examen du dossier et de statuer au fond. Comme le prévoit l'article 2.2 du RIN, la mention des références nominatives des clients dans les réponses à appels d'offres, sous réserve qu'elles soient soumises à leur accord exprès et préalable, relève des règles déontologiques applicables à la profession d'avocat et non de la protection du secret professionnel.
E - Les critères d'attribution du marché
Les critères de sélection des offres doivent permettre de dégager l'offre économiquement la plus avantageuse. Si l'article 53 du Code des marchés publics autorise certes à utiliser le prix comme unique critère de choix, la DAJ déconseille fortement cette pratique en matière de prestations juridiques. Le choix de critères pertinents et nécessaires à la désignation d'un prestataire, appartient au pouvoir adjudicateur mais doit être en rapport avec l'objet du marché. A noter que la pondération n'est obligatoire que pour les marchés passés selon une procédure formalisée. Elle ne l'est donc pas pour les marchés de prestations juridiques passés en procédure adaptée. Les acheteurs doivent s'informer sur les taux horaires habituellement pratiqués par les avocats dans le domaine concerné. Ils peuvent se référer à leur propre expérience (anciens marchés) ou interroger d'autres pouvoirs adjudicateurs.
Le dispositif relatif à l'identification et au traitement des offres anormalement basses prévu à l'article 55 du Code des marchés publics, s'applique aux marchés de prestations juridiques. Le pouvoir adjudicateur, lorsqu'il constate des écarts de prix importants entre les offres ou avec son estimation, doit demander à l'auteur de l'offre des explications. Par exemple, le juge du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, dans un jugement du 18 février 2011, ainsi comparé le forfait proposé par le candidat pour des consultations juridiques, avec le taux horaire usuellement pratiqué par les cabinets d'avocats du secteur d'activité et le taux horaire affiché sur son site internet. Le juge en a déduit que l'estimation du temps susceptible d'être passé par le candidat obligeait la commune à s'interroger sur le caractère anormalement bas de l'offre (TA Cergy Pontoise, 18 février 2011, n° 1100716).
Le critère de la valeur technique de l'offre est important. Il permet de juger des éléments produits par le candidat à l'appui de son offre. Ces éléments peuvent être : la description des méthodes de travail proposées, la composition de l'équipe, les moyens matériels utilisés. S'agissant d'un marché de prestations juridiques, le pouvoir adjudicateur est en droit d'exiger, sur le fondement de l'article 49 du Code des marchés publics, que l'offre du candidat soit accompagnée, sans contrepartie financière, d'un avis juridique en rapport avec l'objet et l'importance du marché à condition que cette prestation ne représente pas un investissement significatif (cf. CAA Versailles, 5ème ch., 2 février 2012, n° 09VE01405, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5024IDG). Enfin les candidats peuvent être évalués sur les délais proposés pour répondre à une consultation en urgence.
F - L'attribution
L'information immédiate des candidats évincés et le respect du délai de stand still -délai suspensif entre la communication de la décision d'attribution du marché et la signature de ce dernier afin de permettre aux soumissionnaires d'engager, le cas échéant, une procédure de recours- avant la signature du contrat ne sont pas obligatoires pour les marchés passés selon une procédure adaptée. En revanche, l'acheteur public est tenu, en vertu des dispositions de l'article 83 du Code des marchés publics, de communiquer à tout candidat écarté qui en fait la demande écrite, les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre.
Le marché ou l'accord-cadre d'un montant supérieur à 15 000 euros HT doit être notifié au titulaire avant tout commencement d'exécution.
Lorsque le montant du marché est supérieur au seuil de 200 000 euros HT, le pouvoir adjudicateur doit publier un avis d'attribution au JOUE et au BOAMP dans les conditions fixées par l'article 85 du Code des marchés publics.
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Réf. : CAA Marseille, 6ème ch., 8 avril 2013, n° 10MA04246, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0599KDK)
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Le 27 Mars 2014
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Réf. : TGI Créteil, 4ème ch., 14 mai 2013, n° 09/01203 (N° Lexbase : A9319KDI)
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Le 27 Mars 2014
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Réf. : Cons. const., 16 mai 2013, décision n° 2013-310 QPC (N° Lexbase : A4404KDH)
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N7193BTL
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 23 mai 2013, n° 13/06333 (N° Lexbase : A8497KD3)
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N7300BTK
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Le 05 Juin 2013
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-11.876, F-D (N° Lexbase : A5192KDN)
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N7305BTQ
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CA Lyon, 16 avril 2013, n° 12/06925 (N° Lexbase : A1627KDM)
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N7306BTR
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 14 mai 2013, n° 12/19484 (N° Lexbase : A1996KDB)
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N7308BTT
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 14 mai 2013, n° 12/09268 (N° Lexbase : A1984KDT)
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N7307BTS
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CA Grenoble, 15 mai 2013, n° 12/04296 (N° Lexbase : A5786KDN)
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N7310BTW
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Le 30 Mai 2013
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N7246BTK
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 06 Juin 2013
Le président du Conseil national des barreaux a déclaré qu'il ne serait pas "raisonnable d'ouvrir ce débat" dans de telles conditions : "Je ne veux pas d'une guerre civile fratricide, je n'ai aucune intention d'entretenir une guerre. Soyons plus grands, nous sommes plus forts". Et le sujet a été reporté à un examen ultérieur...
Sur le fond qu'en est-il exactement ?
Initiée lors de la mandature 2009-2011, la réforme de la gouvernance avait pour but de réfléchir à l'organisation institutionnelle de la profession prise dans toutes ses instances nationales, locales et techniques. Dans le droit fil de ses travaux un forum sur l'organisation professionnelle s'est tenu lors de l'AG du CNB des 14 et 15 mai 2012 et les 16 et 17 novembre 2012 le bureau du CNB a remis son rapport d'étape destiné à l'information des élus qui ont eu jusqu'au 19 janvier 2013 pour exprimer leurs avis. Et sur la base de ces avis a été rédigé le rapport qui devait être présenté les 24 et 25 mai.
Les axes de la réflexion ont trait aux sujets suivants :
- le système électoral ;
- la durée du mandat des membres du CNB, les modalités de désignation de son président et de son bureau ;
- les vice-présidents du CNB ;
- les missions du CNB ;
- la dénomination de l'institution nationale ;
- les aspects financiers de la réforme ;
- la coordination entre le CNB et les organes techniques de la profession ;
- la mutualisation des moyens des services des ordres ;
- et la création d'une chambre disciplinaire nationale.
Des différentes réunions, travaux et contributions, et bien que le débat soit loin d'être clos -encore une fois-, voici les principales modifications envisagées et les divergences exprimées.
Sur le système électoral
Il est proposé de maintenir les deux collèges existant actuellement -ordinal et général- ; mais Paris propose un ordre national composé des 34 Bâtonniers de cour d'appel. Et le système électoral serait le suffrage universel ; là encore Paris diverge quant au recours au suffrage universel.
Actuellement le seuil de représentativité est fixé à 4 % des suffrages exprimés dans le collège général dans lequel l'élection se déroule au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle avec une répartition des restes à la plus forte moyenne. La question porte sur le fait d'augmenter ou non ce seuil dans une fourchette comprise entre 5 et 10 % des suffrages (la question est sans objet sur le collège ordinal élu au scrutin majoritaire).
Sur la durée du mandat des membres du CNB
La durée actuelle est de trois ans renouvelable une fois. La Conférence des Bâtonniers, par la voie de son président, s'est prononcée en faveur d'un mandat de quatre ans renouvelable par moitié tous les deux ans. D'autres membres du bureau souhaitent une harmonisation générale de toutes les durées des mandats (Bâtonnier, membre du conseil de l'Ordre, membre du CNB).
Sur l'élection du président
Aujourd'hui le président du CNB est élu par l'ensemble des membres composant l'assemblée générale. Si la majorité du bureau est favorable au maintien actuel de ce système, certains se sont exprimés en faveur de l'élection du président au suffrage universel direct -donc par l'ensemble des avocats inscrits à un barreau français-.
De plus il est proposé que le mandat du président du CNB soit aligné sur celui des membres de son bureau : trois ans. En effet, aujourd'hui, aussi étonnant que cela puisse être, le mandat du Président du CNB est d'un an renouvelable deux fois (D. du 27 novembre 1991, art. 34, al. 2).
Enfin, il est demandé que le président du CNB se présente aux suffrages avec un bureau déjà constitué et proposé par lui -mais là encore certaines divergences sont présentes au sein du bureau du CNB-.
Sur les vice-présidents du CNB
Le décret du 11 décembre 2009 (décret n° 2009-1544 N° Lexbase : L0440IGE) a intégré au bureau, en tant que vice-présidents de droit, le président de la Conférence des Bâtonniers et le Bâtonnier de Paris en exercice. Le bureau propose de permettre une délégation de cette vice-présidence au vice-Bâtonnier (pour le Bâtonnier de Paris) et à un ancien président ou au premier vice-président (pour la Conférence des Bâtonniers). Néanmoins, certains optent pour que le Bâtonnier de Paris et le président de la Conférence des Bâtonniers soient juste membres de plein droit du bureau, sans en être vice-présidents, et d'autres supprimeraient purement et simplement cette notion de vice-présidence de droit.
Sur les missions du CNB
Aux termes de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, le CNB est chargé des missions suivantes :
- représenter la profession, notamment auprès des pouvoirs publics ;
- unifier les règles et usages de la profession ;
- définir, contrôler et coordonner les actions de formation et répartir son financement ;
- déterminer les conditions d'obtention des mentions de spécialisation ;
- percevoir et répartir le produit de la contribution pour l'aide juridique ;
- assister les ordres dans leur mission de vérification du respect des obligations de lutte contre le blanchiment ;
- s'assurer avec le concours de l'UNCA que les barreaux et leur CARPA utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués ;
- exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'avocat ;
- arrêter la liste des avocats étrangers autorisés se présenter aux examens prévus par les articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991 ;
- désigner un tiers arbitre dans le cadre des litiges inter-barreaux ;
- enfin, conformément à un accord mais sans que cela résulte d'un texte, le président du CNB désigne, sur proposition du président de la Conférence des Bâtonniers et du Bâtonnier de Paris pour quatre d'entre eux sur les six la composant, les membres de la délégation française auprès du Conseil des barreaux européens.
Tous sont d'accord pour renforcer les pouvoirs du CNB et notamment pour le doter de compétences normatives ou réglementaires sur l'ensemble des questions concernant l'intérêt général de la profession. Il aurait également pour mission de rendre des avis sur les demandes formulées par les Bâtonniers en exercice (opinion, sur ce point, divergente du président de la Conférence des Bâtonniers). Il tiendrait la liste nationale des avocats, dans la perspective des exigences européennes. Il opèrerait la collation des décisions prises en matière disciplinaire ou en matière d'admission et d'omission.
A ces compétences issues du rapport "Faugère", le bureau envisage d'ajouter d'autres missions :
- incitation et assistance ou regroupement des CARPA ;
- coordination des missions de services publics et de la gestion des fonds en matière d'aide juridictionnelle ;
- définition des outils numériques et gestion de leur développement ;
- traitement des demandes d'inscription au tableau fondées sur des dispositions dérogatoires ;
- actions en justice relatives aux intérêts collectifs de la profession ;
- perception et répartition du produit de la contribution pour l'aide juridique avec faculté de délégation.
Enfin certains proposent d'étendre les compétences du CNB à la mission de négociation/souscription des garanties collectives au nom des avocats.
Sur la mutualisation des moyens des services des Ordres
Par ailleurs il est important de préciser que de nombreuses compétences doivent demeurer de la responsabilité des Ordres locaux. La question se pose alors aux Ordres d'apprécier si certaines obligations peuvent être mutualisées. Aussi, dans cette optique, l'institution nationale qu'est le CNB doit proposer une circonscription territoriale de mutualisation et un processus de fonctionnement. La circonscription territoriale de mutualisation s'entend de la circonscription professionnelle obligatoire dans le cadre de laquelle les mutualisations seraient mises en oeuvre. Et cette circonscription serait celle de la cour d'appel, voire de plusieurs cours d'appel. L'initiative de la mutualisation serait ouverte aux Bâtonniers et la décision serait constituée par la décision unanime des Bâtonniers en exercice des barreaux du ressort de la cour.
Sur la dénomination de l'institution nationale
Le constat fait par le bureau du CNB est que la profession ne dispose d'aucune institution nationale dont la dénomination comprend le mot "avocat". Or, le nom de l'institution nationale doit la rendre plus lisible et affirmer davantage son unité et son identité. Il est donc proposé de la nommer "Conseil national des avocats de France".
Sur les aspects financiers de la réforme
Il est demandé à ce que l'institution soit dotée d'un budget significativement supérieur à celui dont elle dispose actuellement, au niveau de ceux dont disposent les instances représentatives des autres professions réglementées. Il est donc proposé que le CNB fixe le montant de la cotisation par avocat et procède à un appel de la somme due par chaque barreau auprès des Ordres, qui prélèveront la ressource nécessaire sur les avocats inscrits de leurs ressorts (à noter que l'opinion du barreau de Paris diverge sur ce point). Enfin la réflexion est ouverte sur les critères de fixation des cotisations dues aux instances locales et qui sont actuellement variables.
Sur la coordination entre le CNB et les organes techniques de la profession
Les organes techniques de la profession interviennent à de nombreuses reprises :
- en matière de retraite et de prévoyance (CNBF, LPA, CREPA) ;
- en matière de gestion de fonds CARPA (UNCA) ;
- en matière d'assurance responsabilité professionnelle (SCB) ;
- en matière de comptabilité et de gestion des cabinets (ANAAFA) ;
- ou encore en matière de formation des personnels des cabinets d'avocats (ENADEP).
Il est donc très important que le CNB s'intéresse et s'implique au sein de ces organes techniques.
Sur la chambre de discipline nationale
Hormis le président de la Conférence des Bâtonniers dont l'opinion diverge, l'idée est de créer une composante ordinale du CNB qui pourrait, de manière autonome, remplir une double fonction. Lorsque deux Bâtonniers ont à trancher un différend opposant les avocats de leur ressort respectif, s'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord, ils doivent désigner un Bâtonnier ou ancien Bâtonnier tiers-arbitre ; et s'ils ne se mettent pas d'accord sur un nom, c'est au président du CNB qu'il revient de désigner à partir d'une liste revue tous les ans en fonction des disponibilités des Bâtonniers prêts à remplir cette fonction.
De même lorsqu'un Bâtonnier, un membre du conseil de discipline ou un membre du conseil de l'Ordre fera l'objet de poursuites, il comparaîtra devant cette formation disciplinaire nationale.
Enfin, les décisions du conseil de discipline étant, actuellement, déférées à la cour d'appel locale, il en résulte parfois des divergences jurisprudentielles. Aussi, pour remédier à ces contradictions, cette chambre disciplinaire nationale pourrait devenir également la juridiction d'appel nationale de tous les conseils de discipline.
Vaste et important sujet que la réforme de cette organisation professionnelle qui nécessitera une unité de ses composantes pour que le CNB la mène à bon port. Moins de trente minutes avant l'ouverture de l'assemblée générale du 24 mai dernier, les membres du bureau du CNB ont reçu un courrier du barreau de Paris prêt à revenir dans les discussions si était créée une commission mixte qui sera chargée de recenser et de préparer les propositions que le CNB soumettra au vote des 55 000 avocats... Les cartes sont donc entre les mains de l'institution nationale...
(1) Lire nos obs., Gouvernance de la profession : le barreau de Paris pour un Ordre national, Lexbase Hebdo n° 143 du 7 février 2013 - édition Professions (N° Lexbase : N5664BTX).
(2) "L'assemblée générale du Conseil national des barreaux a pris connaissance avec stupéfaction de la décision brutale de Madame le Bâtonnier de Paris de suspendre la participation du collège ordinal parisien aux travaux du CNB.
L'assemblée générale rappelle que le CNB est la seule institution nationale démocratiquement élue et représentative de la profession.
Cette décision regrettable et contestable n'entrave en rien le bon fonctionnement du CNB qui poursuit naturellement l'ensemble de ses travaux.
Concernant la réforme de la gouvernance, ce comportement démontre qu'en aucun cas l'institution nationale ne peut reposer sur la seule représentation ordinale.
Le CNB par sa composition et sa représentativité est la seule institution légitime à mener la réforme de la gouvernance de la profession, mission qui ne saurait être confiées à une commission externe.
Le CNB est résolu à aboutir à une réforme répondant l'intérêt générale et préservant l'unité de la profession".
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Réf. : Décret n° 2013-409 du 17 mai 2013, relatif à la représentation des parties en première instance devant la cour administrative d'appel (N° Lexbase : L7969IW3)
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 341598 (N° Lexbase : A5334KDW)
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N7302BTM
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 342500 (N° Lexbase : A5335KDX)
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N7303BTN
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : Cass. crim., 23 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-83.721 (N° Lexbase : A9193KDT) et n° 12-83.780 (N° Lexbase : A9114KDW), FS-P+B
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N7317BT8
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Le 08 Juin 2013
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-19.086, F-D (N° Lexbase : A5224KDT)
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N7304BTP
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Le 12 Juin 2013
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Réf. : Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-13.865, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9246KDS)
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N7295BTD
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 30 Mai 2013
Lorsque la profession d'avocat est exercée sous le statut d'avocat salarié, la majeure partie des règles de droit du travail sont alors applicables à la relation entre l'avocat et son employeur.
En effet, l'article 14-1 du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat définit la collaboration salariée comme "un mode d'exercice professionnel dans lequel il n'existe de lien de subordination que pour la détermination des conditions de travail". S'il existe donc un lien de subordination, certes allégé, entre l'avocat et son employeur, leur relation est une relation de travail qui doit par conséquent, sauf règles spéciales, être soumise au droit commun du travail (1).
Cette soumission de la relation au droit du travail est clairement exprimée pour certains domaines, en particulier s'agissant de la rupture de la relation de travail. Ainsi, l'article 14-4 du RIN envisage clairement la situation du licenciement de l'avocat salarié et dispose que "le droit du licenciement s'applique à l'avocat collaborateur salarié dans la forme et sur le fond". De la même manière, la Chambre sociale de la Cour de cassation a plusieurs fois accepté d'appliquer le régime de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à la relation de travail de l'avocat salarié, cela sans aucune différence véritable avec la prise d'acte de droit commun (2).
Or, depuis l'adoption de la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle du contrat de travail figure au nombre des ruptures de droit commun du contrat de travail. Outre que l'article L. 1231-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8654IAR) dispose, désormais, que "le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord" (3), une section entière du code est aujourd'hui consacrée à la rupture conventionnelle (4), mode de rupture ainsi prévu par la loi contrairement, notamment, à la prise d'acte de la rupture précédemment évoquée. C'est en définitive sans grande surprise que le juge judiciaire accepte donc qu'une rupture conventionnelle puisse être conclue entre un avocat salarié et la société qui l'emploie comme l'illustre l'affaire ici présentée.
Une avocate salariée conclut, en 2009, une rupture conventionnelle avec la société qui l'employait. Conformément aux exigences du Code du travail en la matière, la convention fit l'objet d'une homologation délivrée par l'administration du travail (5). Une fois la rupture acquise, l'avocate saisit le Bâtonnier d'une demande de requalification de la rupture conventionnelle en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le syndicat des avocats de France tenta d'intervenir à l'instance, cette intervention étant jugée irrecevable par le Bâtonnier comme par les juges d'appel.
La cour d'appel de Versailles, saisie de l'affaire, fit droit aux demandes de l'avocate salariée (CA Versailles, 15 décembre 2011, n° 10/06409 N° Lexbase : A3098H8A). Elle relevait, en particulier, qu'il existait manifestement un différend entre les parties au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle et que l'avocate avait fait l'objet de menaces quant à la poursuite de sa carrière professionnelle. S'appuyant sur ces deux éléments, elle jugeait que la rupture conventionnelle devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (6).
Saisie par la société employeur et par le syndicat des avocats de France, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur les deux moyens présentés.
Sur le premier moyen, d'abord, elle pose la règle selon laquelle "si l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du Code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties". Compte tenu des menaces et pressions subies par l'avocate, la Chambre sociale en déduit que le consentement de la salariée était vicié et que la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen, ensuite, la Chambre sociale confirme le raisonnement adopté par les juges d'appel et estime que "l'objet du litige ne mettait pas en cause l'intérêt collectif de la profession" si bien que la demande du syndicat était irrecevable.
S'il faudra donc retenir que les règles encadrant la rupture conventionnelle du contrat de travail sont applicables à la relation entre un avocat salarié et son employeur, l'analyse ne peut s'arrêter à ce premier regard. En effet, l'apport de la décision est majeur, tant pour les avocats salariés et leurs employeurs que, d'une manière plus générale, pour le régime juridique applicable à la rupture conventionnelle qui reçoit ici plusieurs notables précisions.
II - Rupture conventionnelle et litige entre les parties
C'est là l'une des premières questions à s'être posée lors de l'adoption de la loi du 25 juin 2008 et des dispositions relatives à la rupture conventionnelle : une rupture conventionnelle peut-elle valablement être conclue entre parties en litige ou, du moins, entre parties aux prises à un différend (7) ?
Si la question se posait avec acuité, c'est que le droit du travail a toujours été hostile à la conclusion de conventions de rupture amiable qui, en raison d'un litige, n'ont rien d'un arrangement entre "amis". Ainsi, déjà, la Chambre sociale de la Cour de cassation refusait que puisse être conclue une rupture amiable sur le fondement de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) lorsqu'existait un différend entre les parties (8). Au contraire, s'il existe un différend entre les parties, c'est une transaction qui peut être conclue mais qui ne peut alors avoir pour objet de rompre le contrat de travail (9).
La question n'était jusqu'ici pas véritablement tranchée s'agissant de la rupture conventionnelle (10). Certes, la Chambre sociale de la Cour de cassation a bien été saisie le 29 janvier 2013 d'une affaire au cours de laquelle existait vraisemblablement un litige entre les parties puisque le salarié a été reconnu victime de harcèlement moral au moment de la conclusion de la convention de rupture (11). La motivation de la décision ne tranchait cependant pas clairement les conséquences de l'existence d'un différend entre les parties mais, plutôt, d'un vice du consentement -en l'occurrence de violence- au moment de la conclusion de la convention (12).
C'est donc là le premier apport de l'arrêt exposé que d'affirmer, sans détour, que "l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture". Alors même que le pourvoi formé est rejeté, la Chambre sociale repousse donc le premier argument des juges d'appel qui avaient clairement appuyé leur solution sur l'existence de ce litige entre les parties. La suite du raisonnement s'inscrit plus clairement dans la lignée de la décision rendue le 29 janvier 2013 puisque la Chambre sociale réaffirme l'importance du consentement des parties à la convention, cette dernière ne pouvant être "imposée" à l'une ou l'autre des parties sans que le juge judiciaire y voie un vice du consentement.
Cette solution appelle des remarques de deux ordres.
D'abord, il faut bien comprendre que la Chambre sociale rompt ici avec une règle qu'elle appliquait de longue date à la rupture amiable du contrat de travail. La rupture conventionnelle peut être conclue en cas de différend entre les parties. Ce changement de position -qui n'est pas à proprement parler un revirement de jurisprudence puisque la règle nouvelle s'applique à un régime nouveau- sera certainement utile en pratique tant on peut penser que de nombreuses ruptures conventionnelles sont en réalité conclues dans des situations conflictuelles entre l'employeur et le salarié.
L'existence d'un conflit entre les parties pourra cependant être utilisée par les conseils devant les juridictions du fond comme un indice de l'existence d'un vice du consentement. En effet, si l'on veut bien admettre que le différend entre les parties ne suffise pas à démontrer l'existence d'un tel vice, il nous semble cependant que ce vice sera plus vraisemblable si un tel litige existait. C'est probablement là le sens qu'il convient de donner à la formule utilisée par la Chambre sociale qui juge que l'existence d'un différend n'affecte pas par "elle-même" la validité de la convention.
Ensuite, il faut relever que la Chambre sociale, comme la cour d'appel, laisse à nouveau de côté une question qui se fait pourtant lancinante. Les deux juridictions ont, en effet, admis que la rupture conventionnelle n'était pas valable, la seconde ajoutant même que le consentement du salarié avait été vicié. En cas de défaut d'une condition de validité d'une convention, la sanction doit être la nullité de celle-ci. Or, aucun des deux juges ne prononce une telle nullité.
La critique faite à l'encontre des juridictions doit être relativisée. A l'encontre de la cour d'appel puisque celle-ci ne motivait pas expressément sa décision sur l'absence d'une condition de validité mais, seulement si l'on peut dire, sur l'existence d'un litige entre les parties. A l'encontre de la Chambre sociale de la Cour de cassation, ensuite, parce aucune demande de nullité ne lui a été présentée et que, sauf moyen soulevé d'office, elle ne pouvait se substituer aux demandes des parties.
Malgré tout, considérer que la rupture doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'une condition de validité de la rupture conventionnelle ne constitue pas un raisonnement adéquat sur le plan technique. Peut-être la Chambre sociale entend-elle éviter que l'annulation de la convention de rupture emporte la réintégration du salarié dans l'entreprise, cela d'autant que le nombre de ruptures conventionnelles conclues depuis 2008 est considérable. Si l'on comprend l'argument d'opportunité, on peine véritablement à trouver la justification juridique d'une telle position.
Pire encore, on peut penser que ne pas prononcer la sanction habituellement applicable en cas de vice du consentement entre en parfaite contradiction avec la volonté affirmée par le législateur et la Chambre sociale de placer le consentement des parties au coeur du mécanisme de rupture conventionnelle (13). Le consentement serait le pilier central de la rupture conventionnelle à défaut duquel la convention de rupture ne s'effondrerait pas !
Par cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation apporte une autre précision sur l'intervention des syndicats qui doit être signalée bien qu'elle soit d'une envergure moindre.
III - Rupture conventionnelle et action des syndicats
Sans qu'il soit trop nécessaire d'entrer dans le détail, il faut tout de même rappeler que les syndicats professionnels disposent d'une action en défense des intérêts collectifs de la profession. Ainsi, en vertu de l'article L. 2132-3, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L2122H9H), les syndicats peuvent "devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent" (14).
Cette action est encadrée par un certain nombre de conditions parmi lesquelles figure l'exigence que l'action soit intentée pour défendre un intérêt "collectif". La Chambre sociale refuse ainsi catégoriquement que le syndicat intervienne dans une instance pour défendre un intérêt purement individuel (15). Empreinte d'une grande casuistique, la distinction entre intérêt collectif et intérêt individuel n'est pas toujours aisée à appliquer, en particulier dans certains domaines hybrides. Tel est en particulier le cas de la rupture du contrat de travail : si l'on peut ainsi penser que l'action d'un syndicat est recevable en cas de licenciement pour motif économique collectif (16), elle ne le sera pas en cas de litige portant sur un licenciement individuel (17).
C'était, cependant, la première fois à notre connaissance qu'un syndicat tentait d'intervenir à une instance portant sur un litige relatif à une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Sans grande surprise, la Chambre sociale confirme la position adoptée avant elle par le Bâtonnier et la cour d'appel de Versailles sur cette question : "l'objet du litige ne mettait pas en cause l'intérêt collectif de la profession" si bien que l'action du syndicat n'était pas recevable.
L'argumentation du syndicat au soutien de sa demande était en effet contestable. Manifestement conscient qu'il s'agissait d'un litige de nature individuelle, le syndicat invoquait la nécessité pour ses adhérents de connaître la position de la Chambre sociale quant à l'éventuelle compatibilité d'un différend entre les parties et la conclusion d'une rupture conventionnelle. Si la réponse à une telle question comporte un véritable intérêt, celui-ci n'est ni collectif, ni professionnel.
Il n'est pas collectif car, même s'il convient de ne pas être dupe ou hypocrite, les décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation ne sont pas des arrêts de règlement et ne doivent pas nécessairement s'appliquer à la manière d'une loi ou d'un règlement à l'ensemble des futures affaires impliquant différend et rupture conventionnelle. La question posée ne concernait donc que la salariée en cause et non la communauté des avocats salariés. Le litige n'a pas, non plus, de dimension professionnelle puisque, non seulement il ne concerne qu'une et unique avocate mais, quand bien même on adhérerait au raisonnement du syndicat, la détermination de la règle applicable dépasse de loin le seul intérêt de la profession d'avocat et concerne en réalité l'intérêt général. Tous les salariés et les employeurs de France ont intérêt à savoir si oui ou non un différend est conciliable avec une rupture conventionnelle.
La solution adoptée par la Chambre sociale ne signifie pas, d'ailleurs, que l'action d'un syndicat soit toujours exclue à l'avenir. On pourrait penser, par exemple, à une action menée contre une violation manifeste de l'article L. 1237-16 du Code du travail (N° Lexbase : L8479IAB), c'est-à-dire en cas de conclusion de ruptures conventionnelles dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi. En effet, dans ce cas de figure, il est peu probable qu'une rupture conventionnelle unique soit conclue, plusieurs salariés seront concernés si bien que la dimension collective fera à nouveau surface (18). De la même manière, l'action des syndicats pourrait probablement être acceptée dans une situation proche de celle ayant donné lieu à une affaire jugée le 9 mars 2011 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (19). Rappelons que, dans cette affaire, un employeur avait conclu de multiples ruptures conventionnelles avec l'objectif, semble-t-il, d'éluder l'application des règles relatives au licenciement pour motif économique collectif. Le caractère collectif était avéré puisque plusieurs salariés étaient concernés et que les règles du licenciement collectif étaient écartées si bien que l'action des syndicats en défense des intérêts collectifs de la profession aurait pu être acceptée.
(1) Le dernier alinéa de ce même article 14-1 du RIN dispose plus clairement encore que "le contrat de travail de l'avocat collaborateur salarié est régi par le droit du travail".
(2) V. not. Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42.679, publié (N° Lexbase : A8977C8Y) ; Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 10-28.166, FS-D (N° Lexbase : A1112IZ9).
(3) Nous soulignons.
(4) V. C. trav., art. L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI) et s..
(5) Procédure imposée par l'article L. 1237-14 du Code du travail (N° Lexbase : L8504IA9).
(6) CA Versailles, 15 décembre 2011, n° 10/06409 (N° Lexbase : A3098H8A).
(7) V. par ex. S. Chassagnard-Pinet et P.-Y. Verkindt, La rupture conventionnelle du contrat de travail, JCP éd. S, 2008, 1365, spéc. n° 7 et s..
(8) Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.570, F-D (N° Lexbase : A2439DZD).
(9) Cass. soc., 29 mai 1996, n° 92-45.115 (N° Lexbase : A3966AA7), Les grands arrêts du droit du travail, Dalloz, 4ème éd., n° 120.
(10) V. les solutions rendues par les juges du fond, v. Ch. Willmann, Conditions de validité de la rupture conventionnelle : premiers contentieux des juridictions d'appel, Lexbase Hebdo n° 499 du 27 septembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3627BTI).
(11) Cass. soc., 29 janvier 2013, n° 11-22.332, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6245I43) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5793BTQ) ; JCP éd. E, 2013, 1236, note D. Corrignan-Carsin ; RDT, 2013, p. 258, note F. Taquet.
(12) V. déjà à propos d'un accord de rupture amiable antérieur à la loi de 2008 annulé pour violence, Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-41.757, F-P+B (N° Lexbase : A1365DEB) et les obs. de Ch. Willmann, Annulation pour violence morale d'un accord de rupture amiable du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 147 du 16 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3878ABA) ; RDC, 2005, p. 378, obs. Ch. Radé.
(13) Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, préc..
(14) J.-M. Verdier, Accords collectifs et action "syndicale" en justice : le rôle fondateur de l'article L. 411-11 du Code du travail, D., 2002, chron. p. 503 ; E. Wagner, Le rôle des syndicats et des associations dans la défense des droits et l'accès à la justice des salariés, Dr. ouvr., 1990, p. 291.
(15) Cass. soc., 23 juin 2004, n° 02-42.601, F-D (N° Lexbase : A9511DCA). Pour des applications, v. nos obs. sous Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 05-16.492, FP-P+B (N° Lexbase : A0883D4H), La limitation du droit d'ester en justice des syndicats pour la défense des intérêts collectifs de la profession, Lexbase Hebdo n° 291 du 6 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N0432BEQ) et les références citées.
(16) Par ex. dans un cas de restructuration emportant de nombreux licenciements pour motif économique, Cass. soc., 21 janvier 2004, n° 02-12.712, FP-P+B (N° Lexbase : A8593DAI).
(17) Par ex. à propos d'un licenciement pour inaptitude (Cass. soc., 23 juin 2004, n° 02-42.601, F-D N° Lexbase : A9511DCA) ou dans le cas du manquement de l'employeur à son obligation individuelle de reclassement (Cass. soc., 18 novembre 2009, n° 08-44.175 N° Lexbase : A7590ENG et les obs. de G. Auzero, Le régime de l'action en justice des syndicats dans l'intérêt collectif de la profession, Lexbase Hebdo n° 374 du 3 décembre 2009 - édition sociale N° Lexbase : N5793BMI).
(18) Il faut tout de même remarquer que l'hypothèse est peu probable dans les cabinets d'avocat qui, à part quelques notables exceptions, sont souvent de petites structures.
(19) Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3242G79) et les obs. de Ch. Willmann, La Cour de cassation assimile les ruptures conventionnelles à des licenciements pour motif économique, Lexbase Hebdo n° 433 du 24 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7642BRH).
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Réf. : Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-13.865, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9246KDS)
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Réf. : CA Versailles, 14 mai 2013, n° 12/03524 (N° Lexbase : A1967KD9)
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Le 30 Mai 2013
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
Le 31 Mai 2013
Lexbase : Pouvez-vous nous retracer le parcours de votre carrière ?
Philippe Coen : C'est au cours de mon cursus universitaire que s'est développé mon goût pour l'international. En licence (troisième année), j'ai étudié le droit des affaires "option internationale", mais sans sortir juridiquement et physiquement des frontières françaises. A l'occasion d'un concours organisé ("moot court") aux Pays-Bas (Académie de droit international de La Haye), portant sur un procès sur le thème de conflits interétatiques, je me suis aperçu de deux choses : d'une part, les étudiants français manquent cruellement d'apprentissage et de pratique de l'anglais par rapport à leurs homologues européens, qui sont le plus souvent parfaitement bilingues ; les Français étaient à la traîne ! D'autre part, le droit international s'apprend dans un contexte international. Ni les nouvelles technologies, ni les cours de droit comparé, ne suffisent à former le juriste en droit international.
J'ai donc décidé de m'inscrire aux cours d'été du Certificat de droit international public de l'Académie de La Haye, qui se déroulent depuis 1923 dans l'enceinte du Palais de la Paix, même si ma formation était "privatiste". Les conférences données dans ce cadre, par des professeurs venus de nombreux pays étrangers, sont en anglais ou en français, ce qui permet de développer son vocabulaire juridique. Les cours sont résolument tournés vers le droit international.
De retour en France, j'ai ensuite pu poursuivre mon cursus universitaire avec un double diplôme à Paris 1 : une maîtrise (Master 1) en droit des affaires internationales et un diplôme universitaire en droit des communautés européennes (à cette époque, l'Université de la Sorbonne était la seule à proposer ce type de diplôme, intitulé le CUECE). En parallèle, j'ai suivi un master en cinéma à Paris 7, passion qui m'anime depuis toujours. J'ai passé mon DESS (Master 2) en droit du commerce international à l'Université de Nanterre et suivi un autre en droit public à l'Université Paris 13, puis j'ai effectué un stage chez Gide, Loyrette et Nouel. A la suite de ce stage, j'ai décidé d'étudier à Harvard, avec l'aide d'une bourse octroyée par le ministère des Affaires étrangères. A la fin de cette année d'études, je suis entré dans le cabinet Linklaters comme collaborateur, à New York, puis au bureau de Paris. J'ai d'abord exercé en tant que conseil juridique, puis j'ai suis devenu avocat, en bénéficiant de la passerelle réservée aux conseils juridiques. J'ai prêté serment et ai exercé au sein du cabinet Berlioz & Co.
En 1997, The Walt Disney Company Europe recherchait un juriste, et m'a convaincu d'exercer la profession de juriste d'entreprise en son sein. Ne m'étant, tout d'abord, pas destiné à une autre profession que celle d'avocat, je tente aujourd'hui de conserver les réflexes de cette profession en termes de compréhension et de logique (rédaction de conclusions, procédure, etc.). Depuis 16 ans, je pratique le droit en entreprise, selon les besoins, soit dans tous ses domaines ou presque, à l'international, Disney investissant beaucoup dans des pays étrangers.
Lexbase : Comment êtes-vous parvenu à la tête de l'European company lawyers association ?
Philippe Coen : Après mon entrée chez Disney, je me suis rapidement intéressé à l'organisation de la profession des juristes d'entreprise. Venant de la profession d'avocat, réglementée et très organisée, j'ai cherché à savoir s'il en était de même pour les juristes d'entreprise.
Les juristes d'entreprise sont représentés, notamment, en France, par l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), qui regroupe plus de 4 600 juristes, sur les 16 500 existants. Aujourd'hui, cette association est assez affirmée pour défendre et organiser la profession. Une fois entré dans l'association, je m'y suis beaucoup investi en tant qu'administrateur, jusqu'à devenir, en 2008, son Vice-président.
L'AFJE propose de nombreuses formations aux juristes d'entreprise qui en sont membres, par le biais de commissions, d'ateliers, et d'un Campus AFJE annuel. Pour ma part, j'anime la commission "Propriété intellectuelle et audiovisuelle", qui se réunit très régulièrement, et je m'occupe, avec d'autres, des affaires internationales et de la communication de l'association. Par ailleurs, j'ai créé, en juillet dernier, le comité "Déontologie et pratique professionnelle" qui s'attelle à réglementer la profession de l'intérieur.
ECLA réunit les organisations représentatives des juristes d'entreprise. Tout naturellement, je me suis intéressé à cette institution européenne, m'y suis investi, et, en mars 2012, je suis devenu son Vice-président. Le 16 novembre 2012, ECLA m'a nommé Président de l'association. Depuis six mois, j'applique le programme pour lequel j'ai été élu.
Lexbase : Quel est le mode de fonctionnement d'ECLA ? Quel est son objet ?
Philippe Coen : ECLA fonctionne sur la base d'une gouvernance bien installée. Tous les trimestres, une assemblée générale est organisée, ainsi qu'une assemblée générale annuelle. La prochaine se déroule le 26 septembre 2013, au Palais d'Egmont, à Bruxelles, sous forme d'événement public et tous les juristes d'entreprises sont les bienvenus à s'inscrire à cette grande réflexion et célébration de notre profession au sein de l'Europe (voir ici). La suivante aura lieu à Riga, en Estonie, fin mai 2014. Il est aussi prévu d'organiser, à l'automne, à Bruxelles, un évènement annuel.
En outre, chaque mois, une réunion téléphonique est effectuée entre les membres de l'executive board, auxquels j'ai choisi d'ajouter tous les représentants de pays qui souhaitent être actifs, dans la recherche d'une transparence et d'une collaboration accrues. Enfin, l'executive board se rencontre chaque trimestre pour traiter des dossiers.
Tous les deux mois, ECLA diffuse une nouvelle newsletter (ECLANEWS) accessible à tous via notre site, qui retrace l'actualité de la profession et les réalisations de l'association et des pays membres. ECLA est aussi active sur twitter, et prépare son entrée sur linkedin, des interviews vidéos intitulées "ECLAVISIONS", etc., et est clairement ancrée dans les réseaux sociaux, l'expansion et la modernité. C'est ainsi que l'association s'est donnée pour chantier cette année de renouveler son site internet (www.ecla.eu), ainsi que son logo.
Lexbase : Quelles sont vos ambitions pour ECLA et quels sont les moyens de les réaliser ?
Philippe Coen : Mes ambitions pour ECLA portent sur son développement et le resserrement des liens entre les pays membres, pour collaborer autrement.
ECLA a deux "chantiers" importants à venir et qui concernent tous les juristes. Tout d'abord, l'association souhaite participer activement à la rédaction d'un code de déontologie pour l'Europe, qui s'adresserait à tous les juristes d'entreprise. En effet, le juriste d'entreprise est une des "consciences de l'entreprise". Les thèmes comme la responsabilité sociale des entreprises, la responsabilité citoyenne, etc., sont sur le devant de la scène juridique aujourd'hui, et il est important d'intensifier ces discussions afin de donner au juriste le cadre européen qui permettra une application harmonieuse de ces idées.
Ensuite, ECLA s'implique fortement dans les suites à donner à l'arrêt rendu par la CJUE le 14 septembre 2010, "Akzo Nobel" (CJUE, aff. C-550/07 P N° Lexbase : A1978E97). Par cette décision, les juges de l'Union ont refusé aux juristes d'entreprise et avocats internes la confidentialité de leurs avis. Il s'en est suivi, en France, un débat passionné et toujours actuel, portant sur le "legal privilege" et le rapprochement des professions de juriste et d'avocat.
La Cour avait fondé sa décision sur le constat de la dépendance du juriste d'entreprise, attaché à l'entreprise qui l'emploie par un contrat de travail. Or, le juriste d'entreprise est indépendant par nature. ECLA travaille à la rédaction d'un livre blanc argumentant en ce sens, "Company Lawyer : independent by design". L'entreprise qui emploie un juriste attend de lui qu'il délivre des avis en toute indépendance, car c'est là que se trouve sa vraie valeur ajoutée.
En déniant la confidentialité des avis aux juristes d'entreprise, le juge européen porte atteinte à la compétitivité des entreprises. Ainsi, en Europe, les juristes d'entreprise bénéficient ou non de la confidentialité de leurs avis. En Belgique, le legal privilege appartient aux juristes d'entreprise (lire à ce sujet, L'Institut des juristes d'entreprise en Belgique, une autre façon d'organiser une profession réglementée - Questions à Anne De Wolf, Directeur général de l'Institut des juristes d'entreprise en Belgique, Lexbase Hebdo n° 144 du 20 février 2013 - édition Professions N° Lexbase : N5872BTN), alors que ce n'est pas le cas en France. Cet élément peut influencer l'implantation des entreprises sur le territoire européen, en l'absence d'harmonisation européenne. Nous cherchons donc à remédier à cette difficulté qui handicape la profession et, au-delà, les entreprises que nous conseillons.
La dichotomie qui existe entre les juristes d'entreprise et les avocats ne se conçoit pas partout. Et même, la France fait figure d'exception, avec l'Italie et de rares nations européennes ! Au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas, au Portugal, en Croatie, en République tchèque, en Pologne, ce sont les barreaux ou l'Institut Belge dédié dans ce cas précis qui adhèrent à ECLA, association qui représente les juristes. Et ces pays ne comprennent pas pourquoi en France et en Italie les barreaux n'englobent pas les juristes d'entreprise.
Ce sujet fera partie des deux thèmes qui seront abordés le 26 septembre 2013, au Palais d'Egmont à Bruxelles, au cours de la soirée de célébration des 30 ans d'ECLA. Cet évènement est le premier célébrant la profession de juriste d'entreprise, avec des invités "VIP". Deux sujets seront à l'ordre du jour : l'indépendance des juristes d'entreprise et les problèmes liés à la mise en cause des juristes dans les procédures pénales.
Pour réaliser les ambitions que nous nous sommes fixées, et pour fonctionner au quotidien, l'association a besoin de fonds. Le financement d'ECLA, comme toute association, fonctionne d'abord sur la base des cotisations de ses membres : dix-neuf pays représentés versent chaque année la somme modique de 1 000 euros de cotisation. De plus, l'association est soutenue par des sponsors, toujours plus nombreux.
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Réf. : TA Paris, 17 mai 2013, n° 1206417 (N° Lexbase : A4413KDS)
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Le 30 Mai 2013
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