Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 26-03-2013, n° 12/16119, Infirmation

CA Aix-en-Provence, 26-03-2013, n° 12/16119, Infirmation

A9431KAK

Référence

CA Aix-en-Provence, 26-03-2013, n° 12/16119, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8046522-ca-aixenprovence-26032013-n-1216119-infirmation
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Abstract

Il résulte des principes essentiels de la profession d'avocat, d'une part, que les contrats passés entre avocats ayant pour objet le droit à présentation de la clientèle n'ont d'effet qu'entre les cocontractants et ne s'imposent nullement au client libre de choisir son défenseur, et, d'autre part, que la convention d'honoraires conclue entre un avocat et son client ne peut, en raison de l'intuitu personae, en aucune façon être transférée sans l'accord exprès et écrit du client.



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 26 MARS 2013
N°2013/ 291

Rôle N° 12/16119 Ouassini Z
C/
Micheline Y
Grosse délivrée
le
à
Maître Ouassini Z
Madame Micheline Y
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de Me Micheline Y rendue le
09 Août 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de GRASSE.
DEMANDEUR
Maître Ouassini Z,
demeurant CAGNES-SUR-MER
comparant en personne
DÉFENDERESSE
Madame Micheline Y,
demeurant MANDELIEU-LA-NAPOULE
comparant en personne
*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 13 Février 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats Marion ASTIE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2013
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***

EXPOSÉ

Vu le recours formé par Maître Ouassini Z par lettre recommandée expédiée le 17 août 2012 et enregistré au greffe le 21.08.2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de GRASSE, en date du 09 Août 2012, notifiée le 10 août 2012, qui a dit que la demande de taxation d'honoraires qu'il avait formulée contre Madame Micheline Y s'analysait en une demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée et/ou abusive de contrat, relevant de la juridiction de droit commun ;
Vu ladite décision de taxe, rendue sur demande de Madame Micheline Y formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 25 juin 2012, après recueil des observations des parties ;
Vu, développés oralement, les mémoires n°1 et n°2 - ce dernier en date du 13 février 2013-, régulièrement communiqués avant l'audience, par lesquels Maître Ouassini Z rappelle qu'il a succédé à Maître Alain ... pour le compte de la SELARL CONSTRUCTAJURIS elle-même bénéficiaire d'une convention d'honoraires en date du 17 mars 2010 conclue avec Madame Micheline Y, que dans ce cadre il s'est déplacé devant le Tribunal de Grande Instance de LAON à l'audience du 12 avril 2011, mais qu'après le jugement rendu par cette juridiction sa cliente, au mépris de la convention d'honoraires, l'a déchargé de sa mission, le privant ainsi de l'honoraire de résultat stipulé dans cette convention, qu'il a donc facturé forfaitairement les honoraires dus pour 5.980 euros, soutient que c'est à tort que le bâtonnier a considéré que sa demande de fixation d'honoraires n'était pas recevable, à tort également que Madame Micheline Y ne le considère pas comme son avocat alors qu'il a produit l'acte de cession de droit de présentation à la clientèle, qu'elle a correspondu avec lui et lui a versé des honoraires pour son déplacement à LAON, estime la demande reconventionnelle en remboursement desdits honoraires irrecevable comme nouvelle et, subsidiairement, non fondée, et demande la fixation de ses honoraires à la somme de 27.430,07 euros HT au titre de l'honoraire de résultat ou subsidiairement à celle de 5.980 euros, le rejet des prétentions adverses et l'octroi d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu, développées oralement, les conclusions sous forme de lettres en date des 25 janvier, 30 janvier et 10 février 2013 par lesquelles Madame Micheline Y conteste cette argumentation, soutient que Maître ... lui avait bien précisé qu'il n'avait cédé aucun dossier en cours, la cession à Maître Z ne portant que sur la simple présentation de clientèle, chaque client étant libre de choisir un autre avocat, que dans son dossier tout a été fait par Maître ... qui a transmis le dossier à son postulant à LAON, Maître ... auquel elle a payé des honoraires, que Maître Z qui habitait Amiens à l'époque a proposé de déposer le dossier au Tribunal mais a cependant facturé la rédaction de notes de plaidoirie pour 300 euros alors qu'il n'a rien fait à ce titre et un prétendu déplacement pou 700 euros alors qu'il était avocat à Amiens et non à Grasse, son déplacement à Laon étant, selon-elle, négligeable, et sollicite donc reconventionnellement, outre la confirmation de la décision querellée, le remboursement de la facture du 24 Février 2011 de 1.204,84 euros ainsi que 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

SUR QUOI
- sur la recevabilité
Attendu que les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité du recours formé dans les délais et selon les formes prescrites par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 et qui sera en conséquence déclaré recevable.
- sur le fond
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Attendu par ailleurs qu'il convient de rappeler, d'une part que, ainsi que l'a souligné la doctrine ( Raymond ... in JurisClasseur Procédure civile Fasc. 83-4 ), le lien de confiance qui est à la base des relations entre le client et son défenseur ou son conseil suppose la liberté de choix du défenseur par le client, et d'autre part, que selon l'article 1165 du Code Civil les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 ;
Qu'il résulte de ces principes essentiels, d'une part, que les contrats passés entre avocats ayant pour objet le droit à présentation de la clientèle n'ont d'effet qu'entre les cocontractants et ne s'imposent nullement au client libre de choisir son défenseur, d'autre part, que la convention d'honoraires conclue entre un avocat et son client ne peut, en raison de l'intuitu personae, en aucune façon être transférée sans l'accord exprès et écrit du client ;
Attendu, en l'espèce, qu'il résulte des pièces versées au débat que la convention d'honoraires du 17 mars 2010 dont se prévaut Maître Ouassini Z a été conclue entre Maître Alain ..., SELARL CONSTRUCTAJURIS et Madame Micheline Y et qu'il n'y a pas eu, de la part de cette dernière, acceptation expresse et écrite pour la novation de cette convention en sorte que, en dépit du contrat de cession de présentation de clientèle intervenu entre Maître Alain ..., SELARL CONSTRUCTAJURIS et Maître Ouassini Z, cette convention d'honoraires ne s'applique pas dans les rapports entre Maître Ouassini Z, avocat cessionnaire non expressément agréé et la cliente ;
Attendu en conséquence que les honoraires de Maître Ouassini Z doivent être fixés par application des critères légaux ;
Attendu, sur la demande reconventionnelle, que l'appel ouvre une nouvelle instance au cours de laquelle la continuité du litige doit être maintenue ; qu'il résulte des articles 565, 65 et 70 du code de procédure civile que cette continuité n'est pas altérée dés lors que les prétentions présentées au juge d'appel tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et, lorsqu'elles prennent la forme de demandes additionnelles, qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;
Qu'il résulte de ces principes que, les demandes soumises au bâtonnier ayant pour objet de faire trancher les contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats, les prétentions des parties peuvent donc, au cours de l'instance ouverte sur appel d'une décision du bâtonnier, faire l'objet de demandes additionnelles qui sont recevables dés lors qu'elles concernent les honoraires contestés devant celui-ci ;
Qu'en l'espèce la demande reconventionnelle présentée par Madame Micheline Y concerne les honoraires de Maître Ouassini Z relatifs au dossier pour lequel il a lui même, à titre reconventionnel sur la demande en restitution de dossier formée par la cliente, saisi le bâtonnier; qu'elle est donc recevable;
Attendu qu'il est établi que l'intervention de Maître Ouassini Z dans le dossier opposant Madame Micheline Y aux consorts ... et ... ... ... s'est limitée à l'assistance à l'audience de plaidoirie devant le Tribunal de Grande Instance de LAON le 12 avril 2011, le dossier, soumis à la procédure avec représentation obligatoire, ayant été instruit par Me ... qui avait rédigé des conclusions ; que d'ailleurs le nom de Maître Ouassini Z est inscrit dans le jugement du 29 novembre 2011 comme avocat inscrit au barreau d'Amiens ayant plaidé pour Madame Micheline Y ;
Que, pour cette diligence, Maître Ouassini Z a émis, le 24 février 2011 ( lire 2012) une facture n° 1023/11, d'un montant de 1.000 euros HT, se décomposant ainsi
- rédaction de notes de plaidoirie 300 euros
- déplacement du 12 avril 2011 à 14 h 700 euros
Que c'est cette facture dont Madame Micheline Y demande reconventionnellement le remboursement ;
Mais Attendu que si les articles 10 de la loi du 31.12.1971 et 1134 du code civil ne sauraient faire obstacle au pouvoir des juges de réduire les honoraires convenus initialement entre l'avocat et son client lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu, cette limitation du principe de la force obligatoire des contrats ne peut être appliquée de manière extensive, en sorte que le client qui a payé librement des honoraires après service rendu ne peut réclamer la restitution partielle des sommes versées ;
Qu'en l'espèce Madame Micheline Y a payé les honoraires objets de la facture visée ci-dessus après service rendu ; que cette facture correspond a des diligences effectivement accomplies préparation du dossier de plaidoirie, notamment les cotes de plaidoirie qui sont essentielles dans la présentation du dossier pour la juridiction, et déplacement ( incluant le temps de plaidoirie ) ; qu'elle n'est donc pas fondée à en réclamer le remboursement;
Attendu que, de son côté, Maître Ouassini Z, qui, pour les raisons indiquées ci-dessus, ne peut se prévaloir de la convention d'honoraires conclue avec son prédécesseur, n'a pas effectué d'autres diligences que celles facturées le 12.02.2012 et payées, susceptibles d'évaluation ;
Qu'il sera donc débouté de sa demande de fixation d'honoraires ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens;
La partie qui échoue en sa demande sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Maître Ouassini Z,
Déclarons recevable la demande reconventionnelle présentée par Madame Micheline Y,
Infirmons la décision de Monsieur ... ... de l'ordre des avocats au barreau de GRASSE en date du 09 Août 212 et statuant à nouveau
Déclarons inapplicable dans les rapport entre Maître Ouassini Z et Madame Micheline Y la convention d'honoraires du 17 mars 2010 ;
Déboutons en conséquence Maître Ouassini Z de sa demande de fixation d'honoraires par référence à cette convention ;
Déboutons Madame Micheline Y de sa demande reconventionnelle en remboursement d'honoraires payés après service rendu ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile; Condamnons Maître Ouassini Z aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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