COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 14 MAI 2013
N°2013/ 412
Rôle N° 12/19484
Philippe Z
C/
Christian Y
Grosse délivrée
le
à
Me Isabelle X
Me Christian Y
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de M. Christian Y rendue le
10 Août 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats d'AIX-EN-PROVENCE.
DEMANDEUR
Monsieur Philippe Z,
demeurant LE ROVE
représenté par Me Isabelle ANSALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
DÉFENDEUR
Monsieur Christian Y, avocat
demeurant AIX EN PROVENCE
comparant en personne
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président.
Greffier lors des débats Marion ASTIE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2013
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ
Vu le recours formé par Monsieur Philippe Z par lettre recommandée expédiée le 09 octobre 2012 et enregistré au greffe le 10 octobre 2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 10 août 2012, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 10 septembre 2012, qui a fixé à la somme de 4.000 euros HT les honoraires dus à Maître Christian Y et dit qu'après déduction des provisions versées de 3.247,16 euros, un solde de 1.536,84 euros TTC reste du par le client ;
Vu ladite décision de taxe n°23781, rendue sur demande de Monsieur Philippe Z formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 12 décembre 2011, après recueil des observations des parties, - ne mentionnant pas s'il y a eu prorogation du délai initial de quatre mois -, par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, c'est à dire, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences dans une affaire de divorce ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 13 mars 2013 par lesquelles Monsieur Z relève une erreur de calcul dans la décision du bâtonnier qui a soustrait des sommes hors taxes à un total calculé TTC, affirme que Maître Y n'est resté en charge de ses intérêts que de mai à octobre 2011, période au cours de laquelle il a été reçu 3h10 mn, soutient que Maître Y ne s'est jamais constitué officiellement dans la procédure de divorce alors en cours devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille aux audiences duquel il n'a donc pas pu participer, prétend que les propres correspondances de Maître Christian Y établissent que quelques jours avant la date de clôture il n'avait toujours pas pris connaissance du dossier et a donc établi des écritures à la hâte, estime démesurée la facturation 9.843,08 euros TTC établie dans ce contexte alors que lui même ne dispose que d'un ' reste à vivre ' que de 804,50 euros par mois, et sollicite en conséquence l'infirmation de la décision querellée et la condamnation de Maître Y à lui rembourser l'intégralité des provisions versées, soit 3.900 euros TTC, outre 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'il a subi du fait du mauvais travail réalisé et 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 13 mars 2013 par lesquelles Maître Christian Y confirme avoir, de fin avril à octobre 2011, géré le dossier du 'très contentieux' divorce de Monsieur Z mais conteste l'argumentation de ce dernier en affirmant avoir accordé à ce ' client difficile ' qui avait déjà changé deux fois d'avocat dans la même procédure, huit rendez-vous effectifs totalisant 20h25 mn de travail, outre de nombreux appels téléphoniques, soutient que la liquidation de la communauté comportait une étude patrimoniale que Monsieur Z lui avait demandé de reprendre, réplique qu'étant inscrit au barreau d'Aix en Provence il ne pouvait postuler dans le cadre d'une instance avec représentation obligatoire ouverte devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille et que c'est donc de façon inopérante que Monsieur Z lui reproche de ne pas s'être constitué, rappelle ses diligences qui ont nécessité, outre le temps de rendez-vous, 15h50 mn d'étude, préparation et rédaction et 5h d'audience, soit un total de 41H15 mn de travail facturé à 200 euros de l'heure et demande en conséquence, à titre principal la fixation de ses honoraires à la somme de 8.230 euros HT et le solde du à la charge de Monsieur Z à celle de 4.982,84 euros HT soit 5.959,47 euros TTC, ou subsidiairement la confirmation de la décision critiquée du bâtonnier et, en tout état l'allocation d'une somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
SUR QUOI
- sur la recevabilité du recours
Attendu que selon les articles 175 et 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ' la décision du bâtonnier [qui ] est notifiée aux parties dans les quinze jours de sa date, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois ; '
Que, par ailleurs, suivant les articles 668 et 669 du code de procédure civile la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition figurant sur le cachet du bureau d'émission, et à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire ;
Attendu en l'espèce que Monsieur Philippe Z produit, en photocopie, l'enveloppe du pli recommandé n° 1A 068 882 3150 6 ayant contenu la décision querellée du bâtonnier, portant le tampon date de la poste au 10 septembre 2012 ;
Que son recours formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 09 octobre 2012 est donc recevable pour avoir été formé dans le délai de l'article 176 du décret susvisé ;
- sur le fond
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Que d'autre part l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires.
Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque ;
Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ;
Qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés plus ci-dessus ;
Qu'en revanche la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation ;
Attendu en l'espèce qu'il convient tout d'abord, en application des principes rappelés ci-dessus, de déclarer irrecevable la demande en dommages et intérêts 'pour préjudice subi', formée par Monsieur Philippe Z en raison de la mauvaise qualité alléguée du travail fourni par Maître Christian Y, et notamment du caractère imprécis des conclusions qu'il a rédigées ;
Qu'au demeurant le reproche formulé quant à la mauvaise qualité des conclusions est particulièrement surprenant de la part d'un client dont la lecture des écrits démontre qu'il a imposé à son conseil des conclusions entièrement rédigées par lui, allant jusqu'à lui indiquer, dans son courrier du 03 octobre 2011 ' concernant vos écrits, si vous n 'y voyez pas d'inconvénients, je préfèrerai garder mes conclusions car j'ai la faiblesse de croire qu'elles sont plus proches de la réalité. Je cite Cyrano de Bergerac ' à l'idée qu'on change une virgule mon sang se coagule ' ' !! ;
Attendu qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ;
Que d'autre part, Maître Christian Y ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir délivré à Monsieur Philippe Z l'information relative aux modalité de calcul de ses honoraires, et en particulier du taux horaire appliqué par son cabinet, ainsi que de l'évolution prévisible de leur montant ;
Attendu qu'il convient donc, sur ces bases, de fixer les honoraires en application des critères légaux sus-visés
Que, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client,les éléments produits ( et notamment les projets de conclusions rédigés par Monsieur Z lui même ) indiquent que ce dernier bénéficie de 2.500 euros de revenus fonciers mensuels et de 5.000 euros de revenus mensuels moyens, soit un total de 7.500 euros ;
Que, s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Christian Y était un divorce, c'est-à-dire une affaire tout à fait classique et sans difficultés particulières autre qu'un ' acharnement' malheureusement fréquent des deux parties prêtes ( au détriment évident de l'équilibre de leurs enfants et du leur ) à en découdre jusqu'au bout ;
Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, ceux exposés par Maître Christian Y ont été les suivants ouverture du dossier, frais de secrétariat pour la rédaction de lettres, courriels et des écritures en divorce, deux déplacement à Marseille, frais téléphoniques, et frais de gestion de cabinet redevances d'abonnements ( EDF, Internet, banques de données juridiques ) ;
Que, s'agissant de la notoriété de Maître Christian Y, rien n'est indiqué dans les écritures ou pièces des parties ; que son papier à en-tête ne mentionne pas de spécialisation ou de diplôme particulier, qu'il doit donc être considéré comme un " bon professionnel " ( par référence au " bon père de famille " en matière civile ) ;
Que, dans ces conditions, compte tenu de la situation de fortune du client analysée ci-dessus, le taux horaire à appliquer doit être fixé à 180 euros HT ;
Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies leur réalité même est vigoureusement contestée, notamment quant aux consultations, Monsieur Philippe Z affirmant n'avoir été reçu qu'à trois reprises, une fois en mai 2011 ( environ 1 heure ) deux fois 1 heure à des dates non précisées, et enfin le 13 septembre 2011 pendant environ 10 mn, soit 3h10 mn au total, tandis que Maître Christian Y affirme de son côté que ' le client a été reçu 7 fois et précisément comme suit
- 1er rendez vous, le mardi 26 avril 2011 à 19 heures 15 (durée 2 heures 05) ;
- 2ème rendez vous, le 11 mai 2011 à 17 heures (durée 2 heures) ;
- 3ème rendez vous, le 25 mai 2011 à 12 heures 30 (durée 3 heures 10) ;
- 4ème rendez vous, le 17 juin 2011 à 14 heures 30 (durée 3 heures 20) ;
- 5ème rendez vous, le 20 juillet 2011 à 14 heures (durée 3 heures 50) ;
- 6ème rendez vous, le 31 août 2011 à 13 heures 45 (annulé)
- 7ème rendez vous, le 13 septembre 2011 à 18 heures 30 (3 heures 15)
- 8ème rendez vous, le 11 octobre 2011 à 14 heures 30 (dernier rendez vous - 2 heures 45);
- 9ème rendez vous de restitution du dossier.' soit un total de 20h25 mn ;
Qu'aucune des parties ne produit de pièces probatoires à l'appui de son affirmation ;
Que, dans ces conditions, au regard des différentes pièces produites, les diligences de Maître Christian Y seront estimées et évaluées, sur la base du taux horaire indiqué ci-dessus, ainsi qu'il suit
- réception/consultation 8 h 1.440,00 euros
- frais d'ouverture de dossier ( forfait) 150,00 euros
- étude des pièces du client et de l'adversaire 4 h 720,00 euros
- rédaction de conclusions et bordereaux 4 h 720,00 euros
(sur la base de 'trames ' reçues du client)
- assistance aux audiences de mise en état 1/2 hx 2 180,00 euros
(16 mai et 17 octobre 2011 )
- déplacements 2 x 75 euros 150,00 euros
(16 mai et 17 octobre 2011 )
- temps de téléphone 2 h 360,00 euros
- frais de secrétariat ( 1 euros /page x 50 pages) 50,00 euros
Total HT 3.770,00 euros
TVA 738,92 euros
TOTAL TTC 4.508,92 euros
Attendu que la demande présentée par Monsieur Philippe Z, en remboursement des provisions versées ( qui équivaudrait en matière médicale à la demande faite à l'encontre d'un médecin en remboursement du coût de toutes les consultations et soins dispensés à un patient sous le prétexte que ce dernier - qui aurait d'ailleurs dicté les ordonnances à son thérapeute et imposé les médicaments de son choix - serait mécontent de la thérapie appliquée qu'il jugerait insatisfaisante ) ne saurait bien évidemment être accueillie ;
Qu'en revanche ces provisions, qui se sont élevées à [ 1.647,16 euros + 1.600 euros = ] 3.247,16 euros HT, soit 3.883,60 euros TTC, doivent venir en déduction des sommes dues en sorte que le solde restant à devoir à Maître Christian Y s'élève à [ 3.770,00 euros - 3.247,16 euros = ] 522,90 HT soit 625,32 euros TTC ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens ;
Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Monsieur Philippe Z,
Déclarons irrecevable la demande en dommages et intérêts ' pour préjudice subi', formée par Monsieur Philippe Z en raison de la mauvaise qualité alléguée du travail fourni par Maître Christian Y ;
Infirmant la décision rendue le 10 août 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix-en-Provence et statuant à nouveau
Fixons à la somme de 3.770,00 euros HT soit 4.508,92 euros TTC le montant total des honoraires dus par Monsieur Philippe Z à Maître Christian Y ;
Disons en conséquence que déduction faite de la somme de 3.247,16 euros HT, soit 3.883,60 euros TTC déjà versée, Monsieur Philippe Z reste devoir à Maître Christian Y un solde de 522,90 HT soit 625,32 euros TTC, et en tant que de besoin le condamnons au paiement de cette somme;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Condamnons Monsieur Philippe Z aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT