La lettre juridique n°253 du 22 mars 2007

La lettre juridique - Édition n°253

Éditorial

Rédacteur d'actes : un instrumentum au service du negotium

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N3652BAI

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Il n'est rien de dire que la responsabilité civile professionnelle a explosé ces dernières années ; pour autant, faut-il s'abandonner au tout protection des consommateurs ou usagers ? Une décision de la Cour de cassation du 27 février 2007 permet de clarifier un point de droit qui, en pratique, n'est pas négligeable : quid de la responsabilité du professionnel (avocat, notaire...) en cas de nullité judiciaire de l'acte qu'il a rédigé pour le compte d'un client, lorsque les restitutions réciproques consécutives à l'annulation du contrat sont ordonnées et en présence d'un préjudice certain causé à l'une des parties? La Haute juridiction s'est, bien entendu, souvenue que le conseil professionnel n'a pas une obligation de résultat en la matière, mais une obligation de conseil (nos excuses pour la Lapalissade) et d'information, afin d'apporter toutes les diligences et clairvoyances possibles à la rédaction de l'acte en cause. Il ne peut être tenu responsable de son inexécution entraînant résolution ou résiliation, ni des conséquences de sa nullité. Traditionnellement, c'est le negotium qui constitue la substance du contrat, l'instrumentum ne constitue qu'un gage de sécurité juridique. A l'image de cet instrumentum, le professionnel n'est pas responsable, sauf exception, et même s'il l'élabore sous l'égide de son client, du negotium de l'acte, par suite, annulé. Pacta sunt servanda : ce sont bien les parties qui s'engagent et assument l'ensemble des obligations et responsabilités attachées au contrat. Et la Cour de cassation de rappeler, au visa de l'article 1147 du Code civil, et dans un attendu de principe, "qu'en se déterminant ainsi, alors que les restitutions réciproques consécutives à l'annulation du contrat instrumenté ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice indemnisable que le rédacteur d'actes peut être tenu de réparer, la cour d'appel a violé le texte susvisé". Voilà les professions juridiques rassurées, elles encouraient déjà bien assez de risques professionnels avec le développement de l'obligation de conseil et d'information ; la prescription trentenaire leur étant, de surcroît, et le plus souvent, applicable. Pour mémoire, et dernièrement, dans un arrêt rendu le 12 mars 2007, le Conseil d'Etat a rappelé que le requérant était fondé à demander réparation du préjudice résultant d'une perte de chance sérieuse d'obtenir la cassation d'un arrêt, directement liée à la faute de l'avocat. Sur l'arrêt de la Cour de cassation à paraître au Bulletin, Les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire les observations de David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit, Les restitutions consécutives à l'annulation du contrat constituent-elles un préjudice réparable ?

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Social général

[Textes] Le Code du travail nouveau est arrivé !

Réf. : Ordonnance 12 mars 2007, n° 2007-329, relative au Code du travail (partie législative) (N° Lexbase : L6603HU4)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Annoncé depuis la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (article 54), puis reporté de 6 mois en raison de l'importance du travail à réaliser avant la publication (loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, art. 57 N° Lexbase : L9268HTG), le Code du travail nouveau a été, dans sa partie législative, publié par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (N° Lexbase : L6603HU4). Dans la mesure où cette partie législative ne pouvait entrer en vigueur seule, sans ses parties réglementaires R et D, le Gouvernement a lié le sort de l'ensemble des dispositions (article 14), les parties réglementaires devant être adoptées avant le 1er mars 2008. Le Gouvernement, à l'origine du processus de réécriture du code, n'avait pas souhaité réformer au fond, mais simplement moderniser le code de 1973 pour une meilleure lisibilité et un meilleur accès à la norme. C'est la raison pour laquelle la méthode d'une recodification à droit constant a été choisie (1) ; le fond du droit n'a donc pas été affecté par l'entreprise de reconstruction (2). 1. La méthode

1.1. Le droit constant

L'article 84 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU) disposait que le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à l'adaptation des parties législatives du Code du travail, les dispositions codifiées étant "celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet".

En d'autres termes, le Gouvernement était invité à codifier à droit constant, même si le terme n'était pas employé, mais de manière dynamique, c'est-à-dire en procédant, en tant que de besoin, à un léger toilettage des textes.

L'article 57 de la loi du 30 décembre 2006 a, d'ailleurs, explicité le rôle du Gouvernement, non seulement en introduisant la notion de "droit constant" mais, également, en se montrant plus précis sur les objectifs ; selon ce texte, en effet, "le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à l'adaptation des dispositions législatives du Code du travail à droit constant, afin d'y inclure les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées, d'améliorer le plan du code et de remédier, le cas échéant, aux erreurs ou insuffisances de codification".

Le rappel de la méthode est donc essentiel, car il doit nécessairement conduire les juges qui seront chargés d'interpréter certains articles dont la rédaction aura été modifiée, à privilégier la continuité sur la rupture. Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit ici ou là, le sens concret et le contenu des textes ne doivent pas changer en dépit des modifications introduites dans le vocabulaire législatif. Ainsi, la généralisation de l'indicatif présent, en remplacement du verbe "devoir", auquel certains textes ajoutaient de manière redondante "obligatoirement", vaudra, bien entendu, impératif, conformément aux prescriptions du guide de législatique, sans qu'il n'en résulte donc aucune altération du caractère obligatoire de la norme édictée.

1.2. La répartition des textes

De très nombreuses dispositions du code actuel ne se retrouvent pas dans la nouvelle partie législative.

Certaines dispositions conservent leur nature législative mais changent de code pour se retrouver dans le Code de l'action sociale et des familles pour ce qui concerne les assistants maternels, assistants familiaux, et éducateurs et aides familiaux, dans le Code minier pour ce qui concerne les salariés des mines et carrières, dans le Code rural ou, encore, le Code de la Sécurité sociale. Dans l'attente du futur Code de la fonction publique ou de l'énergie, certaines dispositions seront, par ailleurs, maintenues en dehors du code nouveau.

D'autres dispositions ont été déclassées, singulièrement en matière d'hygiène, de santé et de sécurité au travail, à la demande du Conseil d'Etat et pour mieux respecter la répartition constitutionnelle des compétences entre le Parlement et le Gouvernement. Il faudra, par conséquent, attendre la publication de la partie réglementaire du code nouveau pour retrouver l'intégralité des dispositions de l'ancien.

1.3. La simplification des textes

La rédaction actuelle des textes résulte, dans bien des cas, de modifications successives intervenues pour ajouter de nouvelles hypothèses, introduire des exceptions ou des exceptions aux exceptions. La nouvelle rédaction se veut plus simple et fonctionnelle. Chaque article ne devra contenir qu'une seule règle, et les exceptions aux principes sont appelées à être exposées séparément, dans un souci pédagogique évident.

Les textes de même nature ont, par ailleurs, été regroupés, dans un souci de cohérence.

Les textes vont, ainsi, gagner en légèreté. Ainsi, l'ancien article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), qui contenait, en réalité, deux règles différentes dans ses deux alinéas (premier alinéa consacré au sort du délai-congé en cas de cessation de l'entreprise, le second au maintien des contrats de travail en dépit d'une modification dans la situation juridique de l'employeur), se trouve, désormais, en deux articles bien différents (le premier alinéa étant devenu l'article L. 1234-7, le second l'article L. 1224-1). De manière identique, l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8), alourdi au fil des années par des adjonctions successives, est devenu un chapitre à part entière.

2. Le produit de la recodification

2.1. Le plan

La refonte du plan du code a constitué, pour la commission de recodification, le préalable nécessaire à toute réécriture des textes, à tel point d'ailleurs que cette refonte est devenue, avec la loi du 30 décembre 2006, l'un des objectifs affichés de la recodification.

Le plan a, tout d'abord, été conditionné par la nécessité de passer à une numérotation à quatre chiffres, et ce afin de permettre plus aisément l'introduction des réformes qui ne manqueront pas d'intervenir dans les années à venir.

Les rédacteurs du code ont, également, privilégié la clarté et l'intelligibilité du plan sans céder à un certain esthétisme. Le nombre des parties, qui passe de 9 à 8, renvoie ainsi à un besoin pratique et les regroupements privilégient des associations entre règles de même nature. Sans avoir été jusqu'à préciser, après chaque obligation, les éventuelles sanctions pénales encourues, le code nouveau s'est efforcé de placer les sanctions pénales au plus près des textes concernés pour accentuer l'aspect préventif du volet répressif.

Par ailleurs, il a été décidé de faire coïncider le plan de la partie législative et celui des parties réglementaires. De nombreuses divisions de la partie législative ne comportent donc pas d'article, dans la mesure où ces questions relèvent essentiellement de la compétence du pouvoir réglementaire.

Enfin, un certain nombre de divisions ont été introduites dans la perspective de réformes ultérieures, et ne comportent actuellement aucun article.

La première partie du code nouveau vise, de manière inédite, la notion juridique de "Relations individuelles de travail" et comprend cinq livres consacrés successivement aux "Principes essentiels gouvernant les relations individuelles de travail", au "Contrat de travail" (règles relatives aux différents types de contrats de travail, de sa formation jusqu'à sa rupture, en particulier celles relatives au licenciement pour motif personnel et au licenciement pour motif économique), au règlement intérieur et au droit disciplinaire, à la résolution des litiges et au conseil de prud'hommes et, enfin, aux dispositions relatives à l'outre-mer.

La deuxième partie est consacrée aux "Relations collectives de travail" et concerne, plus généralement, le "Dialogue social". Elle réunit quatre livres actuellement dispersés et consacrés aux syndicats professionnels, à la négociation collective et aux conventions et accords collectifs de travail, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés.

La troisième partie traite de la durée du travail, du salaire, de l'intéressement, de la participation et de l'épargne salariale, et se trouve constituée de quatre livres.

La quatrième partie est consacrée à la santé et la sécurité au travail et ce, afin de souligner l'importance de ces questions. Elle reprend les dispositions "Hygiène, sécurité et conditions de travail", qui figurent dans le titre III du livre II (Réglementation du travail) de l'actuel code, parmi d'autres dispositions consacrées aux "Conditions du travail" (durée du travail, travail de nuit) et aux "Repos et congés". Cette partie est constituée de huit livres.

La cinquième partie traite de l'emploi et rassemble l'essentiel des dispositions figurant dans le livre III (Placement et emploi) de l'actuel code, à l'exception, toutefois, de celles relatives au licenciement économique désormais placées dans le livre II (Le contrat de travail) de la première partie (Les relations individuelles de travail). La cinquième partie est constituée de cinq livres consacrés aux dispositifs en faveur de l'emploi, à certaines catégories de travailleurs (Travailleurs handicapés et travailleurs étrangers), au service public de l'emploi et au placement et aux dispositions applicables aux demandeurs d'emploi.

La sixième partie traite de "La formation professionnelle tout au long de la vie" et rassemble non seulement les dispositions de l'actuel livre IX (De la formation professionnelle continue dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie) mais aussi celles relatives à l'apprentissage figurant en tête de l'actuel livre Ier (Conventions relatives au travail).

La septième partie reprend des dispositions applicables à certaines professions et activités qui reprennent la majeure partie des dispositions contenues dans le livre VII actuel.

La huitième partie traite du contrôle de l'application de la législation du travail et rassemble la plupart des dispositions du livre VI actuel consacrées au contrôle, à l'exclusion de celles relatives aux obligations des employeurs qui sont distribuées dans les autres parties au plus près des dispositions de même nature, et celles régissant le travail illégal.

2.2. Les nouveautés

Le code nouveau ne comporte pas, à proprement parler, de nouveauté substantielle, c'est-à-dire de droits ou d'obligations nouvelles. Certains textes ont, certes, été réécrits, mais toujours pour réaliser une harmonisation de forme, ou pour supprimer des éléments anachroniques, tels la référence à l'attitude patriotique des syndicats pendant l'occupation. Au titre des dispositions supprimées, car devenues sans objet, figurent celles qui concernent le service national ou la planification.

Certaines modifications seront, en revanche, nécessairement remarquées. Ainsi, le premier article qui ouvre la partie législative est consacré au champ d'application du code, dans ses dispositions consacrées aux relations individuelles de travail. Rompant avec la logique de l'énumération qui caractérise l'actuel code, la commission a souhaité regrouper toutes les hypothèses actuelles dans une même formule. L'article L. 1111-1 du Code nouveau dispose, ainsi, que "les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés", et qu'"elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel visant les entreprises de droit privé, ainsi que les entreprises de droit public dès lors qu'elles sont visées par une disposition à caractère réglementaire".

D'autres dispositions font une entrée remarquée dans le code, telles les dispositions consacrées à la mensualisation.

En conclusion, nous voudrions souligner que l'impression qui se dégage du nouveau code est certainement beaucoup plus forte que la réalité des changements introduits, en raison de la refonte du plan et du passage à une numérotation à quatre chiffres. Mais sur le plan du fond du droit, rien n'a changé.

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Collectivités territoriales

[Textes] Collectivités territoriales : de nouvelles compétences d'attribution en matière d'action extérieure

Réf. : Loi n° 2007-147 du 2 février 2007, relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements (N° Lexbase : L2881HUA)

Lecture: 14 min

N3206BAY

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Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2007-147 du 2 février 2007, relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, clôt la transformation révolutionnaire du cadre juridique de l'action extérieure des collectivités territoriales françaises. Prévue initialement comme un exercice externe des compétences internes dans un cadre conventionnel, elle apparaît désormais bien plus complexe : une compétence d'attribution pour la coopération conventionnelle, une autre pour l'aide au développement conventionnelle, enfin une compétence d'attribution pour l'aide d'urgence. I. Le principe initial : un exercice externe des compétences internes

A. Une coopération conventionnelle dans la limite des compétences locales

Afin de ne pas apparaître comme une atteinte à la compétence diplomatique de l'Etat, l'action extérieure des collectivités territoriales fut conçue initialement comme un exercice externe de leurs compétences internes : "Pour nous, l'action extérieure des collectivités territoriales ne constitue en aucun cas une compétence spécifique, mais elle n'est au contraire qu'une modalité parmi d'autres de la mise en oeuvre des attributions légales, que le fondement en soit la clause générale de compétence ou les compétences d'attributions définies par la loi" (1).

La loi "ATR" du 6 février 1992 (2), en fondant le cadre juridique de l'action extérieure des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements, a clairement consacré cette conception en précisant que la coopération décentralisée ne pouvait se développer que dans la seule limite de leurs compétences :

"Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences" (3).

La coopération décentralisée n'était en aucun cas envisagée par le législateur comme une nouvelle compétence des collectivités territoriales, mais comme une modalité particulière de l'exercice de leurs compétences ainsi que le précisait clairement la circulaire du 26 mai 1994 (4). Aussi, ne peuvent-elles mener des actions en dehors de ces compétences qui leur sont reconnues par la loi (5). Cela signifie que les collectivités locales et leurs groupements peuvent conclure une convention de coopération décentralisée lorsque son objet s'inscrit dans les attributions légales de compétences (6) ou répond à la clause générale de compétence (7) ainsi que l'a explicité la circulaire du 20 avril 2001 (8).

En attribuant des compétences déterminées aux collectivités territoriales, le législateur a présumé la satisfaction d'un intérêt local : la présomption aurait valeur légale (9). A l'inverse, la clause générale de compétence donne vocation à toute collectivité territoriale à intervenir dans les domaines d'intérêt local : l'intérêt local n'est pas présumé et sa réalité peut être contrôlée par le juge administratif (10).

B. Une coopération décentralisée parfois dépourvue d'intérêt local

Avant la clarification des fondements juridiques de la coopération décentralisée, le juge administratif avait pu censurer l'action extérieure d'une collectivité territoriale en considérant qu'elle avait excédé sa compétence (11). L'intervention de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République a pu sembler donner un cadre juridique précis à la coopération décentralisée. Une décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 1995, "Commune de Villeneuve d'Ascq", a pu laisser penser qu'une action de coopération décentralisée présentait un intérêt local si elle était réalisée dans le cadre d'une convention (12). La conclusion d'une convention de coopération aurait constitué un lien suffisant pour introduire de l'intérêt local (13).

Une série de décisions est venue bousculer le sentiment de sécurité des acteurs locaux, censurant des actions de coopération décentralisée en se fondant sur l'absence d'intérêt local (CAA Marseille, 7 décembre 1999, n° 98MA00236, Commune d'Istres N° Lexbase : A2575BMC (14) ; TA Paris, 14 décembre 1999, Préfet de la Région Ile-de-France N° Lexbase : A1053BT8 (15) ; TA Poitiers, 18 novembre 2004, Charbonneau (16) ; TA Cergy-Pontoise, 25 novembre 2004, n° 0203571, Préfet de la Seine-Saint-Denis (17)) ou en validant de telles actions parce que l'exigence de l'intérêt local était satisfaite (CAA Douai 13 mai 2004, n° 02DA00929, M. Eric Delcroix N° Lexbase : A5009DCI (18)).

La notion d'intérêt local comme critère finaliste apparaît classique dans le contrôle des actes des collectivités territoriales : "L'intérêt public local est celui qui répond aux besoins de la population, condition qui postule l'existence d'un lien entre les habitants de la collectivité et l'objet de son action" (19).

Chaque collectivité est compétente sur son territoire. Cette territorialité ne lui interdit pas d'exercer ses compétences lorsque l'intérêt de la collectivité se manifeste hors de son territoire (20) : "L'intérêt communal ne recouvre pas toutes les opérations, même conduites par une personne publique, réalisées sur le territoire de la commune" (21). Dans le cas de subventions destinées à financer des opérations hors champ de compétence territoriale, le juge a pu introduire l'exigence de liens particuliers (22). En règle générale, l'intervention de la collectivité doit avoir pour objet direct de répondre aux besoins de la population : "Vous n'excluez peut être pas a priori le financement d'une action susceptible de concerner des personnes ne résidant pas sur le territoire de la collectivité. [...] Cependant au contentieux, vous avez toujours exigé un intérêt direct pour les administrés de la [collectivité], soit expressément, soit implicitement. Même si nous ne pouvons pas exclure une action ne répondant pas directement au seul intérêts des habitants de la commune, en l'état de la jurisprudence, et compte tenu d'ailleurs de la notion même d'intérêt communal, il semble difficile d'admettre des interventions dépassant trop largement ce cadre" (23).

L'arrêt "Villeneuve-d'ascq" apparaît comme une décision d'espèce qui ne vaut nullement jurisprudence claire. En effet, il faut bien relever l'absence de tout considérant de principe, absence remarquable pour une décision rendue dans une formation aussi solennelle (24).

Lorsque la coopération décentralisée se développe dans une situation transfrontalière, l'intérêt pour les populations concernées apparaît manifeste pour la plupart des actions (25). La coopération décentralisée non transfrontalière répond souvent, mais pas toujours, à une finalité humaniste plus que matérialiste. L'action entreprise dans un but de solidarité internationale risque de ne présenter qu'un lien ténu avec la population de la collectivité française (26). Les élus locaux, mécontents de l'insécurité juridique de leur action extérieure, ont su mobiliser le législateur pour opérer une réforme d'envergure.

II. Le droit actuel : de nouvelles compétences d'attribution

A. Les nouvelles compétences d'attribution

1. La coopération internationale des collectivités territoriales dans les domaines de l'alimentation en eau, de l'assainissement, de la distribution d'électricité et de gaz

Dans le contexte de l'urgence née de la situation sanitaire catastrophique en Asie du Sud-Est provoquée par les tsunamis, a été adoptée la loi "Oudin" sur l'eau, initiée par le sénateur J. Oudin du 9 février 2005 (27). Elle insère un nouvel article L. 1115-1-1 dans le CGCT (N° Lexbase : L2134G9W) :

"Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1 [N° Lexbase : L4252GTN], des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement".

Elle autorise les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes à apporter leur aide à des collectivités étrangères en matière d'eau et d'assainissement. Cette aide est limitée à 1 % de leur budget affecté à ce secteur (28). Ce texte, adopté unanimement dans un contexte particulier, vient apporter une sécurité juridique à une pratique déjà ancienne dans ce domaine envers les pays en voie de développement en précisant le cadre d'intervention (29).

Les services publics de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement relèvent de la compétence des communes (30). Sur la base de l'article L. 1115-1, il leur est possible de conclure des conventions de coopération décentralisée (31). Mais les services publics industriels et commerciaux que sont de tels services font l'objet de règles budgétaires et comptables particulières qui leur imposent un budget propre, distinct du budget communal (32), quand bien même ils seraient gérés en régie. La coopération décentralisée en la matière devait alors être financée par le budget général de la collectivité concernée.

D'une part, des conventions de coopération décentralisée peuvent être conclues avec pour objet une action dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. La désignation expresse du domaine de la coopération libère l'action entreprise de la condition de son intérêt local puisqu'elle s'émancipe de la retombée pour le redevable (33). D'autre part, une action d'aide peut intervenir dans les domaines de l'eau et de l'assainissement hors de tout cadre conventionnel, dès lors que l'urgence le justifie. Cette circonstance dépassée, l'action ne pourra se poursuivre que dans un cadre conventionnel précédemment envisagé.

A l'occasion de l'examen du projet de loi sur le secteur de l'Energie, l'article L. 1115-1-1 du CGCT a vu son champ élargi à la suite d'un amendement sénatorial (34). L'article 49 de la loi (35) étend, ainsi, le dispositif au domaine de la distribution d'électricité et de gaz (36).

2. La coopération décentralisée et l'aide au développement en matière de solidarité internationale

Sensibilisé par les censures du juge administratif, le sénateur-maire de Saint-Etienne, M. Thiollière, a déposé une proposition de loi relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale. Dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi (37), le sénateur rappelle l'exigence d'un intérêt commun entre les partenaires pour la mise en oeuvre d'une coopération décentralisée. Réaliste, il ne nie pas la carence d'un tel intérêt pour nombre de dons et partenariats. Tout en appréciant la loi du 9 février 2005 spécifique à la coopération décentralisée et l'aide d'urgence dans le domaine de l'eau, il déplore la lacune en cas de catastrophe humanitaire. Sa proposition de loi a pour but de la combler (38).

A la suite de l'examen en commission, la proposition de loi a été modifiée pour consacrer la coopération décentralisée et l'aide au développement comme nouvelles compétences d'attribution des collectivités locales. Cette véritable révolution est justifiée par l'absence de définition objective de la notion d'intérêt local et l'insécurité juridique qui s'ensuit pour les initiatives locales (39). Ce texte doit donner une base légale incontestable à la coopération décentralisée en matière d'aide au développement et à des actions d'urgence de caractère humanitaire.

Le Gouvernement a accueilli favorablement les amendements de la commission des lois du Sénat (40) et a approuvé le texte qui a été adopté à l'unanimité le 27 octobre 2005. Telle qu'elle a été transmise à l'Assemblée nationale, la proposition de nouvel article L. 1115-1 CGCT reprend la proposition du rapport du Conseil d'Etat : différenciation de l'objet de la convention selon qu'elle vise à des "actions de coopération" ou bien à l'"aide au développement" ; suppression de la référence aux limites des compétences des collectivités territoriales ; action humanitaire non conventionnelle justifiée par l'urgence.

Transmis à l'Assemblée nationale le 27 octobre 2005, les députés ne semblaient guère pressés d'examiner la proposition de loi. L'approche de la fin de la législature risquant de repousser la réforme aux calendes grecques, son adoption devenait cruciale pour la sécurité juridique des acteurs locaux (41). Après un examen succinct et rapide (42), la loi était adoptée(43).

Le nouvel article L. 1115-1 est désormais rédigé comme suit :

"Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l'Etat dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142 -1 leur sont applicables.

En outre, si l'urgence le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou financer des actions à caractère humanitaire".

B. Une relative clarification

1. Un dispositif cohérent

Le dispositif issu de la loi du 2 février 2007 développe une certaine cohérence en réponse au risque de contentieux. Il s'aligne avec la logique préconisée par un rapport du Conseil d'Etat (44).

D'une part, les circonstances peuvent amener les collectivités et leurs groupements à intervenir hors de tout cadre conventionnel. Seule l'imprévisibilité et l'urgence justifient que les collectivités interviennent sans convention (45). Si l'intervention s'affirme dans la durée, elle ne peut se poursuivre que par la voie conventionnelle.

La relation conventionnelle doit être le principe. Ainsi, d'autre part, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent intervenir à l'étranger dans un objectif de coopération ou d'aide au développement.

Ainsi définies par des dispositions légales, ces diverses actions ouvertes aux collectivités territoriales apparaissent comme autant de nouvelles compétences d'attribution. Dès lors, le moyen de l'absence d'intérêt local soulevé à l'encontre d'une action de coopération décentralisée serait sans fondement.

2. Les limites de la cohérence

Plusieurs remarques peuvent être formulées.

- Une coopération décentralisée sans nécessaire intérêt local ?

En premier lieu, le fondement de la réforme repose sur le postulat de l'intérêt local présumé par le législateur pour les compétences d'attribution. Le juge administratif qui censure une telle action commettrait une erreur de droit en ajoutant à la loi une condition qui n'y figure pas (46). Cette présomption légale de l'intérêt local des compétences d'attribution trouve son origine dans une interprétation jurisprudentielle. Dans l'arrêt "Couquet", le juge a considéré qu'une obligation, mise à la charge des communes par la loi, a pour effet de conférer un intérêt communal à toute opération entreprise par elle pour y faire face. Il s'agissait d'une part d'une compétence obligatoire, réalisée d'autre part sur le territoire même de la commune. Or, les compétences des collectivités énumérées par la loi sont loin d'être toutes obligatoires (48). De plus, le juge a pu considérer qu'une compétence d'attribution, exercée hors du territoire de la collectivité doit répondre à un intérêt local (49).

Certes, la compétence territoriale ne limite pas l'action de la collectivité à son seul territoire à la condition que cela présente un intérêt pour la population, ainsi que le rappelait Charles Eisenmann : "La compétence circonscriptionnelle est toujours et uniquement compétence à l'égard de personnes qui sont en quelque relation avec cette circonscription, parfois directement, parfois indirectement, disons ici : par le canal d'un bien sur lequel elles ont ou veulent acquérir des droits. C'est donc toujours de compétence personnelle' que l'on devrait parler, non de compétence territoriale" (50).

Si l'on pouvait discuter le postulat de l'analyse du Conseil d'Etat, l'adoption de la loi du 2 février 2007 marque clairement la volonté expresse du législateur d'exclure toute nécessité d'un intérêt local pour une action de coopération décentralisée. La coopération décentralisée pourrait, donc, être la première compétence des collectivités qui serait exercée comme une fin en soi, rompant le lien de la "compétence personnelle". La coopération décentralisée s'inscrit dans un jeu diplomatique.

La décision d'une collectivité de nouer telle relation ou de lancer telle action ne s'apparente pas pour autant à un "acte de Gouvernement" car le juge pourrait être amené à apprécier le caractère humanitaire ou d'urgence pour ce qui concerne les actions "hors convention". Pour les actions conventionnelles, les interdictions légales ne peuvent être outrepassées (51) et le respect du principe de neutralité interdit de prendre parti dans un conflit qui ne concerne pas les collectivités françaises (52). De plus, la coopération décentralisée doit respecter les engagements internationaux de la France.

- Une articulation maladroite des dispositions légales

Lors de l'examen de la proposition de loi "Thiollière" devant l'Assemblée nationale, aucun des députés n'a jugé nécessaire de mettre en cohérence la réécriture projetée de l'article L. 1115-1 du CGCT avec l'article L. 1115-1-1 du CGCT. Le rapport de M. Decocq se réfère bien à la réforme de la loi du 9 février 2005, sans néanmoins relever les apports de la loi du 7 décembre 2006 sur le secteur de l'énergie (53). Cet article L. 1115-1-1 du CGCT détermine une compétence d'attribution de coopération et d'aide d'urgence dans les domaines de l'eau, de l'assainissement, de la distribution d'électricité et de gaz pour les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement. Dorénavant, avec le nouvel article L. 1115-1 du CGCT, les autres collectivités pourraient sans doute intervenir sur ces domaines sans la limite financière imposée (54) à moins qu'il ne faille considérer que l'article L. 1115-1-1 crée une compétence exclusive au profit des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement, interdisant alors aux autres collectivités d'intervenir sur ces domaines d'actions (55).

Notons également une confusion sémantique : la réforme de l'article L. 1115-1 ouvre désormais le partenariat aux "autorités locales étrangères". Sans doute faut-il y voir une prise en compte de la réalité de la coopération au développement qui voit parfois des conventions se conclure avec des autorités déconcentrée d'Etats qui ne connaissent une décentralisation poussée, ou encore l'intégration du Règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 qui permet la participation d'autorités étatiques à un groupement européen de coopération territoriale (56). La notion d'"autorités locales étrangères" englobe, mais dépasse, celle de "collectivités territoriales étrangères et leurs groupements" qui perdure dans l'article L. 1115-1-1. Sans raison apparente. Un amendement d'harmonisation aurait été pertinent. Cette confusion terminologique ne remet pas en cause les notions usitées dans les Traités et Conventions qui lient la France dans le domaine de la coopération décentralisée ou transfrontalière.

- L'absence de distinction entre coopération décentralisée et coopération transfrontalière

Si l'article L. 1115-1 différencie les actions de coopération, qui relèveraient des relations Nord-Nord, d'avec les actions d'aide au développement, qui relèveraient des relations Nord-Sud (57), la coopération transfrontalière ne se trouve pas reconnue par sa spécificité. Il ne semble guère opportun d'en faire une compétence d'attribution et de faire disparaître la nécessité d'un intérêt local. Certains Traités internationaux précisent d'ailleurs la nécessité d'un intérêt local commun : Traité de Karlsruhe (58) ou Traité franco-belge (59). De plus, la définition d'une compétence d'attribution risque de rendre compliquée l'application des dispositions des Traités et Conventions qui prévoient que les conventions se concluent "dans les domaines communs de compétence".

La limite financière imposée par l'article L. 1115-1-1 peut être pertinente pour la coopération décentralisée mais risque d'être un obstacle à certaines coopérations transfrontalières (60).

- Les relations entre établissement de coopération et collectivités membres.

Dans la situation antérieure, les EPCI pouvaient se lancer dans une coopération décentralisée dans la limite des compétences transférées, au regard du principe de spécialité qui s'impose à eux (61). A l'inverse, dans le cas où une compétence a été transférée à un groupement, la collectivité ne peut plus intervenir en application de son dessaisissement et de l'exclusivité du groupement (62). Lorsque l'action se rattachait à un intérêt local, la collectivité devait pouvoir poursuivre sa mise en oeuvre (63). Avec le nouvel article L. 1115-1 et la disparition de l'exigence de l'intérêt local, se pose la question de l'autorité compétente pour mettre en oeuvre les nouvelles compétences d'attribution en matière de coopération décentralisée. Ces compétences d'attributions peuvent-elles être transférées à l'EPCI par les communes membres ou les EPCI les possèdent-elles en propre et concurremment avec leurs communes membres ? Ces questions n'ont pas été envisagées par le législateur, saisi de l'urgence des délais, et une circulaire devra peut-être éclaircir ces points, sans doute de manière un peu "réglementaire", ce dont le cadre juridique de la coopération décentralisée commence à être coutumière...

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Robert Lafore, L'action à l'étranger des collectivités territoriales, RDP, 1988, pp. 763-811, spéc. p. 804.
(2) Loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République (N° Lexbase : L8033BB7).
(3) Jusqu'à la loi du 2 février 2007, ces dispositions étaient codifiées à l'article L. 1115-5 du CGCT (N° Lexbase : L4256GTS).
(4) Circulaire conjointe du 26 mai 1994 du ministre de l'Intérieur et du ministre des Affaires étrangères relative à la coopération des collectivités territoriales françaises avec des collectivités territoriales étrangères, NOR INTB9400157C.
(5) Idem.
(6) Les lois de décentralisation ou d'autres textes législatifs spécifient les compétences que peut exercer une catégorie de collectivités territoriales.
(7) CGCT, art. L. 2121-29 pour les communes (N° Lexbase : L8543AAN), L. 3211-1 pour les départements (N° Lexbase : L9365AA4) et L. 4221-1 pour les régions (N° Lexbase : L9530AA9).
(8) Circulaire conjointe du 20 avril 2001 du ministre de l'Intérieur et du ministre des Affaires étrangères relative à la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, NOR INTB0100124C (N° Lexbase : L6695HUI).
(9) Cette affirmation a pour origine un arrêt du Conseil d'Etat (CE, 15 février 1961, Couquet, Rec. 119) ainsi que le rappelle le commissaire du Gouvernement, Rémy Schwartz dans ses conclusion sur l'affaire "Commune de Villeneuve-d'Ascq" (CE, Sect. 28 juillet 1995, n° 129838 N° Lexbase : A5003ANM, Rec. 324), AJDA 1995, pp. 834-838.
(10) Idem.
(11) La juridiction administrative a annulé la délibération en date du 15 décembre 1990 du conseil municipal de la ville de Saint-Denis de la Réunion par laquelle elle accorde un don de véhicules usagés du parc communal et des pièces détachées pour voitures, d'une valeur totale de 100 000 F (15 000 euros) à la ville de Diégo-Suarez, à Madagascar. La ville de Saint-Denis de la Réunion a excédé sa compétence (en référence à l'article L. 121-26 du Code des communes N° Lexbase : L4881AWP : "le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune"). Une position identique a pu être tenue par le tribunal administratif de Versailles (TA Versailles, Syndicat intercommunal de la Vallée de l'Orge, 1991 ; Hubert Perrot : Rapport annuel d'activité du Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales, Ministère des Affaires étrangères, Secrétariat général, 1991. Michel Rousset : L'action internationale des collectivités locales, LGDJ, 1998, 131 pages, spéc. p. 36). Un tel arrêt est une négation de la thèse selon laquelle la coopération décentralisée aurait pu se trouver fondée sur la clause générale des compétence (contra Jean-Christophe Lubac, Recherches sur les problèmes juridiques de la coopération internationale des collectivités territoriales, Thèse, Toulouse I, 2006, 568 pages).
(12) CE, sect. 28 juillet 1995, Commune de Villeneuve d'Ascq, préc., Rec. 324. AJDA 1995, p. 834, concl. Rémy Schwartz. En 1990, le conseil municipal a décidé d'attribuer une bourse d'étude à un étudiant polonais et à un étudiant roumain, originaires de communes liées par une convention de jumelage avec Villeneuve-d'Ascq, afin de leur permettre de préparer un doctorat dans le domaine de techniques de pointe dans une université lilloise. Sur déféré préfectoral, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération pour défaut d'intérêt communal. A contrario des conclusions du commissaire du Gouvernement, le Conseil d'Etat a conclu à l'existence d'un intérêt local dans la délibération contestée, au vu des circonstances. Les bourses faciliteraient l'accueil d'étudiants étrangers de haut niveau et encouragerait le développement ultérieur de projets de coopération associant des instituts de recherche et des entreprises situés tant sur le territoire de Villeneuve-d'Ascq que sur celui des collectivités dont sont issues les étudiants bénéficiaires. Dans ce sens, voir les commentaires de L. Touvet, J. Ferstenbert et C. Cornet, Les grands arrêts du droit de la décentralisation, Dalloz, 2ème éd. 2001, n° 4.
(13) Une convention de coopération établirait un "lien particulier" (CE, 11 juin 1997, n° 170069, Département de l'Oise N° Lexbase : A0401AEL Rec. 236).
(14) La cour administrative d'appel de Marseille a considéré que la subvention accordée pour la construction d'une école de la ville de Gonsé, au Burkina Faso, était illégale : "la commune n'établit pas l'intérêt communal d'une telle action qui n'était que la réponse à un besoin extra communal". La commune a argué de retombées au profit de la population istréenne mais sans réussir à apporter la démonstration de leur réalité, partant de là, "cela ne signifie pas qu'il soit d'intérêt communal d'apporter provende à toutes les villes de la planète, au Burkina Faso ou ailleurs".
(15) L'agence des espaces verts de la région d'Ile-de-France est un établissement public administratif créé par la région pour mettre en oeuvre la politique régionale en matière d'espaces verts. Par une convention, cette agence a chargé un ingénieur paysagiste de contrôler le suivi d'une opération de reboisement à Beyrouth au Liban. Le juge administratif, sur déféré préfectoral, annule cette convention, considérant que l'opération ne présente pas "un intérêt régional direct".
(16) AJDA 2005, p. 486, note Y. Gounin. Avec le soutien du ministère des Affaires étrangères, le département des Deux-Sèvres s'est engagé par une convention avec un village burkinabais. Le conseil général des Deux-Sèvres a approuvé le plan de financement triennal du projet de construction d'un collège d'enseignement général à Daboura au Burkina Faso et voté une subvention de 43 000 euros en faveur de l'association pour le développement intégral et la solidarité, maître d'oeuvre de ce projet. Le tribunal administratif annule cette délibération au motif que "cette opération qui présente un intérêt essentiellement humanitaire, ne peut être regardée comme répondant à des besoins de la population deux-sévrienne ; que par suite, M. Charbonneau est fondé à soutenir qu'elle ne présente pas un intérêt départemental". Le même conseil général, après avoir conclu une convention avec la commune urbaine de Majunga à Madagascar, a octroyé une subvention au SDIS des Deux-Sèvres au titre d'une action de coopération décentralisée avec ce partenaire étranger. Sur la même considération, le juge administratif dénie l'intérêt départemental.
(17) Le préfet avait déféré au tribunal administratif une délibération du conseil municipal de Stains octroyant une subvention à une ONG opérant dans un camp de réfugiés palestiniens. Le tribunal ne s'est pas arrêté à la circonstance que l'action de coopération décentralisée déférée devant lui s'inscrit dans le cadre d'une convention pour dénoncer l'absence d'intérêt local.
(18) Bien qu'inscrite dans le cadre d'une convention et bénéficiant du cofinancement de l'Etat français, la légalité d'une subvention de la région Picardie à une collectivité territoriale béninoise, le département du Zou, est subordonnée à l'existence d'un intérêt direct pour la population picarde. Le juge administratif ne l'a pas apprécié au regard de "répercussions concrètes immédiates sur la région Picardie" mais s'est satisfait de ce que "ce projet doit donner l'occasion à un ensemble de partenaires locaux de la région Picardie structures agricoles, chambres consulaires, associations, structures intercommunales, universités de s'associer à cette démarche et de mobiliser à cette fin leur savoir faire en matière de développement local et d'action décentralisée".
(19) Laurent Touvet, Jacques Ferstenbert et Claire Cornet, Les grands arrêts du droit de la décentralisation, Dalloz, 2001, 2ème éd., p. 456.
(20) Dans un avis du 5 avril 1950, l'assemblée générale du Conseil d'Etat relevait "Les limites territoriales des collectivités locales ne constituent pas nécessairement la limite de l'intérêt de ces collectivités" (cité dans les conclusions du commissaire du gouvernement Rémy Schwartz dans l'affaire "Commune de Villeneuve-d'Ascq", AJDA, 1995, pp. 834-838, spéc. p. 835).
(21) Idem, p. 379.
(22) CE Sect., 6 mars 1981, n° 00119, Association de défense des habitants du quartier de chèvre-morte (N° Lexbase : A4151B7U), Rec. 125.
(23) Conclusions du commissaire du Gouvernement Rémy Schwartz dans l'affaire "Commune de Villeneuve-d'Ascq", AJDA, 1995, pp. 834-838, spéc. p. 835.
(24) Yves Gounin, note sous TA de Poitiers, 18 novembre 2004, n° 0400561, Jean-Romée Charbonneau c/ Département des Deux-Sèvres. AJDA, 2005, pp. 486-489, spéc. p. 488 ("Le sentiment domine que la Section, renâclant à annuler une subvention utile et légitime, a cherché par tous les moyens à la "sauver").
(25) Nous renvoyons aux études relatives à la coopération transfrontalière (Guy Saez, Jean-Philippe Leresche et Michel Bassad ss dir., Gouvernance métropolitaine et transfrontalière, L'Harmattan, 1997. Henri Jacquot et Gérard Marcou ss dir., L'urbanisme transfrontalier, L'Harmattant 1998. Henri Comte et Nicolas Levrat ss dir., Aux coutures de l'Europe, L'Harmattant 2006) ou au site de la Mission opérationnelle transfrontalière (www.espaces-transfrontaliers.eu).
(26) Nous renvoyons aux conclusions de M. Schwartz ci-avant.
(27) Loi n° 2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement (N° Lexbase : L5202G7S), JORF du 10 février 2005.
(28) Il est à noter que le budget global des 15 000 services d'eau et d'assainissement avoisine les 10 milliards d'euros (Sources : Localtis).
(29) Cf. Sénat, Rapport n° 347 par Charles Guené, annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2004.
(30) Les communes ont la responsabilité du service public de l'eau potable depuis une loi de 1790 et la jurisprudence administrative a souligné de longue date qu'il relevait par nature du niveau communal (CE, 27 avril 1887, Ville de Poitiers et Ville de Blois). L'assainissement constitue un service public obligatoire pour les communes depuis la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 (N° Lexbase : L8578AGS).
(31) La circulaire du 20 avril 2001 souligne, au vu des textes applicables, que : "les actions de coopération décentralisée des services publics industriels et commerciaux sont légales si elles restent limitées à des échanges d'expériences et de savoir-faire, dont on peut supposer qu'ils peuvent bénéficier aussi aux usagers du service [nous soulignons ici la nécessité de l'intérêt local de telles actions !]. En revanche, elles ne peuvent financer des infrastructures à l'étranger sur les recettes du service. En effet, le financement de ces services (eau, assainissement...) repose non sur le contribuable mais sur le redevable qui ne doit payer que la contrepartie du service rendu. De telles actions doivent être financées par contribution financière des communes membres". Puisque les activités auxquelles participent financièrement les communes et leurs groupements risquaient d'outrepasser ces limites, il fallait les doter d'une base légale. En permettant de mener de telles opérations dans le cadre du budget du service chargé de l'eau potable et de l'assainissement, et sur les ressources qui y sont affectées, le lien avec l'intérêt de l'usager du service se trouve rompu. La redevance payée n'est plus exclusivement affectée à la satisfaction des besoins des usagers redevables (Cons. const., 29 décembre 1983, n° 83-166 DC, Loi relative au prix de l'eau N° Lexbase : A8075AC3).
(32) Des dérogations existent sur la base des articles L. 2224-2 (N° Lexbase : L3099HGU) et L. 2224-6 (N° Lexbase : L8814AAP) du CGCT.
(33) Cf. supra, note 31. A noter que les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale s'accordent pour considérer que les actions ainsi financées seraient en fait partie intégrante du service rendu : elles "auraient un lien étroit avec l'objet des services publics de l'eau et de l'assainissement" et "elles présenteraient un intérêt local, en raison de la relation de réciprocité qui serait ainsi créée". Ces arguments démontreraient "l'existence d'un intérêt, sinon direct, du moins immédiat, pour les usagers des services d'eau et d'assainissement". Cette coopération internationale "peut être une source d'apprentissage réciproque et contribuer à l'amélioration du service pour la collectivité française" (Sénat, Rapport n° 347 par Charles Guené, sénateur, annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2004. AN, Rapport n° 2041 par André Santini, député, enregistré à la Présidence de l'AN le 26 janvier 2005).
(34) Sénat, séance du 23 octobre 2006.
(35) Loi nº 2006-1537 du 7 décembre 2006, art. 49 (N° Lexbase : L6723HT8), Journal officiel du 8 décembre 2006.
(36) L'article L. 1115-1-1 du CGCT est, désormais, rédigé comme suit : "Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement ou du service public de distribution d'électricité et de gaz peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement et de la distribution publique d'électricité et de gaz".
(37) Proposition de loi n° 224, relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale, présentée par Michel Thiollière, sénateur, Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2005.
(38) L'article unique de la proposition de loi vise à insérer, dans le CGCT, un article L. 1115-1-2 ainsi rédigé : "Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs groupements peuvent, dans la limite de 1 % des recettes d'investissement, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1, des actions d'aide d'urgence au bénéfice des ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité international en cas de catastrophe humanitaire".
(39) Sénat, Rapport n° 29 par Charles Guené, annexe au procès-verbal de la séance du 19 octobre 2005.
(40) La ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie a ainsi déclaré à la tribune du Sénat que "Au total, le Gouvernement se réjouit de cette position, à laquelle il adhère complètement. Il a en effet la volonté de faire en sorte que la coopération décentralisée puisse se poursuivre et se développer selon les bonnes pratiques actuelles, mais dans un cadre juridique plus sécurisé" (Sénat, séance du 27 octobre 2005).
(41) Lors du colloque organisé par Cités Unies et le Centre de Recherches Internationales de la Sorbonne (La coopération décentralisée change-t-elle de sens ?, La Sorbonne, 22 et 23 novembre 2006), une telle nécessité avait été soulignée par les politiques présents.
(42) AN, Rapport n° 3610 par Christian Decocq, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 janvier 2007.
(43) Loi n° 2007-147 du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, JORF du 6 février 2007, page 2160.
(44) Conseil d'Etat, Le cadre juridique de l'action extérieure des collectivités locales, La doc. F, Les études du Conseil d'Etat, 2006. Demandée le 7 septembre 2004, cette étude a été menée par un groupe de travail au sein de la Section des rapports et des études, présidé par l'ancien ministre de l'Intérieur Philippe Marchand.
(45) CE, 24 mars 2004, n° 261797, M. Hoffer. Le Conseil d'Etat a estimé, à propos d'une aide humanitaire d'urgence octroyée par l'assemblée délibérante aux populations des îles Fidji et Salomon, victimes de deux cyclones, qu'une telle intervention était justifiée par l'urgence et revêtait un caractère non permanent.
(46) Yves Gounin, Le cadre juridique de l'action extérieure des collectivités locales, AJDA, 2005, pp. 1713-1717. L'auteur critique, ainsi, la décision du TA de Poitiers du 18 novembre 2004, Jean-Romée Charbonneau.
(47) CE 15 février 1961, Couquet, Rec. 119. Le commissaire du Gouvernement, Rémy Schwartz dans ses conclusions sur l'affaire "Commune de Villeneuve-d'Ascq" (supra) a rappelé cette origine.
(48) Jean-Marc Peyrical, Réflexions autour de la sphère des compétences particulières des communes, Dalloz, 1998, Chron., pp. 341-344.
(49) CE Sect., 6 mars 1981, Association de défense des habitants du quartier de chèvre-morte, préc., Rec. 125.
(50) Charles Eisenmann, Les fonctions des circonscriptions territoriales dans l'organisation de l'administration, Mélanges Waline, LGDJ, 1974, p. 427.
(51) CE, 9 octobre 1992, n° 94455, Commune de Saint-Louis c/ Assoc. Siva Soupramanien de Saint-Louis (N° Lexbase : A7984AR7), Rec. 358 (interdiction de subvention d'une association cultuelle contraire à la séparation des Eglises et de l'Etat posée par la loi du 9 décembre 1905).
(52) CE, 23 octobre 1989, n° 93331, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, Commune de Romainville, Commune de Saint-Ouen (N° Lexbase : A1725AQX), Rec. 209 (immixtion dans un conflit de nature politique mettant en cause un pays étranger).
(53) Loi nº 2006-1537 du 7 décembre 2006, art. 49, préc., Journal officiel du 8 décembre 2006.
(54) De permissif, l'article L. 1115-1-1 serait devenu restrictif à la suite de la réforme de l'article L. 1115-1.
(55) CE 29 juin 2001, n° 193716, Commune de Mons-en-Baroeul (Considérant de principe : L'article 2121-29 du CGCT N° Lexbase : L8543AAN "habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'Etat ou à d'autres personnes publiques et qu'il n'y ait pas d'empiètement sur les attributions conférées au maire").
(56) Règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) (N° Lexbase : L4526HKT). JOUE n° L 210 du 31 juillet 2006 pp. 19-24. (Nicolas Wismer, Le Groupement européen de coopération territoriale (GECT), Revue Lexbase de Droit public, n° 14, janvier 2007 N° Lexbase : N7505A9T).
(57) Conseil d'Etat, Le cadre juridique de l'action extérieure des collectivités locales, La doc. F, Les études du Conseil d'État, 2006. Qu'il nous soit permis de relativiser cette simplification abusive de la réalité de l'action extérieure des collectivités françaises.
(58) Article 3. Accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie et du Jura sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux. Décret n° 97-798 du 22 août 1997, portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie et du Jura sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux (ensemble une déclaration) (N° Lexbase : L6513HUR), JORF du 29 août 1997, p. 12717 (la loi n° 97-103 du 5 février 1997 N° Lexbase : L6512HUQ en avait autorisé l'approbation). Le texte de base résulte de l'accord franco-allemand du 3 mars 1995 et le texte final fut signé à Karlsruhe le 23 janvier 1996. L'Accord de Karlsruhe n'a été que, récemment, étendu à l'ensemble de la frontière franco-suisse, il est entré en application le 1er juillet 2004 pour le Canton de Genève, le 2 juillet 2004 pour les régions Rhône-Alpes et Franche-Comté et le 1er septembre 2004 pour le Canton de Vaud (décret n° 2004-956 du 2 septembre 2004 portant publication de l'accord sous forme d'échange de notes entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse relatif à l'extension du champ d'application de l'accord de Karlsruhe du 23 janvier 1996 sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux aux régions de Franche-Comté et Rhône-Alpes, faites les 24 novembre 2003, 30 janvier, 2 avril et 29 juin 2004 N° Lexbase : L7703GTH, JORF du 9 septembre 2004, p. 15882).
(59) Loi n° 2005-250 du 18 mars 2005 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux (N° Lexbase : L0899G8S JORF du 19 mars 2005, p. 4673). Décret n° 2005-745 du 28 juin 2005 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux, fait à Bruxelles le 16 septembre 2002 (N° Lexbase : L6318G9U JORF du 5 juillet 2005, p. 11074). L'accord est entré en vigueur le 1er juillet 2005.
(60) Pensons, simplement, à une convention transfrontalière dont l'objectif serait la construction d'une station d'épuration commune, cas de figure ordinaire.
(61) Les EPCI ne pouvaient donc pas agir sur la base d'une clause générale de compétence qui ne leur était pas reconnue.
(62) CE, 16 octobre 1970, n° 71536, Commune de Saint-Vallier (N° Lexbase : A1357B8R).
(63) Circulaire conjointe du 20 avril 2001 du ministre de l'Intérieur et du ministre des Affaires étrangères relative à la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, NOR INTB0100124C, préc., point 1.2.3.

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[Chronique] La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouve, au premier plan de cette actualité, le point portant sur l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente d'un immeuble du débiteur en liquidation judiciaire et la situation des rapatriés d'Algérie. Se démarquent, également, la question de l'application dans le temps de la loi de sauvegarde en matière d'extensions sanctions, ainsi que les précisions, tant attendues, sur la notion d'état de cessation des paiements.
  • L'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente d'un immeuble du débiteur en liquidation judiciaire et la situation des rapatriés d'Algérie (Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-14.261, FS-D N° Lexbase : A2854DUA)

La loi de finances pour 1998 pose, en son article 100, alinéa 2 (loi n° 97-1269, 30 décembre 1997, art. 100, al. 2 N° Lexbase : L6930HU9), une impossibilité d'ouverture de la procédure à l'encontre d'une personne rapatriée réinstallée dans une profession non salariée, dès lors qu'elle a déposé un dossier avant le 18 novembre 1997, auprès d'une commission départementale d'aide aux rapatriés. Ce texte a été complété par un décret d'application, qui institue, en son article 3, une commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée (décret n° 99-469, 4 juin 1999, relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée N° Lexbase : L6929HU8) et qui a prolongé, jusqu'au 4 juillet 1999 -un mois après la publication du décret du 4 juin 1999-, la date butoir de dépôt de dossiers. Passé ce délai, les dossiers sont déclarés irrecevables par le préfet.

Les juridictions judiciaires, et spécialement le juge-commissaire saisi d'une demande de suspension des poursuites de la part du débiteur, et à sa suite le tribunal puis la cour d'appel, ne sont pas compétentes pour apprécier la recevabilité de la demande du rapatrié (Cass. com., 28 septembre 2004, trois arrêts, n° 02-16.297, F-D  N° Lexbase : A4654DDQ, n° 02-16.298, F-D N° Lexbase : A4655DDR et n° 02-16.299, F-D N° Lexbase : A4656DDS).

Le débiteur en liquidation judiciaire exerce un droit propre à solliciter le bénéfice des mesures instituées au profit des rapatriés (Cass. civ. 2, 16 juin 2005, n° 04-13.139, FS-P+B N° Lexbase : A7591DIY). Il peut, en conséquence, exercer seul un recours contre la décision ayant rejeté sa demande d'aide aux rapatriés endettés (Cass. com., 13 novembre 2001, n° 98-19.113, F-D N° Lexbase : A0874AXN, Act. proc. coll. 2002/2, n° 25 ; Cass. civ. 1, 8 janvier 2002, n° 99-21.217, FS-P N° Lexbase : A7784AXL, Act. proc. coll. 2002/5, n° 66). En revanche, le créancier qui poursuit le débiteur in bonis, ainsi que le liquidateur qui entend vendre un bien du débiteur en liquidation judiciaire, sont sans qualité pour exercer une voie de recours sur la décision d'admission au bénéfice du dispositif.

Le dispositif institué est extrêmement favorable au débiteur et a conduit à un certain nombre de solutions, illustratives d'une sorte de blocage absolu de la situation, au seul bénéfice du rapatrié. Aussi, les décisions qui s'inscrivent en rupture de ce blocage présentent-elles un certain intérêt. Tel est précisément le cas de la décision ici commentée.

En l'espèce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte. Le juge-commissaire autorise la vente de gré à gré de biens appartenant au débiteur au profit d'une commune. Le débiteur, estimant que le prix était inférieur à la valeur des biens vendus, forme une opposition à l'encontre de l'ordonnance. Le tribunal va rejeter l'opposition. Le débiteur forme un appel déclaré irrecevable par la cour d'appel. La commune n'a cependant pas signé les actes de cession. Le liquidateur, qui avait reçu une offre d'acquisition d'un nouveau candidat acquéreur, a alors demandé au juge-commissaire d'être autorisé à lui vendre les biens, ce que le juge-commissaire a refusé, estimant qu'en autorisant la vente à la commune, il avait épuisé sa saisine. Le candidat acquéreur a formé opposition à cette ordonnance. Le tribunal a confirmé l'ordonnance.

C'est alors que le débiteur a saisi le tribunal d'une demande de suspension des poursuites sur le fondement de la législation des rapatriés d'Algérie. Le tribunal a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative sur la recevabilité de la demande. Le débiteur a alors formé appel à l'encontre de la décision du tribunal et la cour d'appel a infirmé le jugement en retenant que le débiteur bénéficiait de la suspension des poursuites. Dans ces conditions, le débiteur et le candidat acquéreur ont formé un appel nullité à l'encontre du jugement du tribunal qui avait confirmé la décision du juge-commissaire refusant d'autoriser la vente à ce nouvel acquéreur. La cour d'appel va refuser de considérer caduque l'ordonnance du juge-commissaire.

Le débiteur va alors former un pourvoi et la question centrale posée à la Cour de cassation est de savoir si le dépôt d'un dossier de désendettement des rapatriés d'Algérie permet de remettre en cause une décision du juge-commissaire ayant, dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur, autorisé la vente de ses biens à un acquéreur.

A cette question, la Cour de cassation, rejetant le pourvoi, va répondre par la négative. "L'arrêt retient à bon droit que le juge-commissaire s'est trouvé dessaisi en suite de l'arrêt du 27 juin 2001 passé en force de chose jugée [déclarant irrecevable le recours sur la décision du tribunal ayant confirmé l'ordonnance du juge-commissaire] ; dès lors, la saisine de l'autorité administrative intervenue le 28 juillet 2002 a été sans effet sur l'ordonnance du 6 décembre 1996 du juge-commissaire".

La vente de l'immeuble est parfaite, comme en matière de meubles, dès l'ordonnance du juge-commissaire qui l'autorise, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée (Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.062, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A7136DKI, Bull. civ. IV, n° 191 ; D. 2005, AJ p. 2593, obs. A. Lienhard ; JCP éd. E, 2006, chron. 1006, p. 74, n° 8, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Act. proc. coll. 2005/18, n° 233, note Ph. Roussel Galle ; Gaz. proc. coll. 2006/1, p. 25, obs. M. Sénéchal ; Cass. com., 16 janvier 2007, n° 05-19.573, F-D N° Lexbase : A6196DTN), même si elle n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire. La même solution vaut pour la vente des meubles (Cass. com., 3 octobre 2000, n° 98-10.672, SCP Bouillot-Deslorieux c/ M. Mazilly N° Lexbase : A4292A74, Act. proc. coll. 2000 /17, n° 221; D. 2000, jur. p. 397, obs. A. Lienhard ; JCP éd. E, 2001, chron. 175, n° 6, obs. M. Cabrillac ; RTD com. 2001, p. 224, obs. C. Saint-Alary-Houin ; Cass. com., 7 juillet 2004, n° 01-01.452, Société Assurances mutuelles de France (AMF) c/ M. Souchon, F-D N° Lexbase : A0132DDA ; Cass. com., 7 juin 2005, n° 04-10.685, F-D N° Lexbase : A6533DIS ; CA Riom, 1ère ch. civ., 22 mai 2003, RD Banc. et fin. 2004, p. 106, n° 83, obs. F.-X. Lucas), par exemple le fonds de commerce.

Il en résulte que, une fois les délais de recours expirés sur la décision du juge-commissaire, le liquidateur ne peut 'stopper' la vente au prétexte que le débiteur aurait les fonds pour apurer tout son passif. L'acquéreur peut, en conséquence, l'assigner aux fins de constatation du caractère parfait de la vente. Selon la Cour de cassation, si les conditions de la clôture pour extinction du passif ne sont pas réunies antérieurement à la date à laquelle la vente est parfaite, c'est à dire au jour où l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente acquiert force de chose jugée. L'ordonnance du juge-commissaire ne pourra alors être remise en cause et la clôture de la procédure pour extinction du passif ne fera pas obstacle à la possibilité pour l'acquéreur d'obtenir la rédaction de l'acte de cession ou une décision judiciaire substitutive (Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.062, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A7136DKI, Bull. civ. IV, n° 191 ; D. 2005, AJ p. 2593, obs. A. Lienhard ; JCP éd. E, 2006, chron. 1006, p. 74, n° 8, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Act. proc. coll. 2005/18, n° 233, note Ph. Roussel Galle ; Gaz. proc. coll. 2006/1, p. 25, obs. M. Sénéchal).

Le liquidateur peut obtenir à son choix le constat judiciaire de la vente, la décision judiciaire se substituant alors à l'acte (CA Riom, 1ère ch. civ., 22 mai 2003, RD Banc. et fin. 2004, p. 106, n° 83, obs. F.-X. Lucas), ou la condamnation de l'acquéreur à des dommages et intérêts s'il refuse de signer les actes de cession et s'il en résulte, pour la collectivité des créanciers, un préjudice (Cass. com., 14 juin 1994, n° 92-14.721, Société Chaussures Daphane c/ M. Arnaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tutte Scarpa N° Lexbase : A6975ABX, Bull. civ. IV, n° 210 ; Quot. jur. 20 septembre 1994, obs. P. M. ; Rev. proc. coll. 1995, 343, obs. B. Dureuil ; Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-17.809, F-D N° Lexbase : A1573DCA ; Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-20.676, F-D N° Lexbase : A4704DDL ; Cass. com., 7 juin 2005, n° 04-10.685, F-D N° Lexbase : A6533DIS ; lire Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence des mois de mai et juin 2005, la chronique de P.-M. Le Corre, Lexbase Hebdo n° 177 du 21 juillet 2005 - édition affaires N° Lexbase : N6689AIL).

L'intérêt de l'arrêt commenté est de préciser que le caractère parfait de la vente de gré à gré autorisée par le juge-commissaire ne peut être remis en cause par la saisine de l'autorité administrative compétente pour le bénéfice de la législation de désendettement des rapatriés d'Algérie. Il faut, nous indique la Cour de cassation, comparer deux éléments : la date du dépôt en préfecture de la demande de désendettement et la date à laquelle la décision du juge-commissaire passe en force de chose jugée.

Si la première est antérieure, la législation sur le désendettement des rapatriés l'emportera. Il en résultera une suspension provisoire des poursuites, qui se poursuivra jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente pour apprécier la recevabilité de la demande, jusqu'à la décision de l'autorité administrative ayant à connaître des recours gracieux contre la décision de la commission, le cas échéant, ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente (Cass. civ. 2, 10 juillet 2003, n° 01-03.089, FS-D N° Lexbase : A1813C9Z ; Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 05-13.908, F-D N° Lexbase : A6785DTH).

Si la perfection de l'ordonnance du juge-commissaire est antérieure, au contraire, cette dernière ne pourra être remise en cause.

La jurisprudence a déjà eu l'occasion de rendre des décisions comparables. C'est ainsi qu'il a été jugé par une cour d'appel que la mesure d'expulsion du débiteur, faisant suite à un jugement d'adjudication sur saisie immobilière définitif, ne peut être suspendue par une saisine de la commission de désendettement (CA Montpellier, 5ème ch. A, 16 février 2004, RJ com. 2004, p. 192, note B. Travier). La Cour de cassation, saisie sur pourvoi formé contre cette décision, a approuvé la décision en jugeant que "les dispositions légales accordant aux rapatriés le bénéfice, de plein droit, d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre, ne s'applique pas à l'expulsion d'un bien immobilier dont l'adjudication est devenue irrévocable" (Cass. civ. 2, 1er décembre 2005, n° 04-13.681, FS-P+B N° Lexbase : A8474DLG).

Ces solutions jurisprudentielles permettent de poser un principe général : la réglementation relative au désendettement des rapatriés d'Algérie réinstallés dans une profession non salariée ne peut remettre en cause des décisions définitives.

On ne peut terminer ce commentaire sans faire état d'un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation rendu à propos de cette législation. Elle commence par poser en principe que, "si l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but" (Cass. ass. plén., 7 avril 2006, n° 05-11.519, Société Bernabé c/ Société Building, P N° Lexbase : A0020DPG, Gaz. pal. 7-8 février 2007, p. 5, note B. Travier). Or, ainsi que le relève l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, la réglementation de désendettement des rapatriés d'Algérie institue une suspension automatique des poursuites d'une durée indéterminée sans intervention d'un juge. Elle porte atteinte au droit des créanciers, qui sont privés de tout recours, alors que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation juge, en conséquence, que la réglementation instituée est contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (N° Lexbase : L7558AIR).

Le pouvoir réglementaire ne devait pas tarder à réagir après la solution posée par la Haute cour. Le décret du 22 novembre 2006 (décret n° 2006-1420, modifiant le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée N° Lexbase : L5470HTR) est ainsi venu modifier le décret n° 99-469 du 4 juin 1999. En son article 8-1, il restaure le droit d'accès au juge.

Le dispositif repose sur la technique du sursis à statuer. Lorsqu'un juge sera saisi d'un litige entre un créancier et un débiteur qui a déposé une demande de désendettement, il appartiendra au juge de surseoir à statuer et, simultanément, de saisir la commission. Cette dernière disposera alors d'un délai de six mois pour statuer. Le juge est avisé par la commission lorsqu'elle constate l'échec de la négociation. Le juge peut alors, soit sur l'initiative de l'une des parties, soit d'office, décider de la reprise de l'instance. Conformément au droit commun, la décision de sursis à statuer sera susceptible d'un appel, dans les prévisions de l'article 380 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2610ADZ).

Ainsi que cela a été observé dans un excellent commentaire de la décision de l'Assemblée plénière, le texte ne règle pas la situation lorsque la commission ne statue pas dans le délai de six mois qui lui est imparti (B. Travier, obs. sous Cass. ass. plén., 7 avril 2006, n° 05-11.519, Gaz. pal. 7-8 février 2007, p. 5 s., sp. p. 9). Sauf à encourir à nouveau la censure au visa de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il semble que le texte doive être interprété dans le sens du droit d'accès au juge. Aussi faut-il décider que si la commission n'a pas statué dans le délai de six mois, le juge disposera de la même faculté que celle qui lui est attribuée en cas d'échec que de la négociation. Il pourra donc décider d'office de reprendre instance ou accéder à la demande, en ce sens, de l'une des parties.

  • Toujours et encore la suppression des extensions sanctions et l'application de la loi de sauvegarde dans le temps (Cass. com., 13 février 2007, n° 05-20.126, FS-P+B N° Lexbase : A2901DUY)

La loi du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) a, on le sait, supprimé les extensions sanctions, et notamment le redressement et la liquidation judiciaires à titre personnel contre le dirigeant pour les faits qui étaient visés à l'article L. 624-5 ancien du Code de commerce (N° Lexbase : L7044AIQ).

On sait aussi que l'article 191 de la loi du 26 juillet 2005 a posé un principe de survie de la loi ancienne pour les procédures engagées avant le 1er janvier 2006, en énonçant que "lors de son entrée en vigueur, la présente loi n'est pas applicable aux procédures en cours". Dans cette logique, l'article 192 de cette même loi indique pour sa part que "les procédures ouvertes en vertu des articles L. 621-98 (N° Lexbase : L6950AIA), L. 624-1 (N° Lexbase : L7040AIL), L. 624-4 (N° Lexbase : L7043AIP) et L. 624-5 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur". Il faut donc, notamment, comprendre que les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ouvertes à titre de sanction sur le fondement de l'article L. 624-5 avant le 1er janvier 2006 ne sont pas affectées par l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

Il reste à déterminer ce qu'il faut entendre par "procédures de redressement et de liquidation judiciaires ouvertes à titre de sanction sur le fondement de l'article L. 624-5 avant le 1er janvier 2006". C'est à cette question que le présent arrêt apporte une nouvelle pierre à l'édifice, qui commence à être imposant sur cette problématique.

En l'espèce, une société est placée en liquidation judiciaire. Retenant sa qualité de dirigeant de fait, le tribunal va ouvrir à titre de sanction, sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce (rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises), un redressement judiciaire à l'encontre d'une personne avant le 1er janvier 2006. La cour d'appel va annuler ce jugement et, statuant à nouveau avant 1er janvier 2006, ouvrir le redressement judiciaire de l'intéressé à titre de sanction.

Cette procédure peut-elle être remise en cause après le 1er janvier 2006 ?

Dans l'arrêt commenté, la Cour va répondre à cette question par l'affirmative en énonçant qu'"il résulte de ce texte [loi du 26 juillet 2005, art. 192] qu'à défaut de décision ayant valablement ouvert contre M. S. une procédure collective antérieurement au 1er janvier 2006, celui-ci ne peut plus être poursuivi sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, abrogé par cette loi".

La lecture rapide de l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 aurait pu conduire à une solution diamétralement opposée. En effet, selon cette disposition, "les procédures ouvertes en vertu des articles L. 621-98, L. 624-1, L. 624-4 et L. 624-5 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur". On aurait donc pu en déduire qu'il n'était pas possible de remettre en cause une procédure ouverte avant le 1er janvier 2006. Mais, en énonçant que les procédures ne peuvent être affectées, cela ne signifie pas qu'elles ne peuvent être réformées ou annulées. Cela veut simplement dire que la loi nouvelle reste sans effet sur l'application de la loi ancienne aux procédures ouvertes antérieurement. Puisque toute la loi ancienne s'applique à ces procédures de redressement ou de liquidation judiciaire à titre de sanction, il faut décider que le mécanisme des voies de recours doit pleinement jouer. Si la décision est mal fondée, elle doit pouvoir, bien qu'ayant été ouverte avant le 1er janvier 2006, être mise à néant après le 1er janvier 2006.

C'est ce que fait ici la Cour de cassation. Elle estime que la notion de dirigeant de fait n'a pas été caractérisée par la cour d'appel et c'est ce qui vaut la réformation.

Le dirigeant de fait est la personne qui exerce, directement ou par personne interposée, une activité positive et indépendante d'administration générale d'une personne morale (Cass. com., 26 juin 2001, n° 98-20.115, M. Jean-Pierre Roman c/ M. Olivier Chavane de Dalmassy N° Lexbase : A7781ATD, Act. proc. coll. 2001/15, n° 201), sous le couvert ou aux lieu et place de ses représentants légaux. Il est donc indispensable, pour que la caractérisation de la direction de fait soit établie, de relever des éléments qui démontrent cette activité positive et indépendante de direction. Il faut, nous dit la Cour de cassation, qu'il s'agisse d'actes traduisant une activité indépendante de direction (Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-17.558, F-D N° Lexbase : A4159DHI). Les juridictions du fond sont très souvent censurées pour s'être contentées de relever des indices de cette direction de fait sans les rattacher à la définition ainsi posée. C'est le cas en l'espèce. La cour d'appel avait retenu que l'intéressé faisait fonctionner un établissement secondaire. Qu'à ce titre, il signait des contrats de location ou de crédit-bail de véhicules, qu'il effectuait toutes les opérations de banque ou, encore, qu'il avait procédé aux entretiens d'embauche du personnel. Ces éléments sont effectivement des indices de la direction de fait. Mais encore faut-il qu'ils soient accomplis en toute indépendance. C'est ce que la Cour de cassation reproche à la cour d'appel de ne pas avoir caractérisé. Cette caractérisation était au demeurant impossible, en l'espèce, puisque des mandats avaient été donnés par le dirigeant de droit à l'intéressé. Il n'y avait donc pas d'indépendance dans l'accomplissement des actes d'administration de l'établissement secondaire. La direction de fait n'était pas établie.

Puisque la Cour de cassation est amenée à censurer la cour d'appel, elle en déduit qu'avant le 1er janvier 2006, aucune décision n'avait "valablement" ouvert la procédure de sanction. Tout se passe donc comme si aucune procédure à titre de sanction n'avait été ouverte avant le 1e janvier 2006. Or, après cette même date, aucune procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à titre de sanction ne peut plus être ouverte. La solution a déjà été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation (Cass. com., 7 mars 2006, n° 04-20.252, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A4796DNX, D. 2006, AJ p. 856, obs. A. Lienhard ; D. 2006, pan. comm. p. 2252, obs. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2006, chron. 2331, p. 1530, n° 1, obs. Ph. Pétel ; Act. proc. coll. 2006/8, n° 95, note C. Régnaut-Moutier ; Dr. sociétés 2006, n° 88, obs. J.-P. Legros ; Rev. proc. coll. 2006/3, p. 256, n° 7, obs. Ph. Roussel Galle ; lire Entreprises en difficulté : panorama bimestriel - mars/avril 2006, Lexbase Hebdo n° 212 du 27 avril 2006 - édition affaires N° Lexbase : N7539AKG ; Cass. com., 30 mai 2006, n° 05-12.311, F-D N° Lexbase : A7578DPD, Gaz. proc. coll. 2006/4, p. 37, note Th. Montéran ; Rev. proc. coll. 2006/3, p. 256, n° 7, obs. Ph. Roussel Galle). C'est ce qui justifie la cassation sans renvoi. On rappellera également que, même si, après l'ouverture de la procédure à titre de sanction, la cour d'appel réforme ou annule la décision par un arrêt antérieur au 1er janvier 2006, la procédure à titre de sanction n'était plus ouverte et ne peut donc plus l'être après cette même date (Cass. com., 30 janvier 2007, n° 05-17.125, F-D  N° Lexbase : A7809DTE, lire La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 249 du 19 février 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N0608BAR).

Remarquons, pour terminer, que le texte de l'article 192 de la loi du 26 janvier 2005 est largement inutile. Il est, en effet, tout à fait redondant par rapport à l'article 191 de cette même loi, qui pose le principe de survie de la loi ancienne pour les procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006. Ce texte était, à notre sens, suffisant pour justifier que, après le 1er janvier 2006, on ne puisse remettre en cause une décision d'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire à titre de sanction intervenue avant cette même date. Il a simplement le mérite "d'enfoncer le clou" et d'éviter les difficultés d'interprétation par rapport à l'article 191 de la loi, qui rend applicable, en son 5°, les chapitres Ier et II du titre V, à l'exception de l'article L. 651-2 (N° Lexbase : L3792HB3), c'est-à-dire, notamment, le mécanisme de l'obligation aux dettes sociales.

  • De quelques précision utiles sur la notion d'état de cessation des paiements (Cass. com., 27 février 2007, n° 06-10.170, F-P+B+R N° Lexbase : A6033DUY)

Concept délicat des procédures collectives, s'il en est, l'état de cessation des paiements est la source d'importantes discussions doctrinales. Au centre de celles-ci, figure la question de savoir si le passif exigible, mis en balance avec l'actif disponible pour déterminer s'il y a cessation de paiements, doit être seulement exigible ou s'il doit encore être exigé.

La difficulté a pour origine un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui, bien que n'ayant pas été appelé à une large diffusion (Cass. com., 28 avril 1998, n° 95-21.969, M. Laroppe c/ Mme Perrotel épouse Morel, inédit N° Lexbase : A2895AGC, Defrénois 1998, 948, n° 1, obs. P. Le Cannu ; JCP éd. G, 1998, 1926, note G. Linkinninba ; Rev. proc. coll. 2000, p. 49, n° 7, obs. J.-M. Deleneuville), a été largement commenté. Cette décision avait énoncé que "le passif à prendre en considération pour caractériser l'état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé, dès lors que le créancier est libre de faire crédit au débiteur". L'attention avait été focalisée sur la première partie de la phrase et il avait été seulement retenu que le passif exigible devait encore être exigé pour caractériser l'état de cessation de paiements. Depuis lors, la Chambre commerciale de la Cour de cassation n'avait pas eu l'occasion de repréciser sa pensée, sous réserve d'un article très clair signé de son Président paru dans la Gazette des procédures collectives (D. Tricot, La cessation des paiements : une notion stable, Gaz. proc. coll. 2005/1, p. 13), dans lequel il était affirmé que la Cour de cassation n'avait jamais eu la volonté de poser en principe que le passif exigible devait être exigé pour caractériser l'état de cessation des paiements. La cessation des paiements apparaissait ainsi, selon l'analyse du Président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, comme une "notion stable".

L'intérêt de l'arrêt ici commenté apparaît alors avec évidence, puisque, de front, la Cour de cassation a à répondre à la question de savoir si le passif exigible doit encore être exigé pour caractériser l'état de cessation des paiements.

En l'espèce, une société est mise en liquidation judiciaire. La cour d'appel a réformé le jugement et, statuant à nouveau, a ouvert une procédure de redressement judiciaire. La société et son mandataire ad hoc ont reproché à la cour d'appel d'avoir fixé la date de cessation des paiements au 13 septembre 2005 "alors, d'une part, que, à cette date, la société débitrice était propriétaire de deux immeubles qui avaient fait l'objet d'un droit de préemption par la commune et, d'autre part, que, la cour d'appel avait retenu qu'il y avait cessation des paiements alors qu'aucune poursuite n'était en cours concernant le passif déclaré lequel, dans ces conditions, n'était pas à ce jour exigé".

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi.

Sur le premier point, la Cour de cassation va affirmer que la cour d'appel "a exactement retenu que l'actif de la société, constitué de deux immeubles, non encore vendus, n'était pas disponible".

Sur le second point, la Cour de cassation va retenir que "la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ces créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision".

Cet arrêt est de première importance, et ne devra pas échapper aux praticiens et ce d'autant que les termes de la discussion sont strictement identiques avant et depuis la loi de sauvegarde des entreprises. Pour s'en assurer, la Cour de cassation a décidé de sa publication, non seulement à son bulletin mensuel, mais surtout, au rapport annuel (arrêt n° 382 F-P+B+R). L'occasion était trop belle pour ne pas la saisir.

L'état de cessation des paiements est défini par le Code de commerce (C. com., art. L. 621-1, tel qu'il résulte de la rédaction antérieure à la loi du 25 janvier 1985 N° Lexbase : L6853AIN, art. L. 631-1, al. 1, tel qu'il résulte de la loi du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L4012HB9), comme l'impossibilité de faire face avec son actif disponible à son passif exigible.

Il faut donc comparer, pour la mettre en balance, deux éléments : l'actif disponible d'une part, le passif exigible d'autre part.

L'actif disponible, nonobstant l'absence de précisions sur le concept, ne fait guère l'objet de discussions. Il faut prendre en compte l'actif disponible à très court terme, c'est-à-dire soit l'actif immédiatement disponible, soit l'actif pouvant le devenir dans les quelques jours qui suivent la panne de trésorerie.

Diverses décisions jurisprudentielles sont intervenues pour déterminer ce qu'il fallait ou non englober dans l'actif disponible.

Correspond à cette notion, la trésorerie disponible, représentée par l'existant en caisse et les soldes bancaires créditeurs (CA Paris, 3ème ch., sect. A, 3 mai 1994, n° 92/012070, Me Penet-Weiller, ès qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de la Société Internationale de Négoce du Café et du Cacao N° Lexbase : A7100DUI), les effets de commerce échus ou escomptables, ainsi que les valeurs cotées en bourse.

Les créances à vue peuvent également être intégrées dans l'actif disponible. Il faut que leur recouvrement par le débiteur soit aisé (CA Versailles, 13ème ch., 22 mai 1997, Rev. proc. coll. 1998, p. 34, n° 1, obs. Calendini ; CA Besançon, 2ème ch. com., 15 janvier 1999, Rev. proc. coll. 2000, p. 49, n° 8, obs. J.-M. Deleneuville). La solution a été posée à propos d'un crédit de TVA (CA Paris, 2ème ch., 2 juin 1998, Rev. proc. coll. 2000, p. 51, n° 12, obs. J.-M. Deleneuville) ou à propos de créances à percevoir au titre de chantiers.

Sont, au contraire, exclues de cette notion les immobilisations (Cass. com., 28 novembre 1989, n° 88-17.237, Mme Gabarra et autre, inédit N° Lexbase : A7865C43, Rev. proc. coll. 1990, p. 138, n° 2, obs. Calendini). Il en est spécialement ainsi de la valeur du fonds de commerce, ou de la valeur des travaux réalisés dans le local d'exploitation dudit fonds (Cass. com., 17 mai 1989, D. 1989, IR p. 177). Cependant, si le fonds de commerce ne peut constituer un élément de l'actif disponible, il en va différemment du prix de vente de ce fonds (CA Dijon, 1ère ch., 26 juin 1991, n° 2531/90, SARL Montbard Restauration c/ Me Cure, agissant ès qualités de représentant des créanciers de la SARL Montbard Restauration N° Lexbase : A7099DUH ; CA Aix-en-Provence, 8ème ch., sect. A, 19 novembre 1998, Rev. proc. coll. 2000, p. 49, n° 8, obs. J.-M. Deleneuville).

Par principe, ne sont pas intégrés dans l'actif disponible les stocks (Cass. com., 17 mai 1989, n° 87-17.930, M. Lebeau et autre c/ M. Acquaroli et autre, P N° Lexbase : A4037AGM, Bull. civ. IV, n° 152 ; JCP éd. G, 1990, II, 21464, note M. Beaubrun ; CA Besançon, 2ème ch., 20 novembre 2001, RJ com. 2002, p. 124, n° 1591, note L. Haennig), et notamment le stock d'immeubles d'un marchand de biens (CA Aix-en-Provence, 26 juin 1990, Rev. proc. coll. 1992, p. 289, obs. Calendini ; CA Versailles, 6 mars 1997, 13ème ch., Rev. proc. coll. 1998, p. 34, n° 1, obs. Calendini).

De façon générale, les immeubles sont exclus de la notion d'actif disponible. C'est ainsi que statue l'arrêt rapporté. La solution avait déjà été posée par une juridiction du fond (CA Aix-en-Provence, 8ème ch., sect. A, 26 juin 1990, n° 88/3792, SCI Les Grands Logis c/ Me Bednawski Maxime, agissant en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SCI Les Grands Logis N° Lexbase : A7098DUG), même si certaines juridictions du fond les incluent parfois à tort dans l'actif disponible (TGI Clermont-Ferrand, 2 mars 2006, Act. proc. coll. 2006/14, n° 167, note S. Rétif). Il en ira différemment s'ils ont été vendus, leur prix pouvant constituer un élément de l'actif disponible. C'est la solution implicite que pose l'arrêt commenté, lorsqu'elle évoque l'actif de la société constitué de deux immeubles "non vendus", ce qui est conforme à la solution dégagée à propos du prix de vente du fonds de commerce.

Le fait, en l'espèce, que les immeubles aient fait l'objet d'un droit de préemption ne pouvait changer la solution, dès lors que le prix n'avait pas été payé. Les délais de règlement du prix, qui dépendent, notamment, de la rédaction de l'acte de cession, sont incompatibles avec un actif disponible à court terme comme l'exige la jurisprudence.

Mais, incontestablement, l'intérêt de l'arrêt rapporté repose sur le second point. Il était, en effet, reproché à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si le passif exigible avait été en outre exigé. Cette recherche est inutile, selon la Cour de cassation, dès lors que le débiteur n'allègue pas bénéficier d'un moratoire de la part de ces créanciers et ne fait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif. Il suffit donc que le passif soit exigible, il n'a pas besoin d'être exigé.

La discussion doctrinale, qui s'était élevée après l'arrêt précité de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 28 avril 1998, est close.

La Cour de cassation prend le soin de préciser qu'aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques du passif n'avait été élevée. Cela revient d'une autre manière à affirmer que si la dette est contestée, il peut en être fait abstraction dans l'appréciation de l'état de cessation des paiements (Cass. com., 22 février 1994, n° 92-11.634, Société Holding de participations industrielles et commerciales et c/ Société AA Coach et autres, P  N° Lexbase : A6799ABG, Bull. civ. IV, n° 75 ; JCP éd. G, 1995, II, note Lévy ; JCP éd. E, 1994, I, 394, n° 1, obs. P. Pétel ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 28 octobre 2003, n° 2003/04016, Société Little Italy c/ Maître Armelle Le Dosseur N° Lexbase : A6212DAC).

S'il est possible d'affirmer que le passif exigible n'a pas besoin d'être exigé, encore faut-il tenir compte de l'attitude des créanciers et des possibilités encore ouvertes au débiteur.

Les créanciers peuvent, en effet, jouer sur le passif exigible en accordant des moratoires. Il appartiendra au débiteur de rapporter la preuve d'un véritable moratoire (Cass. com., 13 novembre 2001, n° 98-22.144, F-D N° Lexbase : A0901AXN, Dict. Perm. Difficultés des entreprises, bull. 220, 8 janvier 2002, p. 5894, Vis Cessation des paiements, n° 15). La preuve ne pourra être rapportée que si le moratoire est exprès. Le simple fait pour un créancier d'être inactif dans le recouvrement de sa créance sera insuffisant. Les délais de paiement ne doivent pas être seulement hypothétiques (CA Paris, 3ème ch., sect. A, 4 novembre 2003, n° 2003/04975, Madame Nicole Fougeret c/ Maître Marie-José Josse N° Lexbase : A6080DAG). Le moratoire ne pourra exister si les délais de paiement ont été refusés ou sont expirés au jour où la juridiction apprécie l'existence de l'état de cessation des paiements (Cass. com., 7 mars 2006, n° 05-10.884, M. Ibramina Diallo c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris, F-D N° Lexbase : A5095DNZ, Gaz. proc. coll. 2006/3, p. 13, obs. Ch. Lebel).

Le débiteur peut aussi jouer sur l'actif disponible. Le concept de passif exigible doit immédiatement être rapproché de la notion de réserve de crédit, permettant de payer les dettes échues. Si celle-ci existe, elle empêche la caractérisation de l'état de cessation des paiements (Cass. com., 28 avril 1998, n° 95-21.969, M. Laroppe c/ Mme Perrotel épouse Morel N° Lexbase : A2895AGC, Defrénois 1998, 948, n° 1, obs. P. Le Cannu ; JCP éd. G, 1998, 1926, note G. Linkinninba ; Rev. proc. coll. 2000, p. 49, n° 7, obs. J.-M. Deleneuville ; Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-22.406, M. Alain Lize c/ Société de diffusion internationale de construction (SODIC), F-D N° Lexbase : A7740AXX, Act. proc. coll. 2002/6, n° 69 ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-10.055, Société Finuchem c/ Société AFMA robots, F-D N° Lexbase : A7097DK3), à condition, évidemment, qu'elle soit d'un montant au moins égal au passif exigible (Cass. com., 20 septembre 2005, n° 04-14.808, F-D N° Lexbase : A5196DKN). La réserve de crédit traduit le fait que le passif externe de l'entreprise est inférieur à celui qu'elle pourrait assumer, soit que les banquiers n'ont pas encore été sollicités, soit que les associés peuvent encore augmenter leurs avances (D. Vidal, Droit des procédures collectives, Manuels, Gualino éditeur, 2006, n° 466).

La jurisprudence exclut, toutefois, de l'actif disponible les réserves de crédit qui résulteraient d'un soutien anormal ayant pour seul but de maintenir artificiellement l'activité. Le crédit accordé ne doit pas conduire à maintenir artificiellement en vie l'entreprise (V. ainsi sol. impl. Cass. com., 23 mai 1995, n° 93-12.270, Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Dordogne c/ M. Martin et autres N° Lexbase : A2518AGD, Rev. proc. coll. 1996, p. 203, n° 8, obs. Calendini - Adde, en ce sens, CA Besançon, 2ème ch. com, 14 juin 2000, Act. proc. coll. 2000/18, n° 227). Il ne doit pas s'agir d'un octroi abusif de crédit ou d'un crédit ruineux.

Ainsi, si le passif exigible n'a pas à être exigé, le passif exigible n'existe plus en présence d'un moratoire exprès. L'actif disponible à très court doit être augmenté de la réserve de crédit. Ainsi corrigés, ces deux éléments à mettre en balance pour caractériser l'état de cessation des paiements vont pouvoir être comparés : l'actif disponible et le passif exigible.

Pierre-Michel Le Corre
Professeur à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, CERDP

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Bancaire

[Manifestations à venir] La fiducie : quelle utilisation dans le secteur bancaire et financier ?

Lecture: 1 min

N3528BAW

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Le 07 Octobre 2010

Devant les interrogations soulevées peu de temps après l'introduction de la fiducie dans le droit français par la loi du 19 février 2007 (loi n° 2007-211, instituant la fiducie N° Lexbase : L4511HUM), l'Association Européenne de Droit Bancaire et Financier - France (http://www.aedbf.asso.fr) et l'Association Nationale des Juristes de Banque (http://www.anjb.net) organisent une conférence, le 17 avril prochain, en présence d'éminents intervenants, sur le thème "La fiducie : quelle utilisation dans le secteur bancaire et financier".
  • Programme

Origines et raisons du projet
Place de la fiducie en droit français
La fiscalité de la fiducie
Perspectives d'utilisation dans le secteur bancaire et financier

  • Intervenants

Jean-Michel Daunizeau, président AEDBF-France
Gérard Gardella, président ANJB
Philippe Marini, sénateur de l'Oise, rapporteur général de la Commission des finances
Pierre Crocq, professeur à l'Université Paris II, Panthéon-Assas
Gauthier Blanluet, professeur à l'Université Paris II, Panthéon-Assas, avocat
Alain Gourio, vice-président AEDBF-France
Alain Cerles, avocat
Michel Elland-Goldsmith, avocat
Vincent Besombes, BNP Paribas Suisse

  • Date

Mardi 17 avril 2007
08h45 - 12h45

  • Lieu

Auditorium du Crédit Agricole SA
91-93 boulevard Pasteur
75015 Paris

  • Tarif

60 euros par personne
Bulletin d'inscription à retourner avant le 10 avril 2007

  • Renseignements

Mme Gaschignard
AEDBF - France
4 rue Faidherbe
94160 Saint Mandé
e-mail : mariegaschignard@club-internet.fr

newsid:273528

Sociétés

[Jurisprudence] Concert et franchissements de seuils : la cour d'appel de Paris donne le ton

Réf. : CA Paris, 3ème ch., sect. B, 17 novembre 2006, n° 05/22756, Société IDI, société en commandite par actions c/ Société anonyme Soludi et autres (N° Lexbase : A2813DTD)

Lecture: 13 min

N3530BAY

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Le 07 Octobre 2010

Dans ce qu'on nous rapporte des superstitions romanistes, le franchissement du seuil de la domus devait se faire du pied droit. Celui qui aurait été fait du pied gauche aurait, d'ailleurs, été de si sinistre augure qu'on affectait parfois un esclave à la surveillance du rite qui était chargé de s'écrier à l'occasion : "Du pied droit !" (1).
Il n'est plus de ces hérauts, aujourd'hui, pour annoncer l'entrée d'un nouvel arrivant dans les lieux, mais le franchissement du seuil revêt tout autant d'importance en matière de droit des sociétés cotées qu'il en avait chez nos superstitieux ancêtres. Les différents niveaux de détention des droits de vote représentent, désormais, autant de degrés qui conduisent à l'accession au contrôle de la société. Or, l'investisseur qui les franchit doit, comme dans toute bonne maison, être clairement annoncé et s'il est toujours bien accueilli lorsqu'il vient en invité, le maître de maison est parfois contraint de refuser de recevoir celui qui tente de s'imposer en importun.
Difficile, toutefois, de savoir si le nouvel actionnaire n'a pas déjà investi la place lorsque cette annonce n'a pas pu être réalisée. On risque, ainsi, de retrouver l'arrivant en position de force dans la société sans que les dirigeants, les autres associés ou le marché, n'en aient été activement informés. C'est le problème qui s'est précisément posé dans l'espèce examinée, où un actionnaire -personne morale- d'une société faisant partie d'un groupe, réclamait la limitation des droits de votes de certains actionnaires ayant franchi des seuils de détention sans en avoir fait la déclaration. L'évolution du groupe avait, en effet, donné lieu à de nombreuses opérations d'absorption, ces opérations aboutissant, in fine, à une opacité quant à la détention des droits de vote. L'affaire que vient de juger la troisième chambre de la cour d'appel de Paris, le 17 novembre 2006, recèle, toutefois, quelques complexités supplémentaires, complexités dues à l'existence démontrée d'un ancien pacte d'actionnaires, préexistant aux opérations de fusion et/ou d'absorption. L'existence de ce pacte, qui encadrait à l'origine les actionnaires principaux, conduisait à voir ces derniers comme une entité collective, contrainte de déclarer le franchissement en considération des droits de vote de l'ensemble des "pactisants". Au terme de trois années, ledit pacte ayant pris fin, il convenait, en revanche, de ne considérer, cette fois, pour apprécier les obligations déclaratives, que la détention individuelle des droits de vote.

C'est, plus précisément, la question de la sanction du non-respect de ces obligations déclaratives qui se trouvait posé à la cour d'appel de Paris. En effet, la société actionnaire demanderesse prétendait, d'une part, que le concert n'avait pas cessé, quand bien même le pacte d'actionnaires avait pris fin et, qu'ainsi, les prétendus concertistes auraient dû déclarer les franchissements de seuils à la hausse (I). Elle soutenait, d'autre part, que les intimés déclarant ne pas agir collectivement, auraient dû, s'il n'y avait pas eu concert, déclarer le franchissement de seuil à la baisse (II) leur participation devant être appréciée, cette fois, de façon individuelle.

I - Concert et franchissement de seuil à la hausse

L'organisation du groupe examiné fait apparaître l'existence d'une structure dédiée au maintien du pouvoir d'un ensemble d'actionnaires familiaux, cette structure évoluant dans un contexte de restructuration pouvant laisser imaginer l'existence d'un concert (A). Le juge, toutefois, dans son appréciation du concert et des obligations déclaratives de franchissement de seuil à la hausse, s'en tiendra exclusivement à la mise en oeuvre de critères objectifs (B) pour conclure à l'absence de coalition entre les actionnaires principaux.

A - Une série d'opérations susceptibles de masquer un concert

La société Cnim (la Cnim), est une société introduite sur le second marché en 1987 et détenue majoritairement par la famille Herlicq par l'intermédiaire de deux autres sociétés, nommées PIP et PIN. Une autre société, dénommée IDI, constituée sous forme de société en commandite par actions, est actionnaire à hauteur de 0,69 % de la Cnim. Telle est l'organisation initiale qui va évoluer progressivement, en sept étapes marquées par les différentes restructurations suivantes. 

- Le 8 juillet 1992, la société PIP absorbe la société PIN, le Conseil des bourses de valeurs (CBV) lui accordant une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique alors que la société PIP détient, désormais, plus de 50 % des droits de vote dans la Cnim.
- Le 10 avril 1996, un pacte d'actionnaires est conclu entre les huit groupes d'actionnaires représentant 82,6 % de la société PIP. Ce pacte permet de finaliser l'absorption de la Cnim. La situation prédominante de la famille Herlicq au sein de la nouvelle entité étant maintenue, le CBV prend acte de l'absence de modification du pouvoir et accorde une dérogation à l'obligation de déposer une OPA.
- Le 28 juin 1996, l'assemblée générale de la Cnim entérine l'absorption, et le pacte d'actionnaires conclu auparavant entre en vigueur pour une durée de trois ans reconductible, c'est-à-dire à échéance du 28 juin 1999. Mais à cette date, il n'est pas renouvelé.
- Le 18 février et le 3 mai 2000, la société IDI, qui a engagé une action de concert avec deux sociétés par actions simplifiées : la Financière de Bagatelle et de Neuilly-Barrès, déclare les franchissements de seuil dans la Cnim de 20 % des actions, puis des droits de vote.
- Le 28 novembre 2002, lors d'une assemblée générale mixte de la Cnim, le bureau vote une motion emportant limitation des droits de vote des sociétés IDI, Financière de Bagatelle, et Financière Neuilly Barrès pour absence de déclaration des franchissements de seuils de 5 et 10 % en juin 1998.
- Le 10 juin 2003, le tribunal de commerce de Paris prononce la nullité des résolutions précitées. Cette décision sera, toutefois, infirmée par la cour d'appel de Paris le 18 novembre 2003.
- Le 29 juin 2004, les sociétés IDI, Financière de Bagatelle et Financière Neully fusionnent, les droits des deux dernières sociétés étant transférés à l'IDI.

Le conflit entre les deux partis d'actionnaires s'accroît en intensité lorsque l'IDI introduit un recours devant le tribunal de commerce de Paris. S'appuyant sur les dispositions de l'article L. 233-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3890HBP), la société demande au juge de suspendre les droits de vote de sept actionnaires réunis autour de la famille Herlicq au motif que, selon l'IDI, ces derniers auraient agi de concert sans procéder aux déclarations imposées par l'article précité. Le tribunal de commerce de Paris les déboute le 21 juin 2005.

L'IDI interjette, alors, appel le 22 novembre 2005. La société demande à la cour de constater que les intimés agissaient de concert depuis le 29 juin 1999. En application de l'article L. 233-14, alinéa 1er, du Code de commerce, ces derniers -selon l'IDI- devraient voir leurs droits de vote limités à hauteur de 5 % des droits existants dans la société CNIM pendant deux ans, à compter de leur déclaration à l'AMF du franchissement des seuils de 2, 10, 20, et 33 % des droits dans la société cible.

L'IDI demande, également, au juge d'appel, au cas où le concert ne serait pas reconnu, d'appliquer subsidiairement l'article L. 233-14, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L3894HBT) qui impose des obligations d'information équivalentes en cas de franchissement de seuil à la baisse.

La réponse de la cour d'appel se fera en deux temps, s'agissant du franchissement de seuil à la hausse : d'abord sur la mesure de la présomption de concert, ensuite sur la démonstration du concert.

Elle motive ainsi sa décision, en premier lieu, sur le fondement du II de l'article L. 233-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L6313AIN), proposé ici dans sa dernière version, qui établit un certain nombre de présomptions en matière de constitution d'un concert (2). Ce concert est, ainsi, censé exister entre : une société et ses dirigeants ; une société et les sociétés qu'elle contrôle ; des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ; les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle ; et, enfin, cette dernière mention ayant été ajoutée par l'article 18 de la loi du 19 février 2007 sur la fiducie (loi n° 2007-211, 19 février 2007, instituant la fiducie N° Lexbase : L4511HUM), "entre le fiduciaire et le bénéficiaire d'un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant".

Or, en l'espèce, l'existence d'un concert devait s'apprécier depuis 1999, date à laquelle le pacte d'actionnaires avait pris fin et n'avait pas été renouvelé, les appelants soutenant la thèse qu'un concert s'y était substitué. Sur ce point, la cour d'appel, pour répondre aux appelants, s'appuie sur diverses considérations de fait. Elle relève, d'abord (et on peut se demander si l'argument n'est pas superfétatoire), que le CBV avait accordé durant la période de validité du pacte d'actionnaires une dérogation au dépôt d'une offre publique. Elle souligne, ensuite, qu'après que le pacte ait pris fin, les sept actionnaires cités n'ont pas entretenu les relations permettant de conclure à une présomption de contrôle visée à l'article précité.

Elle se prononce, en second lieu, quant à la démonstration du concert, sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-10 I du Code de commerce qui établit que, sont considérées comme agissant de concert, les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société. En l'espèce, la cour va s'appuyer, là encore, sur des considérations de fait, qu'il convient de n'évoquer que brièvement, comme autant de réponses aux prétentions des requérants. Elle établit ainsi :
- que la décision du CBV, du 11 avril 1996, ne peut s'assimiler à une action de concert ;
- que les décisions de justice, concernant les sociétés visées dans l'affaire, ne fournissent aucune indication quant à l'existence d'un concert ;
- que l'argument des appelants, en vertu duquel le silence des intimés démontre le concert, est inopérant ;
- qu'il existait bien des projets de pacte destinés à remplacer l'accord initial mais que leur négociation n'a pas abouti ;
- que les intimés reconnaissent avoir constitué des holdings familiales, en raison de leurs intérêts communs, mais le juge d'appel en tire le constat qu'il ne pouvait être "déduit que de manière préalable et coercitive, ils aient conclu une entente relative à leurs droits de vote".

Ainsi, la cour de conclure que le concert ne pouvait être déduit du parallélisme des votes dans les organes de la CNIM, ni même de positions communes, lors d'opérations d'acquisition ou d'alliance. Elle conclut donc, sur ce point du moins, à la confirmation du jugement de première instance.

B - Une appréciation du concert cantonnée à des critères objectifs

Au-delà de l'impossibilité à apprécier, au plan de la théorie juridique, cette partie de la décision qui est exclusivement motivée en fait, la rédaction de l'arrêt concernant le franchissement de seuil à la hausse semble particulièrement intéressante en pratique. On peut, en effet, déduire de l'argumentation du juge -sous les réserves d'usage- que les appelants invoquaient l'existence d'un parallélisme de comportement entre les actionnaires ou groupes d'actionnaires poursuivis, cette homogénéité de comportements révélant, selon eux, l'existence d'un concert débouchant sur une obligation de déclaration de franchissement de seuil. Or, ce type de raisonnement, s'il est susceptible de prospérer devant un juge, ne saurait aboutir qu'en matière de concurrence où l'entente, si elle n'est pas démontrée positivement, peut être déduite d'un parallélisme de comportement économique (alignement des prix, par exemple) qui ne saurait s'expliquer que par l'existence d'un accord (même tacite) préalable.

On retrouve donc, assez curieusement, les linéaments de ce raisonnement dans l'argumentation présentée au juge en matière d'appréciation du concert. En effet, la thèse du parallélisme des votes constituait la pierre angulaire des moyens d'appel, avec l'idée sous-jacente que la création de holdings familiaux, en amont, confortait l'idée de l'existence d'un accord occulte. Il faudrait donc entendre du raisonnement de la société IDI que le concert, comme l'entente, pourrait se fonder sur une recherche d'éléments qui, à défaut d'être divinatoire, s'écarterait quand même singulièrement des canons du raisonnement juridique. En jurisprudence, d'ailleurs, l'existence d'un parallélisme démontré des comportements n'a jamais débouché -à notre connaissance- sur une qualification de concert et il est constant que celle-ci ne saurait découler de relations bilatérales ou multilatérales informelles et ne saurait être constituée qu'à la condition de démontrer un accord entre des personnes (3). Le juge a, ainsi, estimé que l'établissement d'un protocole entre les présidents des deux sociétés dont l'une est actionnaire de l'autre ne suffisait pas à caractériser une action de concert (4). C'est donc, à juste titre, que la cour d'appel rejette l'argument, soulignant que l'absence d'éléments objectifs démontrant le concert ne permettait pas de conclure à l'application de l'article L. 233-10 du Code de commerce.

Pourtant, la logique du raisonnement n'est pas sans attraits. En effet, en dépit des caractéristiques propres du droit de la concurrence, droit résolument structuré sur des considérations économiques, la doctrine a, parfois, pu souligner les liens existants, dans des situations complexes, avec le droit des sociétés. Ainsi en est-il, par exemple, du sort des filiales communes dont la constitution est susceptible d'aboutir à la réduction des concurrents sur le marché car le juge est parfois confronté à la question de savoir si l'opération doit être rapportée à une concentration, auquel cas le droit des sociétés est indirectement concerné, ou à une entente. Ceci dit, la comparaison ne peut guère être poussée à l'excès (5). De là, le pas ne peut être franchi que par un plaideur particulièrement hardi, pensant trouver dans l'argumentation avancée en matière d'entente, et en désespoir de cause, le moyen d'inciter le juge à extrapoler la jurisprudence dégagée en droit de la concurrence pour l'appliquer au concert.

C'est sans doute oublier que le concert est, désormais, une notion parfaitement définie en droit positif, à la différence de l'entente dont la fluidité des contours s'explique par le souhait du législateur de pouvoir, grâce à cette plasticité, appréhender le plus grand nombre de comportements possibles. Le juge, s'agissant du concert, se trouve, ainsi, lié par un faisceau d'indices qui lui interdisent de s'échapper de la trame serrée du texte. La rédaction retenue dans l'arrêt est, à cet égard, digne d'éloge puisque le rejet de la demande des appelants est justifié avec une grande précision et ne laisse aucunement place à l'interprétation. Le concert est dans les textes et le juge ne s'écartera pas de sa partition, lui proposerait-on d'adopter des critères de qualification extrapolés de notions voisines.

II - Absence de concert et franchissement de seuil à la baisse

La question du franchissement du seuil à la hausse étant résolu, restait au juge à examiner les obligations déclaratives concernant le franchissement de seuil à la baisse (A). Sur ce point, la cour d'appel affirme distinctement le caractère souverain de son appréciation de la sanction (B).

A - Les obligations déclaratives s'agissant d'un franchissement de seuil a la baisse

La seconde partie de l'arrêt constitue la réponse à une construction assez habile des appelants. Ils invoquaient, d'abord, l'existence d'un concert pour demander la suspension des droits de vote, en raison d'un franchissement de seuils non déclaré à la hausse, mais faisaient valoir, également, qu'au cas où le juge ne reconnaîtrait pas le concert, la participation des actionnaires devait alors être appréciée individuellement. A ce titre, des franchissements de seuil à la baisse ayant été réalisés, ils auraient dû être déclarés. L'articulation du raisonnement, d'une désarmante simplicité, n'en était pas moins redoutablement efficace : soit il y avait concert et, alors, les obligations de déclaration n'avaient pas été remplies, soit il n'y avait pas concert et, alors, d'autres obligations déclaratives n'avaient pas été respectées.

Le juge, toutefois, s'en réfère, là encore, à la lettre du texte pour motiver sa décision et s'appuie sur l'article L. 233-7, alinéa 3, du Code de commerce qui impose une déclaration aux personnes qui franchissent à la baisse les seuils de 5, 10, 20, 33, 50 % de détention des droits de vote d'une société cotée. En l'espèce, le juge relève que les membres du pacte détenaient, à l'époque ou ce dernier était en vigueur, 60,32 % des droits de vote et, qu'à la sortie du pacte, chacun de ses membres se trouvait confronté aux obligations légales attachées à leur qualité d'actionnaires individuels. Or, un courrier avait bien été adressé à la date de la fin du pacte à l'autorité boursière compétente mais cette information ne "mentionne[ait] pas sa valeur déclarative", et ne présentait, par ailleurs, aucun caractère individuel, même si elle donnait des indications quant au niveau de participation respectif des anciens membres du pacte. Donc, les actionnaires n'avaient pas, à l'occasion de la fin du pacte, satisfait aux exigences de l'article L. 233-7 du Code de commerce.

B - Une suspension laissée à l'appréciation du juge du fond

A ce stade, on aurait ainsi pu croire l'affaire gagnée pour les appelants, le juge soulignant formellement l'absence de déclaration. C'était, cependant, sans compter sur la faculté de moduler la sanction qui a été conférée au juge. Le dernier volet de l'arrêt, qui concerne cette fois la sanction fait, en effet, table rase des espoirs des appelants d'obtenir la suspension des droits de vote excédentaires.

Le juge s'appuie, pour décider de l'opportunité de la suspension, sur les dispositions de l'article L. 233-14, alinéa 4, du Code de commerce, qui dispose que "le tribunal de commerce peut prononcer la suspension totale ou partielle des droits de vote d'un actionnaire". Se livrant, ensuite, à une interprétation de ces dispositions, il en vient à souligner que "par ses termes généraux, cette sanction facultative se rapporte à l'obligation déclarative tant à la hausse qu'à la baisse" et souligne, ainsi, implicitement, que le tribunal ou la cour détient un pouvoir discrétionnaire en matière de sanction. En l'espèce, la cour relève, d'abord, qu'il n'y avait pas volonté de dissimuler la fin du pacte, comme en atteste la lettre adressée à l'autorité boursière le 25 juin 1999, puisqu'elle précisait le pourcentage de droits de vote détenu par les actionnaires individuels. Ainsi, le juge d'appel confirme la décision rendue en premier ressort qui concluait à l'absence de sanction en raison du caractère non intentionnel du défaut de déclaration qui, par ailleurs, n'était pas frauduleux et n'avait pas causé de préjudice, tant aux autres actionnaires qu'au marché.

Ce qui n'est sans doute pas dit dans l'arrêt, mais il est vrai que le propos n'eut pas été judicieux eu égard la qualité des débats, c'est que l'appelante avait, elle-même, subi auparavant la suspension de ses droits de vote pour défaut de déclaration de franchissement de seuils à la hausse. Cet affrontement entre les deux clans rivaux d'actionnaires, ne pouvait ainsi aboutir sans que la bonne foi de l'une ou l'autre des parties ne soit implicitement prise en considération. En l'espèce, c'est ce que souligne le juge, qui ne sanctionne pas les intimés, d'abord, en raison de leur absence de volonté malveillante et, ensuite, parce que l'atteinte à l'obligation de déclaration résulte de la méconnaissance du formalisme requis auprès des autorités boursières.

On peut, en outre, évoquer un autre enseignement quant à cette décision sur les obligations déclaratives : c'est que, même si la société est cotée, la structure de l'actionnariat est prise en considération par le juge pour mesurer la nécessité d'une sanction. Dans l'hypothèse où le capital est détenu, comme en l'espèce, par un petit nombre de personnes et où la plupart des mouvements de l'actionnariat sont susceptibles d'être connus des autres actionnaires, la nécessité d'une sanction n'apparaît pas aussi distinctement que si le marché, ou des actionnaires minoritaires, avaient pu souffrir du caractère occulte des franchissements de seuils. Le juge nous donne ainsi une touche d'interprétation nouvelle dans la partition, sans cesse réécrite, du concert en droit des sociétés.

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) "Exclamavit unus ex pueris, qui super hoc officium erat positus : Dextro pede !", Petr. Sat. XXX (traduction : "Un des esclaves préposés à cet office s'écria : "Du pied droit !").
(2) C. com., art. L. 233-10 : "I. - Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société.
II. - Un tel accord est présumé exister :
1º Entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ;
2º Entre une société et les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 ;
3º Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ;
4º Entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle ;
5º Entre le fiduciaire et le bénéficiaire d'un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant.
III. - Les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements
".
(3) CA Paris, 10 mars 1992, Pinault c/ Printemps, Rev. Sociétés 1992, p. 346 et p. 229 et suiv., chronique de M. Vasseur.
(4) T. com. Nîmes, 18 février 1992, Bull. Joly 1992, p. 536.
(5) Sur la question, v. P. Laurent, Traité concurrence consommation, JCP, Fasc. 545 : Ententes - Principe d'incompatibilité - Article 81, § 1 et 2 du Traité CE, 1er mars 2001, n° 49 et s..

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Les restitutions consécutives à l'annulation du contrat constituent-elles un préjudice réparable ?

Réf. : Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 05-21.677, Mutuelle du Mans assurances (MMA) IARD, F-P+B (N° Lexbase : A4150DUA)

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N3557BAY

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Le 07 Octobre 2010

La question de savoir si les restitutions réciproques auxquelles sont tenues les parties après le prononcé de la nullité d'un contrat peuvent constituer un préjudice indemnisable se pose assez fréquemment en pratique. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 février 2007, à paraître au Bulletin, d'une grande netteté dans sa solution, permet précisément d'y revenir. En l'espèce, par acte sous seing privé dressé avec le concours d'une société d'avocats, des époux avaient cédé les parts qu'ils détenaient dans une société. Or, l'acquéreur, contestant le bilan de référence, avait, en application de la clause compromissoire prévue à l'acte, saisi la juridiction arbitrale, laquelle, statuant en amiable compositeur, avait annulé la cession. C'est dans ce contexte que les vendeurs ont engagé une action en responsabilité contre la société d'avocats.

La cour d'appel de Rennes a accueilli leur demande et retenu, pour condamner la société d'avocats et son assureur à indemniser les époux au titre de la perte du prix de cession qu'ils ont dû restituer, que l'annulation de la cession et la restitution corrélative du prix avaient pour cause directe la faute de l'avocat.

Cette décision est cassée, sous le visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), la première chambre civile de la Cour de cassation affirmant, en effet, dans un attendu de principe, "qu'en se déterminant ainsi, alors que les restitutions réciproques consécutives à l'annulation du contrat instrumenté ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice indemnisable que le rédacteur d'actes peut être tenu de réparer, la cour d'appel a violé le texte susvisé". La solution mérite d'être approuvée.

Sans doute l'avocat est-il, en sa qualité de rédacteur d'actes, tenu d'une obligation d'information et de conseil, dont l'inexécution constitue une faute ouvrant droit à réparation. Les illustrations de cette source de responsabilité sont d'ailleurs tellement nombreuses qu'on ne peut en donner ici que quelques-unes : ainsi a-t-il été jugé qu'il manque à son obligation de conseil s'il ne vérifie pas l'état des inscriptions et la valeur de la garantie stipulée au profil du prêteur (1), s'il n'attire pas l'attention sur l'absence de garantie de remboursement (2), sur les conséquences financières d'un licenciement en raison de l'existence d'une clause de non-concurrence (3) ou sur les incidences fiscales de l'opération projetée (4) ; sa responsabilité est encore engagée s'il omet, dans une reconnaissance de dette, l'indication du taux contractuel des intérêts dans la mention requise par l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L1437ABT) (5).

D'une manière générale, l'intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d'un acte, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention (6). Et la jurisprudence, qui se montre rigoureuse en la matière, décide que les compétences personnelles du client ne dispensent pas le rédacteur d'acte de son devoir de conseil (7). Tout cela est parfaitement entendu. Encore faut-il, pour que la responsabilité puisse être mise en oeuvre, que le demandeur qui invoque la faute du rédacteur d'acte, en l'espèce donc que le vendeur qui invoque la faute de l'avocat, démontre avoir réellement subi un préjudice. Or, à l'évidence, tel n'était pas le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la première chambre civile du 27 février dernier.

La nullité consiste, nul ne l'ignore, dans l'anéantissement rétroactif de l'acte en raison d'un vice affectant sa formation. Lorsque la nullité est prononcée, l'acte est ainsi non seulement privé d'effets pour l'avenir, mais ses effets passés, pour peu qu'il y en ait eu, sont eux aussi remis en cause : l'acte nul est censé n'avoir jamais existé. Dans ces conditions, et puisque la nullité postule que les choses soient remises en l'état où elles se trouvaient au moment de la formation de l'acte, on comprend parfaitement que le prononcé de la nullité suppose que les parties procèdent à la restitution des prestations déjà effectuées. Or, comme l'avait déjà affirmé la Cour de cassation, l'obligation de restitution du vendeur après annulation ou, même, résolution du contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable (8), ce qui s'explique par le fait que l'obligation de restitution n'est pas, par elle-même, un préjudice, et ce parce que le vendeur récupère, en contrepartie, le bien vendu (9). Au reste, la restitution seulement partielle du prix doit être analysée de la même manière. Elle correspond, en effet, au rééquilibrage d'un contrat dépourvu initialement de contrepartie suffisante, ce qui exclut tout préjudice lié à la restitution. D'ailleurs, dans une espèce dans laquelle un vendeur avait été condamné à une restitution partielle du prix prévue à l'article 1644 du Code civil (N° Lexbase : L1747ABC), la Cour de cassation avait énoncé que cette restitution "ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable" (10). C'est encore la même logique qui permet d'expliquer que la jurisprudence ait pu considérer, se référant à la garantie d'éviction de l'article 1638 du Code civil (N° Lexbase : L1740AB3), que "l'exécution de cette garantie, conséquence de l'engagement librement souscrit par les parties au contrat, ne saurait constituer un préjudice que le notaire instrumentaire pourrait être tenu d'indemniser" (11). En effet, comme on l'a justement fait remarquer, "l'indemnité" à laquelle fait référence l'article 1638 s'analyse moins en une réparation qu'en une restitution de la partie du prix payé en trop : la prétendue "indemnité" correspond, en réalité, à la réduction du prix objet de l'action estimatoire dans la garantie des vices cachés (12).

Il reste que la portée de la position de la Cour de cassation doit être bien comprise. S'il est exact que les restitutions consécutives à l'annulation d'un contrat ne constituent pas un préjudice réparable, la Haute juridiction entend tout de même bien délimiter la portée de la solution en prenant soin de préciser que ce sont les restitutions réciproques consécutives à l'annulation considérées "en elles-mêmes" qui ne constituent pas un préjudice réparable. Il faut, en effet, comprendre que certaines circonstances autres que la restitution en tant que telle pourraient justifier une réparation, à supposer bien entendu qu'une faute puisse être imputée au cocontractant ou à un tiers, comme par exemple les frais que le vendeur aurait dû exposer, les revenus ou profits d'exploitation manqués ou encore la condamnation du vendeur à réparer un préjudice de l'acquéreur consécutif à la vente (13).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89-13.528, Mutuelles du Mans IARD c/ Mme veuve Delecroix et autres (N° Lexbase : A4419AH7), Bull. civ. I, n° 46.
(2) Cass. civ. 1, 14 janvier 1997, n° 94-16.769, M. Nugues c/ M. X et autre (N° Lexbase : A9933ABI), D. Aff. 1997, 309.
(3) Cass. civ. 1, 13 mars 1996, n° 93-20.578, Société Michel Niarquin c/ La Mutuelle du Mans et autre (N° Lexbase : A9463AB4), Bull. civ. I, n° 132.
(4) Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 02-12.415, M. Michel Donsimoni c/ Société d'expertise comptable BPERC, F-P+B (N° Lexbase : A8415DDZ), Bull. civ. I, n° 256.
(5) Cass. civ. 1, 24 juin 1997, n° 95-11.380, M. Menard c/ M. X et autre (N° Lexbase : A6535AHI), Bull. civ. I, n° 210.
(6) Cass. civ. 1, 17 janvier 1995, n° 92-21.193, Société Jourdain c/ Mme Niwinsky (N° Lexbase : A7949AGI), Bull. civ. I, n° 29.
(7) Cass. civ. 1, 7 juillet 1998, n° 96-14.192, Epoux Lichet c/ Cabinet X (N° Lexbase : A4535AG3), Bull. civ. I, n° 238.
(8) Voir not., en ce sens, Cass. civ. 1, 13 octobre 1999, n° 97-12.516, M. Marian Sluszarek c/ Société Hemera, société à responsabilité limitée (N° Lexbase : A7214CSY), RTDCiv. 2000, p. 124, obs. P. Jourdain.
(9) Comp., pour la demande de remboursement des améliorations apportées au fonds par le bénéficiaire d'un droit d'usage et d'habitation à la suite de l'annulation de la convention instituant ce droit, Cass. civ. 1, 10 mai 2005, n° 03-12.496, Me Jacques Roberge c/ M. Henri-François Vincent, FS-P+B (N° Lexbase : A2249DI7), Bull. civ. I, n° 203, JCP éd. G, 2006, I, 111, n° 1, obs. Ph. Stoffel-Munck.
(10) Cass. civ. 1, 16 janvier 2001, n° 98-15.048, M. Bernard Jourdan (N° Lexbase : A3192ARN), Bull. civ. I, n° 4, Rép. Defrénois 2001, p. 722, obs. J.-L. Aubert.
(11) Cass. civ. 1, 23 septembre 2003, n° 99-21.174, Société civile professionnelle (SCP) Christian Louf c/ M. Jean-Pierre Bourreau, FS-P (N° Lexbase : A6387C9G), Bull. civ. I, n° 189, RTDCiv. 2004, p. 99, obs. P. Jourdain.
(12) P. Jourdain, obs. préc.
(13) Sur la question, voir not. Guelfucci-Thibierge, Nullité, restitutions et responsabilité, LGDJ, 1992

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Rel. collectives de travail

[Manifestations à venir] Les relations collectives du travail et les nouvelles technologies : actualité

Lecture: 1 min

N3232BAX

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Le 07 Octobre 2010

L'Association pour le développement de l'informatique juridique (Adij) organise une conférence sur le thème "Les relations collectives du travail et les nouvelles technologies : actualité" le mardi 24 avril 2007, animée par Christine Baudoin, avocat au Barreau de Paris, associée du Cabinet LMT Avocats, spécialiste en droit social.
  • Intervenants

Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université de Paris I (Panthéon - Sorbonne) et à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.
Eloïse Verde-Delisle, Directeur des relations sociales et de l'emploi - IBM France.

  • Date et lieu

Mardi 24 avril 2007
8h30 - 10h30
La Maison du Barreau
2/4 rue de Harlay
75001 Paris.

  • Inscriptions

Mme Christiane Féral-Schuhl, AMCO
Présidente de l'Adij
Fax : 01.70.71.22.22
E-mail : coordination-adij@feral-avocats.com

Paf : 20 euros (gratuit pour les membres de l'Adij)

Cette manifestation est validée au titre de la formation continue obligatoire des avocats.

newsid:273232

Social général

[Textes] La suppression de la contribution Delalande au 1er janvier 2008

Réf. : Circulaire Unedic, n° 2007-05, du 14 février 2007, abrogation de l'article L. 321-13 du Code du travail à compter du 1er janvier 2008 relaif à la contribution supplémentaire (N° Lexbase : L4507HUH)

Lecture: 12 min

N3566BAC

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Le 07 Octobre 2010

L'article 50 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social (N° Lexbase : L9268HTG ; sur cette loi, lire les obs. de N. Mingant, La loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, Lexbase Hebdo n° 245 du 25 janvier 2007 - édition sociale N° Lexbase : N8125A9S) supprime, à compter du 1er janvier 2008, les articles L. 321-13 (N° Lexbase : L9591GQB) et L. 353-2 (N° Lexbase : L9598GQK) du Code du travail, relatifs à la contribution dite "Delalande". Celle-ci consiste en une contribution financière à la charge des entreprises qui, lorsqu'elles procèdent à la rupture du contrat de travail d'un de leurs salariés âgés, doivent verser une contribution au régime d'assurance chômage. Le montant de cette contribution est variable selon l'âge du salarié et la taille de l'entreprise. Son produit, loin d'être négligeable (500 millions d'euros par an), est versé à l'Unedic. Cette réforme législative n'est pas surprenante, car cette contribution était très discutée par les économistes au regard de son bilan contrasté. Surtout, les politiques de vieillissement actif, engagées par les partenaires sociaux (Accord national interprofessionnel (Ani) du 13 octobre 2005) (1) rendaient cette contribution inutile, parce que complexe, trop souvent détournée et, partant, peu efficace. Sur la base de travaux parlementaires, la doctrine avait conclu, fin 2005, à sa disparition programmée (2). Pour mieux comprendre cette chronique d'une mort annoncée, il convient de mettre en perspective la contribution Delalande dans le champ des instruments d'une politique de vieillissement actif, rappeler les critiques dont cette contribution a fait l'objet (1) et, enfin, préciser le mode opératoire de sa disparition (2). 1. Place de la contribution Delalande dans les politiques de vieillissement actif

A l'origine, l'objectif du dispositif était de faire obstacle aux licenciements des salariés âgés qui, compte tenu des difficultés particulières de reclassement dont ils sont victimes, se retrouvent au chômage de longue durée et dont le coût élevé de la prise en charge est assuré par l'Unedic.

1.1. Les politiques de vieillissement actif : définition, consécration législative

Les politiques de vieillissement actif ont été initiées et consacrées par le législateur (loi n° 2003-775, du 21 août 2003, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM ; loi n° 2006-1770, du 30 décembre 2006, préc.), le pouvoir réglementaire (décret n° 2006-1070, du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés N° Lexbase : L6779HKB) et les partenaires sociaux (Ani du 13 octobre 2005).

Conformément aux obligations fixées par la loi "Fillon" du 21 août 2003, organisations professionnelles et syndicats ont engagé des négociations interprofessionnelles sur l'emploi des seniors, ayant débouché sur l'Ani du 13 octobre 2005. Cet accord traite de l'emploi des travailleurs vieillissants en ses deux composantes : les dispositions visant, d'une part, les salariés âgés en situation d'activité (productivité et performance économique, gestion de l'emploi et des carrières, condition de travail et pénibilité, formation) et, d'autre part, ceux, sans activité, qui sont demandeurs d'emploi (critère de l'âge dans les offres d'emploi, contrat de professionnalisation, travail à temps partagé, aménagement d'un contrat a durée déterminée spécialement dédié aux travailleurs vieillissants). Lors de la signature de l'Ani du 13 octobre 2005, les partenaires sociaux ont invité les pouvoirs publics à dresser un bilan de cette contribution Delalande, dont on ne mesure pas très bien les effets sur la politique de "vieillissement actif", c'est-à-dire une politique d'emploi des seniors.

Le décret n° 2006-1070 du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés traduit, en termes opérationnels, l'Ani du 13 octobre 2005 (3). L'objet de ce contrat est d'inciter les employeurs à recruter des salariés âgés, appartenant à la classe d'âge des bénéficiaires des conventions AS-FNE, en facilitant le recours au contrat à durée déterminée, dont le régime juridique se trouve assoupli. Le décret n° 2006-1070 constitue, donc, une participation du pouvoir réglementaire aux politiques de vieillissement actif.

L'article 50 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social supprime, à compter du 1er janvier 2008, la contribution Delalande.

1.2. Contribution discutée des cotisations Delalande aux politiques de l'emploi

  • Un dispositif complexe

La contribution Delalande, mise en place par loi n° 87-518 du 10 juillet 1987, modifiant le Code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée (N° Lexbase : L6433HEY), était destinée à financer le régime d'assurance chômage et à dissuader les employeurs de licencier les travailleurs âgés, selon une logique du "vieillissement actif" (C. trav., art. L. 321-3 N° Lexbase : L8925G7P).

Le montant de cette contribution est variable selon l'âge du salarié et la taille de l'entreprise. Son produit est versé à l'Unedic qui, depuis 1999, en reverse la moitié à l'Etat afin de financer les préretraites AS-FNE. Mais le dispositif, à l'usage, s'est montré très complexe (réformé à de nombreuses reprises) et peu dissuasif (en raison du nombre important de cas d'exonérations).

Cette sanction pécuniaire ne concernait, à l'origine, que les licenciements économiques des salariés de 55 ans et plus. Elle a été étendue, par la loi n° 89-549 du 2 août 1989 (loi modifiant le Code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion N° Lexbase : L7352HUT), à quelques exceptions près, à toute rupture du contrat de travail de salariés âgés de 55 ans et plus, ouvrant droit aux allocations d'assurance chômage. Pour éviter des phénomènes d'anticipation, cette contribution a été élargie par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 (loi portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle N° Lexbase : L7461AI8) aux salariés âgés de 50 ans et plus.

Son montant a été augmenté par le décret n° 98-1201 du 28 décembre 1998 (décret modifiant l'article D. 321-8 du Code du travail N° Lexbase : L6447HEI). La loi n° 99-570 du 8 juillet 1999 (loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de 50 ans N° Lexbase : L9759HHW) a étendu le champ d'application de la contribution à feu les conventions de conversion et aux refus de convention de préretraite AS-FNE. En dernier lieu, la loi du 21 août 2003 (préc.) a élargi l'un de ces cas d'exonération (prévu au 7° de l'article L. 321-3 du Code du travail N° Lexbase : L8925G7P), relatif à la rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de 50 ans à la date de son embauche et inscrit, à cette date, depuis plus de 3 mois comme demandeur d'emploi.

La loi du 21 août 2003 a ramené de 50 à 45 ans l'âge du salarié, lors de son embauche, ouvrant droit à une telle exonération (avec pour objectif de favoriser l'accès à l'emploi des salariés en seconde partie de carrière et supprimer la condition d'inscription comme demandeur d'emploi). On le voit, le régime de la contribution est d'une redoutable complexité.

  • Un faible impact sur la place des seniors dans le marché du travail

Les nombreux travaux qui ont été consacrés à la contribution Delalande ne permettent pas de dégager une ligne directrice claire, au regard d'un bilan que l'on pourrait dresser (4). Selon les économistes, l'effet sur les licenciements est plus faible ou difficile à mettre en évidence : les décisions de licenciement des entreprises seraient peu sensibles aux fortes variations du barème de la contribution Delalande. Un sénateur (L. Souvet) estimait que, "s'il est douteux qu'elle [la contribution Delalande] contribue à diminuer les licenciements des salariés de plus de 50 ans, il est certain que l'augmentation et l'extension de la contribution Delalande n'incitera pas à la création d'emplois" (5).

De fait, le durcissement progressif de la contribution Delalande ne se serait pas traduit par une limitation des licenciements des salariés âgés ou par une augmentation effective de leur taux d'emploi. L'Unedic estime, ainsi, que les deux tiers des ruptures de contrats de travail d'un salarié de plus de 50 ans ne sont pas soumises à la contribution, compte tenu des très nombreux cas d'exonérations. Loin d'être dissuasive, elle semblerait, en revanche, constituer un obstacle à l'embauche des salariés âgés. Les salariés de plus de 50 ans ne seraient pas épargnés par les licenciements économiques (le taux des licenciements des salariés âgés de plus de 50 ans reste proche de 30 %) et le taux de reprise d'emploi serait de 3 % pour les chômeurs de 50 ans et plus, contre 7,2 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi.

  • Des effets pervers

L'Assemblée générale de la Chambre de commerce de Paris a adopté un rapport, présenté par P. Gassmann le 12 avril 2001 ("Pour la suppression de la Contribution Delalande"). Ce rapport estime que l'instauration de la contribution Delalande n'a pas eu le caractère dissuasif que ses promoteurs espéraient. Le système aurait généré des effets pervers, en ce que les entreprises, dans la crainte d'être pénalisées si elles doivent se séparer de leurs salariés âgés, ont cessé en majorité de recruter des chômeurs âgés : la contribution Delalande aurait constitué un véritable frein à l'emploi, notamment, pour les salariés âgés de 45 à 50 ans. Le second objectif, inciter les entreprises à recourir aux préretraites du FNE afin de préserver les finances de l'Unedic (assurer la prise en charge des demandeurs d'emploi âgés jusqu'à leur retraite), aurait, lui aussi, été un échec. Depuis la loi de finances pour 2001 (loi n° 2000-1352, du 30 décembre 2000 N° Lexbase : L1398AX3), l'Etat prélève sur les sommes qu'il avance à l'Unédic (au titre des préretraites FNE), en remboursement des allocations AS-FNE versées par le régime d'assurance chômage, pour le compte de l'Etat, une somme égale à 50 % des recettes annuelles.

  • Un dispositif contourné

La loi aménage de nombreuses dérogations à la sanction frappant l'employeur au titre de la contribution Delalande.

La cotisation n'est pas due dans les cas suivants :
- 1° : licenciement pour faute grave ou lourde ;
- 1° bis : licenciement en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif ;
- 2° : licenciement résultant d'une cessation d'activité de l'employeur, pour raison de santé ou de départ en retraite, qui entraîne la fermeture définitive de l'entreprise ;
- 3° : rupture du contrat de travail, par un particulier, d'un employé de maison ;
- 4° : licenciement visé à l'article L. 321-12 du Code du travail (N° Lexbase : L6125ACT) ;
- 5° : démission trouvant son origine dans un déplacement de la résidence du conjoint, résultant d'un changement d'emploi de ce dernier ou du départ en retraite du conjoint ;
- 6° : rupture du contrat de travail due à la force majeure ;
- 7° : rupture du contrat de travail d'un salarié qui était, lors de son embauche, âgé de plus de 50 ans et inscrit depuis plus de 3 mois comme demandeur d'emploi, lorsque l'embauche est intervenue après le 9 juin 1992 et avant le 28 mai 2003 ;
- 7° bis : rupture du contrat de travail d'un salarié qui était, lors de son embauche, âgé de plus de 45 ans, lorsque l'embauche est intervenue au plus tôt le 28 mai 2003 ;
- 8° : première rupture d'un contrat de travail intervenant au cours d'une même période de 12 mois dans une entreprise employant habituellement moins de 20 salariés ;
- 9° : licenciement pour inaptitude lorsque l'employeur justifie, par écrit, de l'impossibilité où il se trouve de donner suite aux propositions de reclassement du médecin du travail ou lorsque l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise a été constatée par le médecin du travail ;
- 10° : rupture du contrat de travail d'un salarié dont l'embauche est intervenue après la date de publication de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006. Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6519DIB).

En octobre 2005, le rapport de l'Igas (6) montrait que 10,5 % des plus de 55 ans pris en charge par l'assurance chômage en 2003 l'ont été à la suite d'un licenciement pour faute grave (cas d'exonération), contre 6,3 % des moins de 50 ans, sans qu'il existe de motif évident pour lequel les salariés les plus expérimentés commettraient plus de fautes professionnelles. De même, les licenciements pour faute grave de seniors donnent quatre fois plus souvent lieu au versement d'indemnités conventionnelles de la part de l'employeur que ceux des salariés moins âgés (étant rappelé que la faute grave exclut généralement de telles indemnités). Les contournements par recours à la notion de faute grave sont estimés à, au moins, entre 3 000 et 5 000 cas douteux -soit plus de 10 % des cas annuels de contribution.

L'assiette de la contribution est étroite : il y a eu 27 600 départs assujettis en 2004, pour 137 000 cas potentiellement concernés (ruptures de contrats à durée indéterminée de seniors) et 230 000 nouvelles prises en charge par l'assurance chômage de salariés de plus de 50 ans.

2. L'extinction de la contribution Delalande

2.1. Une extinction programmée, prévisible mais non progressive

Dès juin 2005, des parlementaires avaient déposé des propositions de loi en vue de sa suppression (7). Cette mesure s'étant avérée désincitative en ce qui concerne l'embauche des salariés seniors, la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a introduit un principe d'exonération concernant les salariés embauchés après 45 ans. Selon ces parlementaires, il conviendrait d'aller plus loin et de rompre totalement avec cette mesure qui constitue toujours un frein à l'emploi des salariés concernés et les pénalise lourdement dans la perspective d'une réinsertion professionnelle (8).

  • Suppression progressive (2010)

Une suppression progressive présente deux avantages : conserver, pour un temps, la ressource que constitue la contribution pour l'assurance chômage ; éviter une éventuelle augmentation brutale des licenciements de salariés âgés (9). Dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005, les partenaires sociaux, conscients des problèmes posés par la contribution Delalande mais divisés sur la question, ont demandé aux pouvoirs publics d'assumer leurs responsabilités en apportant à celle-ci, sur la base d'une étude, après consultation des partenaires sociaux, les correctifs éventuels qui pourraient favoriser l'emploi des seniors (article 23 de l'accord). Le Gouvernement a inscrit la suppression de la contribution dans le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors (action n° 19).

Le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social (débouchant sur la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006) proposait, conformément au plan national d'action, l'option progressive. Dans un premier temps, la contribution ne s'appliquerait plus aux salariés nouvellement embauchés, ce qui présente l'avantage de lever immédiatement l'obstacle au recrutement qu'elle peut représenter. L'article 27, alinéa 2, du projet de loi complétait donc la liste des cas d'exonération déjà prévus à l'article L. 321-13 du Code du travail (N° Lexbase : L9591GQB) en y ajoutant toute rupture du contrat de travail d'un salarié embauché après la date de publication de la présente loi. En 2010, elle sera totalement supprimée.

  • Suppression définitive (2008)

En seconde lecture, les sénateurs ont modifié la période de transition dans la suppression de la contribution Delalande, pourtant retenue par les députés (10). Ayant toujours porté une appréciation très mitigée sur la philosophie et le régime de la contribution Delalande, la commission des affaires sociales du Sénat a proposé, en conséquence, par amendement, d'avancer de 2 ans, au 1er janvier 2008, la date prévue de sa suppression. De fait, le durcissement progressif, depuis 1987, de la contribution Delalande ne s'est pas traduit par une réelle limitation des licenciements des salariés âgés ou par une augmentation effective de leur taux d'emploi. Loin d'être dissuasive, elle semble avoir, en revanche, pour effet pervers de constituer un obstacle non négligeable à l'embauche des salariés âgés.

La commission s'est félicitée de la décision du Gouvernement de mettre en extinction rapide la contribution Delalande, ce qui contribuera de façon significative aux efforts visant à accroître le taux d'emploi des seniors. Elle s'était d'ailleurs prononcée en ce sens, en 2006, à l'occasion de l'adoption du rapport de D. Leclerc sur la branche vieillesse du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006.

2.2. Mise en oeuvre de l`extinction de la contribution Delalande

La circulaire Unedic (circulaire Unedic, n° 2007-05, du 14 février 2007, abrogation de l'article L. 321-13 du Code du travail à compter du 1er janvier 2008 relaif à la contribution supplémentaire N° Lexbase : L4507HUH) précise que la date qui sera prise en compte pour déterminer si l'appel de la contribution Delalande doit être mis en oeuvre, sera celle correspondant à l'effectivité de la rupture du contrat de travail et non celle de la notification de cette rupture.

Par lettre en date du 25 janvier 2007, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle indique que la date qui sera prise en compte pour déterminer si l'appel de la contribution Delalande doit être mise en oeuvre sera celle correspondant à l'effectivité de la rupture du contrat de travail et non celle de la notification de cette rupture.

Selon l'Unedic, toute rupture dont l'effectivité sera constatée au-delà de la date du 31 décembre 2007 n'entraînera donc pas l'appel de la contribution. Ainsi, dans le cas de rupture entraînant une période de préavis, la date à prendre en compte sera celle de la fin du préavis, quand bien même celui-ci aura été suspendu par un éventuel congé du type du congé de reclassement. Par exemple, un licenciement notifié le 15 décembre 2007, ouvrant un préavis de 2 mois, entraînera une rupture effective du contrat de travail au 15 février 2008, et ne pourra donc déclencher l'appel de la contribution Delalande.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Rouen


(1) F. Favennec-Héry, L'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des seniors : un premier pas, JCP éd. S, n° 21, 15 novembre 2005, étude n° 1329, p. 14 ; P.-Y. Verkindt, Changer le regard sur le travail des seniors après l'Ani du 13 octobre 2005, Semaine sociale Lamy, 31 octobre 2005, n° 1234 ; C. Willmann, La place de l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 dans les politiques de vieillissement actif, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1192AKD).
(2) C. Willmann, Quel avenir pour la contribution Delalande ?, Lexbase Hebdo n° 196 du 5 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2661AKR).
(3) C. Willmann, Un nouveau contrat aidé : le "CDD senior", Lexbase Hebdo n° 226 du 7 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2470AL3).
(4) A. Arseguel et Ph. Isoux, La rupture du contrat de travail des salariés âgés de plus de 50 ans : réflexions sur la contribution Delalande, Dr. soc. 1990, p. 808 ; L. Behaghel, B. Crépon et B. Sédillot, Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail, Economie et statistiques n° 372, 2004, p. 61 ; L. Behaghel, La protection de l'emploi des travailleurs âgés en France : une étude de la Contribution Delalande, mimeo, Crest ; D. Fougère et D. Margolie, Moduler les cotisations employeurs à l'assurance chômage : les expériences de bonus-malus aux Etats-unis, Revue française de l'économie, vol. XV, n° 2, p. 3 ; OCDE, Protection de l'emploi et performance du marché du travail, in Perspectives de l'emploi, chap. 2 ; Igas, Gestion des âges et politiques de l'emploi, Rapport annuel 2004, spec. p. 162-164.
(5) L. Souvet, Rapport n° 431 (1998-1999), Sénat, Commission des Affaires sociales.
(6) V., aussi, J.-M. Dubernard, Rapport Assemblée Nationale n° 3339, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 septembre 2006, Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié (n° 3175).
(7) A. Gest et Alii, Proposition de loi n° 2400, Assemblée Nationale, 21 juin 2005, visant à supprimer la contribution due par les entreprises en cas de licenciement d'un salarié âgé de plus de 50 ans.
(8) A. Gest et Alii, Proposition de loi n° 2400, Assemblée Nationale, 21 juin 2005, visant à supprimer la contribution due par les entreprises en cas de licenciement d'un salarié âgé de plus de 50 ans, exposé des motifs.
(9) Rapport J.-M. Dubernard, Assemblée nationale n° 3339, préc..
(10) I. Debré, Rapport Sénat n° 46 (2006-2007), fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 25 octobre 2006.

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