La lettre juridique n°254 du 29 mars 2007

La lettre juridique - Édition n°254

Éditorial

Un mandat contre le détournement de majeur !

Lecture: 2 min

N3907BAX

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


"La seule fin pour laquelle les hommes sont autorisés, individuellement ou collectivement, à intervenir dans la liberté d'action d'un de leurs semblables, est la protection de soi-même". Nous ne savons pas si ces propos du francophile John Stuart Mill, extraits de Pour la liberté, sont à l'épitaphe de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, mais convenons qu'ils pourraient tout à fait y figurer, dans l'objectif de réformer un régime presque quadragénaire.

Plus de 630 000 personnes sont, aujourd'hui, placées sous un régime de protection juridique (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice), auxquelles s'ajoutent 67 000 personnes relevant d'une mesure de tutelle aux prestations sociales. Au total, la protection des majeurs concerne 1,3 % de la population française majeure. Selon les projections réalisées par la Chancellerie, 1 126 000 personnes seraient placées sous protection en 2010, si les placements continuaient d'augmenter au rythme actuel. Alimenté par des demandes d'ouverture d'une mesure de protection civile de plus en plus nombreuses (+ 92,1 % entre 1990 et 2004), le nombre de jugements s'est accru de 56,8 % entre 1990 et 2004. La famille continue à prendre en charge la majorité des mesures, sous la forme d'une tutelle avec administration légale ou conseil de famille, ou d'une curatelle assurée par un membre de la famille. En revanche, parmi les mesures déférées à des tiers, les tutelles et curatelles d'Etat augmentent sensiblement. Les principes directeurs des réformes engagées jusqu'alors en Europe répondent à deux ambitions essentielles : permettre au juge de répondre au mieux aux besoins de chaque cas particulier qui lui est soumis, grâce à un dispositif suffisamment souple et personnalisé ; et tenir compte, autant que possible, de la volonté des personnes placées ou appelées à être placées sous un régime de protection juridique.

En modifiant à la fois le Code civil et le Code de l'action sociale et des familles, la loi du 5 mars 2007 a l'ambition de rétablir la cohérence de la politique de soutien aux majeurs vulnérables qui partagent la nécessité d'être non seulement juridiquement protégés, mais aussi socialement accompagnés. En concentrant des problèmes juridiques, financiers et institutionnels et en faisant intervenir des personnes venant d'horizons très différents (magistrats, greffiers, gérants de tutelle, travailleurs sociaux ou médecins), le dispositif de protection des majeurs nécessitait, en effet, une réforme d'ensemble. A côté des mesures de protection judiciaire existantes, la loi s'attache, également, à développer les mesures conventionnelles de protection juridique en créant un mandat de protection future, sur lequel les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire, cette semaine, une présentation et les observations de Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne. Innovation importante, ce mandat est destiné à permettre à une personne, soucieuse de son avenir, d'organiser sa propre protection juridique pour le jour où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés personnelles. Le respect d'un mandat de protection future susceptible d'être mis en oeuvre s'imposera au juge des tutelles, s'il est saisi d'une demande de protection judiciaire. Il aura, en effet, l'obligation de demander aux parties à exécuter le mandat à moins que celui-ci ne corresponde plus à l'intérêt de la personne vulnérable. Le régime du mandat de protection future est défini, ainsi, en adaptant le droit commun du mandat.

newsid:273907

Famille et personnes

[Textes] Le mandat de protection future

Réf. : Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (N° Lexbase : L6046HUH)

Lecture: 8 min

N3858BA7

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Le 07 Octobre 2010

La protection juridique des majeurs vulnérables repose essentiellement sur deux dispositifs légaux, vieux de près de quarante ans : la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 (N° Lexbase : L8081HUT) qui définit les mesures de protection judiciaires que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, ainsi que la loi n° 66-774 du 18 octobre 1966 (N° Lexbase : L8080HUS), insérée dans le Code de la Sécurité sociale, qui a créé la tutelle aux prestations sociales. Depuis de nombreuses années, les rapports se sont succédés pour souligner la nécessité de réformer le droit des incapacités (1) dans la mesure où, selon les estimations récentes, les régimes de protection concernent aujourd'hui près de 700 000 majeurs et 68 000 mesures nouvelles sont prononcées chaque année (un million de personnes seraient ainsi placées sous protection en 2010) (2). Les évolutions démographiques et sociologiques caractérisées principalement par le vieillissement de la population expliquent que le droit français se soit doté d'un nouveau dispositif de protection des personnes qui ne peuvent plus pourvoir seules à leurs intérêts, tant personnels que patrimoniaux. La loi du 5 mars 2007, publiée au Journal officiel du 7 mars, ne réinvente pas la matière. Elle conserve, en effet, autour des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la protection juridique, les trois régimes principaux que constituent la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Si la loi ne revient pas sur ce cadre, elle contient, en revanche, d'importantes innovations dans l'organisation des mesures et dans la mise en oeuvre de systèmes protecteurs concurrençant les régimes judiciaires existants. Parmi ceux-ci, le mandat de protection future, mesure de protection conventionnelle, permet aux majeurs d'anticiper, pour le jour où la maladie ou l'âge les empêchera de pourvoir seuls à leurs intérêts, l'organisation de leur propre protection et même celle de leurs enfants handicapés. Préconisé par le notariat dès les années 1970 (et encore récemment en 2006) (3) et adopté dans des pays de tradition romano-germanique tels que le Québec (mandat d'inaptitude) et l'Allemagne (Vollmacht) (4), le mandat de protection future offre à toute personne la liberté d'organiser elle-même, de manière conventionnelle, les conséquences de son incapacité à venir.

Ce nouveau mandat est introduit dans le Code civil à la Section 5 intitulée "Du mandat de protection future" (articles 477 à 494) du Chapitre II "Des mesures de protection juridique des majeurs", du Titre XI intitulé "De la majorité et des majeurs protégés par la loi" du Livre I "Des personnes".

La section 5 intitulée "Du mandat de protection future" est divisée en trois sous-sections :
Sous-section 1 - "Des dispositions communes" ;
Sous-section 2 - "Du mandat notarié" ;
Sous-section 3 - "Du mandat sous seing privé".

Le mandat de protection future peut être confié à une personne physique dès la publication de la loi. Toutefois, il ne prendra effet qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de celle-ci, soit le 1er janvier 2009.

Cette étude a pour but de présenter, de manière non exhaustive, les conditions de mise en oeuvre de ce nouveau mécanisme conventionnel de protection (I), son fonctionnement (II) et les circonstances qui y mettent fin (III).

I - La mise en oeuvre du mandat

A - Parties au contrat et bénéficiaire

La loi du 5 mars 2007 offre à toute personne la possibilité de désigner, pour le jour où elle ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts, un ou plusieurs mandataires chargés de la représenter. Selon les travaux parlementaires, ce mandat instaure un régime de représentation "mais sans entraîner l'incapacité de celui qui est représenté" (5).

La réforme crée également le "mandat de protection future pour autrui" (6) qui doit permettre aux parents d'un enfant handicapé de désigner une ou plusieurs personnes de confiance pour assumer la protection de cet enfant le jour où ils ne seront plus aptes à le faire eux-mêmes.

  • Le mandant

Le nouvel article 477 du Code civil autorise toute personne majeure ou mineure émancipée ainsi qu'une personne placée en curatelle, avec l'assistance du curateur, à conclure un mandat de protection future pour défendre ses propres intérêts. En conséquence, le majeur en tutelle se trouve privé de cette faculté.

Les parents ou le dernier vivant des père et mère, ne faisant pas eux-mêmes l'objet d'une mesure de tutelle ou de curatelle, sont également autorisés à désigner un ou plusieurs mandataires pour représenter les intérêts de leur enfant handicapé. Deux hypothèses sont prévues par l'article 477 :
- lorsque l'enfant est mineur, les parents ou le dernier vivant des père et mère peuvent mandater en son nom s'ils exercent sur lui l'autorité parentale ;
- lorsque l'enfant est majeur, le ou les mandants doivent assumer la charge matérielle et affective de celui-ci.

  • Le mandataire

Le mandant peut désigner, par un même mandat, une ou plusieurs personnes pour le représenter. Le mandataire peut ainsi être toute personne physique ou une personne morale à condition d'être inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs prévue à l'article L. 471-2 du Code de l'action sociale et des familles.

La personne désignée doit, néanmoins, jouir de la capacité civile pendant l'exécution du mandat et remplir l'ensemble des conditions requises pour exercer une tutelle ou une curatelle.

En outre, l'article 482 du Code civil précise que l'exécution du mandat constitue une charge personnelle du mandataire. Cependant, ce dernier pourra se substituer un tiers pour les actes de gestion du patrimoine. Il répondra alors dans ce cas de la personne qu'il s'est substitué conformément au droit commun du mandat (C. civ., art. 1994 N° Lexbase : L2217ABQ).

  • Le bénéficiaire

Dans l'hypothèse d'un mandat de protection future "pour soi-même", le bénéficiaire est logiquement le mandant lui-même dès lors qu'il ne pourra plus pourvoir seul à ses intérêts pour l'une des causes prévues au nouvel article 425 du Code civil (7).

En revanche, dans l'hypothèse d'un mandat de protection future "pour autrui", le bénéficiaire est l'enfant qui ne peut également pas pourvoir seul à ses intérêts.

B - L'établissement du mandat

Conformément au droit commun du mandat, le mandat de protection future peut être conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat de protection future "pour autrui" conclu par les parents ou le dernier vivant d'entre eux est exclusivement un acte notarié (C. civ., art. 477, al. 4).

L'article 492 du Code civil subordonne par ailleurs la validité du mandat sous seing privé à des conditions de forme en exigeant que l'acte daté et signé de la main du mandant soit également contresigné par un avocat ou établi selon un modèle défini par décret en Conseil d'Etat. Il est également prévu que l'acte sous seing privé n'acquiert date certaine que s'il a été enregistré (C. civ., art. 1328 N° Lexbase : L1438ABU).

C - La prise d'effet du mandat

Le mandat de protection future "pour soi-même" prend effet lorsqu'il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts en raison, comme l'indique l'article 425 du Code civil, "d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté" (C. civ., art. 481).

Le mandat de protection future "pour autrui" prend, quant à lui, effet au jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de son enfant (C. civ., art. 477).

Pour ce faire, un certificat médical émanant d'un médecin choisi sur une liste mentionnée à l'article 431 du Code civil doit établir que le mandant se trouve dans l'une des situations visées à l'article 425.

Dans ce cas, le mandataire produit au greffe du tribunal d'instance le certificat médical ainsi que le mandat que le greffier vise, date et restitue au mandataire (C. civ., art. 481, al. 2). Le greffier ne dispose donc d'aucun pouvoir d'appréciation, son intervention se limitant à la simple constatation de la prise d'effet du mandat.

Il est également prévu de notifier la prise d'effet du mandat au mandant dans les conditions fixées par décret (C. civ., art. 481, al.1er).

On peut regretter qu'aucune mesure de publicité n'ait été prévue par la loi. La prise d'effet du mandat ne fait effectivement pas l'objet d'une publication ou d'une information générale des tiers qui se verront opposer le mandat par le mandataire. Aussi le notariat souhaite-t-il que ce mandat soit publié au répertoire civil (8).

Une fois la mesure ouverte, le mandataire chargé de l'administration des biens de la personne protégée fait procéder à l'inventaire de ceux-ci (C. civ., art. 486, al.1er).

II - Le fonctionnement du mandat

A - L'objet du mandat

Le mandat de protection future est destiné à la protection de la personne et de ses intérêts patrimoniaux, s'il n'en est disposé autrement. Le mandat peut donc être limité expressément à l'une de ces deux missions seulement.

Toutefois, la loi du 5 mars 2007 prévoit que, lorsque le mandat s'étend à la protection de la personne, les droits et les obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 à 459-2 du Code civil qui fixent, désormais, le régime primaire de la protection de la personne du majeur placé en tutelle ou en curatelle.

B - Les pouvoirs et obligations du mandataire

La mission du mandataire diffère selon que le mandat est notarié ou établi sous seing privé. A ces deux formes de mandat correspondent en effet des champs de protection patrimoniale différents, respectivement prévus aux nouveaux articles 489 à 491 (acte notarié) et 492 à 494 (acte sous seing privé).

  • Pouvoirs

Ainsi, le mandat conclu par acte notarié assure la protection juridique la plus étendue dans la mesure où le mandataire peut réaliser tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec autorisation (C. civ., art. 490, al. 1er). La loi exclut l'exigence d'un mandat exprès pour les actes de disposition. En revanche, une exception est prévue pour les actes de disposition à titre gratuit que le mandataire ne peut accomplir que sur autorisation du juge du tutelle afin d'éviter les donations abusives ou sous influence qui auraient été consenties au profit du mandataire (9).

Le mandat conclu par acte sous seing privé est limité, quant à la gestion du patrimoine, aux actes qu'un tuteur peut faire sans autorisation (C. civ., art. 503 à 504). Les autres actes (ceux soumis à autorisation ou non prévus par le mandat) devront, s'ils sont nécessaires dans l'intérêt du mandant, être autorisés par le juge des tutelles, saisi par le mandataire (C. civ. art. 493, al.2).

  • Obligations

S'agissant du mandat notarié, le mandataire doit établir chaque année le compte de sa gestion (10). Il a, également, l'obligation d'adresser annuellement au notaire ses comptes accompagnés des pièces justificatives utiles.

Lorsque le mandat est conclu sous seing privé, le mandataire établit également chaque année le compte de sa gestion. Il doit en outre conserver l'inventaire des biens et ses actualisations, les cinq derniers comptes de gestion, les pièces justificatives ainsi que les pièces nécessaires à la continuation de la gestion (C. civ., art. 494, al.1er). Il est enfin tenu de présenter ces différentes pièces au juge des tutelles ou au procureur de la République dans les conditions posées par l'article 416 du Code civil.

C - Le rôle du juge des tutelles

Saisi par toute personne intéressée aux fins de contester la mise en oeuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et les modalités de son exécution, le juge peut modifier la protection apportée de trois manières :
- le juge peut mettre fin au mandat et ouvrir une mesure de protection juridique, en prononçant une sauvegarde de justice, une curatelle ou une tutelle dans les conditions requises par chacun de ces régimes ;
- lorsque la mise en oeuvre du mandat ne permet pas, en raison de son champ d'application, de protéger suffisamment les intérêts personnels ou patrimoniaux de la personne, le juge peut le compléter en lui adjoignant une mesure de protection judiciaire qu'il confiera à une personne habilitée à l'exercer ou au contraire au mandataire conventionnel ;
- dans la même hypothèse, le juge peut autoriser le mandataire conventionnel ou un mandataire ad hoc à accomplir un ou plusieurs actes déterminés non couverts par le mandat.

III - La fin du mandat

A - Causes

Le mandat de protection future prend fin par :

- le rétablissement des facultés personnelles de la personne protégée constaté à la demande du mandant ou du mandataire ;
- le décès de la personne protégée ou le décès du mandataire ;
- le placement en curatelle ou en tutelle de la personne protégée, sauf décision contraire du juge des tutelles ;
- le placement sous une mesure de protection et la déconfiture du mandataire ;
- la révocation du mandat par décision du juge des tutelles à la demande de toute personne ayant un intérêt à agir.

B - Conséquences

L'article 487 du Code civil prévoit qu'à l'expiration du mandat et dans les cinq ans qui suivent, le mandataire doit tenir à la disposition de la personne qui continue la gestion des biens du majeur, de la personne protégée elle-même si elle a recouvré ses facultés ou de ses héritiers, l'inventaire des biens et ses actualisations, ainsi que les cinq derniers comptes de gestion. Il doit également tenir à leur disposition les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou assurer la liquidation de la succession de la personne protégée.

Nathalie Baillon-Wirtz
Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne


(1) V. notamment : Rapport du groupe de travail interministériel sur le dispositif de protection des majeurs, avril 2000 ; Conseil économique et social, avis sur le rapport "Réformer les tutelles" présenté au nom de la section des affaires sociales par Mme Rose Boutaric, séance 26-27 septembre 2006.
(2) Rapport Sénat n° 212, 2006-2007, sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, p.15.
(3) Les personnes vulnérables, 102ème Congrès des Notaires de France, Strasbourg, 21-24 mai 2006, p.497 s.
(4) Rapport. Sénat n° 212, p. 39.
(5) Rapport Sénat n° 212, p. 183 : Ce mandat "fonctionnera comme une procuration générale donnée par une personne à un tiers sans que cette personne soit privée de l'ensemble de ses droits".
(6) Selon l'expression retenue dans le dossier de presse du 28 novembre 2006 présentant la réforme des tutelles, ministère de la Justice, ministère délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille.
(7) V. infra.
(8) 102ème Congrès des notaires de France, Defrénois 2006, act. not. 118 : que "le mandat de protection future fasse, dès sa mise en oeuvre, l'objet d'une mesure de publicité au répertoire civil et que la mention de cette inscription soit portée sur l'extrait d'acte de naissance de la personne concernée".
(9) Rapport Sénat n° 212, p.195.
(10) Le compte de la gestion du mandataire est vérifié selon les modalités définies par le mandat. Le juge peut également en tout état de cause faire vérifier ce compte selon les modalités prévues à l'article 511 du Code civil (C. civ., art. 486, al.2).

newsid:273858

Habitat-Logement

[Textes] Les OPHLM et les OPAC se transforment en OPH

Réf. : Ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007, relative aux offices publics de l'habitat (N° Lexbase : L2594HUM)

Lecture: 5 min

N3231BAW

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Le 07 Octobre 2010

L'ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 (1) , prise sur le fondement de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2006 portant Engagement national pour le logement (ENL) (2), a regroupé les offices publics d'habitations à loyer modérés (OPHLM) et les offices d'aménagement et de construction (OPAC) en une nouvelle catégorie d'établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) chargés de gérer les habitations à loyer modéré : les offices publics de l'habitat (OPH). Voici une présentation synthétique des principales caractéristiques de la réforme. I. Une simplification institutionnelle

A. L'aboutissement d'une logique de rapprochement

Antérieurement à l'adoption de l'ordonnance, il existait deux catégories d'établissements public d'habitation à loyer modéré, rattachés à des collectivités territoriales ou à des établissements publics de coopération intercommunale : les offices publics d'habitation à loyer modéré (OPHLM), depuis une loi du 23 décembre 1912, et les offices d'aménagement et de construction (OPAC), depuis la loi n° 71-580 du 16 juillet 1971. Les premiers sont des établissements publics administratifs (EPAD), tandis que les seconds sont des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).

La différence statutaire n'a pas empêché les deux catégories d'organismes d'exercer, souvent, des missions semblables dans les faits. Malgré les différences de missions et de territoires d'intervention, les collectivités territoriales ou EPCI de rattachement ont pu décider de faire exercer aux OPHLM tout ou partie des compétences dévolues aux OPAC. De surcroît, un nombre croissant d'OPHLM a usé de la possibilité de se transformer en OPAC. La distinction devenait de moins en moins pertinente.

L'ordonnance réforme le Code de la construction et de l'habitation (CCH, art. L. 421-1 à L. 421-24). Elle substitue les OPH aux OPHLM et aux OPAC. Elle crée donc une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial, inspirée des OPAC : les offices publics de l'habitat (OPH). Elle organise, dans le même temps, la transformation de plein droit en OPH de tous les OPHLM et OPAC existant.

La transformation ne donne pas lieu à la création d'une nouvelle personne morale. Le nouveau régime juridique est immédiatement applicable pour la création d'OPH nouveaux et s'applique pour la transformation en OPH sous réserve de dispositions qui sont transitoires pour un délai de deux ans maximum.

B. Création et compétences

Rattachement. Les OPH peuvent être rattachés à un EPCI compétent en matière d'habitat, à une commune (si elle n'a pas transféré sa compétence habitat à un EPCI) et à un département (CCH, art. L. 421-6). Ils sont créés par décret à la demande de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'EPCI de rattachement (CCH, art. L. 421-7). Ils sont dissous dans les mêmes conditions. Le changement de rattachement, d'appellation ou la fusion de plusieurs offices est prononcé par le préfet sur demande des organes délibérants intéressés.

Compétence géographique de l'OPH. L'ordonnance précise qu'elle se limite au territoire de la région de localisation du rattachement (CCH, art. L. 421-5). Une opération dans un département limitrophe de cette région est possible avec l'accord de la commune d'implantation.

Compétences matérielles de l'EPIC. Elles sont énumérées par les articles L. 421-1 à L. 421-4 du CCH. Elles reprennent celles exercées antérieurement par les OPHLM et OPAC et en introduit également de nouvelles : prise de participation dans d'autres organismes d'habitations à loyers modérés (HLM), des sociétés d'économie mixte (SEM), des sociétés anonymes de coordination d'organismes d'HLM, des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété et des sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété.

II. Le fonctionnement de l'OPH

A. Administration des OPH

Les compétences respectives des différents organes de l'OPH sont précisées en s'inspirant de la répartition en vigueur au sein des OPAC.

Le conseil d'administration (CA) règle, par ses délibérations, les affaires de l'OPH. Sa composition est détaillée (CCH, art. L. 421-8). Il comprend majoritairement des représentants de la collectivité territoriale ou de l'EPCI de rattachement, des personnalités qualifiées désignées par des institutions oeuvrant dans le domaine économique et social, représentants d'associations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées et représentant des locataires. Une voix consultative est conférée au représentant du comité d'entreprise. Dans le cas d'une transformation d'un OPHLM ou OPAC en OPH, l'ancien CA demeure en fonction jusqu'à la première réunion du nouveau. Un membre du CA peut être déclaré démissionnaire par le préfet pour des absences successives. Le ministre chargé du Logement et le ministre des Collectivités territoriales peuvent prendre des sanctions à l'encontre d'un OPH qui vont du retrait d'exercice de compétences à la dissolution.

Le président du CA est élu par celui-ci parmi les représentants désignés de la collectivité ou de l'EPCI au sein de leur organe délibérant (art. L. 421-11 CCH). Il élit, également, un bureau auquel il peut donner délégation dans certaines matières. Le préfet du département du siège de l'OPH est le commissaire du Gouvernement. L'activité de l'OPH est dirigée par le directeur général, dans le cadre des orientations générales du CA (CCH, art. L. 421-12). Il est l'organe exécutif de l'OPH. Dans le cas d'une transformation, le directeur général d'un OPAC devient le directeur général de l'OPH, tandis que le président de l'OPHLM exerce les fonctions de directeur général de l'OPH jusqu'à nomination de ce dernier.

B. Gestion des finances et du personnel

En matière de régime comptable, les offices publics de l'habitat peuvent choisir d'être soumis aux règles de la comptabilité publique ou opter pour le régime de la comptabilité commerciale, comme ce choix existait déjà pour les OPAC. L'ordonnance définit les règles relatives au régime budgétaire, comptable et financier applicables à ces établissements par dérogation à certaines dispositions du CGCT. Sont, d'abord, précisées les dispositions communes (CCH, art. L. 421-15 à L. 421-18) : principales ressources ; charges assimilées à des dépenses obligatoires ; changement de régime financier et comptable ; placement de fonds. L'ordonnance distingue, ensuite, les OPH soumis aux règles de la comptabilité publique (CCH, art. L. 421-19 à L. 421-20) des OPH soumis aux règles de la comptabilité de commerce. Elle précise respectivement la définition de leur budget, les règles particulières de dépôt de fonds et les modalités de contrôle.

Pour la gestion des agents publics, statutaires, le CA et le directeur général sont respectivement l'assemblée délibérante et l'autorité territoriale, au sens de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (N° Lexbase : L7448AGX), à l'égard des agents de la fonction publique territoriale employés par les OPH. Pour la gestion du personnel salarié, non statutaire, il est renvoyé à des accords collectifs négociés au niveau national pour définir un cadre pour établir une classification des postes et fixer les barèmes de rémunération de base des personnels. Un décret en Conseil d'Etat pourra palier l'absence d'accord.

Les fonctionnaires territoriaux relevant des OPHLM et des OPAC transformés peuvent choisir entre trois possibilités : poursuivre leur carrière normalement ; demander un détachement au sein de leur OPH pour une période de deux ans renouvelable une seule fois dans un emploi rémunéré selon les barèmes des non statutaires ; opter pour un statut de salarié en renonçant à leur qualité de fonctionnaire. La continuité de la situation des agents en cas de fusion de plusieurs OPH est assurée.

L'unification des institutions représentatives des personnels statutaires et salariés est posée comme principe par l'ordonnance du 1er février 2007. Jusqu'à la mise en place des instances communes, les instances représentatives particulières aux agents publics et aux salariés sont maintenues à titre transitoire.

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) JORF du 2 février 2007, page 2028.
(2) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK), JORF du 16 juillet 2006, p. 10662.

newsid:273231

Fonction publique

[Textes] La loi de modernisation de la fonction publique

Réf. : Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique (N° Lexbase : L2882HUB)

Lecture: 8 min

N3227BAR

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Le 07 Octobre 2010

Le statut général de la fonction publique, sous sa forme actuelle, reste fondé sur les lois statutaires adoptées entre 1983 et 1986 qui constituent les quatre titres de ce statut. La loi du 13 juillet 1983, relative aux droits et obligations des fonctionnaires (1) (titre 1er du statut), pose les règles communes aux agents des trois fonctions publiques. Les dispositions relatives à chacune des trois fonctions publiques font l'objet des titres suivants (2). Cette permanence n'a, cependant, pas empêché le statut d'évoluer, dès ses premières années d'existence, au rythme des changements dans les missions des collectivités publiques et des nouvelles questions qui se sont posées. La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique (3) participe de cet effort constant d'adapter la fonction publique aux enjeux et défis auxquels elle est confrontée, sans pour autant remettre en cause les principes fondamentaux du statut posés il y a près de 60 ans. La fonction publique doit faire face à un important renouvellement démographique, les années à venir vont connaître des départs massifs de fonctionnaires à la retraite (4). De plus, l'évolution de la population active devrait très prochainement s'inverser (5). Pour éviter une dégradation de recrutement, les gestionnaires se doivent donc d'anticiper les besoins futurs en matière de personnel et en déduire la structure des emplois et des compétences nécessaires.

De même, la fonction publique doit s'adapter à l'impact du droit communautaire : la fonction publique s'est, en particulier, ouverte aux ressortissants communautaires cette ouverture s'étant également traduite par la création, par voie de détachement de fonctionnaires d'Etats membres dans la fonction publique française et, réciproquement de détachement de fonctionnaires français dans les administrations étrangères (6). A cela s'ajoute, enfin, d'autres bouleversements non négligeables comme le développement des technologies de l'information et de la communication et l'impact, en particulier aussi de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (7) qui fait, notamment, évoluer la fonction publique vers une culture de résultats.

Les agents publics ont, aujourd'hui, des attentes fortes en matière de fluidité des carrières et d'organisation de parcours professionnels plus attractifs et compte tenu des implications du système de la carrière et de l'importance des effectifs qu'emploient les collectivités publiques, celles-ci doivent pouvoir gérer plus efficacement leurs personnels et anticiper sur leurs besoins futurs.

Les mesures proposées par la loi de modernisation de la fonction publique tendent ainsi, à faciliter les progressions de carrière, à développer la mobilité et à accroître les échanges aussi bien entre les administrations publiques qu'entre le secteur public et le secteur privé. La loi, en ce sens, ne saurait se résumer à un simple toilettage statutaire même s'il est excessif de la présenter comme un nouvel élan donné à la fonction publique.

Il conviendra de montrer, en première partie, en quoi la réforme améliore les perspectives de carrière des fonctionnaires (I) pour voir, en seconde partie, en quoi la réforme amène à une plus grande souplesse dans la gestion du personnel (II).

I. Une réforme qui améliore les perspectives de carrière des fonctionnaires

A. La valorisation de la formation et de l'expérience professionnelle des agents

L'amélioration des perspectives de carrière passe par une politique de promotion professionnelle, cette dernière étant indissociable de l'expérience professionnelle, d'une part, et de la formation professionnelle, d'autre part ; c'est en valorisant chacun de ses deux fondements que l'on va donner une nouvelle envergure dans les perspectives de carrière.

L'article 2 de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social (8) a introduit, dans le Code du travail, un article L. 900-1 (N° Lexbase : L4629DZH), selon lequel "la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale". Si, par cet article de principe, l'enjeu national de la formation professionnelle était ainsi affirmé, il convenait d'en généraliser le bénéfice à l'ensemble du monde du travail. La loi de modernisation de la fonction publique a précisément comme objectif de transposer dans le domaine de la formation des agents publics la nouvelle architecture de la formation professionnelle progressivement élaborée dans le secteur privé.

Ainsi, la loi transpose le droit individuel à la formation des salariés (9) à l'ensemble de la fonction publique. Le dispositif proposé est, cependant, moins exhaustif que dans le Code du travail, car il sera complété par des décrets d'application propres à chacune des trois fonctions publiques, et, dans le cas de la fonction publique territoriale, par un dispositif plus précis. Les principales caractéristiques du droit individuel à la formation des salariés sont transférées (10). Ce droit est opposable auprès de l'administration à laquelle le fonctionnaire est affecté et cette dernière doit prendre à sa charge les frais de formation. Les administrations devront mener au profit de leur agents une politique coordonnée de formation professionnelle sachant que les organisations syndicales bénéficieront d'une consultation systématique sur les grandes orientations de cette politique. Enfin, une formation interministérielle sera assurée, grâce à des contributions de tous les ministères et établissements publics de l'Etat. La formation ne sera pas seulement réservée aux agents publics (11).

Concernant l'expérience professionnelle des agents, celle-ci tend à être valorisée par le législateur au sein de la fonction publique d'Etat et hospitalière en inscrivant sa prise en compte, non seulement lors de recrutements dans le cadre de l'un des trois concours (12), mais également pour la promotion interne "au choix" et l'avancement de grade. La loi ouvre, enfin, au profit des fonctionnaires, un nouveau droit à congé pour procéder à une validation des acquis de l'expérience (VAE) (13). Dans la mesure où cette procédure requiert souvent, au préalable, un bilan de compétences (14) l'institution d'un droit à congé pour validation des acquis d'expérience est assortie de l'institution d'un droit à congé pour bilan de compétences.

B. L'allègement des règles de cumul d'activités

La loi de modernisation de la fonction publique met fin à l'ancien décret-loi du 29 octobre 1936, relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions (N° Lexbase : L1808ASR), dont la complexité de la réglementation avait maintes fois été soulignée. Les adaptations se sont limitées à des mesures ponctuelles qui ont peu à peu fait perdre de sa cohérence au dispositif. Le décret-loi mêle, aujourd'hui, dispositions législatives et dispositions réglementaires. En outre, il se voit complété ou partiellement écarté par d'autres lois, dont le statut général de la fonction publique et le Code du travail, mais également des dispositions spécifiques à certaines professions.

Les chapitres 3 et 4 de la loi cherchent à simplifier l'état du droit et à élargir les possibilités de cumul d'un emploi public avec une activité privée dans le but de permettre aux agents publics d'effectuer des parcours professionnels plus riches et à l'administration de tirer profit des nouvelles compétences qu'ils auront acquises. Les agents publics doivent, en effet, pouvoir être mieux informés des règles qui leur sont applicables s'ils souhaitent exercer une activité privée. Cette clarification permettra d'encourager les échanges entre secteur public et secteur privé et, en empêchant la fonction publique de vivre repliée sur elle-même, sera de nature à améliorer l'efficacité des services publics.

Ainsi, les agents publics peuvent être autorisés à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. L'interdiction ne vaut pas non plus à l'égard des agents qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise, ce qui ne les dispense pas de demander au préalable un avis à la commission de déontologie. Il sera possible pendant une année de cumuler les deux activités, publique et privée. Réciproquement un chef d'entreprise recruté dans l'administration pourra cumuler les deux fonctions pendant une année, voire deux.

II. Une réforme qui amène à une plus grande souplesse dans la gestion du personnel

A. Un nouveau régime des règles de mise à disposition

La mise à disposition est une pratique courante dans les services de l'Etat (15) ; par rapport au changement d'affectation ou au détachement, c'est une position plus rapide à mettre en oeuvre et plus souple. Elle est un des supports de la mobilité et offre la possibilité de transférer, d'une administration à une autre, des compétences spécifiques. A priori, la situation juridique du fonctionnaire mis à disposition ne change pas, hormis son lieu d'affectation. Il ne peut, en principe, percevoir un complément de rémunération (16), mais cet impératif n'est pas, dans les faits, toujours suivi (17).

Autre exigence prévue par les textes et souvent non respectée en pratique : la passation d'une convention de mise à disposition entre l'administration et l'organisme bénéficiaire. Cette convention doit, notamment, définir le nombre de fonctionnaires mis à disposition, la nature et le niveau des activités exercées, leurs conditions d'emploi et les modalités de contrôle et d'évaluation desdites activités. Elle doit également prévoir le remboursement par l'organisme d'accueil de la rémunération des fonctionnaires mis à disposition. Or, de nombreux risques juridiques sont attachés à l'absence de remboursement régulièrement prévu ou exonéré (18). Enfin, il faut relever que les mises à disposition servent souvent d'expédient pour faire occuper de manière pérenne des emplois qui devraient être pourvus d'une autre manière (19).

Sans forcément répondre à toutes les critiques, la loi légitime plutôt certaines pratiques que l'on pensait en marge de la légalité. Le législateur s'est livré à une harmonisation et à un alignement des règles relatives à la mise à disposition en prenant comme standard la fonction publique de l'Etat. La mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat sera, désormais, possible auprès des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, notamment, les structures intercommunales, voire sous certaines réserves, auprès d'un Etat étranger. De leur côté, les fonctionnaires territoriaux pourront être mis à disposition des services de l'Etat et de ses établissements publics, tandis que les fonctionnaires hospitaliers pourront aussi exercer une mobilité dans les administrations d'Etat ou des collectivités territoriales. La mise à disposition est donc possible dans les trois fonctions publiques, mais elle continue d'être réservée aux fonctionnaires ; il n'y a pas eu d'extension de la mise à disposition aux agents non titulaires (20).

La conclusion d'une convention de mise à disposition devient obligatoire et le remboursement est systématisé sauf exceptions prévues par la loi (21). Autre innovation d'importance et plus délicate, la mise à disposition est désormais possible auprès d'organismes privés contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'Etat, mais seulement pour l'exercice des missions de service public confiées à ces organismes. Cette rédaction, modifiée par rapport au texte initial moins restrictif, devrait permettre de mettre des fonctionnaires à disposition d'entreprises privées investies de missions de service public industriel et commercial. En outre, la loi prévoit la possibilité d'une mise à disposition entrante de personnels de droit privé soumis au Code du travail, lorsque les administrations ont besoin d'agents ayant "une qualification technique spécialisée". Cette mise à disposition d'un type très particulier sera précisée ultérieurement par décret en Conseil d'Etat.

B. Les modifications des règles de déontologie

Les trois commissions de déontologie existantes pour chacune des fonctions publiques civiles (22) sont regroupées en une seule présidée par un conseiller d'Etat et comprenant entre autres un magistrat de l'ordre judiciaire. Cette commission est chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ces fonctions.

Le législateur a revisité les règles de la prise illégale d'intérêts. Le nouvel article 432-13 du Code pénal est plus clément en ce qu'il réduit de cinq à trois ans le délai d'incompatibilité entre, notamment, l'exercice de fonctions de contrôle ou de passation de contrats avec une entreprise privée et le passage de l'agent au service de celle-ci ou de l'une de ses filiales.

La saisine de la commission (par l'agent ou par son administration) est obligatoire pour apprécier la compatibilité entre les anciennes fonctions dans l'administration et la nouvelle activité professionnelle dans le secteur privé ou para-public (23).

Il est à souligner que le Sénat a écarté le mécanisme dit de "permission législative" selon lequel l'avis favorable de la commission aurait empêché que l'agent puisse faire l'objet d'une condamnation pénale pour prise illégale d'intérêt. Il a également empêché la création d'un délit de non-saisine de la commission de déontologie avant d'aller exercer une activité privée.

Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'université de Metz


(1) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (N° Lexbase : L6938AG3, JO du 14 juillet 1983, p. 2174).
(2) A savoir, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat (titre II) (N° Lexbase : L7077AG9, JO du 12 janvier 1984, p. 271), la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale (titre III) (N° Lexbase : L7448AGX, JO du 27 janvier 1984, p. 441) et la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique hospitalière (titre IV) (N° Lexbase : L8100AG4, JO du 11 janvier 1986, p. 535).
(3) JO du 6 février 2007, p. 2160.
(4) En moyenne, 40 % des agents publics, principalement de catégorie A ou B, partiront à la retraite d'ici 2015.
(5) Le nombre d'actifs commençant à décroître de 30 000 par an.
(6) Plusieurs décrets ont complété ce dispositif en instaurant un système d'assimilation des diplômes requis pour se présenter aux concours et en organisant la prise en compte des services accomplis dans un autre Etat.
(7) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 (N° Lexbase : L1295AXA, JO du 2 août 2001 p. 12480).
(8) Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 (N° Lexbase : L1877DY8, JO du 5 mai 2004, p. 7983).
(9) Mis en oeuvre par la loi du 4 mai 2004, c'est un droit ouvert à tout salarié y compris à temps partiel, pour une durée de 20 heures par an, pour un travail à plein temps, cumulable sur six ans. Sa mise en oeuvre est à l'initiative du salarié avec l'accord de l'employeur, il est effectué en dehors du temps de travail et donne lieu au versement par l'employeur d'une allocation de formation égale à 50 % du salaire.
(10) Droit acquis individuellement au prorata du temps travaillé, mise en oeuvre à l'initiative du fonctionnaire, versement d'une indemnité de formation en cas d'accomplissement en dehors du temps de travail.
(11) Le nouvel article L. 970-6 du Code du travail prévoit que les organismes de formation pourront aussi accueillir des personnes qui se destinent à passer des concours de la fonction publique ou des personnes qui participent à une mission de service public.
(12) Interne, externe, 3ème concours.
(13) Procédure qui permet d'acquérir un diplôme par une validation de l'expérience professionnelle acquise dans un champ de compétence donné qui concernait d'abord les salariés sans disposition spécifique de transposition pour les fonctionnaires.
(14) Qui permet de cibler le type de diplôme ou de qualification auquel la personne peut prétendre.
(15) Il s'agit d'une position d'activité qui permet à un fonctionnaire de demeurer dans son corps d'origine, de continuer à être rémunéré par son administration d'origine et d'y acquérir des droits à l'avancement et des droits à la retraite tout en exerçant des fonctions dans une autre administration.
(16) Décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, art. 12 (N° Lexbase : L1022G8D).
(17) Certains cas ont été relevés par la Cour des comptes dans lesquels les sur-rémunérations excédaient manifestement le remboursement des frais de déplacement auxquels les agents pouvaient prétendre. Tel a été le cas des mises à disposition d'enseignants auprès de la mutuelle générale de l'Education nationale ou d'agents auprès des fédérations sportives.
(18) La responsabilité peut être engagée par la CDBF, sur le fondement de l'article 313-6 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L6430DYS), et l'avantage injustifié procuré à autrui, par le juge pénal sur le fondement de l'article 432-15 du Code pénal (N° Lexbase : L1732AM4) pour détournements de fonds publics ou encore par le juge communautaire au titre de la qualification d'aides d'Etat au sens de l'article 87-1 du Traité CE .
(19) Certaines mises à disposition excèdent largement la durée de trois ans initialement prévue, des agents privés sont mis à disposition par des structures privées et utilisés par les services en méconnaissance du statut de la fonction publique.
(20) Seule la jurisprudence permet cette possibilité en l'absence d'un texte précis : CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2005, n° 245088, Syndicat nationale des affaires culturelles (N° Lexbase : A4319DHG).
(21) Notamment, en cas de mise à disposition au sein d'un établissement public sous la tutelle de l'employeur principal.
(22) Mises en place dans les années 1990 dans un souci de moraliser la vie publique par la prévention des conflits d'intérêts chez les personnes investies d'une mission publique, ces commissions étaient chargées de surveiller les conditions du passage du secteur public au secteur privé pour les agents qui avaient cessé leurs fonctions depuis moins de cinq ans.
(23) L'administration dont relève l'agent est liée par un avis d'incompatibilité si celui-ci est justifié par les liens passés entre l'agent et l'entreprise.

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Social général

[Jurisprudence] Compétence du juge judiciaire pour apprécier la conventionnalité de l'ordonnance relative au contrat nouvelles embauches

Réf. : T. confl., 19 mars 2007, M. Samzun, n° 3622 (N° Lexbase : A7097DUE)

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N3920BAG

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Le contrat nouvelles embauches, assez en retrait dans une actualité politique et économique très tournée vers des échéances électorales proches, est au coeur d'une importante décision rendue par le tribunal des conflits. A ne pas en douter, cette décision va alimenter des réactions doctrinales déjà nourries dès 2005, lorsque le contrat nouvelles embauches avait été mis en place (ordonnance du 2 août 2005, n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP). Désavouant le point soutenu par le Gouvernement, le tribunal des conflits était sollicité par le Garde des Sceaux, à propos d'une procédure opposant P. Samzun à L. de Wee devant la cour d'appel de Paris. Un déclinatoire avait été présenté par le préfet de l'Essonne, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'exception concernant l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 par le motif que cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) et non ratifiée, a le caractère d'un acte administratif réglementaire et que le juge administratif est seul compétent pour en apprécier la légalité. La cour d'appel de Paris avait rejeté le déclinatoire de compétence (CA Paris, 18ème ch., sect. E, 20 octobre 2006, n° 06/06992, M. le Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry c/ Melle de Wee et M. Samzum N° Lexbase : A0480DSL). Puis, le préfet de l'Essonne avait élevé le conflit ; par un arrêt du 14 novembre 2006, la cour d'appel a sursis à statuer.
Résumé

L'appréciation de la légalité de l'ordonnance n° 2005-893, du 2 août 2005, relative au contrat nouvelles embauches, qui inclut l'appréciation de la conformité de l'acte à une norme supérieure, d'origine interne ou internationale, n'implique pas nécessairement la compétence de la jurisprudence administrative.

Décision

T. confl., 19 mars 2007, M. Samzun, n° 3622 (N° Lexbase : A7097DUE)

Textes visés : ordonnance du 2 août 2005, n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" (N° Lexbase : L0758HBP) ; loi n° 2005-1719, du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 (N° Lexbase : L6429HET) ; loi n° 2006-339, du 23 mars 2006, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (N° Lexbase : L8128HHI).

Mots-clefs : contrats nouvelles embauches ; juge judiciaire ; juge administratif. 

Lien bases :

Faits

Procédure opposant P. Samzun à L. de Wee.

Déclinatoire, présenté le 19 juillet 2006, par le préfet de l'Essonne, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'exception concernant l'ordonnance n° 2005-893, du 2 août 2005, relative au contrat nouvelles embauches, par le motif que cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution et non ratifiée, a le caractère d'un acte administratif réglementaire et que le juge administratif est seul compétent pour en apprécier la légalité.

Par un arrêt rendu le 20 octobre 2006, la cour d'appel de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence. Le préfet de l'Essonne a, par arrêté le 31 octobre 2006, élevé le conflit.

Le 12 décembre 2006, le Garde des Sceaux transmet au tribunal des conflits le dossier de la procédure opposant P. Samzun à L. de Wee devant la cour d'appel de Paris.

L'arrêté de conflit du préfet de l'Essonne en date du 31 octobre 2006 est annulé par le tribunal des conflits.

Solution

L'ordonnance n° 2005-893, du 2 août 2005, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, a été implicitement ratifiée et ne présente donc pas le caractère d'un acte administratif réglementaire : le juge administratif n'est pas compétent pour en apprécier la légalité.

Observations

Par sa décision rendue le 19 mars 2007, le tribunal des conflits retient la compétence du juge judiciaire pour examiner la compatibilité de l'ordonnance n° 2005-893, du 2 août 2005, instituant le contrat nouvelles embauches avec la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail (OIT). Ce contentieux devrait clore, ainsi, une suite de décisions rendues dans le même litige. Le conseil de prud'hommes de Longjumeau avait écarté l'application de l'ordonnance n° 2005-893 en raison de son incompatibilité avec la convention n° 158 de l'OIT (conseil de prud'hommes, Longjumeau, 20 février 2006, RG n° 05/00974, M. Peyroux N° Lexbase : A5277DNR ; lire nos obs., Contrat "nouvelles embauches" : un nouveau contrat de travail ou une réforme du droit du licenciement ?, Lexbase Hebdo n° 207 du 23 mars 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5993AK8).

Puis, la cour d'appel de Paris avait reconnu la compétence du juge judiciaire pour écarter un acte réglementaire contraire à une norme internationale (CA Paris, 18ème ch., sect. E, 20 octobre 2006, n° 06/06992, M. le Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry c/ Melle de Wee et M. Samzum N° Lexbase : A0480DSL ; lire les obs. de S. Martin-Cuenot, Conventionnalité ne vaut pas légalité : illustration en matière de CNE, Lexbase Hebdo n° 235 du 9 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4783ALQ).

L'arrêt rendu par le tribunal des conflits est d'un double intérêt : sur le plan procédural, il indique clairement que la compétence judiciaire doit être retenue, s'agissant d'un contentieux portant sur le contrat nouvelles embauches (1) ; sur le fond, il permet utilement de faire le point sur la conformité du contrat nouvelles embauches au droit international, que le Conseil d'Etat a déjà reconnue (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, Confédération générale du travail et autres N° Lexbase : A9977DKQ ; lire nos obs., Le Conseil d'Etat valide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0289AKW) (2).

1. Règles de compétence juridictionnelle pour apprécier la conformité du contrat nouvelles embauches au droit international

1.1. Compétence du juge administratif en question

Selon le ministère de l'Emploi, tant qu'elle n'a pas été ratifiée, l'ordonnance n° 2005-893, du 2 août 2005, présente le caractère d'un acte administratif et relève, pour l'appréciation de sa légalité, qui inclut l'appréciation de la conformité de l'acte à une norme supérieure, d'origine interne ou internationale, de la compétence du juge administratif.

Le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé dans une affaire proche, en décidant que, si une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution conserve, aussi longtemps que le Parlement ne l'a pas ratifiée expressément ou de manière implicite, le caractère d'un acte administratif, celles de ses dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l'expiration du délai de l'habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d'une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement.

L'expiration du délai fixé par la loi d'habilitation fait, ainsi, obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande d'abrogation portant sur les dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même seraient-elles entachées d'illégalité (CE Contentieux, 11 décembre 2006, n° 279517, Conseil national de l'ordre des médecins, publié N° Lexbase : A8864DS4).

1.2. Compétence du juge judiciaire

Le tribunal des conflits n'a pas suivi le raisonnement développé par le ministère de l'Emploi. Selon le tribunal des conflits, les ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution présentent le caractère d'actes administratifs tant qu'elles n'ont pas été ratifiées. La ratification, qui a pour effet de leur conférer rétroactivement valeur législative, peut résulter du vote du projet de loi de ratification prévu à l'article 38 de la Constitution ainsi que du vote d'une autre disposition législative expresse ou d'une loi qui, sans avoir la ratification pour objet direct, l'implique nécessairement.

L'ordonnance n° 2005-893 avait été mise en oeuvre par le pouvoir réglementaire en application de la loi n° 2005-846, du 26 juillet 2005, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X). La loi n° 2005-846 n'avait rien prévu quant aux délais maxima de validité de ces ordonnances, ni d'un calendrier de vote d'une loi de ratification.

En l'espèce, tel est le cas de l'ordonnance n° 2005-893, du 2 août 2005, dès lors que les lois n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et n° 2006-339 du 23 mars 2006, qui prévoient les mesures de financement de l'allocation forfaitaire allouée par l'ordonnance n° 2005-893 aux travailleurs titulaires d'un contrat nouvelles embauches s'ils se trouvent privés d'emplois, ont eu pour effet de ratifier implicitement l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, qui n'est pas divisible de l'ensemble de ses autres dispositions. In fine, selon le tribunal des conflits, l'ordonnance n° 2005-893 n'a plus valeur réglementaire.

Il faut rappeler que le contrat nouvelles embauches est un contrat de droit privé, ce qui ressort implicitement de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, qui précise que ce contrat est soumis aux dispositions du Code du travail. La solution retenue par le tribunal des conflits, d'accorder au juge judiciaire plénitude de compétence pour apprécier l'ensemble du contentieux généré par le contrat nouvelles embauches, paraît aller dans le bon sens, celui d'une simplification du contentieux. Celui-ci aurait été, à défaut, partagé entre deux ordres de juridictions, selon que le salarié régi par le contrat nouvelles embauches conteste ou non la légalité de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 devant le juge administratif, ou conteste l'application du régime juridique du contrat nouvelles embauches devant les juridictions de l'ordre judiciaire. Cette simplicité dans les règles de recours juridictionnels doit totalement être approuvée, car l'histoire du régime des contrats aidés montre qu'il n'en a pas toujours été ainsi, suscitant des débats judiciaires et doctrinaux aussi complexes qu'inutiles (spécialement, s'agissant des contrats de travail spéciaux conclus avec une personne morale de droit public, car la compétence du juge administratif devient alors envisageable).

Pertinemment, la CFDT, la CGT et la CFTC, relativement à l'annulation de l'arrêté de conflit, ont relevé que, s'agissant de la conventionnalité d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, les juridictions des deux ordres sont également compétentes, sans qu'il y ait lieu à renvoi de l'une à l'autre. Le renvoi devant la juridiction administrative ne s'impose pas, le juge judiciaire étant compétent pour interpréter un acte réglementaire.

2. Appréciation de la conformité du contrat nouvelles embauches au droit international et au droit interne

2.1. Précédents judiciaires : l'incertaine conformité du contrat nouvelles embauches au droit international

  • Une jurisprudence rejetant la contradiction entre l'ordonnance n° 2005-893 et la convention n° 158 de l'OIT

Le contrat nouvelles embauches, on le sait, pose une dérogation importante au droit du licenciement, puisque l'employeur est dispensé d'appliquer les solutions admises par le Code du travail les deux premières années. Mais, au nom de l'emploi, peut-on déroger au droit commun du licenciement ? La réponse apportée par le Conseil d'Etat paraît affirmative : les objectifs poursuivis par le législateur justifient que la priorité donnée à l'emploi prime sur l'application du Code du travail et du droit social européen et international, précision étant faite que le domaine de la dérogation reste limité et encadré (CE, 19 octobre 2005, requête n° 283471, préc.).

De plus, pour le Conseil d'Etat, il ne résulte ni du principe de liberté énoncé à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1368A9K), ni d'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle que la faculté pour l'employeur de mettre fin au contrat nouvelles embauches devrait être subordonnée à l'obligation d'en énoncer préalablement les motifs et d'en prévoir les modalités de réparation.

Le Conseil d'Etat a précisé que demeurent, en revanche, applicables au contrat nouvelles embauches, les articles L. 122-40 (N° Lexbase : L5578ACL) à L. 122-44 du Code du travail (N° Lexbase : L5582ACQ) relatifs à la discipline et l'article L. 122-45 du même code (N° Lexbase : L3114HI8), prohibant les mesures discriminatoires. Aussi, l'ordonnance n° 2005-893 n'a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge, afin que celui-ci puisse vérifier que la rupture n'a pas un caractère abusif et n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure disciplinaire et de celles prohibant les mesures discriminatoires. D'où la conclusion tirée par les juges administratifs : les règles de rupture du contrat nouvelles embauches pendant les deux premières années suivant la date de sa conclusion ne dérogent pas aux stipulations des articles 8-1, 9 et 10 de la convention n° 158 de l'OIT.

Il ne faut pas négliger qu'en contrepartie de cette liberté laissée à l'employeur, l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 prévoit, en cas de rupture du contrat nouvelles embauches à l'initiative de l'employeur au cours des deux premières années d'exécution du contrat, sauf faute grave ou lourde du salarié, une contribution à la charge de l'employeur qui a pour objet de financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié en vue de son retour à l'emploi. Cette contribution est recouvrée par le régime d'assurance chômage (circulaire Unédic, n° 05-18, du 14 octobre 2005, rupture du contrat nouvelles embauches CNE N° Lexbase : L1679HDK).

Le Conseil constitutionnel avait statué dans le même sens (Cons. const., décision n° 2005-521 DC, du 22 juillet 2005, loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ). Les auteurs de la saisine avançaient que la loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, porterait une atteinte disproportionnée à l'économie des accords collectifs en cours ainsi qu'à la convention n° 158 de l'OIT, concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur. Le grief n'a pas été retenu par le Conseil constitutionnel, selon lequel les dispositions en cause ne sont ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l'article 38 de la Constitution, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que les normes internationales ou européennes applicables.

  • Une jurisprudence admettant la contradiction entre l'ordonnance n° 2005-893 et la convention n° 158 de l'OIT

Mais, en 2006, un conseil de prud'hommes a avancé un point de vue opposé : l'ordonnance n° 2005-893 étant contraire à la convention n° 158 de l'OIT, elle est privée d'effet juridique. Le contrat nouvelles embauches, pris sur le fondement d'un texte non valable, s'analyse en contrat à durée indéterminée de droit commun, soumis à toutes les dispositions du Code du travail. En effet, les termes de l'ordonnance n° 2005-893 sont manifestement contraires à la Convention n° 158 de l'OIT, qui impose l'existence d'une procédure contradictoire préalable au licenciement, d'un motif valable de licenciement et d'un recours effectif devant les juridictions pour contrôler l'existence de ce motif valable. De plus, les juges du fond ont pu décider que l'appréciation judiciaire de la conformité de l'ordonnance n° 2005-893 à la convention n° 158 de l'OIT relève de la compétence du juge judiciaire : il n'y a donc pas question préjudicielle qui doit être soumise à l'examen du juge administratif (CA Paris, 18ème ch., sect. E, n° S 06/06992, 20 octobre 2006, préc.).

2.2. Conformité du contrat nouvelles embauches au droit interne

De manière générale, l'employeur est tenu de respecter les règles édictées par le droit des obligations, spécialement celles relatives à l'exigence de la bonne foi ou le respect de l'ordre public. Un conseil de prud'hommes (CPH Longjumeau, 20 février 2006, préc.), statuant sur le contrat nouvelles embauches, a rappelé que les droits que les individus tiennent de la loi leur sont attribués dans un intérêt social précis. Il ne s'agit jamais de droits discrétionnaires : tout usage d'une prérogative légale hors ou contre l'intérêt social qui lui est attaché s'analyse en abus de droit. Le principe a vocation à s'appliquer à tous les contrats spéciaux.

Dans le même sens, un autre tribunal a relevé qu'en l'espèce, le contrat nouvelles embauches a été signé à la suite de divers contrats d'intérim et n'a été conclu que pour contourner les exigences du texte et conserver la salariée à la disposition de la société.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Le couple homosexuel et l'homoparentalité à l'épreuve de la jurisprudence

Réf. : Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-16.627, M. Stéphane Chapin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6575DU3) ; Cass. civ. 1, 20 février 2007, n° 04-15.676, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2536DUH) et n° 06-15.647, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2676DUN)

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Le 07 Octobre 2010

Alors que le Gouvernement et le Parlement ont choisi d'améliorer la condition juridique des partenaires liés par un pacte civil de solidarité à l'occasion de la réforme du droit des successions et des libéralités, votée le 23 juin 2006 (loi n° 2006-728 N° Lexbase : L0807HK4), pour éviter tout débat sur la validité du mariage homosexuel et l'homoparentalité, ces questions ressurgissent avec une série d'arrêts rendus dernièrement par la Cour de cassation. Tout d'abord, les juges saisis de l'affaire très médiatisée des "mariés de Bègles", viennent de rappeler, dans un arrêt du 13 mars 2007, que le mariage reste l'union d'un homme et d'une femme, ce principe n'étant contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (I). Ensuite, par deux décisions du 20 février 2007, la Cour de cassation a refusé l'adoption simple de l'enfant par la compagne de sa mère biologique aux motifs que l'adoption réalise un transfert des prérogatives de l'autorité parentale au profit de l'adoptante, privant ainsi la mère biologique de ses propres droits. A cela, la Cour ajoute que la délégation de l'autorité parentale, solution envisagée par le couple homosexuel à la négation des droits du parent par le sang, est "antinomique et contradictoire" à l'égard de l'institution de l'adoption (II). La Cour de cassation envoie donc un message clair, centré autour de la nécessité de préserver les institutions fondamentales du droit de la famille que sont le mariage et l'adoption. Message auquel la prochaine majorité parlementaire sera certainement confrontée ainsi que la Cour européenne des droits de l'Homme qui statue actuellement sur un recours contre le refus d'agrément en vue de l'adoption plénière opposé par le département du Jura à une jeune femme homosexuelle (III). I - L'annulation du mariage homosexuel

Le Code civil de 1804 ne définit pas expressément le mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme (1). La différence de sexe des époux allait, en effet, de soi pour les rédacteurs du Code civil, Portalis définissant, dans les travaux préparatoires, le mariage comme étant "la société de l'homme et de la femme qui s'unissent pour perpétuer leur espèce, pour s'aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée". La différence de sexe procède donc en France de l'essence même de l'institution du mariage, qui est encore aujourd'hui perçue comme la cellule de base de la société en tant que cadre de la procréation.

Une telle conception du mariage est pourtant remise en question depuis quelques années dans quelques Etats occidentaux, dont les Pays-Bas, la Belgique et l'Espagne. La France, en ces temps de campagne électorale, s'interroge également sur une éventuelle évolution des règles de formation du mariage, et ce d'autant plus que la question de la situation juridique des couples de même sexe a, de nouveau, fait la une de l'actualité à la suite de la décision de la Cour de cassation de confirmer l'annulation du mariage conclu entre deux homosexuels.

L'arrêt du 13 mars 2007 de la première chambre civile de la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi formé par "les mariés de Bègles" contre un arrêt (2) ayant confirmé un jugement de première instance annulant l'acte de mariage (3), a estimé qu'en l'état de la loi française, la différence de sexe des époux est une condition de validité du mariage. Elle relève, en outre, qu'un tel principe ne contrevient pas aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Bien que n'étant pas expressément repris dans le dispositif, sont notamment visés l'article 8 garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale (N° Lexbase : L4798AQR), l'article 12 consacrant le droit au mariage pour l'homme et la femme (N° Lexbase : L4745AQS) (4) et l'article 14 qui prohibe les discriminations fondées sur le sexe (N° Lexbase : L4747AQU). Elle précise, enfin, que la loi française n'est pas contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, celle-ci n'ayant pas, par ailleurs, force obligatoire en France.

Dès lors que la loi française n'est pas jugée contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, le mariage demeure pour les juges l'union d'un homme et d'une femme. La décision d'ouvrir l'institution aux homosexuels revient, désormais, au législateur. Une telle perspective semble toutefois éloignée dans la mesure où la situation juridique des couples de même sexe a, d'ores et déjà, été améliorée lors du vote de la loi du 23 juin 2006 réformant tant les conditions de formation que les conséquences patrimoniales du pacte civil de solidarité. De surcroît, admettre le mariage homosexuel reviendrait nécessairement à s'interroger sur l'admission expresse de l'homoparentalité et du droit pour les couples de même sexe de constituer, autour d'un enfant, une famille.

II - Homoparentalité (5) et adoption simple

La Cour de cassation, par deux décisions très remarquées rendues le 20 février 2007, a fortement limité le rôle que peut jouer l'adoption simple dans la création de liens juridiques entre l'enfant, le parent et son concubin de même sexe. Dans les deux cas soumis à l'appréciation des juges, il s'agissait de femmes qui étaient liées par un Pacs et les enfants n'avaient pas de lien de filiation établi à l'égard du géniteur.

Dans la première affaire, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 6 mai 2004, avait rejeté la requête aux fins d'adoption simple présentée par la compagne de la mère biologique des enfants, aux motifs, d'une part, qu'une telle demande était contraire à leur intérêt dans la mesure où leur mère perdrait automatiquement son autorité parentale en cas d'adoption et, d'autre part, que les circonstances justifiant la délégation de l'autorité parentale à son profit n'étaient pas établies. Dans la seconde affaire, au contraire, la cour d'appel de Bourges avait prononcé, le 13 avril 2006, l'adoption simple par une femme du fils de sa compagne, estimant que l'adoption était conforme à l'intérêt de l'enfant et que la mère biologique pouvait solliciter un partage ou une délégation d'autorité parentale.

Sur les conclusions conformes de l'avocat général, la Cour de cassation vient mettre fin à cette apparente opposition des juges du fond (6), en affirmant au visa de l'article 365 du Code civil (N° Lexbase : L2884ABG) (7) que "l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté". Dès lors que cet article ne profite qu'au conjoint stricto sensu et non au partenaire d'un Pacs, le prononcé de l'adoption simple a pour conséquence logique de déposséder le parent par le sang, qui entend continuer à élever l'enfant, de l'exercice de l'autorité parentale, celle-ci étant automatiquement transférée à l'adoptante. Ce transfert a alors des conséquences "tant au plan des décisions importantes à prendre dans le cadre de l'éducation des enfants (santé, orientation scolaire, choix religieux, etc.), qu'en cas de séparation du couple (par exemple, impossibilité juridique d'organiser un exercice conjoint de l'autorité parentale)" (8).

Par suite, à la requérante qui soutient que les inconvénients de cette dépossession cesseraient en cas de délégation-partage de l'autorité parentale au sens de l'article 377 du Code civil (N° Lexbase : L2924ABW), la Cour de cassation répond qu'un tel procédé est "antinomique et contradictoire" avec l'adoption simple dont le but est "de conférer l'autorité parentale au seul adoptant".

Par ce raisonnement en deux temps, la Cour de cassation entend ne pas assimiler le partenaire d'un Pacs à un conjoint (9) afin de permettre à la mère biologique de partager avec l'adoptante les prérogatives de l'autorité parentale. Une telle solution irait, en effet, à l'encontre de l'article 365 et surtout de la loi du 15 novembre 1999 instituant le Pacs (loi n° 99-944 N° Lexbase : L7500AIM), lequel est sans incidence sur les règles de la filiation et de l'autorité parentale (10).

En outre, la Cour de cassation rappelle que la délégation de l'autorité parentale n'est pas à la disposition des parents. En effet, aux termes de l'article 377 du Code civil, une délégation est possible, en totalité ou en partie, au profit, notamment, d'un tiers ou d'un proche digne de confiance, dès lors que les circonstances qui entourent une telle demande l'exigent.

En refusant le prononcé de la délégation, la Cour de cassation semble revenir sur la solution retenue par l'arrêt du 24 février 2006, selon lequel l'article 377, alinéa 1er, "ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit une union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'enfant" (11). En réalité, les faits qui étaient soumis à l'appréciation des juges du fond de Paris et de Bourges ne sont pas les mêmes. L'arrêt du 24 février 2006 permettait, en effet, à la mère biologique, seule titulaire de l'autorité parentale, de déléguer celle-ci à un tiers : sa compagne. Au contraire, selon les données des deux espèces, le délégant aurait dû être la compagne adoptante et le délégataire, c'est-à-dire le tiers, la mère biologique des enfants. C'est donc en grande partie parce que la mère ne peut recevoir la qualification de tiers (12) que la Cour de cassation a décidé de faire obstacle à un détournement, contraire à l'intérêt de l'enfant, de l'institution de l'adoption.

III - Homoparentalité et demande d'agrément en vue d'une adoption plénière

L'article 353 du Code civil (N° Lexbase : L2869ABU) fait obligation au tribunal saisi d'une demande d'adoption plénière de vérifier "si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant". En l'état actuel de notre droit, l'accès à l'adoption est refusé aux homosexuels, mais de manière indirecte dans la mesure où aucune disposition ne prend explicitement en considération l'orientation sexuelle des candidats à l'adoption.

Tout d'abord, l'adoption ne peut être prononcée au profit d'un couple homosexuel dans la mesure où l'article 346 du Code civil (N° Lexbase : L2855ABD) affirme que "nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux". Ne peuvent donc adopter les concubins et les pacsés qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Par ailleurs, le mariage entre personnes de même sexe étant refusé, la possibilité d'adopter un enfant leur est, de manière consécutive, fermée.

Ensuite, la protection de l'intérêt de l'enfant justifie, selon le Conseil d'Etat, la décision de refuser qu'un candidat à l'adoption dont l'homosexualité a été déclarée, obtienne la délivrance de l'agrément qui constitue la première étape de la procédure d'adoption plénière. C'est, en effet, à l'occasion du recours exercé par une personne homosexuelle que le Conseil d'Etat a, par un arrêt du 9 octobre 1996 (13), approuvé le principe d'un refus au motif que l'absence de référent paternel ou maternel n'est pas de nature à garantir des conditions d'accueil suffisantes pour un adopté. La Cour européenne des droits de l'Homme fut, ensuite, saisie de cette affaire et estima, à une courte majorité, que les autorités nationales françaises avaient légitimement et raisonnablement pu considérer que l'adoption "trouvait sa limite dans l'intérêt des enfants susceptibles d'être adoptés, nonobstant les aspirations légitimes du requérant et sans que soient remis en cause ses choix personnels" (14).

Une fois encore, la Cour européenne des droits de l'Homme est saisie d'un recours exercé par une femme homosexuelle à la suite de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 5 juin 2002 qui rejeta le pourvoi de la requérante, au motif, notamment, que la cour administrative d'appel de Nancy n'avait pas fondé sa décision sur une position de principe concernant les orientations sexuelles de l'intéressé, mais avait tenu compte des besoins et de l'intérêt d'un enfant adopté (15). L'affaire a été examinée par la Grande Chambre le 14 mars 2007 (16). Sa décision est actuellement en délibéré. Il reste à savoir désormais si la Cour amorcera ou non un revirement de jurisprudence.

Nathalie Baillon-Wirtz
Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne


(1) La différence de sexe n'est pas expressément visée par le Code civil parmi les conditions de fond du mariage. On la déduit en général de l'article 75 (N° Lexbase : L3236ABH) sur l'échange des consentements devant l'officier d'état civil et de l'article 144 (N° Lexbase : L1380HIX)selon lequel "l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus".
(2) CA Bordeaux, 19 avril 2005, n° 04/04683 (N° Lexbase : A1807DIR), RTD. civ. 2005, p. 574, obs. J. Hauser.
(3) TGI Bordeaux, 27 juillet 2004, n° RG 6427/2004, Ministère Public c/ Messieurs Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier (N° Lexbase : A4937DD9), JCP éd. G 2004, II., 10169, note G. Kessler.
(4) Le refus du mariage homosexuel ne porte pas atteinte à l'article 12 de la Convention dès lors que selon l'interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme, il est admis qu'"en garantissant le droit de se marier, l'article 12 vise le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent" : CEDH, 11 juillet 2002, Req. 28957/95, Goodwin (N° Lexbase : A0682AZB), JCP éd. G 2003, I, 109, § 16, obs. F. Sudre.
(5) V. plus largement sur la question de l'homoparentalité : C. Neirinck, Homoparentalité et adoption, Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, 2001, p. 353s. ; F. Millet, L'homoparentalité, essai d'une approche juridique, Defrénois 2005, art. 38153, p.743.
(6) La jurisprudence témoigne en général d'une hostilité à l'égard de l'adoption simple par le partenaire homosexuel. Néanmoins, certaines juridictions l'ont parfois acceptée. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris avait, dans une décision très remarquée, admis l'adoption simple de trois enfants conçus par procréation médicalement assistée, à la concubine de la mère (TGI Paris, 27 juin 2001, RTD. civ. 2002, p. 84, obs. J. Hauser). Plus récemment, un arrêt de la cour d'appel d'Amiens rendu le 14 février 2007, a confirmé la décision des premiers juges ayant prononcé l'adoption simple d'un enfant au profit de la concubine de sa mère : CA Amiens, 14 février 2007 (N° Lexbase : A7706DUX).
(7) Selon l'alinéa 1er de l'article 365 du Code civil, issu de la loi du 4 mars 2002, "l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père et la mère de l'adopté ; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité".
(8) Conclusions de l'Avocat général F. Cavarroc, sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, G.P. 25-27 février 2007, p. 10.
(9) Une telle assimilation entre le mariage et le Pacs avait été retenue par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand dans un jugement du 24 mars 2006 (AJ Famille 2006, p.245, note F. Chénedé). Cette solution fut ensuite infirmée par la cour d'appel de Riom dans un arrêt du 27 juin 2006 (Dr. fam. 2006, comm. n°204, note P. Murat).
(10) Cons. const. 9 novembre 1999, n° 99-419 DC (N° Lexbase : A8783ACB), JO 16 novembre 1999.
(11) Cass. civ. 1, 24 février 2006, n° 04-17.090, Procureur général près la cour d'appel d'Angers c/ Mme Christine X, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1782DNC), D. 2006, p. 897, note D. Vigneau.
(12) Conclusions de l'Avocat général F. Cavarroc, sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc.
(13) CE, 9 octobre 1996, n° 168342, Département de Paris (N° Lexbase : A1350APP), JCP éd. G 1997, II., 22766, concl. C. Maugüé.
(14) CEDH, 26 février 2002, req. n° 36515/97, Fretté c/ France (N° Lexbase : A0562AYH), JCP éd. G 2002, II., 10074, note A. Gouttenoire-Cornut et F. Sudre.
(15) CE, 5 juin 2002, n° 230533, Mlle B. (N° Lexbase : A8690AYI), AJDA 2002, p. 468 et p. 615, concl. P. Fombeur.
(16) V. communiqué du Greffier de la Cour européenne des droits de l'homme, 14 mars 2007, Audience de Grande Chambre, E. B. c/ France.

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