Lexbase Social n°530 du 6 juin 2013

Lexbase Social - Édition n°530

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Jurisprudence] Faute inexcusable : le préjudice résultant de la perte-diminution de promotion professionnelle, rarement indemnisé

Réf. : Cass. civ. 2, 23 mai 2013, n° 12-30.147, F-D (N° Lexbase : A9183KDH)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 06 Juin 2013

En droit commun de la responsabilité civile, la réparation du préjudice résultant de la perte-diminution de promotion professionnelle pose un certain nombre de difficultés, qui portent notamment sur la réalité d'une promotion professionnelle, son caractère certain ; donc, sur l'appréciation de la perte de chance qui résulte de la situation dans laquelle la victime se trouve (1). L'accident du travail est susceptible de causer de multiples préjudices, actuels mais aussi futurs, parmi lesquels figure la réparation du préjudice résultant de la perte-diminution de promotion professionnelle. En fonction de leur âge, de leur situation professionnelle dans l'entreprise, de leur qualification et expérience, les victimes tentent parfois de demander la réparation d'un tel préjudice, en application de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5302ADQ). Les chances d'obtenir une réparation restent toutefois minces, parce que la Cour de cassation estime qu'un tel préjudice ne peut donner lieu à réparation distincte et autonome ; parce que, surtout, les juges font peser sur la victime la charge de la preuve de l'existence d'un tel préjudice. Les victimes parviennent très rarement à rapporter une telle preuve. L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 23 mai 2013, l'atteste à nouveau.
Résumé

De ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel a pu déduire que la preuve de l'existence d'un préjudice résultant de la perte de chance de promotion professionnelle n'était pas rapportée.

Embauchée en 1986 en qualité d'opératrice, devenue en 1989 opératrice volante et en 1992 chef d'équipe : rien ne permettait de retenir qu'en 1998 au moment de l'accident elle aurait été en état d'obtenir une nouvelle promotion.

I - Fondement de la réparation

A - Fondement textuel

La réparation est encadrée par plusieurs dispositions :

- l'article L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7111IUW), selon lequel le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ;

- l'article L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7113IUY), visant la faute inexcusable de l'employeur, selon lequel la victime (ou ses ayants droit) reçoi(ven)t une majoration des indemnités qui leur sont dues. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale ;

- enfin, toujours dans l'hypothèse d'une faute inexcusable de l'employeur, l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, selon lequel la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de Sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Au final, la victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de l'employeur peut effectivement demander au juge la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, qui est expressément visé par les textes (CSS, art. L. 452-3). Ce chef de préjudice n'a donc pas à être réparé sur un autre fondement, notamment celui de la réparation intégrale, car le Conseil constitutionnel a clairement encadré ce droit à réparation intégrale, pour les chefs de préjudice non pris en compte par la livre IV du Code de la Sécurité sociale, notamment l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale (2).

B - Lecture stricte des dispositions codifiées par la Cour de cassation

A deux reprises, la Cour de cassation s'est prononcée sur le fondement du droit à réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

- Par un arrêt rendu le 25 avril 2013 (Cass. civ. 2, 25 avril 2013, n° 12-19.580, F-D N° Lexbase : A6848KCM), la Cour de cassation, visant les articles L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, a refusé que ce préjudice soit réparé plusieurs fois, sur le fondement de plusieurs dispositions. La rente majorée servie à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur répare la perte des gains professionnels futurs, le retentissement professionnel de l'incapacité résultant de l'accident et le déficit fonctionnel permanent. Aussi, la Cour de cassation a censuré une cour d'appel, pour avoir accordé à une victime d'un accident du travail une certaine somme (210 959 euros) au titre de l'incapacité permanente partielle, dans la mesure où, selon les juges du fond, la rente allouée à la salariée, qui ne compense que les pertes de salaires et ce de manière forfaitaire, ne la remplit pas de ses droits au titre de l'incapacité permanente partielle et ne fait pas obstacle à l'allocation de sommes complémentaires de ce chef. En effet, pour la Cour de cassation, la rente majorée servie à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur répare la perte des gains professionnels futurs, le retentissement professionnel de l'incapacité résultant de l'accident et le déficit fonctionnel permanent.

- Quelques semaines plus tôt, elle a avancé cette solution (Cass. civ. 2, 14 février 2013, n° 11-26.428, F-D N° Lexbase : A0560I8A). La rente majorée allouée (CSS, art. L. 452-2) au salarié victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur indemnise notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité à l'exception, prévue par l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle qui fait l'objet d'une réparation spécifique. En d'autres termes, la réparation du préjudice de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle est assurée par un texte (CSS, art. L. 452-3) et aucun autre (notamment, CSS, art. L. 452-2, majoration de la rente, en cas de faute inexcusable).

II - Preuve de l'existence d'un préjudice

A - Contentieux devant la Cour de cassation

La Cour de cassation n'a, dans les affaires recensées, jamais donné suite à la demande d'un salarié, s'agissant de la réparation de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

- En l'espèce (arrêt rapporté), une salariée de la société S. a été victime le 8 janvier 1998 d'un accident du travail. Les juges du fond ont retenu la faute inexcusable de l'employeur, fixé au maximum la rente et ordonné une expertise médicale de la victime aux fins de liquidation de ses préjudices personnels. La salariée a fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Les juges du fond ont estimé que la salariée est défaillante dans l'administration de la preuve. Elle ne pouvait calculer l'indemnité réclamée en se référant à des pertes de salaires alors que celles-ci s'avèrent compensées par l'attribution de la rente. Pour justifier d'une perte de chance de promotion elle invoque le fait qu'au jour de l'accident il lui restait vingt-trois années à effectuer chez cet employeur. Mais l'employeur a souligné le caractère très aléatoire d'une telle projection dès lors que la situation économique lui avait imposé à la même époque la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde pour l'emploi. Si elle a été embauchée en 1986 en qualité d'opératrice, et était devenue en 1989 opératrice volante puis en 1992 chef d'équipe, rien ne permettait de retenir qu'en 1998 au moment de l'accident elle aurait été en état d'obtenir une nouvelle promotion.

La salariée se borne à affirmer que son passage à un échelon supérieur, compte tenu de son parcours précédent, n'était pas hypothétique : pour les juges du fond, ce moyen est insuffisant pour contredire utilement l'employeur qui, en se référant à l'absence de diplômes de la salariée, relève qu'elle avait atteint comme chef d'équipe le maximum des responsabilités qui pouvaient lui être confiées. La production de la grille des salaires ne suffit pas à établir que la salariée serait automatiquement passée aux échelons supérieurs, ceux-ci n'étant pas subordonnés à l'ancienneté mais à la reconnaissance d'une capacité à effectuer des tâches plus complexes.

Au final, la Cour de cassation décide que les juges du fond sont compétents pour apprécier souverainement la valeur et de la portée des éléments de preuve ; en l'espèce, la cour d'appel a pu déduire que la preuve de l'existence d'un préjudice résultant de la perte de chance de promotion professionnelle n'était pas rapportée.

- Dans une autre affaire, pour allouer à un salarié une certaine somme au titre du préjudice résultant de la perte de possibilités de promotion professionnelle, les juges du fond ont relevé qu'il a été dans l'impossibilité de reprendre le métier d'électromécanicien pour lequel il avait été formé après un début de carrière prometteur ; il a d'ailleurs été licencié et a été dans l'obligation de se reconvertir. Après avoir obtenu un diplôme d'électricien d'équipement, il a créé une entreprise artisanale. Mais pour la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 20 septembre 2012, n° 11-20.798, F-D N° Lexbase : A2590IT4) (3), les juges du fond ont statué par des motifs insuffisants à faire ressortir le caractère sérieux des chances de promotion professionnelle de la victime avant l'accident.

- La Cour de cassation s'est prononcée dans le même sens, par un arrêt rendu le 10 mai 2012 (Cass. civ. 2, 10 mai 2012, n° 11-13.381, F-D N° Lexbase : A1185ILH). La ligne directrice reste la même : c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des faits et preuves soumis à son examen, que la cour d'appel a jugé que la preuve d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle n'était pas rapportée. Un salarié a été victime, le 13 février 2004, d'un accident du travail. Le TASS a reconnu la faute inexcusable de la société et fixé au maximum la majoration de la rente et évalué la réparation des préjudices personnels du salarié. Pour les juges du fond, il n'est pas démontré que le salarié avait, avant cet accident, des chances sérieuses de promotion professionnelle, dans la mesure où il n'établissait pas que le contrat saisonnier dont il bénéficiait avait vocation à être renouvelé, ni qu'en l'absence de toute formation, il était susceptible d'évoluer au sein de la société.

- La Cour de cassation (Cass. civ. 2, 30 juin 2011, n° 10-22.768, F-D N° Lexbase : A6649HUS) (4) a encore rejeté le pourvoi d'un stagiaire (et non pas d'un salarié), né le 9 septembre 1980, élève du lycée professionnel, victime le 26 mai 2000, alors qu'il effectuait un stage dans les locaux de la société S., d'un accident causé par la faute inexcusable de l'employeur. Le stagiaire a fait grief aux juges du fond de le débouter de sa demande de réparation de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Les juges du fond ont relevé que le stagiaire a été contraint en raison de l'accident d'abandonner sa formation professionnelle et de se tourner vers un reclassement total ; il a effectué un stage comme conseiller de clientèle et travaille dans une banque. Son absence de diplôme et de qualification ne lui permettent pas d'accéder à des postes à responsabilité et toute activité manuelle est à exclure. Pour les juges du fond, ces faits caractérisent le préjudice résultant du déclassement professionnel réparé par l'attribution d'une rente majorée. Au moment de l'accident, le stagiaire n'avait ni diplôme ni formation professionnelle et ne travaillait pas ; sa situation ne pouvait lui laisser espérer une chance de promotion professionnelle. Bref, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et en l'état de ses constatations et énonciations que la cour d'appel a décidé que la demande en réparation d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle n'était pas justifiée.

- En 2011 (Cass. civ. 2, 12 mai 2011, n° 10-19.566, F-D N° Lexbase : A1302HRN), la Cour de cassation devait statuer sur la situation d'une salariée de la société C., victime le 7 janvier 2006 d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle, dont la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue. La salariée a fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation de la perte de chance d'une promotion professionnelle.

Les juges du fond ont relevé qu'à la date de l'accident, la salariée occupait l'emploi de manager de rayon et espérait devenir responsable de formation ; elle ne pouvait toutefois ambitionner occuper qu'un emploi de formateur et non un emploi de responsable de formation. En effet, l'accès à un emploi de formateur au sein de la société Champion n'aurait eu aucun caractère automatique pour la salariée et n'aurait pas résulté de sa seule ancienneté dans l'entreprise. La salariée n'a versé aux débats aucune pièce attestant qu'elle aurait formulé des souhaits d'évolution et de formation à l'occasion de l'un des entretiens de milieu d'année et qu'elle ne produit pas davantage aux débats d'attestation en ce sens de ses anciens collègues. Bref, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des faits et preuves soumis à son examen, que la cour d'appel a jugé que la preuve d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle n'était pas rapportée.

- Un salarié d'une société de transport a été victime d'une agression par le gérant de la société. La CPAM du Val-de-Marne a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle. Le salarié a fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en indemnisation d'une perte de chance professionnelle. La Cour de cassation (Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-12.451, F-D N° Lexbase : A1805ETZ) (5) s'en est remise aux constatations et énonciations formulées par la cour d'appel, qui a pu déduire que la demande d'indemnisation de la perte d'une chance de promotion professionnelle devait être rejetée. Selon les juges du fond, il ne peut être fait droit à une demande d'indemnisation d'un événement futur favorable qu'à la condition que cet événement ne soit pas simplement virtuel et hypothétique et qu'il appartient à celui qui entend obtenir réparation au titre de la perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable. Le salarié, en s'abstenant de justifier tant du cursus scolaire et professionnel dont il fait état que d'un processus de chance de promotion professionnelle qui aurait été interrompu par la survenance du dommage, a échoué dans cette démonstration.

- Dans une autre affaire, un salarié de la société C. a été victime d'un accident du travail le 16 février 2001. Le TASS a reconnu la faute inexcusable de la société ; fixé au maximum la majoration de la rente accident du travail et évalué la réparation des préjudices personnels du salarié. Celui-ci a fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de réparation de sa perte d'une chance de promotion professionnelle. Pour la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 25 avril 2007, n° 06-11.852, F-D N° Lexbase : A0290DWN), par une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé que le salarié n'avait pas rapporté la preuve d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle. La réparation peut être sollicitée en application de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale différent du seul déclassement professionnel déjà réparé par la rente allouée au titre de l'accident du travail.

- Enfin, un salarié a été victime d'un accident du travail le 29 janvier 1996. Statuant sur l'indemnisation de la victime, consécutive à la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a rejeté sa demande au titre de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La Cour de cassation (Cass. civ. 2, 18 janvier 2005, n° 03-10.696, F-D N° Lexbase : A0800DGQ) a estimé que la cour d'appel a constaté qu'il ne justifiait d'aucune formation ou qualification professionnelle permettant de retenir la possibilité d'une promotion professionnelle dont l'accident l'aurait privé, a souverainement estimé que la preuve de la perte d'une chance de promotion professionnelle n'était pas rapportée.

Les seules exceptions à cette unanimité contentieuse résultent :

- d'un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 20 septembre 2005 (Cass. civ. 2, 20 septembre 2005, n° 04-30.278, FS-P+B N° Lexbase : A5254DKS) (6). Un praticien hospitalier a été contaminé par le virus de l'hépatite C après s'être blessé le 29 mai 1995 lors d'une intervention de cardiologie. La cour d'appel a accueilli sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et admis que soit réparé le préjudice résultant de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle. Le praticien a été pressenti pour développer, à compter de la fin de l'année 1996, au sein d'une clinique privée, une activité libérale à temps plein, plus rémunératrice que son emploi de praticien hospitalier, association à laquelle il n'a pu être donné suite du fait de l'accident, a ainsi caractérisé la perte des possibilités de promotion professionnelle subie par l'intéressé, distincte du préjudice résultant du déclassement professionnel déjà compensé par l'attribution d'une rente majorée ;

- d'un arrêt rendu par la deuxième chambre civile, le 8 avril 2010 (Cass. civ. 2, 8 avril 2010, n° 09-11.634, FS-P+B, sur le troisième moyen N° Lexbase : A5844EUY) (7). Est justifiée l'indemnisation du préjudice professionnel de la victime d'un accident dès lors qu'il est établi qu'il a suivi un cursus professionnel l'amenant du CAP au baccalauréat professionnel. Cette progression laisse supposer que, sans l'accident, il aurait continué à gravir les échelons de sa profession et que les conséquences de l'accident l'ont empêché d'exercer le métier bien spécifique pour lequel il a été formé. La preuve du caractère sérieux des chances de promotion professionnelle est ainsi rapportée et l'indemnisation justifiée.

B - Contentieux devant les juridictions du fond

Les juges du fond rejettent, dans une grande majorité des cas, les demandes des victimes d'un accident du travail, en réparation du préjudice de perte de chance de promotion professionnelle. Les illustrations abondent.

- Un menuisier charpentier et couvreur zingueur ne caractérise pas un préjudice distinct de celui résultant de son déclassement professionnel, d'ores et déjà réparé par la rente qui lui a été allouée le 31 mars 2008, selon les juges du fond (CA Angers, ch. soc., 26 juin 2012, n° 09/01866 N° Lexbase : A7098IPL). Pour pouvoir prétendre à la réparation d'un préjudice lié à la perte de ses possibilités de promotion professionnelle, encore faudrait-il que le salarié justifie d'un préjudice certain de ce chef. Or, s'il déclare qu'il avait pour perspective, à la suite de son embauche, de passer d'ouvrier hautement qualifié à chef d'équipe, cela relève d'une prospective, qui ne peut en rien, être qualifiée de certaine. En effet, le salarié venait simplement d'être recruté lorsque l'accident est survenu ; il ne fournit aucune pièce qui viendrait à prouver que son employeur l'aurait engagé dans cette perspective de le nommer chef d'équipe, hypothèse d'autant moins plausible que l'employeur n'a à son service, en tout et pour tout, que deux salariés avec lesquels lui-même travaille sur les chantiers.

- La perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle est un préjudice réparable, qu'il appartient à la victime de démontrer par l'existence de l'engagement d'un cursus de carrière qui l'aurait amenée au poste invoqué (CA Angers ch. soc., 21 février 2012, n° 09/01482 N° Lexbase : A1073ID4). Le salarié soutient qu'il envisageait de progresser au sein de l'entreprise et de devenir grutier, emploi mieux classé et mieux rémunéré que celui de coffreur. Or, il a perdu toute chance de promotion professionnelle puisqu'il demeure dans l'incapacité totale et définitive pour quelque activité professionnelle que ce soit. Le salarié a été en 1986 embauché comme coffreur et n'a jamais quitté cet emploi en 25 ans, même s'il a atteint progressivement le niveau III. La Cour d'appel relève que tout en affirmant avoir effectué un stage spécifique dans l'entreprise pour accéder à la fonction de grutier, le salarié ne produit aucun document en attestant la démonstration de ce que l'emploi de grutier est un poste mieux classé et mieux rémunéré que celui de coffreur restant en outre à faire.

- Pour être accueilli et indemnisé, le préjudice professionnel résultant de l'accident doit répondre à plusieurs paramètres : il faut savoir si la victime a amorcé un cursus de qualification professionnelle laissant supposer que sans l'accident, ce cursus aurait continué ; en raison de l'accident et de ses conséquences, elle ne peut plus exercer son métier (CA Paris, 18 décembre 2008, n° 07/00935). En l'espèce, un salarié a commencé en 1996 un contrat en apprentissage dans la distribution auprès d'I. avec l'obtention dans le cadre d'un contrat de qualification, en 1999, d'un baccalauréat professionnel. A terme, après la fin de sa période d'intérim, compte tenu de la qualification obtenue, il pensait pouvoir aspirer à un poste dans la distribution. Même s'il ne rapporte pas la preuve d'une promesse d'embauche pour un poste de sa branche de qualification, la cour d'appel relève que depuis 1996, le salarié a suivi un cursus professionnel l'amenant du CAP au baccalauréat professionnel : cette progression laisse supposer que sans l'accident il aurait continué à gravir les échelons de sa profession et que les conséquences de l'accident l'empêchent d'exercer le métier bien spécifique pour lequel il a été formé. Aussi, les juges du fond ont fait droit à l'indemnisation sollicitée en allouant au salarié la somme de 100 000 euros à ce titre. Mais la perte de revenu résultant de l'accident du travail est déjà compensée par le versement d'une allocation au titre de l'incapacité permanente partielle et ne peut être indemnisée doublement, cette demande doit être rejetée.

- Ne peut être réparé le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotions professionnelles, le salarié ne rapportant pas d'élément sur les chances sérieuses qu'il aurait eues de promotions professionnelles avant l'accident sur son poste d'origine (CA Montpellier, 5 novembre 2008, n° 08/02643 N° Lexbase : A0620GLK). Même si le salarié a changé d'emploi, ce dernier n'a même pas subi la moindre perte de salaire et a bénéficié d'une indemnité compensatrice pour la perte de son salaire liée aux vendanges.

- Un salarié a été débouté de sa demande de perte de chance de promotion professionnelle alors qu'il ne justifie pas des chances sérieuses qu'il avait de pouvoir prétendre à une promotion professionnelle (CA Douai, 28 mars 2008, n° 06/00822 N° Lexbase : A9869HGM).

- Un salarié se borne à affirmer que la somme réclamée de 88 650 euros, est particulièrement modique au regard des blessures subies. Mais le salarié n'établit donc pas avoir eu des chances sérieuses de promotion dans l'entreprise (CA Bastia, ch. soc., 19 décembre 2007, n° 05/332).

- L'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, texte précis et limitatif, n'a pas, pour les juges du fond (CA Nîmes, ch. soc., 7 février 2007, n° 04/05056) pour but d'instituer la réparation d'un préjudice professionnel résultant de la perte d'emploi ou du déclassement professionnel, déjà compensé par l'attribution de la rente majorée, mais d'indemniser le salarié de la perte de chances sérieuses d'accéder par la suite, compte tenu de ses possibilités existantes et certaines, à une meilleure situation au regard de l'exercice de sa profession, ces chances n'étant d'ailleurs pas limitées à la seule carrière prévisible au sein de l'entreprise où il travaillait au moment de l'accident. En l'espèce, le salarié était âgé de cinquante-quatre ans au moment de l'accident. Il ne produit aucun bulletin de paie et ne justifie d'aucune formation ou qualification professionnelle permettant de retenir la possibilité d'une promotion dont l'accident l'aurait privé. La preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte d'emploi, déjà compensé par l'attribution de la rente majorée, n'est donc pas rapportée.

- Dans une autre affaire, l'expert a retenu un préjudice professionnel en raison de l'impossibilité d'une promotion dans le cadre d'une activité de secrétariat du fait des séquelles au niveau de la main gauche. Mais la Cour d'appel a refusé d'indemniser la perte de chance de promotion professionnelle (CA Bastia, ch. soc., 13 décembre 2006, n° 06/125). Lors de l'accident, la salariée, après avoir échoué aux épreuves du CAP de cuisine, était employée en qualité d'agent de fabrication. Au regard de son jeune âge, de sa très courte ancienneté et de l'absence de qualification du poste occupé, elle n'établit pas avoir eu des chances sérieuses de promotion dans cette entreprise ou cette filière professionnelle, et qu'elle aurait perdues par le fait de l'accident. Bref, la salariée ne justifie pas subir du fait de son accident du travail, un préjudice professionnel au sens de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale.

- Un salarié a expliqué à l'expert qu'il envisageait dès avant l'accident de se réorienter vers le transport de marchandise avec véhicule léger et que le travail en intérim avait pour objectif de réunir les fonds nécessaires à l'achat d'un véhicule. Il a modifié son projet de reconversion et occupe actuellement un emploi de conducteur de taxi, qui correspond, en terme de statut, à ce à quoi il pouvait prétendre avant son accident. La cour d'appel (CA Lyon, ch. soc., 24 octobre 2006, n° 06/02435 N° Lexbase : A8620DZB) en a déduit qu'il n'est pas fondé à invoquer la perte d'une chance de promotion professionnelle.

- La cour d'appel de Paris, par un arrêt rendu le 1er mars 2006, a également refusé l'indemnisation du préjudice lié à un accident du travail, résultant de la perte ou de la diminution de possibilité de promotion professionnelle (CA Paris, 18ème ch., sect. B, 1er mars 2006, n° 05/00244 N° Lexbase : A5042DPG). En l'espèce, un salarié, victime d'un accident du travail lié à la faute inexcusable de son employeur, réclamait aux juges d'appel une réparation à hauteur de 50 000 euros au titre de son préjudice résultant de la perte de possibilité de promotion professionnelle. Or, selon la CPAM, la preuve du préjudice invoqué au titre d'une perte de possibilité de promotion professionnelle n'était pas établie. Le salarié exposait les importantes répercussions de son accident sur son évolution professionnelle et sur ses possibilités de parvenir au poste auquel ses capacités, son expérience et sa formation devaient lui permettre d'accéder, ainsi que son impossibilité de passer le permis de cariste pour conduite latérale dont l'obtention lui aurait permis une évolution de poste et de salaire. La cour d'appel de Paris rejette cette demande, estimant que l'indemnisation du préjudice tenant de la perte ou de la diminution de possibilité de promotion professionnelle suppose que l'intéressé établisse concrètement que, avant l'accident, il avait des chances sérieuses de promotion professionnelle. Or, dès lors qu'aucune pièce produite par le salarié ne permettait l'indemnisation de ce préjudice, sa demande devait être rejetée, concluent les juges d'appel.

Mais, a contrario, certaines cours d'appel ont admis la réparation du préjudice. Par exemple, selon la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 5ème ch., 4 octobre 2012, n° 09/03789 N° Lexbase : A8618ITD), un salarié exerçant les fonctions de chef d'équipe a acquis un savoir-faire et des compétences spécifiques dans le domaine de la rénovation des bâtiments historiques qui lui avait permis de connaître des promotions régulières lui permettant d'espérer atteindre la qualification de chef de chantier. Les suites de son accident du travail ont rendu impossible la concrétisation de ses espérances à cet égard. Il doit désormais exercer les fonctions de vérificateur, d'un niveau de qualification inférieur. Ayant ainsi été privé de chances sérieuses, concrètes et avérées de promotion professionnelle, le salarié a subi un préjudice spécifique qui doit être indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.


(1) J. Charpentier, La réinsertion professionnelle : incidences pratiques sur la réparation (le point de vue de l'avocat), Etude, Responsabilité civile et assurances, n° 1, janvier 2013, dossier 7 ; J. Mazars, Les préjudices à caractère professionnel : quelques notions en évolution, Etude, Responsabilité civile et assurances n° 1, janvier 2013, dossier 9.
(2) Cons. const., décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 (N° Lexbase : A9572EZK), LSQ, n° 177, 14 septembre 2010 ; confirmé par Cass. civ. 2, 30 juin 2011, n° 10-19.475, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6615HUK), Responsabilité civile et assurances, 2011, comm. 320, obs. H. Groutel ; V. aussi Cass. civ. 2, quatre arrêts, 4 avril 2012, jonction, n° 11-14.311 et n° 11-14.594, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6498IH7), n° 11-18.014, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1272IIX), n° 11-12.299, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6497IH4) et n° 11-15.393, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6499IH8), v. nos obs., "Livre IV or not Livre IV, that is the question", Lexbase Hebdo n° 481 du 12 avril 2012- édition sociale (N° Lexbase : N1387BTK). V. également, F. Muller, Périple au royaume des préjudices indemnisables Impact de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, SSL, n° 1576 du 18 mars 2013 ; M. Ledoux et R. Bouvet, La situation des victimes s'améliore sans pour autant atteindre la réparation intégrale, SSL, n° 1550, supplément du 10 septembre 2012 ; T. Katz, Faute inexcusable : vers un élargissement des préjudices de la victime ?, JSL, n° 311/312 du 21 décembre 2011.
(3) G. Boeuf, L'indemnisation de la perte d'une chance, JSL, n° 331, 8 novembre 2012.
(4) Responsabilité civile et assurances, n° 10, octobre 2011, comm. 312, appréciation de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.
(5) Responsabilité civile et assurances n° 6, juin 2010, comm. 141.
(6) G. Vachet, La réparation de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle consécutive à un accident du travail, JCP éd. S, n° 26, 20 décembre 2005, 1453 ; Responsabilité civile et assurances n° 11, novembre 2005, comm. 318.
(7) LSQ, n° 177, 14 septembre 2010.

Décision

Cass. civ. 2, 23 mai 2013, n° 12-30.147, F-D (N° Lexbase : A9183KDH)

Rejet, CA Colmar, 22 mars 2012, n° 05/05488 (N° Lexbase : A6418ILB)

Textes concernés : CSS, art. L. 434-2 (N° Lexbase : L7111IUW), L. 452-2 (N° Lexbase : L7113IUY) et L. 452-3 (N° Lexbase : L5302ADQ)

Mots-clés : faute inexcusable, réparation, préjudice, perte de chance, promotion professionnelle, preuve, charge, salarié (oui) appréciation du juge, pouvoir souverain juges du fond.

Liens base : (N° Lexbase : E4405EXG)

newsid:437376

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Indemnisation d'un préjudice de perte d'emploi et dommages-intérêts versés au salarié déclaré inapte consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-28.799, FS-P+B+R, sur le deuxième moyen N° Lexbase : A9526KEK)

Lecture: 2 min

N7403BTD

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Le 11 Juin 2013

L'indemnisation d'un préjudice de perte d'emploi est comprise dans les dommages-intérêts alloués à l'intéressé en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclasser le salarié déclaré inapte consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-28.799, FS-P+B+R, sur le deuxième moyen N° Lexbase : A9526KEK).
Dans cette affaire, M. M. a été victime le 15 février 1998 d'un accident du travail, à la suite duquel il a été licencié pour inaptitude le 30 juin 2000. Par arrêt du 15 mai 2003, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts tant sur le fondement de l'article L. 1226-10 (N° Lexbase : L6283ISI) que de l'article L. 1226-15 (N° Lexbase : L1035H99). Par arrêt du 15 juin 2005 (Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-44.468, F-D N° Lexbase : A7548DIE), la Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt en ce qu'il avait condamné l'employeur à payer au salarié cette somme à titre de dommages-intérêts, tous chefs de préjudice confondus. Par arrêt sur renvoi du 19 septembre 2007, la cour d'appel de Nîmes a alloué au salarié la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par jugement du 5 septembre 2007, le tribunal des affaires de Sécurité sociale a reconnu le caractère inexcusable de la faute de l'employeur. Le salarié a saisi à nouveau la juridiction prud'homale. Pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité au titre de la perte d'emploi, l'arrêt de la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 27 octobre 2011, n° 10/05429 N° Lexbase : A8569H47) retient qu'en raison de la faute inexcusable à l'origine de l'inaptitude au travail du salarié, le licenciement consécutif à cette inaptitude était imputable à l'employeur. Selon la cour d'appel, le préjudice résultant de la perte d'emploi peut être notamment caractérisé par le changement de vie alors que la signature d'un contrat à durée indéterminée ouvre des perspectives d'emploi durable, par la remise en cause des projets matériels et par la souffrance morale indépendante de celle directement liée à l'accident. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) (sur les indemnités dues au salarié inapte licencié, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3132ET8).

newsid:437403

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Salarié victime d'un accident du travail : nouvelle visite médicale à l'issue de la période d'aptitude provisoire au moment d'engager la procédure de licenciement pour motif économique

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-15.313, F-P+B (N° Lexbase : A9626KEA)

Lecture: 2 min

N7406BTH

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Le 06 Juin 2013

Dès lors que le salarié, victime d'un accident du travail, a été déclaré, à l'issue de la visite de reprise, provisoirement apte, l'employeur est tenu, au moment d'engager la procédure de licenciement pour motif économique ou pendant son déroulement, de faire procéder, à l'issue de la période d'aptitude provisoire, à une nouvelle visite médicale afin de prendre en compte les préconisations définitives du médecin du travail. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-15.313, F-P+B N° Lexbase : A9626KEA).
Dans cette affaire, M. V. a été engagé en qualité de vendeur conseil, promu en dernier lieu adjoint du directeur de magasin. Victime d'un accident du travail, il s'est trouvé en arrêt de travail du 21 février 2002 au 30 novembre 2003. A la suite de la visite de reprise effectuée le 1er décembre 2003, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude provisoire pendant quinze jours, excluant les efforts de manutention manuelle. Avant l'expiration de ce délai, le salarié a été licencié pour motif économique le 11 décembre 2003. L'employeur fait grief à l'arrêt de la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 1ère ch., 10 janvier 2012, n° S 09/02218 N° Lexbase : A1062IAL) de le condamner à payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'en cas de suspension du contrat du salarié à la suite d'un accident de travail, la visite de reprise met fin à cette suspension. Pour la Haute juridiction, après avoir constaté que le salarié, qui avait, à l'issue d'une visite de reprise le 1er décembre 2003, été déclaré provisoirement apte, devait être revu par le médecin du travail dans le délai de quinze jours, la cour d'appel a exactement retenu qu'en ne mettant pas ce salarié en mesure de se soumettre à une nouvelle visite médicale, l'employeur n'avait pas pu proposer valablement au salarié un poste de reclassement (sur la nullité du licenciement intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3105ET8).

newsid:437406

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Différend sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie : avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-18.021, F-P+B (N° Lexbase : A9406KE4)

Lecture: 2 min

N7412BTP

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Le 06 Juin 2013

Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5309ADY), le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse. Ainsi, la cour d'appel est tenue de recueillir cet avis lorsque le tribunal a méconnu cette disposition. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-18.021, F-P+B N° Lexbase : A9406KE4).
Dans cette affaire, Mme S. a déclaré, le 27 juillet 2006, être atteinte d'un syndrome dépressif consécutif au harcèlement qu'elle subissait de la part de sa hiérarchie. La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, par décision du 31 juillet 2007, a décidé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Ile-de-France. L'employeur et Mme S. ont saisi une juridiction de Sécurité sociale, le premier pour contester cette décision, la seconde pour faire reconnaître que son employeur avait commis une faute inexcusable. Pour rejeter la demande de l'employeur, l'arrêt de la cour d'appel (CA Versailles, 23 février 2012, n° 10/02406 N° Lexbase : A1827IDZ) retient que le lien de causalité direct et essentiel entre la réalité du climat de tension dans lequel travaillait Mme S. et le syndrome réactionnel médicalement constaté est établi et que l'employeur, qui n'apporte aucun élément contraire, soutient en vain que ce lien ne ressort que des propos de la salariée transcrits par les médecins. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation des articles L. 461-1, et R. 142-24-2, alinéa 1er (N° Lexbase : L6240ADH), du Code de la Sécurité sociale. En effet, alors que la maladie n'était pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles, que la caisse avait suivi l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et que le tribunal des affaires de Sécurité sociale n'avait pas recueilli l'avis d'un autre comité, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à cette formalité, a violé les textes susvisés (sur la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle, cf. l’Ouvrage "Protection sociale" N° Lexbase : E3089ETL).

newsid:437412

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles : pas de notification de l'avis du comité à l'employeur

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.440, F-P+B (N° Lexbase : A9419KEL)

Lecture: 2 min

N7416BTT

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Le 06 Juin 2013

L'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles s'impose à la caisse en application de l'article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5309ADY) et celle-ci n'est dès lors pas tenue de notifier l'avis du comité avant de prendre sa décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie mais seulement de notifier immédiatement cette décision. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.440, F-P+B N° Lexbase : A9419KEL).
Dans cette affaire, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle, saisi par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de l'affection dont souffre Mme G. salariée de la société S., a rendu un avis motivé le 5 février 2009. La caisse a notifié, le 16 février suivant, à l'employeur la clôture de l'instruction et l'a invité à venir consulter le dossier avant sa prise de décision, laquelle est intervenue le 2 mars 2009. L'employeur a contesté l'opposabilité de cette décision devant une juridiction de Sécurité sociale. Pour accueillir ce recours, l'arrêt de la cour d'appel énonce que l'avis du comité retenant l'existence d'un lien entre la maladie et l'activité professionnelle ne pouvait que conduire la caisse à une décision de prise en charge. Selon la cour d'appel, cet avis faisant grief à l'employeur, la caisse était tenue, en application de l'article R. 441-11 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6173IED), d'informer celui-ci de l'avis du comité avant de prendre sa décision et la décision de prise en charge est donc inopposable à l'employeur. Après avoir rappelé que l'avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est rendu à la caisse primaire qui notifie immédiatement à la victime ou à ses ayants droit la décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie qui en résulte et que cette notification est envoyée à l'employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception lorsqu'elle lui fait grief, la Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article D. 461-30 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9509IGB) (sur la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle, cf. l’Ouvrage "Protection sociale" N° Lexbase : E3089ETL).

newsid:437416

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Caractère professionnel d'une maladie : preuve de l'obligation d'informer l'employeur de sa possibilité de consulter les pièces du dossier

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.075, F-P+B (N° Lexbase : A9644KEW)

Lecture: 1 min

N7417BTU

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Le 06 Juin 2013

Est rapportée la preuve que la caisse a satisfait à son obligation d'informer l'employeur de sa possibilité de consulter les pièces du dossier lorsqu'elle produit le relevé justifiant de la transmission d'une télécopie et du nombre de pages numérisées et confirmées. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.075, F-P+B N° Lexbase : A9644KEW).
Dans cette affaire, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ayant reconnu le caractère professionnel d'une maladie déclarée le 7 juin 2009 par Mme L., salariée de la société A., cette dernière a contesté devant une juridiction de sécurité sociale l'opposabilité de cette décision à son égard. Elle fait grief à l'arrêt de la cour d'appel (CA Rouen, 29 février 2012, n° 11/00548 N° Lexbase : A0245IPR) de la débouter de sa demande, alors qu'un rapport d'émission (ou relevé de transmission) de télécopie n'apporte pas à lui seul la preuve de la réception de la télécopie par son destinataire. Après avoir constaté qu'une première télécopie de la caisse avait nécessairement été reçue par la société puisqu'elle y avait répondu, l'arrêt de la cour d'appel retient que, par une seconde télécopie du 31 août 2009, comportant la mention "recommandé avec accusé de réception", la caisse a informé celle-ci de la possibilité de consulter les pièces du dossier, sa décision devant intervenir le 13 septembre 2009. La cour d'appel énonce que la caisse produit le relevé justifiant de la transmission de cette seconde télécopie et du nombre de pages numérisées et confirmées et que le numéro de télécopie correspond à celui utilisé pour les envois précédents. Pour la Haute juridiction, la preuve d'un fait juridique pouvant être rapportée par tout moyen, y compris par présomption, la cour d'appel a pu décider que la caisse avait satisfait à son obligation d'informer l'employeur (sur le dossier constitué par la caisse en matière d'accident du travail, cf. l’Ouvrage "Protection sociale" N° Lexbase : E3070ETU).

newsid:437417

Contrat de travail

[Jurisprudence] Action en concurrence déloyale et violation d'une obligation de non-concurrence

Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-19.351, FS-P+B (N° Lexbase : A5011KDX)

Lecture: 9 min

N7319BTA

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 06 Juin 2013

Lorsqu'un salarié vient à violer la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail, il engage, à l'évidence, sa responsabilité à l'égard de son ancien employeur, créancier de l'obligation en cause. Mais ce dernier peut aussi agir contre le nouvel employeur du salarié fautif, dès lors qu'il est démontré qu'il a engagé celui-ci en sachant qu'il était lié par une clause de non-concurrence. Dans ce cas, c'est la responsabilité délictuelle du nouvel employeur qui sera recherchée, au moyen d'une action en concurrence déloyale. Une telle action échappe, par hypothèse, à la juridiction prud'homale et sera généralement soumise au juge commercial, dès lors que le litige oppose deux sociétés commerciales. Il n'en demeure pas moins que ce litige est intimement lié à la violation par le salarié de son obligation de non-concurrence. Il en résulte de délicats problèmes d'articulation entre les compétences du conseil de prud'hommes et du tribunal de commerce. L'arrêt rendu le 14 mai 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation illustre cette situation, tout en apportant d'importantes réponses aux questions qu'elle fait naître.
Résumé

La cour d'appel, qui était saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, a énoncé à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs.

La société poursuivie pour concurrence déloyale ayant indiqué dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X un poste hors du territoire protégé, la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer.

Le nouvel employeur ne discutait pas la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X et, s'agissant de Mme Y, se bornait à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler, sans prétendre que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace. Elle ne peut donc reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir effectué des recherches qui ne lui étaient pas demandées.

Observations

I - La sanction du nouvel employeur en cas de violation d'une clause de non-concurrence

Les règles de principe. Il peut arriver que la violation d'une obligation de non-concurrence à laquelle est tenu un salarié en application de son contrat de travail intervienne avec la complicité d'un nouvel employeur, qui aide en quelque sorte le salarié à transgresser l'interdiction en cause (1). Dans une telle hypothèse, la responsabilité du nouvel employeur, tiers complice de la violation de l'obligation de non-concurrence, pourra être engagée par l'ancien employeur, au moyen d'une action en concurrence déloyale, fondée sur les articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil. Il y a là une conséquence du principe dégagé par la jurisprudence selon lequel toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction (2).

Il faut, en outre, souligner que l'action en concurrence déloyale engagée contre le nouvel employeur du salarié devant la juridiction commerciale, qui n'a ni le même objet, ni la même cause et qui n'oppose pas les mêmes parties, ne fait pas obstacle à ce que l'ancien employeur agisse contre son ancien salarié en réparation du préjudice qu'il lui a causé par sa faute (3). Cette dernière action devra, bien évidemment, être introduite devant la juridiction prud'homale.

Dès lors que l'action en concurrence déloyale est liée à la violation par le salarié de son obligation de non-concurrence, diverses difficultés peuvent surgir au moment de l'action en justice de l'ancien employeur. L'arrêt sous examen est révélateur d'une telle problématique.

L'affaire. En l'espèce, la société S., société de travail intérimaire, employait M. X, commercial, et Mme Y, secrétaire. Consécutivement à leur démission, intervenue en août 2010, ces deux salariés avaient ensuite été embauchés par une société concurrente, la société G.. Faisant valoir que ces derniers étaient tenus par une clause de non-concurrence et invoquant un détournement de clientèle, la société S. a fait assigner la société G. en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

La société G. faisait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à cette demande. A l'appui de son pourvoi, elle invoquait divers arguments.

Tout d'abord, elle soutenait qu'une action fondée sur la complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence, qui relève de la compétence de la juridiction commerciale, suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de cette clause par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale. Par suite, il appartient à l'ancien employeur, qui prétend agir en concurrence déloyale contre le nouvel employeur de son ancien salarié, de faire préalablement constater la violation de la clause de non-concurrence par son salarié.

Ensuite, la société demanderesse arguait que l'aveu judiciaire ne peut porter que sur un point de fait et que l'employeur d'un salarié tenu, à l'égard de son précédent employeur, par une clause de non-concurrence, ne peut reconnaître que la clause a vocation à s'appliquer, ce qui suppose une appréciation juridique de la validité de la clause.

Enfin, la société G. soutenait que responsabilité de l'employeur d'un salarié tenu par une clause de non-concurrence liant ce dernier à un précédent employeur ne peut être engagée qu'à charge pour le juge de vérifier la licéité de la clause de non-concurrence. Il appartient ainsi au juge de vérifier que la clause de non-concurrence est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié.

La solution. Aucun des arguments invoqués par le nouvel employeur n'aura convaincu la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi.

Elle affirme, en premier lieu, que la cour d'appel, qui était saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, a énoncé à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs.

En deuxième lieu, elle souligne que la société G. ayant indiqué dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X un poste hors du territoire protégé, la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer.

En troisième et dernier lieu, elle relève que, devant la cour d'appel, la société G. ne discutait pas la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X et, s'agissant de Mme Y, se bornait à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler, sans prétendre que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace. Elle ne peut donc reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir effectué des recherches qui ne lui étaient pas demandées.

II - Les modalités de la poursuite du nouvel employeur

Les pouvoirs du juge commercial.

Il ne saurait être discuté, et ce n'était d'ailleurs pas le cas en l'espèce, que l'action en concurrence déloyale, serait-elle fondée sur la complicité dans la violation d'une obligation de non-concurrence pesant sur un salarié, doit être portée devant le tribunal de commerce, dès lors qu'elle oppose deux sociétés commerciales. Cela étant, cette juridiction doit-elle s'abstenir de statuer dès lors que la juridiction prud'homale n'a pas rendu de décision sur la validité de la clause de non-concurrence et sur sa violation par les salariés concernés ? La Cour de cassation répond en l'espèce par la négative. Cette solution doit être approuvée, ne serait-ce que parce qu'admettre l'inverse reviendrait à paralyser l'action en concurrence déloyale ou, plus exactement, à soumettre sa recevabilité au fait que l'ancien employeur agisse d'abord contre le ou les salariés en violation de la clause de non-concurrence.

Pour autant, la solution retenue par la Chambre commerciale laisse clairement entendre qu'il doit en aller différemment si le conseil de prud'hommes a été saisi d'un litige relatif à la clause de non-concurrence par les parties au contrat de travail. Dans ce cas, il semble que la juridiction commerciale doive surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge du travail (4). Si tel n'est pas le cas, la juridiction commerciale conserve une pleine compétence pour trancher l'action en concurrence déloyale. Mais, dans la mesure où celle-ci est fondée sur la complicité dans la violation de la clause de non-concurrence, cette juridiction peut être amenée à se prononcer sur l'application de la clause de non-concurrence et sur sa validité.

Application de la clause de non-concurrence. Lorsque le nouvel employeur est poursuivi pour tierce complicité dans la violation de l'obligation de non-concurrence qui lie un salarié, est fréquemment en cause la question de la preuve de la connaissance de la clause de non-concurrence par le nouvel employeur (5). Tel n'était toutefois pas le cas en l'espèce, le nouvel employeur contestant l'applicabilité de la clause de non-concurrence ou, plus exactement, contestant avoir reconnu que celle-ci s'appliquait à lui (6). Il est vrai qu'il y a une différence entre prétendre ne pas connaître l'existence d'une clause de non-concurrence et considérer qu'elle n'est pas applicable au nouvel employeur.

En l'espèce, et ainsi qu'il a été vu, l'argumentation de ce dernier avait trait à la portée de l'aveu judiciaire et, plus particulièrement, à la règle selon laquelle celui-ci ne peut porter que sur un fait. Le nouvel employeur soutenait, en substance, qu'il ne peut y avoir reconnaissance de l'applicabilité d'une clause de non-concurrence, question de fait, sans appréciation de sa validité, question de droit. Il s'agit pourtant là de deux choses bien distinctes ; ce que confirme la solution de la Chambre commerciale. Ainsi qu'elle le relève, en indiquant dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X un poste "hors du territoire protégé" (sous-entendu par la clause de non-concurrence), la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer.

Il ne faudrait toutefois pas déduire de cette solution que le nouvel employeur ne peut pas contester l'applicabilité d'une clause de non-concurrence. Au contraire, la Cour de cassation a estimé, dans un litige entre un ancien et un nouvel employeur, que le tribunal de commerce peut connaître de la contestation formée en défense par le nouvel employeur et relative à l'applicabilité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail qui lui était opposé (7). Mais, encore faut-il, pour cela, que le nouvel employeur n'ait pas admis que la clause lui était applicable...

Validité de la clause de non-concurrence. Dès lors que l'action en concurrence déloyale intentée contre le nouvel employeur est fondée sur la complicité de violation d'une obligation de non-concurrence, ce dernier est en mesure d'invoquer, pour sa défense, l'inopposabilité de la clause en raison de sa nullité (8). A cette fin, le nouvel employeur peut soutenir que la clause n'est pas indispensable à la protection de l'intérêt légitime de l'entreprise, qu'elle n'est pas limitée dans le temps et dans l'espace, ou encore qu'elle ne comporte pas de contrepartie pécuniaire à la charge de l'ancien employeur.

Mais, et c'est un autre des enseignements de l'arrêt rapporté, il importe dans ce cas que le nouvel employeur saisisse véritablement le juge d'une telle contestation. Or, en l'espèce, et ainsi que le relève la Chambre commerciale, la société G. n'avait pas discuté la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X, devant la cour d'appel. S'agissant de Mme Y, cette même société s'était bornée à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler. Si l'on comprend bien la solution retenue, cette contestation ne pouvait être assimilée à une discussion relative à la licéité de la clause, puisqu'il n'était pas prétendu que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace. En conséquence, il ne pouvait être reproché à la cour d'appel de n'avoir pas examiné la validité de la clause litigieuse.

La solution peut ici apparaître bien rigoureuse. En effet, en faisant référence aux fonctions de la salariée et, partant, à l'impossibilité de lui imposer une obligation de non-concurrence, il est permis de considérer que le nouvel employeur contestait, en réalité, l'existence d'un intérêt légitime de l'entreprise à imposer une telle obligation de la salariée. Mais il est vrai que cette contestation n'était pas explicite. Il faut ainsi comprendre que le nouvel employeur a tout intérêt à formuler très clairement sa contestation.


(1) V. en ce sens, Y. Picod et S. Robinne, Rép. trav. Dalloz, v° Concurrence (obligation de non-concurrence), 2009, n° 105.
(2) Y. Picod et S. Robinne, op. cit., n° 105 et la jurisprudence citée.
(3) Cass. com., 24 mars 1998, n° 96-15.694, publié (N° Lexbase : A5468ACI), Bull. civ. IV, n° 111 ; Cass. soc., 28 janvier 2005, n° 02-47.527, F-P+B (N° Lexbase : A2966DGX), Bull. civ. V, n° 36.
(4) Ainsi qu'il est souligné, "le sursis à statuer est souvent justifié par l'existence d'une autre instance dont l'issue est susceptible d'exercer une influence, déterminante, sur celle dont le juge est saisi", L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Lexis Nexis, 7ème édition, 2011, n °685.
(5) V. sur la question ; Y. Picod et S. Robinne, op. cit., n° 107 et 108.
(6) On admettra que, ce faisant, il reconnaissait avoir eu connaissance de l'existence de la clause.
(7) Cass. com., 27 mars 2001, n° 99-11.320, FS-P (N° Lexbase : A0937ATU), Bull. civ. IV, n° 68.
(8) Cass. com., 29 janvier 2008, n° 06-18.654, F-P+B (N° Lexbase : A6003D44), Bull. civ. IV, n° 22.

Décision

Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-19.351, FS-P+B (N° Lexbase : A5011KDX)

Rejet, CA Lyon, 24 février 2012, n° 10/08063 (N° Lexbase : A2996IDC)

Textes concernés : C. civ., art. 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR)

Mots-clés : clause de non-concurrence, violation, action contre le nouvel employeur, concurrence déloyale

Liens base : (N° Lexbase : E8744ESN)

newsid:437319

Cotisations sociales

[Brèves] Calcul des seuils d'effectif auquel sont conditionnées certaines taxes ou contributions : prise en compte des salariés à temps partiel

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.741, F-P+B (N° Lexbase : A9457KEY)

Lecture: 2 min

N7418BTW

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Le 06 Juin 2013

Pour déterminer si une entreprise atteint un seuil d'effectif auquel sont conditionnées certaines taxes ou contributions, les salariés dont les contrats de travail à temps partiel ne mentionnent pas la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail doivent être comptés dans l'effectif pour une unité. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-19.741, F-P+B N° Lexbase : A9457KEY).
Dans cette affaire, à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, l'URSSAF de Paris et de la Région parisienne a décidé un redressement résultant, notamment, de l'assujettissement de la société D. au versement de transport, à la contribution au Fonds national de l'aide au logement et à la taxe de prévoyance, en se fondant sur le fait que les conventions liant cette société de formation à des formateurs occasionnels ne prévoyaient pas, contrairement aux prescriptions de l'article L. 3123-14 du Code du travail (N° Lexbase : L3882IBE), la répartition des heures de travail prévues par semaine ou par mois. Une contrainte ayant été décernée à l'encontre de la société, celle-ci a formé opposition devant une juridiction de Sécurité sociale. Pour annuler ces chefs de redressement, l'arrêt de la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 1ère ch., 22 mars 2012, n° 10/02453 N° Lexbase : A3528IGR) relève que les formateurs occasionnels avaient une activité réglementairement limitée à trente jours par année civile et que ces salariés n'exerçaient pas au-delà de cette limite ; qu'il retient qu'ils devaient être comptés par l'URSSAF, pour la détermination du seuil d'assujettissement, en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail ou constatés par la durée légale ou conventionnelle. Après avoir rappelé que pour déterminer la date et la périodicité de versement des cotisations, les effectifs des salariés sont calculés au 31 décembre de chaque année, en tenant compte de tous les établissements de l'entreprise et que le contrat de travail à temps partiel doit mentionner, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, la Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation des articles R. 243-6 III du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4910HZU) et L. 3123-14 du Code du travail (sur les salariés pris en compte dans l'effectif de l'entreprise, cf. l’Ouvrage "Protection sociale" N° Lexbase : E4312AUA).

newsid:437418

Droit social européen

[Brèves] Transmission à la CJUE : les personnes placées dans un établissement et service d'aide par le travail relèvent-elles du statut de travailleur ?

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-22.376, FS-P+B (N° Lexbase : A9675KE3)

Lecture: 2 min

N7401BTB

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Le 06 Juin 2013

Est renvoyée à la CJUE la question de savoir si les personnes placées dans un établissement et service d'aide par le travail (ESAT ; ancien centre d'aide par le travail -CAT-) relèvent du statut de travailleur au sens du droit de l'Union européenne alors qu'elles se trouvent dans une structure aménagée aux fins de les faire accéder à une vie tant sociale que professionnelle et qu'elles se trouvent incapables d'exercer dans le secteur ordinaire de production ou en atelier protégé et, dans l'affirmative, de savoir si les intéressés sont fondés dans un litige entre particuliers à se prévaloir des dispositions de l'article 31 de la charte telles que précisées par celles de l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM), aux fins de voir écarter toute disposition nationale contraire faisant obstacle à l'applicabilité de ce droit. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-22.376, FS-P+B N° Lexbase : A9675KE3).
Dans cette affaire, un usager d'un ESAT a saisi ce tribunal pour obtenir le paiement d'une somme à titre de congés payés non acquis et non pris pour les périodes du 1er juin 2003 au 31 mai 2004 et du 1er juin 2004 au 31 mai 2005. L'intéressé fait grief au jugement de rejeter sa demande soutenant que l'article 7 de la Directive 2003/88/CE s'applique à tout travail et garantit un congé annuel payé d'une durée minimale de quatre semaines. Selon les dispositions de l'article L. 344-2 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L8845G84), les ESAT accueillent les adolescents et adultes handicapés qui ne peuvent, momentanément ou durablement, travailler ni dans les entreprises ordinaires ni dans un atelier protégé ou pour le compte d'un centre de distribution de travail à domicile ni exercer une activité professionnelle indépendante. Les personnes handicapées placées en ESAT, à la différence de celles exerçant en atelier protégé, n'ont pas le statut de salarié et ne sont pas liées par un contrat de travail avec ces établissements. La Cour de cassation rappelle que seules sont applicables à ces personnes les règles issues du Code du travail relatives à l'hygiène et à la sécurité, la médecine du travail et qu'en l'état du droit applicable à l'espèce, aucune disposition ne prévoyait l'ouverture de droit à congés payés. Elle précise également que selon l'arrêt du 22 février 2007 (CE Contentieux, 22 février 2007, n° 264541 N° Lexbase : A2709DUU) du Conseil d'Etat, si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975 (N° Lexbase : L6688AGS), éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le travail revête le caractère d'une mission de service public.

newsid:437401

Emploi

[Brèves] Conditions d'emploi des crédits de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE)

Réf. : Circulaire n° 2013/218 du 30 mai 2013, relative aux conditions d'emploi des crédits de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE) (N° Lexbase : L9300IWD)

Lecture: 1 min

N7324BTG

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Le 06 Juin 2013

La circulaire n° 2013/218 du 30 mai 2013, relative aux conditions d'emploi des crédits de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE) (N° Lexbase : L9300IWD) vise à répartir l'enveloppe budgétaire consacrée à l'APRE déconcentrée en 2013 et à rappeler le cadre général du financement de cette aide, notamment, les conditions et modalités de mobilisation de l'enveloppe départementale. Elle précise, également, les modalités de suivi et de pilotage du dispositif APRE et de ses crédits, au travers de la remontée d'information organisée à cet effet : une enquête annuelle et un bilan semestriel constituent les principaux outils de restitution d'information sur l'APRE. Régie par les articles L. 5133-8 (N° Lexbase : L0943ICW) et suivants et R. 5133-9 (N° Lexbase : L0970IEN) et suivants du Code du travail, l'APRE est destinée aux bénéficiaires du RSA légalement tenus à l'obligation de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de leur propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle et qui, à titre personnel, sont sans emploi ou tirent, de leur activité professionnelle, des revenus inférieurs au montant fixé par le décret n° 2009-404 du 15 avril 2009 (N° Lexbase : L0268IEN) à 500 euros par mois. L'APRE est financée par l'Etat, via le Fonds national des solidarités actives (FNSA). Le montant global des crédits APRE déconcentrés mobilisables en 2013 s'élève à 76,12 millions d'euros. Elle est répartie par le président du conseil de gestion du FNSA entre deux enveloppes : une enveloppe déconcentrée, répartie entre les départements par le président du FNSA, en fonction du nombre prévisionnel de bénéficiaires du RSA tenus à l'obligation d'insertion. La répartition entre organismes attributaires relève de l'autorité préfectorale départementale ; une enveloppe nationale, confiée à Pôle emploi afin d'abonder les aides et mesures de droit commun attribuées par cet opérateur aux bénéficiaires du RSA rencontrant des difficultés particulières et de financer des aides innovantes adaptées à la situation de ces publics. A compter de 2013, Pôle emploi ne gère plus d'enveloppe d'APRE nationale mais il peut intervenir au niveau local dans le cadre de la gestion de l'APRE déconcentrée .

newsid:437324

Retraite

[Brèves] Classement individuel des marins pour l'obtention d'une pension

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-15.158, F-P+B (N° Lexbase : A9515KE7)

Lecture: 2 min

N7410BTM

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Le 06 Juin 2013

Les marins accomplissant des services admis en compte pour la pension sont classés, par décisions individuelles du ministre chargé de la Marine marchande, compte tenu de l'avancement qu'ils auraient pu obtenir normalement en continuant à naviguer. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-15.158, F-P+B N° Lexbase : A9515KE7).
Dans cette affaire, M. P., après avoir exercé des fonctions de 15ème catégorie dans la marine marchande au sein d'une société maritime, en qualité de second capitaine, de commissaire ou de second mécanicien jusqu'en novembre 1999, a été affecté à terre à des fonctions d'inspection et de direction au sein de cet armement. Il a été surclassé en 16ème catégorie à effet du 12 septembre 2005 par décision du 22 septembre 2005 de l'Etablissement national des invalides de la marine. Estimant devoir bénéficier de classements en 18ème, 19ème, puis 20ème catégorie compte tenu de l'avancement qu'il aurait pu obtenir en continuant à naviguer, l'intéressé a contesté devant une juridiction de sécurité sociale le refus de l'ENIM de lui attribuer ces catégories. Pour le débouter de ses demandes, l'arrêt de la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 11 janvier 2012, n° 10/03797 N° Lexbase : A7664IA4) énonce qu'un "classement individuel supérieur" ne peut relever que d'une décision ministérielle individuelle, décision qui n'a jamais été prise et ne revêt aucun caractère automatique. Après avoir rappelé que l'Etablissement national des invalides de la marine est un établissement public destiné à gérer, sous l'autorité directe du ministre chargé de la marine marchande, les services d'assurance des marins de commerce, de pêche, de culture marine et de plaisance contre la vieillesse, le décès, les accidents, la maladie et l'invalidité, la Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article 1er du décret n° 53-953 du 30 septembre 1953, en vigueur lors du litige et l'article 2, alinéa 3, du décret n° 52-540 du 7 mai 1952 (N° Lexbase : L3513HKC) modifié par le décret n° 76-562 du 21 juin 1976. En effet, la cour d'appel aurait dû rechercher si les brevets et les états de service de l'intéressé justifiaient ou non un classement dans une catégorie supérieure.

newsid:437410

Procédure

[Brèves] Modalités de recours : précision du lieu où celui-ci doit être exercé

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-13.357, FS-P+B (N° Lexbase : A9456KEX)

Lecture: 1 min

N7404BTE

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Le 06 Juin 2013

Constitue une modalité du recours le lieu où celui-ci doit être exercé. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-13.357, FS-P+B N° Lexbase : A9456KEX).
Dans cette affaire, un jugement du conseil de prud'hommes de Versailles lui ayant été notifié le 8 avril 2010, M. R. a interjeté appel devant la cour d'appel de Paris le 3 mai 2010 avant de se désister de son appel et de saisir la cour d'appel de Versailles par lettre recommandée du 31 mai 2010. Pour dire l'appel irrecevable comme tardif, l'arrêt de la cour d'appel (CA Versailles, 1er décembre 2011, n° 10/03161 N° Lexbase : A1944H3E) retient que la notification du jugement avait fait valablement courir le délai d'appel au motif qu'aucun texte n'exige de mentionner dans l'acte de notification d'une décision la juridiction territorialement compétente pour connaître du recours. Après avoir rappelé que l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai de recours ainsi que les modalités selon lesquelles celui-ci doit être exercé, la Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation de l'article 680 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0423ITT) (sur la notification du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3811ETC).

newsid:437404

Procédure

[Brèves] Action en restitution des allocations de logement indûment versées entre les mains du bailleur : prescription de droit commun

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-17.964, F-P+B (N° Lexbase : A9550KEG)

Lecture: 1 min

N7411BTN

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Le 06 Juin 2013

L'action en restitution des allocations de logement indûment versées entre les mains du bailleur, au titre du paiement direct, qui relève du régime spécifique des quasi-contrats, n'est pas soumise à la prescription abrégée de l'article 2277 du Code civil (N° Lexbase : L7196IAR) mais à la prescription de droit commun, qui était trentenaire et est devenue quinquennale depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I). Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-17.964, F-P+B N° Lexbase : A9550KEG).
Dans cette affaire, le 17 septembre 2010, la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a décerné à l'encontre de Mme A. une contrainte pour obtenir le remboursement des sommes versées entre ses mains de décembre 2004 à septembre 2005, au titre du paiement direct de l'allocation de logement dont bénéficiait sa locataire. Mme A. a formé opposition auprès d'une juridiction de Sécurité sociale. Pour annuler la contrainte, le jugement retient qu'est applicable la prescription de droit commun, c'est-à-dire la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du Code civil. Selon le TASS, les sommes dont il est demandé la restitution correspondent à des versements mensuels, puisqu'attachés aux loyers versés à la bailleresse, de sorte que la prescription de l'action a commencé à courir pour chaque somme versée à compter de sa date de paiement et que la dernière somme ayant été versée en septembre 2005 et la lettre recommandée interruptive du délai de prescription ayant été reçue le 22 septembre 2010, l'ensemble des arrérages versés est prescrit. La Haute juridiction infirme le jugement pour une violation des articles 2277, 2262 anciens (N° Lexbase : L2548ABY) et 2222 nouveau (N° Lexbase : L7186IAE) du Code civil .

newsid:437411

Procédure

[Brèves] Péremption de l'instance en l'absence d'accomplissement des diligences

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-20.197, FS-P+B (N° Lexbase : A9582KEM)

Lecture: 1 min

N7420BTY

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Le 06 Juin 2013

L'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-20.197, FS-P+B N° Lexbase : A9582KEM).
Dans cette affaire, M. C., victime, le 20 août 2003, d'un accident du travail, a saisi une juridiction de Sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société S.. Ayant, par jugement du 19 mars 2007, accueilli sa demande et ordonné une expertise, cette juridiction, par jugement du 15 septembre 2008, a ordonné la radiation de l'affaire, en l'absence de diligence des parties. M. C. ayant, le 9 septembre 2010, sollicité le rétablissement de cette affaire en vue d'obtenir la réparation de son préjudice, l'employeur lui a opposé la péremption de l'instance. Pour déclarer l'instance éteinte par la péremption, l'arrêt de la cour d'appel (CA Rennes, 25 avril 2012, n° 11/00674 N° Lexbase : A2590IK7) retient que le non-respect de l'injonction de conclure, faite aux parties par le tribunal à l'audience du 19 mai 2008, a entraîné la péremption de l'instance dans le délai de deux ans, soit le 20 mai 2010, alors que M. C. n'a sollicité le rétablissement de l'affaire que le 9 septembre 2010. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation des articles R. 142-22 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6516IRR), ensemble l'article 386 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2277H44). En effet, la cour d'appel aurait dû rechercher si les diligences prescrites avaient été mises à la charge des parties par un jugement de la juridiction ou par une ordonnance de son président (sur les mesures d'instruction du tribunal aux affaires de la Sécurité sociale, cf. l’Ouvrage "Protection sociale" N° Lexbase : E8049ADH).

newsid:437420

Procédure prud'homale

[Brèves] Indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail : compétence exclusive du tribunal des affaires de Sécurité sociale en présence ou non d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-20.074, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9450KEQ)

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N7400BTA

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Le 08 Juin 2013

Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de Sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-20.074, FS-P+B+R N° Lexbase : A9450KEQ).
Dans cette affaire, victime, le 17 janvier 2006 d'une chute dans un escalier qualifiée accident du travail, une salariée a été déclarée définitivement inapte à son poste par le médecin du travail le 10 mai 2006 et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 juin 2007. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement et demander la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement à son obligation de sécurité. Pour déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et accueillir la demande de la salariée tendant au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt de la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 27 avril 2011, n° 09/06406 N° Lexbase : A3101HPK) retient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ouvraient droit à réparation. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation des articles L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS) et L. 142-1 (N° Lexbase : L3194IGE) du Code de la Sécurité sociale. En effet, l'accident ayant été admis au titre de la législation professionnelle, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité, la salariée demandait en réalité la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail dont elle avait été victime (sur les domaines légalement exclus de la compétence du conseil de prud'hommes, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3729ETB).

newsid:437400

Procédure prud'homale

[Brèves] Acceptation par les salariés du désistement d'appel : pas de renonciation aux prétentions qui n'ont pas été tranchées par le jugement

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-14.052, FS-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A9628KEC)

Lecture: 2 min

N7405BTG

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Le 06 Juin 2013

L'acceptation par les salariés du désistement d'appel de l'employeur n'emporte pas, sauf déclaration expresse en ce sens, renonciation aux prétentions qui n'ont pas été tranchées par le jugement. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-14.052, FS-P+B, sur le premier moyen N° Lexbase : A9628KEC).
Dans cette affaire, plusieurs salariés ont été engagés verbalement à temps partiel en qualité de distributeur d'imprimés publicitaires, les deux premiers en septembre 1989, la dernière en juin 1996, par la société D., aux droits de laquelle sont venues la société K., puis la société A.. Un des salariés a démissionné en juillet 2005, puis a été réengagé le 23 janvier 2006. Les salariés ont, le 20 avril 2007, saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la requalification de leur contrat à temps partiel en contrat à temps complet, à sa résiliation judiciaire et au paiement de rappels de salaire, de dommages-intérêts pour non-paiement de salaires, d'indemnités au titre de la rupture et d'indemnité pour travail dissimulé. Par jugements du 19 octobre 2009, le conseil de prud'hommes a, entre autres dispositions, prononcé la résiliation judiciaire des contrats de travail, condamné l'employeur au paiement d'indemnités de rupture et de rappel de salaire et s'est déclaré en partage de voix sur les demandes d'indemnité pour travail dissimulé. La société A. a formé appel général de ces jugements, puis s'en est désistée. Les désistements ayant été acceptés par les salariés, la cour d'appel les a, par arrêts du 25 mars 2010, déclarés parfaits. Par jugements du 1er juillet 2010, le juge départiteur s'est déclaré régulièrement saisi des demandes d'indemnité pour travail dissimulé au motif qu'à la suite des désistements d'appel, les jugements du 19 octobre 2009 avaient repris leur plein et entier effet, de sorte que l'instance n'était pas éteinte. L'employeur fait grief aux arrêts de la cour d'appel (v. not., CA Orléans, 15 décembre 2011, n° 10/02194 N° Lexbase : A3590H8H) de confirmer les jugements du 1er juillet 2010 alors que l'acceptation sans réserve par le salarié du désistement d'appel général de l'employeur emporte renonciation du salarié à se prévaloir d'une demande qui avait été portée devant la cour d'appel du fait de l'effet dévolutif de l'appel. Après avoir énoncé que les salariés n'avaient pas renoncé à ces réclamations, la Haute juridiction rejette les pourvois (sur l'unicité de l'instance et les demandes dérivant d'un même contrat, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3762ETI).

newsid:437405

Protection sociale

[Questions à...] QPC : la licéité des clauses de désignation mise en cause - Questions à Maître Benoît Fleury, avocat au cabinet Gibson Dunn

Lecture: 7 min

N7372BT9

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par Elise Rossi, SGR Protection sociale

Le 06 Juin 2013

L'article 1er de la future loi de sécurisation de l'emploi n'en finit plus de faire parler de lui. Après avoir été l'objet d'une saisine devant le Conseil constitutionnel, l'assureur Allianz a formé le 22 mai 2013 devant le Conseil d'Etat et la cour d'appel de Paris une QPC sur la conformité constitutionnelle de l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2620HIU), dans le contexte d'une désignation d'une institution de prévoyance dans la branche de la pharmacie d'officine. La controverse porte sur la validité et la pertinence du recours aux clauses de désignation d'organisme assureur, dans le cadre de la généralisation de la couverture santé par la loi de sécurisation de l'emploi. L'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale définit la pratique de ces clauses. Dans la continuité, les clauses de migration imposent à l'ensemble des entreprises et des salariés de la profession concernée l'adhésion au système de branche et donc au contrat de l'organisme désigné. Il semble qu'à travers ce vif débat le véritable enjeu est celui de la conception, de la philosophie même à donner à la protection sociale complémentaire. Le Gouvernement en ne reprenant pas les clauses de recommandation prévue par l'Ani du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI) (1) a souhaité établir un système solidaire via une plus grande mutualisation des risques. L'autre conception prônée est celle de la libre concurrence devant réguler le marché. La question semblait être pourtant déjà tranchée, la CJUE dans son arrêt du 3 mars 2011 (2) avait affirmé que le droit européen ne s'opposait pas à l'existence de clauses de désignation et de migration dans un accord de branche portant sur la prévoyance. Ni l'argument de l'atteinte à la libre concurrence entre organismes assureurs, ni celui de l'abus de position dominante n'avaient été retenus. La Cour de cassation (3) avait, à son tour, admis la licéité de ces clauses, estimant que ce système de désignation permet au salarié d'acquérir des avantages qu'il n'aurait pas pu obtenir dans les mêmes conditions sur le marché concurrentiel à la condition de démontrer le "haut degré de solidarité" du régime.

Néanmoins, la polémique avec la loi sur la sécurisation de l'emploi a, récemment, refait surface, les assureurs, mutuelles et courtiers redoutant un conflit d'intérêt au profit des institutions de prévoyance. L'article 1er de la loi de sécurisation de l'emploi permet à tout salarié, de bénéficier d'une couverture santé collective à partir du 1er janvier 2016 (4). Or, certains acteurs de la protection sociale craignent que le choix des organisations syndicales, pour remplir cette obligation de couverture collective, ne se porte, plus facilement voire exclusivement, sur les institutions de prévoyance gérées paritairement. Pour nous éclairer sur le sujet Lexbase Hebdo - édition sociale a rencontré Maître Benoît Fleury, avocat au cabinet Gibson Dunn, ayant procédé au dépôt de la QPC pour le compte de l'assureur Allianz.

Lexbase : En quoi l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale contrevient-t-il, selon vous, à la liberté d'entreprendre protégée par la Constitution?

Benoît Fleury : Les questions prioritaires de constitutionnalité déposées devant le Conseil d'Etat et la cour d'appel de Paris concernent la rédaction de l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale dans sa version antérieure à celle qui figure dans la loi relative à la sécurisation de l'emploi.

Ce texte permet l'instauration de clauses dites de "désignation". Celles-ci imposent aux entreprises de s'engager, d'une part, avec un seul organisme assureur qu'elles n'ont pas choisi puisqu'il a été désigné par accord collectif de branche et, d'autre part, dans une relation contractuelle dont elles n'ont négocié aucun des termes, qu'il s'agisse du tarif, du type de garanties, du champ de celles-ci ou de leur durée.

L'atteinte à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1368A9K) est constituée car ces clauses octroient un droit exclusif au bénéfice d'un opérateur unique. D'une part, elles interdisent aux autres opérateurs présents sur le marché de l'assurance complémentaire d'offrir leurs services aux entreprises comprises dans le champ de l'accord, et, d'autre part, elles mettent fin aux contrats que ces autres opérateurs avaient déjà conclu.

Comme le soulignent un certain nombre de contentieux en cours, il n'est, en outre, pas rare que l'octroi de ce droit exclusif s'effectue de manière purement discrétionnaire sans procédure de publicité et de mise en concurrence. De fait, comme l'a souligné l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 13-A-11 du 29 mars 2013 (N° Lexbase : X2504AMP), elles aboutissent à la constitution d'un quasi-monopole de fait au profit d'une seule catégorie d'opérateurs.

Lexbase : La CJUE et la Cour de cassation se sont déjà prononcées sur la licéité des clauses de désignation ; quel est le véritable changement, selon vous, opéré par l'article 1 de la loi sur la sécurisation de l'emploi ?

Benoît Fleury : La CJUE et la Cour de cassation (en dernier lieu, dans un arrêt de sa Chambre sociale du 21 novembre 2012) se sont prononcées uniquement à l'aune des règles de concurrence figurant dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (prohibitions des ententes anticoncurrentielles et des abus de position dominante).

Dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalité que nous avons déposées, les principes et règles invoqués ne sont pas les mêmes. Il s'agit, en outre, de la liberté d'entreprendre, notamment de la liberté contractuelle, et du principe d'égalité. Les arrêts rendus par la CJUE et la Cour de cassation ne préjugent donc en rien de la décision du Conseil constitutionnel.

Le changement formel opéré par la loi sur la sécurisation de l'emploi sur ce sujet consiste à imposer le principe d'une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable à la désignation de l'opérateur unique qui sera en charge du régime d'assurance complémentaire. Ce changement est d'ailleurs critiquable.

Lexbase : Que pensez-vous de cette "procédure de transparence" qui laisse au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de transparence de la mise en concurrence des organismes assureurs ? N'est-elle pas insuffisante à garantir une absence de monopole de fait des fait des institutions de prévoyance ?

Benoît Fleury : Afin de garantir le respect de la transparence, de l'impartialité et le traitement égalitaire des candidats, le renvoi au pouvoir réglementaire apparaît insuffisant. Les opérateurs appelés à gérer les régimes d'assurance complémentaire sont désignés par les partenaires sociaux. Ce sont ces mêmes partenaires sociaux qui gèrent une certaine catégorie d'opérateurs, les institutions de prévoyance. Comme l'ont souligné les débats parlementaires relatifs à la loi de sécurisation de l'emploi et, de nouveau, l'Autorité de la concurrence, "il y a un évident conflit d'intérêts, les partenaires sociaux étant à la fois juges et parties".

En raison de cette particularité, la loi se devait d'être particulièrement vigilante et imposer, sans renvoyer au pouvoir réglementaire, que la procédure de sélection débute par la fixation de critères connus de tous les candidats sans exception et que le choix final ne puisse être effectué qu'à l'aune de ces critères initiaux. Cette manière de procéder ne porte aucune atteinte au droit de négociation collective ou à la liberté syndicale. Elle permet, au contraire, de s'assurer que les intérêts des entreprises et de leurs salariés, mais également des autres opérateurs et de leurs partenaires sont effectivement protégés.

Au titre de la prévention des conflits d'intérêts dont elle aurait d'ailleurs dû donner une définition claire et précise, la loi aurait dû interdire la candidature d'opérateurs trop intimement liés aux organes qui désignent l'organisme assureur. A titre d'exemple, le législateur aurait dû prohiber la désignation d'un organisme d'assurance au sein duquel l'une quelconque des organisations syndicales ou patronales détient des intérêts directs ou indirects ou exerce une influence sur les décisions.

Le nouveau mécanisme autorise toujours que ceux-là mêmes qui fixent les critères d'évaluation et attribuent les régimes soient justement ceux qui contrôleront la mise en oeuvre effective de la transparence, de l'impartialité et de l'égalité.

Enfin, la modification de l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale ne met en place -contrairement à ce que préconisait l'avis de l'Autorité de la concurrence- aucun principe, ni mécanisme, ni organe spécifique indépendant, de contrôle des conditions dans lesquelles la transparence, l'impartialité et l'égalité seront effectivement mises en oeuvre.

Lexbase : Par le dépôt de cette QPC, vous semblez partager le point de vue de l'Autorité de la concurrence qui, dans son avis rendu le 29 mars 2013, a recommandé de laisser le libre choix des organismes aux entreprises. Toutefois, la protection sociale complémentaire est-elle un produit comme un autre qui, à ce titre, doit être soumis aux mêmes règles de concurrence ? Autrement dit, cette clause de désignation n'est-elle pas une condition nécessaire pour parvenir à un système solidaire évitant le phénomène "d'antisélection" ?

Benoît Fleury : L'article 1er de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, relatif à la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé, supprimait lui-même l'adhésion obligatoire auprès d'un organisme assureur désigné en stipulant que "les partenaires sociaux de la branche [afin de parvenir à la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé] laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix".

Durant les débats relatifs à l'adoption de la loi, relative à la sécurisation de l'emploi, plusieurs parlementaires ont tenu à rappeler que le mécanisme des clauses de désignation ne permet pas d'organiser une couverture des salariés plus satisfaisante qu'un système qui laisse aux entreprises le libre choix de leur assureur.

Ce qui fait douter de la réalité de ce phénomène "d'antisélection".

Par ailleurs, comme l'a relevé l'Autorité de la concurrence, dans son avis du 29 mars 2013, les prétendus bénéfices tirés des clauses de désignation se révèlent quasi-inexistants, ou à tout le moins, insuffisants pour justifier des atteintes portées notamment à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle et au principe d'égalité.

La protection sociale complémentaire par les bénéfices qu'elle apporte aux entreprises et aux salariés, n'est sans doute pas un produit comme les autres. C'est pour cette raison justement que les entreprises et leurs salariés doivent être particulièrement protégés afin de s'assurer que l'organisme assureur est bien celui qui offre la meilleure protection. Seule la liberté laissée aux entreprises de choisir cet organisme permet d'atteindre ce but.

En tout état de cause, les alternatives que proposait l'Autorité de la concurrence, comme, par exemple, la désignation de deux organismes de nature différentes, permettraient de privilégier les intérêts des entreprises et de leurs salariés tout en évitant un soi-disant phénomène d'anti-sélection.


(1) V. les obs. de M. Del Sol, Commentaire des articles 1 et 2 de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés : généralisation de la couverture santé des salariés : des avancées, des évolutions, des interrogations, Lexbase Hebdo n° 514 du 31 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5516BTH).
(2) CJUE, 3 mars 2011, aff. C-437/09 (N° Lexbase : A8049G3I) ; V. les obs. de M. Del Sol, L'euro-compatibilité des clauses conventionnelles d'affiliation obligatoire à d'un organisme d'assurance , Lexbase Hebdo n° 433 du 24 mars 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N7561BRH).
(3) Cass. soc., 21 novembre 2012, n°10-21.254, F-D (N° Lexbase : A5052IXE) ; Cass. soc., 27 novembre 2012, n° 11-19.781, F-D (N° Lexbase : A8735IXS) ; Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-18.716, F-D (N° Lexbase : A5766IY9).
(4) V. E. Rossi, La généralisation de la couverture complémentaire santé : quelles conséquences ?, Lexbase Hebdo n° 524 du 18 avril 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6654BTM).

newsid:437372

QPC

[Brèves] QPC transmise : corps électoral des élections des administrateurs

Réf. : Cass. soc., 30 mai 2013, n° 13-40.010, FS-P+B (N° Lexbase : A1085KGB)

Lecture: 1 min

N7399BT9

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Le 06 Juin 2013

Sont renvoyées au Conseil constitutionnel les dispositions des articles L. 225-27 (N° Lexbase : L5898AIB) et L. 225-28 (N° Lexbase : L5899AIC) du Code de commerce qui limitent le corps électoral des élections des administrateurs aux seuls salariés de la société et, le cas échéant de ses filiales, faisant ainsi obstacle à ce que des salariés mis à sa disposition ou à celle de ses filiales puissent être électeurs et élus. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. soc., 30 mai 2013, n° 13-40.010, FS-P+B N° Lexbase : A1085KGB).
Dans cette affaire, à l'occasion de la contestation des résultats des élections des administrateurs organisées au sein de la société R., deux salariés ainsi que le syndicat SDMY-CFTC soutiennent que les dispositions des articles L. 225-27 et L. 225-28 du Code de commerce méconnaissent les exigences résultant du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) en ce qu'elles ont pour effet d'exclure de l'électorat et de l'éligibilité les salariés mis à la disposition de la société (sur la désignation des représentants du comité au conseil des sociétés, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2023ET4).

newsid:437399

QPC

[Brèves] QPC non-transmise : médecine du travail pour les employés de maison

Réf. : Cass. soc., 28 mai 2013, n° 13-40.011, FS-P+B (N° Lexbase : A1086KGC)

Lecture: 1 min

N7398BT8

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Le 06 Juin 2013

La Chambre sociale de la Cour de cassation refuse de transmettre une QPC portant sur la conformité de l'article L. 7221-2, alinéa 5 du Code du travail (N° Lexbase : L8192IQH) qui rend obligatoire la médecine du travail pour les employés de maison en raison de sa contrariété avec le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, dans la mesure où, sous le couvert de la critique d'une disposition législative, elle ne tend qu'à discuter la conformité au principe constitutionnel invoqué de l'absence de dispositions réglementaires permettant de déroger, sous certaines conditions, aux règles de droit commun de la surveillance médicale, applicables aux employés de maison du particulier employeur. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 mai 2013 (Cass. soc., 28 mai 2013, n° 13-40.011, FS-P+B N° Lexbase : A1086KGC).
Dans cette affaire, le requérant estimait que les dispositions visées violaient l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 27 août 1789 (N° Lexbase : L1370A9M) en ce que ces dispositions rendent obligatoire la médecine du travail pour les employés de maison "alors même que l'accès à la médecine du travail serait impossible pour les employeurs particuliers " .

newsid:437398

Rel. collectives de travail

[Brèves] Obligation légale faite aux organisations syndicales représentatives de choisir en priorité le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix au premier tour des dernières élections professionnelles

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-26.457, FS-P+B (N° Lexbase : A9518KEA)

Lecture: 1 min

N7407BTI

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Le 13 Juin 2013

Ni un accord collectif, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent avoir pour effet de modifier l'obligation légale faite aux organisations syndicales représentatives de choisir en priorité le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix au premier tour des dernières élections professionnelles. Un syndicat, qui est en droit de contester l'avantage accordé par l'employeur à un autre syndicat en violation d'une règle d'ordre public, ne peut en revanche revendiquer à son profit le bénéfice de cet avantage illégal. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-26.457, FS-P+B N° Lexbase : A9518KEA).
Dans cette affaire, le syndicat francilien de la propreté CFDT a informé la société S. de la désignation de M. R. en qualité de délégué syndical au sein d'un de ses établissements. L'employeur a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de cette désignation, M. R. n'ayant pas été candidat aux dernières élections professionnelles organisées en juin 2010. Pour rejeter la demande de l'employeur, le tribunal énonce que l'exigence légale subordonnant la désignation aux fonctions de délégué syndical à la condition préalable que le salarié ait présenté sa candidature aux élections et ait obtenu un minimum de voix, se heurte au principe de valeur constitutionnelle de l'égalité entre syndicats. Or, dès lors, en l'espèce il est établi et non contesté, que l'employeur a laissé un autre syndicat désigner un salarié non candidat aux élections, comme délégué syndical, ce délégué étant toujours en fonction. Pour le tribunal, cette tolérance, quand bien même résulterait d'une erreur, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, oblige l'employeur à accepter que les autres syndicats puissent désigner leurs délégués syndicaux dans les mêmes conditions contraires à la loi, sous peine de violer le principe d'égalité entre syndicats. La Haute juridiction infirme le jugement pour une violation de l'article L. 2143-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6224ISC) (sur un délégué syndical, candidat aux élections professionnelles, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1853ETS).

newsid:437407

Rel. collectives de travail

[Brèves] Différence de traitement entre syndicats représentatifs prévue par une disposition conventionnelle plus favorable

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-26.955, FS-P+B (N° Lexbase : A9657KEE)

Lecture: 1 min

N7408BTK

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Le 06 Juin 2013

Une disposition conventionnelle plus favorable peut instaurer, pour son application, une différence de traitement entre syndicats représentatifs dès lors, d'une part, que la disposition ne prive pas ces syndicats de l'exercice de leurs droits légaux, et d'autre part que cette différence est justifiée par des raisons objectives matériellement vérifiables liées à l'influence de chaque syndicat en rapport avec l'objet de l'accord. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-26.955, FS-P+B N° Lexbase : A9657KEE).
Dans cette affaire, par un accord collectif signé le 16 mars 2012 au sein de la société A., il a été prévu la possibilité pour les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise de désigner, en sus du délégué syndical central institué par l'article L. 2143-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6223ISB), un délégué syndical central supplémentaire lorsque l'organisation syndicale est représentative dans cinq ou six établissements, et deux délégués syndicaux centraux supplémentaires lorsque l'organisation syndicale est représentative dans au moins sept établissements. L'union de défense des personnels des groupes de l'assurance et de leurs filiales et des sociétés extérieures prestataires de service a désigné trois délégués syndicaux centraux. Estimant que le syndicat UDPA, qui n'était pas représentatif dans au moins sept établissements, ne pouvait prétendre qu'à la désignation de deux délégués syndicaux centraux, la société a saisi le tribunal d'instance. Le syndicat UDPA fait grief au jugement d'annuler la triple désignation. La Haute juridiction rejette le pourvoi. En effet, le tribunal a exactement décidé que la disposition conventionnelle, qui n'est pas contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 2143-5 prévoyant la désignation par tous les syndicats représentatifs d'un délégué syndical central, était proportionnée à la représentativité acquise par chaque organisation syndicale au sein des différents établissements de l'entreprise et en lien direct avec la mission de négociation et de représentation du délégué syndical (sur la détermination du nombre de délégués syndicaux, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1878ETQ).

newsid:437408

Rel. collectives de travail

[Brèves] Désignation d'un délégué syndical au sein d'une unité économique et sociale : organisation au préalable d'élections dans le périmètre permettant de déterminer la représentativité des syndicats et l'audience des candidats

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-60.262, FS-P+B (N° Lexbase : A9396KEQ)

Lecture: 1 min

N7409BTL

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Le 06 Juin 2013

Il ne peut être procédé à la désignation d'un délégué syndical au sein d'une unité économique et sociale que lorsque des élections permettant de déterminer la représentativité des syndicats et l'audience des candidats ont été organisées dans ce périmètre. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-60.262, FS-P+B N° Lexbase : A9396KEQ).
Dans cette affaire, le syndicat du commerce interdépartemental d'Ile-de-France CFDT a, le 21 mai 2012, désigné M. G. en qualité de délégué syndical au sein d'une unité économique et sociale composée de vingt-trois sociétés du groupe H.. Pour débouter les sociétés de leur requête en annulation de cette désignation, le tribunal retient qu'un jugement rendu précédemment par le tribunal d'instance de Courbevoie a reconnu l'existence d'une telle unité économique et sociale entre ces sociétés. La Haute juridiction casse et annule le jugement pour une violation des articles L. 2143-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6224ISC) et 539 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6689H7U). En effet, le jugement du tribunal d'instance de Courbevoie, non assorti de l'exécution provisoire, faisait l'objet d'un appel pendant au jour de la désignation litigieuse et aucune élection n'avait été organisée au sein du périmètre considéré (sur le cadre de la désignation du délégué syndical, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7397EXA).

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Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Confirmation du cumul de l'indemnité de travail dissimulé avec toute indemnité due au titre de la rupture du contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 15 mai 2013, n° 11-22.396, FS-P+B (N° Lexbase : A5211KDD)

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N7334BTS

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 06 Juin 2013

En l'espace de deux ans, les règles applicables à l'indemnisation forfaitaire du salarié victime de travail dissimulé ont été sensiblement remodelées. Après que le Conseil constitutionnel a jugé que l'indemnité forfaitaire imposée par le Code du travail n'était pas une sanction au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1372A9P), la Chambre sociale de la Cour de cassation a permis le cumul de cette indemnité avec toute indemnité servie au salarié au titre de la rupture de son contrat de travail (I). Compte tenu de sa généralité et de son autorité, il était donc fort peu probable que la Chambre sociale aménage une exception à cette règle s'agissant de l'indemnité de mise à la retraite, intuition qui se vérifie à l'analyse d'une décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 15 mai 2013 qui étend fort logiquement le cumul des indemnités à cette hypothèse et permet de penser qu'aucune autre exception ne sera désormais admise (II).
Résumé

Au regard de la nature de sanction civile de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé les dispositions de l'article L. 8223-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3616H9S) ne font pas obstacle au cumul de cette indemnité avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail.

Commentaire

I - La généralisation du paiement de l'indemnité pour travail dissimulé

  • Travail dissimulé et action civile

Aux termes de l'article L. 8221-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5108IQA), l'infraction pénale de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié peut être consommée dans différentes situations : soustraction intentionnelle à l'obligation d'établir la déclaration préalable d'embauche d'un salarié, soustraction intentionnelle aux obligations de déclaration relatives aux salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisation sociales ou de l'administration fiscale ou, enfin, soustraction intentionnelle à l'obligation de délivrer un bulletin de salaire ou mention d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui véritablement réalisé sur celui-ci.

La reconnaissance du délit de travail dissimulé en cas de mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures inférieur à celui véritablement réalisé est déjà ancienne mais continue de donner parfois lieu à contentieux, par exemple s'agissant de l'interprétation de l'exception établie par le texte en cas d'application d'"une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail" (1). La règle est donc aujourd'hui relativement classique.

Comme pour toute infraction pénale, une action civile peut être intentée et, d'ailleurs, être présentée devant le juge prud'homal sans qu'une action publique ait été engagée (2). Le délit de travail dissimulé ne fait pas exception à cette règle et, plus encore, le Code du travail encadre les conséquences de cette action civile.

En effet, l'article L. 8223-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de rupture du contrat de travail alors que l'employeur a commis un délit de travail dissimulé dont le salarié est la victime, le salarié "a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire".

  • Indemnisation forfaitaire du salarié victime de travail dissimulé

Comme l'a énoncé le Conseil constitutionnel à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation (3), cette somme forfaitaire de six mois de salaire ne constitue pas une punition mais bien une indemnisation destinée à compenser un préjudice spécifique, celui découlant de la difficulté pour le salarié de démontrer en cas de dissimulation d'emploi le nombre d'heures de travail véritablement effectué (4).

L'essentiel du régime juridique de cette indemnisation a, pour le reste, été établi par la Chambre sociale de la Cour de cassation. Parmi les règles posées, certaines méritent d'être ici rappelées. Ainsi, depuis 2004, la Cour de cassation admet le versement de l'indemnité forfaitaire "quelle que soit la qualification de la rupture" (5).

Surtout, la Chambre sociale a évolué sur la question du cumul de l'indemnité forfaitaire avec d'autres indemnités auxquelles le salarié pouvait prétendre au titre de la rupture. Si, dans un premier temps, elle a refusé le cumul de ces indemnités (6), elle a par la suite assoupli cette règle en acceptant le cumul de toutes les indemnités à l'exception de l'indemnité conventionnelle ou légale de licenciement (7). Pour cette dernière indemnité, seule l'indemnité la plus favorable au salarié devait être servie.

Cette dernière exception a très récemment été remise en cause par la Chambre sociale qui énonce désormais, de la façon la plus générale qu'il soit, qu'en raison de la nature civile de l'indemnité (8), les dispositions du Code du travail "ne font pas obstacle au cumul de l'indemnité forfaitaire qu'elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail" (9). Cette évolution est en parfaite harmonie avec la solution du Conseil constitutionnel : l'indemnité pour travail dissimulé, quoique versée en cas de rupture, n'est pas destinée à compenser le préjudice subi du fait de la rupture mais bien le préjudice subi du fait de la dissimulation d'emploi salarié. A peine peut-on considérer que, puisque le versement de cette indemnité est soumis à l'existence d'une rupture du contrat de travail, le préjudice subi du fait de la commission du délit est en quelque sorte présumé être plus important qu'en l'absence de rupture du contrat de travail.

Compte tenu de la généralité de la règle de cumul, il n'était guère difficile de prévoir ce qu'il se produirait en cas de versement d'une indemnité compensant un autre type de rupture comme, par exemple, en cas de départ ou de mise à la retraite.

  • L'espèce

L'exposé des faits et des motifs de la décision étant relativement succinct il convient, pour en comprendre les enjeux, se reprendre la décision rendue par la cour d'appel d'Orléans (10).

Après quarante années de services dans une société coopérative agricole, une salariée est mise à la retraite en 2008. Après avoir quitté l'entreprise, elle saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes pour contester la rupture du contrat, voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et de manquements de l'employeur à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de façon loyale. Surtout, elle demande des rappels de salaire pour des heures supplémentaires non rémunérées et, parallèlement, la condamnation sur le plan civil de l'employeur pour travail dissimulé.

Toutes les demandes relatives à la rupture, au harcèlement et à l'exécution déloyale du contrat de travail sont repoussées par la cour d'appel. En revanche, les juges du second degré infirment la décision prud'homale sur le moyen tiré des heures supplémentaires et condamnent l'employeur à verser la somme de 28 000 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires. Quant au travail dissimulé, la cour d'appel juge cependant qu'il est inutile d'"examiner le bien-fondé de la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé dès lors que cette indemnité ne se cumule pas avec celle payée à l'occasion de la rupture du contrat, qu'il s'agisse de l'indemnité de licenciement ou de l'indemnité de mise à la retraite d'un montant supérieur".

La salariée forme pourvoi en cassation. Ses prétentions sont à nouveau refoulées s'agissant du harcèlement et de la rupture du contrat de travail. Cependant, par un arrêt rendu le 15 mai 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse partiellement la décision d'appel au visa de l'article L. 8223-1 du Code du travail s'agissant de l'indemnisation pour travail dissimulé. La Cour de cassation juge qu'"au regard de la nature de sanction civile de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé les dispositions de l'article L. 8223-1 du Code du travail ne font pas obstacle au cumul de cette indemnité avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail".

II - L'application de la règle de cumul à l'indemnité de départ à la retraite

  • La sanction civile cumulable avec les indemnités de toute nature

La généralité de la formule utilisée au mois de février dernier par la Chambre sociale de la Cour de cassation laissait clairement présager la solution adoptée : si toute indemnité à laquelle le salarié a droit au titre de la rupture est cumulable avec l'indemnité pour travail dissimulé, l'indemnité de mise à la retraite doit l'être elle aussi. Cette position poursuit la tendance, parfaitement décrite par le Professeur Christophe Willmann, de durcissement de la lutte contre le travail dissimulé et, plus largement, contre toute forme de fraude sociale (11).

Sur un plan plus technique, la solution là encore semble logique. On se souviendra, en effet, que l'article L. 1237-7 du Code du travail (N° Lexbase : L1403H9T) ouvre au salarié mis à la retraite le droit à une indemnité calculée par référence à l'indemnité de licenciement de l'article L. 1234-9 du même code (N° Lexbase : L8135IAK). Si l'indemnité de mise à la retraite n'a donc pas exactement la même nature que l'indemnité conventionnelle ou légale de licenciement, elle s'en rapproche tout de même suffisamment pour qu'il semble raisonnable de traiter les deux indemnités de la même manière.

En définitive, la raison d'être du pourvoi réside bien davantage dans une problématique de chronologie qu'elle ne s'appuie sur une question de droit qui demeurerait incertaine. La solution rendue par la cour d'appel d'Orléans est intervenue quelques semaines seulement après la décision du Conseil constitutionnel qui ne tranchait pas encore de manière définitive la question du cumul des indemnités. Le revirement de la Chambre sociale, posant la règle générale de cumul, n'est intervenu qu'au mois de février dernier. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'une belle illustration d'un changement de jurisprudence en cours de procédure qui modifie l'attente que les parties -l'employeur dans ce cas- pouvaient avoir lors de l'engagement de leur action.

  • Quelles limites à l'indemnisation pour travail dissimulé ?

Deux questions peuvent prolonger la décision sous examen. D'abord, d'autres indemnités pourraient-elles être concernées par l'extension des règles de cumul ? Ensuite, demeure-t-il des hypothèses dans lesquelles l'employeur pourrait échapper à l'indemnisation forfaitaire tirée de l'article L. 8223-1 du Code du travail ?

La première question appelle une réponse aussi générale que la motivation de la Chambre sociale : toute indemnité pourra être perçue en sus de l'indemnité forfaitaire. Il ne fait ainsi quasiment aucun doute que l'indemnité servie au salarié en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ou l'indemnité servie en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur seront cumulables avec l'indemnité forfaitaire. La nature de la rupture étant elle aussi indifférente, les indemnités versées en cas de départ volontaire à la retraite servies par application de l'article L. 1237-9 du Code du travail (N° Lexbase : L1407H9Y) ne devraient pas faire exception à la règle.

La seconde question est d'apparence plus délicate même si, à bien y regarder, la règle désormais posée ne laisse guère place à la nuance. Si l'indemnité forfaitaire constitue une sanction civile réparant le préjudice subi du fait de la commission du délit, pourrait-on imaginer que l'employeur puisse démontrer que le salarié n'a subi aucun préjudice particulier par exemple en démontrant qu'il a parfaitement été en mesure de démontrer le nombre d'heures de travail dissimulées et que celles-ci ont été intégralement rémunérées suite à l'intervention du juge prud'homal ? Il s'agirait alors, d'une certaine manière, de pouvoir renverser la présomption posée par le législateur selon laquelle le salarié subi nécessairement un préjudice du fait de la commission de l'infraction.

Une telle issue paraît fort peu probable pour la simple raison que le législateur ne donne aucune latitude au juge en la matière. Le caractère forfaitaire de l'indemnisation à hauteur de six mois de salaire prive le juge de toute appréciation de l'intensité du préjudice, dans un sens comme dans l'autre. Le seul espoir de l'employeur pour éviter cette indemnisation passe donc par la démonstration de l'absence de dissimulation d'emploi. Indubitablement, l'effort mené contre le travail dissimulé est donc accru, sous l'effet cumulé d'évolutions législatives et de l'interprétation conforme qui en sont faites par la Cour de cassation.

Les solutions rendues par la Cour de cassation comme la lutte accrue contre le travail dissimulé pourront bien, à l'occasion, paraître bien injuste en particulier lorsqu'il existera une véritable connivence entre le salarié et l'employeur sur la volonté d'éluder les obligations sociales et fiscales. Cette situation exceptionnelle n'a jamais permis de nuancer la sévérité de la législation contre le travail dissimulé, cela pour au moins deux raisons. D'abord parce que l'une des deux parties tire un avantage nettement plus substantiel que celui octroyé à l'autre partie dans cette situation et, ensuite, parce qu'aujourd'hui comme hier, le travailleur doit être protégé dans la relation de travail des abus patronaux mais aussi, comme le consommateur, être protégé contre lui-même.


(1) Cass. soc., 16 avril 2013, n° 12-81.767, FS-P+B (N° Lexbase : A4051KCZ).
(2) Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 00-45.082, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2557A34) et les obs. de G. Auzero, Travail dissimulé : le criminel ne tient pas toujours le civil en l'état..., Lexbase Hebdo n° 45 du 31 octobre 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N4537AAB), Dr . soc., 2002, p. 1145, obs. F. Duquesne ; JCP éd. E, 2003, p. 475, note Th. Aubert -Monpeyssen.
(3) Cass. QPC, 5 janvier 2011, n° 10-40.049, FS-D (N° Lexbase : A7358GNT).
(4) Cons. const., 25 mars 2011, n° 2011-111 QPC (N° Lexbase : A3848HHY) et les obs. de Ch. Willmann, L'indemnité légale pour travail dissimulé n'est pas une peine ayant le caractère de punition, Lexbase Hebdo n° 437 du 28 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0660BSA).
(5) En l'espèce, il s'agissait d'une démission, v. Cass. soc., 12 octobre 2004, n° 02-44.666, FS-P+B (N° Lexbase : A6084DDP), v. les obs. de Ch. Alour, Démission d'un travail dissimulé : l'indemnité forfaitaire est due, Lexbase Hebdo n° 141 du 4 novembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3380ABS).
(6) Par ex. Cass. soc., 6 juillet 2004, n° 02-42.504, F-P (N° Lexbase : A0390DDS).
(7) Cass. soc., 12 janvier 2006, n° 04-43.105, FP-P+B+R+I, v. les obs. de S. Martin-Cuenot, Cumul de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 324-11-1 du Code du travail avec les indemnités de rupture : généralisation et clarification, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3592AKA). Le cumul avec l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse était en revanche admis dans cette affaire.
(8) La formule de "sanction civile" étonne puisque le Conseil constitutionnel y voyait une forme d'indemnisation, si bien que le vocable de réparation civile aurait pu paraître plus adapté.
(9) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-23.738, FP-P+B (N° Lexbase : A6342I7Z) et les obs. de Ch. Willmann, Travail dissimulé : la Cour de cassation consacre le principe d'un cumul de sanctions, Lexbase Hebdo n° 517 du 21 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5925BTM).
(10) CA Orléans, 7 juin 2011, n° 10/02378 (N° Lexbase : A9605HTW).
(11) Ch. Willmann, Travail dissimulé : la Cour de cassation consacre le principe d'un cumul de sanctions, préc..

Décision

Cass. soc., 15 mai 2013, n° 11-22.396, FS-P+B (N° Lexbase : A5211KDD)

Cassation partielle, CA Orléans, 7 juin 2011, n° 10/02378 (N° Lexbase : A9605HTW)

Textes visés : C. trav., art. L. 8223-1 (N° Lexbase : L3616H9S)

Mots-clés : travail dissimulé, indemnisation, cumul, indemnités de mise à la retraite

Liens base : (N° Lexbase : E7324ES3)

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Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] De l'obligation de sécurité de résultat à la garantie des risques professionnels

Réf. : Cass. soc., 23 mai 2013, n° 11-12.029, F-D (N° Lexbase : A9213KDL)

Lecture: 7 min

N7337BTW

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 06 Juin 2013

La montée en puissance, depuis 2002, de la figure de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur impose de s'interroger sur la nature même de cette responsabilité, et sur les conditions de sa mise en oeuvre. Un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation montre à quel point cette obligation a muté pour passer d'une responsabilité de plein droit (I) à une véritable garantie des risques professionnels (II).
Résumé

Est justifiée la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, dès lors que le petit-fils de l'employeur avait jeté à terre à deux reprises la nourriture préparée par la salariée et proféré des injures racistes à son égard au domicile de cette dernière.

I - L'employeur responsable des manquements à l'obligation de sécurité de résultat

Contexte. Cette décision, en apparence anodine, illustre tout d'abord l'extrême sévérité de la jurisprudence à l'égard des employeurs lorsqu'est en cause leur obligation de sécurité de résultat (1). Il faut avouer que, dans cette affaire, les faits étaient édifiants.

L'affaire. Une salariée avait été engagée en mai 2005 en qualité d'aide à domicile par une personne handicapée dont le domicile était voisin du sien. Alors qu'elle préparait le déjeuner pour son employeur, le petit-fils de celui-ci, âgé de 13 ans, avait jeté son assiette par terre en disant à son grand-père de ne pas manger car c'était infect. Le lendemain, l'épouse de l'employeur et l'adolescent lui rendaient visite à son domicile, ce dernier proférant à son encontre des injures racistes et des menaces. Elle fut de nouveau injuriée le jour suivant alors qu'elle se rendait au domicile de son employeur pour y obtenir des excuses, par l'épouse de ce dernier et sa fille, ce qui l'avait conduit à prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Compte tenu de la gravité des faits, la cour d'appel de Nîmes avait donné raison à la salariée (2), et l'employeur contestait les condamnations prononcées en appel dans le cadre de son pourvoi. Il prétendait, en effet, que "le comportement fautif de l'employeur, justifiant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut résulter que d'un fait personnellement imputable à celui-ci", ce qui n'était pas le cas ici puisque la salariée avait fondé sa prise d'acte pour l'essentiel sur les injures et menaces proférées par le petit-fils de son employeur, lors de la "visite" réalisée à son propre domicile.

La solution. Sans surprise, le pourvoi est rejeté. Après avoir rappelé le principe selon lequel "l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité", la Haute juridiction relève, en effet, que la cour d'appel avait "retenu que le petit-fils de l'employeur avait jeté à terre à deux reprises la nourriture préparée par la salariée et proféré des injures racistes à son égard au domicile de cette dernière", et qu'elle avait donc "pu en déduire que la prise d'acte était fondée".

Une solution parfaitement justifiée. Sur le fond, la solution n'est guère surprenante et on en vient d'ailleurs rapidement à se demander pourquoi l'employeur avait formé un pourvoi contre la décision rendue en appel tant les faits dénoncés étaient scandaleux, mêlant la bêtise la plus sordide au racisme le plus ignominieux (3).

Juridiquement, et en dépit de sa modestie apparente, cette solution est particulièrement révélatrice de la nature exacte de l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur, et qui ne nous semble pas suffisamment clairement mis en évidence par la Cour de cassation elle-même.

II - L'employeur garant des risques professionnels dans l'entreprise

De la nature de l'obligation pesant sur l'employeur. On s'est depuis quelques années interrogé sur la nature de l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur (4).

Il a été observé que cette obligation s'était progressivement affranchie de la tutelle du droit civil tout en conservant les traits de l'obligation de sécurité de résultat dégagée à partir de 1911 comme accessoire du contrat de transport (5).

On sait qu'il ne s'agit pas d'une responsabilité du fait personnel car, depuis 2006 et le rattachement du régime du harcèlement à l'obligation de sécurité, l'employeur est également responsable des atteintes à la sécurité réalisées par ses salariés (6), et plus largement de toutes les personnes intervenant dans le cadre de l'entreprise et sur lesquelles il exerce une simple autorité de fait (7).

Il ne s'agit pas non plus d'une responsabilité pour faute car l'employeur engage sa responsabilité personnelle même sans faute de sa part (8).

Il s'agit donc bien d'une responsabilité de plein droit dont l'employeur ne peut être libéré que par la preuve d'un cas de force majeure, en pratique presque impossible à établir (9).

Des conditions de mise en cause de la responsabilité de l'employeur. Reste à déterminer, et ce n'est pas là la moindre des difficultés, quelles sont les conditions positives d'engagement de la responsabilité de l'employeur.

L'exigence d'une faute ? Si la Cour de cassation a écarté la preuve d'une faute personnelle commise par le répondant (l'employeur), elle n'a jamais clairement indiqué si l'atteinte constatée à la sécurité devait résulter d'une faute, même non commise par l'employeur (sous-entendu commise par l'auteur du dommage). En d'autres termes, et pour reprendre un questionnement emprunté au régime de la responsabilité civile des commettants du fait de leurs préposés fondé sur l'article 1384, alinéa 5, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), la responsabilité de l'employeur est-elle une responsabilité civile de substitution (de celle de l'auteur), ce qui n'efface pas l'exigence d'une faute, ou une responsabilité personnelle et directe uniquement déclenchée par l'atteinte à la sécurité, eu important alors que cette atteinte ait été provoquée par un comportement fautif (10) ?

L'examen des solutions ayant admis la responsabilité de l'employeur, pour des faits commis par des salariés ou des personnes sur lesquelles il avait autorité, montre que des fautes ont toujours été commises, qu'il s'agisse d'un DRH qui ne convoque pas le salarié à la visite médicale de reprise, qui ne fait pas respecter la loi "Evin" (loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques N° Lexbase : L5011E4D), qui met en oeuvre des techniques de management de ses collaborateurs trop intimidante ou stressantes, qui se rend coupable de faits de harcèlement, de discrimination, ou qui tient des propos indignes (11) ou racistes, comme c'était le cas ici.

Peut-on alors imaginer que l'employeur puisse être responsable d'une atteinte à la sécurité de l'un de ses salariés et ce alors qu'aucune faute n'aurait été commise, soit que la preuve n'en soit pas rapportée, soit que la preuve d'une absence de faute soit belle et bien établie ? On pourrait ainsi imaginer un salarié qui serait contaminé par un virus apporté par un client, voire blessé dans l'exécution de son contrat de travail par le fait non fautif d'un tiers à l'entreprise.

Si la Cour de cassation n'a, à notre connaissance, jamais eu à répondre expressément à la question d'une responsabilité que l'on pourrait dès lors qualifier de purement causale, il nous semble qu'une réponse positive devrait s'imposer dès lors qu'il s'agit bien, pour l'employeur, d'assumer un risque de l'activité (12). On retrouve d'ailleurs ici le fondement historique de l'obligation faite à l'employeur de répondre des dommages corporels causés aux salariés dans l'exécution de leur contrat de travail dans la loi du 9 avril 1898, ancêtre de l'actuel régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles (13).

L'auteur du dommage. La question de l'identification de l'auteur du dommage relève du même ordre de questionnement que celle relative à l'exigence d'une faute à l'origine du dommage.

Jusqu'à présent, la Cour de cassation a raisonné sur des hypothèses d'atteintes à la sécurité imputables à l'employeur, à ses préposés ou à des tiers à l'entreprise sur lesquelles l'employeur exerçait une "autorité de fait". L'employeur supporterait alors les "risques de l'autorité".

Nous avons déjà eu l'occasion d'émettre des doutes sur le réalisme de cette analyse, s'agissant singulièrement de dommages causés par le conjoint de l'employeur sur lequel celui-ci n'exerce en réalité aucune "autorité" (14).

On observera d'ailleurs que, dans cet arrêt en date du 23 mai 2013, où l'atteinte à la sécurité résultait du comportement du petit-fils de l'employeur, aucune référence à l'autorité exercée par celui-ci sur l'auteur n'était invoquée ou exigée pour considérer que la prise d'acte était justifiée, et pour cause, car on imaginait difficilement ce grand-père, lourdement diminué après un accident vasculaire cérébral, exercer la moindre autorité sur un adolescent de 13 ans manifestement livré à lui-même et encouragé par le déplorable exemple de ses parents.

L'effacement du critère de l'autorité, même s'il ne semble pas délibéré dans cette décision mais résulter des termes mêmes dans lesquels le débat judiciaire s'était déroulé, nous paraît toutefois particulièrement significatif. L'autorité exercée sur l'auteur du dommage pourrait bien, en réalité, n'être d'aucune utilité dans la mise en cause de la responsabilité de l'employeur, notamment lorsque le juge s'interroge sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail, dès lors que l'origine professionnelle du dommage est établie soit par l'association du critère temps de travail/lieu de travail, soit en raison de la nature professionnelle de l'événement incriminé (15).

Le critère de l'autorité serait alors indifférent et s'effacerait au profit de celui du risque professionnel dont l'employeur devrait assumer les conséquences. Il serait dès lors plus exact d'abandonner la référence à l'obligation de sécurité de résultat pour faire état d'une véritable garantie des risques professionnels.


(1) Dernièrement Cass. soc., deux arrêts, 23 janvier 2013, n° 11-18.855, FS-P+B (N° Lexbase : A8713I34) et n° 11-20.356, FS-P+B (N° Lexbase : A8754I3M), v. nos obs., Nouvelles illustrations de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 515 du 7 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5632BTR).
(2) CA Nimes, ch. soc., 13 avril 2010, n° 08/03617 (N° Lexbase : A6455GAC).
(3) Pour un autre exemple, Cass. soc., 2 juin 2004, n° 02-44.904, FS-P+I (N° Lexbase : A5200DCL), v. nos obs., Le racisme et le sexisme nuisent gravement à l'emploi !, Lexbase Hebdo n° 124 du 10 juin 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1885ABG).
(4) Dernièrement S. Tournaux, L'intensité de l'obligation de sécurité de l'employeur : un traitement aux effets mal mesurés, Dr. ouvr., 2012, p. 571.
(5) Notre étude, Droit du travail et responsabilité civile, RDT, 2007, p. 752.
(6) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA), v. nos obs., L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 223 du 13 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0835ALI). Ce qui n'exclut pas, compte tenu du caractère intentionnel des fautes ici relevées, que les salariés répondent également, sur leurs propres deniers, des conséquences civiles de leurs fautes.
(7) Cass. soc., 10 mai 2001, n° 99-40.059, publié (N° Lexbase : A4172ATP), Dr. soc., 2001, p. 921, chron. B. Gauriau (conjoint) ; Cass. soc., 1er mars 2011, n° 09-69.616, F-P+B (N° Lexbase : A1528HCL), v. nos obs., Le harcèlement managérial de nouveau sanctionné, Lexbase Hebdo n° 434 du 31 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7668BRG) (formateur) ; Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B (N° Lexbase : A1271IIW), v. nos obs., L'employeur peut-il s'exonérer de son obligation de sécurité de résultat ?, Lexbase Hebdo n° 482 du 19 avril 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1460BTA).
(8) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I, préc..
(9) Pour un refus : Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B, préc..
(10) Sur ce questionnement en matière de responsabilité civile, notre étude Responsabilité des commettants (Droit à réparation. Responsabilité du fait d'autrui. Domaine : Responsabilité des commettants), J.-Cl. Resp. civ. et assur. 2007, comm. . civ. et assur., Fasc. 143, p. 18.
(11) Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-18.686, FS-P+B (N° Lexbase : A3568IC7), v. les obs. de Ch. Willmann, L'atteinte à la dignité de la personne, nouveau cas d'ouverture d'une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 475 du 1 mars 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0575BTH) (la solution n'est pas ici formellement rattachée à la figure de l'obligation de sécurité de résultat).
(12) Sur l'analyse économique du contrat de travail, emportant précisément le transfert des risques de l'activité du patrimoine du salarié vers celui de l'employeur, notre étude Des critères du contrat de travail, Dr. soc., 2013, p. 202.
(13) Sur cette analyse et son actualité, M. Badel, Le perfectionnement du dispositif de réparation du risque professionnel par le droit social, Dr. soc., 1998, p. 644.
(14) Comme cela avait été le cas dans l'hypothèse de la salariée agressée par la femme de son employeur : Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B, préc..
(15) Ainsi lorsque l'agression du salarié par son employeur en dehors du lieu et du temps de travail a pour origine un différend d'ordre professionnel, Cass. soc., 23 janvier 2013, n° 11-20.356, FS-P+B, préc..

Décision

Cass. soc., 23 mai 2013, n° 11-12.029, F-D (N° Lexbase : A9213KDL)

Rejet, CA Nimes, ch. soc., 13 avril 2010, n° 08/03617 (N° Lexbase : A6455GAC)

Textes : C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) et L. 1232-1 (N° Lexbase : L8291IAC)

Mots clef : prise d'acte ; obligation de sécurité de résultat

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newsid:437337

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Prise d'acte par un salarié protégé : pas de réintégration possible

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-15.974, FS-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A9560KES)

Lecture: 1 min

N7345BT9

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Le 06 Juin 2013

Un salarié protégé qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-15.974, FS-P+B, sur le premier moyen N° Lexbase : A9560KES).
Dans cette affaire, une salariée a exercé, à compter de 2001, différents mandats de représentation du personnel et en particulier, à compter du 17 mai 2005, un mandat de délégué syndical de l'unité économique et sociale à laquelle appartient sa société. Le 10 juillet 2007, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements de l'employeur à ses obligations. Par un jugement du 26 octobre 2010, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement nul. Par acte du 12 avril 2011, elle a sollicité en référé sa réintégration, ainsi que la condamnation de l'employeur à lui verser diverses provisions correspondant aux salaires dus jusqu'à la réintégration ainsi qu'à des heures de délégation impayées avant la prise d'acte. Elle fait grief à l'arrêt de la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 24 janvier 2012, n° 11/10707 N° Lexbase : A3849IB8) de rejeter sa demande tendant à obtenir sa réintégration sous astreinte dans son emploi, alors qu'en toute hypothèse, l'existence d'un contestation sérieuse ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés prescrive toute mesure de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite. La Haute juridiction rejette le pourvoi, la prise d'acte de la rupture par un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, entraînant la rupture immédiate du contrat de travail et ne pouvant être rétractée .

newsid:437345

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours : réunion et consultation obligatoire des délégués du personnel en l'absence de comité d'entreprise

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-12.952, FS-P+B+R, sur le deuxième moyen (N° Lexbase : A9504KEQ)

Lecture: 1 min

N7370BT7

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Le 07 Juin 2013

L'employeur qui, dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, doit, en l'absence de comité d'entreprise, réunir et consulter les délégués du personnel. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-12.952, FS-P+B+R, sur le deuxième moyen N° Lexbase : A9504KEQ).
Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour motif économique. L'employeur fait grief à l'arrêt de la cour d'appel (CA Bordeaux, 29 novembre 2011, n° 10/06004 N° Lexbase : A1256H3W) de le condamner à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de consultation du comité d'entreprise, alors "qu'il ne ressort aucunement du droit positif applicable en la matière qu'en cas d'absence de comité d'entreprise dans une entreprise de plus de cinquante salariés l'employeur doive substituer la consultation du comité d'entreprise par la consultation des délégués du personnel". La Haute juridiction rejette le pourvoi. En effet, après avoir fait ressortir qu'alors que le projet de réorganisation de l'entreprise avait été décidé en janvier 2009, l'employeur ne l'avait soumis, avant le licenciement, ni aux délégués du personnel, ni au comité d'entreprise mis en place après la reconnaissance d'une unité économique et sociale en avril 2009, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article L. 1233-8 du Code du travail (N° Lexbase : L6282ISH) (sur les spécificités de la procédure de petit licenciement collectif dans une entreprise dotée de DP ou de CE, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9409ESB).

newsid:437370

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Obstacle de l'employeur à une réintégration judiciaire : droit aux indemnités de rupture du contrat de travail et à une indemnité pour licenciement illicite

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-28.734, FS-P+B, sur le deuxième moyen pourvoi incident (N° Lexbase : A9525KEI)

Lecture: 2 min

N7402BTC

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Le 12 Juin 2013

Lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l'employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d'une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail ou que le juge en prononce la résiliation. Dans ce cas, le salarié a droit en outre aux indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu'à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1342H9L). Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-28.734, FS-P+B, sur le deuxième moyen pourvoi incident N° Lexbase : A9525KEI).
Dans cette affaire, à la suite d'un examen médical pratiqué à sa demande par son employeur le 13 mai 2005, une salariée a été convoquée, le jour même, à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement et a été licenciée pour motif économique. Elle a saisi la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement et la HALDE est intervenue au soutien de sa demande. Par arrêt du 14 décembre 2010 (CA Versailles, 14 décembre 2010, n° 08/03045 N° Lexbase : A0131GPK), la cour d'appel a ordonné sa réintégration. Devant le refus de la société de procéder à sa réintégration, la salariée a sollicité de la cour d'appel la résiliation judiciaire de son contrat de travail. La cour d'appel de Versailles, dans un nouvel arrêt, retient que, dans son arrêt du 14 décembre 2010, elle avait requalifié le contrat de travail à temps partiel de la salariée en contrat de travail à temps plein. Dès lors, la société devait réintégrer la salariée sur la base d'un travail à temps plein, sauf à ce que cette dernière accepte de signer un avenant à son contrat de travail précisant qu'elle travaillerait à temps partiel, selon un horaire précisé dans ledit contrat, ce qui n'a pas été le cas. En conséquence, en imposant à la salariée une réintégration dans un emploi à temps partiel, l'employeur a commis un manquement à ses obligations contractuelles suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, avec effet à la date du prononcé de l'arrêt, cette résiliation ne produisant pas les effets d'un licenciement nul, étant sans lien avec l'état de santé de la salariée, mais produisant ceux d'un licenciement abusif. La Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation des articles L. 1132-1 (N° Lexbase : L8834ITD), L. 1132-4 (N° Lexbase : L0680H93) et L. 1235-3 du Code du travail. En effet, alors qu'elle constatait que la résiliation judiciaire du contrat de travail était prononcée du fait du refus de l'employeur de procéder à la réintégration ordonnée par son précédent arrêt en raison de la nullité du licenciement, ce dont elle aurait dû déduire que la résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

newsid:437402

Sécurité sociale

[Brèves] Complément d'expertise ou nouvelle expertise demandée par le tribunal en cas de conclusions de l'expert imprécises

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-21.078, F-P+B (N° Lexbase : A9432KE3)

Lecture: 1 min

N7421BTZ

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Le 06 Juin 2013

Si le tribunal estime que les conclusions de l'expert technique ne sont pas claires et précises, il lui appartient de recourir à un complément d'expertise ou, sur demande d'une partie, à une nouvelle expertise. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 30 mai 2013 (Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-21.078, F-P+B N° Lexbase : A9432KE3).
Dans cette affaire, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn-et-Garonne a notifié à Mme D. sa décision de limiter sa participation à la prise en charge des frais de transport en véhicule sanitaire léger exposés du 30 mars au 25 mai 2009, et les 27 mai et 8 juin 2009, pour assurer son déplacement entre son domicile, situé à Beaumont-de-Lomagne, et le cabinet d'un kinésithérapeute exerçant à Verdun-sur-Garonne, au motif que des soins appropriés à son état pouvaient lui être dispensés dans sa commune de résidence. Après avoir, en application des dispositions des articles L. 141-1 (N° Lexbase : L4594H9Z) et suivants du Code de la Sécurité sociale, désigné un expert qui a conclu que Mme D. pouvait recevoir à Beaumont-de-Lomage des soins appropriés à son état, le tribunal des affaires de Sécurité sociale a accueilli le recours de l'intéressée. Pour condamner la caisse à payer à Mme D. diverses sommes au titre de la prise en charge des frais de transport, le jugement retient que l'expert ne fonde sa décision que sur l'existence d'un cabinet de kinésithérapeute à Beaumont-de-Lomagne sans préciser si cette structure est en mesure d'assurer les séances de balnéothérapies prescrites à Mme D. par son médecin. Il convient donc d'écarter l'expertise qui ne répond pas à la problématique posée au tribunal. La Haute juridiction infirme le jugement pour une violation des articles L. 141-1 et L. 141-2 (N° Lexbase : L4640AD9) du Code de la sécurité sociale (sur la demande d'une nouvelle expertise médicale, cf. l’Ouvrage "Protection sociale" N° Lexbase : E0240AEM).

newsid:437421

Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 27 au 31 mai 2013

Lecture: 6 min

N7371BT8

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Le 06 Juin 2013

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Période d'essai/Temps de préavis

- Cass. soc., 30 mai 2013, n° 12-17.575, F-D (N° Lexbase : A9375KEX) : selon l'article 13 de la Convention collective régionale des employés techniciens et agents de maîtrise du bâtiment de la région parisienne (N° Lexbase : X2069AKT), au cours des quinze premiers jours de la période d'essai, les deux parties peuvent se séparer avec un préavis d'une journée de travail, après les quinze premiers jours, le temps de préavis réciproque est : une semaine pour un essai d'un mois, deux semaines pour un essai de deux mois, trois semaines pour un essai de trois mois. Ce texte ne prévoit pas que le temps de préavis doit s'insérer dans la période d'essai et prendre fin avant le terme de celle-ci .

  • Clause de mobilité/Mise en oeuvre abusive

- Cass. soc., 30 mai 2013, n° 12-13.608, F-D (N° Lexbase : A9449KEP) : la mise en oeuvre par l'employeur de la clause de mobilité est abusive alors que le salarié a avisé l'employeur du coût et de la durée des trajets entre son domicile et son nouveau lieu de travail, ainsi que de l'absence de transports en commun à la fin du travail journalier (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8757ES7).

  • Modification du contrat de travail/Diminution de responsabilités

- Cass. soc., 30 mai 2013, n° 12-16.614, F-D (N° Lexbase : A9680KEA) : la salariée, qui occupait jusqu'alors un poste de directrice de service, s'était vu proposer des fonctions de chargée de mission pour le management de projets, la prise en charge de dossiers associatifs et l'inscription territoriale de l'association ; caractérise ainsi l'existence d'une modification du contrat de travail ces nouvelles fonctions qui entraînaient une diminution des responsabilités de la salariée tant dans le domaine administratif et financier que dans celui de la gestion des ressources humaines (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8945ES4).

  • Progression de carrière/Exécution loyale du contrat

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-12.895, F-D (N° Lexbase : A9535KEU) : sauf accord collectif ou stipulation particulière du contrat de travail prévoyant une progression de carrière, l'employeur n'est pas tenu d'assurer cette progression par des changements d'emploi ou de qualification (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9010ESI).

  • Obligation de reclassement/Périmètre du groupe

- Cass. soc., 28 mai 2013, n° 12-13.943, F-D (N° Lexbase : A9482KEW) : le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4776EX8).

  • Obligation de reclassement/Absence de postes disponibles

- Cass. soc., 28 mai 2013, n° 11-23.859, F-D (N° Lexbase : A9439KEC) : l'obligation de reclassement naît à partir du moment où le licenciement est envisagé ; satisfait à celle-ci l'employeur qui a tenté le reclassement externe du salarié auquel il n'était pas tenu, la société n'appartenant pas à un groupe, et tant le registre du personnel que la consultation des délégués du personnel faisant apparaître qu'aucun poste n'était disponible (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9309ESL).

  • Prise d'acte/Obligation de sécurité

- Cass. soc., 28 mai 2013, n° 12-12.862, F-D (N° Lexbase : A9537KEX) : justifie la prise d'acte aux torts de l'employeur, le fait que ce dernier, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, imposait à la salariée, en dépit de ses multiples plaintes, des horaires de travail importants ne lui permettant plus de disposer du repos légal hebdomadaire et de nature à compromettre sa santé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9309ESL).

  • Allocation de départ à la retraite/Calcul de la rémunération servant de base

- Cass. soc., 28 mai 2013, n° 12-15.665, F-D : la base de calcul de l'allocation de départ à la retraite prévue par la Convention collective nationale des industries chimiques et connexes (N° Lexbase : X0653AEW) est la rémunération totale mensuelle gagnée par le salarié pendant le mois précédant le préavis de départ à la retraite ; elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le préavis de départ à la retraite. Pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles, notamment celles résultant de l'application des dispositions relatives aux brevets d'invention (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9748EST).

  • Modification unilatérale du contrat/Absence d'information du salarié

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-13.437, F-D (N° Lexbase : A9612KEQ) : lorsque l'employeur notifie au salarié une sanction emportant modification de son contrat de travail, il doit l'informer de sa faculté d'accepter ou refuser cette modification ; le salarié, qui se voit imposer une modification unilatérale de son contrat et qui ne choisit pas de faire constater que cette voie de fait s'analyse en un licenciement, est fondé à exiger la poursuite du contrat aux conditions initiales et ne peut être tenu d'exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2782ET9).

  • Coemployeur/Absence de liens juridiques

- Cass. soc., 28 mai 2013, n° 12-13.943, F-D (N° Lexbase : A9482KEW) : lorsque aucun élément n'établit l'existence de liens juridiques entre la société M. Europe et la société I., groupe américain, et qu'aucune pièce ne prouve davantage une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés liquidées, dont la société M. France, et la société I., les courriels invoqués par les salariés ayant seulement trait à la politique du groupe, la société I. n'était pas coemployeur des salariés de la société M. France (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2884ETY).

  • Compétence de la juridiction/Inopposabilité de la clause de la convention de détachement

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-15.966, F-D (N° Lexbase : A9587KES) : lorsqu'en exécution de la convention de détachement conclue pour une durée de cinq années, le salarié, qui était domicilié en France, exécutait son travail dans ce pays jusqu'à ce que l'employeur mette fin aux relations contractuelles, la juridiction dans le ressort de laquelle s'exécutait le travail était compétente en application de l'article R. 1412-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1720IAX), applicable dans l'ordre international, et la clause de la convention de détachement invoquée par l'employeur et dérogeant à cette règle ne pouvait lui être opposée (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5179EX4).

  • Bulletin de paie/Date d'ancienneté

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-12.895, F-D (N° Lexbase : A9535KEU) : la date d'ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0946ET9).

  • Absence d'autorisation de l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal/Acte de gestion courante

- Cass. soc., 28 mai 2013, n° 11-22.834, F-D (N° Lexbase : A9538KEY) : ne constitue pas un acte de gestion courante, et inopposable à la procédure collective et à l'AGS, le recrutement par une association d'une salariée selon un contrat à durée déterminée de deux ans sans l'autorisation de l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal ayant ouvert son redressement judiciaire aux fins d'assister son dirigeant dans la gestion (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1287ETT).

  • Obligation de sécurité de résultat/Volume anormal de travail

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-18.485, F-D (N° Lexbase : A9563KEW) : caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat le volume anormal de travail imposé au salarié pendant près de trois ans ayant participé de façon déterminante à son inaptitude consécutive à un accident du travail ; le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse quand bien même le salarié n'invoque pas un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3144ETM).

  • Harcèlement moral (non)/Reproches de l'employeur

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-16.211, F-D (N° Lexbase : A9478KER) : ne laissent pas présumer un harcèlement moral les reproches exprimés par le salarié tendant à démontrer que l'employeur avait cherché à le déstabiliser et l'avait incité à démissionner ne pouvant être retenus au regard des attributions du salarié dans l'entreprise avant la suppression de son poste, de sa participation à la réorganisation de l'unité qu'il dirigeait et des discussions qu'il a pu engager par la suite sur l'évolution de sa carrière avec l'employeur .

  • Harcèlement moral (non)/Responsabilité des tensions partagée entre employeur et salarié

- Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-13.530, F-D (N° Lexbase : A9502KEN) : n'est pas présumé le harcèlement moral lorsque la responsabilité des tensions existantes entre la salariée, dans une revendication permanente, et sa supérieure hiérarchique, était imputable à chacune d'entre elles, dont la personnalité et le comportement étaient difficiles .

newsid:437371

Temps de travail

[Brèves] Registre du temps de travail et notion de "données à caractère personnel"

Réf. : CJUE, 30 mai 2013, aff. C-342/12 (N° Lexbase : A0400KGW)

Lecture: 2 min

N7422BT3

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Le 06 Juin 2013

Un registre du temps de travail qui comporte l'indication pour chaque travailleur des heures de début et de fin du travail, ainsi que des interruptions ou des pauses correspondantes, relève de la notion de "données à caractère personnel". La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (N° Lexbase : L8240AUQ), ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui impose à l'employeur l'obligation de mettre à la disposition de l'autorité nationale compétente en matière de surveillance des conditions de travail le registre du temps de travail afin d'en permettre la consultation immédiate, pour autant que cette obligation est nécessaire aux fins de l'exercice par cette autorité de ses missions de surveillance de l'application de la réglementation en matière de conditions de travail, notamment, en ce qui concerne le temps de travail. Telles sont les solutions retenues par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 30 mai 2013 (CJUE, 30 mai 2013, aff. C-342/12 N° Lexbase : A0400KGW).
Dans cette affaire, l'autorité de contrôle du travail portugaise a estimé qu'une société s'était rendue coupable d'une infraction administrative grave au droit du travail, en enfreignant les règles relatives au registre du temps de travail dans la mesure où cette société n'avait pas permis que l'autorité puisse procéder à la consultation immédiate, dans l'établissement concerné, du registre du temps de travail des travailleurs affectés à cet établissement. La gravité de l'infraction tiendrait au fait que le registre du temps de travail permet de déterminer, directement et rapidement, la conformité de l'organisation de l'activité d'une entreprise à la réglementation relative au temps de travail. Le tribunal portugais se demande si l'article 2 de la Directive 95/46 doit être interprété en ce sens que la notion de "données à caractère personnel" inclut le registre du temps de travail, c'est-à-dire l'indication pour chaque travailleur des heures de début et de fin du travail, avec les interruptions ou les pauses correspondantes. Pour la Cour, l'obligation pour un employeur, en tant que responsable du traitement de données à caractère personnel, de fournir un accès immédiat au registre du temps de travail à l'autorité nationale compétente en matière de surveillance des conditions de travail n'implique nullement que les données à caractère personnel figurant dans ce registre devraient nécessairement, en raison de ce seul fait, être rendues accessibles à des personnes non autorisées à cette fin. Il convient donc d'adopter les mesures techniques et d'organisation nécessaires pour s'assurer que seules des personnes dûment autorisées à accéder aux données à caractère personnel concernées soient en droit de répondre à une demande d'accès émanant d'un tiers.

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