SOC. PRUD'HOMMES SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 mai 2013
Rejet
M. LINDEN, conseiller le plus ancien faisant fonction
de président
Arrêt no 1070 F-D
Pourvoi no H 12-16.614
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par l'association Les Nids, dont le siège est Mont-Saint-Aignan cedex,
contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2012 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Brigitte Y, domiciliée Bihorel,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 avril 2013, où étaient présents M. Linden, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller référendaire rapporteur, M. Ballouhey, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de l'association Les Nids, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 janvier 2012), que Mme Y, engagée le 1er novembre 1988 en qualité de pyschomotricienne par l'association Les Nids, a été nommée le 30 octobre 2006, directrice du service d'accompagnement familial (SAF) ; que le 15 mars 2010, le directeur général lui a indiqué qu'à la suite de la réintégration des missions du SAF au sein du service des maisons d'enfants à caractère social, son poste serait supprimé ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement d'indemnités ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen
1o/ que seule une modification des fonctions du salarié, qui résulte d'un changement de la nature des tâches attribuées et de leur niveau de difficulté, entraîne une modification du contrat de travail subordonnée à l'accord exprès de l'intéressé ; que l'association faisait valoir que le poste de chargé de mission était du même niveau de compétence que celui de directrice du SAF, que sa dimension géographique et professionnelle était plus vaste comme couvrant le territoire de Dieppe et les établissements le composant, que son influence et son prestige découlaient de son rôle consistant à montrer la dimension de l'association auprès des élus, des collectivités et à prendre en charge des dossiers associatifs majeurs tel que le pilotage de la commission internationale, ensemble d'opérations de niveau de compétence et de responsabilités au moins égal à celui occupé précédemment et autorisant le maintien des mêmes conditions statutaires ; que dès lors, en se bornant à affirmer que " les nouvelles fonctions entraînaient une diminution des responsabilités administratives, financières et de gestion en ressources humaines afférentes au poste de directrice du SAF " sans examiner la teneur des nouvelles fonctions, les comparer à celles occupées précédemment, ni s'expliquer sur la prétendue régression qu'elles réalisaient, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
2o/ que l'objet du litige est fixé par les prétentions des parties ; que dans ses écritures, Mme Y reconnaissait que le poste lui avait été proposé en raison " de la nécessaire restructuration et la réorganisation de son service ayant abouti (par l'intégration du SAF à la MECS) à la réunion de deux équipes de direction et, partant, à la suppression de son poste de directrice ", motif non inhérent à sa personne et constituant un motif économique ; que dès lors, en déclarant que la modification était intervenue " dans un contexte conflictuel suite aux doléances de la salariée concernant sa mise à l'écart de la préparation du budget 2010 " quand la salariée reconnaissait que la modification était consécutive à la réorganisation imposée par les exigences du conseil général sur l'accueil modulable dont la création avait entraîné une modification des structures par l'intégration du SAF à la MECS, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3o/ que l'intérêt du service public et l'obligation de s'y conformer invoqués par une association à but non lucratif caractérisent une réorganisation au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en déclarant que la modification proposée à Mme Y, qui ne reposait pas sur un motif inhérent à sa personne, n'était pas justifiée par un motif économique faute pour l'employeur de démontrer qu'elle était destinée à préserver son équilibre financier quand l'association avait invoqué l'intérêt du service offert au public et l'obligation de se conformer aux exigences du service social à l'enfance lesquels caractérisent une réorganisation au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que la salariée, qui occupait jusqu'alors un poste de directrice de service, s'était vu proposer des fonctions de chargée de mission pour le management de projets, la prise en charge de dossiers associatifs et l'inscription territoriale de l'association, la cour d'appel, qui a constaté que ces nouvelles fonctions entraînaient une diminution des responsabilités de la salariée tant dans le domaine administratif et financier que dans celui de la gestion des ressources humaines, a pu en déduire l'existence d'une modification de son contrat de travail ; que le moyen, qui critique un motif surabondant en sa deuxième branche et qui est nouveau, mélangé de fait et de droit en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Les Nids aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Les Nids à payer à Mme Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour l'association Les Nids
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'association Les Nids et de l'avoir condamnée à payer à Mme Y différentes sommes à titre d'indemnités de licenciement et de préavis, outre les congés payés y afférents, ainsi que des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs qu'" iI convient préalablement d'examiner la demande de résiliation judiciaire ; que Mme Y qui occupait le poste de directrice du SAF s'est vue proposer, dans le cadre de fa réorganisation des services, des fonctions de chargée de mission pour le management de projets, la prise en charge de dossiers associatifs et l'inscription territoriale de l'association sur le territoire de Dieppe, son poste étant intégré dans l'équipe de direction de l'AFP, avec le maintien d'un lien de collaboration avec les directeurs de l'association et le direction générale ; que ces nouvelles fonctions entraînaient une diminution des responsabilités administratives, financières et de gestion en ressources humaines afférentes au poste de directrice du SAF. Le procès-verbal du 30 octobre 2006 approuvant la nomination de Mme Y à ce poste faisait d'ailleurs état du développement de ce service ; que l'association entendait ainsi imposer à la salariée une modification de son contrat de travail et non de ses conditions de travail ; que celle-ci est au demeurant intervenue dans un contexte conflictuel à la suite des doléances de Mme Y concernant sa mise à l'écart de la préparation du budget 2010 ; que par ailleurs, cette modification ne reposait pas sur un motif inhérent à la personne de Mme Y qui avait occupé diverses fonctions depuis 1988 et dont les compétences professionnelles n'étaient pas mises en cause ; qu'elle n'était pas non plus fondée sur un motif économique puisque l'employeur dans sa lettre du 15 mars 2010, se borne à indiquer à Mme Y sans faire état d'un motif économique " que la réintégration des missions du SAF au sein des maisons d'enfants de l'établissement unique conduisait mécaniquement à la suppression du poste de directrice que vous occupez " " la décision dont je vous ai fait part ne reposait que sur la seule logique de l'activité, au bénéfice des usagers dont nous avons la responsabilité " ; qu'en cours de procédure, la société évoque dans ses conclusions, parmi d'autres considérations, une logique économique liée au coût de certaines activités sans toutefois que soit établie l'existence de difficultés économiques ou la nécessité de préserver l'équilibre financier de l'association ; qu'ainsi, l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles en tentant d'imposer à Mme Y une modification de son contrat de travail qui n'était fondée sur aucune cause réelle et sérieuse ; qu'iI convient donc de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que compte tenu de son ancienneté, de sa rémunération, de son âge (54 ans au moment du licenciement), qui rend difficiles ses recherches d'emploi, il convient de lui accorder 60.000 euros à titre de dommages-intérêts " ;
Alors, d'une part, que seule une modification des fonctions du salarié, qui résulte d'un changement de la nature des tâches attribuées et de leur niveau de difficulté, entraîne une modification du contrat de travail subordonnée à l'accord exprès de l'intéressé ; que l'association faisait valoir que le poste de chargé de mission était du même niveau de compétence que celui de directrice du SAF, que sa dimension géographique et professionnelle était plus vaste comme couvrant le territoire de Dieppe et les établissements le composant, que son influence et son prestige découlait de son rôle consistant à montrer la dimension de l'association auprès des élus, des collectivités et à prendre en charge des dossiers associatifs majeurs tel que le pilotage de la Commission Internationale, ensemble d'opérations de niveau de compétence et de responsabilités au moins égal à celui occupé précédemment et autorisant le maintien des mêmes conditions statutaires ; que dès lors, en se bornant à affirmer que " les nouvelles fonctions entraînaient une diminution des responsabilités administratives, financières et de gestion en ressources humaines afférentes au poste de directrice du SAF " (arrêt p. 5, 5e al.) sans examiner la teneur des nouvelles fonctions, les comparer à celles occupées précédemment, ni s'expliquer sur la prétendue régression qu'elles réalisaient, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Alors, d'autre part, que l'objet du litige est fixé par les prétentions des parties ; que dans ses écritures, Mme Y reconnaissait que le poste lui avait été proposé en raison " de la nécessaire restructuration et la réorganisation de son service ayant abouti (par l'intégration du SAF à la MECS) à la réunion de deux équipes de direction et, partant, à la suppression de son poste de directrice ", motif non inhérent à sa personne et constituant un motif économique ; que dès lors, en déclarant que la modification était intervenue " dans un contexte conflictuel suite aux doléances de la salariée concernant sa mise à l'écart de la préparation du budget 2010 " quand la salariée reconnaissait que la modification était consécutive à la réorganisation imposée par les exigences du Conseil général sur l'accueil modulable dont la création avait entraîné une modification des structures par l'intégration du SAF à la MECS, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, enfin, en toute hypothèse, que l'intérêt du service public et l'obligation de s'y conformer invoqués par une association à but non lucratif caractérisent une réorganisation au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en déclarant que la modification proposée à Mme Y, qui ne reposait pas sur un motif inhérent à sa personne, n'était pas justifiée par un motif économique faute pour l'employeur de démontrer qu'elle était destinée à préserver son équilibre financier quand l'association avait invoqué l'intérêt du service offert au public et l'obligation de se conformer aux exigences du service social à l'enfance lesquels caractérisent une réorganisation au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.