Le Quotidien du 16 octobre 2025

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[Veille d'actualité] L'actualité mensuelle du droit public (septembre 2025)

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par Yann Le Foll

Le 16 Octobre 2025

La revue Lexbase Public vous propose de retrouver une sélection des décisions (I) qui ont fait l’actualité du mois de septembre 2025, ainsi que l'essentiel de l'actualité normative (II).


 

I. Actualité jurisprudentielle

♦ Domaine public

CE, 3°-8° ch. réunies, 17 septembre 2025, n° 494428, publié au recueil Lebon N° Lexbase : B2076BT3 : un parc de stationnement accessible depuis la voie publique et abritant des places de stationnement temporaire appartient au domaine public routier.

CE, 3°-8° ch. réunies, 17 septembre 2025, n° 498965, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B2083BTC : le constat, personnellement effectué par un agent de Voies navigables de France (VNF), commissionné par le directeur général de cet établissement public et assermenté, de faits susceptibles de caractériser la contravention de grande voirie fait également foi jusqu’à preuve contraire pour caractériser le stationnement sans autorisation d’un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial.

♦ Droit des étrangers

Cons. const., décision n° 2025-1158 QPC, du 12 septembre 2025  N° Lexbase : B4208BRB : en prévoyant que l’étranger dont la rétention a pris fin par l’effet d’une décision de justice est maintenu à la disposition de la justice pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt-quatre heures avant l’appel du ministère public, le législateur a porté une atteinte excessive à la liberté individuelle.

CE référé, 16 septembre 2025, n° 507903, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B2082BTB : des affrontements opposant des groupes criminels armés rivaux entre eux et ces groupes à la police nationale, voire aux groupes d'autodéfense, peuvent caractériser une situation de violence aveugle d'un niveau d'intensité exceptionnelle empêchant une mesure d’éloignement.

♦ Environnement

CE, 5°-6° ch. réunies, 30 septembre 2025, n° 492891, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B9291BYR : pour déterminer l’impact du projet d'installation d’un parc éolien sur les vues offertes depuis un monument, doivent être prises en compte uniquement les vues offertes depuis les points normalement accessibles et dont la qualité est telle qu'elles participent effectivement à sa conservation, ainsi que la circonstance que le monument est fermé au public.

♦ Fonction publique

CE, 3°-8° ch. réunies, 26 septembre 2025, n° 488244, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B4009BXR : la méconnaissance du délai de dix jours permettant au fonctionnaire mis à la retraite d'office pour invalidité de prendre connaissance de son dossier a pour effet de vicier la consultation de la commission de réforme des agents de la FPT et de la FPH.

CE, 3°-8° ch. réunies, 26 septembre 2025, n° 488401, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B4007BXP : la qualité de membre d'un jury d'examen professionnel de la fonction publique ayant participé à ses délibérations ne permet pas de justifier d'un intérêt donnant qualité pour demander l'annulation de décisions prises par ce jury.

Marchés publics

CAA Paris, 4ème ch., 26 septembre 2025, n° 24PA02714 N° Lexbase : B7372BXC : le pouvoir adjudicateur ne peut écarter comme inacceptable une offre au motif quelle excède le montant des crédits budgétaires alloués à un marché qu’à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution.

Pour en savoir plus :

TA Rouen, 24 septembre 2025, n° 2504138 N° Lexbase : B9788BXS : ne peut être caractérisé d’offre anormalement basse un poste représentant une part minime du montant total de l'offre.

Pour en savoir plus :

TA Mayotte, 17 septembre 2025, n° 2501543 N° Lexbase : B8122BTY : une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public ne peut se prévaloir, du seul fait de son appartenance à un groupe de sociétés, du chiffre d'affaires global réalisé par le groupe.

Pour en savoir plus :

TA La Réunion, 5 septembre 2025, n° 2501369 N° Lexbase : B6726BQ8 : sont irrégulières des conditions imprécises de participation à la procédure de passation d’un marché public.

v. Fiche pratique, FP093, L'examen des candidatures et des offres N° Lexbase : X5945CNI.

TA Nantes, 4 septembre 2025, n° 2513762 N° Lexbase : B3701BSU : une société n’ayant pu déposé sa candidature et son offre du fait du dysfonctionnement d’une plateforme dématérialisée dédiée à cet effet est fondée à demandée l’annulation de la décision de rejet de sa candidature et de son offre.

♦ Responsabilité administrative

CE, 1°-4° ch. réunies, 19 septembre 2025, publiés au recueil Lebon, n° 470918 N° Lexbase : B8825BTZ et n° 476305 N° Lexbase : B8826BT3 : eu égard à l'objet et à la finalité du contrôle opéré par l'administration et au rôle qui lui est conféré dans le processus d'élaboration des plans de sauvegarde de l'emploi, la responsabilité de l'État à raison d'une illégalité entachant une décision d'homologation de document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, ou de refus d'homologation d'un tel document, ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.

CAA Toulouse, 25 septembre 2025, n° 23TL01482 N° Lexbase : B5372BWU : les riverains d’un parc éolien ne sont pas fondés à demander la condamnation de l’État à les indemniser des préjudices dont ils se prévalent en l’absence de carence fautive du préfet dans l’exercice de son pouvoir de police au titre du Code de l’environnement.

À ce sujet. Lire Les conditions de manquement de l’État à ses obligations au titre de la police des ICPE - Questions à Camille Wautier et Lara Soulie-Julien, Drouot Avocats, Le Quotidien, 3 octobre 2025 N° Lexbase : N3023B3D.

CAA Paris, 3 septembre 2025, n° 23PA03881 N° Lexbase : B1511BNB : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a commis une faute en ne procédant pas à l’évaluation des produits phytopharmaceutiques au vu du dernier état des connaissances scientifiques.

À ce sujet. Lire Chlordecone : Une reconnaissance pleine et entière des fautes de l’État mais une indemnisation des victimes en demi-teinte ? Questions à Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, Le Quotidien, 11 août 2025 N° Lexbase : N1970B3D.

♦ Santé publique

 

Cass. civ. 3, 11 septembre 2025, n° 23-14.398, FS-B N° Lexbase : B3405BRK : l'instauration d'un périmètre de protection rapprochée pour la protection des eaux destinées à la consommation humaine, prévu à l'article L. 1321-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L2339MGQ, n'emportant pas automatiquement l'inconstructibilité des parcelles concernées, le point de départ de la prescription quadriennale de la demande d'indemnités dues aux propriétaires ou occupants de ces parcelles est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle ils ont eu ou auraient dû avoir connaissance des restrictions d'usage résultant de la servitude d'utilité publique les affectant.

♦ Urbanisme

CE, 5°-6° ch. réunies, 30 septembre 2025, n° 496625, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B5049BYN : dans le cadre de la régularisation d'un vice de procédure tiré de l'absence d'évaluation environnementale avant la révision d'un plan local d’urbanisme, la modification de celui-ci découlant de l'évaluation réalisée peut se limiter à apporter des compléments analytiques au rapport de présentation.

Pour en savoir plus :

  • Lire La régularisation en droit de l’urbanisme - Questions à Henri Bouillon, Maître de conférences à l'Université de Bourgogne-Franche-Comté, Lexbase Public n° 597, 2020 N° Lexbase : N4502BYE.
  • v. Infographie, INFO515, Le contentieux du plan local d'urbanisme (PLU) N° Lexbase : X5556CN4.

II. Actualité normative

♦ Fonction publique

Décret n° 2025-888 du 4 septembre 2025, modifiant certaines dispositions relatives aux régimes indemnitaires dans la fonction publique territoriale N° Lexbase : L0645NBI : modification de plusieurs dispositions réglementaires relatives aux régimes indemnitaires de la fonction publique territoriale pour prendre en compte l'entrée en vigueur du Code général de la fonction publique et la création du corps des psychologues du ministère de la Justice et tirer la conséquence du déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel pour certains corps équivalents de l'État en actualisant le tableau des équivalences provisoires du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 N° Lexbase : L2827G89.

♦ Procédure administrative

Décret n° 2025-969 du 23 septembre 2025, attribuant à la cour administrative d'appel de Marseille le contentieux des opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes aux jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2030 N° Lexbase : L3163NBR : attribution du contentieux des litiges relatifs aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux opérations de construction ou de rénovation d'infrastructures, d'équipements, de voiries et de pistes de ski alpin ou nordique, ainsi que des documents d'urbanisme qui les conditionnent, liées à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, à la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1 er novembre 2025 et jusqu'au 10 mars 2030.

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Avocats/Gestion de cabinet

[Questions à...] La réponse de l’avocat au bouleversement de l’immobilier individuel et commercial - Questions à Florence Bouthillier, DS avocats

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N3102B3B

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Le 15 Octobre 2025

Mots clés : immobilier • réglementations environnementales • vacance commerciale • e-commerce • diagnostic de performance énergétique

Nouvelles normes incessantes, bureaux et espaces commerciaux « classiques » qui se vident à mesure de l’évolution des modes de vie et de salariat, difficultés à obtenir des financements auprès des banques pour mener à bien les rénovations énergétiques nécessaires, le domaine de l’immobilier est en plein bouleversement depuis plusieurs années. Pour nous éclairer sur cette problématique, Lexbase a interrogé Florence Bouthillier, DS avocats, spécialisée en droit de l’immobilier et de la construction*.


 

Lexbase : Quels sont les bouleversements majeurs à l'œuvre dans les domaines de l'immobilier et de la construction ?

Florence Bouthillier : Je citerai l'augmentation des taux d'intérêt, le changement des comportements post-Covid et la transition écologique.

Concernant les taux d'intérêt, cela a induit des conséquences sur le marché immobilier, donc sur l'activité immobilière et la construction. Cette hausse a également réduit la capacité d'emprunt des ménages, et d'une façon générale des sociétés, avec pour ces dernières des difficultés déjà présentes depuis la crise du covid. Cette hausse a logiquement conduit à une baisse des prix de l'immobilier, pas entièrement compensée par la stabilisation des taux observée début 2025. Nous assistons donc à un ralentissement très net de l'activité en construction et en transaction immobilière.

Concernant le changement des habitudes post-Covid, on a assisté à une sorte d’exode des villes avec une population en demande d’espaces plus grands, de jardins, d'espaces verts, etc. Dans le secteur professionnel, avec l'explosion du télétravail, les besoins de surfaces de bureaux ont fortement diminué, entraînant une perte de terrain du bail commercial classique. Les clients nous demandent maintenant de beaucoup travailler sur des contrats de prestations de services (coworking, baux flexibles).

Il y a aussi une reconfiguration des espaces, toujours dans le secteur professionnel, puisqu’au lieu de bureaux classiques qui ne sont que des lieux de travail finalement où chacun est dans son espace, les bureaux deviennent des lieux de rencontre, de collaboration, de culture, avec des espaces modulables sans postes attribués, avec pour objectif que les gens se mélangent.

Il y a évidemment aussi un phénomène de délocalisation partielle, avec pas mal d'entreprises qui ont déplacé une partie de leurs activités vers des villes de moindre importance, moins chères, avec parfois, dans certains cas, une vitrine conservée dans les grandes métropoles.

En industrie et en logistique, compte tenu de l'explosion du e-commerce, est apparu un besoin important de plateformes logistiques et de data centers. De ce point de vue là, les zones en périphérie des grandes villes ont pris de l'importance et de la valeur puisqu’évidemment, ce sont des activités qu'on ne peut pas mener en centre-ville. Il y a aussi l'automatisation, la technicisation des bâtiments qui est maintenant recherchée puisqu’on a besoin de sites industriels qui sont adaptés aux nouvelles technologies. On doit sortir techniquement des bâtiments capables d'accueillir une robotisation de la gestion intelligente, y compris de gestion intelligente des stocks. Les start-up et PME sont aussi en recherche de baux plus courts et plus flexibles. On assiste également à une forte demande d'immeubles en tertiaire qui comportent des salles de sport, des cantines healthy, avec des produits bio, des crèches, des services de conciergerie… Tout cela a pour conséquence l’augmentation de vacances dans les bureaux dits « classiques ».

Le troisième point que je voudrais aborder concerne la transition écologique et les nouvelles normes auxquelles sont soumis l'immobilier et la construction. Apparaît au grand jour un clivage accentué entre les immeubles modernes, qui comportent toutes les caractéristiques que je viens de vous citer, et puis ceux qui sont anciens, voire maintenant qualifiés d'obsolètes et qui sont quasiment invendables, sauf à y faire des travaux importants. Les logements énergivores vont être progressivement retirés du marché locatif pour ceux qui sont à louer, et connaître une forte décote à la vente pour les autres, de 10 à 30 %.

À cela s'ajoutent l'explosion des coûts de rénovation, l’une des conséquences de la guerre en Ukraine et la difficulté d'obtenir des matières premières d'une façon générale pour construire ou pour rénover de manière « vertueuse » écologiquement (dépense énergétique, éclairages LED, isolation thermique, recharges électriques, certification HQE). Des travaux importants peuvent se chiffrer en plusieurs dizaines de milliers  d'euros pour les particuliers et bien davantage pour des immeubles de bureaux, avec un accès au crédit rendu justement plus difficile par la hausse des taux d’intérêts et aux aides par leur complexité. Mais ce n'est plus seulement une question de financement, mais aussi d'image et de valeurs. D’ailleurs, les centres commerciaux qui sont mal notés énergétiquement perdent en attractivité.

Lexbase : De quelle manière affectent-ils la conduite de vos dossiers ?

Florence Bouthillier : Avec ces nouvelles tendances que je vous ai décrites, on va demander de plus en plus de qualifications techniques aux avocats. Sans avoir évidemment les qualifications identiques à celles d'un constructeur, d'un promoteur, d'un architecte, on doit quand même s'adapter en développant de nouvelles expertises. On doit dorénavant connaître, dans nos équipes en droit de l’immobilier, le droit de l'énergie et de l'environnement. Or, ces réglementations environnementales se sont multipliées de manière critique depuis 10 ans, donc ce n'est pas toujours évident d'être à jour dans ces nouveaux domaines. Parallèlement, il faut savoir maintenant faire des montages juridiques qui comportent des rénovations énergétiques. Or, compte tenu du rythme de sortie des règles et des normes environnementales, l’actualisation de nos connaissances pour anticiper les risques juridiques doit être constante.

Émergent également de nouvelles formes de contrats et de contentieux, comme le « bail vert », devenu un facteur de valorisation de votre immobilier et de votre image de marque, ou les litiges en matière de DPE ou de vices cachés environnementaux, qui peuvent conduire à l’annulation d’une vente.

Au final, ces nouvelles expertises dont il faut qu'on fasse bénéficier notre client et ces nouvelles formes de contrat et de contentieux, aboutissent à un accompagnement relevant du conseil stratégique, très en amont, pour permettre au client futur propriétaire ou utilisateur, locataire ou bailleur, de bénéficier d'une situation locative ou de propriété optimisée. Par exemple, dans le cadre de la réhabilitation d'un immeuble ancien classé, il va falloir coordonner la partie urbanisme avec la partie environnement, la partie fiscalité, la partie copropriété, dans un souci de l'environnement et de la performance énergétique.

Citons enfin la transformation de logements obsolètes en hôtels ou d'immeubles à usage de bureaux en habitations, évidemment le tout aux normes, avec l’obtention des conformités administratives pour le changement d'usage.

Lexbase :  Certains confrères sont-ils plus exposés que d'autres ?

Florence Bouthillier : Oui, par définition je dirais les petits cabinets et les confrères qui, de par leur ancienneté dans la profession, seraient peut-être moins ouverts à la modification des comportements et à l'utilisation des techniques pour travailler ces dossiers-là. En outre, l'immobilier est devenu beaucoup plus technique qu'avant. On fait maintenant du droit immobilier technique, environnemental, énergétique et certains avocats travaillant à l'ancienne, sans avoir été formés aux enjeux environnementaux, peuvent avoir du mal à s'adapter. Ils peuvent ne pas avoir nécessairement facilement les nouveaux réflexes concernant par exemple, la mise en œuvre du décret « tertiaire » (décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 N° Lexbase : L4181MUE), les changements d'usage des immeubles, les normes environnementales qui se multiplient. Ils peuvent aussi manquer de temps et de moyens. Or, les clients attendent maintenant de notre part des retours très rapides et si nous ne savons pas nous doter des outils qui vont nous permettre d'accélérer notre capacité de réflexion, en réalité, on perd alors du terrain.

Et même pour les avocats faisant du contentieux, on voit que l'intelligence artificielle s'insère dorénavant à l'intérieur du processus des recherches préalables au lancement d'un contentieux, que ce soit dans la recherche de jurisprudences, de cas semblables, y compris dans l'appréciation du risque à lancer telle ou telle procédure dans telle ou telle circonstance.

Donc, il convient absolument d'adopter ces nouveaux outils tout en conservant un esprit critique car ils ne sont pas sans défauts. Il faut réinventer finalement le métier d'avocat en sachant se faire accompagner sans se faire déborder par ces nouveaux outils.

Lexbase : La crise immobilière qui sévit depuis deux ans a-t-elle également des répercussions (vacance commerciale, expulsions) ?

Florence Bouthillier : Sans aucun doute. Le télétravail massif, la crise économique, l'inflation, la baisse de la consommation, la fermeture de commerces physiques au profit de l'e-commerce, la montée des normes écologiques, tous ces éléments contribuent à ce que la vacance commerciale explose. Elle a dépassé 10 % des cellules commerciales en centre-ville et jusqu'à 20 % dans certaines villes moyennes et 20 à 30 % parfois dans les galeries commerciales secondaires.

La seconde conséquence de cette évolution est la hausse des expulsions commerciales. L’on assiste à une multiplication des défauts de paiement du fait de la fin des mesures Covid, du refus de négociation par certains bailleurs qui cherchent à faire face aux difficultés économiques, à rebondir et trouver de meilleurs locataires, davantage porteurs d'une bonne image. Ils veulent des garanties à première demande plutôt que des cautions, ou même des dépôts de garantie « cash » plutôt que des cautions ou des garanties à première demande.

Et puis dans certaines villes, des rues commerçantes se vident de manière assez effrayante. Or, moins il y a de commerçants, moins il y en a d’attractivité et les seuls restants sont quasiment obligés de partir et d'aller s'implanter ailleurs.

Lexbase :  Que pensez-vous de l'IA juridique dans votre spécialité ?

Florence Bouthillier : Cela peut apporter une automatisation des tâches répétitives et faciliter une analyse prédictive du risque. En revanche, cela ne doit pas déresponsabiliser l'avocat, obérer son esprit critique et empêcher de faire fonctionner son propre esprit d'analyse et de réflexion. L'IA peut être une façon de collecter des informations efficaces et rapides mais il ne faut surtout pas s'abstraire de la tâche essentielle de l'avocat, à savoir réfléchir à la problématique posée par le client.

*Propos recueillis par Virginie Natkin, chargée d’affaires grands comptes Avocats et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

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Environnement

[Questions à...] PFAS, une action insuffisante des pouvoirs publics ? Questions à Gabrièle Gien, Avocate associée, Phusis Avocats

Lecture: 8 min

N3095B3Z

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Le 21 Octobre 2025

Mots clés : PFAS • polluants éternels • risques sanitaires • environnement • consommateurs

Eau potable, air respiré, aliments, vêtements, cosmétiques, produits manipulés quotidiennement, les per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont des substances chimiques utilisées massivement par les industriels pour concevoir leurs produits du fait, notamment, de leur forte résistance à la chaleur. Ils ont toutefois la particularité de persister pendant des décennies dans l’environnement, leur dégradation finale pouvant, en outre, engendrer de nouveaux problèmes sanitaires. Les pouvoirs publics, longtemps passifs du fait de fréquents chantages à l’emploi en cas de restrictions envisagées à leur usage, sont-ils enfin prêts à réagir ? Lexbase a interrogé à ce sujet Gabrièle Gien, Avocate associée, Phusis Avocats*.


 

Lexbase : De nombreuses collectivités ont vu leur eau potable inutilisable du fait de la présence de PFAS. La réglementation est-elle insuffisante ?

Gabrièle Gien : La réglementation encadrant la concentration en PFAS dans l’eau du robinet est relativement récente. Ce n’est qu’en 2020 que la Directive (UE) n° 2020/2184 du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine N° Lexbase : L7955MED, a inclus, parmi les valeurs paramétriques devant faire l’objet d’un contrôle, certaines substances alkylées per- et polyfluorées.

Selon cette Directive, l’eau ne peut pas être considérée comme potable :

  • si elle contient plus de 0,5 microgramme de PFAS par litre d’eau du robinet ;
  • ou si elle contient plus de 0,1 microgramme de PFAS considérés comme préoccupants (et dont la liste figure à l’annexe III, partie B, point 3 de la Directive précitée).

Cette Directive précisait par ailleurs que les valeurs paramétriques ne s’appliqueraient « qu’une fois que des lignes directrices techniques pour la surveillance de ce paramètre auront été élaborées ». Or, il a fallu attendre 2024 pour que soient enfin publiées ces lignes directrices au Journal officiel de l’Union européenne [1].

Dans cette communication, la Commission précise, en outre, que les États membres sont tenus de respecter ces paramètres au plus tard le 12 janvier 2026. Autrement dit, entre l’adoption de la Directive (UE) n° 2020/2184 et la date à laquelle les États, dont la France, devront être en conformité, il se sera écoulé un peu plus de cinq ans !

Les valeurs paramétriques ont parallèlement été transposées, en France, dans l’arrêté du 11 janvier 2007, relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine N° Lexbase : L4772M8A.

Ce n’est donc pas tant une question d’insuffisance de la réglementation qu’une question de délai de réaction dans la mise en œuvre de la réglementation. Concrètement, on se demande comment, d’ici le 12 janvier 2026, la France pourra assurer la conformité de l’entièreté du réseau avec les paramètres fixés par la Directive, alors qu’elle en est encore à découvrir des taux extrêmement élevés de PFAS dans les réseaux d’eau de nombreuses communes en France.

Lexbase : Les juges administratif et judiciaire ont-ils une approche répressive ou libérale en la matière ?

Gabrièle Gien : Il est encore difficile d’estimer quelle approche retiendront les juges sur cette question, dans la mesure où les seuils sont rendus obligatoires seulement à partir du 12 janvier 2026.

Néanmoins, on peut imaginer que du côté du juge administratif, certains usagers de l’eau pourront engager la responsabilité de l’État, dans la mesure où ce dernier ne sera visiblement pas en mesure, à cette date, d’avoir une vision claire et exhaustive de l’étendue de la contamination du réseau en France. Ce faisant, une carence fautive pourrait être caractérisée, du fait des risques pour la santé des consommateurs d’eau du robinet.

Par ailleurs, cette absence d’identification claire et précise du degré de contamination dans le cadre du contrôle sanitaire réalisé par les Agences régionales de santé (ARS) place également les distributeurs d’eau, et en premier lieu les communes, dans une situation particulièrement délicate. En tant que fournisseurs, ces derniers sont tenus d’une obligation de résultat à l’égard des usagers, en échange de la redevance versée annuellement : distribuer de l’eau potable.

Si ce service public n’est pas correctement mis en œuvre par les communes, leurs groupements ou leurs délégataires privés, les usagers pourraient exiger un remboursement des redevances versées devant le juge judiciaire – mais également l’indemnisation du préjudice de jouissance, l’eau ne pouvant plus être consommée. En l’occurrence, il existe une jurisprudence abondante en matière judiciaire, le juge civil considérant que la méconnaissance de son obligation de résultat par le fournisseur d’eau l’expose à devoir indemniser l’usager qui ne peut plus consommer l’eau de son robinet.

À terme, il serait donc envisageable que les distributeurs d’eau, publics comme privés, se retournent contre l’État pour exiger qu’il prenne en charge le coût des travaux nécessaires à la décontamination de l’eau du robinet.

Lexbase : Comment forcer les grands industriels à changer leurs pratiques ?

Gabrièle Gien : Les PFAS retrouvés dans l’eau du robinet peuvent en effet résulter des rejets émis par les activités industrielles. Il existe déjà un arsenal de mesures juridiques qui visent à contraindre certaines industries à changer leurs pratiques.

En particulier, l’arrêté du 20 juin 2023, relatif à l’analyse des substances per- ou polyfluoroalkylées N° Lexbase : L9799MHE, impose aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation de réaliser des campagnes trimestrielles d’identification et d’analyses des PFAS dans les rejets aqueux, avec tenue d’une liste des PFAS émis et campagnes menées, en vue d’une surveillance pérenne et d’actions de réduction.

La loi n° 2025-188 du 27 février 2025, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkyléesN° Lexbase : L7350M8Q, a également créé un nouvel article L. 213-10-2 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7345M8K imposant aux exploitants émetteurs une redevance « pour pollution de l’eau d’origine non domestique des industriels non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées, pour tout ou partie de ces rejets », reversée aux Agences de l’eau. Parallèlement, la loi du 27 février 2025 prévoit également une interdiction progressive de mise sur le marché de produits contenant des PFAS à partir du 1er janvier 2026 (cosmétiques, fart, certains textiles, chaussures et imperméabilisants) puis une extension à d’autres textiles en 2030 (C. env., art. L. 524-1 N° Lexbase : L7347M8M).

Enfin, il existe une obligation de remise en état à la cessation des ICPE, appréciée au regard des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6525L7S, sans exiger une dépollution totale mais avec un niveau suffisant pour prévenir dangers et inconvénients. Dans le cadre de ce régime de responsabilité environnementale, le préfet, qui dispose du pouvoir de police des ICPE, peut imposer la remise en état au détenteur du bien (et non seulement à l’exploitant) en cas de défaillance. L’exécution d’office aux frais de l’exploitant peut également être ordonnée et, en cas d’urgence, l’administration peut décider de prendre elle-même les mesures nécessaires. Des amendes peuvent parallèlement être prononcées, conformément à l’article L. 171-7 du Code de l’environnement N° Lexbase : L9520MIG.

À l’image de la redevance créée à l’article L. 213-10-2 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7345M8K, il pourrait être intéressant de créer une taxe, perçue par les distributeurs d’eau, pour pollution du réseau d’eau du robinet. Le produit de cette taxe pourrait ainsi servir à financer la dépollution et l’installation de filtres dans les stations d’eau potable, souvent très coûteux.

Lexbase : Les pouvoirs publics devront-ils de leur côté adopter des textes plus contraignants ?

Gabrièle Gien : Au niveau européen, l’Agence européenne des produits chimiques étudie actuellement la possibilité d’imposer une restriction « REACH » sur l’ensemble du groupe PFAS. Pour rappel, le Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques N° Lexbase : L0078HUG, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) encadre les substances chimiques pour protéger la santé humaine et l’environnement, notamment en limitant ou en interdisant la fabrication, la mise sur le marché ou l’utilisation de ces substances considérées comme dangereuses.

Une telle restriction serait particulièrement efficace, puisqu’elle s’appliquerait directement dans les États membres, mais nécessite un long processus d’évaluation, toujours en cours. Cette proposition se heurte surtout à une opposition massive de la part des groupes de pression industriels des secteurs concernés (chimie, textile, électronique, cosmétiques).

En France, bien que la loi du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux PFAS soit plus ambitieuse que le cadre européen, les ustensiles de cuisine, et notamment les poêles antiadhésives, ainsi que les emballages ont été exclus du champ de l’interdiction. Des arguments tenant à la préservation des emplois et de la compétitivité du groupe Tefal, qui utilise un revêtement antiadhésif à base de PTFE (polytétrafluoroéthylène), avaient été avancés pour exclure les ustensiles de cuisine du périmètre fixé par la loi.

De son côté, le récent décret n° 2025-958 du 8 septembre 2025, relatif aux modalités de mise en œuvre de la trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles N° Lexbase : L1844NBW, fixe un objectif de diminution de 70 % des rejets d’ici le 27 février 2028 et une fin des rejets d’ici le 27 février 2030. La réalisation de ces objectifs impliquera nécessairement l’arrêt de la fabrication d’autres produits contenant des PFAS que ceux actuellement énumérés à l’article L. 524-1 du Code de l’environnement.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

[1] Communication de la Commission C/2024/4910 du 7 août 2024.

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Urbanisme

[Commentaire] Effet utile de l’annulation du refus d’un maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme : la légalité s’apprécie à la date du refus

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 2 octobre 2025, n° 503737, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B5956BYA

Lecture: 8 min

N3096B33

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par Ambroise Vienet-Legué, Avocat associé, Ancien Secrétaire de la Conférence, Louve avocats

Le 14 Octobre 2025

Mots clés : urbanisme • procès-verbal • permis de construire • contrôle des travaux • prescription de l'action publique

Lorsqu’il doit se prononcer sur la légalité d’une décision d’un maire refusant de dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme, le juge administratif doit se placer à la date de cette décision de refus et non pas à la date à laquelle il statue. En cas d’annulation, il doit enjoindre au maire de faire dresser un procès-verbal, sauf à ce que l’action publique soit prescrite.


 

 

I. Faits et procédure

Les requérants ont constaté la réalisation de travaux sans autorisation d’urbanisme sur un terrain voisin au leur.  

Ils ont demandé au maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme et d’en transmettre une copie au ministère public, conformément aux dispositions de l’article L. 480-1 de ce code N° Lexbase : L0742LZI.

Une décision implicite de refus est née puisque le maire a gardé le silence pendant deux mois.

Ils ont alors saisi le tribunal administratif afin, d’une part, que cette décision de refus soit annulée et, d’autre part, qu’il soit enjoint au maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction.

Cependant, à la date à laquelle le tribunal administratif est saisi, l’infraction a été régularisée en raison de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme a posteriori.

Le tribunal administratif  a décidé de saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis contentieux sur le fondement de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L2626ALT.

En substance, les deux questions qui se posent sont les suivantes :

  • à quelle date le juge de l’excès de pouvoir doit-il se placer pour apprécier la légalité de la décision de refus de dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme ?
  • dans l’hypothèse où la légalité doit s’apprécier à la date de la décision de refus, faut-il enjoindre au maire de dresser un procès-verbal d’infraction ?

II. Les rappels préalables du Conseil d’État

Avant de répondre précisément aux deux questions posées par le tribunal administratif, le Conseil d’État procède à trois rappels préalables.

Premièrement, en matière de recours pour excès de pouvoir,  la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date de son édiction.

Ce n’est que par exception, lorsque cela est nécessaire pour conférer un « effet utile » à sa décision, que le juge administratif doit se placer à la date à laquelle il statue.

Comme la Haute Juridiction le précise, l’intérêt de basculer vers une telle « appréciation dynamique » de la légalité d’un acte s’évalue « eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait » [1].

Deuxièmement, lorsque le maire a connaissance d’une infraction au Code de l’urbanisme, il a l’obligation de faire dresser un procès-verbal [2].

Cette obligation ressort expressément des dispositions de  l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme.

En d’autres termes, le maire est en situation de « compétence liée » lorsqu’est portée à sa connaissance l’existence d’une infraction au Code de l’urbanisme. Dans cette hypothèse, il doit faire dresser un procès-verbal d’infraction et en transmettre une copie au ministère public.

C’est ensuite ce dernier qui déterminera si l’infraction doit être pénalement poursuivie ou non, conformément au principe d’opportunité des poursuites (CPP, art. 40-1 N° Lexbase : L7457LBS).  

Troisièmement, le fait que des travaux effectués en infraction au Code de l’urbanisme soient régularisés – comme cela a été le cas en l’espèce par la délivrance d’une autorisation d’urbanisme de régularisation – ne fait pas « disparaître l’infraction ».

En effet, dans une telle hypothèse, des poursuites pénales peuvent toujours être engagées [3].

III. Une légalité qui doit s’apprécier au jour de la décision de refus

Le Conseil d’État répond à la première question posée par le tribunal administratif en indiquant que le juge de l’excès de pouvoir doit apprécier la légalité de la décision de refus de dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme en se plaçant à la date de celle-ci, et non pas à la date à laquelle il statue.

Cela est commandé par la nécessité de conserver l’ « effet utile » d’une éventuelle décision d’annulation.  

En effet, si le juge administratif devait se placer à la date à laquelle il prend sa décision (« appréciation dynamique » de la légalité), cela ne serait pas sans poser de difficultés.

Dans l’hypothèse où l’infraction aurait été régularisée, comme en l’espèce, le juge administratif ne pourrait pas prononcer l’annulation de la décision de refus de dresser un procès-verbal puisque l’infraction aurait cessé au jour où il se prononcerait.

D’abord, cela entrerait en contradiction avec l’essence même de l’obligation qui pèse sur le maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction dès lors qu’il a connaissance de celle-ci (C. urb., art. L. 480-1).

Ensuite, et plus concrètement, cela aurait pour conséquence que l’inaction administrative puisse faire obstacle à l’action publique tendant à réprimer les infractions pénales en matière d’urbanisme.  

En effet, comme il a été rappelé, le fait que l’infraction soit régularisée ne fait pas disparaître celle-ci aux yeux du juge répressif : l’auteur de l’infraction peut toujours être poursuivi pénalement. Ainsi, par le biais d’une régularisation de l’infraction commise, celui-ci pourrait finalement échapper à la constatation formelle de l’infraction et, par suite, à d’éventuelles poursuites.

Cette position du Conseil d’État s’inscrit dans la droite ligne d’un avis précédemment rendu en matière de contravention de grande voirie [4].

Il y était notamment relevé que « si la disparition de l’atteinte à l’intégrité du domaine ou la fin de son occupation irrégulière peuvent être de nature à priver d’objet l’action domaniale, un tel changement de circonstances ne saurait priver d’objet l’action publique ».

La Haute juridiction soulignait ainsi que la légalité de la décision de refus de l’administration de constater une contravention de grande voirie devait être appréciée à la date de cette décision.

IV. Une annulation impliquant d’enjoindre au maire de faire dresser un procès-verbal

Dans son avis, le Conseil d’État se prononce également sur le pouvoir d’injonction du juge administratif afin de répondre à la deuxième question posée par le tribunal administratif.  

Ainsi, lorsqu’une décision de refus de constater une infraction pénale est annulée, le juge administratif doit enjoindre au maire de répondre à son obligation légale en faisant dresser un procès-verbal d’infraction dont une copie doit être transmise au ministère public.

En d’autres termes, l’annulation de la décision de refus « implique nécessairement » qu’un procès-verbal soit dressé (CJA, art. L. 113-1).

Une exception à ce principe est toutefois fixée : l’injonction ne peut pas être imposée lorsque l’action publique est prescrite.

En effet, en vertu de l’article 8 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3314MMP relatif à la prescription de l’action publique en matière délictuelle, une infraction au Code de l’urbanisme ne peut plus être poursuivie, en principe, dans un délai de six ans à compter de l’achèvement des travaux [5].

En cas de prescription, un procès-verbal d’infraction ne peut donc pas être valablement dressé, quand bien même la réalité d’une infraction pénale commise quelques années plus tôt ne serait pas contestée.

L’auteur de l’infraction échapperait ainsi à toute poursuite pénale.

Les requérants lésés n’auraient plus que pour seule solution d’engager la responsabilité de l’État [6].

V. Le constat possible d’une infraction régularisée

Quand bien même l’action publique ne serait pas encore prescrite à la date à laquelle le juge administratif statue sur la légalité d’une décision de refus de dresser un procès-verbal, une autre difficulté pratique peut se poser s’il est enjoint au maire d’y procéder : comment procéder au constat d’une infraction pénale qui a été régularisée ?

Sur ce point, les conclusions de la rapporteure publique Dorothée Pradines rendues sous cet avis sont éclairantes.

Si l’infraction au Code de l’urbanisme a cessé puisqu’elle a été régularisée, le procès-verbal peut se fonder sur divers « éléments matériels » attestant rétrospectivement de l’existence d’une infraction.

Les conclusions évoquent notamment les « courriers ou courriels échangés avec l’intéressé ou des voisins de celui-ci » ou encore, plus simplement « les motifs de la décision du juge administratif » ayant annulé le refus de dresser un procès-verbal.

Cette possibilité de constater une infraction au Code de l’urbanisme en dépit d’une régularisation confirme l’ « effet utile »  d’une décision d’annulation du juge administratif qui se serait placé à la date de la décision de refus pour se prononcer.   

Néanmoins, un procureur saisi d’un procès-verbal constatant une infraction qui a été régularisée – si bien que le trouble à l’ordre public généré par celle-ci a cessé – pourra-t-il vraiment trouver « opportun » d’engager des poursuites ?

C’est sans doute la pratique qui permettra de déterminer si l’annulation juridictionnelle du refus d’un maire de constater une infraction qui a ensuite été régularisée aura un effet utile ou non…

 

[1] CE, 12 juin 2020, n° 422327, publié au Lebon N° Lexbase : A43403N3.

[2] CE, 23 septembre 2019, n° 424270, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3909ZPH.

[3] Cass. crim., 16 janvier 2018, n°17-81.157, FS-P+B N° Lexbase : A8768XAY.

[4] CE, avis, 31 mars 2023, n° 470216 N° Lexbase : A83139MT.

[5] Cass. crim., 20 mai 1992, n° 90-87.350, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0484ABK.

[6] CE, 21 octobre 1983, n° 31728, publié au Lebon N° Lexbase : A2240AMW.

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Voies d'exécution

[Dépêches] Les affirmations du facteur ne sont pas suffisantes pour établir la réalité du domicile !

Réf. : Cass. civ. 2, 2 octobre 2025, n° 22-23.038 N° Lexbase : B4986BYC

Lecture: 3 min

N3094B3Y

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par Alexandre Autrand, doctorant, ATER à l’Université Paris-Est Créteil

Le 14 Octobre 2025

La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de la signification à domicile (V. Cass. civ. 2, 12 juin 2025, n° 22-24.741, F-D N° Lexbase : B7699AKD). Elle considère que la seule confirmation du domicile par le facteur n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences mentionnées dans l'acte de signification, la réalité du domicile du destinataire de l'acte.

Faits et procédure. Le 18 avril 2018, plusieurs sociétés ont assigné M. G et Mme O par-devant le juge des référés d’un tribunal de grande instance. Ce juge statue sur l’action des sociétés, dans une ordonnance rendue le 11 juillet 2018, qui a été signifiée à domicile le 3 août 2018, par une remise à étude. La certitude du domicile de M. [G] et Mme [O], a été confirmée par le facteur. Le 13 juillet 2021, M. G et Mme O ont relevé appel de l’ordonnance du juge des référés. Immédiatement, les intimés à l’appel ont formé un incident aux fins de déclarer l’appel irrecevable en raison de sa tardiveté. Au cours de la procédure d’incident, les appelants ont transmis des inscriptions de faux incidentes portant sur les actes d’huissier de justice. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a statué sur cette difficulté dans un arrêt du 8 septembre 2022. Ensuite, M. G et Mme O ont attaqué cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi / appel. Les demandeurs au pourvoi font notamment grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, de voir déclarer irrégulier l’acte de signification de l’ordonnance de référé, et de déclarer irrecevable leur appel. Selon les demandeurs au pourvoi, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Selon eux, la seule confirmation du domicile par le facteur n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences mentionnées dans l'acte même de signification, la réalité du domicile du destinataire de l'acte. Dans sa décision, la Cour d’appel retient que l’huissier de justice mentionne dans son acte que, malgré l’absence de nom sur la boîte aux lettres, de courrier à l’intérieur de celle-ci et de gardien dans le lotissement, le domicile de M. G et Mme O a été confirmé par le facteur, sans qu’aucune autre diligence n’ait été réalisée. Par conséquent, les juges du fond ont considéré que la signification de l’ordonnance était régulière. De ce fait, les juges aixois ont déclaré irrecevable, comme tardif, l’appel de M. G et Mme O. En statuant ainsi, les appelants estiment que la Cour d’appel a violé l’article 656 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6825H7W.

Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation du demandeur au pourvoi, en cassant et en annulant l’arrêt de la cour d’appel. Tout d’abord, la Haute juridiction rappelle la lettre de l’article 656 du Code de procédure civile, et le raisonnement des juges aixois. Ensuite, la Cour considère que la seule confirmation du domicile par le facteur n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences mentionnées dans l'acte de signification, la réalité du domicile du destinataire de l'acte. Par conséquent, la Cour de cassation considère que la cour d’appel a violé l’article 656 du Code de procédure civile.

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