Lexbase Social n°965 du 23 novembre 2023

Lexbase Social - Édition n°965

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Faute inexcusable : l’employeur ne peut s’affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d’un contrat lié à la sécurité avec un tiers

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-20.740, F-B N° Lexbase : A59011ZL

Lecture: 3 min

N7422BZW

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par Laïla Bedja

Le 22 Novembre 2023

► Il résulte des articles L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

L'employeur ne peut s'affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d'un contrat prévoyant qu'un tiers assurera cette sécurité.

L'appréciation de l'opportunité de surseoir à statuer en vue d'une bonne administration de la justice relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond.

Les faits et procédure. Un salarié, embauché en qualité de cameraman, par la société X, société de production audiovisuelle, a été victime d’un accident mortel. Le 9 mars 2015, dans le cadre du tournage de l’émission « Dropped », deux hélicoptères se sont violemment crashés au sol alors qu’ils effectuaient un vol en formation. Dix personnes sont décédées dont le salarié.

L’accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie. Les ayants droit de la victime ont assigné l’employeur en reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier et ont alors saisi la juridiction de Sécurité sociale.

Le pourvoi. Contestant la solution rendue par les juges du fond, concluant à la commission d’une faute inexcusable par l’employeur, ce dernier a formé un pourvoi en cassation selon le moyen notamment qu'il incombe à la victime d'un accident du travail de rapporter la preuve de la conscience du danger et de l'absence de mesure de prévention suffisante par l'employeur ; que la faute inexcusable doit être une cause nécessaire de l'accident et qu'aucune faute inexcusable n'est susceptible d'être caractérisée lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées.

La décision. Rappelant la définition de la faute inexcusable, la Haute juridiction rejette le pourvoi (CSS, art. L. 452-1 N° Lexbase : L5300ADN, C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY et L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R). Elle approuve la solution de la cour d’appel qui a pu déduire de ses constatations que l’employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger résultant pour son salarié du vol en formation rapprochée de l'hélicoptère dont il était passager et qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a commis une faute inexcusable.

La cour d’appel avait en effet estimé que le vol en formation des hélicoptères transportant des passagers présentait un risque, que l’employeur a choisi de prendre, et qui se trouve à l’origine directe et certaine de la collision entre les appareils ayant entraîné le décès de la victime. L’employeur aurait pu prendre des mesures pour préserver les passagers de l’accident, en excluant la possibilité d’un vol en formation ou en modifiant les trajectoires de vol. Il considère qu'en l'absence de vol d'essai sans passagers, de vérification de l'existence d'un moyen de communication entre les aéronefs ou entre ces derniers et le sol, ou de mention d'un risque de collision dans le plan de sécurité et de sûreté, l'employeur n'a pas pris les précautions qui s'imposaient. Il retient que les sociétés tierces qui sont intervenues pour assurer les prestations techniques et de sécurité demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de l'employeur.

newsid:487422

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Pas d’application de la présomption de faute inexcusable au demandeur d’emploi participant à des actions dispensées ou prescrites par Pôle emploi

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-21.310, F-B N° Lexbase : A58981ZH

Lecture: 1 min

N7473BZS

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par Laïla Bedja

Le 22 Novembre 2023

► La présomption de faute inexcusable ne s'applique pas au demandeur d'emploi participant à des actions d'orientation, d'évaluation ou d'accompagnement de la recherche d'emploi dispensées ou prescrites par Pôle emploi, qui ne peut être assimilé à un stagiaire en formation professionnelle en entreprise.

Les faits et procédure. Un demandeur d’emploi a signé le 10 octobre 2013 une convention d’évaluation en milieu de travail avec Pôle emploi et la société X. Le 29 novembre 2013, il a été victime d’un accident au moment du nettoyage de la cage de l’un des fauves du zoo. Son accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle et la victime a alors saisi une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de Pôle emploi.

La cour d’appel l’ayant débouté de ses demandes au motif qu’elle n’avait pas la qualité de stagiaire de la formation professionnelle, la victime a formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. La cour d’appel, ayant constaté que la victime avait effectué la formation litigieuse en qualité de demandeur d’emploi, en a exactement déduit que celle-ci ne pouvait bénéficier de la présomption de faute inexcusable prévue par l’article L. 4154-3 du Code du travail (C. trav., art. L. 4154-2 N° Lexbase : L8703LGG et CSS, art. L. 412-8 N° Lexbase : L3613MGW).

newsid:487473

Congés

[Brèves] Acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour cause de maladie : renvoi de deux QPC au Conseil constitutionnel

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 23-14.806, FS-B N° Lexbase : A37951ZL

Lecture: 6 min

N7423BZX

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par Lisa Poinsot

Le 22 Novembre 2023

Sont renvoyées devant le Conseil constitutionnel, deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions du Code du travail qui ne permettent pas l’acquisition de congés payés par le salarié pendant son arrêt de travail pour cause de maladie.

Faits et procédure. Une salariée, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’appel qui l’a déboutée de la plupart de ses demandes, notamment celle tendant au versement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 4 semaines pendant la durée de suspension de son contrat de travail en raison d’arrêts de travail pour cause de maladie non professionnelle.

Rappel. Par trois arrêts en date du 13 septembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a écarté le droit du travail français au profit du droit de l’Union européenne, en matière de congés payés :

  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340, FP-B+R N° Lexbase : A47891GH : les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnels ou non-professionnels) ont le droit de réclamer des droits à congés payés en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler ;
  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638, FP-B+R N° Lexbase : A47951GP : en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an ;
  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529, FP-B+R N° Lexbase : A47921GL : le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période déterminée au cours de laquelle le salarié doit prendre ses congés payés dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement.

Par ailleurs, la CJUE a affirmé n’être pas compétente pour fixer un délai raisonnable de report du droit aux congés payés annuels. Selon elle, il appartient à l’État membre de le faire. En cas de fixation d’un délai raisonnable de report, la CJUE pourra examiner si cette durée n’est pas de nature à porter atteinte à ce droit aux congés payés annuels. La CJUE juge par ailleurs qu’en l’absence, dans le droit national, de limite temporaire expresse de report de congés payés acquis et non pris en raison d’un arrêt maladie de longue durée, rien ne s’oppose à faire droit aux demandes de congés payés annuels introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives (CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-271/22 N° Lexbase : A69451UR).

À l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel, il est demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

  • question n° 1 : les articles L. 3141-3 N° Lexbase : L6946K97 et L. 3141-5, 5° N° Lexbase : L6944K93 du Code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 N° Lexbase : L6821BH4 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ? 
  • question n° 2 : l'article L. 3141-5, 5° du Code du travail porte-t-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1370A9M et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 N° Lexbase : L7403HHN en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ?

Après avoir rappelé que les dispositions contestées étaient applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congés payés d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif, la Cour de cassation s’est principalement penchée sur le caractère sérieux de ces deux QPC.

Concernant la première question, elle affirme qu’en cas d’absence de la salariée de l’entreprise en raison d’un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté :

  • l'article L. 3141-3 du Code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l'arrêt de travail a une origine non professionnelle et ;
  • l'article L. 3141-5, 5° du même code ne permet pas l'acquisition de droit à congé payé au-delà d'une période ininterrompue d'un an en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

Sur la seconde question, la Haute juridiction considère que l'article L. 3141-5, 5° du Code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie, selon l'origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail.

La solution. Après l’examen de ces questions, la Chambre sociale de la Cour de cassation décide de transmettre ces deux QPC au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel devra donc se pencher notamment sur :

  • la constitutionnalité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail, qui ne permettent pas à un salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie d’acquérir des droits à congés payés, au regard du droit au repos ;
  • la constitutionnalité de l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail qui permet aux salariés en situation d’arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle d’acquérir des droits à congés payés, dans la limite d’une période ininterrompue d’un an, alors que ce droit n’est pas accordé en cas d’arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, au regard du principe d’égalité devant la loi.

Pour aller plus loin :

 

newsid:487423

Contentieux de la Sécurité sociale

[Brèves] Naissance de la créance de restitution à la date de paiement des prestations et impossible recouvrement par voie de contrainte de l’indu d’allocation de logement sociale

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-25.567, F-B N° Lexbase : A58991ZI

Lecture: 3 min

N7475BZU

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par Laïla Bedja

Le 22 Novembre 2023

► Il résulte de l’article L. 332-5 du code de la consommation que les dettes nées après l’ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne sont pas effacées par cette procédure ; il résulte de l’article L. 133-4-1 du Code de la Sécurité sociale que la créance de restitution de prestations sociales indues naît à la date de paiement des prestations indues ;

L'allocation de logement sociale, qui est une aide personnelle au logement liquidée et payée, pour le compte du Fonds national d'aide au logement, par les organismes chargés de gérer les prestations familiales, n'est pas au nombre des prestations susceptibles de donner lieu au recouvrement d'un indu par voie de contrainte par application de l’article L. 161-1-5 du Code de la Sécurité sociale.

Les faits et procédure. Un allocataire a informé la caisse d’allocations familiales d’un changement survenu dans sa situation professionnelle. La caisse a alors réclamé à ce dernier, le 3 juillet 2013, le remboursement d’un indu au titre de l’allocation aux adultes handicapés, de la majoration pour la vie autonome et de l’allocation de logement sociale, dont il avait bénéficié du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013. L'allocataire avait, par ailleurs, fait l'objet d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendue exécutoire par une ordonnance du 14 décembre 2012.

Une contrainte a été signifiée à l’allocataire le 24 mars 2016, à l’encontre de laquelle celui-ci a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

Sur la prise en compte de la créance

Pour la cour d’appel, la créance de restitution des prestations sociales indues n'était pas éteinte par l'effet de l'ordonnance du 14 décembre 2012 conférant force exécutoire au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Elle retient que ce n'est qu'à la date du courrier de l'allocataire du 22 avril 2013 que la caisse a été effectivement informée du changement de situation professionnelle de ce dernier intervenu le 28 novembre 2011, justifiant le réexamen de ses droits. Elle en déduit que la caisse n'en avait pas connaissance lors de la procédure de surendettement.

L’allocataire fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de rejeter son recours

Sur ce moyen, la Cour de cassation casse et annule la solution des juges du fond. En effet, il ressort des constatations des juges du fond que les prestations indues avaient, pour partie, été versées à l’allocataire antérieurement à l’ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire (violation C. conso, art. L. 332-5 N° Lexbase : L9004IZI et CSS, art. L. 133-4-1 N° Lexbase : L2829MGU).

Sur le recouvrement de l’indu d’allocation de logement sociale

Sur ce point, la cour d’appel a validé la contrainte décernée, car elle portait, en partie, sur l’allocation de logement sociale.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a violé l’article L. 161-1-5 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L0699LCU, par fausse application. Tel que le rappelle dans son attendu, l’allocation litigieuse n’est pas au nombre des prestations susceptibles de donner lieu au recouvrement d’un indu par voie de contrainte.

newsid:487475

Cotisations sociales

[Brèves] Pas de réduction des cotisations patronales pour les EPCI dont l’adhésion au régime d’assurance chômage est facultatif

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-25.356, F-B N° Lexbase : A58931ZB

Lecture: 2 min

N7452BZZ

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par Laïla Bedja

Le 20 Novembre 2023

► La réduction des cotisations patronales n’est pas applicable aux rémunérations du personnel des établissements publics de coopération intercommunale qui ont seulement la faculté d’adhérer volontairement, à titre révocable, au régime d’assurance chômage, mais ne sont pas tenus de s’assurer contre le risque de privation d’emploi.

Les faits et procédure. À la suite d’un contrôle portant sur les années 2014 à 2016, l’URSSAF a notifié à une communauté d’agglomération, prise en sa régie de l'abattoir communautaire, une lettre d’observations comportant notamment un chef de redressement relatif à l'application à tort de la réduction de cotisations de sécurité sociale sur les bas salaires, suivie d'une mise en demeure du 11 décembre 2017.

La communauté d'agglomération a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour dire que la régie de l'abattoir communautaire était éligible au bénéfice de la réduction des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires, l'arrêt relève que les agents non statutaires des services publics industriels et commerciaux exploités par la régie, financièrement autonome, d'une collectivité locale n'étant pas visé par la liste exhaustive de l'article L. 5424-1 du Code du travail, il y a lieu de considérer que pour le personnel non statutaire de cette régie, la communauté d'agglomération était tenue à une obligation d'adhésion au régime de l'assurance chômage (CA Riom, 12 octobre 2021, n° 19/01132).

L’URSSAF a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. La régie de l'abattoir communautaire, dépourvue de personnalité morale, ne pouvait être considérée comme un employeur distinct de la communauté d'agglomération qui l'avait créée et en tant qu’établissement public de coopération intercommunale, aucune obligation d’adhésion à l’assurance chômage ne pesait sur lui. Par conséquent, la cour d’appel a violé les articles L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L1418LZK, L. 5422-13 N° Lexbase : L2771H9I, L. 5424-1 N° Lexbase : L8147LR8 et L. 5424-2 N° Lexbase : L8799LQX du Code du travail.

newsid:487452

Cotisations sociales

[Brèves] Exonération ZFU : pas de prise en compte des contrats de professionnalisation dans les effectifs

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 22-12.051, F-B N° Lexbase : A59021ZM

Lecture: 1 min

N7476BZW

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par Laïla Bedja

Le 24 Novembre 2023

► Les titulaires d'un contrat de qualification, devenu contrat de professionnalisation, n'entrent pas dans les effectifs pris en compte pour l'application aux entreprises implantées en zones franches urbaines de l'exonération de cotisations sociales patronales.

Les faits et procédure. Une société s’est vue notifiée à deux reprises par l’Urssaf un redressement relatif à la remise en cause de l’exonération des cotisations sociales au titre de son implantation en zone franche urbaine. Cette dernière a alors contesté les mises en demeure de l’organisme devant la juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour valider le redressement au motif que le quota de résidents zone franche urbaine embauchés n'était pas atteint, l'arrêt relève qu'il résulte de l'article L. 981-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable, que le contrat de qualification est un contrat de travail à durée déterminée obéissant à un régime spécifique et qu'il n'y a aucune raison, à la différence du contrat d'apprentissage qui n'est pas un contrat de travail, que les salariés recrutés sous contrat de qualification professionnelle soient exclus de l'effectif de l'entreprise pour le calcul des exonérations.

La société a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond (loi n° 96-987, du 14 novembre 1996, relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville N° Lexbase : L8850AGU, art. 12, IV et 13, II ; C. trav., art. L. 6325-5 N° Lexbase : L3705H94 et L. 1111-3, 6° N° Lexbase : L5835KTB).

newsid:487476

Licenciement

[A la une] Le plan de sauvegarde de l’emploi - Publication des actes du colloque coorganisé par les Universités de Lorraine et de Toulouse le 14 juin 2023

Lecture: 6 min

N7441BZM

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par Frédéric Géa et Sébastien Ranc

Le 30 Novembre 2023

Présentation générale

L’importante loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a, chacun le sait, réformé en profondeur les procédures de grands licenciements collectifs et, par-là même, le régime des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Seulement une réforme législative reste toujours, dans une certaine mesure, tributaire de sa réception, tant en jurisprudence que par les acteurs eux-mêmes. Justement, où en sommes-nous ? Le moment est venu, une décennie après l’adoption de cette loi, de jauger, avec le recul qui s’impose, les recompositions que celle-ci a engendrées, en repérant les questions en suspens, voire les zones d’ombre. Quelle physionomie ce cadre présente-t-il aujourd’hui ? Quelles en sont les lignes directrices ? Quels déplacements a-t-on pu observer depuis l’adoption de cette loi ?

Voilà, à notre avis, ce qu’il convient d’éclairer, à partir d’une approche analytique et critique (au sens philosophique du mot). À cette fin, nous avons souhaité réunir quelques-uns des meilleurs spécialistes, qu’ils soient universitaires, magistrats ou praticiens, du droit du licenciement économique – et, en particulier, des plans de sauvegarde l’emploi. Un colloque, coorganisé par les Universités de Lorraine et de Toulouse, à la faveur d’un partenariat fécond, s’est tenu le 14 juin 2023 – une date qui ne fut évidemment pas choisie par hasard ! Le présent dossier en constitue les actes. Nous tenons à remercier chaleureusement celles et ceux qui ont accepté de prendre part à cette manifestation scientifique et de livrer ici une contribution écrite de leur intervention. Nous exprimons, par ailleurs, notre gratitude à l’égard des éditions Lexbase et, en particulier, à la revue Lexbase Social qui ont accepté, non seulement de publier ces actes, mais encore de les rendre accessibles – ce qui apparaît suffisamment rare pour être souligné.

Ce dossier se structurera en deux temps. Nos regards se porteront tout d’abord sur les reconfigurations qui ont affecté tant les processus d’élaboration du PSE que le rôle de l’autorité administrative et, par-là même, la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en la matière. Mais ces mouvements ne sauraient occulter les questionnements, tantôt anciens (mais non résolus) tantôt nouveaux (et qui, pour certains, ont surgi des années après l’adoption de la loi du 14 juin 2013). Aussi proposerons-nous des réflexions sur les figures du PSE selon les contextes de sa mise en place, sur les usages dont ils font l’objet, ainsi que sur leur contenu, leur efficacité, leur effectivité. Juridique, le regard se fera – grâce à des études inédites auxquelles ont activement pris par des étudiants du Master 2 Droit du travail et de la protection sociale (DTPS) et du Master 2 Dialogue social de la Faculté de droit de Nancy – également empirique, dans une perspective qui se veut résolument réaliste. C’est que notre ambition collective consistait, non pas à enfoncer des portes ouvertes, en réitérant des analyses maintes fois développées, mais à faire un pas de côté, à saisir des mouvements, à tenter de saisir ce qui nous semble occulté, jusqu’à faire place, ici ou là, à des questions qui, jusqu’à présent, n’avaient guère été abordées par la doctrine travailliste.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous semblait indispensable de rappeler le contexte et le processus ayant présidé à l’élaboration de cette loi, mais encore ses ambitions. À cette fin, nous avons sollicité celui qui a porté cette réforme, comme ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, afin qu’il introduise notre colloque et aujourd’hui les actes qui en émanent, en l’occurrence Michel Sapin. Nous en sommes à la fois heureux et honorés. Car, pour les juslaboristes, la « loi Sapin » renvoie d’abord à cette loi du 14 juin 2013, adoptée dans le sillage de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Bonne lecture à toutes et tous !


Sommaire

  • Propos introductifs, par Michel Sapin, Ancien ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social N° Lexbase : N7368BZW

Partie I - Les reconfigurations

  • Les reconfigurations : introduction, par Sébastien Ranc, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Toulouse Capitole N° Lexbase : N7442BZN
  • La négociation des plans de sauvegarde de l’emploi, par Frédéric Géa, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, Université de Lorraine, Directeur du Master mention Droit social N° Lexbase : N7437BZH
  • L’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi : quel(s) niveau(x) ?, par Gilles Auzero, Professeur à l’Université de Bordeaux N° Lexbase : N7450BZX
  • La procédure d’information et de consultation lors de l’élaboration du PSE, par Sébastien Ranc, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Toulouse Capitole N° Lexbase : N7352BZC
  • Un rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement ? - Témoignage, par Gérard Couturier, Professeur émérite de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne N° Lexbase : N7603BZM
  • Le contrôle des PSE en questions, par Pierre Bailly, Conseiller doyen honoraire à la Cour de cassation N° Lexbase : N7417BZQ
  • Les forces d'attraction de l'article L. 1235-7-1 du Code du travail, par Stéphane Vernac, Professeur de droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne et Directeur scientifique de la Revue Lexbase Social N° Lexbase : N7569BZD
  • Photographie contentieuse à partir des décisions du Conseil d’État relatives aux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), par Alexia Gardin, Professeure à l’Université de Lorraine, membre de l’Institut François Gény N° Lexbase : N7421BZU

Partie II - Les questionnements

  • Les questionnements : introduction, par Frédéric Géa, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, Université de Lorraine, Directeur du Master mention Droit social N° Lexbase : N7445BZR
  • Saisir les différentes dimensions de la négociation des plans de sauvegarde de l’emploi, par Rémi Bourguignon, Professeur, IAE Paris-Est, Université Paris-Est Créteil, Vincent Pasquier, Professeur à HEC Montréal et Géraldine Schmidt, Professeure, IAE Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne N° Lexbase : N7424BZY
  • Le droit pluriel des PSE, par Alexandre Fabre, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne N° Lexbase : N7409BZG
  • Les PSE au sein de groupes de sociétés ou d’UES, par Sébastien Ranc, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Toulouse Capitole N° Lexbase : N7353BZD
  • La prévention des risques professionnels lors de l’élaboration d’un PSE, par Luc de Montvalon, Maître de conférences à l’INU Champollion d’Albi, Institut de droit privé, Université Toulouse Capitole, EA 1920 N° Lexbase : N7350BZA
  • 10 ans après la loi « Sapin », la place du PSE dans le paysage des mutations économiques, par Luc Bérard de Malavas, Directeur associé, cabinet d’expertise SECAFI N° Lexbase : N7351BZB
  • PSE négociés : quel contenu ? Quel suivi ? Compte-rendu d’une étude empirique, par Marguerite Kocher, Maître de conférences à l’Université de Lorraine, membre de l’Institut François Gény (EA 7301) N° Lexbase : N7425BZZ
  • Retour d'expériences sur les plans sociaux : un passé révolu ?, par Brigitte Reynès, Maître de conférences à l’Université de Toulouse Capitole N° Lexbase : N7389BZP

 

Pour consulter les books réalisés par les étudiants du Master 2 Droit du travail et de la Protection sociale de l'Université de Lorraine, portant sur la communication des organisations syndicales sur les PSE, et le traitement médiatique des PSE, cliquez ici et ici.

Les interventions sont également disponibles à l'écoute sur Youtube ici.

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[Actes de colloques] Propos introductifs

Lecture: 6 min

N7368BZW

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par Michel Sapin, ancien ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • loi « Sapin » • dialogue social • stratégie • contexte économique • contexte politique 

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM.


La finalité de ces propos introductifs est de parler de la fabrique et donc du contexte (I.) et de la méthode (II.) entourant la création de la loi Sapin 2 (III.).

I. Le contexte

A. Le contexte économique

Nous sommes après, ou l’immédiat après, crise financière avec des conséquences qui commencent à apparaître dès l’été 2011. Durant cet été, la courbe du chômage repart et les dossiers de difficultés économiques des entreprises surgissent avec une très grande violence. L’image de ces difficultés économiques à l’époque était celle du groupe Goodyear. Les premières victimes, au-delà des dégâts, étaient les personnels eux-mêmes qui ont été licenciés sans très peu de solutions. Plus ils se battaient longtemps, plus le processus judiciaire était long, plus ils se trouvaient isolés avec, au final, sans aide, sans transition à autre chose.

L’objectif de la loi était alors de créer des processus permettant de rebondir vers une solution individuelle ou collective. Le contexte économique entourant cette loi était alors extrêmement fort et violent.

B. Le contexte politique

Il y a au cœur de cette réforme une volonté politique puisqu’elle entre dans le projet initial du quinquennat présidentiel de l’époque et du ministre du Travail, comprenant un volet sur le dialogue social et le rôle des partenaires sociaux.

En conséquence, cette loi s’inscrit dans un contexte économique extrêmement difficile sur le territoire français, préjudiciable aux individus et à l’image globale et dans un contexte politique de début d’un premier quinquennat

II. Le dialogue social

Le texte législatif est le fruit du dialogue social à la française qui est un dialogue social assez particulier. Il est assez particulier puisqu’il est inhabituel ou inhabitué. Il ne fait pas partie des ressorts profonds de la société française, qu’on oppose aux mécanismes allemands et nordiques.

Le dialogue social à la française s’entend des partenaires sociaux qui n’ont pas l’habitude de négocier (A.) et l’État (B.).

A. Les partenaires sociaux

Le bon accord est celui qui commence par un désaccord profond et par lequel on recherche progressivement à la fois des équilibres. Dans le texte législatif, l’équilibre n’est pas tant dans les dispositions relatives à la procédure de licenciement, que dans le fait d’avoir introduit la complémentaire santé obligatoire. Le rapport entre la procédure de licenciement et la complémentaire santé obligatoire est la période de transition. Plus précisément, la complémentaire santé obligatoire a certes un avantage pour les salariés exécutant leur contrat de travail, mais a un sérieux intérêt pour les salariés licenciés. De même, l’accord national interprofessionnel relatif à la formation professionnelle du 22 février 2018 a mis en place le CPF qui permet aux salariés de ne pas perdre leur droit à formation et d’utiliser leur bagage de formation dans les moments les plus difficiles, notamment en cas de licenciement et de transition.

B. L’État

Le dialogue social à la française est un couple à trois : le patronat, les syndicats et toujours l’État. Pourquoi ? L’État est une sorte de recours, d’arbitre. Dans notre dispositif constitutionnel, il est prévu que des accords puissent s’appliquer directement (entre partenaires sociaux). Toutefois, plus on monte dans la graduation de la règle, l’État est présent.

Durant les grandes conférences sociales, au mois de juillet, se créent des tables rondes dont l’une porte sur l’emploi, le licenciement, l’évolution et la flexibilité du Code du travail dans ce domaine. C’est de cette table ronde que sort une capacité entre les partenaires sociaux de travail qui s’exprime à partir de septembre 2012 par la mise en œuvre d’un processus de négociation. Ce processus a été jalonné de désaccords flagrants, y compris au sein des partenaires sociaux, y compris au sein même du patronat, y compris au sein même d’une branche professionnelle. En effet, l’un des désaccords portait sur le dialogue social même : d’un côté, certains pensaient que le dialogue social était le moyen de progresser dans l’intérêt de l’entreprise, de l’autre, d’autres considéraient que rechercher un accord était une perte de temps.

À partir de 2015, la courbe du chômage ne s’inversait pas. Le sentiment du temps perdu dans la négociation, de la demi-mesure, du compromis, du « pas jusqu’au bout », du « pas assez fort » s’imposait dans les débats politiques et sociaux. La manière dont les partenaires sociaux ont su discuté, d’une part, la manière dont nous avons ensuite mis en œuvre la loi, d’autre part, semblent avoir fait davantage évoluer le monde du travail, le dialogue au travail que si une ordonnance s’était emparée du sujet.

III. Le projet de loi

La difficulté réelle a été celle de faire en sorte que, dans notre système constitutionnel français, les partenaires sociaux puissent dialoguer pour arriver à un accord contraignant entre eux et respecter un Parlement qui conserve la totalité de ses pouvoirs, y compris les pouvoirs d’amendement, sur un texte qui n’est pas écrit dans un langage législatif.

Cette transduction de l’accord dans un projet de loi en vérifiant que le texte écrit correspond bien à ce qui a été négocié par les partenaires sociaux. Le ministre du Travail est gardien non pas du texte tel que proposé, mais est gardien de l’équilibre de l’accord tel qu’il a été signé. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas toucher au texte. Cela signifie que toute modification doit conserver l’équilibre issu du dialogue social des partenaires sociaux. Si le texte devait être déséquilibré, il serait devenu inapplicable. La force de ce texte de loi venait donc du fait qu’il respectait l’équilibre voulu par les partenaires sociaux.

En conséquence, la démocratie en France est une très grande maison. Dans cette très grande maison, il y a la démocratie sociale et la démocratie parlementaire. Ce ne sont pas deux maisons différentes. Il s’agit de la même maison, le fonctionnement même de notre démocratie moderne. La démocratie sociale fait partie de notre démocratie, de même que les partenaires sociaux doivent respecter la démocratie au sens politique du terme, celle qui est la seule à adopter le texte législatif correspondant.

Il y a beaucoup d’actualités dans la réflexion sur la fabrication de texte de cette nature, sur le rôle des partenaires sociaux, de la force de la loi quand elle se fait seule, voire seule contre tous, ou quand elle se fait dans un contexte difficile, mais qui ne donne la possibilité d’en discuter 10 ans après.

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[Actes de colloques] Partie I - Les reconfigurations : introduction

Lecture: 5 min

N7442BZN

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par Sébastien Ranc, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Toulouse Capitole

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • reconfigurations • élaboration • administration du travail • compétences des juges judiciaire et administratif

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM.


Les reconfigurations. La loi n° 2013-504, du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi (ci-après « LSE ») N° Lexbase : L0394IXU a profondément reconfiguré le droit des PSE. Parmi ces reconfigurations, trois peuvent au moins être identifiées :

  • le processus d’élaboration du PSE ;
  • le rôle désormais attribué à l’autorité administrative ;
  • la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire.

Processus d’élaboration du PSE. En 2013, le législateur avait fixé le cap : les PSE devaient passer par la voie de la négociation collective. À en croire les chiffres rapportés par l’administration du travail, le législateur est bien parvenu à ses fins dans la mesure où 67 % des PSE, dans les entreprises in bonis, ont fait l’objet d’un accord validé. Si le cap était connu dès l’adoption de loi et a été maintenu jusqu’à présent, les différentes étapes pour parvenir à l’adoption d’un PSE se sont révélées – et se révèleront – au fur et à mesure de l’application de la loi.

C’est d’abord la nature de l’accord PSE (accord majoritaire sui generis ?) qui s’est révélée être tout à fait singulière par rapport à la représentation que l’on pouvait en avoir lors de l’entrée en vigueur de la loi. La négociation de cet accord reste encore parsemée de « zones d’ombre » ou d’« angles morts », comme le démontre Frédéric Géa, et notamment s’agissant du contrôle de son obligation de loyauté. Il reste à savoir également ce que contiennent effectivement les PSE négociés depuis 2013. Nul ne le sait vraiment dans la mesure où ces accords ne sont ni publiés ni transmis par l’administration du travail pour étude.

C’est ensuite le niveau de la négociation du PSE. Au regard des dispositions législatives, l’entreprise semble être le périmètre naturel pour élaborer un tel plan. La transposition de l’élaboration d’un PSE de l’entreprise à une unité économique et sociale (UES) ne pose pas de difficulté, du moins d’ordre théorique, dans la mesure où l’on assimile en droit du travail l’UES à l’entreprise. La transposition à un établissement ou à un groupe de sociétés reste quant à elle plus délicate, mais comme le soutient Giles Auzero, rien ne l’empêche en soi.

C’est enfin la procédure d’information et de consultation du CSE. Comme nous nous sommes attachés à le démontrer, le Conseil d’État a révélé en la matière un contrôle pragmatique – pour ne pas dire souple – de l’autorité administrative, signifiant qu’une irrégularité de la procédure n’entraîne pas nécessairement une absence de validation ou d’homologation du plan, ce qui est totalement différent de ce que pouvait décider autrefois le juge judiciaire. Il y a eu ici une véritable reconfiguration dans les modalités de contrôle que personne ne pouvait prédire au moment de l’entrée en vigueur de la LSE.

Rôle de l’administration du travail. On l’oublie trop souvent, mais l’administration du travail n’a pas attendu la LSE pour disposer d’un rôle dans l’élaboration des PSE. Elle avait autrefois la possibilité de formuler des observations au cours de la procédure d’information et de consultation et de dresser un procès-verbal de carence. En 2013, le législateur lui a accordé une place de premier rang. Acteur de second rôle, elle est devenue acteur principal. La difficulté est d’établir la nature de son rôle. Selon son propre point de vue, ou plutôt de certains de ses membres, l’autorité administrative aurait plutôt un rôle de « conseil et de tiers de confiance » [1] ? Pour les uns, elle serait un tiers impartial. Pour les autres, un tiers partisan. Tout dépend évidemment du point de vue où l’on se situe sur la scène du droit des PSE.

Répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire. La troisième reconfiguration, qui découle de la deuxième, est relative à la frontière entre les deux ordres juridictionnels. La volonté du législateur a été de sécuriser et de tarir les contentieux des PSE, en mettant notamment fin aux procédures de référés devant le juge judiciaire. Le législateur y est parvenu dans la mesure où moins de 8 % de l’ensemble des décisions administratives rendues en matière de PSE a fait l’objet d’un recours, alors qu’avant 2013, ce taux de recours s’élevait à environ 20 %. Alexia Gardin nous révèle, grâce à une analyse minutieuse de 74 arrêts du Conseil d’État, les coulisses de ces contentieux, si rares soient-ils.

La sécurisation du contentieux du PSE résulte notamment de l’article L. 1235-7-1 du Code du travail N° Lexbase : L0653IXH, créé par un groupe de travail présidé par l’ancien Président de la section sociale du Conseil d’État [2]. Cette disposition législative institue un bloc de compétence au juge administratif en prévoyant que la régularité de la procédure d’adoption et le contrôle du contenu du plan ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui visant à contester la décision de validation ou d’homologation. Mais si la loi du 14 juin 2013 a confié à l’administration du travail et, par conséquent, au juge administratif, le contrôle des PSE, elle a maintenu une compétence résiduelle au juge judiciaire, ne serait-ce que pour tout ce qui n’a pas été confié à l’administration et son juge. Présenté comme cela, tout paraît si simple… Il reste en réalité de nombreuses questions en suspens mises en lumière par Pierre Bailly pour déterminer le juge compétent. Il ne s’agit pas là uniquement de problèmes techniques de répartition des compétences. Il s’y cache derrière des enjeux fondamentaux, car, comme nous le rappellent Gérard Couturier et Stéphane Vernac, le contrôle ne sera pas le même suivant le juge qui est saisi.


[1] G. Rudant, E. Castet et N. Gssime, L’administration, garante de la régularité et de la qualité du dialogue social et du PSE, Droit social, 2023, p. 857. Ces auteurs sont respectivement Directeur régional de l’économie, de l’emploi du travail et des solidarités d’Île-de-France ; Responsable du service des restructurations à la DRIEETS ; Juriste expert en restructuration au sein de la DGEFP.

[2] O. Dutheillet de Lamothe, Genèse et mise en œuvre de la loi du 14 juin 2013, Droit social, 2023, p. 844 : « cette composition [du groupe de travail] alliait, de façon originale, les administrations en charge du dossier qui tenaient la plume – la délégation à l’emploi –, des membres du Conseil d’État et des membres de la Cour de cassation, dont l’apport fut extrêmement positif, notamment en ce qui concerne la rédaction de l’article L. 1235-7-1 du Code du travail {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 107287034, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "L1235-7-1", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L0653IXH"}} relatif au bloc de compétence administrative qui a bien résisté aux différents assauts dont il a fait l’objet ».

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[Actes de colloques] La négociation des plans de sauvegarde de l’emploi

Lecture: 33 min

N7437BZH

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par Frédéric Géa, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, Université de Lorraine, Directeur du Master mention Droit social

Le 22 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • accord majoritaire • négociation • consultation • contenu 

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Encourager la négociation des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Tel fut l’un des principaux objectifs poursuivis par la loi n° 2013-504, du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU et, plus particulièrement, de son volet consacré à la réforme de la procédure des grands licenciements collectifs. Cette loi, qui assura la transdiction de l’accord national interprofessionnel (ANI), du 11 janvier 2013 [1], marquait-elle un tournant, à cet égard ? Il est clair que jusque-là, les plans de sauvegarde de l’emploi – et avant eux les plans sociaux [2] – ne faisaient que rarement l’objet d’accords collectifs. Au demeurant, les règles ne différenciaient pas selon que le plan donnait lieu à une élaboration unilatérale – mais au travers de la procédure d’information/consultation du comité d’entreprise – ou d’une négociation, si bien que le contrôle judiciaire, avec ses exigences, s’avérait identique. Cela étant, et les praticiens le savent, ces plans ouvraient sur des formes de « négociation » visant à obtenir un avis favorable du comité d’entreprise. Le comité avait ses stratégies, assorties de ses moyens d’action (dont l’action judiciaire engagée en cours de procédure), et l’employeur ses préoccupations (notamment l’impératif de contenir la durée de la procédure). C’est ainsi, le cas échéant, que des compromis se construisaient – sur fond d’un rapport de force. Sans doute est-ce cela justement que la réforme entendit changer, à travers son aspiration à favoriser des PSE donnant lieu à des accords avec les organisations syndicales représentatives. Car il s’agissait de réduire autant que possible la conflictualité – à travers ses différentes manifestations – de ces plans. L’idée de favoriser la négociation des PSE avait cependant déjà connu, auparavant, des débuts de traduction. L’on se souviendra, en particulier, que les accords de méthode en matière de licenciement économique, que la loi n° 2003-6, du 3 janvier 2003, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, dite loi « Fillon » N° Lexbase : L9374A8P, avait instaurés, se virent deux ans plus tard, avec la loi n° 2005-32, du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, dite loi « Borloo » N° Lexbase : L6384G49, reconnaître la capacité d’anticiper le contenu du PSE [3]. Bref, si la loi du 14 juin 2013 marqua, à coup sûr, une évolution absolument décisive, en qu’elle allait véritablement encourager la négociation des PSE, cette orientation, non seulement ne venait pas de nulle part, mais procédait, en outre, de l’ambition de modifier les comportements des acteurs concernés.

La loi relative à la sécurisation de l’emploi a bel et bien changé la donne. Le renversement s’est traduit rapidement, mais le bilan officiel dressé par la DGEFP en juin 2023 permet aujourd’hui, avec le recul nécessaire, de caractériser le changement de perspective qui s’est produit et d’en mesurer l’ampleur. Depuis 2015, environ 80 % des PSE ont donné lieu à une tentative de négociation avec une ou des organisations syndicales représentatives. Lorsque la voie de la négociation est empruntée, celle-ci aboutit, le plus souvent, à la signature d’un accord collectif majoritaire, et cette proportion a même augmenté au fil du temps, passant de 84 % en 2015 à 90 % en 2022. Sur la période concernée, ce sont, en définitive, 67 % de PSE qui, dans les entreprises in bonis, ont fait l’objet d’un accord validé par l’administration, sachant que l’on observe des fluctuations et un infléchissement en 2022 (67 % en 2015, 75 % en 2018, 63 % en 2022). La DGEFP introduit toutefois une intéressante nuance, en précisant que la part des PSE négociés se révèle « sensiblement plus importante au sein des grandes entreprises (plus de cinq cents salariés) », où elle atteint le seuil de 75 %, contre 48 % dans les entreprises occupant moins de cent salariés [4]. Bien sûr, ces statistiques n’éclairent qu’une partie du phénomène, en le saisissant avant tout sous un angle quantitatif. En tant que telles, elles ne disent rien – puisque tel n’est pas leur objet – du contenu des accords négociés, de ce que l’on négocie effectivement, ou des raisons ayant conduit les acteurs, tant du côté des directions d’entreprise que des syndicats, à négocier un accord sur le PSE (dans le cadre d’un projet de licenciement collectif ou d’un plan de départs volontaires) plutôt qu’un autre type d’accord [5]. Ce qui est saisi, c’est une dynamique d’ensemble, en soi difficilement contestable, pensons-nous.

Compte tenu de la perspective dans laquelle s’inscrivent notre colloque et, à présent, ces actes, nous n’entendons pas aborder – en long, en large et en travers – les différentes facettes de la négociation du PSE. Nous prendrons le parti de focaliser notre regard, au titre des déplacements qui se sont produits en ce domaine, sur ce que nous envisagerons comme des lignes de fuite (I.), avant de faire ressortir ce que nous percevons comme des zones d’ombre (II.).

I. Les lignes de fuite

Une manière de saisir les mouvements, notamment au sein d’un tableau, consiste à en saisir les lignes de fuite (au sens, comme l’entendaient Gilles Deleuze et Felix Guattari, de processus qui ouvrent sur des devenirs et au terme desquels on ne finit jamais au même point). S’agissant de la négociation des PSE, tel qu’elle s’est recomposée sur la base de la réforme de 2013, deux nous semblent devoir être mises en exergue.

A. La figure de l’accord majoritaire sur le PSE

La première ligne de fuite – qui s’impose d’emblée comme évidente – concerne la figure même l’accord majoritaire fixant le contenu du PSE, pour reprendre une formule qu’affectionne le Conseil d’État. Il faut garder à l’esprit que cet accord incarna, avec celui qui correspondait dans la loi du 14 juin 2013 aux accords de maintien de l’emploi, la première expression tout à la fois manifeste et impérative d’un accord d’entreprise majoritaire (si l’on réserve le cas du protocole d’accord préélectoral [6] et de l’alternative qu’avait ouverte la loi n° 2004-391, du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8 [7]), avec l’exigence d’une signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant réuni « au moins 50 % » des suffrages recueillis en faveur des syndicats représentatifs au premier tour des dernières élections des titulaires, à l’époque, au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, et ce, quel que soit le nombre de votants. Ce qui constituait alors l’exception est, par la suite, devenu, avec les réformes de 2016 et 2017, le principe posé au premier alinéa de l’article L. 2232-12 N° Lexbase : L8604LGR, concernant les conditions de validité d’un accord d’entreprise, à ceci près que l’exigence requise consiste à réunir « plus de 50 % » de ces mêmes suffrages (peut-être serait-il judicieux d’uniformiser un jour ces rédactions…) et qu’il n’a pas été question, pour le PSE, d’autoriser la conclusion d’un accord minoritaire ratifié par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, autrement dit par référendum [8].

Les arrêts Pages jaunes N° Lexbase : A3522DME N° Lexbase : A3500DML auront constitué un terrain propice pour éprouver la figure de l’accord majoritaire relatif au PSE. L’on songe d’abord, bien sûr, à celui rendu par le Conseil d’État le 22 juillet 2015, dans sa première série de décisions se rapportant au régime institué par la loi de 2013 [9]. L’affaire concernait un accord signé par plusieurs délégués syndicaux. Seulement, l’un d’entre eux n’avait pas fait l’objet d’une nouvelle désignation après les dernières élections, ce qui fait que, juridiquement, son mandat n’avait pas été renouvelé et qu’il n’était pas habilité à conclure un accord collectif au nom de son organisation. Faute de pouvoir prendre en compte l’audience de ce syndicat, l’accord n’apparaissait plus majoritaire au sens de l’article L. 1233-24-1 du Code du travail N° Lexbase : L8600LGM, et le Conseil d’État jugea, sans surprise, que la décision de validation devait être annulée [10]. Cette affaire a eu des suites puisque, devant le juge judiciaire cette fois, se posa la question de savoir si les salariés concernés pouvaient se prévaloir de la nullité de leur licenciement et obtenir leur réintégration de plein droit (sauf impossibilité matérielle), en vertu des articles L. 1235-10 N° Lexbase : L0726IX8 et L. 1235-11 N° Lexbase : L8064LGR – ce qui suppose que l’annulation de la décision administrative résulte de l’absence ou de l’insuffisance du plan de reclassement – ou si ceux-ci ne pouvaient prétendre qu’à l’indemnisation envisagée à l’article L. 1235-16 N° Lexbase : L2151KGR. Se pouvait-il que cet accord, finalement minoritaire, puisse être considéré comme instituant un PSE assorti d’un plan de reclassement ? Sans doute pas, mais la Cour de cassation n’a pu, en considération du principe de séparation des autorités judiciaire et administrative, que décider le contraire, à la faveur d’un arrêt daté du 13 janvier 2021 qui, reconnaissons-le, se révélait troublant, du moins en première approche [11]. Cela n’a pas empêché la Chambre sociale de juger, quatre mois plus tard, avec une décision du 27 mai 2021, que les salariés en cause pouvaient, individuellement, se prévaloir devant le juge judiciaire du défaut de validité de l’accord collectif déterminant le contenu du PSE, à la suite de la décision du juge administratif qui avait annulé l’accord [12]. C’est dire à quel point l’affaire Pages jaunes a ouvert sur un imbroglio juridique déstabilisant quelque peu les repères quant au sort devant être réservé à cet accord minoritaire.

D’autres questions ont surgi à propos de cet accord majoritaire, en particulier celle de savoir si un syndicat catégoriel est en droit de le négocier et de le conclure, aux côtés d’un ou plusieurs syndicats intercatégoriels, lorsque les suppressions d’emploi n’affectent pas, au sein du ou des établissements concernés, la catégorie de salariés que ledit syndicat a statutairement vocation à représenter. Telle était la problématique que souleva l’affaire DIM qui alimenta les discussions doctrinales avant que le Conseil d’État ne reconnaisse, dans un arrêt du 5 mai 2017, la capacité pour un syndicat catégoriel, dès lors qu’il est représentatif au niveau de l’entreprise, de conclure un tel accord, même dans ces circonstances particulières [13]. Sous-tendait cette solution, parmi d’autres arguments, la considération selon laquelle l’accord majoritaire fixant le contenu du PSE fait l’objet de règles spéciales qui dérogent au droit commun des conventions et accords collectifs de travail, dont celles se rapportant, précisément, aux syndicats catégoriels. Voilà qui contribue à caractériser le particularisme de cet accord majoritaire, dont les traits aujourd’hui ne sont plus tout à fait, nous semble-t-il, ceux qu’on lui prêtait en 2013. On le pensait arrimé au seul niveau de négociation de l’entreprise, à l’exclusion de tout autre. L’on sait maintenant qu’il peut aussi, à certaines conditions certes, être négocié au niveau de l’UES, le Conseil d’État ayant tranché en ce sens [14]. La voie de la négociation au niveau d’un établissement ou d’un groupe paraît encore fermée [15], en dépit de velléités repérables ici ou là. L’on affirmait qu’il était impossible de conclure un tel accord dans une entreprise dépourvue de délégué syndical, mais la possibilité de transformer sur la base de stipulations d’un accord de branche étendu un comité social et économique en conseil d’entreprise [16], lui-même susceptible de négocier un accord sur le PSE [17], dément – au moins sur le plan théorique, car de telles stipulations semblent rarissimes – cette hypothèse. Discrètement, cette figure de l’accord collectif majoritaire fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi s’affine et chemine, y compris là où on ne l’attendait pas.

B. L’articulation entre consultation et négociation

Une seconde ligne de fuite nous apparaît tout aussi manifeste, en l’occurrence celle relative au problème de l’articulation entre consultation et négociation. Au moment où la loi fut adoptée, l’article L. 1233-30 du Code du travail N° Lexbase : L8096LGX introduisit ce qui semblait bien constituer une exception au principe issu de la jurisprudence consacrée par l’arrêt EDF du 5 mai 1998 N° Lexbase : A2677AC7, en vertu duquel le comité d’entreprise devait être consulté au plus tard avant la signature de l’accord collectif lorsque celui-ci portait sur l’un des objets relevant de la compétence du comité [18]. Son quatrième alinéa prévoyait, en effet, que, lorsqu’ils font l’objet de l’accord collectif sur le PSE, les éléments relatifs au projet de licenciement collectif ne sont pas soumis à la consultation du comité d’entreprise. En pareille hypothèse, la consultation des représentants du personnel devait, aux termes de cette disposition légale, se cantonner à l’opération projetée et à ses modalités d’application ainsi qu’aux éléments relatifs au projet collectif non appréhendés par cet accord. À l’instar de l’étude d’impact réalisée au stade de l’élaboration du projet de loi [19], la DGT et la DGEFP n’estimèrent pas moins dans leur instruction datée du 19 juillet 2013 que s’imposait alors une « consultation sur le contenu du projet d’accord, au titre de la compétence générale du comité d’entreprise en matière d’accords collectifs », consultation qui devait être « préalable à la signature de l’accord » [20]. À notre sens, cette interprétation a perdu toute pertinence et n’a plus lieu d’être depuis que la loi n° 2015-994, du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi, dite loi « Rebsamen » N° Lexbase : L2618KG3, a remis en cause la jurisprudence EDF [21], puisque, désormais, « [l]es projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l’avis du comité d’entreprise » [22] – formule à laquelle s’est substituée, avec l’ordonnance n° 2017-1386, du 22 septembre 2017, relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales N° Lexbase : L7628LGM, celle de « consultation du comité », pour reprendre les termes du deuxième alinéa de l’article L. 2312-14 N° Lexbase : L8247LGK. À cet égard, l’on peut dire, nonobstant cette doctrine administrative discutable, que la loi relative à la sécurisation de l’emploi anticipa, en matière de PSE, une évolution postérieure de portée beaucoup plus générale, qui, par effet retour, vint consolider la signification qui, nous semble-t-il, devait lui être conférée. Les dispositions issues de la loi de 2013 n’ont certes jamais exclu l’exigence d’une consultation du comité sur le projet de licenciement collectif, prévue par d’autres dispositions [23] ; elles en ont simplement circonscrit l’objet, qui plus est à le rendant à géométrie variable, suivant que l’accord collectif porte lui-même sur l’ensemble des éléments mentionnés au 2°, du I, de l’article L. 1233-30 N° Lexbase : L8096LGX ou sur une partie de ceux-ci (ce qui correspond à l’hypothèse des PSE « mixtes », lesquels impliquent l’élaboration d’un document unilatéral de l’employeur fixant les aspects [24] non envisagés par l’accord, aux fins de compléter ce dernier [25]). N’apparaissait pas moins à l’œuvre l’amorce d’une redéfinition des rapports entre consultation (du comité) et négociation (avec les délégués syndicaux), conduisant ainsi, comme a pu l’écrire Patrick Morvan, à ce que « [l]es représentants syndicaux court-circuitent les représentants élus du personnel » [26]. L’on pouvait y voir l’un des linéaments, sur le plan systémique, d’un modèle de représentation des travailleurs (déjà) en voie de recomposition.

Dans quelle mesure ces modifications d’ordre normatif ont-elles entraîné un changement dans le comportement des acteurs ? Il est difficile de le dire. Dans nombre de négociations relatives au plan de sauvegarde de l’emploi, les comités sociaux et économiques – au regard des retours que nous en donnent les praticiens – semblent encore consultés sur les questions expressément abordées par l’accord collectif. Par prudence, souvent, car la négociation peut ne pas aboutir à la conclusion d’un accord (qui plus est majoritaire), mais peut-être aussi pour d’autres raisons, le cas échéant afin de renforcer l’acceptabilité du plan, c’est-à-dire sa légitimité. C’est que ces processus, quoi qu’on en dise, ne sont nullement réductibles à une approche juridique fondée sur la dichotomie conformité/non-conformité par rapport aux règles légales [27]. Au demeurant, les pratiques n’ont-elles pas vocation, au regard des évolutions récentes intervenues tant au niveau jurisprudentiel que législatif, à se réorienter en inscrivant au cœur de la consultation du comité social et économique certaines conséquences (potentielles) du projet de licenciement collectif ? L’on songe, d’abord, aux conséquences « en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ». C’est que, depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, ces conséquences font – le cas échéant – partie des renseignements utiles que l’employeur doit adresser aux représentants du personnel sur le projet de licenciement collectif [28] ainsi que de la liste des éléments relevant de la consultation du comité [29]. Il y a lieu de penser, à la lumière de l’analyse développée par le Conseil d’État dans ses arrêts du 21 mars 2023 sur la prise en compte des risques psychosociaux lors de l’élaboration d’un PSE, en tant qu’implication des obligations de l’employeur en matière de prévention des risques [30], que ces conséquences constituent un élément clé, désormais, de la procédure d’information-consultation du comité, y compris lorsque le contenu de ce plan donne lieu à une négociation [31]. Et l’on sera, par ailleurs, enclin à considérer que le comité social et économique, compte tenu du rôle dont l’a investi à ce titre la loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience » N° Lexbase : L6065L7R, devrait également être informé et consulté sur « les conséquences environnementales » du projet de l’employeur, en vertu des exigences découlant de l’article L. 2312-8, II, 1°, et III, du Code du travail N° Lexbase : L6660L7S, et ce, bien que les textes légaux relatifs aux consultations dites ponctuelles n’aient pas été formellement modifiés à cette fin [32]. La discussion, en convenons-en, demeure ouverte, pour l’heure, sur ce second aspect. Il n’empêche. Le surgissement de ces questions, étrangères à la loi du 14 juin 2013, témoigne d’une articulation entre négociation et consultation reposant, en rupture avec la conception initiale, sur une logique de répartition des compétences. Car il semble bien que sur ce registre des conséquences (du projet de licenciement collectif), la concertation avec le comité social et économique ne soit pas reléguée en position ancillaire, donc court-circuitée, par la négociation menée avec les délégués syndicaux. La hiérarchisation des modes de dialogue social (institutionnel) se nuance ici, en laissant poindre une forme de coexistence, irréductible à l’idée de non-cumul. Une ligne de fuite ne ramène jamais au point de départ…

Par-delà ces lignes de fuite, la question de la négociation du PSE fait également apparaître des zones d’ombre, qui méritent tout autant de retenir l’attention.

II. Les zones d’ombre

L’ANI du 14 janvier 2013 comportait des zones d’ombre. L’on se demandait, en particulier, ce que pourrait être le contrôle judiciaire de l’accord collectif majoritaire sur le PSE que ce texte envisageait d’instaurer [33]. Cette interrogation, le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi présenté en mars 2013 la dissipa en prévoyant un contrôle administratif de validation conçu, à la différence de celui exercé au titre de l’homologation du document unilatéral de l’employeur, comme « restreint » [34]. Si, en dehors des infléchissements qui ont alors été décidés, ce projet de loi s’attacha à donner traduction juridique aux orientations retenues par les signataires de l’ANI, le texte, y compris dans sa version définitive, engendra, à son tour, quelques équivoques, dont certaines persistent d’ailleurs aujourd’hui. L’une des plus manifestes, à nos yeux, concerne les dispositions légales se rapportant à une innovation de la loi de 2013, à savoir la faculté instituée au profit du comité d’entreprise de désigner un expert-comptable afin que celui-ci assiste les organisations syndicales représentatives dans la négociation. À qui incombe la prise en charge financière de cette expertise ? Au regard des textes concernés, tant dans leur version originelle que dans leur version actuelle, la réponse apparaît incertaine. La cour administrative d’appel de Paris a certes jugé, en juillet 2022, que les frais d’expertise incombaient à l’employeur [35], mais la solution ne saurait être tenue pour acquise [36]. Reste que les principales zones d’ombre, au sujet de la négociation de l’accord fixant le contenu du PSE, se situent ailleurs.

A. S’agissant du processus de négociation portant sur le PSE

Une première zone d’ombre se loge, à notre avis, au niveau du processus de négociation relatif à l’accord fixant le contenu du PSE. À quel titre ? Au regard des discussions que soulevèrent le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi puis la loi elle-même la question du « préalable de négociation », pour reprendre la formule de Grégoire Loiseau [37], connut un semblant de cristallisation, bien avant que le sujet ne s’invite sur l’avant-scène des débats en droit du travail français. D’aucuns se demandèrent, en effet, si la formule par laquelle débute l’article L. 1233-24-4 du Code du travail N° Lexbase : L8642LG8 (« À défaut d’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 ») signifiait que le plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvait donner lieu à un document unilatéral de l’employeur, c’est-à-dire à une élaboration unilatérale, néanmoins accompagnée d’une concertation avec les représentants des salariés, que lorsqu’une négociation a été préalablement tentée, mais n’a pas abouti à la conclusion d’un accord collectif, du moins aux conditions posées par la loi. Plus que la doctrine, ce furent, en réalité, des avocats qui détectèrent les potentialités de cette formule. L’on serait tenté de dire que la problématique n’eut guère le temps de se développer, puisque, dès le mois de juillet 2013, dans leur instruction commune, la DGEFP et la DGT écartèrent cette interprétation dans leur instruction relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif en présentant la voie de la négociation d’un accord majoritaire et celle de l’élaboration du document unilatéral comme des modalités alternatives, sans ordre de priorité ou de préférence. « L’entreprise est libre de choisir d’ouvrir ou non une négociation » [38], y affirmait-on. Sans doute cette position exprimait-elle ce que l’on pourrait identifier à l’intention ou la volonté du législateur – à condition de mesurer la part d’artifice que comporte cette référence. Aux yeux de beaucoup, l’affaire semblait entendue, tout du moins jusqu’à ce que la Cour de cassation, avec ses arrêts Omnitrans, du 17 avril 2019 [39] et Rapide Côte d’Azur, du 13 janvier 2021 [40], vienne cristalliser l’exigence d’une tentative loyale de négociation préalable à la décision (unilatérale) de l’employeur – en l’occurrence à propos de la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, puis s’agissant du recours au vote électronique [41]. Il y aurait cependant quelque imprudence, comme nous l’avions expliqué dans les colonnes de cette revue [42], à prétendre inférer de ces deux arrêts un (possible) principe susceptible de s’appliquer chaque fois que la loi habilite une décision unilatérale « en l’absence » ou « à défaut » d’un accord collectif, sur un sujet donné. C’est ce que confirme, au demeurant, l’important arrêt rendu par la Chambre sociale le 4 octobre 2023, en écartant une telle grille d’analyse s’agissant des textes légaux relatifs à la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) [43]. La propension de l’idée du préalable obligatoire est tributaire de considérations liées, selon les cas de figure concernés, aux règles légales encadrant les actes unilatéraux de l’employeur. Dans ces conditions, compte tenu du contrôle administratif (d’homologation) auquel donne lieu le document unilatéral visé à l’article L. 1233-24-1 N° Lexbase : L8600LGM, il est permis de penser, sous l’angle des textes, que l’élaboration du PSE n’est pas forcément propice à la consécration d’une telle analyse. Encore faut-il introduire ici une nuance. Car si la loi tend à inciter à la négociation du plan, sans l’ériger en préalable obligatoire, l’influence qu’exercent sur le terrain les Dreets (et auparavant les Direccte) afin de convaincre les acteurs de s’engager dans cette voie [44] ouvre sur une alchimie singulière entre liberté et contrainte, pour peu que l’on ne s’en tienne pas à une approche strictement normative.

À dire vrai, la véritable zone d’ombre tient moins à cet équilibre subtil qu’à ce qui en constitue une implication aux allures d’occultation, à savoir la difficulté à appréhender, d’un point de vue juridique et sous l’angle du contrôle administratif, l’exigence de loyauté dans la négociation de l’accord fixant le contenu du PSE. L’hypothèse type est la suivante. Une négociation tendant à la conclusion d’un tel accord est formellement engagée, mais l’espace de discussion, en réalité, se trouve quasiment réduit à néant, tout simplement parce que les organisations syndicales sont placées face à une situation où le projet d’accord préparé par l’employeur est, en quelque sorte, à prendre ou à laisser – ce qui exclut toute perspective de concessions réciproques. Ainsi en ira-t-il, par exemple, lorsque, parallèlement ou simultanément, l’employeur a établi un document unilatéral fixant un plan a minima, en menaçant de se rabattre sur celui-ci dans le cas où les syndicats chercheraient à discuter le contenu du projet d’accord collectif qui leur est soumis. Peut-on encore, en pareilles circonstances, parler de négociation ? Et en tout état de cause, n’y aurait-il pas là une atteinte à l’obligation de loyauté dans la négociation ? Dans l’affirmative, quelle conséquence l’autorité administrative pourra-t-elle en tirer si, du fait de cette stratégie, la négociation a échoué et que le contenu du plan a été fixé au moyen d’un document unilatéral ? Voilà le cœur du problème. Lorsque la négociation aboutit à la conclusion d’un accord, il paraît concevable que la Dreets tire du manquement à l’obligation de loyauté un motif fondant un refus de validation. Une telle analyse, certes, n’est pas acquise, mais au moins apparaît-elle plausible. Lorsque la négociation échoue, en revanche, l’administration se trouve juridiquement démunie. Et pour cause : en l’absence de préalable obligatoire de négociation, la Dreets ne pourra qu’exercer le contrôle impliqué par la demande d’homologation du document unilatéral de l’employeur, sans pouvoir l’étendre à la séquence – effectivement préalable – de négociation. Ce faisant, son contrôle ne pourra porter sur le processus de négociation, et le manquement à l’obligation de loyauté qui s’y rapporte deviendra, par-là même, insaisissable (sur le plan juridique, s’entend). Cette impossibilité est celle à laquelle s’était heurté le tribunal administratif de Rouen en présence de circonstances similaires, ce qui l’avait conduit à évaluer l’écart entre les mesures consacrées par le document unilatéral et celles envisagées dans le projet d’accord collectif « non négociable » que celui-ci soumettait aux syndicats afin de déterminer si l'employeur avait mobilisé les moyens dont, manifestement, il disposait [45]. Il y a là comme un angle mort du contrôle administratif – sachant que l’alternative d’un contrôle judiciaire (à quelles fins et pour quelles conséquences ?) peine à convaincre. Voilà bien le cœur du problème : l’absence de préalable de négociation affecte, ici, tant dans son principe que dans ses potentialités l’exigence de loyauté en matière de négociation du PSE. Ce qui n’est guère satisfaisant.

B. S’agissant du contenu de l’accord majoritaire sur le PSE

Une seconde zone d’ombre affecte le contenu de l’accord collectif relatif au PSE. Encore faut-il, là aussi, préciser de quoi l’on parle. Des règles légales ne définissent-elles pas ce contenu ? Assurément, oui. Ce contenu, la loi du 14 juin 2013, l’avait même soigneusement déterminé, en dissociant le contenu obligatoire et le contenu facultatif de cet accord. Certes, pour caractériser l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 du Code du travail N° Lexbase : L8600LGM, le texte négocié doit bien entendu déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. Cette exigence élémentaire conditionne, en réalité, la qualification de cet accord et l’applicabilité du régime qui lui est associé. Reste que le contenu impératif de l’accord collectif concerné ne se limite pas aux mesures susceptibles d’intégrer un plan de reclassement à géométrie variable, mais qui, en principe, comporte, malgré la rédaction discutable des deux premiers alinéas de l’article L. 1233-61 N° Lexbase : L7291LHI, des mesures de reclassement tant interne qu’externe [46]. Revêtent également un caractère obligatoire, en vertu de l’article L. 1233-63, alinéa 1er N° Lexbase : L8596LGH, les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de ces mesures, sans qu’il y ait lieu, cette fois, d’y voir une condition de qualification (juridique) de l’accord, dans la mesure où cette règle vaut pour tous les PSE, quel que soit leur mode d’élaboration. Mais l’on sait que l’accord peut par ailleurs porter, à titre facultatif, sur une série d’éléments relatifs à la procédure d’information/consultation des représentants du personnel (en l’occurrence du comité social et économique), au projet de licenciement collectif (pondération et périmètre d’application des critères d’ordre, calendrier des licenciements, nombre de suppressions d’emploi et catégories professionnelles concernées) et aux modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement prévues. Bien que la loi se soit, à certains égards, démarquée des prévisions de l’ANI, du 11 janvier 2013 [47], ces éléments-là s'inspiraient de ce que les partenaires sociaux envisagées, en ourlant les contours de ce que l'on identifia alors un « super accord de méthode ». Une telle formule, à dire vrai, ne reflète pas exactement la conception que le législateur campe de cet accord majoritaire, même si celui-ci peut effectivement ouvrir sur des dérogations, dans les limites fixées à l’article L. 1233-24-3 N° Lexbase : L8643LG9. L’accord relatif au PSE ne se réduit pas à cette dimension. Seulement, le contenu assigné à cet accord peut-il, aujourd’hui, être appréhendé exclusivement à l’aune des règles légales ? Ce fut le cas pendant des années. Cependant, la jurisprudence inaugurée par les arrêts rendus par le Conseil d’État le 21 mars 2023 [48], bien que ceux-ci concernaient des documents unilatéraux, invite aujourd’hui à répondre par la négative. Lorsque la réorganisation envisagée présente des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, il ne fait aucun doute, à notre avis, en sus de la concertation menée avec le CSE [49], que l’accord collectif devra contenir les actions visant à y remédier, en prévenant ces risques et en protégeant les salariés – sauf à être complété par un document unilatéral de l’employeur sur ce point ou, à défaut, à s’exposer à un refus de validation. Cela signifie que la question des risques psychosociaux est susceptible, en fonction des circonstances, de constituer un élément du contenu facultatif de l’accord relatif au PSE, en dépit du silence de la loi [50]. La zone d’ombre est cependant ailleurs.

À notre avis, la question essentielle est de savoir – pour peu que l’on adopte un point de vue ou une perspective réaliste – ce que l’on négocie effectivement. Quels sont, en effet, les éléments sur lesquels porte réellement la négociation ou, lorsque celle-ci aboutit, l’accord collectif sur le PSE. Cette négociation tend-elle toujours, comme ce fut le cas – semble-t-il – dans les premières années d’application de la loi du 14 juin 2013 [51], à se focaliser sur certains sujets (reclassement, indemnisation), en laissant l’employeur déterminer unilatéralement d’autres éléments jugés plus sensibles (à l’instar du nombre de suppressions d’emploi) en complétant sur ces points l’accord par l’établissement d’un document unilatéral ? Ce n’est pas certain, dans la mesure où les PSE « mixtes » semblent s’être raréfiés au fil du temps. Au-delà de cette question, la négociation d’un accord sur le plan de sauvegarde de l’emploi porte-t-elle avant tout sur les mesures de reclassement ou se centre-t-elle sur les montants des indemnités « supra légales » ? Sans doute les négociations s’avèrent-elles, in situ, tributaires du contexte dans lequel intervient le PSE, notamment en considération du bassin d’emploi ou du secteur d’activité concerné (c’est-à-dire des possibilités concrètes de reclassement, interne comme externe), ainsi que du rapport de forces. L’on manque cependant, au regard des recherches existantes, d’une vision d’ensemble. Une étude portant sur les accords relatifs aux PSE pourrait peut-être faire ressortir, à cet égard, des tendances. Encore faudrait-il que la DGEFP accepte de communiquer aux chercheurs qui entendraient s’y atteler ces accords collectifs qui, par exception, ne donnent pas lieu à publication [52]. À défaut, c’est inévitablement à partir de l’analyse de quelques accords – diffusés par les acteurs eux-mêmes – qu’une enquête peut être menée [53]. Le bilan dressé par la DGEFP en juin 2023, à l’occasion des dix ans de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, ne prétendait pas particulièrement éclairer cette question du contenu des accords relatifs au PSE. L’un des constats qu’il pose mérite toutefois, à ce titre, de retenir l’attention, en l’occurrence celui selon lequel la voie négociée se révèle plus fréquente lorsque les entreprises envisagent un dispositif de départs volontaires (80 % des cas, contre 63 % en cas de départs contraints, s’agissant de l’année 2022) [54]. Peut-être cette corrélation résulte-t-elle de contextes favorables à l’un et à l’autre dans les entreprises concernées. Mais l’on sera également enclin à considérer que l’existence ou la perspective de départs volontaires pourrait attiser la négociation relative au plan de sauvegarde de l’emploi – en la rendant, sinon nécessaire, du moins possible. C’est, pensons-nous, de ce type d’éclairage que nous avons besoin pour savoir ce qui se joue à travers la négociation des PSE.

Conclusion. La loi du 14 juin 2013 n’a pas seulement favorisé, sur le plan normatif, la négociation des plans de sauvegarde de l’emploi. Elle est parvenue à modifier les comportements des acteurs, à s’en tenir à la proportion de PSE négociés (et validés par l’administration), autrement dit du point de vue quantitatif. Toutefois, si l’on entend jauger les déplacements qu’a engendrés cette loi, bien d’autres questions surgissent : en quoi les PSE négociés se révèlent-ils différents ou meilleurs que les autres, et notamment de ceux antérieurs à la loi de 2013 ? Et à l’aune de quel critère mener cette appréciation ? La limitation de la conflictualité lors d’un projet de compression d’effectif ? La capacité à favoriser le reclassement des salariés licenciés ? C’est par là que passe aussi, nous semble-t-il, l’appréciation des mérites et vertus des PSE négociés.


[1] ANI, du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés N° Lexbase : L9638IUI.

[2] C’est, rappelons-le, la loi n° 2002-73, du 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9 qui substitua à la dénomination de plan social celle de plan de sauvegarde de l’emploi, de façon à dissiper toute équivoque quant à la finalité de ce plan – qui a toujours été distinct, sur le plan juridique, du plan de licenciement (ou de compression des effectifs).

[3] V. le troisième alinéa de l’article L. 1233-22, du Code du travail N° Lexbase : L8099LG3 dans sa version en vigueur jusqu’au 1er juillet 2013 et, antérieurement à la recodification de 2008, l’ancien article L. 320-3 N° Lexbase : L8920G7I, créé par la loi n° 2005-32, du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49.

[4] Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, 10 ans après la loi sur la sécurisation de l’emploi. Quel bilan pour les plans de sauvegarde de l’emploi ?, 1er juin 2023, spéc. p. 6-7 [en ligne].

[5] Sur ces aspects, v., dans le présent numéro, les « books » réalisés par des étudiants du Master 2 Droit du Travail et de la Protection Sociale (DTPS) et du Master 2 Dialogue social, au sein du Master Droit social de la Faculté de droit de Nancy – Université de Lorraine, ici et ici.

[6] C. trav., art. L. 2314-6 N° Lexbase : L8504LG3, et, auparavant, C. trav., art. L. 2324-4-1 N° Lexbase : L6597IZD (pour le comité d’entreprise) et C. trav., art. L. 2314-3-1 N° Lexbase : L6598IZE (pour les délégués du personnel), dans leurs versions antérieures à l’ordonnance n° 2017-1386, du 22 septembre 2017, relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales N° Lexbase : L7628LGM.

[7] Inséré dans un Titre II intitulé « Du dialogue social », l’article 37 de cette loi habilitait une convention de branche ou un accord professionnel étendu à déterminer les conditions de validité des conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement en optant soit pour la condition d’une signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, soit pour celle d’une absence d’opposition émanant d’organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages à ces mêmes élections. La première de ces modalités offrait bien une traduction à l’idée d’accord majoritaire. Reste qu’en l’absence d’une convention ou d’un accord étendu, la loi privilégiait la seconde modalité, reposant sur la reconnaissance d’un droit d’opposition (C. trav., anc. art. L. 132-2-2, III N° Lexbase : L4693DZT, dans sa version issue de la loi du 4 mai 2004).

[8] Contrairement à ce que prévoit l’article L. 2232-12 N° Lexbase : L8604LGR et à ce qu’envisageait aussi la loi de 2004, dans l’hypothèse où la condition majoritaire, à supposer qu’elle soit requise, ne serait pas satisfaite.

[9] À ce sujet : F. Géa, Grands licenciements économiques et plan de sauvegarde de l’emploi après la loi du 14 juin 2013 : les premières décisions du Conseil d’État, RDT, 2015, p. 514 et s., concl. G. Dumortier.

[10] CE, 22 juillet 2015, n° 385668 et 386496, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9294NM8. Précisons que la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté la demande par laquelle la société Solocal, venant aux droits de la société Pages jaunes, entendait engager la responsabilité de l’État au titre de l’illégalité de la décision de validation prise par l’autorité administrative, en l’occurrence par la Direccte d’Île-de-France (CAA Versailles, 6e ch., 25 mai 2023, n° 20VE01947 N° Lexbase : A62829XX).

[11] Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-12.522, FS-P+I N° Lexbase : A23064CE ; RDT, 2021, p. 183, obs. F. Géa.

[12] Cass. soc., 27 mai 2021, n° 18-26.744, FS-P N° Lexbase : A16274TG.

[13] CE Contentieux, 5 mai 2017, n° 389620, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9885WBQ.

[14] CE, 1re-4e ch. réunies, 2 mars 2022, n° 438136, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A84137PB.

[15] V., cependant, infra, l’analyse développée par G. Auzero.

[16] C. trav., art. L. 2321-2, al. 1er N° Lexbase : L8436LGK.

[17] C. trav., art. L. 1233-24-1 N° Lexbase : L8600LGM, tel que modifié par l’ordonnance n° 2017-1718, du 20 décembre 2017, visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340, du 15 septembre 2017, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social N° Lexbase : L6578LH4.

[18] Cass. soc., 5 mai 1998, n° 96-13.498, publié au bulletin N° Lexbase : A2677AC7.

[19] Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Étude d’impact, 5 mars 2013, p. 130 [en ligne].

[20] Instruction DGEFP/DGT n° 2013/13, du 19 juillet 2013, relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif, p. 7 [en ligne].

[21] V. supra.

[22] Pour reprendre la formule employée par l’ancien article L. 2323-2 N° Lexbase : L5637KGU, avant la réforme de 2017.

[23] Aujourd’hui logées aux articles L. 2312-37, 3° N° Lexbase : L1434LKC, et L. 2312-40 du Code du travail N° Lexbase : L8273LGI.

[24] En l’occurrence les éléments qui se rattachent au contenu dit « facultatif » de l’accord, tel que le caractérise le second alinéa de l’article L. 1233-24-2 du Code du travail N° Lexbase : L7294LHM.

[25] Ces PSE « mixtes » semblent de plus en plus rares, ce qui signifie que les accords conclus tendent à appréhender désormais la totalité des éléments mentionnés, à ce titre, par la loi.

[26] P. Morvan, Restructurations en droit social, coll. Droit & professionnels, LexisNexis, 4e éd., 2017, p. 788, n° 1100. V. également : G. Borenfreund, Le comité d’entreprise : nouveaux enjeux, RDT, 2015, spéc. p. 26.

[27] Sur cette question : F. Géa, Les usages du droit du travail par ses acteurs, RDT, 2022, p. 147 et s.

[28] C. trav., art. L. 1233-31, al. 2, 7° N° Lexbase : L8095LGW.

[29] C. trav., art. L. 1233-30, I, 2° N° Lexbase : L8096LGX, sachant que cet élément, initialement ajouté à la liste des thèmes sur lesquels porte le contenu facultatif de l’accord fixant le contenu du PSE, en a été, in fine, retiré par l’ordonnance rectificative du 20 décembre 2017.

[30] CE, 1re-4e ch. réunies, 21 mars 2023 (deux arrêts), n° 450012 N° Lexbase : A49979KB et 460660 N° Lexbase : A39099KY, publiés au recueil Lebon N° Lexbase : A49979KB ; L. de Montvalon, RDT, 2023, p. 476. Sur la question de la prise en compte des risques psychosociaux dans l’élaboration du PSE, v. infra, l’étude de L. de Montvalon, La prévention des risques professionnels lors de l'élaboration d'un PSE, Lexbase Social, novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7350BZA.

[31] Même si, précisons-le, ces deux arrêts du Conseil d’État concernaient des PSE dont le contenu avait été fixé par un document unilatéral de l’employeur.

[32] Pour une argumentation plus étayée, v. F. Géa, Procédure de licenciement collectif : quid des conséquences environnementales ?, RDT, 2023, p. 553 et s.

[33] Car, rappelons-le, cet accord national interprofessionnel ne prévoyait pas de contrôle administratif de l’accord majoritaire fixant le contenu du PSE (v. ANI, du 11 janvier 2013, art 20, préc.).

[34] Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Étude d’impact, préc., p. 129. Adde, Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (Procédure accélérée), Ass. nat., n° 774, enregistré le 6 mars 2013, art. 13. Le projet de loi plaça, par ailleurs, à l’issue de la procédure de consultation des représentants du personnel le contrôle de l’autorité administrative au titre de l’homologation du document unilatéral de l’employeur, alors que l’ANI l’avait, quant à lui, situé en amont de cette procédure (ibid.).

[35] CAA Paris, 3e, 29 juillet 2022, n° 22PA02256 N° Lexbase : A23688D3 ; F. Géa, RDT, 2022, p. 708.

[36] Même si, selon nous, elle se défend (v. les obs. mentionnées dans la précédente note de bas de page).

[37] G. Loiseau, Le préalable de négociation, JSL, 19 juin 2020, p. 8.

[38] Instr. DGEFP/DGT n° 2013/13, du 19 juillet 2013, relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif, Fiche n° 1, p. 2 N° Lexbase : L1246I3K.

[39] Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3539Y9X ; F. Bergeron-Canut, Bull. Joly Travail, juin 2019, n° 1117, p. 24 ; RJS, 6/19, n° 363. Adde G. Loiseau, Le préalable de négociation, op. cit.

[40] Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-23.533, FS-P+R+I N° Lexbase : A23054CD ; F. Petit, Dr. soc., 2021, p. 284. Adde F. Bergeron-Canut, Le préalable obligatoire de négociation s’étend au vote électronique, SSL, 15 février 2021, n° 1941, p. 18 et s.

[41] Sous réserve dans cette seconde hypothèse que l’entreprise comporte un ou des délégués syndicaux.

[42] F. Géa, La tentative loyale de négociation comme préalable, Lexbase Social, avril 2021, n° 862 N° Lexbase : N7234BYL.

[43] Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 21-25.748, F-B N° Lexbase : A03681KT ; Liaisons sociales quotidien, n° 18896, du 16 octobre 2023, L’actualité.

[44] En ce sens, v., not. V. Pasquier, P. Motte, Les différents chemins pour négocier un « bon » plan de sauvegarde de l’emploi, in F. Géa et A. Stévenot (dir.), Le dialogue social. L’avènement d’un modèle ?, coll. Paradigme, Bruylant, 2021, p. 455 et s., plus spéc. p. 464.

[45] TA Rouen, 24 décembre 2020, n° 2003814 ; F. Géa, RDT, 2021, p. 180.

[46] À l’exception, si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à la loi de 2013, des plans de départs volontaires autonomes, et sous réserve des interrogations que suscite aujourd’hui, pour l’ensemble des plans de départs volontaires, y compris ceux habituellement qualifiés de mixtes la jurisprudence du Conseil d’État (v. F. Géa, Les subtilités de l’arrêt Paragon Transaction, RDT, 2023, p. 415, et plus spéc. p. 417-418).

[47] L’on se souviendra, en particulier, que l’ANI, du 11 janvier 2013, habilitait cet accord majoritaire à préciser « la date à partir de laquelle peuvent être mis en œuvre les reclassements internes », mais que le législateur a soumis ce sujet à un régime de codécision, en exigeant un « avis favorable » du comité (le comité d’entreprise et, à présent, le comité social et économique) sur la proposition de l’employeur de proposer des mesures de reclassement interne avant l’expiration des délais de consultation de cette instance (C. trav., art. L. 1233-45-1 N° Lexbase : L8640LG4).

[48] CE, 21 mars 2023 (deux arrêts), préc.

[49] V. supra.

[50] Ou, du moins, des dispositions légales ayant pour objet de définir le contenu de cet accord.

[51] À ce sujet, v. F. Géa, Le licenciement comme objet de dialogue social (De la consultation à la négociation), Dr. soc., 2015, p. 994, plus spéc. p. 1001-1002.

[52] C. trav., art. L. 2231-5-1, al. 4 N° Lexbase : L4954LRW.

[53] V. infra, l’étude de M. Kocher, PSE négociés : quel contenu ? Quel suivi ? Compte-rendu d’une étude empirique, Lexbase Social, novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7425BZZ.

[54] Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, op. cit., p. 7.

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[Actes de colloques] L’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi : quel(s) niveau(x) ?

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par Gilles Auzero, Professeur à l’Université de Bordeaux

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • élaboration • négociation • niveaux • entreprise • groupe • UES

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


À la question de savoir à quel niveau doit être élaboré le plan de sauvegarde de l’emploi, on est immédiatement tenté de répondre qu’il s’agit de l’entreprise, en se fondant sur quelques dispositions légales composant le droit du licenciement pour motif économique. C’est ainsi que l’article L. 1233‑24‑1 du Code du travail N° Lexbase : L8600LGM dispose que « dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi […] ». De même, l’article L. 1233‑24‑4 N° Lexbase : L8642LG8 dispose qu’à défaut de l’accord précité, le plan de sauvegarde de l’emploi est fixé par « un document élaboré par l’employeur » ; employeur dont on sait qu’il structure juridiquement l’entreprise.

Il convient toutefois de ne pas se fier à la lettre de ces textes, ne serait-ce que parce que le législateur ne nous a pas habitué à un usage rigoureux des notions d’entreprise et d’employeur, qui apparaissent au contraire davantage comme des commodités de langage. Partant, on ne saurait affirmer que l’entreprise est le seul niveau pertinent et incontournable d’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi. Cela se vérifie aussi bien lorsque ce dernier est mis en place unilatéralement (I.) que lorsqu’il est négocié (II.).

I. S’agissant de la décision unilatérale fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ou, plus exactement, du document unilatéral ayant cet objet, il est indiqué à l’article L. 1233‑24‑4 qu’il est élaboré par « l’employeur ». À l’évidence, l’employeur ne saurait être assimilé à l’entreprise. Dépourvue de toute personnalité morale, celle-ci ne peut être débitrice d’une quelconque obligation. On comprend aussi pourquoi, dans le sillage du texte précité, la Cour de cassation et le Conseil d’État considèrent avec justesse que seul l’employeur est débiteur de l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, comme d’ailleurs de l’obligation de reclassement [1]. Peu importe, en conséquence, l’appartenance de cet employeur à un groupement plus vaste, qu’il s’agisse d’un groupe ou d’une unité économique et sociale. Cette appartenance ne saurait conduire à transférer l’obligation précitée vers autrui, et certainement pas vers les deux groupements mentionnés, également dépourvus de la personnalité juridique.

On peut, en revanche, se demander si le document unilatéral, portant plan de sauvegarde de l’emploi, peut être élaboré au niveau d’un établissement distinct composant une entreprise plus vaste. L’établissement distinct étant dépourvu de la personnalité juridique et ne pouvant, de ce fait, être qualifié d’employeur, une réponse négative paraît devoir être retenue. Une telle issue n’est cependant pas satisfaisante, à deux égards au moins. Tout d’abord, il est des cas où l’établissement distinct peut disposer de la personnalité morale. Il en va ainsi lorsqu’une unité économique et sociale fait l’objet d’un découpage en établissements distincts, opéré unilatéralement par l’employeur. Dans cette hypothèse, il nous semble difficile, pour ne pas dire impossible, de ne pas identifier, a minima, les établissements distincts aux entités juridiquement autonomes qui composent, le cas échéant et très généralement, l’unité économique et sociale [2]. Dès lors, nul doute qu’un plan de sauvegarde de l’emploi peut être établi unilatéralement au niveau d’un établissement distinct, ici personnifié.

Ensuite, dans une entreprise à structure complexe plus « classique », il n’est pas à exclure que le projet de licenciement ne concerne qu’un seul établissement. À supposer que le chef d’établissement dispose d’une délégation de pouvoir adéquate, il doit pouvoir établir un plan de sauvegarde de l’emploi, qui devra toutefois prendre en compte les moyens de l’entreprise. Remarquons que cela ne dispensera pas forcément de la consultation du comité social et économique central d’entreprise car, comme l’a décidé le Conseil d’État, « dans le cas où le projet de licenciement collectif ne concerne qu’un seul établissement, l’employeur n’est tenu de consulter le comité social économique central de l’entreprise, ce dont la Direccte du siège de l’entreprise doit être informée, que lorsque le projet excède le pouvoir du chef d’établissement » [3]. Au demeurant, cette décision fait écho aux dispositions légales, l’article L. 1233‑36 disposant que « dans les entreprises dotées d’un comité social et économique central, l’employeur consulte le comité central et le ou les comités sociaux et économiques d’établissement intéressés, dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d’établissement concernés, ou portent sur plusieurs établissements simultanément ».

II. S’agissant du plan de sauvegarde de l’emploi négocié, l’article L. 1233‑24‑1 du Code du travail dispose que « dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233‑61 à L. 1233‑63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements ». La lettre du texte est compréhensive, visant « un » accord collectif, sans autre précision. Elle contraste, se faisant, avec les dispositions de l’article L. 1233‑21, qui permet à « un accord d'entreprise, de groupe ou de branche » de fixer, de manière dérogatoire, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique et, le cas échéant, le cadre de recours à une expertise par ce comité, lorsque l'employeur envisage de prononcer le licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours.

Cela étant, et pour revenir à l’accord portant plan de sauvegarde de l’emploi, il est vrai que l’article L. 1233‑24‑1 commence par viser les entreprises de cinquante salariés et plus, ce qui pourrait accréditer l’idée qu’un tel accord ne peut être conclu qu’à ce niveau. On sait pourtant qu’il n’en va pas ainsi, le Conseil d’État ayant lui-même admis, dans une importante décision du 2 mars 2022 [4], qu’un accord fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi peut être négocié et conclu au niveau d’une unité économique et sociale, à la stricte condition que chacune des entités composant l’unité ait donné un mandat aux fins de représentation. La solution doit être approuvée, ce qui donne sa pleine portée à l’idée que l’unité économique et sociale permet de reconstituer l’entreprise par-delà les personnes morales autonomes qui la composent. Elle est aussi en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements, dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l’emploi, s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de celle-ci [5]. À supposer que l’on puisse véritablement identifier une décision prise au niveau d’un groupement dépourvu de personnalité juridique et, de ce fait, d’organes propres, il est à souligner que celle-ci peut se concilier avec un plan de sauvegarde de l’emploi établi au niveau de la seule entité dans laquelle les contrats de travail seront rompus ; l’employeur étant, rappelons-le, seul débiteur de l’obligation d’établir le plan de sauvegarde de l’emploi.

Il reste à se demander si un accord portant plan de sauvegarde de l’emploi peut être négocié et conclu au niveau d’un groupe. On relèvera, d’abord, qu’aucun texte ne l’interdit formellement. Au contraire, l’article L. 2232‑33 du Code du travail dispose que « l'ensemble des négociations prévues par le présent Code au niveau de l'entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions, sous réserve des adaptations prévues à la présente section ». Il faut ajouter à cela les dispositions du second alinéa de l’article L. 2232‑11, qui précise que « sauf disposition contraire, les termes « convention d'entreprise » désignent toute convention ou accord conclu soit au niveau du groupe, soit au niveau de l'entreprise, soit au niveau de l'établissement ». Le premier des textes cités est beaucoup plus compréhensif, n’évoquant pas l’éventualité de « dispositions contraires ». Au demeurant, peut-on trouver trace de telles dispositions en matière de plan de sauvegarde de l’emploi ? S’il n’en est pas d’explicites, est tout de même évoqué l’article L. 1233‑61 du Code du travail, qui dispose que « dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ». À cela, il faut ajouter d’autres articles contenus dans la section relative à l'information et la consultation du comité social et économique ou à l'intervention de l'administration du travail, qui visent spécialement « l'employeur » [6].

Pourtant, et comme nous l’avons vu, cela n’a pas empêché le Conseil d’État d’admettre qu’un plan de sauvegarde de l’emploi soit négocié au niveau d’une unité économique et sociale. Il peut, certes, être rétorqué qu’un groupe n’a pas le même niveau d’intégration qu’une unité économique et sociale et ne peut être assimilé à une entreprise [7]. Si cette assertion ne saurait être discutée, il n’est pas non plus à exclure qu’une décision de licencier puisse être prise au niveau d’un groupe, ce qui peut militer pour la possibilité de négocier et conclure un accord portant plan de sauvegarde de l’emploi au niveau dudit groupe. Dans ce cas, les conditions d’effectif présidant à l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi devraient s’apprécier au niveau du groupe. Au-delà, on ne voit pas pourquoi un accord ne pourrait pas être négocié au niveau du groupe, alors même que la décision de licencier est prise au niveau d’une ou de plusieurs des entités juridiquement autonomes qui le composent. Les textes règlementaires vont en ce sens. Il convient, en effet, de relever que l’article R. 1233‑3‑5 du Code du travail, qui précise l’autorité administrative compétente en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, dispose qu’« en cas d'unité économique et sociale, le directeur compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise principale », tandis qu’« en cas d'accord de groupe, le directeur compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise dominante » [8]. À cela, on peut encore ajouter que le portail Rupco (ruptures collectives de contrats de travail), qui s’adresse à tout employeur devant déclarer une procédure relative à de telles ruptures, comporte la possibilité d’ouvrir un dossier concernant « une UES ou un accord de groupe ». L’administration du travail admet ainsi l’éventualité d’un accord conclu au niveau du groupe [9].

Retenir qu’un accord portant plan de sauvegarde de l’emploi puisse être conclu au niveau du groupe serait de nature à faciliter tant la mise en œuvre de l’obligation de reclassement de l’employeur, que le respect de la règle selon laquelle la validité du plan de sauvegarde de l’emploi doit s’apprécier au regard des moyens du groupe. La conclusion d’un tel accord permettrait, en outre, une mutualisation des coûts, spécialement dans l’hypothèse où plusieurs entités seraient concernées par un projet de licenciement pour motif économique.

Pour être conclu à un niveau supérieur à l’entreprise, l’accord fixant le plan de sauvegarde de l’emploi ne saurait dédouaner l’employeur de ses obligations puisque, rappelons-le, lui seul est débiteur de l’obligation d’établir ledit plan. La conclusion d’un accord au niveau du groupe ou de l’unité économique et sociale pourrait ainsi avoir pour effet de démultiplier les hypothèses d’information-consultation des instances de représentation du personnel. Ainsi, et à titre d’exemple, le fait qu’un accord portant plan de sauvegarde de l’emploi soit conclu au niveau de l’unité économique et sociale devrait conduire à la consultation du comité social et économique central, alors même que la décision de licencier est prise au niveau d’un des établissements de l’unité économique et sociale. Il est même possible de considérer que doit être consulté l’ensemble des comités des entités couvertes par l’accord, quand bien même seraient-elles exclues de tout licenciement pour motif économique [10]. En cas de pluralité de comités sociaux et économiques concernés, pourrait aussi surgir, de manière plus accessoire, la question de savoir quel comité peut désigner l’expert-comptable chargé d’assister les syndicats lors de la négociation. La question se poserait aussi lorsqu’un comité social et économique refusant de procéder à une telle désignation, un autre le ferait.

La négociation et la conclusion d’un accord à un niveau supérieur à l’entreprise pourraient aussi être instrumentalisées. On songe d’abord à la situation de l’entité qui ne comporterait pas le moindre syndicat représentatif, étant observé que l’article L. 1233‑24‑1 ne soumet pas explicitement la négociation à la présence de délégués syndicaux. Il y a ensuite la situation de l’entreprise disposant de syndicats représentatifs qui ne seraient pas enclins à négocier et signer un accord relatif au plan de sauvegarde de l’emploi, alors que les organisations représentatives au niveau de l’unité économique et sociale ou du groupe seraient plus ouvertes. En conséquence, il se pourrait que la négociation au niveau de l’unité économique et sociale ou du groupe ne soit possible que si la décision de licencier a été prise à ce niveau-là. Ce serait excessif nous semble-t-il, ne serait-ce que parce que les partenaires sociaux négocient où bon leur semble. Sans doute, la Cour de cassation entend-elle faire respecter la lettre de la loi, lorsqu’elle renvoie à un niveau de négociation en particulier. En atteste l’arrêt rendu le 1er juin 2023 par la Cour de cassation, qui exclut que les représentants de proximité soient mis en place par un accord d’établissement, là où la loi vise un accord d’entreprise [11]. Mais, il faut y revenir, il n’y a aucune précision de cette nature pour ce qui est du plan de sauvegarde de l’emploi.

Ce faisant, il n’est pas à exclure que l’accord portant plan de sauvegarde de l’emploi soit conclu au niveau d’un établissement. Engageant juridiquement l’employeur, un tel accord pourrait être négocié et conclu par le responsable de l’établissement, dès lors qu’il dispose des pouvoirs requis et qu’est pris en compte la situation de l’entreprise dans son ensemble. On peut penser que l’accord conclu au niveau d’un établissement ne serait possible que si les licenciements concernent ce seul établissement. Cet accord pourrait d’ailleurs se borner à l’établissement du périmètre d’appréciation des critères d’ordre des licenciements. À cet égard, l’article L. 1233‑5 du Code du travail renvoie à « un » accord collectif le soin de définir le périmètre d’application de ces critères.

En admettant qu’une négociation puisse avoir lieu à un niveau « supra-entreprise » ou « infra-entreprise » et qu’elle soit envisagée ou pas comme un préalable nécessaire à la décision unilatérale de l’employeur, il va de soi que l’échec de la négociation conduira à ce que la décision unilatérale soit nécessairement et systématiquement prise à un niveau différent de celui auquel avait été engagée la négociation. C’est la conséquence du fait que le plan de sauvegarde de l’emploi doit être établi par l’employeur et que ni le groupe, ni l’unité économique et sociale, ni généralement l’établissement, n’ont pas la personnalité juridique. Mais rappelons que, dans ce dernier cas, il faut réserver l’hypothèse de l’établissement distinct, personnifié au sein d’une unité économique et sociale et, de façon empirique, souligner que le plan de sauvegarde de l’emploi établi par le responsable d’un établissement non personnifié ne pourra engager que l’employeur.

Pour conclure, puisqu’il est ici question d’employeur, il conviendra que, tant en matière d’accord portant plan de sauvegarde de l’emploi que de plan de sauvegarde de l’emploi unilatéral, se soit effectivement le véritable employeur qui soit engagé. Si un accord est signé au niveau de l’unité économique et sociale ou du groupe, la condition pourra être remplie sans même que ce véritable employeur se soit démasqué, dès lors qu’il aura signé l’accord. Mais peut-être dans ce cas, conviendra-t-il de s’assurer que, par-delà le consentement à l’acte juridique, toutes les obligations que la loi impose à l’employeur aient été mises à sa charge.


[1] V. par ex. CE, 1re - 4e ch. réunies, 19 février 2019, n° 404556 N° Lexbase : A3041YXW ; Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 08-15.776, FS-P+B N° Lexbase : A2943EQ3, RDT, 2010, p. 230, note F. Géa ; Dr. sociétés, 2010, p. 474, obs. G. Couturier ; D., 2010, 1129, note B. Dondero ; J.-M. Olivier, L’affaire Flodor : suite et presque fin, JCP S, 2010, 1225.

[2] Cette assertion procède de l’exigence légale que l’employeur prenne en compte « l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement notamment en matière de gestion du personnel » (C. trav., art. L. 2313‑4). Sauf à ce que les personnes morales composant l’UES soient fictives, il y a nécessairement à leur tête un représentant disposant des plus larges pouvoirs pour s’exprimer en leur nom et pour leur compte. Pour plus de détails sur la question, v. G. Auzero, La division de l’unité économique et sociale en établissements distincts, RJS, 8-9/2020, p. 579.

[3] CE, 1re - 4e ch. réunies, 13 décembre 2022, n° 454491 N° Lexbase : A12688ZY. Il reste que si le projet est borné à un seul établissement et que le responsable de celui-ci est doté des pouvoirs nécessaires pour rompre les contrats de travail et pour établir le plan de sauvegarde de l’emploi, il n’y a pas matière à consulter le comité social et économique central d’entreprise.

[4] CE, 1re - 4e ch. réunies, 22 mars 2022, n° 438136 N° Lexbase : A84137PB ; RDT, 2022, p. 240, note M. Kocher.

[5] Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-69.485, FS-P+B+R N° Lexbase : A5880GKY, RJS, 02/2011, n° 117 ; Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3242G79 ; Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-16.947, FS-P, N° Lexbase : A88594LP, G. Auzero, UES et PSE : une relation de cause à effet, JCP S, 2021, n° 16-17, 1109 ; Cass. soc., 28 septembre 2022, n° 21-19.092, F-B N° Lexbase : A34018LK, J. Daniel, UES : une perturbation durable pour le mécanisme du licenciement, JCP S, 2022, n° 42, 1271. Adde, P. Lopes, Les licenciements économiques dans l’unité économique et sociale, JCP S, 2023, 1216.

[6] Y. Pagnerre, Accords de groupe, Rép. Dalloz, Droit du travail, n° 63.

[7] Y. Pagnerre, ibid.

[8] Remarquons que c’est postuler là que cette entreprise est partie à l’accord ; ce qui n’est pas nécessairement le cas. Un accord de groupe peut ne concerner que certaines entreprises du groupe, sans que l’entreprise dominante en fasse partie, ni qu’elle signe l’accord en leurs noms et pour leurs comptes.

[9] Curieusement, le document vise l’accord de groupe et, sans autre précision, l’unité économique et sociale, comme si un accord n’était possible que dans le premier périmètre, tandis que le second ne serait ouvert qu’à une décision unilatérale. Il n’en va certainement pas ainsi ; un accord pouvant aussi être conclu au niveau de l’unité économique et sociale.

[10] Une telle consultation semble de mise en présence d’un accord de groupe, étant rappelé que le comité de groupe ne dispose pas d’attributions consultatives.

[11] Cass. soc. 1er juin 2023, n° 22-13.303, FS-B N° Lexbase : A63889XU, Ch. Mariano, Nature de l’accord de mise en place des représentants de proximité : le choix de l’interprétation littérale, Bull. Joly Travail, 2023, n° 07-08, p. 14 ; C. Wolmark, Représentants de proximité et négociation d’établissement, SSL Lamy, 28 août 2023, n° 2056 ; Dr. sociétés, 2023, p. 697, étude G. François.

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[Actes de colloques] La procédure d’information et de consultation lors de l’élaboration du PSE

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N7352BZC

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par Sébastien Ranc, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Toulouse Capitole

Le 22 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • CSE • procédure d’information et de consultation • conséquences environnementales • autorité administrative • contrôle pragmatique • Danthony • effet utile • principe du préalable • loyauté

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Qui aurait pu imaginer qu’en contrôlant les décisions administratives de validation ou d’homologation des PSE, le Conseil d’État allait révéler, au fil de dix années de jurisprudence, un certain pragmatisme pour ne pas dire une certaine souplesse en matière de contrôle de la procédure d’information et de consultation lors de l’élaboration d’un PSE. Il y a ici une véritable reconfiguration dans les modalités de contrôle que personne ne pouvait prédire au moment de l’entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l’emploi.


Même si quelques éléments préexistants à l’application de la loi de sécurisation de l’emploi (LSE) N° Lexbase : L0394IXU ont été conservés, cette dernière a modifié en profondeur la procédure d’information et de consultation du CSE lors de l’élaboration du PSE. Parmi les éléments intangibles, on retrouve notamment le double objet de la consultation sur l’opération économique projetée (volet économique) et sur le projet de licenciement collectif (volet social) [1]. Parmi les éléments modifiés, la LSE a adossé à la procédure de concertation une procédure de négociation. Ces deux procédures sont loin d’être étanches dans la mesure où d’une part, « le CSE peut […] mandater un expert afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour mener la négociation [de l’accord PSE] » [2] ; d’autre part, « les éléments [du « volet social »] qui font l’objet de l’accord [PSE] ne sont pas soumis à la consultation du CSE » [3]. Cette formule laisse entendre que dans l’hypothèse où un accord collectif serait conclu, une partie de la procédure de consultation du CSE s’évapore. Dans cette hypothèse, l’autorité administrative ne contrôle plus la régularité de la procédure d’information et de consultation dans son « volet social », mais uniquement celle de la procédure relative au « volet économique » [4]. On retrouve ici une des pierres angulaires de la LSE, celle d’avoir privilégié la voie de la négociation collective en réduisant le contrôle de l’autorité administrative pour ceux qui parviennent à un accord.

Autre changement, la LSE a accéléré la procédure de concertation, ce afin que celle-ci ne s’éternise plus. Deux exemples permettent d’illustrer cette accélération. En premier lieu, le CSE est désormais contraint de rendre ses deux avis dans des délais dits « préfixes », au-delà desquels le législateur considère qu’« en l’absence d’avis du CSE dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté » [5]. En second lieu, la LSE a instauré un séquençage chronologique précis dans les échanges entre l’expert du CSE et l’employeur[6].

Un autre pilier issu de la LSE est le rôle central attribué à l’autorité administrative, et plus précisément pour ce qui nous intéresse, son rôle en matière de contrôle de la procédure d’information et de consultation. La Direccte au moment de l’entrée en vigueur de la réforme – désormais la Dreets – contrôle le respect de cette procédure de concertation tout au long de l’élaboration du PSE. En cours d’élaboration du plan d’abord, elle y veille grâce à ses pouvoirs d’injonction [7] et d’observation [8]. C’est ensuite et surtout au terme de l’élaboration du PSE que l’autorité administrative procède au contrôle de la procédure d’information et de consultation, lorsqu’elle valide l’accord [9], ou homologue le document élaboré par l’employeur[10]. Dans ces deux hypothèses, elle doit alors s’assurer selon les dispositions législatives de la « régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE ».

Voici donc le « terreau » déposé par le législateur le 14 juin 2013 sur les terres des grands licenciements pour motif économique. 10 ans après, qu’en est-il ressorti ? Assurément, des éléments tout à fait imprévisibles au moment de l’entrée en vigueur de LSE.

Parmi les éléments inattendus, il y a ceux d’abord externes à la réforme sur les grands licenciements pour motif économique. Personne ne pouvait imaginer que le législateur allait, une dizaine d’années après l’entrée en vigueur de la LSE [11], intégrer la prise en compte des conséquences environnementales au titre des attributions générales du CSE [12] et au titre de ses consultations récurrentes [13], sans toutefois les mentionner expressément au titre des consultations ponctuelles, et notamment celles prévues en cas de restructurations et de compressions des effectifs ou en cas de licenciement collectif pour motif économique [14]. La question se pose dorénavant de savoir si le CSE doit être informé et consulté sur les conséquences environnementales au titre de la procédure d’élaboration du PSE. La doctrine est partagée selon qu’elle mobilise une interprétation a rubrica plus ou moins large [15]. Les mêmes incertitudes se retrouvent devant les juridictions du fond [16].

Il y a ensuite des éléments imprévisibles qui proviennent de la LSE elle-même. Pour mémoire, avant l’entrée en vigueur de la LSE, la moindre irrégularité dans la procédure entrainait la suspension de l’élaboration du PSE devant le juge judiciaire des référés. Depuis la réforme, les questions relatives à la régularité de la procédure d’information et de consultation n’entrainent plus de suspension de la procédure, dans la mesure où le contentieux du PSE a été concentré au terme de son élaboration, à un moment unique, plus précisément, après la décision de l’autorité administrative [17]. C’est en contrôlant la décision administrative de validation ou d’homologation au cours de ces 10 dernières années que le Conseil d’État a révélé, en interprétant la LSE de manière assez extensive, un certain pragmatisme s’agissant du contrôle par l’autorité administrative de la procédure d’information et de consultation du CSE lors de l’élaboration d’un PSE. En allant plus loin, le contrôle pragmatique de l’autorité administrative découvert par le juge administratif rejaillit sur l’objet contrôlé, en l’occurrence la procédure de concertation en elle-même. Ce pragmatisme signifie concrètement qu’une irrégularité de la procédure d’information et de consultation n’entraine pas nécessairement une absence de validation ou d’homologation du plan. Seule une irrégularité « substantielle » [18] est susceptible de vicier la procédure. Il y a ici une véritable reconfiguration dans les modalités de contrôle de la procédure de concertation lors de la l’élaboration du PSE que personne ne pouvait prédire au moment de l’entrée en vigueur de la LSE. Il s’agira de présenter dans les grandes lignes ce contrôle pragmatique (I.), avant d’en donner quelques applications concrètes (II.) et de tenter d’en identifier les limites (III.).

I. Un contrôle pragmatique

Le pragmatisme a très tôt été consacré par le Conseil d’État, plus précisément dès l’arrêt d’assemblée Heinz du 22 juillet 2015, selon lequel « il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l’homologation demandée que si le comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part sur l’opération projetée et ses modalités d’application, et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le PSE. Il appartient à ce titre à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité d’entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à ses demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause ». Ce pragmatisme est largement assumé par la Haute juridiction administrative qui indique dans le communiqué de presse associé à deux autres arrêts plus récents que « le Conseil d’État confirme par ces décisions son approche pragmatique des obligations de l’employeur et de l’administration en matière de PSE. Une irrégularité n’entraîne l’invalidation du PSE que si elle a pu influencer l’appréciation des représentants du personnel ou le contrôle exercé par l’administration » [19].

Ce pragmatisme provient de la jurisprudence Danthony, selon laquelle « un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable […], n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » [20]. Alors que cela n’allait pas nécessairement de soi [21], le Conseil d’État a transposé l’esprit de sa jurisprudence Danthony au contentieux des PSE. D’aucuns parlent même de « danthonysation » du contentieux PSE ou de « faire du Danthony » [22].

Ce pragmatisme découlant de la jurisprudence du Conseil d’État combine trois types d’approche : l’une finaliste, l’autre globale et enfin une dernière concrète.

S’agissant de l’approche finaliste, cela signifie que l’autorité administrative doit seulement s’assurer qu’in fine la procédure a permis d’atteindre l’objectif d’information et de consultation, et ce même si des irrégularités procédurales ont été constatées. Concrètement, l’autorité administrative peut tenir compte de circonstances de nature à relativiser, compenser, voire neutraliser certaines irrégularités, sans que cela ne la dispense de s’assurer que le CSE a effectivement rempli son office. En caricaturant, on peut dire que la fin justifie les moyens. Peu importe que des irrégularités aient été relevées, ce qui compte est que le comité a été mis en mesure d’émettre régulièrement son avis.

À cette approche finaliste se combine une approche globale [23]. Il ne s’agit plus d’arrêter le temps à chaque étape de la procédure d’information et de consultation, comme pouvait le faire à l’époque le juge judiciaire des référés. Il s’agit désormais d’appréhender globalement la procédure de concertation. C’est ici distinguer la « photographie » qui était prise à un instant précis par le juge judiciaire, et le « court-métrage » dont dispose désormais l’autorité administrative et son juge.

Enfin, du pragmatisme découle une approche réaliste en vertu de laquelle l’autorité administrative doit examiner in concreto ce qui a pu porter ou non atteinte à la finalité de la concertation, en contrôlant par exemple le calendrier des réunions du CSE, les documents transmis aux représentants du personnel, ou encore dans l’expertise dont ils ont disposé pour étudier ces documents [24].

La jurisprudence offre de nombreuses illustrations de ce pragmatisme.

II. Les applications pragmatiques

En vertu d’une approche finaliste, le Conseil d’État a décidé que la circonstance que l’expert-comptable n’ait pas eu accès à l’intégralité des documents, dont il a demandé la communication, ne vicie pas la procédure d’information et de consultation, si les conditions dans lesquelles l’expert a accompli sa mission ont néanmoins permis au comité d’entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler son avis en toute connaissance de cause [25]. Dans le même ordre d’idée et en matière de composition des membres du CSE, le fait que l’employeur soit assisté, lors des réunions du comité d’entreprise, d’un collaborateur de plus que les deux collaborateurs avec voix consultative prévus par la loi n’entache pas d’illégalité la décision administrative validant l’accord dès lors que cette présence n’a pas pu exercer une influence sur les membres du comité d’entreprise [26]. Peu importe l’irrégularité en elle-même. Seul compte le fait que cette irrégularité n’ait pas influencé l’avis des représentants du personnel.

En vertu d’une approche globale, le Conseil d’État a précisé que, s’agissant des réponses adressées aux observations de l’autorité administrative en cours de procédure [27], « l’absence de [leur] transmission par l’employeur au comité d’entreprise n’est pas de nature à entraîner nécessairement l’irrégularité de la procédure d’information et de consultation, mais doit être prise en compte dans l’appréciation globale de la régularité de cette procédure » [28]. Encore une fois, l’enjeu n’est pas de constater un manquement de l’employeur à une de ses obligations. Il s’agit plutôt de savoir si malgré ce manquement rapporté à l’échelle globale de la procédure, les représentants du personnel ont été mis ou non en mesure d’émettre régulièrement un avis [29].

Cette approche globale permet parfois de rattraper certaines irrégularités. Par exemple, dans un autre arrêt dit Association Éclaireuses, Éclaireurs de France [30], l’autorité administrative cette fois-ci n’avait pas envoyé aux représentants du personnel une copie de son courrier d’observation [31]. Mais l’employeur l’avait néanmoins communiqué aux organisations syndicales en même temps que la réponse qu’il y apportait. En outre, les délégués syndicaux destinataires de ce document avaient pris part aux réunions du comité d’entreprise, permettant ainsi à celui-ci de tenir compte des éléments transmis. La procédure d’information et de consultation n’avait donc pas été entachée d’irrégularité, car l’obligation d’information pesant sur l’autorité administrative avait été corrigée par l’employeur.

Cette approche globale combinée à une approche concrète permet de comparer les documents transmis par l’employeur au début de la procédure avec ceux adressés à la fin. Si les documents sont sensiblement identiques, la procédure ne sera pas viciée. Le Conseil d’État a ainsi décidé que les représentants du personnel avaient été suffisamment informés et consultés, même s’ils n’avaient été destinataires que d’un projet d’accord sur les critères de l’ordre des licenciements, dès lors que l’accord signé n’était pas différent [32]. Il n’y a pas non plus d’irrégularité de la procédure du fait que la version finale du PSE différait de celle envoyée avec la convocation adressée aux membres du CHSCT, dès lors que ces modifications étaient « très clairement mentionnées » dans la nouvelle version et d’une importance relative [33].

À travers ces quelques exemples, le pragmatisme de l’autorité administrative et de son juge tranche avec l’état du droit préexistant à la LSE où la moindre irrégularité entrainait la suspension de l’élaboration du PSE. Pour autant, le contrôle pragmatique peut parfois bénéficier à l’effectivité de la procédure de concertation, comme en témoignent deux autres arrêts.

D’abord, le Conseil d’État a jugé que la circonstance que le comité ait rendu ses avis au-delà des délais préfixes est sans incidence sur la régularité de la procédure d’information et de consultation [34]. L’employeur peut ainsi laisser au CSE un délai plus long que les délais préfixes pour rendre son avis, et ce, afin de favoriser l’information et la consultation.

Ensuite, la Haute juridiction administrative a décidé que « même si, en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, une seule réunion du comité d’entreprise est en principe prévue, le recours à l’expert, destiné à éclairer les représentants du personnel chargés de donner leur avis sur le PSE, justifie que le comité d’entreprise soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d’effet le recours à l’expertise » [35]. La règle spéciale de l’unicité de réunion du CSE dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire a été écartée, dans l’hypothèse où un expert est sollicité, et ce afin de garantir l’effectivité du recours à l’expertise [36].

Une question reste en suspens : jusqu’où peut aller le pragmatisme ?

III. Les limites au pragmatisme

Au-delà du fait que l’on défende les intérêts de l’employeur ou des salariés et de leurs représentants, le pragmatisme est limité en lui-même par le manque de prévisibilité juridique et, par conséquent, par l’insécurité juridique qu’il représente. En effet, il reste difficile de déterminer à l’avance ce qui relève, au nom du pragmatisme, d’une procédure licite ou illicite de consultation du CSE [37].

Trois propositions éviteraient que le pragmatisme aille trop loin.

Il y a d’abord l’effet utile de l’information et de la consultation issu du droit de l’Union [38], dont l’objet est de garantir l’effectivité du principe de participation. La difficulté tient au sens que l’on attribue à cet effet utile. À travers l’édification du contrôle pragmatique de la procédure de concertation, le Conseil d’État en a peut-être modifié le sens. Ce n’est ainsi plus tant l’effectivité du principe de participation qui compte que la régularité du processus décisionnel pris dans son ensemble. Pour reprendre les propos de deux auteurs, « l’effet utile ne vise plus tant à garantir l’effectivité des droits de participation qu’à assurer l’efficacité du dialogue social. Autrement dit, il n’est plus apprécié au regard des procédures de participation reconnues aux seuls travailleurs, mais au regard du processus décisionnel d’élaboration du PSE. Dans le premier cas, la finalité de la participation des salariés est la défense des intérêts face à l’employeur. Dans le second cas, elle s’inscrit dans une perspective institutionnelle, où l’employeur et les salariés concourent ensemble à prévenir les conséquences sociales des choix de gestion, dit-on, dans l’intérêt de l’entreprise » [39]. En outre, cette conception pragmatique de l’effet utile rejoint celle de la Cour de justice qui, certes, cherche à garantir une effectivité au principe de participation, mais, en même temps, accorde une certaine souplesse à l’employeur en lui permettant d’informer au fil de la procédure les représentants du personnel [40]. Il semblerait que l’effet utile, du moins l’interprétation qui en est faite par le Conseil d’État et la CJUE, soit en réalité en adéquation avec le contrôle pragmatique et, par conséquent, insuffisant pour délimiter ce dernier.

Il existe ensuite une autre limite au pragmatisme, en l’occurrence le principe du préalable à la décision de l’employeur. Le Conseil d’État a récemment rappelé que l’autorité administrative doit s’assurer que la « procédure [d’information et de consultation] a été menée à son terme avant toute mise en œuvre de la réorganisation projetée. […]. Il appartient à ce titre à l’administration de s’assurer […], qu’aucune décision de cessation d’activité ou de réorganisation de la société, expresse ou révélée par un acte quelconque, n’a été prise par l’employeur avant l’achèvement de la procédure d’information et de consultation » [41].

Si cette précision fait œuvre de bon sens, il est parfois difficile de situer le moment de la prise de décision de l’employeur par rapport à la procédure d’information et de consultation. En l’espèce, la société Auchan e-commerce France avait engagé une réorganisation comportant un projet de licenciement économique lié à la fermeture d’un de ses établissements à Marseille, qui avait abouti à l’homologation du document unilatéral portant PSE en septembre 2019. Les représentants du personnel soutenaient que l’employeur avait mis en œuvre de manière anticipée la fermeture de l’établissement, sans attendre la fin de la procédure d’information et de consultation du CSE et l’homologation du PSE. Ils ont invoqué deux circonstances. D’une part, un courrier envoyé plus de deux mois avant l’engagement de la procédure d’élaboration du PSE, courrier par lequel la société dénonçait le bail de location de ses locaux marseillais. D’autre part, la première réunion du CSE avait eu lieu le 20 mars 2019, soit environ une semaine avant le placement de plusieurs salariés en dispense d’activité [42].

Selon les juges du fond dont l’analyse est approuvée par le Conseil d’État, ni le courrier de renégociation du bail adressé au bailleur, ni le placement de salariés en dispense d’activité ne traduisaient une mise en œuvre anticipée de la fermeture de l’établissement, alors que les éléments de fait pouvaient laisser à penser que le projet de réorganisation était, sinon abouti, du moins bien avancé avant la fin de la procédure de consultation. Selon certains auteurs, le Conseil d’État n’aurait pas respecté le principe du préalable [43]. Ce n’est évidemment pas l’interprétation de l’administration qui considère qu’elle n’est pas compétente pour contrôler la renégociation anticipée par l’employeur du bail commercial de l’établissement concerné par le PSE [44].

Une dernière limite pourrait se situer dans l’obligation de loyauté. Cette obligation transparait en filigrane dans deux arrêts. Dans l’arrêt Heinz, le rapporteur public précisait déjà que « la loyauté de la consultation du comité d’entreprise, qu’on peut rattacher au principe constitutionnel de participation, implique que l’employeur dialogue avec le comité d’entreprise, réponde à ses demandes légitimes d’information et soit ouvert à ses propositions » [45]. Dans un autre arrêt dit « British Airways », même si l’obligation de loyauté n’est pas explicitement mentionnée [46], un auteur a relevé qu’à travers cette décision, « ce dont l’autorité administrative doit s’assurer dès lors, c’est que la direction de l’entreprise n’a pas eu de comportement déloyal ni usé de quelconques stratagèmes, liés ou non au calendrier de consultation, conduisant à altérer l’échange rationnel d’arguments » [47]. À l’instar de ce que l’on connaît actuellement en droit de la négociation collective, l’obligation de loyauté renforcerait l’effectivité de la procédure d’information et de consultation en matière de PSE et permettrait peut-être de freiner les excès du contrôle pragmatique de l’Administration du travail [48].


[1] C. trav., art L. 1233-30, I, 1° et 2° N° Lexbase : L8096LGX.

[2] C. trav., art. L. 1233-34, alinéa 4 N° Lexbase : L1444LKP.

[3] C. trav., art. L. 1233-30, I, dernier alinéa.

[4] CE, 4e-5e SSR, 7 décembre 2015, n° 383856, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6208NYL, SSL, 2015, n° 1704, p. 6, concl. G. Dumortier ; ibid., p. 10, note A. Fabre.

[5] C. trav., art. L. 1233-30, II, dernier alinéa.

[6] C. trav., L. 1233-35 N° Lexbase : L7292LHK.

[7] C. trav., art. L. 1233-57-5 N° Lexbase : L0642IX3.

[8] C. trav., art. L. 1233-57-6, alinéa 1er N° Lexbase : L8597LGI.

[9] C. trav., art. L. 1233-57-2, 1° N° Lexbase : L8609LGX.

[10] C. trav., art. L. 1233-57-3 N° Lexbase : L9460LHT.

[11] Loi n° 2021-1104, 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R.

[12] C. trav., art. L. 2312-8 N° Lexbase : L6660L7S.

[13] C. trav., art. L. 2312-17, alinéa 2 N° Lexbase : L6659L7R.

[14] C. trav., art. L. 2312-37 N° Lexbase : L1434LKC, L. 2312-39 N° Lexbase : L8272LGH et L. 2312-40 N° Lexbase : L8273LGI.

[15] En faveur d’une prise en compte des conséquences environnementales lors de la procédure d’information et de consultation en matière de PSE, v. not. F. Géa, La négociation des plans de sauvegarde de l’emploi, Lexbase Social, 23 novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7437BZH ; Adde du même auteur, Procédure de licenciement collectif : quid des conséquences environnementales ?, RDT 2023, p. 553. Contra., v. not. A. Casado, Focus sur la consultation du CSE en matière de licenciement pour motif économique après la loi Climat et résilience, Bull. Joly Travail, février 2022, p. 39. Adde F. Géa, Droit du travail et écologie – Un défi pour le droit du travail, 2023 [5 podcasts disponible en suivant le lien] ; A. Casado, Le droit social à vocation environnementale (DSAVE), vecteur de durabilité de l’entreprise, LexisNexis, 1er janvier 2024.

[16] V. not. TA Cergy-Pontoise, 10 mars 2022, n° 2115613, JCP S, 2022, 1100, note A. Casado ; TA Montreuil, 2 mai 2022, n° 2202445 N° Lexbase : A330479A, JCP S, 2022, 1171, note A. Casado.

[17] C. trav., art. L. 1235-7-1 N° Lexbase : L0653IXH.

[18] H. Nason-Tissandier, L’appréciation des PSE par le juge administratif ou la quête d’efficacité, RJS, 2018, spéc. n° 16.

[19] Communiqué du Conseil d’État relativement aux arrêts Darty et Mory-Ducros du 7 décembre 2015 [en ligne].

[20] CE, 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9048H8M.

[21] « Il ne va pas de soi d’étendre cette jurisprudence [Danthony] à une procédure interne à l’entreprise, dont seul l’employeur a véritablement la maîtrise et à l’égard de laquelle l’Administration n’a qu’un rôle de garant » : J. Dirringer et M. Sweeney, Les juges administratifs face au PSE : une logique de repli, Droit ouvrier, 2015, p. 378, spéc. p. 387.

[22] « Vous n’en faites pas moins preuve de votre pragmatisme habituel en matière de consultations. Les vices qui peuvent se produire dans son déroulement ne l’entachent d’irrégularité que s’ils ont empêché la procédure d’information et de consultation de remplir son objet, c’est-à-dire s’ils ont pu affecter le sens ou la portée de l’avis recueilli. C’est en quelque sorte à l’Administration que votre jurisprudence demande de “faire du D” (assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, p. 649) » : G. Dumortier, Conclusions sous CE., ass., 22 juillet 2015, Heinz, spéc. p. 9. Adde O. Dutheillet de Lamothe, Le contentieux des licenciements économiques devant le Conseil d’État (2013-2020), Bull. Joly Travail, novembre 2020, p. 38, spéc. p. 51.

[23] S.-J. LIEBER, Une appréciation globale de la procédure d’information-consultation du CE, SSL, 2016, n° 1720, p. 4.

[24] S.-L. GERBER, Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur les PSE, JCP S, 2019, 1078, spéc. n° 4.

[25] CE, 4e-5e SSR, 21 octobre 2015, n° 385683, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0764NUT.

[26] CE, 4e-5e SSR, 7 décembre 2015, n° 383856, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6208NYL.

[27] C. trav., art. L. 1233-57-6, alinéa 2 N° Lexbase : L8597LGI.

[28] CE, 4e-5e SSR, 7 décembre 2015, n° 381307, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2052NZZ.

[29] « Cette appréciation de la régularité des échanges entre les acteurs sociaux est une illustration du pragmatisme dont font preuve l’administration et le juge administratif. S’ils n’imposent pas de formalisme rigide pour la réponse de l’employeur aux lettres d’observations, ils veillent à la communication des informations nécessaires au CSE » : G. Rudant, E. Castet, N. Gssime, L’administration, garante de la régularité et de la qualité du dialogue social et du PSE, Droit social, 2023, p. 857.

[30] CE, 4e-5e SSR, 23 mars 2016, n° 389158, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3885RA7, SSL 2016, n° 1720, p. 4, concl. S.-J. Lieber.

[31] C. trav., art. L. 1233-57-6, alinéa 1er N° Lexbase : L8597LGI. Adde CJUE, 13 juillet 2023, aff. C-134/22, N° Lexbase : A79011AU, RJS, 2023, note H. Nasom-Tissandier. La Cour de justice considère que l’obligation d’informer l’autorité publique en cas de licenciement collectif ne confère aucune protection individuelle aux travailleurs concernés.

[32] CE, 4e-5e ch. réunies, 10 juillet 2017, n° 398256, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2982WME.

[33] CE, 7 décembre 2015, n° 383856, op. cit.

[34] CE, 1e-4e ch. réunies, 17 avril 2019, n° 420780, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0388ZCD, RDT, 2019, p. 574, note F. Géa.

[35] CE, 1e-4e ch. réunies, 16 avril 2021, n° 426287, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A81474PG, SSL, 2021, n° 1957, p. 9, concl. F. Dieu ; Rev. proc. coll., n° 5, septembre-octobre 2021, comm. 140, D. Jacotot.

[36] « L’expertise serait privée de toute portée ou utilité si, […], l’on exigeait du comité qu’au cours d’une seule et même réunion, il désigne un expert et se prononce sur l’opération projetée et les mesures du PSE » : F. Dieu, Le recours à un expert diligenté par le CSE dans les entreprises en procédure collective, SSL, 2021, n° 1957, p. 9, spéc. p. 11.

[37] « Même si dix ans après la LSE, on dispose d’une jurisprudence étoffée […], déterminer, au cas par cas, si l’irrégularité est telle qu’elle empêche le comité de se prononcer en toute connaissance de cause n’est pas chose facile, loin de là » : P. Lockiec, Les PSE dix ans après la loi de sécurisation de l’emploi, Droit social, 2023, p. 862.

[38] « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile » : Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 27 ; Directive n° 2002/14/CE du Parlement et du Conseil, du 11 mars 2002, art. 2 N° Lexbase : L7543A8U.

[39] J. Dirringer et M. Sweeney, op. cit., spéc. p. 389. Adde H. Nason-Tissandier, op. cit., spéc. n° 16 : « par son appréciation globale, le juge administratif semble s’attacher davantage au “processus décisionnel” dans lequel se place l’information puis la consultation ».

[40] « La logique de [l’effet utile] est que l’employeur fournisse aux représentants des travailleurs les informations pertinentes tout au long des consultations. Une souplesse est indispensable, étant donné, d’une part, que ces renseignements peuvent ne devenir disponibles qu’à des moments différents du processus de consultation, ce qui implique que l’employeur a la possibilité et l’obligation de les compléter en cours de ce processus. D’autre part, l’objectif de cette obligation de l’employeur est de permettre aux représentants des travailleurs de participer au processus de consultation aussi complètement et effectivement que possible » : CJCE, 10 octobre 2009, aff. C-44/08, N° Lexbase : A8894EKM, spéc. § 53, RDT, 2010, p. 285, note S. Vernac.

[41] CE, 1e-4e ch. réunies, 15 novembre 2022, n° 444480, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A28128TC, RJS, 2023, concl. R. Chambon ; D. actualité, 30 novembre 2022, note L. Malfettes.

[42] Sa dernière réunion s’était tenue le 30 juillet 2019, un mois après l’échéance théorique du bail d’établissement, date finalement repoussée à la demande de l’administration.

[43] « Alors que le CSE expliquait qu’un faisceau d’indices permettait de considérer que la décision de cesser l’activité avait été prise avant la fin de la consultation (dénonciation du bail sans rechercher d’autres locaux, dispense d’activité des salariés, ventes en ligne complètement résiduelle…), s’appuyant sur le fait que la cessation effective était intervenue seulement après la date prévue pour la consultation de l’instance, il a jugé que le CSE avait été mis en mesure de formuler ses avis “dans des conditions qui n’étaient pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation”…faisant fi du principe d’antériorité, lequel impose que la consultation précède la décision (et non seulement sa mise en œuvre) » : J. Krivine et S. Bernard, Les compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire en matière de PSE, Lexbase Social, décembre 2022, n° 927 N° Lexbase : N3539BZ4.

[44] [en ligne]. L’administration ajoute toutefois qu’« a contrario, si l’administration est saisie par le CSE par injonction avant l’achèvement de la procédure d’information-consultation, d’une information tendant à la mise en œuvre anticipée du PSE par l’employeur, elle doit opérer son contrôle et s’assurer que cette action n’entache pas le PSE d’une irrégularité ».

[45] Concl. G. Dumortier, sous CE, ass. plén., 22 juillet 2015, spéc. p. 9.

[46] CE, 22 mai 2019, n° 420780, op. cit.

[47] F. Géa, Le sens de la procédure (en matière de PSE). À propos de l’arrêt British Airways, RDT, 2019, p. 574.

[48] « [La DREETS] insiste sur l’intérêts des négociations avec les syndicats, la loyauté et la qualité des échanges d’informations avec le CSE » : G. Rudant, E. Castet, N. Gssime, op. cit.

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Licenciement

[Actes de colloques] Un rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement ? - Témoignage

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N7603BZM

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par Gérard Couturier, Professeur émérite de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 30 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • plan de sauvegarde de l'emploi • plans sociaux • licenciement • autorité administrative • compétence juridictionnelle • historique

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Quelques souvenirs évoqués ici afin de caractériser le rôle dévolu à l’autorité administrative selon les règles issues de la réforme de 2013, en comparaison avec ce qu’était ce rôle dans le régime de la loi du 3 janvier 1975.

Notre époque a tendance à multiplier les commémorations et il apparait que ce phénomène s’observe même dans le domaine des sources du droit : la célébration du centenaire (éventuellement du bicentenaire) des grands codes est de tradition [1], maintenant on est invité à célébrer aussi le dixième anniversaire des grandes lois. À cet égard, la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 N° Lexbase : L0394IXU est reconnue comme une grande loi ; en atteste sa célébration « dix ans après », selon la formule du programme de notre colloque et de celui réuni quelques jours auparavant par le ministère du Travail [2]. La démarche mémorielle ainsi affichée présente, à mes yeux, un avantage considérable, c’est qu’à la différence d’autres approches - l’approche prospective, par exemple, qui est évidemment plus ambitieuse - elle justifie que l’on évoque des souvenirs, ce qui, au-delà d’un certain âge, est une tendance naturelle.

Je me trouve ainsi justifié à consacrer cette contribution à l’évocation de quelques souvenirs se rapportant à quatre moments de l’évolution et de la mise en œuvre des règles régissant les plans de sauvegarde de l’emploi.

I. Les premiers de ces souvenirs nous font revenir à la dizaine d’années au cours desquelles existait le régime d’autorisation administrative des licenciements économiques, tel que prévu par la loi du 3 janvier 1975 mais aboli en 1986. Il s’est observé alors - ce sont des constatations qui m’avaient personnellement impressionné mais je crois qu’elles étaient largement partagées - que l’impératif du passage obligé devant l’autorité administrative avait sur le comportement des acteurs une incidence considérable.

Préalablement à la demande d’autorisation, l’ouverture et la constitution d’un dossier impliquaient désormais un cadrage juridique et donc une intervention plus précoce des juristes dans l’élaboration des projets. Dans le même temps, les données économiques pertinentes devaient aussi être collectées plus tôt et tout de suite être explicitées autant que possible. Pour qu’elles puissent figurer au dossier, les possibilités de reclassement et d’autres mesures alternatives devaient  aussi être plus précocément explorées.

Par la suite, la défense  du dossier à la Direction départementale du travail et de l'emploi impliquait des contacts, des conversations, voire des négociations (des marchandages ?).  Ces échanges pouvaient rapidement s’ouvrir aux représentants du personnel, se prolonger au rythme de modifications éventuellement apportées au projet de licenciement collectif,  être même, dans certains cas, portés au niveau de la délégation à l'emploi.

Lors du vote de la loi de 1975, l’institution de cette autorisatuion administrative - pour tous les licenciements économiques, même individuels - avait été présentée modestement comme une mesure de contrôle accessoire rendue nécessaire par un régime particulier d’indemnisation du chômage applicable aux licenciés pour motif économique (« l’allocation supplémentaire d’attente ») : l’objectif mis en avant était de s‘assurer que ce dispositif exceptionnellement favorable mais onéreux ne bénéficie qu’à des salariés réellement licenciés pour un motif économique. Or, ce qui est rapidement apparu à l’expérience, c’est que le rôle de l’administration lié à l’exigence d’autorisation contribuait très significativement à l’application effective de composantes essentielles du droit des licenciements économiques - ou, du moins, du régime des grands licenciements collectifs, ceux impliquant un plan de sauvegarde de l’emploi (dénommé à l’époque « plan social »). On pouvait y voir déjà un contrôle qui, visant textuellement « les conditions d’application de la procédure de concertation »,  portait réellement sur la régularité (voire la loyauté) de cette concertation avec les représentants de personnel ; un contrôle aussi qui, visant textuellement « la portée des mesures de reclassement et d’indemnisation envisagées », portait donc sur le niveau suffisant ou non (voire la pertinence) des mesures d’accompagnement. L’influence de cette exigence d’autorisation se faisait sentir dèjà dans le temps de la procédure de concertation, avec, souvent, un accompagnement des acteurs.

II. Cette autorisation préalable aux licenciements économiques, pourtant, a été abolie en 1986 et mon deuxième souvenir se rapporte à l’état d’esprit qui était alors celui de Philippe Seguin, au moment où il œuvrait à cette abolition.

C’était au lendemain d’élections législatives favorables à la droite. Le ministre du Travail dans le cadre du Gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac, Philippe Seguin, constituait son équipe ; on m’avait dit qu’elle ne comprenait pas encore de « véritable juriste ».  Lors d’une rencontre, le nouveau ministre m’avait surpris en déclarant d’emblée  qu’il n’était pas, personnellement, favorable à la suppression de l’autorisation, administrative,  parce qu’il savait - et exposait très clairement - ce que l’intervention de l’administration apportait aux garanties du régime des grands licenciements collectifs et que cette suppression allait faire perdre. C’est pourquoi la suppression opérée rapidement, conformément au programme électoral de la nouvelle majorité, par une première loi devait être compensée par un renforcement du dialogue interne et des mesures sociales d’accompagnement, renforcement  négocié dans un accord collectif et repris dans une seconde loi. C’est ce qui fut fait et la loi n° 86-797 du 3 juillet 1986, relative à la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, a été suivie par la loi n° 86-1320 du 30 décembre 1986, relative aux procédures de licenciement, avec, entre ces deux lois, l’accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986[3].

III. Au cours de la période qui a suivi, l’hypothèse du rétablissement d’un contrôle administratif - s’agissant, du moins, des grands licenciements économiques ou, plus précisément, des plans de sauvegarde de l’emploi - a été quelquefois évoquée. Je pense tout particulièrement à un article de Dominique Balmary, publié en février 1998 [4]. L’auteur était un haut-fonctionnaire, spécialiste s’il en est des problèmes d’emploi : il venait alors de passer dix ans à la tête de la délégation à l’emploi (à la création de laquelle il avait naguère participé) ; sur une plus longue période, il avait à des titre divers vécu les politiques de l’emploi dans l’action comme dans la réflexion et son expérience était exceptionnelle.

L’article, dans son ensemble, répondait à la question : « le droit du licenciement économique est-il vraiment un droit favorable à l’emploi ? » - on ne pouvait aller plus directement à l’essentiel. La réponse de l’auteur s’inscrivait dans une perspective générale selon laquelle ce droit, pour être « favorable à l’emploi », doit assurer la responsabilisation de tous les acteurs : au plan collectif,  par le recours à la négociation collective pour l’élaboration et l’évolution des règles ; au plan individuel, par la recherche d’une mobilité responsable plutôt que subie. Dans cette perspective, Dominique Balmary constatait une « situation bloquée », un droit « en panne » qui ne progressait plus et c’est ce constat qui le conduisait à poser la question du rétablissement de l’autorisation administrative. Or, à cette question, il donnait une réponse plutôt négative : s’il n’excluait catégoriquement que le contrôle administratif de la cause économique, il exprimait aussi de fortes réserves vis-à-vis d’un contrôle portant seulement sur la régularité de la procédure et la qualité du plan social. Le rapprochement de cette prise de position et des propos de Philippe Seguin, que j’ai évoqués plus haut, fait apparaître une symétrie surprenante, paradoxale du fait d’une inversion des rôles : alors que le ministre artisan de la suppression de l’autorisation administrative de licenciement exprimait des regrets et recherchait des compensations, c’est une personnalité particulièrement susceptible d’incarner l’administration du travail qui mettait en garde contre un éventuel rétablissement de cette autorisation administrative.

Cette mise en garde pourrait inquiéter : en prenant, il y a dix ans,  le parti du contrôle administratif, la loi de sécurisation de l’emploi n’a-t-elle pas choisi une voie dont Dominique Balmary avait voulu montrer qu’elle n’était pas la bonne ?

Je ne crois pas cette crainte réellement justifiée. Dans le prolongement de son hostilité à un contrôle par l’autorité administrative du motif économique, Dominique Balmary voulait essentiellement éviter tout ce qui pourrait apparaître comme une approbation par l’autorité administrative des licenciement eux-mêmes. Or, les décisions de validation ou d’homologation de la loi de 2013 n’expriment ni n’impliquent cette approbation : elles portent sur des plans de sauvegarde de l’emploi , qui sont des actes dont le contenu, la finalité et le régime sont spécifiques ; ce ne sont donc pas des autorisations de licencier. Dans la forme, c’est une évidence ; au fond c’est aussi une vérité profonde qu’on retrouvera sans doute dans la suite des travaux de ce colloque.

IV. Les souvenirs que j’évoquerai en dernier lieu se rapportent aux débats qui ont jalonné les étapes de la réforme de 2013. C’est l’ampleur de ces débats qui a fait dire de cette réforme qu’elle avait été « négociée à chaud ». Quant aux étapes, elles étaient celles résultant du processus de la négociation de la loi, tel qu’officialisé par la loi « Larcher » (loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 N° Lexbase : L2479HUD ; C. trav., art. L1 N° Lexbase : L5724IAA) [5].

Dans un premier temps - à partir du document d’orientation qui saisissait du projet les organisations syndicales de salariés et d’employeurs - il y a eu les mois au cours desquels l’essentiel de l’attention se portait sur l’issue de la négociation collective, tant cette issue semblait  incertaine.

La conclusion de l’ANI du 11 janvier 2013[6] a ouvert une deuxième période, caractérisée par le fait que, dans le même temps, coexistaient les discussions portant sur la teneur des dispositions de l’ANI et des incertitudes sur la reprise ou non de l’intégralité de ces dispositions dans la loi à intervenir [7]. Depuis qu’est apparue dans la pratique la négociation d’accords ayant pour objet des dispositions explicitement destinées à être reprises dans une loi (avant même le 31 janvier 2007 et la loi « Larcher »), on a mis en avant la crainte des parties à l’accord collectif de voir le législateur prendre des libertés à l’égard des dispositions convenues, en les modifiant ou en ne les reprenant qu’en partie [8]. Or, précisément, en 2013, la loi s’est écartée des dispositions de l’ANI du 11 janvier par une adjonction d’une importance majeure : les négociateurs de celui-ci n’avaient pas du tout prévu de « validation » pour les plan de sauvegarde de l’emploi ayant fait l’objet d’un accord majoritaire. Le législateur n’a pas suivi les parties à l’accord collectif dans la confiance qu’elles faisaient au produit de la négociation du plan de sauvegarde de l’emploi.

Des discussions soulevées par la réforme dans le temps où elle était en train de se faire, j’ai particulièrement gardé le souvenir des inquiétudes exprimées, relativement aux répercussions qu’elle aurait sur les contentieux : le passage d’un contentieux judiciaire à un contentieux administratif allait provoquer la disparition de possibilités procédurales  - initiatives collectives ou individuelles, devant le juge des référés ou le juge du principal - qui avaient fait la preuve de leur efficacité et étaient bien maîtrisées par ceux qui les pratiquaient habituellement.  Dès la conclusion de l’ANI du 11 janvier 2013, un « dépeçage du contentieux du travail » était dénoncé [9]. Après le vote de la loi, ces résistances ont perduré, leurs échos continuent de se faire entendre dans les discussions portant sur la répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire [10].

À ces vigoureuses réactions négatives, on pourrait trouver des explications très diverses. Évoquer, d’abord, l’expérience douloureuse des conséquences contentieuses du contrôle administratif de la loi de 1975 :  parcours procéduraux complexes (on avait parlé de « labyrinthe infernal ») ; incertitudes graves sur l’articulation du contrôle administratif et du contentieux judiciaire qui résultaient des lacunes de la loi et qui n’avaient pu être levées que tardivement par la jurisprudence. Rappelons qu’on ne savait pas, au départ, si  le contrôle du motif économique par l'autorité administrative excluait un contrôle ultérieur de la juridiction prud'homale ; il avait fallu que l’arrêt « Bielle » donne la solution, déduite de la « plénitude du pouvoir de contrôle » conféré à l'autorité administrative [11]. Sur des incertitudes analogues relatives aux conséquences de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, la Cour de cassation n’avait trouvé sa réponse définitive que dans des arrêts postérieurs à la loi qui a supprimé l’autorisation administrative en 1986 [12]. Mais il est manifeste que, si le législateur de 1975 n’avait pas porté attention aux conséquences contentieuses de l’autorisation administrative de licenciement, le législateur de 2013, instruit par l’expérience, les a, au contraire, envisagées de façon très explicite et d’abord au moyen du bloc de compétence de l’article L. 1235-7-1 du Code du travail N° Lexbase : L0653IXH.

D’autres explications, un peu faciles, relèveraient de la « psychologie sans rigueur ».

Ainsi pourrait-on voir dans ces réactions l’expression d’une nostalgie de la part de ceux - juristes, militants, salariés directement concernés - qui ont eu l’expérience de ces contentieux qui sont les prolongements des luttes auxquelles donnent lieu les grands licenciements collectifs. Ces batailles judiciaires, qu’il s’agisse de guerres de longue haleine, telles que la saga « Goodyear » [13], ou d’opérations de commando destinées à obtenir du juge des référés, dans l’urgence, des décisions fortes de suspension ou d’injonction, font éprouver la fièvre de la bataille, éventuellement l’exaltation de la victoire. La réforme serait vécue par ces nostagiques comme les privant d’armes pour se battre.

Peut-être serait-il lucide d’observer, tout simplement, chez certains, une préférence inavouée pour les juridictions judiciaires. On a, parait-il, entendu préconiser un bloc de compétence judiciaire. Ce serait le produit d’un choc de cultures.  Le passage de l’ordre judiciaire, où l’on a ses habitudes, à l’ordre admistratif peut faire redouter des maladresses dans la terminologie ou le mode de raisonnement à employer. De cette préférence pour les juridictions judiciaires en général, je distinguerais la tendance à reconnaître à certains juges une aptitude particulière à connaître de certaines matières qui devraient donc leur être réservées. Je pense au personnage phantasmé du « juge du licenciement économique », qu’on voit évoqué dans certaines discussions, ou - et je cite ce second exemple à dessein - à la sensibilité particulière qui serait celle de certains juges à l’égard des risques psycho-sociaux.

Ces contestations dirigées, dès l’origine, contre les conséquences contentieuses de la réforme de 2013 incitent  à revenir sur l’objet et la portée du contrôle administratif lui-même. Le geste législatif de la réforme de 2013 ne procède pas du choix d’un juge de préférence à un autre. Il n’y a pas de remplacement du juge judiciaire par le juge administratf : celui-ci n’est toujours pas le juge du licenciement, pas même celui du plan de sauvegarde de l’emploi, il n’est juge que de sa validation ou de son homologation. Le vrai choix est celui du contrôle administratif, préféré parce qu’envisagé comme un contrôle d’application générale, antérieur à tout contentieux, se prolongeant en temps réel pendant le temps des négociations et celui de la consultation des représentants du personnel.

Par conséquent, ce qui se présente, en la matière, comme des conflits de compétences entre juridictions judiciaires et juridictions administratives correspond toujours à la nécessité de délimiter l’objet du contrôle dont l’administration est chargée. Pour le vérifier, on peut rapprocher deux décisions du Tribunal des conflits qui ont été l’une et l’autre amplement discutées en leur temps. Il serait facile de mettre en évidence une opposition d’orientation entre elles. La première - rendue en application de la loi de 1975 et  pour juger la juridiction de l’ordre judiciaire seule compétente - exclut du contrôle de l’autorité administrative le respect  des critères d’ordre des licenciements ; elle le fait par une application littérale, donc restrictive, des règles légales [14]. La seconde - faisant, elle, application des textes de 2013, juge que l’objet du contrôle de l’autorité administrative comprend celui des mesures de prévention des risques psycho-sociaux envisagées par l’employeur au titre de l’opération donnant lieu au plan de sauvegarde de l’emploi en cause ; elle le fait au motif que le contrôle de ces mesures particulières n’est pas séparable de celui de la procédure d’information-consultation et des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi [15] ; c’est une interprétation des textes que je qualifierais volontiers de téléologique, et qui est, en tous cas, extensive. Toutefois, on peut retenir plutôt la continuité qui s’observe entre ces décisions  : une démarche commune tenant à la vérité première selon laquelle c’est la délimitation de l’objet du contrôle administratif qui est la clé de la répartition des compétences contentieuses.

Cette observation est l’occasion de revenir à la question posée dès le titre de cette contribution. Le contrôle de l’autorité administrative, placé au centre de la réforme de 2013, peut-il être regardé comme le rétablissement de l’autorisation qui avait été instituée par la loi de 1975 ? Cette question risque bien de sembler incongrue : il y a tant de distance entre l’autorisation de licenciement requise par la loi de 1975 pour tous les licenciements économiques et les décisions de validation et d’homologation occupant, depuis 2013, une place centrale dans le régime des plans de sauvegarde de l’emploi qu’il serait très difficile de présenter ces dernières comme un retour à la première. Mais on peut aussi raconter cette histoire sur le mode de la continuité.

C’est d’une histoire envisagée sous cet angle que j’ai voulu marquer ici quelques jalons. Au-delà du dispositif de la loi de 1975 et de la justification qu’on lui donnait, la réalité du contrôle administratif qui en est résulté, contrôle de l’application de la loi en temps réel qui préfigurait celui voulu par les réformateurs de 2013. Des idées laissant prévoir la focalisation du contrôle sur les plans de sauvegarde de l’emploi et spécialement sur la procédure de concertation et les mesures d’accompagnement : l’idée que c’est là que le contrôle administratif est le mieux adapté, laquelle était réellement sous-jacente à l’architecture de la réforme de 1986 en deux lois successives et complémentares ; refus d’un contrôle administratif portant sur le motif économique, qui était catégorique sous la plume de Dominique Balmary. La recherche d’une responsabilisation des acteurs, notamment au travers d’un élargissement du champ de la négociation collective, qui était caractéristique de la pensée du même auteur et qu’on retrouve dans la différenciation faite en 2013 entre les plans de sauvegarde de l’emploi selon qu’ils résultent d’un accord collectif majoritaire ou d’un acte unilatéral de l’employeur. Et, pour clore cette histoire,  il me plait de situer le bloc de compétence de l’article L. 1235-7-1 du Code du travail N° Lexbase : L0653IXH dans ligne de la belle formule dont usait la Cour de cassation dans son arrêt « Bielle » quand elle se fondait sur « la plénitude du pouvoir de contrôle » dévolue à l’autorité administrative.


[1]   S’agissant même du Code du travail : à Toulouse déjà, en mai 2010, un colloque relatif aux premières années d’application de ce qui était alors le « nouveau Code du travail », s’ouvrait par une introduction historique intitulée « le Code du travail a cent ans ». Cette affirmation était délibèrément paradoxale au lendemain d’une recodification faisant elle-même suite à celle intervenue déjà en 1973, mais elle incitait utilement à observer qu’en France, il y avait depuis 100 ans un Code du travail, même si, dans le cours de ce siècle, ce code avait été souvent critiqué et qu’on en avait même plusieurs fois changé. V. Nouveau Code du travail - Évaluation par les usagers et bilan des deux premières années d’application, Colloque s’étant tenu à Toulouse, le 27 et 28 mai 2010, sous la direction de Lise Casaux-Labrunée, in  SSL, suppl., n° 1472, 20 décembre 2010.

[2] Colloque du 1er juin 2023 intitulé « Les plans de sauvegarde de l’emploi, dix ans après la loi de sécurisation de l’emploi », voir le dossier dans Droit social, 2023, pp. 844 – 876/

[3] Pour moi, en revanche, cette rencontre n’a pas eu de suite : le lendemain, un « vrai juriste » était arrivé au cabinet du ministre, il était jeune, venait du Conseil d’Etat et voué à un très bel avenir puisqu’il s’agissait d’Olivier Dutheillet de Lamothe. Je suis heureux qu’une table ronde de ce colloque de Toulouse m’ait offert l’occasion d’évoquer cet épisode en sa présence et donc sous son contrôle.

[4] D. Balmary, Le droit du licenciement économique est-il vraiment un droit favorable à l’emploi ?, Droit social, 1998, pp. 131 à 139.

[5] Ce processus, qui est caractéristique des souces du droit du travail, retenait, à l’épôque, largement l’attention : l’éventualité d’une constitutionnalisation avait été évoquée (c’était même l’engagement 55 du candidat François Hollande pour l’élection présidentielle de 2012). Postérieurement à la loi de sécurisation de l’emploi, cette attention parait s’être relachée puisque les réformes qui ont été multipliées au cours de ces dix dernières années n’ont pas donné lieu à une application scupuleuse de la procédure décrite par l’article L1 du Code du travail. Peut-être les difficultés rencontrées lors de l’adoption de la récente réforme des retraites inciteront-elles les réformateurs de demain à revenir aux différentes étapes de cette procédure.

[6] Dont les ambitions vastes étaient  affichées dans un intitulé si développé qu’il pouvait tenir lieu de préambule : « un nouveau modèle économique et social pour la compétitivité des entreprises et la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés ».

[7] Les particularités de cette période sensible ont, notamment, fait l’objet, le 7 mars 2013, d’un important séminaire des « Rencontres sociales de la Sorbonne » dont les actes ont été publiés. V. G. Couturier et J.-F. Akandji-Kombé, Compétitivité des entreprises et sécurisation de l’emploi, le passage de l’accord à la loi, IRJS Editions, 2013.

[8] Une  clause remarquée de l’accord du 24 mars 1990, relatif au régime des contrats précaires sobordonnait la validité de cet accord « à l'adoption de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à son application, à l'exclusion de toutes autres modifications du régime du contrat de travail à durée déterminée et du travail temporaire actuellement en vigueur que les parties signataires considèrent comme faisant partie intégrante de leur accord ». Cette clause, dénommée « clause d’auto-destruction », est passée à la postérité comme illustrant ce risque d’une transcription infidèle.

[9] Voir M. Keller Lyon-Caen, Le dépeçage du contentieux du travail après l’ANI du 11 janvier 2013, in Compétitivité des entreprises et sécurisation de l’emploi, le passage de l’accord à la loi, op.cit. p. 153.

[10] C’était encore le cas dernièrement, lors du colloque réuni au ministère du Travail, le 1er juin 2023 (voir note 2 ci-dessus) : des participants déterminés, en particulier d’éloquentes porte-paroles du Syndicat des avocats de France, faisaient d’ailleurs la vie dure aux intervenants, en protestant de ce qu’était devenu le contentieux des grands licenciements économiques.

[11] V. Cass. soc., 9 mai1978, n° 77-40.169, publié N° Lexbase : A7676CGE, ainsi motivé : « la  plénitude du pouvoir de contrôle  conféré à l'autorité ­administrative impose d'en réserver le contentieux aux seules juridictions administratives compétentes tant pour vérifier la qualification juridique de la décision que son opportunité même, un contrôle judiciaire ultérieur ne pouvant  s'exercer sans qu'une atteinte soit portée au principe de la séparation des pouvoirs ».

[12] V. Cass. soc., 21 juillet 1986, n° 84-41.070, publié N° Lexbase : A4458AAD ; Cass. soc., 14 janvier 1988, n° 84-45075, publié N° Lexbase : A6283AAX ; Cass. soc., 7 février 1989, n° 86-40.775, publié N° Lexbase : A2425AHB.

[13] La condamnation « historique » prononcée par le conseil de prud’hommes, le 28 mai 2020, intervenait six ans après la fermeture de l’unine Goodyear d’Amiens-Nord ayant entrainé le licenciement de plus de mille salariés. A vrai dire, cette condamnation relève du contentieux du motif économique des licenciements, lequel n’est pas concerné par les règles de compétence de la réforme de 2013.

[14] V. T. confl., 19 avril 1982, n° 02222 N° Lexbase : A8351BDN, publié au recueil Lebon, qui est ainsi motivé : « […] le licenciement est subordonné à une autorisation de l'autorité administrative compétente, dont le contrôle est limité […] à la réalité des motifs invoqués ainsi que, le cas échéant, à l'application de la procédure de concertation instituée par ladite loi et à la portée des mesures de reclassement ou d'indemnisation envisagées par l'employeur ; que n'entre pas dans cette énumération la vérification de la conformité de l'ordre des licenciements aux critères fixés par un accord collectif ou, à défaut, par le règlement intérieur que l'employeur doit établir ».

[15] V. T. confl., 8 juin 2020, n° 4189 N° Lexbase : A55163NM, qui énonce, en substance : «  il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; à cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du Code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable de ceux qui sont », prévus aux articles L. 1233-57-2 N° Lexbase : L8609LGX et L. 1233-57-3 N° Lexbase : L9460LHT du Code du travail.

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[Actes de colloques] Le contrôle des PSE en questions

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par Pierre Bailly, Conseiller doyen honoraire à la Cour de cassation

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • coemploi • Dreets • recours • discrimination • égalité • prescription • transfert

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


La réforme du contrôle des PSE en 2013 et l’attribution du contentieux s’y rapportant au juge administratif ont laissé subsister ou fait apparaître de nouvelles questions, qui n’ont pas toujours obtenu de réponse juridictionnelle. Il en est ainsi notamment de la question du coemploi et de celles qui portent sur l’autorité de décisions « atypiques » prises par le Dreets, sur le contrôle de l’égalité de traitement, distinguée des discriminations, sur le délai de prescription de l’action des salariés licenciés, et sur la portée des dispositions qui, en 2016, ont autorisé une dérogation aux effets de l’article L. 1224-1 du Code du travail.


Les dispositions de la loi du 14 juin 2013 qui, dans le prolongement de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier précédent, a transféré le contentieux des plans sociaux, à l’administration du travail et, en cas de contestation, au juge administratif, ont eu pour objectif d’éviter tout chevauchement des ordres de juridiction, en clarifiant la répartition des compétences entre le juge de l’administration et celui des contrats de travail. Cependant, malgré cette volonté de prévenir des contentieux pouvant nuire à une préparation rapide des PSE, certains aspects de la réforme laissent place à des questionnements qui ne trouvent pas toujours de réponse incontestable. Cinq interrogations seront ici évoquées.

I. Première question : à la recherche du véritable (co)employeur

Sur cette première question, deux observations s’imposent : 

             1°/ Le coemploi n’a pas disparu, mais son champ d’application s’est réduit. Depuis l’arrêt AGC du 25 novembre 2020 [1], doit être caractérisée une immixtion permanente d’un tiers dans la gestion économique et sociale de l’entreprise entraînant une perte totale d’autonomie. C’est à cette condition que le « voile de la personnalité morale » peut être levé.

Un arrêt du 22 novembre 2022 [2] rappelle la nécessité d’une « ingérence continuelle et anormale » dans la gestion de l’entreprise, entraînant une éviction des organes de direction, privés de pouvoir réel, autrement dit, une perte totale d’autonomie de l’employeur.

Les conséquences de la constatation d’une telle situation anormale en cas de licenciement économique sont lourdes :  nécessité d’établir un PSE impliquant les deux employeurs conjoints (selon l’effectif), sous peine de nullité des licenciements, ce qui conditionne la valeur du PSE ; effet sur la cause de rupture, qui doit s’apprécier en considération des deux employeurs conjoints, de sorte qu’une cessation d’activité de la société dominée ne suffit plus à justifier des licenciements économiques.

             2°/ Le coemploi n’est pas retenu par la jurisprudence administrative, de sorte que la Dreets n’a pas à se prononcer sur l’existence d’une telle situation [3]. Le juge administratif met en œuvre un autre critère qui lui est plus familier.  La société qui demande la validation ou l’homologation du PSE doit être le véritable employeur, distingué d’un employeur « transparent », c’est-à-dire fictif. Une application de cette différence d’approche peut être trouvée dans un arrêt qui se prononce sur l’autorisation de licencier un salarié protégé [4]. Dans ses conclusions, le rapporteur public Raphael Cambon, a relevé la proximité des deux notions et considéré qu’une hésitation était permise dans cette procédure.

Ces observations débouchent sur deux questions, dont la réponse relève des deux ordres de juridiction respectifs :

  • le Dreets doit-il nécessairement et systématiquement vérifier que l’auteur du PSE est bien le véritable employeur, en l’absence de toute contestation sur ce point, dans le court délai dont il dispose pour se prononcer ?
  • le rejet par le juge administratif d’un moyen fondé sur une contestation de l’identification de l’employeur prive-t-il le juge du contrat de travail du pouvoir de se prononcer sur une situation de coemploi, avec les conséquences qui en résultent ?

À la première question, il semble que l’on puisse répondre par la négative, en considérant que, comme lorsqu’il s’agît de déterminer l’étendue d’un groupe  pour se prononcer sur la valeur d’un PSE[5], l’administration n’est tenue de statuer sur cette question qu’à la condition qu’elle lui ait été soumise et que des éléments suffisants lui aient été fournis. Cette approche pragmatique peut se justifier par le bref délai de 15 ou 21 jours [6] dont dispose le Dreets pour prendre sa décision sur la demande d’homologation ou de validation. Quant à la seconde question, à partir du moment où l’administration et son juge ne se sont pas prononcés sur un état de coemploi, soit parce que ça ne relève pas de leur pouvoir dans le cadre du contrôle du PSE, soit parce que ce n’était pas invoqué devant eux, la compétence du juge judiciaire pour en connaître subsiste. Cela ne paraît pas douteux dans le cadre d’une contestation de la cause économique, puisque cet aspect des licenciements échappe au Dreets. On peut hésiter à admettre que le juge du contrat de travail ait le pouvoir de juger que, quoique le PSE ait été homologué ou validé définitivement, les licenciements sont atteints de nullité parce que le coemployeur n’a pas établi de plan. Cependant, un des premiers commentateurs de la réforme de 2013 a estimé que l’absence de PSE établi ou négocié par le  coemployeur devait nécessairement conduire à l’annulation des licenciements [7]. La situation est différente si ce grief a été soumis à l’administration puis au juge administratif et si la décision rendue dans le cadre du contrôle du PSE l’écarte en excluant toute fictivité. Car si les critères mis en œuvre pour identifier une situation de coemploi ne recoupent pas totalement les éléments permettant de caractériser la « transparence » d’un employeur, la proximité des deux notions, qui se rejoignent en ce qu’elles impliquent la domination totale d’un tiers, paraît empêcher les salariés licenciés d’invoquer les effets d’un état de coemploi devant la juridiction du travail quand l’administration du travail ou son juge s’est prononcé, pour l’exclure, sur un grief pris du caractère fictif de la société qui les a licenciés, sachant  que l’autorité de la chose jugée d’une décision de la juridiction administrative s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif [8].   

II. Deuxième question : décision « atypique » du Dreets

Tout part d’un arrêt de la chambre sociale du 14 décembre 2022 [9], commenté par Frédéric Géa sous un titre révélateur des interrogations qu’il a suscitées [10].

Était en cause l’opinion exprimée par un inspecteur du travail et notifiée au CSE et aux délégués syndicaux, selon laquelle le projet de PSE qui lui était soumis ne constituait pas « l’outil juridique adéquat » les conditions requises par l’article L. 1233-61 du Code du travail N° Lexbase : L7291LHI (nombre des licenciements) n’étant pas remplies, s’agissant de projets de transfert des contrats de travail dans une autre structure.

Cette position a conduit l’employeur à renoncer à la demande de validation du PSE et des syndicats à demander au juge judiciaire d’ordonner l’interruption de la procédure en cours, en soutenant que l’opinion exprimée par l’administration du travail ne constituait qu’un simple avis, qui n’empêchait pas de saisir le juge du contrat de travail, pour faire constater la nullité des ruptures en l’absence d’un PSE nécessaire. Cependant, la décision d’incompétence de la cour d’appel n’a pas été cassée par la chambre sociale qui retient dans son arrêt qu’on était en présence d’une décision administrative faisant grief, intervenue dans le cadre des pouvoirs que l’article L. 1233-24-1 du Code du travail attribue à l’administration, de sorte que, faute de recours, cette décision s’imposait au juge judiciaire. Un rapprochement peut être fait avec un arrêt rendu en 2016 [11] relatif au licenciement des salariés protégés, où il a été jugé que le refus de l’inspecteur du travail de se prononcer sur une demande d’autorisation de licenciement en raison de l’absence de statut protecteur de l’intéressé constituait une décision faisant grief, de sorte qu’en cas de contestation sérieuse de sa légalité, le juge du contrat de travail devait surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge administratif se soit prononcé sur cette exception d’illégalité.

Il convient de rappeler à cette occasion que, s’agissant des décisions prises par le Dreets au cours de l’instruction de la demande d’homologation ou de validation, l’article L. 1235-7-1 du Code du travail N° Lexbase : L0653IXH exclut tout recours distinct de celui dont peut faire l’objet la décision de validation ou d’homologation. Or, en l’occurrence, il n’y a pas de décision de cette nature, puisque la procédure s’est achevée par le retrait de la demande de validation. Faut-il alors considérer qu’on est en présence d’une décision de rejet du Dreets, mettant fin à la procédure ? Quel est le point de départ du délai du recours que voudrait former un salarié contre une telle « décision » ?

Un rapprochement peut être fait avec une autre situation soumise à la chambre sociale : celle dans laquelle, bien que les conditions exigées par le Code du travail (effectif de l’entreprise en l’occurrence) ne soient pas remplies, l’employeur établit un PSE (négocié en l’espèce) qu’il soumet à l’administration du travail et que celle-ci valide. Les salariés licenciés peuvent-ils se plaindre devant le juge prud’homal de discriminations contenues dans ce PSE, pour congé de fin de carrière qu’il prévoit, malgré cette décision de validation ? L’employeur opposait à cet égard que la décision de validation rendait la juridiction judiciaire incompétente. Mais un arrêt rendu par une formation restreinte [12] a admis la compétence judiciaire, considérant que la validation du PSE n’était pas légalement obligatoire et qu’on se trouvait en présence d’une application volontaire des dispositions sur les PSE, qui ne relevait pas du contrôle de l’administration du travail et ne pouvait faire obstacle à la compétence du juge prud’homal. Toutefois, on est en droit de se demander si, en ce cas, la décision de validation administrative ne devait pas faire l’objet d’un recours pour cesser de produire ses effets.

III. Troisième question : discrimination et égalité de traitement

Selon une jurisprudence sociale constante et ancienne, le principe de l’égalité de traitement est applicable aux PSE, de sorte qu’une différence de traitement entre des salariés qui se trouvent dans une situation comparable au regard d’un avantage prévu dans le PSE doit être justifiée par une raison objective, pertinente et non discriminatoire.

Trois arrêts peuvent être évoqués à ce propos : les deux premiers, interprétés a contrario, rendus le 29 juin 2017 et tous deux commentés au Rapport annuel de la Cour de cassation [13], qui écartent ce principe en raison d’une différence de situation à propos de PSE distincts et successifs ; et un arrêt du 23 octobre 2013, selon lequel une indemnité refusée à des salariés se trouvant dans la même situation que d'autres porte atteinte à l’égalité de traitement [14].

Mais pour le Conseil d’État, si le Dreets doit s’assurer de l’absence de discrimination illicite, il ne doit toutefois pas se prononcer au regard du principe d’égalité [15]. On observera toutefois que, dans cette affaire, le PSE avait été négocié et fait l’objet d’un accord majoritaire, de sorte qu’il est très probable qu’une atteinte à l’égalité de traitement n’aurait pu être valablement invoquée devant la juridiction du travail puisqu’en ce cas il existe une présomption de justification des différences, qui est difficilement contestable. Mais la question subsiste pour les PSE non négociés.

On peut alors considérer qu’en présence d’un PSE établi unilatéralement, un salarié privé d’une mesure que le plan (même homologué) attribue à d’autres se trouvant dans la même situation pourrait se plaindre de cette différence de traitement injustifiée devant le juge du travail, même en cas de décision d’homologation, puisque le contrôle du Dreets et du juge administratif ne porte pas sur ce point. Il pourrait ainsi revendiquer, dans un contentieux prud’homal, un avantage que le PSE lui refuse, sans que soit méconnue la séparation des pouvoirs.

IV. Quatrième question : prescription

Il faut rappeler qu’avant la loi du 14 juin 2013 N° Lexbase : L0394IXU, la loi du 18 janvier 2005 N° Lexbase : O0083ARI avait instauré deux délais abrégés de prescription des contestations des licenciements économiques :

  • un délai 12 mois pour l’action en contestation de la régularité ou de la validité du licenciement (au lieu de la jurisprudence antérieure appliquant le délai de droit commun de 5 années) ;
  • un délai de 15 jours pour les irrégularités affectant la procédure de consultation des IRP sur le projet de l’employeur.

La loi du 14 juin 2013 a fixé un seul délai de 12 mois pour toutes les contestations relatives à la régularité et la validité de la procédure de licenciement, à compter de la dernière réunion du CSE ou, pour les salariés, à compter de la notification du licenciement. L’ordonnance n° 2017-1387 N° Lexbase : L7629LGN a ensuite simplifié la rédaction de ce texte, en désignant « toute contestation portant sur le licenciement économique », mettant ainsi fin à une jurisprudence qui, en la matière, distinguait selon que la contestation du licenciement mettait en cause sa validité en raison d’un manquement aux obligations régissant le PSE, ou qu’elle portait sur la cause du licenciement.

Deux arrêts de la Chambre sociale rendus 2019 et 2020 conduisent à s’interroger sur l’application de ce délai de 12 mois, lorsque la procédure de vérification du PSE par le juge administratif s’achève par une décision d’annulation de l’homologation ou de la validation intervenant plus d’une année après la notification du licenciement, sachant qu’une telle décision d’annulation emporte des effets spécifiques et radicaux lorsqu’elle repose sur l’insuffisance des mesures contenues dans le PSE, savoir la nullité du licenciement et une obligation de réintégration, sauf en cas de procédure collective.  Dans ces deux arrêts, rendus dans des contextes différents, la Chambre sociale a retenu la même solution : le point de départ du délai de prescription reste toujours celui de la notification de la décision au salarié, peu important que la décision administrative d’annulation soit intervenue après l’expiration du délai annal. L’arrêt du 11 septembre 2019 [16] a été rendu dans un cas où la décision de validation du PSE avait été annulée par la cour administrative d’appel deux ans après la notification du licenciement, le pourvoi dirigé contre son arrêt étant ensuite rejeté par une décision rendue six mois avant l’introduction de l’instance.  Pour considérer que l’action en nullité du licenciement n’était pas prescrite, la cour d’appel avait jugé que le délai courait à partir de la dernière décision relative à l’annulation du PSE, en faisant référence aux articles 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC et L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ, qui font courir les délais de prescription à partir du jour où le demandeur a eu connaissance des faits qui lui permettent d’exercer son action. Mais cette motivation a été censurée en retenant comme point de départ la date de notification du licenciement. L’autre arrêt, du 8 juillet 2020 [17], réitère cette même position.

L’inconvénient de cette orientation rigoureuse c’est que, lorsque la procédure contentieuse relative au PSE, dure plus d’une année avant qu’une décision d’annulation ne soit prononcée – situation qui devrait toutefois rester exceptionnelle compte tenu des délais impératifs imposés aux juridictions administratives – le salarié ne peut plus faire valoir devant la juridiction du travail les conséquences de l’annulation sur son licenciement, notamment l’obligation de réintégration qui en résulte, si la nullité repose sur l’insuffisance des mesures contenues dans le plan homologué ou validé à tort.

Il ne lui est certes pas interdit d’agir avant de connaître l’issue de ce contentieux administratif, mais on peut difficilement lui imposer de fonder cette action anticipée sur une nullité de la décision d’homologation ou de validation qui n’a pas été prononcée lorsqu’il saisit la juridiction du travail. Il s’exposerait d’ailleurs en ce cas, si l’annulation espérée n’est pas retenue, au risque de devoir supporter les charges du procès, en application de l’article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM, voire des dommages-intérêts si son action était jugée téméraire et à ce titre abusive. Ne pourrait-il alors se prévaloir d’une atteinte excessive à son droit de soumettre ses prétentions au juge ?

D’autant que, même si la nullité du licenciement n’est pas encourue, en raison de la cause d’annulation de la décision administrative, la chambre sociale considère que cette annulation (fondée en l’occurrence sur le caractère non majoritaire de l‘accord) permet au salarié licencié de s’en  prévaloir – ce qu’il ne peut faire auparavant – pour demander sur le fondement de l’article L. 1235-16 du Code du travail N° Lexbase : L2151KGR, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu’il n’existait jusqu’alors aucune raison de former une telle demande si le motif économique n’était pas discutable [18].

On comprend bien que la brièveté du délai de contestation du licenciement est destinée à éviter les conséquences d’une remise en cause tardive de la rupture, surtout lorsqu’elle se traduit par une annulation du licenciement emportant obligation de réintégration, mais peut-on pour autant priver les salariés de la possibilité de tirer les conséquences de l’annulation sans les priver de leur droit de recours au juge ?

V. Question supplémentaire : PSE et L. 1224-1 du Code du travail

La loi « Travail » du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, dans un article 94, a introduit une dérogation aux effets de l’article L. 1224-1 du Code du travail N° Lexbase : L0840H9Y destiné à favoriser, à l’occasion du contrôle administratif des PSE une restructuration de l’entreprise passant par la cession d’entités économiques emportant le maintien d’une partie seulement des emplois, afin d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements. Ce texte, intégré à l’article L. 1233-61 du Code du travail N° Lexbase : L7291LHI, prévoit expressément en ce cas qu’une partie des contrats de travail soit exclue des effets du transfert, le changement d’employeur ne s’opérant que « dans la limite du nombre des emplois qui n’ont pas été supprimés ». La rédaction de ce texte, sa portée et son efficacité réelle ont été discutées, toute comme sa conformité aux obligations issues de la Directive n° 2001/23 du 12 mars 2001 N° Lexbase : L8084AUX [19].

On ne s’intéressera ici qu’aux questions posées par le contrôle du Dreets sur ce type de disposition incluse dans un PSE, qui ne devrait pas être utilisé pour contourner les effets de l’article L. 1224-1 du Code du travail, afin de répondre aux exigences d’un repreneur, hors procédure collective.

La question principale porte sur le contrôle du lien causal qui doit exister entre le transfert partiel et le maintien d’une partie seulement des emplois afin d’assurer leur maintien à l’occasion de la cession de l’entreprise. L’article suivant [20] ajoute d’ailleurs aux mesures que peut prévoir le plan les actions favorisant la reprise de tout ou partie des « activités » en vue d’éviter la fermeture d’établissements (i.e., de limiter l’ampleur des licenciements), tandis que l’article L. 1233-57-19 N° Lexbase : L8630LGQ a été également modifié pour organiser à cet effet la consultation du CSE et l’harmoniser avec celle qui régit la recherche d’un repreneur. À cet égard si la CJUE, interprétant la directive, admet que le cessionnaire procède à des licenciements économiques pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation, envisagées par l’article 4 de la Directive, elle prohibe, hors procédure collective, des licenciements décidés à l’occasion du transfert de l’entité économique à seule fin de satisfaire aux exigences d’un repreneur parce que ce genre d’arrangement méconnaît l’objectif de maintien des emplois. Un salarié licencié dans ce cadre dérogatoire pourrait donc se prévaloir d’un maintien de son emploi avec le cessionnaire, notamment si le PSE concerne un employeur investi de prérogatives de puissance publique puisque, dans ce cas, une non-conformité à la directive pourrait conduire à écarter cette dérogation légale. 


[1] Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 18-13769, FP-P+R+I N° Lexbase : A551137A.

[2] Cass. soc., 22 novembre 2022, n° 20-23.206, FS-B N° Lexbase : A35968UQ.

[3] CE, 4e-5e ch. réunies, 17 octobre 2016, n° 386306, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6652R9A.

[4] CE, 1e-4e ch. réunies, 28 avril 2023, n° 453087, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A70159SM.

[5] CE, 1e-4e ch. réunies, 21 juillet 2023, n° 435896, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08151C8.

[6] C. trav., art. L. 1233-57-4 N° Lexbase : L8638LGZ.

[7] P. Morvan, Restructurations et licenciements économiques, Lexisnexis, Actualité, 2013, p. 85.

[8] Cass. civ. 1, 15 juin 2016, n° 15-21.628, F-P+B N° Lexbase : A5452RT4.

[9]  Cass. soc., 14 décembre 2022 n° 21-14.304, FS-B N° Lexbase : A49528ZG.

[10] F. Géa, Trouble(s) dans la jurisprudence sur les PSE, RDT, 2/23.

[11]  Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26.662, FS-P+B N° Lexbase : A0854RQP.

[12]  Cass. soc., 16 janvier 2019, n° 17-17.475, FS-D N° Lexbase : A6636YTX.

[13]  Cass. soc., 29 juin 2017, 2 arrêts, n° 16-12.024, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1626WLS et n° 15-21.008, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1625WLR.

[14] Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-23.457, FS-P+B N° Lexbase : A4764KNR.

[15] CE, 1e-4e ch. réunies, 10 octobre 2018, n° 395280, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7732YE4.

[16]  Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-18.414, FS-P+B N° Lexbase : A4772ZN3.

[17] Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-25.352, FS-P+B N° Lexbase : A11103RK.

[18] Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-12.522, FS-P+I N° Lexbase : A23064CE.

[19] V. not. Frédéric Géa, Quand transférer rime avec liquider, RDT, 2016, p. 341.

[20] C. trav., art. L. 1233-62 N° Lexbase : L7290LHH.

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[Actes de colloques] Les forces d'attraction de l'article L. 1235-7-1 du Code du travail

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par Stéphane Vernac, Professeur de droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne et Directeur scientifique de la Revue Lexbase Social

Le 28 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • plan de sauvegarde de l'emploi • reconfigurations • contestation • compétence juridictionnelle • bloc de compétences

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


L'objectif poursuivi par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU ne faire guère de doute : limiter le contrôle dévolu au juge judiciaire dans le cadre des procédures de licenciement collectif comportant un plan de sauvegarde de l'emploi. Les suspensions à répétition des différents projets de plan de sauvegarde de l'emploi et de réorganisation de l’établissement d'Amiens-Nord de la société Goodyear Dunlop Tires France, prononcées par le tribunal de grande instance de Nanterre et par la Cour d'appel de Versailles, ont pu convaincre qu'une judiciarisation des conflits du travail à l'occasion des restructurations justifierait de substituer à l'examen du juge judiciaire un contrôle administratif non contradictoire préalable à tout licenciement.  Tant le diagnostic à l'origine de cette réforme que la solution qui lui a été apportée sont éminemment discutables [1]. Le législateur a ainsi organisé l'intervention de l'autorité administrative tout au long de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi à tel point que ce dernier est, in fine, le produit d'un dialogue original entre l'employeur, les représentants des travailleurs et l'administration du travail. Entre accompagnement de l'employeur et contrôle du respect des obligations qui s'imposent à ce dernier dans le cadre la procédure de licenciement collectif, les interventions de l'administration sont placées au service de la validité du document unilatéral ou de l'accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi. Mais les reconfigurations du régime des licenciements collectifs, qu'opère la loi du 14 juin 2013, sont plus profondes. Elles reposent tout particulièrement sur une règle de compétence juridictionnelle logée à l'article L. 1235-7-1 du Code du travail N° Lexbase : L0653IXH. Le bloc de compétences qui s'évince de ce texte affecte le droit des salariés visés par un plan de sauvegarde de l'emploi, de contester le respect de leurs droits, en déplaçant tant le moment (I.) que le terrain (II.) de la contestation.

I. Le temps de la contestation

Selon l'article L. 1235-7-1 du Code du travail, les contestations relatives à l'accord collectif ou au document unilatéral fixant le PSE, au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, aux décisions prises par l'administration au titre de son pouvoir d'injonction, logé à l'article L. 1233-57-5 N° Lexbase : L0642IX3, ou à la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation de l'accord ou du document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi. L'accès au juge est ainsi empêché, tout au long de la procédure d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, tant qu'aucune décision de validation ou d'homologation du plan n'est intervenue. Sont donc irrecevables, pendant cette période, les demandes présentées  à un juge des référés aux fins, par exemple, d'obtenir de l'employeur des éléments d'information dans le cadre de la procédure de consultation des représentants du personnel en matière de licenciement collectif [2], ou tendant à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de communiquer des pièces à l'expert-comptable désigné dans le cadre de la procédure de consultation des représentants du personnel en cas de licenciements collectifs pour motif économique [3]. La Chambre sociale a pourtant refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité au motif, notamment, « qu'il ne résulte ni des dispositions législatives contestées ni d'une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation ou du Conseil d'État que les représentants du personnel sont privés d'accéder de manière utile et effective à un juge, afin de faire cesser le trouble illicite résultant de la mise en œuvre anticipée d'un projet de réorganisation avant l'achèvement de la procédure légale de consultation des instances représentatives du personnel dans un contexte de compression des effectifs et d'ouverture d'un plan de sauvegarde de l'emploi » [4]. De surcroît, l'irrecevabilité des demandes ainsi formées ne méconnaîtrait pas davantage le principe du droit au recours effectif [5]. Ces affirmations ne laissent pas d'interroger. Le droit, posé par l'article L. 1233-57-5 du Code du travail, de demander à l'administration que soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure, ne peut se substituer au contrôle d'un juge. De surcroît, si l'administration refuse d'enjoindre à l'employeur de fournir des éléments d'information, ou si l'employeur n'exécute pas cette injonction, les salariés ne disposent d'aucune voie de recours en temps utile, puisque les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 du Code du travail ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi. Le contrôle du respect des droits d'information et de consultation des représentants des travailleurs est ainsi paralysé pendant une période plus ou moins longue, tant qu'aucune décision d'homologation ou de validation n'est intervenue. On ne peut ainsi, que douter de la conformité de ce dispositif à la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 N° Lexbase : L9997AUS relative aux licenciements collectifs et à la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 N° Lexbase : L7543A8U établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs qui imposent aux États membres de garantir aux représentants des travailleurs et aux travailleurs l'existence de de procédures administratives et/ou juridictionnelles aptes à faire respecter les droits et obligations prévues par ces directives [6], et notamment le droit de ces représentants d'être informés et consultés en temps utile.

II. Le domaine de la contestation

Tant le caractère dérogatoire de la règle de compétence logée à l'article L. 1235-7-1 du Code du travail, que la paralysie du droit de saisir un juge qu'elle organise commande une interprétation étroite de cette règle. Il n'en est rien. Tel un trou noir, le bloc de compétences posé par ce texte exerce une redoutable attraction, aspirant d'autres matières et intensifiant, en retour, le contrôle que doit exercer l'administration. La rédaction de l'article L. 1235-7-1 est, il est vrai, subtile : ce texte énonce les domaines de compétence de la juridiction administrative en matière de plan de sauvegarde de l'emploi, en s'abstenant de renvoyer aux dispositions législatives déterminant précisément le domaine d'intervention de l'administration. Le juge administratif est ainsi compétent pour tout litige relatif à l'accord collectif ou au document unilatéral, à la décision de validation ou d'homologation ou à la régularité de la procédure de licenciement collectif. Seule exception, le texte renvoie au pouvoir d'injonction de l'administration posé par l'article L. 1233-57-5 du Code du travail. Pareille distorsion entre la définition du périmètre d'intervention de l'administration et la délimitation de la compétence du juge administratif a permis des extensions du périmètre de compétence du juge administratif. À cela s'ajoute une marge d'interprétation certaine qu'autorise la formulation des matières visées par l'article L. 1235-7-1. Tout litige ne peut-il pas être rattaché à la « régularité de la procédure de licenciement collectif » ? Le contrôle du respect de l'obligation de sécurité en livre une inquiétante illustration. Le Tribunal des conflits a décidé, en 2020 [7], qu'il appartient à l'administration du travail de contrôler le respect par l'employeur de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ce contrôle désormais dévolu à l'administration - alors qu'il n'était pas formellement prévu par les textes - est rattaché à son contrôle global de la régularité de la procédure d’information et de consultation, et à son contrôle du contenu du document unilatéral ou de l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi [8]. Le Tribunal des conflits en déduit l'extension de la compétence du juge administratif à toute contestation du respect par l'employeur de son obligation de sécurité en lien non seulement avec le projet de licenciement collectif, mais aussi avec l'opération de réorganisation, de sorte que la compétence du juge judiciaire devient résiduelle, limitée aux cas dans lesquels  «  la situation à l'origine du litige, soit est sans rapport avec le projet de licenciement collectif et l'opération de réorganisation et de réduction des effectifs en cours, soit est liée à la mise en œuvre de l'accord ou du document ou de l'opération de réorganisation » [9]. Quelles sont les voies de recours ouvertes à des salariés qui contesteraient, à l'occasion d'une réorganisation et de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des surcharges de travail, une durée déraisonnable de travail de nature à porter atteinte au droit à la santé et au repos ? L'exigence de prévention des risques n'est, à l'évidence, pas compatible avec le contrôle organisé, en aval de la décision d'homologation ou de validation, par l'article L. 1235-7-1 du Code du travail.

L'attraction exercée par l'article L. 1235-7-1 emprunte une autre voie, consistante à renforcer la portée de la décision d'homologation ou de validation du plan de sauvegarde de l'emploi. Par un arrêt « Société Clinique Paris Montmartre » [10], le Conseil d'État juge qu'en présence d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé, ne peut remettre en cause le périmètre du groupe tel qu'il a été retenu par le plan de sauvegarde de l'emploi, pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé. La seule voie permettant de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement est d'agir aux fins d'obtenir l'annulation de la décision portant homologation ou validation du plan de sauvegarde de l'emploi. Cette solution pourrait-elle être étendue aux salariés non protégés ? La Cour de cassation a, il est vrai, jugé, en 2018 que « si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi » [11]. Néanmoins, l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative peut-elle porter sur le périmètre de l'obligation de reclassement, posée par l'article L. 1233-4 du Code du travail N° Lexbase : L7298LHR ? Ce serait, nous semble-t-il, oublier que la bonne foi contractuelle est au cœur de la découverte, par la Cour de cassation, des obligations d'adaptation et de reclassement désormais logées à l'article L. 1233-4 du Code du travail [12]. Le respect de ces obligations, et notamment le contrôle du périmètre des recherches de postes disponibles opérées par l'employeur, devrait relever du contentieux du contrat de travail. L'obligation de reclassement individuel posée par l'article L. 1233-4 ne saurait être confondue avec l'obligation d'élaborer un plan de reclassement issue de l'article L. 1233-61 N° Lexbase : L7291LHI. Ces obligations, dont les fondements sont distincts, ont aussi leur propre temporalité, si bien que le contrôle de la mise en œuvre de l'obligation de reclassement individuel pourrait révéler la présence de sociétés relevant du groupe et ne faisant pas partie du périmètre de reclassement tel qu'il a été « figé » dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

Semblable logique de concentration du contentieux s'observe dans la jurisprudence judiciaire. Par un arrêt rendu le 14 décembre 2022[13], la Cour de cassation juge, notamment sur le fondement de l'article L. 1233-57-6 du Code du travail,  que si l'administration du travail indique que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dont elle était saisie ne constitue pas l'outil juridique adéquat, au motif que  les conditions de mise en œuvre d'un tel plan ne sont pas réunies,  cette décision de l'administration constitue  « un acte administratif faisant grief et susceptible comme tel d'un recours » relevant de la seule compétence du juge administratif.  Voilà qui attribue au juge administratif compétence pour statuer sur les conditions de mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, notamment sur la détermination des seuils qui déclenchent l'obligation d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi. Partant, le juge judiciaire serait-il privé, en pareilles circonstances, de son pouvoir d'apprécier l'existence d'une décision de licencier prise « au niveau d'une unité économique et sociale [14], ou l'existence d'une situation de coemploi ?

En définitive, la loi du 14 juin 2013 inaugure une technique de sécurisation des ruptures des contrats de travail, consistant à polariser le contrôle du juge dans un acte à portée collective, tel qu'un accord collectif ou un document unilatéral fixant un plan de sauvegarde de l'emploi, et à réduire les droits de contestation individuelle.  Cette technique connaît un certain succès, puisqu'elle a été étendue à d'autres secteurs du droit de la rupture du contrat de travail, à l'instar du contrôle de l'accord de performance collective ou de l'accord portant rupture conventionnelle collective. La compétence du juge du contrat de travail deviendrait-elle résiduelle ?


[1] V. not. l'audition d'A. Lyon-Caen par la commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales présidée par A. Gest et Mme P. Boistard (Rapporteur), Assemblée nationale, Rapport du 11 décembre 2013 [en ligne]. 

[2] CE, 25 septembre 2019, n° 428508, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9295ZPX.

[3] CE, 25 septembre 2019, n° 428510, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9297ZPZ, RDT, 2019, p. 785, obs. F. Géa.

[4] Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 19-13.714, FS-P+B N° Lexbase : A0114ZRN.

[5] Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-13.714, FS-P+B+I N° Lexbase : A41403WA.

[6] Directive 98/59/CE, art. 6 N° Lexbase : L9997AUS ; Directive 2002/14/CE, art. 8, § 1 N° Lexbase : L7543A8U.

[7] T. confl., 8 juin 2020, n° 4189 N° Lexbase : A55163NM, D., 2020, 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; RJS, 8-9/2020, n° 415 ; JCP S, 2020, 2087, note A. Bugada.

[8] Cf. CE, 21 mars 2023, n° 450012, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A49979KB et n° 460660 N° Lexbase : A39099KY, AJDA, 2023, 590 ; ibid., 1116, chron. D. Pradines et A. Goin ; RDT, 2023, 476, chron. L. de Montvalon ; CE, 21 mars 2023, n° 460660 N° Lexbase : A39099KY, inédit au recueil Lebon, aux conclusions de J.-F. de Montgolfier ; RDT, 2023, 476, chron. L. de Montvalon.

[9] T. confl., 8 juin 2020, préc..

[10] CE, 22 juillet 2021, n° 427004, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A35244ZK, AJDA, 2021, 1595 ; RDT, 2021, 519, obs. S. Norval-Grivet ; RJS, 10/2021, n° 554 ; JCP S, 2021, n° 1237, obs. Q. Chatelier.

[11] Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-16.766, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2530YMN, D., 2019, 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Droit social, 2019, 353, étude M. Galy ; RDT, 2019, 41, obs. S. Ranc ; ibid. 252, obs. F. Géa.

[12] Cf. l'arrêt « Expovit » sur le devoir d’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois : Cass. soc., 25 février 1992, n° 89-41.634 N° Lexbase : A9415AAX et sur l’obligation de reclassement, cf. l'arrêt « Amut » :

Cass. soc., 1er avril 1992, n° 89-43.494 N° Lexbase : A9450AAA et l'arrêt « Jardin » :

Cass. soc., 8 avril 1992, n° 89-41.548 N° Lexbase : A4960ABC.

[13] Cass. soc., 14 décembre 2022, n° 21-14.304, FS-B N° Lexbase : A49528ZG, RDT, 2023, p. 114, obs. F. Géa. 

[14] Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-69.485, FS-P+B+R N° Lexbase : A5880GKY, RDT, 2011, p. 112, obs. E. Peskine.


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Licenciement

[Actes de colloques] Photographie contentieuse à partir des décisions du Conseil d’État relatives aux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE)

Lecture: 14 min

N7421BZU

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par Alexia Gardin, Professeure à l’Université de Lorraine, membre de l’Institut François Gény

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : licenciement pour motif économique • PSE • Conseil d’État • contentieux • bilan

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


10 ans après la loi sur la sécurisation de l’emploi [1], l’heure est aux bilans. Le 1er juin 2023, le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion a diffusé une étude [2] s’inscrivant clairement dans cette dynamique puisque l’objectif poursuivi était tout à la fois de mesurer l’impact de cette loi négociée sur le nombre et la nature des PSE, d’analyser la place prise par la négociation collective et d’apprécier le niveau de sécurisation juridique atteint à travers d’une étude du contentieux administratif lié à l’établissement d’un PSE. C’est ce dernier volet qui retiendra ici notre attention, non qu’il s’agisse pour nous de commenter les résultats présentés, mais plutôt de les confronter à ceux issus de notre propre étude du contentieux portant sur une décision de validation d’un PSE négocié ou d’homologation d’un PSE unilatéral.

Cette dernière se démarque de l’étude ministérielle en ce qu’elle a été menée à partir des seules décisions rendues par le Conseil d’État accessibles sur Légifrance. L’interrogation de la base de données à partir de l’expression exacte « plan de sauvegarde de l’emploi » a ainsi permis d’identifier 74 décisions ayant traité de la question considérée [3]. Mener une étude ciblée sur les décisions de la Haute juridiction administrative présente l’avantage de pouvoir affiner la photographie contentieuse offerte par le Ministère, mais aussi de la prolonger en multipliant les points d’observation impliquant une lecture fine du contenu de chaque décision rendue. À titre d’exemple, notre observation a pu porter sur les griefs précis en discussion pour chaque motif d’invalidation des décisions de l’administration, ce qui permet d’apporter de précieux compléments à la statistique des motifs d’annulation des décisions de l’administration. De même, a-t-il été possible de distinguer pour chaque statistique établie la situation des entreprises in bonis de celles placées en redressement ou en liquidation judiciaire (RLJ).

Pour rendre compte de notre étude contentieuse, les trois principales entrées de l’étude ministérielle seront privilégiées, à savoir l’initiative contentieuse (I.), le taux d’annulation (II.) et les motifs retenus (III.). Or, si pour chacune d’elles, les constats opérés suivant une approche globale ou ciblée se rejoignent, l’étude du seul contentieux porté devant le Conseil d’État permet de mieux caractériser l’influence exercée par la situation de l’entreprise et le type de contentieux.   

I. L’initiative contentieuse

À suivre l’étude ministérielle, « les salariés sont, en volume, les premiers requérants des recours pour excès de pouvoir » [4]. Sur un échantillon de 413 recours, ils ont été à l’initiative de plus de 30 % des saisines loin devant le comité social et économique et les organisations syndicales.

Le même constat peut être opéré dans notre échantillon avec une initiative contentieuse des salariés concernés à hauteur de 40,5 % alors que celle des syndicats ou des institutions représentatives du personnel agissant seul(e)s n’est respectivement que de 16,2 % et 5,4 %.

Mais un focus sur le contentieux de validation donne à voir un contentieux qui demeure essentiellement d’initiative syndicale (81,9 %), même s’il peut être d’initiative partagée.

Syndicat(s)

IRP

Salarié(s) concerné(s)

Syndicat(s) et IRP

Syndicat(s) et salariés concernés

IRP et salariés concernés

Syndicats, IRP et salariés concernés

4

0

2

0

4

0

1

36,4 %

0 %

18,1 %

0 %

36,4 %

0 %

9,1 %

Pareil constat permet de soutenir l’hypothèse suivant laquelle la conclusion d’un accord n’est pas exempte d’une contestation et que cette dernière est principalement orchestrée par les acteurs de la négociation qui n’ont pas signé l’accord.

II. Le taux d’annulation des décisions administratives

Si l’étude ministérielle insiste sur un taux de recours qui serait bien plus bas que celui qui présidait le contentieux avant la loi de sécurisation de l’emploi [5], elle s’attache surtout à mettre en correspondance ces données et les taux d’annulation contentieuse qui seraient stabilisés à un niveau bas depuis 2020. Ce dernier constat apparait cependant fragile, dès lors que les données pour l’année 2022 ne sont pas encore connues. Du graphique présenté, il est difficile de tirer des conclusions, d’autant que le contentieux des PSE ne se limite pas au contentieux administratif lié à l’élaboration du PSE.

Plus intéressante est l’affirmation suivant laquelle « les taux de recours et d’annulation varient selon le type de décision contestée et la situation de l’entreprise » [6]. L’étude du contentieux global tend à démontrer que les taux de recours et d’annulation sont bien plus faibles sur les décisions de validation [7] et que les entreprises in bonis sont plus concernées par une annulation que les entreprises en RLJ.

Les constats opérés s’agissant des taux d’annulation rejoignent ceux que l’observation des décisions du Conseil d’État autorise.

► Concernant l’influence du type de décision, sur les 74 décisions étudiées, on relève un taux d’annulation de 36,4 % pour les décisions de validation contre 53,4 % pour les décisions d’homologation, ce qui conforte le constat d’un taux d’annulation plus faible dans le cadre du contentieux de validation.

► La situation de l’entreprise exerce quant à elle une double influence :

  • Sur le type de contentieux avec un contentieux qui porte exclusivement sur des décisions d’homologation lorsque l’entreprise est en RLJ (22 décisions), alors que pour une entreprise in bonis il se rapporte très majoritairement à des décisions d’homologation (39 décisions) sans toutefois exclure les décisions de validation (13 décisions).

  • Sur le taux d’annulation qui est plus faible dans les entreprises en RLJ (43,4 %) que dans les entreprises in bonis (52,5 %).

III. Les motifs d’annulation

À suivre là encore l’étude ministérielle, « bien que n’étant pas un moyen systématiquement soulevé, le respect des critères d’ordre et des catégories professionnelles constitue, sur l’intégralité de la période, le principal motif d’annulation des décisions administratives portant sur les PSE, suivi de la suffisance du PSE au regard des moyens du groupe » [8].

L’étude de nos données conduit cependant à nuancer ce constat en introduisant deux variables : le type de contentieux et la situation de l’entreprise qui influencent fortement le classement des motifs d’annulation les plus courants.

A.  Les motifs d’annulation dans le cadre du contentieux de validation

4 décisions d’annulation ont été identifiées sur les 11 qui ont eu à connaitre d’un contentieux de validation. Elles reposent toutes sur le même motif : un contrôle défaillant des conditions de validité de l’accord PSE. On rappellera que toutes ces décisions concernent des entreprises in bonis puisque le contentieux attaché aux entreprises en RLJ porté devant le Conseil d’État se rapporte exclusivement à des décisions administratives d’homologation.

Les griefs retenus au soutien de l’annulation ont été les suivants :

  • La signature de l’accord par une personne qui n’avait pas la qualité de délégué syndical de l’organisation syndicale représentative (CE, 22 juillet 2015, n° 385668, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9294NM8)
  • La signature de l’accord par une personne n’ayant pas la qualité de délégué syndical central de l’organisation syndicale représentative (CE, 30 mai 2016, n° 385730, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2619RRG).
  • La signature de l’accord au niveau d’une UES par une seule des entreprises de l’UES sans mandat express préalable des autres entreprises membres de l’UES (CE, 2 mars 2022, n° 438136, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A84137PB).
  • La signature de l’accord par un syndicat ne remplissant pas tous les critères de représentativité, en l’occurrence l’exigence de transparence financière (CE, 6 avril 2022, n° 444460, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A02867TR).

B. Les motifs d’annulation dans le cadre du contentieux d’homologation

1. Entreprises in bonis

S’agissant des entreprises in bonis, les 21 décisions analysées mettent en exergue deux motifs principaux d’annulation : l’irrégularité de la procédure d’information et de consultation et la présence de dispositions illégales sur l’ordre des licenciements.

Irrégularité de la procédure d’information et de consultation

Plan insuffisant

Dispositions illégales sur l’ordre des licenciements

Mauvaise définition des catégories professionnelles

Carence en matière de prévention santé/sécurité

Insuffisance de motivation

Total

5

3

5

4

2

2

21

23,8 %

14,2 %

23,8 %

19 %

9,5 %

9,5 %

100 %

Pour chaque catégorie de motifs d’annulation, la discussion a porté plus précisément sur les éléments suivants :

► Contrôle défaillant de la régularité de la procédure d’information et de consultation (5 décisions)

Qualité des informations transmises

4 décisions

Qualité de l’instance consultée

1 décision

Informations limitées au marché français alors que projet de restructuration des sociétés du groupe implantées sur le territoire européen (CE, 22 juillet 2015, n° 385816, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9295NM9 ; CE, 13 janvier 2016, n° 389319 N° Lexbase : A9569N3S)

Insuffisance des informations transmises à l’expert désigné par le CHST et à l’instance - alerte de sa hiérarchie par l’inspecteur du travail entre les 2 réunions (CE, 29 juin 2016, n° 386581, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3189RWZ)

Absence d’informations précises sur le nombre, la nature et la localisation des emplois offerts au reclassement au sein du groupe (CE, 15 mars 2017, n° 387728, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4171UCH)

Consultation de l’instance temporaire de coordination des CHSCT (CE, 21 octobre 2015, n° 386123, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0765NUU)

► Appréciation erronée de la suffisance du PSE (3 décisions)

  • Absence de vérification du sérieux de la recherche réalisée auprès des autres sociétés du groupe (CE, 4 avril 2016, n° 384094 N° Lexbase : A4620RNG)
  • Absence totale de recherche de reclassement dans les sociétés du groupe (CE, 7 septembre 2016, n° 394243 N° Lexbase : A6023RZ4)
  • Non prise en compte des moyens d’une société ayant pour objet unique la prise de participation dans d’autres sociétés alors qu’elle peut être qualifiée de société dominante (CE, 24 octobre 2018, n° 397900 N° Lexbase : A6158XC3 ; CE, 24 octobre 2018, n° 406905 N° Lexbase : A4316YIP)

► Présence de dispositions illégales sur l’ordre des licenciements (5 décisions)

  • Plan fixant le périmètre pour l’application des critères d’ordre à un niveau inférieur de celui de l’entreprise (CE, 7 décembre 2015, n° 389582 N° Lexbase : A2062NZE)
  • Plan neutralisant le critère des qualifications professionnelles (CE, 1er février 2017, n° 387886, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4621TBR ; CE, 22 décembre 2017, n° 400649 N° Lexbase : A8540W98 ; CE, 22 mai 2019, n° 418090, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1414ZDQ)
  • Plan prenant en considération la seule ancienneté du salarié pour apprécier les qualités professionnelles (CE, 27 janvier 2020, n° 426230 N° Lexbase : A66423CY)

► Mauvaise définition des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement (4 décisions)

  • Définition fondée sur des considérations tirées de l’organisation de l’entreprise (CE, 30 mai 2016, n° 387798, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2621RRI ; CE, 7 février 2018, n° 399838 N° Lexbase : A6162XC9 ; CE, 7 février 2018, n° 409978, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2006XDN)
  • Définition dans le but de permettre le licenciement de certains salariés (CE, 7 février 2018, n° 407718, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6172XCL)

► Absence de contrôle du respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques (2 décisions)

► Insuffisance de motivation (2 décisions portant sur des décisions prises après l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC)

  • Absence de motif de nature à justifier l’homologation en l’absence de CSE et de procès-verbal de carence (CE, 8 décembre 2021, n° 435919, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A95907EW)
  • Pourvoi dirigé contre « la nouvelle décision nouvellement motivée ». Reconnaissance d’un intérêt à agir alors même que la décision juridictionnelle a prononcé l’annulation de la décision attaquée (CE, 4 octobre 2023, n° 460949, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A31771KU)

 2. Entreprises en redressement ou liquidation judiciaire

L’étude des 10 décisions rendues à propos d’entreprises placées en LRJ conduit à identifier comme motifs principaux d’annulation l’insuffisance du PSE et l’insuffisance de motivation, ce qui donne tout son sens aux effets « de sécurisation » recherchés par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 qui a limité au périmètre de l’entreprise l’appréciation de la suffisance du PSE pour les entreprises en LRJ et a autorisé l’administration à prendre une « nouvelle décision suffisamment motivée » après annulation en raison d’une insuffisance de motivation. Les 5 décisions ayant conclu à une insuffisance de motivation ont toutes été rendues à propos de faits antérieurs à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. De même, dans les 3 décisions où il était question de l’appréciation erronée de la suffisance du PSE, le grief portait sur une mauvaise appréciation au regard des moyens de l’entreprise et du groupe, grief que la loi de 2015 a précisément cherché à écarter des prétoires.

Irrégularité de la procédure d’information et de consultation

Plan insuffisant

Dispositions illégales sur l’ordre des licenciements

Mauvaise définition des catégories professionnelles

Carence en matière de prévention santé/sécurité

Insuffisance de motivation

Total

1

3

1

0

0

5

10

10 %

30 %

10 %

0 %

0 %

50 %

100 %

Pour les 3 catégories de motif d’annulation concernées, la discussion a porté plus précisément sur les points suivants :

► Contrôle défaillant de la régularité de la procédure d’information et de consultation (1 décision)

  • Documents examinés lors de la réunion sans communication préalable (CE, 7 décembre 2015, n° 381307, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2052NZZ)

► Appréciation erronée de la suffisance du PSE (3 décisions)

  • Mauvaise appréciation au regard des moyens d’accompagnement dont disposaient l’entreprise et le groupe (CE, 30 mai 2016, n° 384114, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7446RR9 ; CE, 13 juillet 2016, n° 387448, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2128RX4 ; CE, 27 octobre 2016, n° 386664 N° Lexbase : A9258SEM).

► Présence de dispositions illégales sur l’ordre des licenciements (1 décision)

  • Plan fixant le périmètre pour l’application des critères d’ordre à un niveau inférieur de celui de l’entreprise (CE, 7 décembre 2015, n° 386582, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6209NYM)

► Insuffisance de motivation (5 décisions)


[1] Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi N° Lexbase : L0394IXU.

[2] Min. Travail, 10 ans après la loi sur la sécurisation de l’emploi. Quel bilan pour les plans de sauvegarde de l’emploi ?, actualités, 1er juin 2023 [en ligne].

[3] Ce chiffre diffère légèrement de celui avancé par le ministère qui fait état de 101 décisions, mais le différentiel s’explique aisément en raison de l’intégration au décompte ministériel des décisions de non-admission (38 décisions) et d’une période d’observation qui n’inclut pas les décisions ayant alimenté la base en 2023, soit 6 décisions selon notre décompte.

[4] V. Étude précitée, p. 16.

[5] Le chiffre de 20,44 % est indiqué comme taux de recours contentieux pour l’année 2011. La même année, le taux d’acceptation totale ou partielle de la demande portée devant le TGI est, selon l’étude, de 59,7 %.

[6] V. Étude précitée p. 19.

[7] Auxquelles ont été assimilées les décisions « mixtes » qui se composent d’une décision de validation de l’accord et d’une décision d’homologation d’un complément qui n’a pu être arrêté par la négociation.

[8] V. Étude précitée, p. 20.

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[Actes de colloques] Partie II - Les questionnements : introduction

Lecture: 5 min

N7445BZR

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par Frédéric Géa, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, Université de Lorraine, Directeur du Master mention Droit social

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • approche • contexte • négociation • typologie • pluralité • action • examen des accords • plans sociaux

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Les reconfigurations dont le régime des plans de sauvegarde de l’emploi et, plus globalement, celui des grands licenciements collectifs a fait l’objet avec la loi du 14 juin 2013 puis dans son sillage (au travers des apports de la jurisprudence du Conseil d’État, principalement) n’ont pas forcément dissipé certains questionnements majeurs qui préexistaient à cette réforme. Ils ont pu d’ailleurs en générer de nouveaux. Voilà ce que l’on ne saurait ignorer ou, pire, occulter.

Deux questionnements majeurs se révèlent, à notre avis, incontournables.

Le premier procède d’une approche qui, délaissant le prisme des normes d’origine légale, tend à envisager juridiquement les plans de sauvegarde de l’emploi en contexte – d’une approche du droit en contexte, pour le dire autrement. Les juristes ont tendance à parler « du » plan de sauvegarde de l’emploi, au singulier, comme si un régime unique devait s’appliquer, mais chacun conviendra sans peine que, sous cette apparente unité, se cachent des régimes distincts, notamment lorsqu’il s’agit de distinguer selon que le PSE est mis en place dans une entreprise in bonis ou une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire, mais aussi selon que le PSE accompagne un licenciement collectif ou un plan de départs volontaires – ce à quoi s’ajoutent les variantes tenant au type de plan de départs volontaires dont il s’agit. N’y aurait-il pas lieu cependant d’affiner cette typologie, en ourlant les contours d’une approche « des » plans de sauvegarde de l’emploi, au pluriel cette fois ? Les juslaboristes ont tout intérêt, nous semble-t-il, à s’intéresser de près aux recherches empiriques qui ont été menées sur le sujet, en particulier à l’étude dont rendent compte, dans le présent dossier, Rémi Bourguignon, Vincent Pasquier et Géraldine Schmidt – trois éminents chercheurs en sciences de gestion, en caractérisant des configurations de négociation de PSE et en esquissant ainsi une typologie des « PSE négociés ». C’est à partir de ces considérations qu’Alexandre Fabre, soucieux d’engager un tel dialogue pluridisciplinaire, propose une analyse, aussi fine que novatrice, consistant à donner corps à l’hypothèse d’un « droit pluriel des PSE », en prenant soin d’appréhender les rapports entre PSE, PDV (plans de départs volontaires) et RCC (rupture conventionnelle collective) – ce qui le conduit à aborder l’un des débats les plus sensibles du moment, suite à l’arrêt Paragon Transaction rendu par le Conseil d’État en date du 21 mars 2023 [1]. Dans le même esprit, mais aussi dans le prolongement des réflexions de Gilles Auzero (v. supra, Partie I), Sébastien Ranc s’attèle, de manière minutieuse, à saisir les particularités des PSE mis en œuvre au sein d’unités économiques et sociales et de groupes de sociétés. Ces trois contributions se conjuguent pour favoriser une approche juridique plus sensible au(x) contexte(s) – pluriels, donc – du PSE.

Au questionnement du (ou des) PSE en contexte s’en ajoute un second, aux enjeux également cruciaux : celui du (ou des) PSE en action. Envisagé cet objet sous cet angle conduit, pensons-nous, à mettre l’accent sur l’agir du plan de sauvegarde de l’emploi, sur ce qu’il fait, sur ce qu’il peut, dimensions enchevêtrées – bien plus que ne laisse supposer une certaine compréhension de la distinction entre le Sein et le Sollen – à ce qu’il doit. L’un des lieux les plus manifestes de cette intrication réside désormais dans l’exigence de prévention des risques psychosociaux lors de l’élaboration des PSE. En quoi cette exigence consiste-t-elle ? Qu’affecte-t-elle ? Le contenu du plan ou la procédure d’information-consultation du comité social et économique ? Qu’implique-t-elle, au juste, pour l’employeur ? Autant de questions qui appellent une analyse attentive aux précisions apportées par le Conseil d’État [2], certes, mais aussi prudente et soucieuse de jauger les implications concrètes de la jurisprudence afférente, à l’instar de celle que développe ici, avec beaucoup de tact, Luc de Montvalon. Saisir dans leur réalité les PSE constitue, à coup sûr, un impératif pour qui entend éviter les postures de principe. Comment y parvenir ? Déjà en recueillant des retours d’expérience de la part d’acteurs impliqués dans l’élaboration de différents plans. C’est ce regard – de l’intérieur, pourrait-on avancer – que nous propose Luc Bérard de Malavas, directeur associé au sein du cabinet Secafi. L’examen des accords relatifs au PSE constitue également une méthode féconde dès lors que l’on entend, une fois encore, de dépasser le stade des conjectures qu’autorise l’interprétation des textes légaux. Encore faut-il pouvoir réunir ces accords qui, parmi d’autres exceptions, ne donnent pas lieu à publicité [3]. La détermination de Marguerite Kocher à promouvoir et mettre en œuvre une approche empirique sur le (et en) droit du travail lui aura permis, aux côtés d’étudiants du Master 2 Dialogue social de la Faculté de droit de Nancy, d’engager un tel travail, en dévoilant de premiers résultats sur le contenu des PSE négociés. Ainsi le focus se trouvait-il mis sur ce qui constituait un véritable angle mort de l’analyse – juridique, mais pas seulement – des accords concernés. De telles investigations ont porté, comme on le verra, sur les mesures contenues dans le plan, mais aussi sur les stipulations des accords consacrées au suivi de l’exécution de ce plan. De ce suivi, que sait-on, au juste, aujourd’hui, si l’on prétend regarder au-delà des dispositions légales [4] et du faible contentieux [5] qui s’y rapporte ? Peu de choses. Au temps des « plans sociaux », le sujet avait, au détour notamment d’un appel à projets de la Dares, donné lieu à plusieurs recherches collectives pluridisciplinaires – notamment à Nancy [6] et à Toulouse. Brigitte Reynès revient, dans son propos, sur la seconde, tout en nous faisant part d’autres expériences. L’on se souvient que les résultats étaient décevants... C’était avant que la loi du 17 janvier 2002 n’institue l’obligation de prévoir dans le PSE les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement, en même temps qu’une consultation régulière et approfondie des représentants du personnel sur le sujet [7]. Ce passé, interroge notre collègue, est-il révolu ? Manière de suggérer que la question pourrait bien rester en suspens [8].


[1] CE, 1e-4e ch. réunies, 21 mars 2023, n° 459626, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39169KA. Cet arrêt a, quant à sa signification et à ses potentialités, donné lieu à des interprétations sensiblement différentes. Comp., not. : H. Cavat, Déconstruire le séquençage RCC-PSE. La nécessaire prise en compte de l’ensemble du projet de réorganisation, SSL, 3 avril 2023, n° 2040, p. 20 et s. ; O. Dutheillet de Lamothe, La création de la rupture conventionnelle collective n’a pas mis fin aux PDV antérieurs. Retour sur l’arrêt du Conseil d’État, société Paragon Transaction, SSL, 22 mai 2023, n° 2047, p. 10 et s. ; F. Géa, Les subtilités de l’arrêt Paragon Transaction, RDT, 2023, p. 415 et s.

[2] CE, 1e-4e ch. réunies, 21 mars 2023, n° 450012, publié au bulletin N° Lexbase : A49979KB et n° 460660 N° Lexbase : A39099KY.

[3] C. trav., art. L. 2231-5-1, in fine N° Lexbase : L4954LRW. Étant rappelé que le principe de la publicité des accords collectifs résulte de la loi Travail du 8 août 2016.

[4] C. trav., art. L. 1233-63 N° Lexbase : L8596LGH.

[5] À ce sujet, v. F. Géa, Le suivi du PSE en question, RDT, 2017, p. 200 et s.

[6] C. Cornolti, F. Géa, Y. Moulin, Le suivi des plans sociaux et le devenir des salariés concernés, sous la dir. de Ph. Enclos, C. Marraud, G. Schmidt, Grefige – Cerit, Rapport Dares, 2000.

[7] Là où il n’existait depuis la loi du 2 août 1989 qu’une obligation d’information à la charge de l’employeur sur l’exécution du plan, dont les bénéficiaires avaient été élargis en 1998 à l’autorité administrative. Ultérieurement, c’est la loi du 14 juin 2013 qui vint compléter les dispositions légales issues de la loi de 2002 en prévoyant la transmission à l’autorité administrative des avis du comité d’entreprise (ou, à défaut, des délégués du personnel) ainsi que d’un bilan, établi par l’employeur, de la mise en œuvre effective du PSE.

[8] Faute de pouvoir accéder aux bilans que reçoivent, à ce titre, les Dreets, mais aussi d’informations précises sur les suites éventuelles qui leur sont données ou les vérifications susceptibles d’être faites.

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[Actes de colloques] Saisir les différentes dimensions de la négociation des plans de sauvegarde de l’emploi

Lecture: 10 min

N7424BZY

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par Rémi Bourguignon, Professeur, IAE Paris-Est, Université Paris-Est Créteil, Vincent Pasquier, Professeur à HEC Montréal et Géraldine Schmidt, Professeure, IAE Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • dialogue social • contexte organisationnel • relation entre les négociateurs • ressources syndicales • approches

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


La réforme du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de 2013 visait indéniablement à encourager la négociation collective et s’inscrivait, ce faisant, dans une évolution tendancielle démarrée de nombreuses années auparavant [1]. En introduisant le principe de la négociation d'un accord soumis à validation administrative ou, à défaut, d'un document unilatéral homologué par l'administration, cette réforme a sorti le PSE du régime de l’acte unilatéral de l’employeur. Et à se référer aux statistiques produites par la DARES, cela semble avoir porté ses fruits puisqu’elle indique qu’en 2021, ce sont 60 % des PSE mis en œuvre qui l’ont été après la validation d’un accord signé entre la direction de l’entreprise et ses organisations syndicales [2].

Pour mesurer la portée de ses transformations, et bien saisir les réalités que recouvrent ces statistiques, le dialogue entre le Droit et les Sciences de Gestion apparait tout à fait opportun, car les deux disciplines, tout en partageant des questionnements communs, adoptent des démarches contrastées et, en cela, sont porteuses d’enseignements complémentaires pourvu qu’on les confronte. Par exemple, une approche juridique invitera à caractériser les PSE en fonction de normes établies par le droit : le PSE a-t-il fait l’objet d’un accord collectif ? Implique-t-il des licenciements contraints ou se limite-t-il à des départs volontaires ? Ce type de distinction est crucial dès lors que l’on cherche à comprendre les implications procédurales ou à anticiper d’éventuels contentieux. Ici, les stratégies d’acteurs, les choix de gestion font figure de variables contextuelles. Pour le chercheur en sciences de gestion, la démarche est souvent inverse. Il focalise l’attention sur les stratégies des acteurs, leurs ressources ou encore les contraintes organisationnelles auxquelles ils font face. Le cadre juridique est alors saisi comme une dimension de l’environnement. Naturellement ces deux démarches ne se contredisent pas et s’apparentent bien plutôt à deux démarches méthodologiques pour saisir une même réalité. De la même manière, si un PSE faisant l’objet d’un accord collectif est, sur le plan juridique, un PSE « négocié », la chose est moins nette pour une approche gestionnaire qui pourra voir un PSE avec accord comme un plan non négocié et, inversement, un plan « homologué » comme un plan ayant fait l’objet d’une négociation non sanctionnée par un accord.  C’est à ce dialogue entre Droit et Sciences de Gestion que nous espérons contribuer en prolongeant ici les résultats d’une étude menée par des chercheurs en sciences de gestion et relations professionnelles.

Cette étude a été menée entre 2018 et 2019 pour le compte de la CFDT dans le cadre de l’agence d’objectifs de l’IRES [3]. À son origine, un questionnement partagé par les spécialités du social : la réforme de 2013 permet-elle une négociation effective des PSE ? C’est une question à laquelle il n’aura pas été possible d’apporter une réponse définitive, car il a manqué de point de comparaison avec l’avant 2013. Elle a néanmoins permis d’ouvrir la boite noire de la négociation collective des PSE et de montrer que ces négociations sont plurielles. Ce sont six configurations qui ont ainsi été identifiées. L’étude repose, pour cela, sur l’analyse de 19 PSE conclus par un accord entre 2015 et 2018 [4].

La procédure instaurée par le PSE y est vue comme une « occasion » de négociation offerte aux acteurs et offre ainsi l’opportunité de tester les explications proposées dans la littérature académique. En effet, ce qui apparait, lorsqu’on se plonge dans cette littérature, c’est qu’elle se structure autour de trois grandes approches qui cherchent, chacune, à isoler un facteur explicatif principal.

C’est au contexte organisationnel que donne la priorité une première approche. De fait, les restructurations d’entreprise s’inscrivent dans un contexte organisationnel qui va structurer les enjeux de la négociation et délimiter les marges de manœuvre des acteurs. Pensons, par exemple, au type de gouvernance en place : des décideurs accessibles avec un ancrage local ne donneront pas le même mandat au DRH que des décideurs distants voire sous pression financière. Pour une seconde approche, c’est plutôt à la nature des relations entre les négociateurs qu’il faut prêter une attention toute particulière. On retrouvera ici les travaux, nombreux, qui cherchent à établir laquelle, d’une relation coopérative ou conflictuelle, est la plus à même d’assurer une influence syndicale sur les décisions de gestion. Une troisième approche, enfin, invite à considérer les capacités des organisations syndicales à construire une stratégie et mobiliser des ressources pour la servir.

Sitôt que l’on explicite ces trois approches, un sentiment de frustration apparait, car on pressent assez vite qu’il y a un peu des trois qui est en jeu et qu’on aurait beaucoup à gagner à sortir du carcan théorique pour les considérer simultanément. D’autant qu’aucune de ces trois approches n’est exempte d’ambivalence, car des facteurs explicatifs qu’elles mettent en avant peuvent avoir des effets contrastés. Prenons l’exemple de l’historique. Qu’induit le fait qu’une restructuration soit négociée dans une entreprise multi-restructurée qui en a l’habitude par comparaison avec une entreprise qui restructure pour la première fois ? Pour une part, on pourra penser que la succession de restructurations conduit à banaliser les restructurations agissant alors comme facteur de démobilisation et de baisse de la combativité syndicale. Pour une autre part, elle peut renforcer l’expertise syndicale ou établir une norme qui servira de point d’appui à la négociation.

Pour cette raison, nous n’avons pas choisi entre ces approches et nous sommes efforcés de les considérer toutes les trois. Nous avons pour cela caractérisé les 19 PSE étudiés par les dimensions suivantes [5] :

  • Contexte organisationnel. Celui-ci a été saisi par deux caractéristiques. En premier lieu, l’existence ou non d’un historique des restructurations dans l’entreprise et, s’il y en a un, son importance dans la détermination de l’issue de la négociation. En second lieu, l’acceptabilité sociale de la restructuration, celle-ci baissant lorsque la restructuration affecte une large part des salariés et/ou des salariés disposant d’une faible employabilité.
  • Relations entre les négociateurs. Il s’est agi, ici, de caractériser la nature de la relation qui a pu se nouer entre la direction des ressources humaines négociant pour l’employeur et les syndicats. Celle-ci peut classiquement être saisie par son caractère plus ou moins conflictuel ou par le degré de domination d’une partie, habituellement la partie employeur, sur l’autre.
  • Ressources syndicales. Enfin pour caractériser les ressources syndicales, nous avons retenu le soutien apporté par l’administration du travail en cours de négociation ainsi qu'en appui sur le modèle de Christian Lévesque et Gregor Murray [6], les aptitudes stratégiques développées par les organisations syndicales elles-mêmes.

Sans présenter le détail des résultats dans le cadre de cette synthèse, indiquons que le repérage de ces différentes caractéristiques a permis d’identifier six combinaisons qui rendent compte de six dynamiques de négociation distinctes. Deux d’entre elles conduisent à une évolution significative du projet de restructuration puisque c’est le projet économique lui-même et, par suite, le volume d’emploi supprimé, qui évoluent entre le début et la fin de la négociation du PSE. Pour deux autres combinaisons, ce sont les modalités de mise en œuvre – essentiellement le congé de reclassement et le régime indemnitaire – que la négociation conduit à ajuster. Pour les deux dernières, le PSE reste inchangé suite à la négociation (voir tableau ci-dessous). Surtout, ce que pointe les résultats est la pertinence d’une approche configurationnelle qui tend à identifier les interactions entre les trois grands facteurs explicatifs plutôt qu’à les considérer isolément.

Tableau : Les 6 configurations de négociation des PSE

  Résistance face au choc Absoption coopérative du choc Mutualisation des pertes acceptables Héritage du passé Dépassement des combats mineurs Colosse aux pieds d'argile
Poids de l'histoire dans l'issue de la négociation Faible Faible Non significatif Important Non significatif Faible
Acceptabilité sociale Très faible Très faible Elevée Faible Elevée Très faible
Relation syndicats-management Conflictuelle Collaborative Collaborative Passivité syndicale Passivité syndicale Organisations syndicales dominées
Soutien de l'administration du travail Non significatif Elevé Elevé Neutralité Neutralité Elevé
Aptitude stratégique des organisations syndicales Forte Faible Forte Faible Non significatif Faible
  Evolution du nombre d'emplois supprimés Evolution des modabilités de mise en oeuvre Pas d'évolution du PSE

À titre d’illustration, nous pouvons revenir sur les deux configurations conduisant à une évolution significative du PSE pourtant caractérisée par deux dynamiques qui ont peu à voir. Dans un cas, en effet, toutes les conditions semblent réunies pour conduire à une domination managériale. Une entreprise dans laquelle il y a peu d’habitude de négociation des restructurations alors que celle-ci se trouve peu acceptable socialement, car elle affecte des salariés peu employables pour qui les conséquences d’un licenciement seront lourdes. De surcroît l’employeur adopte une attitude hostile à l’endroit de la représentation syndicale et opte pour une approche conflictuelle. Nous avons qualifié cette configuration de « résistance face au choc », car les organisations syndicales disposant de fortes aptitudes stratégiques vont prendre appui sur le choc provoqué par la restructuration pour construire un rapport de forces et contraindre l’employeur à revoir son plan stratégique. Cela contraste avec la seconde configuration dans laquelle un choc similaire peut être ressenti à l’annonce de la restructuration. Mais c’est, ici, un processus collaboratif qui se met en place avec l’employeur, celui-ci étant engagé de longue date sur la question de l’emploi et acceptant de mettre en discussion son projet pour trouver des alternatives aux suppressions d’emplois. On voit, dans le contraste entre les deux premières configurations, que c’est dans la manière dont se combinent les différents facteurs que l’on peut rendre compte de la dynamique de négociation.

Une seconde illustration est offerte en contrastant, cette fois, la première configuration à la dernière, qualifiée de « colosse aux pieds d’argile ». Les conditions initiales sont tout à fait comparables dans les deux configurations : une faible habitude de négociation des restructurations, une faible acceptabilité sociale et un management qui se montre rapidement hostile à la négociation. Pourtant, dans cette dernière configuration, la faiblesse des organisations ne permet pas de transformer cette situation en levier de mobilisation, et ce malgré le soutien appuyé de l’administration du travail.

Au final, l’étude permet de souligner la diversité des situations de négociation que recouvre la notion de « PSE négociés » et de mettre en débat une première typologie appelée à être enrichie et débattue.


[1] Voir notamment D. Balmary, Le licenciement économique: du contrôle à la négociation ?, Droit social, 2004, n° 3, p. 272-278.

[2] Dares Résultats, Les dispositifs publics accompagnant les ruptures collectives de contrat de travail en 2021. Un recours en baisse en lien avec la reprise de l’activité économique, avril 2023, n° 26 [en ligne].

[3] CFDT, La négociation des Plans de Sauvegarde de l’Emploi, quels arbitrages ?, novembre 2020 [en ligne].

[4] L’analyse repose sur une analyse du document et la réalisation de 54 entretiens (avec des syndicalistes, des DRH, l’administration du travail, des experts et des avocats).

[5] Nous ne revenons, ici, que sur les démarches méthodologiques ayant conduit à la définition de dimensions, mais le lecteur intéressé par ce point spécifique trouvera des éléments de réponse dans le rapport publié par l’IRES.

[6] C. Levesque et G. Murray, Comprendre le pouvoir syndical: ressources et aptitudes stratégiques pour renouveler l’action syndicale, La Revue de l’IRES, 2010, n° 2, p. 41-65.

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[Actes de colloques] Le droit pluriel des PSE

Lecture: 22 min

N7409BZG

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par Alexandre Fabre, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Le 18 Décembre 2023

Mots-clés : licenciement pour motif économique • PSE • contrôles • mesures • reclassement et accompagnement • modes de suppressions d'emploi

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


La typologie proposée par Rémi Bourguignon est sans nul doute stimulante pour les juristes parce qu’elle les invite à interroger l’unité de la catégorie, et du régime, que constitue le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).  

En droit, il existe des standards pour saisir la diversité du réel : « l’intérêt de l’entreprise », la « cause réelle et sérieuse », le « motif légitime », le « trouble objectif » et les « nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ». Si les économistes exècrent ces catégories tant leur imprécision rend difficiles les anticipations, les juristes apprécient au contraire la possibilité qu’elles offrent – c’est d’ailleurs leur fonction – d’appréhender sous un seul nom une multitude de situations.

Le PSE n’est pas un standard. C’est un acte juridique, soit unilatéral, soit négocié, qui renvoie à une obligation : celle qu’a l’employeur, lorsqu’il envisage plus de dix licenciements sur une période de trente jours dans une entreprise d’au moins cinquante salariés, d’établir et de mettre en œuvre tout un ensemble de mesures dans le but d’éviter ces licenciements ou d’en réduire le nombre, et, à défaut d’y parvenir, de faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité [1].

Pour autant, le PSE offre – comme les standards – un contraste saisissant entre l’unité que présente cette catégorie juridique, et la diversité des objets qu’elle permet en pratique. Derrière ce que le droit nomme « PSE », il y a en effet autant d’applications différentes que d’entreprises concernées. De sorte que tout juriste sait bien, qu’en dépit du singulier régulièrement employé – le PSE –, c’est bien un pluriel – des PSE – qui correspond à la réalité des faits.

C’est cependant à une remise en question plus fondamentale encore que nous invite l’étude présentée par Rémi Bourguignon. Que chaque PSE soit unique, et qu’il existe en réalité un infinie multitude de PSE, cela est acquis ; mais peut-on identifier cette pluralité dans la réglementation même du PSE ? En d’autres termes, la diversité des PSE constatée en pratique est-elle également observable en droit ?

À cette question, une réponse résolument positive mérite d’être apportée. Du strict point de vue de la législation et de la jurisprudence, il existe en effet une importante diversité d’approche des PSE, qu’il s’agisse de leur contrôle (I.), de leur contenu (II.) ou des réorganisations auxquelles ils sont adossés (III.).  

I. La diversité des contrôles du PSE

Comme chacun sait, la loi n° 2013-504, du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi N° Lexbase : L0394IXU a placé les PSE sous le contrôle de l’administration du travail. Or, les termes de ce contrôle varie selon plusieurs facteurs [2].   

Selon la source du PSE. La distinction la plus structurante dépend de la source du PSE. Si le PSE est élaboré par l’employeur en concertation avec le comité social et économique (CSE), il est consigné dans un document unilatéral que la Dreets doit homologuer dans les conditions fixées par l’article L. 1233-57-3 du Code du travail N° Lexbase : L9460LHT. Dans ce cadre, elle doit singulièrement contrôler la suffisance des mesures prévues dans le PSE au regard des moyens dont dispose l’entreprise, ou le cas échéant, l’unité économique et sociale (UES) ou le groupe [3]. En revanche, si le PSE a fait l’objet d’un accord collectif avec les organisations syndicales, la Dreets doit le valider dans les termes de l’article L. 1233-57-2 du Code du travail N° Lexbase : L8609LGX. Le contrôle opéré est alors d’une autre teneur, et pour une raison simple :  le fait que le PSE ait été négocié et signé par les syndicats majoritaires suffit à présumer de la suffisance de ses mesures. De sorte que si la Dreets est amenée à contrôler scrupuleusement le respect des conditions de validité de l’accord collectif, il lui revient seulement de s’assurer que des mesures répondant aux finalités d’un PSE y sont bien présentes, sans apprécier leur importance, ni leur pertinence [4]. Pour résumer cette différence de contrôle, il est coutume de dire que le contrôle du contenu du PSE est approfondi dans le cas d’un PSE unilatéral, et léger quand il a été négocié.

Selon la santé financière de l’entreprise. Dans le même ordre d’idée, la loi n° 2015-990, du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC, dite loi « Macron », a prévu que l’homologation d’un PSE unilatéral doit répondre à des conditions particulières lorsque l’entreprise se trouve en redressement ou liquidation judiciaire. Dans cette hypothèse, l’administration du travail est dans une position schizophrénique puisque, si elle est tenue de vérifier que l’employeur, l’administrateur ou le mandataire a demandé une contribution au groupe, elle ne doit contrôler la proportionnalité du PSE qu’au regard des moyens dont dispose l’entreprise [5]. Si un contrôle de suffisance a toujours lieu, il est donc réduit à peu de choses vu l’état des finances de l’entreprise défaillante.

On le voit, le législateur module le contrôle opéré par l’administration du travail selon le contexte dans lequel intervient le PSE : a-t-il été élaboré par l’employeur seulement, ou négocié avec les syndicats majoritaires ? ; est-il le fait d’une entreprise in bonis, ou d’une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire ? Selon la réponse à ces questions, le contrôle du PSE n'est pas le même. De quoi accréditer la thèse, qu’en droit aussi, les conditions d’élaboration d’un PSE peuvent avoir une certaine influence sur son contenu (plus exactement sur le contrôle de ce contenu).

II. La diversité des mesures d’un PSE

Si le droit des PSE fait place, on vient de le voir, à différentes nuances de contrôle, il autorise également une grande diversité de mesures à l’attention des salariés. Plutôt que d’en dresser la liste exhaustive, il est sans doute plus pertinent de les articuler autour des principaux objectifs poursuivis.

Maintien dans l’emploi ou reclassement des salariés. Tout en faisant de l’établissement d’un plan social une obligation patronale distincte de la consultation des représentants du personnel, la loi n° 89-549, du 2 août 1989, modifiant le Code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion N° Lexbase : L7352HUT, lui assigna deux finalités : d’une part, éviter les licenciements ou en réduire le nombre, et, d’autre part, faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité [6]. À l’époque, il était possible de voir une hiérarchie dans l’ordre d’apparition de ces deux finalités. Si le reclassement n’arrivait qu’en seconde position, c’est parce que la priorité était, avant tout, d’éviter les licenciements, en faisant en sorte que le plus grand nombre de salariés conservent leur emploi.

Cette hiérarchie fut toutefois rapidement remise en cause par une loi n° 93-121, du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d’ordre social N° Lexbase : O8094BX3. Pour renforcer l’exigence de reclassement, un amendement célèbre (l’amendement « Aubry ») imposa à l’employeur de prévoir, à peine de nullité de la procédure de licenciement, « un plan visant au reclassement des salariés s’intégrant au plan social [7] ». Cette disposition contribua, malgré elle, à déplacer le curseur du maintien dans l’emploi vers le reclassement des salariés. Car même si, dans le détail de ce que « ce plan [8] » pouvait prévoir, était donné l’exemple de mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail, on pressentait bien que l’accent était dorénavant mis sur le reclassement des salariés au sein de l’entreprise ou en dehors de celle-ci [9]. La recodification intervenue en 2008 consacra d’ailleurs ce décrochage en plaçant ces deux finalités dans des alinéas distincts et en rattachant expressément le plan de reclassement à la seconde (faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité).

La loi n° 2013-504, du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU ne revint pas sur cette évolution lorsqu’elle confia le contrôle des PSE à l’autorité administrative sous le contrôle du juge administratif. Depuis lors, le Conseil d’État use de la même formule, forgée pour la première fois dans la décision « Calaire Chimie » du 22 juillet 2015 [10] : l’administration du travail doit, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation, regarder si « chacune » des mesures prévues dans le plan contribue aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés et si les mesures, cette fois « prises dans leur ensemble », sont propres à satisfaire ces objectifs au regard des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. Même si l’objectif de maintien dans l’emploi est opportunément rappelé par le Conseil d’État, dans les faits, sa prise en compte est largement minorée par la mise en œuvre d’un contrôle global des mesures : dès lors qu’elles sont « prises dans leur ensemble », des mesures de reclassement suffisamment nombreuses ou généreuses peuvent parfaitement compenser la faiblesse, voire l’inexistence de mesures de maintien dans l’emploi.  

Une réforme ultérieure a brouillé encore davantage la distinction entre ces deux finalités. L’on songe au dispositif introduit par la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels N° Lexbase : L8436K9C, dite loi « Travail », puis élargi par l’ordonnance n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail N° Lexbase : L7629LGN, qui permet, lorsqu’une fermeture de site est envisagée, de prévoir dans le PSE la cession de l’activité et, par le jeu de l’article L. 1224-1 du Code du travail N° Lexbase : L0840H9Y, le transfert des salariés qui y sont affectés [11]. Difficile en effet de classer cette mesure puisque si elle permet d’éviter les licenciements (objectif qui la placerait dans le giron du maintien de l’emploi), elle se traduit par un changement d’employeur (caractéristique essentielle du reclassement externe). Sauf à considérer que l’esprit de cette mesure est à chercher en dehors des finalités du PSE. Car, ainsi que les premiers commentateurs l’ont relevé [12], ce dispositif revient à faire du PSE l’accessoire d’un transfert, et non l’inverse comme semble hypocritement le suggérer le législateur.

Reclassement (interne/externe) ou accompagnement des salariés. Il est coutume de distinguer deux types de reclassement selon le périmètre dans lequel il intervient. Il y a le reclassement dit « interne », qui oblige à rechercher des emplois disponibles à l’intérieur de l’entreprise qui licencie, et le reclassement dit « externe », qui impose à l’entreprise, si elle appartient à un groupe, d’étendre la recherche d’emplois disponibles à cette échelle. Depuis l’arrêt « Vidéocolor » [13] jusqu’aux ordonnances « Travail », les débats les plus vifs ont porté sur le périmètre du reclassement externe. Jusqu’où l’employeur – car c’est uniquement sur lui que pèse l’obligation de reclasser [14] – doit-il étendre ses recherches ? À cette question, les ordonnances n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail N° Lexbase : L7629LGN [15] et n° 2017-1718, du 20 décembre 2017, visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social N° Lexbase : L6578LH4 [16], ont apporté une réponse très en retrait par rapport à celle de la Chambre sociale. De façon schématique, on peut dire aujourd’hui que le périmètre du reclassement externe, tracé par l’article L. 1233-4 du Code du travail N° Lexbase : L7298LHR, est le résultat d’un triple tamis : il faut d’abord être en présence d’un groupe de sociétés au sens de plusieurs articles du Code du commerce ; il faut ensuite identifier, au sein de ce groupe, les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; il faut enfin, dans ces entreprises, limiter les recherches aux seuls emplois disponibles situés sur le territoire national.

Si la question de l’articulation entre reclassement interne et reclassement externe fut en revanche moins centrale, notons que les juges ne sont jamais allés jusqu’à instaurer une primauté du premier sur le second. Dans la jurisprudence antérieure de la Chambre sociale comme dans celle du Conseil d’État aujourd’hui, le seul critère de différenciation réside dans l’effort attendu de l’employeur, qui ne peut évidemment pas être le même dans les deux situations. Comme la rapporteur public madame Gaëlle Dumortier le reconnaissait dans ses conclusions sur l’affaire « Calaire Chimie », l’obligation de reclassement « ne peut avoir la même portée dans l'entreprise, au sein de laquelle l'employeur peut, et donc doit, recenser tous les emplois de reclassement, et dans le groupe, au sein duquel l'employeur n'a pas connaissance des emplois de reclassement et doit donc seulement démontrer qu'il les a sérieusement recherchés et indiquer tous ceux qu'il a ainsi identifiés [17] ». Raison pour laquelle, depuis cette décision séminale, le Conseil d’État distingue ces deux cas de figure, en énonçant qu’« il revient à l’autorité administrative de s'assurer que l'employeur a identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise et, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, que l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, a procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes, en indiquant dans le plan, pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, leur nombre, leur nature et leur localisation [18] ».

Du reclassement externe vers l’accompagnement dans l’emploi. Le glissement le plus important, quoique le plus discret, concerne finalement la notion même de reclassement externe. Classiquement, on désigne ainsi la recherche d’emplois disponibles en dehors de l’entreprise qui licencie, ce qui, compte tenu du périmètre actuellement tracé par le législateur, ne peut se faire que dans les entreprises faisant partie du groupe de reclassement défini par l’article L. 1233-4 du Code du travail N° Lexbase : L7298LHR. En résumé, le reclassement externe consiste à essayer de repositionner le salarié sur un emploi externe à l’entreprise, mais interne au groupe à laquelle celle-ci appartient.  

Depuis que la pertinence du plan social est examinée à l’aune des moyens de l’entreprise, de l’UES ou du groupe, on a pu observer – selon les points de vue – un enrichissement ou un appauvrissement de la notion de reclassement externe. Dès lors que l’entreprise en a les moyens (par elle-même ou par l’intermédiaire de l’UES ou du groupe dont elle relève), on attend aussi d’elle qu’elle finance des mesures d’accompagnement des salariés vers l’emploi (plus largement entendu). Indépendamment des recherches sérieuses qui doivent être faites au sein des entreprises faisant partie du groupe, le plan peut ainsi prévoir diverses sortes de mesures visant à faciliter soit la recherche d’un emploi à l’extérieur du groupe, soit l’acquisition d’une formation plus ou moins longue, soit la création d’une activité indépendante. Et comme ces mesures participent au reclassement externe (au sens large) des salariés, elles entrent généralement en ligne de compte dans le cadre du contrôle global qu’opère l’autorité administrative lorsqu’elle homologue le plan. Au fond, ce qui compte, c’est que le plan ne se borne pas à indemniser les salariés, mais qu’il les aide à retrouver un emploi, directement ou indirectement.

C’est de cette façon que le reclassement externe a progressivement été aspiré par la notion plus large d’accompagnement. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ce dernier terme ait été retenu, au côté de celui de reclassement externe, pour décrire les buts que doivent satisfaire les mesures d’une rupture conventionnelle collective (RCC) [19]. Même si la RCC n’est pas un PSE, l’on sait que son régime a été fortement inspiré par celui des plans de départs volontaires « exclusifs [20] », qui autorise l’employeur à ne prévoir que des mesures de reclassement externe. Du reclassement (sur un emploi disponible dans l’entreprise ou le groupe) vers l’accompagnement (dans l’emploi en général), le pas était donc aisé à franchir.  

III. La diversité des modes de suppression d’emploi impliquant un PSE

Comme on vient de l’entrapercevoir à travers la question des mesures, les PSE peuvent enfin varier selon le mode de suppression d’emploi utilisé.

Régime hybride des plans de départs volontaires. Devant l’imagination des entreprises, bien décidées à s’affranchir du carcan que représentait – selon elles – le régime des grands licenciements collectifs avec plan social, la Cour de cassation, lorsqu’elle était en charge de ce contentieux, avait progressivement élaboré une jurisprudence d’équilibre qui consistait, d’un côté, à soumettre à l’établissement d’un plan social l’ensemble des restructurations mettant en cause l’emploi, y compris celles qui se traduisaient par la conclusion de ruptures amiables et non seulement par le prononcé de licenciements « secs », mais de l’autre, à édulcorer le régime applicable en écartant les règles qui ne se justifiaient qu’en présence d’une rupture imposée par l’employeur. C’est ainsi qu’est né le droit hybride des plans de départs volontaires, un droit dont le support principal était celui des grands licenciements collectifs avec l’obligation pour l’employeur d’établir un plan social, auquel étaient cependant retranchées les règles rendues impertinentes par la conclusion d’une rupture amiable (notification du licenciement, motif économique, obligation de reclassement, application des critères de licenciement, priorité de réembauche).

L’acmé de cette construction fut atteint lorsque la Cour de cassation décida, dans l’arrêt « Renault » du 26 octobre 2010 [21], qu’« un plan de reclassement, qui ne s'adresse qu'aux salariés dont le licenciement ne peut être évité, n'est pas nécessaire dès lors que le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d'emplois ». À l’inverse des plans de départs volontaires pensés comme le premier volet d’un plan de licenciements, qui, eux, obligeaient l’employeur à établir un plan de reclassement interne, les plans de départs volontaires exclusifs de tout licenciement pouvaient ne comporter que des mesures de reclassement externe.

Les arrêts « Completel » [22] et « Air France » [23] permirent à la Cour de cassation de mieux distinguer ces deux hypothèses, en mettant l’accent sur la nature du risque pesant sur le salarié. En clair, la question était de savoir si le salarié risquait de perdre son emploi. Et là, de deux choses l’une : si ce risque était certain, parce que la suppression d’emploi était décidée donc inéluctable, alors l’employeur n’avait pas d’autre alternative que de mettre en place un PSE qui, s’il pouvait éventuellement comprendre des mesures de départs volontaires, devait nécessairement prévoir un plan de reclassement proportionné au nombre total de suppressions d’emplois envisagées. Si, en revanche, l’employeur voulait réduire ses effectifs exclusivement sur la base du volontariat, sans mettre en péril les emplois des salariés qui ne souhaitaient pas partir, il devait mettre en place un PSE qui se réduisait alors à un plan de reclassement externe. Notons que depuis que le contentieux a basculé dans le giron du juge administratif, le Conseil d’État n’a pas eu l’occasion de reprendre à son compte cette jurisprudence, contrairement à certaines cours administratives d’appel [24].

PSE, PDV, RCC. En créant la rupture conventionnelle collective, l’ordonnance n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, précitée N° Lexbase : L7629LGN, a encore élargi la gamme des modes de suppression d’emploi. À ce jour, les entreprises disposent d’au moins quatre outils : le licenciement collectif avec PSE « classique », le licenciement collectif avec PSE « mixte » (car comprenant un – premier – volet de départ volontaire), les départs volontaires « exclusifs » de tout licenciement (avec un PSE qui se résume à un PDV) et la RCC (sans PSE, mais avec des mesures qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles que l’on trouve dans un PDV « exclusif »).

Si ces outils sont parfois interchangeables, une entreprise pouvant préférer passer par un PDV exclusif plutôt que de conclure un accord de RCC sous réserve toutefois d’en respecter le régime [25], certaines conditions peuvent écarter tout choix. Confirmant la position prise par l’administration dans un « questions-réponses » sur la RCC [26], le Conseil d’État a proscrit l’utilisation de ce dispositif en cas de fermeture d’un site, dans sa décision « Paragon Transaction » du 21 mars 2023 [27]. Le raisonnement est directement fondé sur le droit commun de la rupture conventionnelle [28] : «  compte tenu de ce qu' [un tel accord] doit être exclusif de toute rupture du contrat de travail imposée au salarié, comme le prévoit l'article L. 1237-17, [il] ne peut être validé par l'autorité administrative lorsqu'il est conclu dans le contexte d'une cessation d'activité de l'établissement ou de l'entreprise en cause conduisant de manière certaine à ce que les salariés n'ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle fassent l'objet, à la fin de la période d'application de cet accord, d'un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d'un plan de sauvegarde de l'emploi ». Cette justification tirée du droit commun de la rupture conventionnelle n’est cependant pas incompatible, selon nous, avec celle liée à la nature du risque de suppression d’emploi : dès lors qu’en cas de fermeture de site les salariés sont condamnés à perdre leur emploi à échéance, l’opération porte en elle des licenciements, ce qui interdit de recourir à une rupture conventionnelle collective par application, cette fois, de l’article L. 1237-19-1 du Code du travail N° Lexbase : L1460LKB.

Quel que soit le fondement exact de la solution, la conséquence est identique : faute de pouvoir utiliser une RCC dans l’hypothèse d’une cessation d’activité, l’entreprise n’a alors pas d’autre choix que d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi, par voie d’accord ou par document unilatéral, et de le faire valider ou homologuer par l'administration. Et si le Conseil d’État suggère que ce plan peut, le cas échéant, définir les conditions et modalités de rupture des contrats de travail d'un commun accord entre l'employeur et les salariés concernés [29], on ose espérer qu’il ne pourra s’agir, pour la même raison que dans la jurisprudence « Renault », que d’un PSE « mixte » et non d’un PDV « exclusif [30] ».

Que le droit des PSE soit pluriel et permette, lui aussi, d’établir des typologies en fonction de plusieurs critères, nous espérons en avoir fait la démonstration. L’avènement de la RCC, qui est en principe déconnectée du licenciement économique donc du PSE, mais dont le régime tire largement son inspiration, invite néanmoins à pousser plus loin l’analyse. Fortement décrié par les entreprises lorsque la Cour de cassation en faisait le passage obligé pour tout type de mise en cause de l’emploi [31], le PSE s’est progressivement diversifié dans son contenu comme dans ses applications. Au point de constituer aujourd’hui un véritable « couteau suisse » en matière de restructurations. Mais il y a plus. Par une sorte d’ironie de l’histoire, le droit des PSE est devenu tellement pluriel qu’il a essaimé des simili PSE en dehors du licenciement pour motif économique, comme en atteste le régime de la RCC.


[1] C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L7291LHI.

[2] V. G. Rudant, E. Castet et N. Gssime, L'administration, garante de la régularité et de la qualité du dialogue social et du PSE, Droit social, 2023, p. 857.

[3] Rappelons que le groupe « de moyens » n’est pas limité aux entreprises situées sur le territoire national mais comprend l’ensemble des sociétés (dominées et dominante), « quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises » (en dernier lieu, v. CE, 1re-4e ch. réunies, 21 juillet 2023, n° 435896, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08151C8).

[4] CE, 4e-5e s.-sect. réunies, 7 décembre 2015, n° 383856, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6208NYL. Sur cette décision, v. not. A. Fabre, Validation des PSE négociés : contrôler moins ou… autrement ?, SSL, n° 1704, 28 décembre 2015, p. 10.

[5] C. trav., art. L. 1233-58, II, al. 2 N° Lexbase : L8650LGH. Sur la non-transmission d'une QPC relative à l'appréciation du PSE dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, v. CE, 1re-4e ch. réunies, 4 septembre 2019, n° 431463 N° Lexbase : A6601ZMG : note, RDT, 2019, p.716).

[6] Loi n° 89-549, du 2 août 1989, modifiant le Code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et à la convention de conversion ; C. trav., anc. art. L. 321-4-1 N° Lexbase : L3214DCZ.

[7] C. trav., anc. art. L 321-4-1 N° Lexbase : L3215DC3, issu de la loi n° 93-121, du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d’ordre social N° Lexbase : O8094BX3.

[8] « Ce plan », mais lequel ? Le plan social ou le plan de reclassement ?

[9] En dépit de quelques tentatives ultérieures dont le meilleur exemple est donné par l’amendement dit « Michelin » qui entendait obliger les entreprises à négocier une réduction du temps de travail avant de pouvoir établir un plan social…

[10] CE, 22 juillet 2015, n° 383481, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9293NM7. Sur cette décision, v. not. F. Géa, Grands licenciements économiques et plan de sauvegarde de l'emploi après la loi du 14 juin 2013 : les premières décisions du Conseil d'État, RDT, 2015, 528.

[11] C. trav., art. L. 1233-61, al. 3 N° Lexbase : L7291LHI.

[12] P. Bailly, Le PSE avant transfert d'entreprise dans l'avant-projet de loi. Une dérogation aux effets du transfert d'entreprise, SSL, 14 mars 2016, n° 1714, p. 10 ; F. Géa, Quand transférer rime avec liquider, RDT, 2016, 341.

[13] Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690 N° Lexbase : A4018AA3.

[14] Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 08-15.776, FS-P+B N° Lexbase : A2943EQ3.

[15] Qui a modifié l’article L. 1233-4 du Code du travail N° Lexbase : L7298LHR.

[16] Qui a ajouté la locution sur le « territoire national » dans l’article L. 1233-61 du Code du travail N° Lexbase : L7291LHI ainsi que dans l’article L. 1233-62 du même code N° Lexbase : L7290LHH.

[17] Concl. RDT, 2015, p. 514.

[18] Selon la formule actualisée tirée de CE, 1re-4e ch. réunies, 20 juin 2022, n° 437767, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A906777X.

[19] C. trav., art. L. 1233-19 N° Lexbase : L1141H97.

[20] V. infra.

[21] Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6142GCH : rapp. P. Bailly, SSL, n° 1465, p. 10 ; F. Favennec-Héry, PDV, PSE, PDR : un plan chasse l'autre, Droit social, 2010, p. 1164 ; F. Géa, La Chambre sociale et le volontariat. À propos de l'arrêt Renault, RDT, 2010, p. 704.

[22] Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 10-23.516, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4422IBE ; RDT, 2012, p. 152, obs. F. Géa ; RJS, 2012, note G. Couturier, p. 243 ; F. Favennec-Héry, Plan de départs volontaires : le jeu des distinctions, Droit social, 2012, p. 351.

[23] Cass. soc., 9 octobre 2012, n° 11-23.142, FS-P+B N° Lexbase : A3532IUD ; F. Géa, L'art de la différenciation - à propos de l'arrêt « Air France KLM », SSL, n° 1571, suppl. 11 février 2013.

[24] CAA Paris, 12 mars 2015, n° 14PA05025 N° Lexbase : A2845NRS : « considérant que si un plan de sauvegarde de l'emploi est établi alors que l'employeur entend supprimer des emplois en ne faisant appel qu'au volontariat de salariés faisant le choix de quitter l'entreprise, ce plan peut ne pas comporter de plan de reclassement interne si ne doivent être envisagés que des départs purement volontaires et que la réorganisation de l'entreprise à laquelle il est procédé à l'occasion du plan de départ volontaire n'implique pas nécessairement que doit d'ores et déjà être faite l'hypothèse du licenciement de salariés qui refuseraient les modifications de leur contrat de travail impliquées par cette réorganisation ».

[25] L’employeur devra mettre en œuvre la procédure de licenciement collectif, ce qui implique la consultation du CSE sur les raisons économiques d’un tel projet et la possible désignation d’un expert-comptable, et faire valider ou homologuer le PSE par la Dreets selon la forme qu’il prendra (accord collectif ou document unilatéral).

[26] Questions-réponses. La rupture conventionnelle collective, novembre 2019 (question 8) [en ligne].

[27] CE, 1re-4e ch. réunies, 21 mars 2023, n° 459626, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39169KA.

[28] V. en ce sens l’analyse de F. Géa, Les subtilités de l'arrêt « Paragon Transaction », RDT, 2023, p. 415.

[29] Sur cette ouverture, O. Dutheillet de Lamothe, La création de la rupture conventionnelle collective n'a pas mis fin aux PDV antérieurs. Retour sur l'arrêt du Conseil d'État, Société Paragon Transaction, SSL, 22 mai 2023, n° 2047, p. 10.

[30] De façon plus interrogative, v. F. Géa, préc.

[31] Dont le point culminant fut sans doute atteint avec les arrêts « Framatome » (Cass. soc., 3 décembre 1996, n° 95-17.352 N° Lexbase : A2180AAY) et « Majorette » (Cass. soc., 3 décembre 1996, n° 95-20.360, publié au bulletin N° Lexbase : A2182AA3).

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Licenciement

[Actes de colloques] Les PSE au sein de groupes de sociétés ou d’UES

Lecture: 13 min

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par Sébastien Ranc, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Toulouse Capitole

Le 22 Novembre 2023

Mots-clés :  PSE • groupe de sociétés • UES • groupe de moyens • proportionnalité du PSE • information et consultation • Directive n° 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


À sa manière, le droit participe à la singularisation du PSE élaboré au sein d’un groupe de sociétés ou d’une UES. Il améliore d’abord, quantitativement et qualitativement, le contenu du PSE. Il tient compte ensuite, en matière d’information et de consultation des représentants du personnel, du processus décisionnel au sein de ces groupements conduisant à l’élaboration du PSE. Tout cela nous laisse à penser qu’il existe bel et bien un droit propre au PSE d’UES ou de groupe.


Existe-t-il une typologie de PSE selon que ces derniers sont négociés ou établis unilatéralement au niveau d’une entreprise ou au-delà, c’est-à-dire au niveau d’un groupe de sociétés ou d’une unité économique et sociale (UES) ? Selon une étude en sciences de gestion, « le type de gouvernance de l’entreprise intervient aussi potentiellement dans le processus [de négociation des PSE], soit qu’elle renvoie à de grands groupes dont le centre de décision est éloigné des situations locales, mais dont les ressources financières sont importantes, soit qu’elle renvoie à des entreprises au mode de fonctionnement de type coopératif qui seraient portées à reconnaître l’importance des mesures sociales » [1].

En droit, le type de gouvernance peut avoir ou, ne pas avoir, une influence sur la configuration du PSE. Plus précisément et pour faire écho aux entreprises mentionnées dans l’étude susvisée, ni l’appartenance de l’entreprise à l’économie sociale et solidaire, ni le fait de revêtir la forme coopérative n’auront un impact sur les normes applicables dans la mesure où le débiteur « naturel » des obligations en droit du travail, dont la mise en œuvre d’un PSE, est l’employeur [2]. Peu importe donc le secteur d’activité ou le choix de la forme sociale.

En revanche, là où le droit du travail rejoint l’idée selon laquelle la configuration du PSE varie en fonction de la gouvernance de l’entreprise, c’est lorsque l’entreprise appartient à un ensemble plus vaste, en l’occurrence lorsqu’elle appartient à un groupe de société ou à une UES. Déjà et comme cela a été démontré, un PSE peut être négocié au niveau de l’UES et rien ne semble empêcher une telle négociation au niveau du groupe [3]. Mais il y a plus que cela. Le droit du travail incite à ce que les PSE d’UES ou de groupe soient plus « qualitatifs » par rapport aux PSE établis au sein d’une seule et unique entreprise [4] (I.). En outre, le droit tient compte du cheminement décisionnel au sein des UES et des groupes lors de l’élaboration des PSE (II.).

I. De « bons » PSE d’UES ou de groupe

Remarques préliminaires. Le fait que les PSE de groupe ou d’UES soient plus « qualitatifs » au regard de leur contenu que les PSE d’entreprise ne dépend pas uniquement du droit, mais également du fait que ces groupes ou ces UES sont souvent de grandes entreprises, ce qui financièrement leur offre des marges de manœuvre plus importantes en matière d’investissements dans l’élaboration du PSE. Pour autant, le droit participe lui aussi à améliorer le contenu des PSE établis au-delà de l’entreprise.

Le groupement de moyens. Plus précisément, l’article L. 1233-57-3, 1° du Code du travail N° Lexbase : L9460LHT prévoit qu’« en l’absence de PSE négocié, l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur, après avoir vérifié la conformité de son contenu, notamment en fonction des « moyens dont disposent l’entreprise, l’UES et le groupe ». Dit autrement, le contenu du PSE élaboré unilatéralement par un employeur appartenant à une UES ou à un groupe doit être proportionnel aux moyens du groupement dont il est question. Il s’agit là de ce que l’on appelle le « groupe de moyens ». Il faut comprendre par-là : le « groupe des moyens alloués au PSE ». Dans la mesure où notre analyse tient autant compte du groupe de sociétés que de l’UES, il vaudrait mieux utiliser les termes de « groupement de moyens ». On insistera sur le fait que les moyens du groupement sont uniquement pris en compte lors de l’homologation du PSE élaboré unilatéralement et s’applique exclusivement aux entreprises in bonis, les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires en étant exclues depuis l’application de la loi dite « Macron » du 6 juillet 2015 [5].

Essayons de tracer les contours de ces deux groupements de moyens.

Le périmètre du groupement de moyens. S’agissant du périmètre de l’UES de moyens, celui-ci ne pose pas de difficulté. Il faut distinguer selon que l’UES a été reconnue par décision de justice ou par accord collectif. Dans le premier cas, la décision judiciaire fixera les entités composant l’UES. Dans le second cas, il faudra consulter l’accord collectif pour connaître la liste de ces entités.

S’agissant du périmètre du groupe de moyens, il est un des rares survivants, pour ne pas dire le dernier périmètre en droit du travail, à englober en son sein des sociétés étrangères. Le Conseil d’État a en effet décidé que « les moyens du groupe s’entendent des moyens, notamment financiers, dont disposent l’ensemble des entreprises placées, ainsi qu’il est dit au I de l’article L. 2331-1 du Code du travail  N° Lexbase : L9924H83 […], sous le contrôle d’une même entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 233-1 N° Lexbase : L9087KB8, aux I et II de l’article L. 233-3 N° Lexbase : L5817KTM et à l’article L. 233-16 N° Lexbase : L9089KBA du Code de commerce, ainsi que ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d’implantation du siège de ces entreprises » [6]. Ainsi, il est renvoyé à travers le I de la disposition législative relative au comité de groupe aux articles du Code de commerce relatifs au contrôle d’une société sur une autre [7]. Le résultat est ainsi le même que pour la délimitation du groupe en matière d’appréciation de la cause économique et du groupe de reclassement, sauf que pour ces deux dernières notions, les articles du Code de commerce sont directement visés par les dispositions législatives [8], sans « faire un détour » par le I de l’article L. 2331-1 du Code du travail.

Mais il y a une différence de taille avec ces deux autres périmètres : le groupe de moyens n’est pas franco-français et peut donc englober des sociétés étrangères à partir du moment où bien évidemment ces dernières remplissent les critères du contrôle issu des dispositions précitées du Code de commerce. On précisera par ailleurs que dans l’arrêt susvisé, il avait été tenté d’exclure la holding financière du périmètre du groupe de moyens à l’instar de ce que connaît le comité de groupe [9]. Cet argument n’a pas prospéré : la holding financière peut faire partie intégrante du groupe de moyens [10]. Cette solution permet de responsabiliser les groupes de sociétés en tenant compte des moyens financiers des sociétés étrangères et des holdings et, par conséquent, en augmentant « l’assiette » financière consacrée au PSE, sans avoir à passer par la notion de véritable employeur [11].

Le groupe de moyens permet certes d’augmenter les finances allouées au PSE, mais ce n’est pas tout.

Le contenu du groupe de moyens. La proportionnalité du PSE aux moyens du groupe et donc la suffisance du plan ne dépendent pas uniquement de la contribution financière, mais également de l’ensemble des mesures contenues dans le PSE, telles que des moyens de formation [12]. Pour reprendre les propos d’un des membres du Conseil d’État, « bien que les décisions mentionnent souvent le montant global du plan, et le traduisent en un budget moyen par salarié, aucune approche mathématique ne saurait apporter de réponse systématique. Ainsi, le caractère “généreux” du plan de sauvegarde de l’emploi, évalué en montant par salarié, n’est pas nécessairement une preuve de sa suffisance si celui-ci se borne à offrir d’importantes indemnités supralégales, sans contenir de dispositif de nature à faciliter le retour à l’emploi » [13]. La norme jurisprudentielle participe ainsi à l’amélioration qualitative des mesures contenues dans les PSE établis unilatéralement.

Dans la mesure où la proportionnalité du PSE aux moyens du groupe s’applique uniquement aux PSE établis unilatéralement par l’employeur, l’autorité administrative n’a pas à contrôler cette proportionnalité s’agissant des PSE négociés. On relèvera d’ailleurs que les entreprises in bonis appartenant à un groupe sont plus fréquemment concernées par la signature d’un accord PSE que les entreprises qui n’appartiennent pas à un groupe (70 % contre 65 %) [14]. On peut donc se poser la question de l’effectivité de ce groupe de moyens appliqué à une faible partie des PSE établis unilatéralement (30 % donc). Mais on peut également considérer que ce groupe de moyens constitue une sorte de « référentiel minimum » dans les négociations de PSE. Dit autrement, si l’employeur refuse de consacrer au PSE des moyens à hauteur de ceux du groupe, le risque est que les organisations syndicales refusent de signer l’accord PSE. Les syndicats disposent ainsi d’un moyen de pression pour « gonfler » l’enveloppe, pas uniquement financière, allouée à un PSE négocié dans un groupe.

Si l’on reste focalisé sur les groupes de sociétés, l’analyse en sciences de gestion démontre bien que celui qui décide du nombre des suppressions d’emplois se situe au niveau du groupe, et que celui qui négocie, avec les syndicats, le contenu du PSE (indemnités et dispositifs d’accompagnement) est quant à lui au niveau de la filiale [15]. Il y a un exemple tout à fait surprenant dans l’étude où la direction d’un groupe a finalement été contrainte par l’autorité administrative de venir négocier le PSE au niveau d’une filiale [16]. Est-ce que le droit peut imposer à la société mère en tant qu’associée majoritaire de « descendre » à la table des négociations du PSE au niveau d’une de ses filiales ? Si le droit ne va pas aussi loin, il tient compte du fait que la décision de supprimer des emplois a été prise non pas au niveau de l’entreprise, mais au-dessus.

II. La prise en compte du processus décisionnel dans l’élaboration d’un PSE d’UES ou de groupe

Au sein d’une UES. La Cour de cassation considère depuis longtemps que si les conditions d’effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l’obligation d’établir un PSE s’apprécient au niveau de l’entreprise que dirige l’employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d’une UES, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES [17]. Même s’il est parfois délicat d’identifier avec précision ce lieu de décision au niveau de l’UES, la jurisprudence tient ainsi compte du fait que la décision de supprimer des emplois ait pu être prise à un niveau situé au-dessus de la société employeuse.

Au sein d’un groupe. La Directive n° 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs N° Lexbase : L9997AUS prend en considération l’appartenance d’une entreprise à un groupe de sociétés. Plus précisément, son article 2, § 4 prévoit que les obligations relatives à la procédure d’information et de consultation « s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur. En ce qui concerne les infractions alléguées aux obligations d’information, de consultation et de notification prévues par la présente directive, toute justification de l’employeur fondée sur le fait que l’entreprise qui a pris la décision conduisant aux licenciements collectifs ne lui a pas fourni l’information nécessaire ne saurait être prise en compte ». La Directive reconnaît elle-même explicitement que la décision de suppression d’emploi puisse provenir d’une société en contrôlant une autre [18]. C’est en ce sens que la Cour de justice a précisé, dans un arrêt Akavan, que « la Directive n° 98/59 déclenche les obligations qu’elle prévoit, notamment l’obligation de consultation prévue à son article 2, dans des situations dans lesquelles la perspective d’un licenciement collectif n’est pas directement le choix de l’employeur » [19]. Elle ajoute que « cette Directive rend l’employeur responsable du respect des obligations d’information et de consultation […] même si la décision concernant un licenciement collectif émane non de celui-ci, mais de l’entreprise qui le contrôle, et quand bien même il n’aurait pas été immédiatement et correctement informé de cette décision » [20].

La difficulté reste d’identifier avec précision le moment de déclenchement de l’obligation d’information et de consultation. La Cour de justice a décidé que « la Directive n° 98/59 doit être interprétée en ce sens que l’adoption, au sein d’un groupe d’entreprises, de décisions stratégiques ou de modifications d’activités qui contraignent l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs fait naître pour cet employeur une obligation de consultation des représentants des travailleurs » [21]. Autrement dit, une décision prise au niveau du groupe peut déclencher la procédure d’information et de consultation mise en œuvre par l’employeur au niveau de l’entreprise.

Si la Directive n° 98/59 et la jurisprudence européenne tiennent compte de la particularité du processus décisionnel au sein d’un groupe de sociétés conduisant à des suppressions d’emplois au niveau des filiales, elles ne vont pas jusqu’à imputer l’obligation d’information et de consultation à la société mère : « en effet, aucune disposition de cette directive ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle peut créer une telle obligation dans le chef de la société mère. Il s’ensuit qu’il incombe toujours à la filiale, en tant qu’employeur, de mener des consultations avec les représentants des travailleurs susceptibles d’être concernés par les licenciements collectifs envisagés et, le cas échéant, de supporter elle-même les conséquences du non-respect de l’obligation de consultation si elle n’a pas été immédiatement et correctement informée d’une décision de sa société mère rendant nécessaires de tels licenciements [22].


[1] V. Pasquier, R. Bourguignon et G. Schmidt, La négociation des Plans de Sauvegarde de l’Emploi, quels arbitrages ?, IRES, septembre 2020, spéc. p. 61 [en ligne]. Je remercie très sincèrement Rémi Bourguignon pour les échanges que nous avons eus à la suite de sa présentation de l’étude au colloque.

[2] CE, 1e-4e ch. réunies, 13 février 2019, n° 404556, Hardy Roux, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3041YXW,  spéc. cons. 10. En l’espèce, il s’agit plus précisément de l’obligation de reclassement dans son versant collectif.

[3] G. Auzero, L’élaboration du PSE : quel(s) niveau(x) ?, Lexbase Social, 23 novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7450BZX.

[4] V. not. M. Kocher, PSE négociés : quel contenu ? Quel suivi ? Compte-rendu d’une étude empirique, Lexbase Social, n° 965, 23 novembre 2023 N° Lexbase : N7425BZZ. Les accords PSE analysés dans cette étude sont à 95 % des accords d'entreprise appartenant elle-même à un groupe.

[5] C. trav., art. L. 1233-58, II, al. 2 N° Lexbase : L8650LGH.

[6] CE, 1e-4e ch. réunies, 7 février 2018, n° 397900, Tel and Com, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6158XC3 ; CE, 1e-4e ch. réunies, 24 octobre 2018, n° 397900, Tel and Com, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9495YH7 ; SSL, 2018, n° 1803, p. 4, concl. F. Dieu.

[7] Sur l’appréciation de ces dispositions du Code de commerce par le juge administratif, v. not. CE, 1e-4e ch. réunies, 21 juillet 2023, n° 435896, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08151C8.

[8] C. trav., art. L. 1233-3 N° Lexbase : L1446LKR et art. L. 1233-4 N° Lexbase : L7298LHR.

[9] C. trav., art. L. 2331-4 N° Lexbase : L7298LHR.

[10] S.-L. Gerber, Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur les PSE, JCP S, 2019, 1078, spéc. n° 29 : « la solution est cohérente avec l’objet du groupe de moyens du plan de sauvegarde de l’emploi. Les dispositions du Code du travail relatives au comité de groupe ont pour objet de régir l’information des représentants du personnel à un niveau supérieur à celui de l’entreprise. Il est logique que le périmètre du groupe au sens de ces dispositions n’inclue pas des sociétés qui n’exercent aucun contrôle, ayant pour seul objectif la prise de participation financière. En revanche, il n’y a pas raison d’exclure a priori la prise en compte de leurs moyens lorsqu’il est question d’appréhender les capacités notamment financières grâce auxquelles un groupe pourrait, le cas échéant, accepter de contribuer au financement d’un PSE ».

[11] CE, 4e-5e ch. réunies, 17 octobre 2016, n° 386306, Fobi, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6652R9A.

[12] F. Dieu, La définition des moyens du groupe pour apprécier le caractère suffisant des mesures du PSE, SSL, 2018, n° 1803, p. 14, spéc. p. 16 : « conformément à la lettre du 1° de l’article L. 1233-57-3 N° Lexbase : L9460LHT et à votre jurisprudence, les moyens dont disposent le groupe doivent s’entendre de tous les moyens, même non financiers. Le groupe peut en effet disposer de moyens autres que financiers, par exemple de moyens de formation ».

[13] S.-L. Gerber, op. cit., spéc. n° 31.

[14] Ces chiffres sont issus d’un document qui nous a été remis par la DGEFP au colloque organisé à Paris le 1er juin 2023, intitulé « Les plans de sauvegarde de l’emploi, 10 ans après la promulgation de la loi relative à la sécurisation de l’emploi (LSE) ». On y apprend également que la proportionnalité du PSE aux moyens du groupe est le second moyen le plus fréquemment soulevé devant le juge, derrière la régularité de la procédure d’information et de consultation. Cette proportionnalité se situe également sur la deuxième marche du podium en tant que motif d’annulation des décisions administratives portant sur le PSE derrière, cette fois-ci, le respect des critères d’ordre et des catégories professionnelles. Adde A. Gardin, Photographie contentieuse à partir des décisions du Conseil d’État relatives aux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), Lexbase Social, novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7421BZU.

[15] Les auteurs en sciences de gestion parlent de « contexte organisationnel ». R. Bourguignon, V. Pasquier et G. Schmidt, Saisir les différentes dimensions de la négociation des Plans de Sauvegarde de l’Emploi, Lexbase Social, n° 965, 23 novembre 2023 N° Lexbase : N7424BZY.

[16] V. Pasquier, R. Bourguignon et G. Schmidt, op. cit., spéc. p. 68 : « autre élément qui a joué un rôle important dans le processus, la Direccte, qui a réussi à faire venir à la table des négociations le PDG du groupe suisse exerçant une pression efficace notamment pour imposer de maintenir le site de Bizy pour les activités de la logistique et de la distribution ».

[17] Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-69.485, FS-P+B+R N° Lexbase : A5880GKY, Bull. civ. V, n° 258 ; Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3242G79, Bull. civ. V, n° 70 ; Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-16.947, FS-P N° Lexbase : A88594LP.

[18] Sur cette notion de contrôle, v. CJUE, 7 août 2018, aff. C-61/17, Bichat c. Aviation Passage Berlin GmBH N° Lexbase : A0046X34 ; RDT, 2018, p. 676, note G. Auzero.

[19] CJCE, 10 octobre 2009, aff. C-44/08, Akavan N° Lexbase : A8894EKM, spéc. § 42 ; RDT, 2010, p. 285, note S. Vernac.

[20] Ibid., spéc. § 43.

[21] Ibid., spéc. § 49.

[22] Ibid., spéc. § 69.

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Licenciement

[Actes de colloques] La prévention des risques professionnels lors de l’élaboration d’un PSE

Lecture: 19 min

N7350BZA

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par Luc de Montvalon, Maître de conférences à l’INU Champollion d’Albi, Institut de droit privé, Université Toulouse Capitole, EA 1920

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : licenciement pour motif économique • PSE • homologation • validation • santé et sécurité au travail • prévention des risques professionnels

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Depuis une décision rendue en juin 2020 par le tribunal des conflits, il appartient à l’administration de vérifier le respect par l’employeur de ses obligations en matière de santé et de sécurité avant d’homologuer ou de valider un plan de sauvegarde de l’emploi. Elle doit en particulier s’assurer que l’employeur a intégré le thème de la santé et de la sécurité à la procédure d’information et de consultation du CSE, mais également qu’il a mis en œuvre les mesures propres à prévenir l’ensemble des risques identifiés, le cas échéant. Si ce contrôle doit désormais être réalisé avant la mise en œuvre d’une restructuration assortie d’un PSE, cette décision n’a pas modifié les obligations de l’employeur, tenu d’évaluer et prévenir les risques pour la santé en cas de réorganisation, pour les salariés licenciés comme pour ceux amenés à rester dans l’entreprise.


Sept ans après la loi du 14 juin 2013, instaurant une procédure d’homologation ou de validation administrative des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) [1], le tribunal des conflits a apporté une réponse à une interrogation longtemps restée en suspens : le contrôle administratif et, partant, le contentieux administratif relatif au PSE, doit-il intégrer la question de la prévention des risques professionnels générés par le projet de réorganisation [2] ? Le 8 juin 2020, le juge départiteur a considéré que le contrôle du respect par l’employeur de ses obligations en matière de santé et de sécurité n’était « pas séparable » de ceux réalisés par la Dreets avant validation ou homologation du PSE [3]. Plus concrètement, l’administration doit vérifier la régularité de la procédure d’information et consultation du CSE ainsi que la mise en œuvre de mesures de prévention en application de l’article L. 4121-1 du Code du travail N° Lexbase : L8043LGY. Deux décisions du Conseil d’État du 21 mars 2023 ont apporté quelques précisions sur l’étendue de ce contrôle dans deux affaires relatives à l’homologation de PSE établis unilatéralement [4].

S’il faudra du temps pour que les questions de santé et de sécurité au travail soient pleinement intégrées dans la pratique des différents acteurs (entreprises, administration et juge administratif), les développements jurisprudentiels récents permettent à la fois de dessiner les contours du nouveau contrôle dévolu à la Dreets (I.) et d’identifier les mesures concrètes attendues de l’employeur dans le cadre d’une réorganisation assortie de l’élaboration d’un PSE (II.).

I. Les contours du contrôle administratif

En pratique, l’administration doit non seulement vérifier que l’employeur a intégré le thème de la santé et de la sécurité des travailleurs à la procédure d’information et de consultation du CSE (A.), mais également qu’il a respecté son obligation de sécurité en mettant en œuvre les mesures propres à prévenir l’ensemble des risques identifiés, le cas échéant (B.). Le dialogue social est fondamental pour évaluer les risques et débattre sur les mesures à privilégier pour protéger la santé des salariés, mais c’est bien l’employeur qui sera in fine responsable de la politique de prévention mise en œuvre en marge du projet de réorganisation.

A. Le respect de la procédure d’information-consultation

Saisie d’une demande de validation ou d’homologation d’un PSE, la Dreets doit d’abord contrôler la régularité de l’information et de la consultation des institutions représentatives du personnel. Il incombe en effet à l’employeur, dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un PSE, de réunir et consulter le CSE sur différents sujets, notamment, « le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail » [5]. Dans le cadre de cette consultation, il doit adresser aux représentants des informations leur permettant de prendre connaissance de ces conséquences. En d’autres termes, si l’employeur identifie un risque pour la santé des salariés pouvant résulter de la mise en œuvre du PSE [6], il doit en informer le CSE qui en tiendra compte lorsqu’il formulera son avis sur le projet envisagé.

L’administration vérifie logiquement que le dialogue social sur les conséquences sanitaires du projet a bien eu lieu, mais elle peut aussi être active à ce stade de la procédure. Elle peut en effet, spontanément ou sur demande du CSE ou d’un syndicat, « d’une part, adresser des observations et des propositions à l’employeur concernant le déroulement de cette procédure ou les mesures sociales prévues à l’article L. 1233-32 du Code du travail N° Lexbase : L6281ISG, d’autre part, enjoindre à l’employeur de fournir des informations, telles que celles relatives aux conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail et, le cas échéant, aux actions arrêtées pour les prévenir et en protéger les travailleurs » [7]. Ce faisant, elle concourt directement à la prévention des risques liés à la réorganisation et prévient, autant que possible, le risque de refus d’homologation en accompagnant l’employeur dans le respect de ses obligations[8].

B. Le respect par l’employeur de son obligation de sécurité

Au-delà de cette prérogative, l’administration doit surtout, depuis la décision du tribunal des conflits, s’assurer lors de l’homologation ou de la validation d’un PSE que l’employeur a bien respecté son obligation de sécurité au stade de l’élaboration du projet. De ce point de vue, le juge répartiteur n’a pas modifié ou étendu les obligations de l’employeur, mais a simplement permis d’identifier l’autorité en charge de contrôler le respect de celles-ci.

Il est acquis, depuis l’arrêt « Snecma » rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en 2008, que le juge judiciaire peut parasiter le pouvoir de gestion d’un employeur et suspendre une réorganisation si elle fait peser des risques sur la santé et la sécurité des salariés. En effet, l’employeur, tenu de mettre en œuvre les actions « nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » [9], ne peut, dans l’exercice de son pouvoir de direction, prendre des mesures « qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés » [10]. La jurisprudence ultérieure montre que l’existence de risques ne fait pas obstacle à une restructuration, à condition que l’employeur ait préalablement identifié les risques induits par le projet et pris les mesures d’accompagnement et de prévention nécessaires pour éviter leur réalisation [11]. Même si les risques psychosociaux, inhérents au changement, sont très prégnants dans un tel contexte, c’est l’ensemble des risques pour la santé physique et mentale qui doivent être pris en compte par l’employeur.

Lorsqu’un PSE est élaboré, l’administration va s’assurer du respect par l’employeur de son obligation de sécurité avant de l’homologuer ou de le valider. La Dreets doit vérifier que l’employeur a adressé au CSE « des éléments relatifs à l’identification et à l’évaluation des conséquences de la réorganisation de l’entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions arrêtées pour les prévenir et en protéger les travailleurs ». Dès lors que l’évaluation conduit « à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs », elle doit vérifier « si l’employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R du Code du travail qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard des ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs » [12]. Dans ses décisions, le Conseil d’État insiste sur l’attention particulière à porter à l’évaluation des risques qui ne peuvent être évités, à la planification de la prévention et à la priorité à donner aux mesures de prévention collective par rapport aux mesures de protection individuelles. Conformément aux principes généraux de prévention, l’employeur doit anticiper les risques, agir à la source et privilégier une approche planifiée, globale et organisationnelle de la prévention. Les autres principes énumérés par le Code du travail ne doivent cependant pas être négligés et font partie de la grille d’analyse du PSE à la disposition de l’administration.

D’un point de vue formel, rien ne semble imposer que les mesures de prévention soient directement intégrées au PSE, il est seulement prévu que le contrôle de ces mesures ait lieu en même temps que le contrôle du contenu du PSE. Les supports de la politique de prévention existent déjà et l’employeur devrait pouvoir privilégier une mise à jour du document unique (DUERP) et du programme de prévention, justifiée par une décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail [13]. Le PSE, lui, a davantage vocation à accueillir des mesures visant à éviter ou limiter les licenciements [14]. Quoi qu’il en soit, l’autorité administrative doit être mise en mesure de vérifier que l’employeur a correctement évalué les risques résultant du projet et, le cas échéant, a pris les mesures de prévention qui s’imposaient.

Cette nouvelle compétence de l’administration ne crée pas de nouvelle obligation à la charge de l’employeur par rapport à une réorganisation qui serait mise en œuvre sans être assortie d’un PSE. Un important changement de logique s’opère cependant : le plus souvent, la question du respect de l’obligation patronale de sécurité se pose devant le juge judiciaire, lorsqu’il est saisi d’une demande de suspension d’une réorganisation ; lorsqu’un PSE est établi, le contrôle réalisé par l’autorité administrative est réalisé automatiquement et systématiquement en amont de la mise en œuvre du projet. Si l’objectif est d’assurer l’effectivité du droit à la santé des salariés, il paraît assez rationnel qu’un PSE ne puisse être homologué ou validé et, par conséquent, qu’il ne puisse produire ses effets, si l’employeur n’a pas évalué ou prévenu les risques résultant de sa mise en œuvre. Le contrôle administratif a priori s’avère à cette fin pertinent, à la condition – non négligeable – qu’il soit de la même intensité que celui habituellement réalisé par le juge judiciaire. Sur ce point, la position du Conseil d’État s’avère pour le moment assez rassurante, même si elle devra être confirmée dans une décision relative à un PSE établi par voie négociée, en principe soumis à un contrôle moins exigeant [15].

II. Les mesures concrètes attendues de l’employeur

Une fois identifiés les points de contrôle sur lesquels l’administration doit porter son attention, il convient de présenter – de manière non exhaustive, car chaque réorganisation présente ses spécificités – ce qui est concrètement attendu de l’employeur pour satisfaire à ses obligations. Toute réorganisation produit des effets singuliers et doit faire l’objet de mesures de prévention adaptées. Pour cela, l’employeur doit d’abord évaluer minutieusement les risques générés par le projet en associant les représentants du personnel, dans le cadre de la consultation du CSE [16] ou de la négociation du PSE avec les délégués syndicaux. Une absence d’évaluation ou une évaluation défaillante empêche l’identification des risques et suffit à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, qui doit être sanctionné par la Dreets [17]. Les risques identifiés doivent ensuite être traités par des mesures de prévention primaire, en priorité des mesures collectives puis par les mesures de prévention secondaire nécessaires, pouvant prendre la forme de dispositifs de formation ou d’accompagnement des salariés. Les décisions du Conseil d’État permettent déjà d’affirmer que les mesures de prévention tertiaires, comme le suivi psychologique des salariés, aussi utiles soient-elles, ne peuvent constituer le socle de la politique préventive. Cette démarche de prévention des risques doit bénéficier autant aux salariés amenés à quitter l’entreprise (A.) qu’aux salariés rescapés qui vont devoir s’adapter à la nouvelle organisation du travail (B.).

A. La prévention des risques pour les salariés amenés à quitter l’entreprise

Il ressort des décisions du Conseil d’État du 21 mars 2023 [18] que la prévention des risques doit d’abord concerner les salariés amenés à quitter l’entreprise, y compris en cas de cessation d’activité. La disparition à venir de l’entreprise ne dispense en effet pas l’employeur de respecter son obligation de sécurité jusqu’à ce que les contrats soient effectivement rompus. La rupture imminente du contrat de travail est une importante source de risques psychosociaux : elle peut être vécue comme un manque de reconnaissance du travail réalisé jusqu’alors et place le salarié dans une situation d’insécurité économique [19]. Le suivi psychologique des salariés concernés, souvent envisagé, peut s’avérer utile, mais reste insuffisant ; il ne s’agit que d’une mesure de prévention tertiaire visant à accompagner des salariés sans chercher à éviter la réalisation des risques. En application des différents principes généraux de prévention, il incombe à l’employeur de réaliser une évaluation précise de ces RPS à la lumière, par exemple, de l’état du marché du travail dans la profession des salariés licenciés, de leur âge, ancienneté, expérience, compétences, etc. [20]. Cette évaluation doit déboucher sur des actions ciblées de formation ou d’accompagnement destinées à faciliter leur maintien ou retour dans l’emploi. Les mesures de prévention des risques coïncident ainsi avec les mesures attendues d’un PSE, visant à faciliter le reclassement des salariés licenciés [21]. Une bonne information sur la mise en œuvre du projet et les mesures de reclassement et d’accompagnement envisagées, ou encore le versement d’une indemnité de licenciement supérieure au minimum prévu par la loi figurent en outre parmi les mesures permettant de renforcer le sentiment de reconnaissance des salariés.

B. La prévention des risques pour les salariés rescapés

La prévention des risques doit ensuite – et surtout – concerner les salariés amenés à subir le changement, ceux qui ne seront pas licenciés lors de la mise en œuvre du PSE. La tâche est complexe, car ces salariés « rescapés » sont exposés à une grande variété de risques, pour leur santé mentale comme pour leur santé physique : les changements dans les techniques de production, le transfert de charge de travail [22], le syndrome du survivant [23] ou la crainte d’être soi-même licencié à court ou moyen terme [24] peuvent causer anxiété, burn-out [25], troubles du sommeil [26], augmentation des arrêts de travail [27], etc.

Les risques psychosociaux, d’abord, peuvent être évalués à l’aune de la nature ou de l’importance des changements envisagés : le stress étant en principe défini comme une réaction physiologique ou psychologique en cas d’inadéquation entre les exigences d’une situation et les ressources pour y faire face[28], d’importants changements vont nécessairement engendrer une crainte plus grande de ne pas pouvoir s’adapter à la nouvelle organisation du travail. Ils peuvent aussi être évalués au regard des raisons du projet et des objectifs attendus. Un projet indispensable à la survie de l’entreprise sera en effet probablement mieux accepté qu’une réorganisation productive afin de renforcer les profits d’une entreprise qui n’est pas en danger [29]. Pour prévenir ces risques, une information transparente doit être donnée aux salariés afin de les préparer au changement, en complément d’un éventuel suivi individuel.

Les autres risques, à la dimension plus collective, liés à l’organisation ou aux conditions de travail, doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’employeur. Les conséquences du projet sur la charge de travail des salariés rescapés – transfert de contraintes, modification dans les méthodes, les outils ou les conditions de travail, etc. – doivent impérativement être évaluées. Il est pour cela nécessaire d’identifier précisément les contraintes et les ressources induites par le changement et de réaliser un diagnostic rigoureux du transfert de contraintes vers les salariés appelés à réaliser les tâches des futurs licenciés [30]. À cette fin, plusieurs interrogations doivent être formulées : les tâches réalisées par les salariés licenciés vont-elles être externalisées, supprimées ou transférées aux rescapés ? Les outils existants ou les nouveaux outils induits par la réorganisation permettent-ils d’absorber un éventuel transfert ? Les salariés sont-ils formés aux nouvelles méthodes de travail envisagées ? Les objectifs – quantitatifs et qualitatifs – sont-ils compatibles avec une réduction des effectifs ? Etc.

Si cette évaluation conduit à identifier des risques, il faudra prendre les mesures de prévention qui s’imposent en cherchant à diminuer les contraintes ou à améliorer les ressources pour maintenir un équilibre et garantir, dans le temps, une charge de travail raisonnable pour l’ensemble des salariés affectés par la restructuration [31]. La ventilation des contraintes transférée doit à ce titre être réalisée, tandis que les objectifs devront rester réalistes après la mise en œuvre du PSE. S’agissant des ressources, les actions de formation et d’adaptation sont essentielles, pour les salariés, mais aussi pour le personnel encadrant chargé de déployer la nouvelle organisation du travail. En outre, les outils de travail et les procédures prescrites doivent être adaptés pour que le travail puisse être correctement réalisé [32], dans des conditions respectueuses de la santé de chacun.

Il est enfin important de voir à plus long terme et de planifier la prévention dans le temps dès la phase d’élaboration du PSE. Pour ce faire, il est pertinent de mettre en place des espaces de discussion sur le travail afin de permettre aux salariés de s’exprimer périodiquement sur le changement. Les échanges dans le cadre de tels espaces permettront de comprendre les écarts entre le travail tel qu’il a été pensé et prescrit et le travail tel qu’il est réellement exécuté, en tenant compte des stratégies d’adaptation et efforts de chaque salarié. Les actions de prévention pourront alors être adaptées en cas de besoin. Un calendrier de consultation du CSE peut aussi être instauré pour faire régulièrement le point avec eux sur les effets de la mise en place de la réorganisation.

Aucune solution préconçue ne peut en réalité être préconisée, car chaque projet est différent est présente des spécificités – changement dans les outils ou méthodes de travail, réduction des effectifs plus ou moins importante, changement du lieu de travail, des horaires, implémentation de nouvelles activités, nouvelle division du travail, etc. En définitive, il appartient à l’employeur de suivre à la lettre les principes généraux de prévention énumérés aux articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail. La grande élasticité de ces principes a justement vocation à les rendre adaptables à tout type de situation et à donner une grille de lecture uniforme au juge en cas de contentieux ou, ici, à l’administration dans le cadre de la procédure d’homologation ou de validation d’un PSE [33]. Évaluer les risques, prévenir les risques à la source, privilégier les mesures de prévention collective, adapter le travail à l’homme, tenir compte de l’état d’évolution de la technique… Plus que des actions prédéterminées, c’est une démarche préventive qui est attendue de l’employeur et c’est à la lumière de ces principes que l’administration est invitée à vérifier si l’employeur a correctement évalué les risques et si les mesures choisies par l’employeur étaient propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.


[1] Et, par extension, un bloc de compétence administrative pour toutes les contestations d’une décision de la Direccte (devenue Dreets).

[2] V. notamment D. Piveteau, Des frontières encore à préciser pour le juge du PSE, entr. F. Champeaux, SSL, 2019, n° 1846, p. 3 ; E. Lafuma, Prévention des risques et droit des réorganisations : dans les plus de la loi de sécurisation de l’emploi, la santé cherche son juge, Droit ouvrier, 2015, p. 340.

[3] T. confl., 8 juin 2020, n° C4189, JCP S, 2020, 2087, note A. Bugada.

[4] CE, 1e-4e ch. réunies, 21 mars 2023, nos 460660 et 460924, inédit N° Lexbase : A39099KY ; n° 450012, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A49979KB. Pour un commentaire plus complet de ces décisions, v. B. Gauriau, JCP S, 2023, 1124 ; L. de Montvalon, RDT, 2023, p. 476.

[5] C. trav., art. L. 1233-10 N° Lexbase : L8101LG7.

[6] L’évaluation des risques professionnels est une obligation incombant à l’employeur, y compris dans le cadre d’une réorganisation (v. infra).

[7] CE, 21 mars 2023, op. cit.

[8] Sur l’intérêt de l’intervention de la Dreets en cours de procédure d’élaboration, v. L. de Montvalon, P. Rozec & T. Le Gall, L’intégration de la prévention des RPS au PSE, pour quoi faire ?, RDT, 2023, p. 377.

[9] C. trav., art. L. 4121-1 et s N° Lexbase : L8043LGY.

[10] Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45.888, FS-P+B+R N° Lexbase : A3292D73, RDT, 2008. 316, obs. L. Lerouge ; Droit social, 2008, p. 605, obs. P. Chaumette.

[11] Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-20.173, FP-P+B N° Lexbase : A5324NUQ.

[12] CE, 21 mars 2023, op. cit.

[13] C. trav., art. L. 4121-3-1 N° Lexbase : L4414L7M et art. R. 4121-2 N° Lexbase : L0574MCA.

[14] C. trav., art. L. 1233-61 et s N° Lexbase : L7291LHI.

[15] C. trav., art. L. 1233-57-2 N° Lexbase : L8609LGX ; v. not. CE, 1e-4e ch. réunies, 19 juillet 2022, n° 436401, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36878CK.

[16] Les représentants du personnel sont des alliés précieux pour accompagner l’action de l’employeur, en participant à l’identification des risques et en formulant des propositions d’actions : v. not. C. trav., art. L. 2312-9 N° Lexbase : L8242LGD.

[17] B. Gauriau, note sous CE, 21 mars 2023, JCP S, 2023, 1124.

[18] Op. cit.

[19] M. Gollac (dir.), Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser, 2011, not. pp. 124 et 172 ; SNC, La santé des chercheurs d’emploi, enjeu de santé publique, Rapport sur l’emploi et le chômage et ses impacts, 2018 [en ligne].

[20] G. Basquine, P. Van Deth et A. Six, PSE et RPS : de la nécessité de placer l’humain au cœur des réorganisations, Cahiers du DRH, 2022, n° 298, p. 2.

[21] C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L7291LHI.

[22] M. Gollac, op. cit., pp. 165 et s. ; H. Lanouzière, Les restructurations et leurs effets sur la santé, SSL, 2013, n° 1582, p. 6.

[23] J. Brockner, « The Effects of Work Layoffs on Survivors : Research, Theory, and Practice », in B. Staw & L. Cummings (dir.), Research in Organizational Behavior, vol. 10, 1988, pp. 213-255 ; T. Kieselbach (coord.), La santé dans les restructurations : approches innovantes et recommandations de principe, Rapport HIRES, 2009, pp. 34-35.

[24] M. Gollac, op. cit, p. 162.

[25] S. W. A. Dekker et W. B. Schaufeli, The effects of job insecurity on psychological health and withdrawal : a longitudinal study, Aust. Psychol., 1995,n° 30, p. 57.

[26] I. Mattiasson, F. Lindgarde, J. A. Nilsson et T. Theorell, Threat of unemployment and cardiovascular risks factors : longitundinal study of quality of sleep and serum cholesterol concentrations in men threatened with redundancy, BMJ, 1990, n° 301, p. 461

[27] J. Vahtera, M. Kivimaki et J. Pentti, Effects of organisational downsizing on health of employees, The Lancet, 1998, vol. 350, n° 9085, p. 1124.

[28] H. Selye, The stress of life, New York, McGraw-Hill, 1956 ; R. S. Lazarus & S. Folkman, Stress, appraisal, and coping, New York, Springer, 1984.

[29] G. Basquine, P. Van Deth et A. Six, op. cit. ; v. aussi M. Gollac, op. cit., p. 168.

[30] Ce sujet était au cœur d’un contentieux relatif à une réorganisation à la Fnac : CA Paris, 13 décembre 2012, nos 12/17589 et 12/17601 N° Lexbase : A5667KCU ; Cass. soc., 5 mars 2015, n° 13-26.321, F‑D N° Lexbase : A9041NCT.

[31] Sur la notion de charge de travail raisonnable, v. L. de Montvalon, La charge de travail. Pour une approche renouvelée du droit de la santé au travail, LGDJ, Bibliothèque Droit social, t. 79, 2021, n° 577.

[32] L’activité empêchée ou le travail mal réalisé sont en effet une importance source de RPS : Y. Clot, Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux, Paris, La Découverte, 2010, p. 165 ; Y. Clot & M. Gollac, Le travail peut-il devenir supportable ?, Paris, Armand Colin, 2014, p. 225.

[33] A. Lucchini, E. Marant et F. Héas, Les perspectives du droit de la santé au travail, RDT, 2023, p. 311 ; H. Lanouzière, Prévenir les risques ou promouvoir la santé ? Comment passer d’une posture réactive à une démarche proactive ?, SSL, 2014, n° 1655 suppl., p. 29.

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[Actes de colloques] 10 ans après la loi « Sapin », la place du PSE dans le paysage des mutations économiques

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N7351BZB

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par Luc Bérard de Malavas, Directeur associé, cabinet d’expertise SECAFI

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • DREETS • négociation • rupture conventionnelle • RCC • APC • GPEC • loi « Sapin » • dialogue social • stratégie

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


La procédure des plans de sauvegarde de l’emploi a été revue en profondeur il y a dix ans à la suite de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Elle a accordé une place centrale à la négociation en sécurisant les entreprises, en réduisant la judiciarisation, en donnant un rôle important à l’administration, sous le contrôle du juge administratif, et en incitant les partenaires sociaux à la négociation sur le Livre I. En outre, cette primauté à la négociation s’est accompagnée d’une diversification des modes de rupture du contrat de travail conduisant à diminuer la place des PSE. Avec un risque certain concernant ces nouvelles formes de restructurations, car elles présentent, en partie, le risque de ne pas suffisamment prendre en compte la situation des salariés qui restent dans l’entreprise, en particulier s’agissant de leurs conditions de travail. Enfin, malgré l’instauration de l’information-consultation sur les orientations stratégiques, le dialogue social reste le grand absent de l’anticipation des restructurations.


Jusqu’à la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi N° Lexbase : L0394IXU  [1], dite loi Sapin ou « LSE », le PSE ne pouvait être présenté que sous la forme d’un document unilatéral de l’employeur, ce qui conduisait à limiter toute négociation formelle avec les représentants du personnel. La procédure d’information-consultation se déroulait le plus souvent sur un projet déjà abouti. L’autorité administrative disposait d’un pouvoir limité et peu contraignant pour réguler la procédure.

La conduite des restructurations se caractérisait par une forte conflictualité qui était source d’incertitudes pour les employeurs et les salariés et ne facilitait pas l’émergence de mesures favorables au reclassement de ces derniers. Pendant la période 2007-2011, 28 % des PSE des entreprises in bonis ont fait l’objet d’un recours devant le tribunal de grande instance (TGI), avec un taux d’appel élevé (40 % pour l’année 2011). Ces restructurations s’inscrivaient dans un cadre très judiciaire, auquel s’ajoutaient des délais de jugement élevés (11 mois devant le TGI et 18 mois en appel) [2].

La loi de 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a voulu remédier à ces maux en introduisant la possibilité d’instaurer un PSE par accord collectif, tout en maintenant la possibilité de le conclure par un document unilatéral. Les organisations syndicales (OS) sont ainsi devenues actrices de la construction du PSE. La LSE a également instauré des délais préfix d’information-consultation des instances représentatives du personnel, sources de forte sécurisation pour les entreprises.

Au cours des dix dernières années, notamment avec les ordonnances travail de septembre 2017, d’autres dispositifs de restructurations se sont développés, diversifiant les modes de rupture du contrat de travail et marquant un déséquilibre entre la prise en compte des salariés qui partent et celle de ceux qui restent. Avec, dès lors que se poursuivent les restructurations « à chaud », l’échec d’outils d’anticipation, telle qu’aurait pu l’être l’information-consultation du CSE sur les orientations stratégiques.

I. La montée en puissante contrainte de la négociation

A. La négociation devient centrale

La diversification des dispositifs de restructuration s’est accompagnée d’une montée en puissance de la négociation. Depuis la LSE, les RCC, GPEC avec congé de mobilité, APC et APLD [3], peuvent être conclus par accord collectif. Contrairement aux PSE, ces autres dispositifs de restructuration ne prévoient pas de consultation obligatoire du CSE. Ils sont nettement moins encadrés que le PSE par le Code du travail.

Avec une interrogation forte concernant la loyauté de la négociation.

Le fait qu’un PSE soit mis en œuvre par un accord majoritaire permet à l’employeur de bénéficier d’un contrôle réduit par la DREETS et de sécuriser la procédure en limitant le risque d’un refus d’homologation du PSE par la DREETS. Les organisations syndicales majoritaires disposent ainsi d’un levier important : l’obtention de leur signature leur permet d’exiger des mesures plus qualitatives. Au-delà des mesures sociales relatives à l’accompagnement et à l’indemnisation des salariés licenciés, la négociation porte également sur l’ingénierie sociale [4]. Les OS peuvent également mettre en balance leur signature sur le Livre I (mesures sociales du PSE) pour chercher à influencer le contenu du Livre II (projet de réorganisation lui-même), par exemple pour limiter le nombre des suppressions de postes.

En 2021, 60 % des 610 PSE validés et/ou homologués ont fait l’objet d’une validation d’accord, 36 % d’une homologation d’un document unilatéral et 4 % d’une procédure mixte [5]. Les PSE soumis au droit commun du licenciement font plus souvent l’objet d’une validation, pour deux tiers d’entre eux, tandis que ceux mis en œuvre dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire font plus souvent suite à l’homologation d’un document unilatéral, pour trois quarts d’entre eux.

Cependant, la négociation reste centrée sur le Livre I, en particulier sur les mesures sociales et des points d’ingénierie sociale, comme les catégories professionnelles et les critères d’ordre de licenciement, des compromis pouvant s’opérer entre ces éléments. La signature d’un accord majoritaire sur le Livre I ne signifie nullement accord des organisations syndicales sur le projet de restructuration (au sens de Livre II). L’avis sur le Livre II est ainsi, la plupart du temps, négatif, même en cas d’accord sur le Livre I.

Si la LSE permet aux OS, via le levier de leur signature du Livre I, une amélioration des mesures sociales, les leviers juridiques de contestation globale du projet de restructuration ont, en parallèle, été incontestablement réduits. La négociation des OS en est d’autant contrainte. De leur côté, les directions d’entreprise disposent du levier de l’absence ou d’une moindre indemnité supralégale de licenciement à défaut d’accord majoritaire, sachant que la DREETS ne contrôle pas ce point.

B. La baisse de la conflictualité en raison d’une négociation tripartite

Qui dit montée en puissance de la négociation, dit évolution de la forme des contentieux. La LSE a instauré un bloc de compétences au profit de l’administration qui intervient sous le contrôle du juge administratif qui doit statuer dans des délais brefs. Le tribunal administratif est compétent pour les contestations portant sur la décision de validation ou d’homologation de la DREETS qui intègre l’appréciation de la régularité de la procédure de licenciement collectif ou les décisions prises par l’administration dans le cadre de son pouvoir d’injonction. Le conseil de prud’hommes, quant à lui, reste compétent a posteriori pour les litiges individuels et pour statuer sur le motif économique. Auparavant, les contentieux devant le TGI opposaient le comité d’entreprise et les syndicats à l’employeur. Désormais, l’administration est partie au procès et défend ses décisions devant le juge administratif. Cela « déconflictualise » les relations sociales.

A noter par ailleurs que le phénomène de « danthonisation » [6] a encore limité les possibilités pour les représentants du personnel d’obtenir de l’administration qu’elle refuse l’homologation ou la validation du PSE, le refus ne pouvant se fonder que sur une irrégularité suffisamment déterminante pour avoir empêché le CSE de rendre un avis éclairé.

L’administration ne se contente pas d’intervenir au terme de la procédure. La fonction d’homologation ou de validation des PSE a nettement renforcé l’influence des DREETS. Ces dernières accompagnent les parties tout au long de la procédure, allant dans le sens d’une sécurisation accrue des entreprises. Elles jouent un rôle de tiers de confiance entre l’employeur et les représentants du personnel. Il est rare qu’un refus d’homologation ou de validation n’ait pas au préalable donné lieu à des remarques de l’administration. Les entreprises sont sensibilisées par la DREETS sur leurs obligations dans ce cadre. La faiblesse du taux de refus ou d’homologation des procédures de PSE entérine le résultat d’une négociation de plus en plus tripartite. Sur la période 2014-2018, le taux de refus d’homologation ou de validation s’est élevé à 4,4 % [7].

Le nouveau régime juridique des PSE a conduit à baisser le recours au contentieux administratif. Au plan national, fin mai 2014, le taux de recours était seulement de 8 % sur les 616 décisions prises par l’administration alors qu’il s’élevait à 25 % devant le tribunal de grande instance pour les PSE déposés avant la mise en place de la LSE. Logiquement, les PSE mis en œuvre par suite d’un accord négocié majoritaire génèrent encore moins de contentieux (5 %) [8]. Sur la période 2014-2018, la part des PSE portés devant le juge a été en moyenne de 6,5 % pour un taux d’annulation de 1,5 % [9].

II. Les modes de rupture de contrat de travail se sont diversifiés

A. Face à un recours moindre aux PSE, une poussée de l’individualisation des ruptures de contrat

Le PSE n’est plus l’outil unique de gestion de l’emploi. Les dispositifs de restructuration et de sortie de l’emploi se sont diversifiés. Avec les PDV [10], RCC, GPEC congé de mobilité et ruptures conventionnelles, les choix individuels des salariés ont davantage de place.

Les PSE sont historiquement faibles. Cette baisse démarre à l’issue de la crise de 2008 : dès 2010, le nombre de PSE est au plus bas depuis le début des années 2000. Cette baisse s’est poursuivie durant toute la décennie jusqu’à aujourd’hui, excepté lors de la crise du Covid-19. Alors que le nombre de PSE évoluait entre 200 et 300 chaque trimestre, il est descendu entre 100 et 150 en 2018 et 2019, puis en dessous de 100 depuis 2021. L’entrée en vigueur de la RCC en 2018 ne suffit pas à expliquer l’écart, entre 20 et 30 RCC (hors crise Covid) étant initiées chaque trimestre. Depuis son introduction en 2008, la rupture conventionnelle a fortement progressé.

Les évolutions respectives des PSE et des ruptures conventionnelles conduisent à s’interroger sur le lien entre les deux et sur une éventuelle substitution des secondes aux premiers. Sur ce point, le législateur est clair : une entreprise de plus de 50 salariés qui envisagerait de supprimer ou de transformer plus de 10 emplois sur une période de 30 jours ne pourrait se soustraire à la procédure de licenciement pour motif économique en concluant une rupture conventionnelle, car l’article L. 1233-61 du Code du travail N° Lexbase : L7291LHI dispose que l’employeur doit établir et mettre en œuvre un PSE pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. La rupture conventionnelle est possible pour toutes les autres situations.

Dans un arrêt du 19 janvier 2022 [11], la Cour de cassation, confirmant cette position, a constaté que de nombreuses ruptures conventionnelles étaient intervenues dans un contexte de suppression d’emplois dû à des difficultés économiques et qu’elles s’inscrivaient dans un projet global et concerté de réduction des effectifs au sein de l’entreprise. Elle a jugé en conséquence que les ruptures conventionnelles, dans ce cadre précis, doivent être prises en compte pour déterminer les obligations de l’employeur en matière de PSE.

Dans le cas spécifique de grappes dispersées de ruptures conventionnelles ayant une cause économique, mais difficiles à identifier et à agréger dans certaines entreprises, surtout celles comportant plusieurs sites, il serait nécessaire d’octroyer des moyens supplémentaires aux DREETS pour leur permettre d’opérer leur contrôle sur l’homologation des ruptures conventionnelles individuelles, y compris à l’aide de compilation des demandes de ruptures conventionnelles effectuées dans des périmètres géographiques différents.

B. Des réponses adaptées aux besoins des entreprises

Les dispositifs de restructuration ont des objectifs différents : certains encadrent la rupture des contrats, d’autres ont pour objet de maintenir l’emploi.

Le PSE vise à supprimer des postes avec ruptures de contrats de travail.

Les RCC et GPEC avec congé de mobilité constituent des formes de départ volontaires et aboutissent à des ruptures de contrats de travail d’un commun accord, sans motif économique, mais sans pour autant obligatoirement supprimer les postes.

L’APC vise, quant à lui, à modifier les contrats de travail des salariés sur la rémunération, le temps de travail et/ou la mobilité (géographique et fonctionnelle) afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi, puisque les stipulations de l’accord supplantent celles du contrat pour sa durée d’application. Le refus du salarié de modifier son contrat peut entraîner son licenciement (dans une procédure individuelle sans avoir à justifier d’un motif économique).

L’APLD permet la mise en place d’heures chômées sur une durée maximum de trois ans, avec une compensation par l’État afin de maintenir l’emploi et les compétences. Ce dispositif qui fait suite à une initiative des partenaires sociaux [12] a permis de sauver des emplois. Il a donc permis d’éviter des PSE.

Enfin, le dispositif de Transitions collectives (Transco) vise à favoriser la mobilité des salariés positionnés sur des métiers fragilisés vers des emplois stables dans d’autres entreprises. Sa complexité ne lui a cependant pas permis de toucher un large public.

Ces différents dispositifs constituent des réponses plus adaptées aux besoins des entreprises. Ce faisant, ils peuvent éviter des PSE. L’exemple le plus flagrant a été celui de l’APLD.

III. Améliorer le cadre des restructurations

A. Les dispositifs de restructuration existants ont montré leurs limites

Les nouvelles formes de restructurations, issues notamment des ordonnances de septembre 2017, présentent un cadre légal beaucoup plus souple que celui du PSE, ce qui peut constituer des limites à une négociation sur des fondements équilibrés.

L’accord de RCC est centré sur le nombre de ruptures de contrats de travail et des mesures sociales pour les salariés qui partent, avec un simple contrôle de régularité de la DREETS. Ce dispositif n’impose pas la réalisation d’un réel diagnostic économique préalable, aucune organisation cible n’est présentée dans le même temps (une consultation éventuelle du CSE organisée a posteriori sur l’organisation cible et les impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés apparaîtrait sans effet réellement utile) et aucune expertise légale n’est prévue. Le risque est que la négociation « oublie » la situation des salariés qui restent, notamment de leurs conditions de travail. La négociation préalable d’un accord de méthode pour éviter ces écueils peut ainsi s’avérer utile.

L’accord GPEC avec congé de mobilité ne donne lieu à aucun plafond de nombre de ruptures de contrats de travail et aucun contrôle de la DREETS. Une récente jurisprudence de la Cour de cassation [13] est venue utilement préciser qu’un projet de réorganisation doit obligatoirement donner lieu à consultation du CSE, même si la réorganisation découle de la mise en œuvre de l’accord GPEC.

L’accord de performance collective (APC) présente, quant à lui, le risque d’un déséquilibre réel [14], notamment dans les entreprises sans organisation syndicale et/ou de petite taille. L’ajout dans l'article L. 2254-2 du Code du travail N° Lexbase : L9871LL8 de clauses obligatoires permettrait d’éviter, voire de limiter, des négociations déséquilibrées : clause de maintien de l’emploi sur une durée définie, clause de retour à meilleure fortune, efforts proportionnés des dirigeants et actionnaires par rapport aux salariés, accord conclu à durée déterminée.

La recherche de compromis équilibrés nécessite de donner des moyens supplémentaires aux représentants du personnel, afin que les négociations puissent se dérouler en toute loyauté : un diagnostic économique, autant que possible partagé, de la situation de l’entreprise, une articulation entre le projet d’accord et le projet de réorganisation qui va de pair et qui donnera lieu à information-consultation du CSE, un droit à expertise financé par l’entreprise. La négociation doit intégrer tous les paramètres, de la nécessité de la restructuration aux impacts pour les salariés qui partent et pour ceux qui restent.

B. L’anticipation ne sera au rendez-vous qu’en redonnant une place centrale au dialogue social sur la stratégie

Lors de la mise en place d’un PSE, par voie négociée ou unilatérale, le CSE fait l’objet d’une double consultation : l’une sur le projet de restructuration ou de réorganisation (Livre II du Code du travail) et l’autre sur le projet de licenciement, c’est-à-dire le PSE lui-même incluant les mesures sociales (Livre I du Code du travail). La LSE a offert la possibilité d’ouvrir les négociations du Livre I en amont de l’ouverture du Livre II, ce qui a eu pour corollaire leur déconnexion. Ainsi, quand la négociation se limite aux seules mesures sociales de manière stricte, le débat sur le projet économique devient secondaire et la présentation du rapport d’expertise apparaît formelle et sans effet [15]. Par conséquent, pour favoriser la négociation sur les choix stratégiques de l’entreprise, il est indispensable de ne pas déconnecter l’examen du Livre I de celui du Livre II.

Au-delà, il est plus que pertinent que les représentants du personnel et leurs experts puissent intervenir le plus en amont possible en cas de restructuration à venir, idéalement avant le lancement de la procédure. L’information-consultation sur les orientations stratégiques et les conséquences sur l’emploi (ICOS) permet aux élus et à la direction d’échanger précocement sur la situation économique de l’entreprise. Or, dans les faits, l’ICOS conduit davantage à préparer les élus à l’éventualité d’un PSE qu’à le prévenir ou proposer des alternatives [16]. Pour deux raisons principales : l’incapacité des entreprises à prévoir leur stratégie à un horizon suffisamment lointain pour anticiper leurs besoins en matière d’emploi et de compétences et les adaptations progressives qui en découlent [17] ; le blocage du dialogue social sur la stratégie de l’entreprise, comme l’a illustré le baromètre du dialogue social du Groupe Alpha [18]. Si ce sujet fait partie des plus discutés en réunion de CSE, en revanche, il est celui pour lequel l’écart de sentiment d’influence entre directions et représentants du personnel est le plus grand, ce qui illustre la difficulté pour les représentants du personnel à peser sur les décisions avant qu’elles ne soient prises.

Pour renforcer le dialogue sur la stratégie, pourquoi ne pas renforcer la présence d’administrateurs salariés au conseil d’administration [19], lieu où se discutent et se prennent les décisions.

Conclusion

Si la multiplication des dispositifs de restructuration a sécurisé les entreprises, il n’en est pas de même pour les salariés. Ceux qui partent de l’entreprise ne sont, par définition, pas concernés par les effets futurs dans l’entreprise de la suppression éventuelle du poste qu’ils occupaient. Leur situation comparative dépend des mesures sociales et des dispositifs de reclassement dont ils vont bénéficier. La diversité des situations rend impossible un constat univoque.

Pour les salariés qui restent dans l’entreprise, l’organisation qui résultera de la restructuration et les effets des réductions d’effectifs sur leurs conditions de travail sont insuffisamment pris en compte par les partenaires sociaux. Il en résulte une exposition potentielle à des risques psychosociaux. Nous proposons alors deux voies d’amélioration. La première viserait à renforcer la prévention en s’appuyant sur la parole des salariés, suivant en cela la proposition des Assises du Travail d’« ajouter un dixième principe général de prévention à l’article L. 4121-2 du Code du travail N° Lexbase : L6801K9R : écouter les travailleurs sur la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail et les relations sociales ». La deuxième voie d’amélioration consisterait à renforcer les instances de proximité afin de mieux assurer la captation de signaux faibles au sein des collectifs de travail dans un contexte où la diversité des dispositifs de restructuration a renforcé la désolidarisation du collectif dans le rapport au travail.

Du point de vue des dispositifs eux-mêmes, les nouvelles formes de restructurations présentent un cadre légal beaucoup plus souple que celui du PSE, ce qui peut constituer des limites à une négociation sur des fondements équilibrés. Apporter des ajustements à ces dispositifs serait ainsi de nature à mieux sécuriser les salariés.


[1] Cette loi fait suite à l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

[2] Cour des comptes, Les dispositifs de l’État en faveur des salariés des entreprises en difficulté, Rapport public thématique, 27 juillet 2020 [en ligne].

[3] Les signataires des RCC sont très majoritairement des délégués syndicaux (à 82 %), proportion stable depuis trois ans. Les APC sont signés majoritairement par des DS (à 51 %). Le pourcentage est plus faible, car ils sont conclus le plus souvent dans les PME (en 2020, 66%  des APC ont été signés dans les PME de 11 à 250 salariés).

[4] Détermination des salariés licenciés (indication des catégories professionnelles et des critères d’ordre de licenciement), reclassement interne, éventuelle phase de départ volontaire, etc.

[5] SI-Rupco (DREETS-DGEFP) et Dares.

[6] Par référence à la jurisprudence Danthony (CE, 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9048H8M) par laquelle le Conseil d’État a posé le principe selon lequel tout vice de procédure n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation d’un acte administratif

[7] Chiffres du ministère du Travail cités par Cour des comptes, Les dispositifs de l’État en faveur des salariés des entreprises en difficulté, Rapport public thématique, 27 juillet 2020.

[8] DREETS Centre-Val-de-Loire, Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) : priorité au dialogue social, 30 septembre 2014 [en ligne].

[9] Chiffres du ministère du Travail cités par Cour des comptes, Les dispositifs de l’État en faveur des salariés des entreprises en difficulté, Rapport public thématique, 27 juillet 2020.

[10] Le PDV autonome est une forme de PSE excluant tout départ contraint.

[11] Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-11.962, F-D N° Lexbase : A19867KR.

[12] « Manifeste de propositions pour préserver l’emploi et les compétences et construire l’industrie de demain » signé le 18 mai 2020 par l’UIMM et trois organisations syndicales représentatives de la métallurgie (CFDT, CFE-CGC et FO).

[13] Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-17.729, FS-B+R N° Lexbase : A39249LW.

[14] Comme cela a été souligné par le rapport du comité d’évaluation des ordonnances « travail ».

[15] Groupe Alpha, Ires, Orseu, Syndex (2016), Évolution des comités d’entreprise : effets et usages des nouveaux outils de consultation issus de la Loi de Sécurisation de l’Emploi (LSE), rapport de recherche pour la Dares [en ligne].

[16] Ibid.

[17] Centre Études & Prospective du Groupe Alpha, Cerege (2012), Accords d’entreprises sur la GPEC : réalités et stratégies de mises en œuvre, rapport de recherche pour la DARES, volume 1 [en ligne], volume 2 [en ligne].

[18] L’entreprise est-elle un lieu de démocratie sociale ?, 2e baromètre du dialogue social du Groupe Alpha, 21 mars 2023 [en ligne].

[19] La loi PACTE a introduit une amélioration, mais la participation des salariés au conseil d’administration reste insuffisante.

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[Actes de colloques] PSE négociés : quel contenu ? Quel suivi ? Compte-rendu d’une étude empirique

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N7425BZZ

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par Marguerite Kocher, Maître de conférences à l’Université de Lorraine, membre de l’Institut François Gény (EA 7301)

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • négociation • contenu • suivi • étude • tendance• reclassement

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Une ambition forte de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 [1] était d’enrichir le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) par le dialogue social. L’étude d’impact du projet de loi soulignait la tendance à la « surenchère indemnitaire » des PSE « au détriment de la sécurisation [des] parcours professionnels », au risque de remettre en cause « l’équilibre du contenu du PSE » [2]. Dans ce contexte, et fort de l’expérience d’États européens voisins, la loi de sécurisation de l’emploi prend le parti d’encourager l’élaboration du PSE par la voie négociée. Dix ans après, on se félicite du franc succès rencontré. Les statistiques sont là [3]… mais ne disent rien de ce qui est négocié. Au-delà des chiffres, il est apparu nécessaire d’analyser le contenu même PSE négociés [4]. C’est très naturellement que les étudiants du Master 2 Dialogue de l’Université de Lorraine [5], intéressés par la thématique, ont été sollicités pour constituer un groupe de recherche.

Le contexte de la recherche n’a pas été simple, et ce, dès le départ, avec la constitution du panel de notre étude. Les accords collectifs portant PSE ne sont pas publiés sur Légifrance. Or, ni les entreprises de la région Grand Est contactées [6] ni la Dreets Grand Est n’ont souhaité communiquer. Le succès n’a pas plus été au rendez-vous auprès des cabinets d’avocats spécialisés, pour des questions de confidentialité. Nous avons finalement pu constituer un panel de trente accords collectifs en activant nos réseaux professionnels personnels [7]. Notre panel concerne des accords collectifs conclus entre 2016 et 2023 [8], principalement par des entreprises in bonis [9] du secteur industriel [10], implantées dans la région Grand Est [11] et membres d’un groupe [12]. Nous n’avons pas cherché à constituer un panel représentatif de la réalité du tissu socio-économique concerné par la mise en place d’un PSE. Notre objectif de recherche n’était pas de donner une photographique statistique fidèle, mais de dégager des tendances, de relever des éléments remarquables, d'identifier des problématiques émergentes. Dans cette perspective, l’analyse s’organise autour de trois hypothèses de recherche qui concernent le contenu du PSE négocié (I.), le processus de négociation collective (II.) et le suivi du PSE (III.).

I. Le contenu du PSE négocié : constat, mesures notables et tendance

Le contenu du PSE, parce qu’il a été négocié, offrirait des garanties supérieures aux salariés, un accompagnement dans la sécurisation de leur parcours professionnel de plus grande qualité. Cette conviction se vérifie-t-elle en pratique ? À défaut de pouvoir se livrer à une analyse comparée entre PSE négociés et PSE unilatéralement mis en place, l’analyse s’est attachée à apprécier le contenu du PSE négocié, par rapport au contenu prévu par les articles L. 1233-61 N° Lexbase : L7291LHI à L. 1233-63 N° Lexbase : L8596LGH du Code du travail.

Le constat général est celui de l’homogénéité des mesures entre les accords collectifs des entreprises, hors procédure collective [13]. Le constat est flagrant dans l’accompagnement des salariés à la mobilité. L’ensemble des accords des entreprises in bonis prévoient des mesures types d’accompagnement à la mobilité interne ou externe (recours à une cellule de reclassement ou à un cabinet de reclassement, aide au déménagement, au logement, voyage de reconnaissance…), assorties le plus souvent d’une indemnité temporaire dégressive, d’une période d’adaptation, du service d’un point information conseil (PIC). Un début d’explication est peut-être à rechercher du côté des cabinets spécialisés dans les restructurations et le reclassement. Le constat vaut aussi s’agissant des indemnités de rupture. Deux tiers des accords prévoient des indemnités supra-légales ; quelques accords, le paiement des indemnités en net pour limiter l’effet des cotisations sociales. Bien que les indemnités de rupture soient un élément important de la négociation, il ne résume de loin pas l’intérêt à négocier le PSE [14], ce qui constitue une évolution par rapport au constat fait à l’époque par l’étude d’impact du projet de loi du 14 juin 2013. Ce constat dressé, une analyse détaillée des accords permet de relever des mesures notables.

Des mesures notables concernent le reclassement interne et externe. Concernant le reclassement interne, trois mesures ont retenu l’attention. La première concerne une étude d’employabilité des salariés menée à partir d’une démarche de gestion des emplois et des parcours professionnels, qui permet d’identifier de nombreuses passerelles métiers favorables au reclassement interne des salariés et souligne l’intérêt d’une telle démarche dans le contexte d’un PSE. La deuxième est une mesure de reclassement interne anticipé consistant, avec l’accord du CSE, à optimiser le processus de reclassement interne, en proposant des postes disponibles au sein du groupe dès la phase d’information et de consultation et de négociation. La troisième prévoit le maintien des recherches de reclassement interne à l’étranger [15]. Cela concerne les deux tiers des entreprises du panel appartenant à un groupe international, ayant signé un accord après l’entrée en vigueur des ordonnances « Macron », ce qui est significatif. Sans doute l’implantation des entreprises situées en région Grand Est est à prendre en compte, mais cela témoigne tout de même du maintien volontaire de pratiques au-delà des obligations légales [16].

En matière de reclassement externe, trois types de mesures vont bien au-delà des obligations légales. Il s’agit tout d’abord de l’incitation à l’embauche par une entreprise extérieure, aide financière chiffrée accordée pour une embauche en contrat à durée indéterminée après validation de la période d’essai. Peut ensuite être signalé, le reclassement externe anticipé qui consiste en une suspension du contrat de travail d’un salarié qui trouverait un emploi à durée indéterminée avant la date de notification de son licenciement. Des mesures de reclassement spécifiques prévues par la branche peuvent enfin être relevées, certains accords mentionnant avoir saisi la CPNE, la Commission paritaire territoriale de l’emploi ou l’UIMM dans leurs recherches d’emplois externes. C’est l’occasion ici de relever le rôle des branches professionnelles en matière de reclassement, qui mériterait d’être développé au niveau territorial notamment, l’espace de mobilité effectif du salarié étant davantage le bassin d’emploi que le groupe.

Une tendance. L’analyse détaillée des accords permet également de révéler une tendance : la prise en compte dans l’accord collectif de la prévention des risques psychosociaux. Les décisions du tribunal des conflits du 8 juin 2020 [17] et, plus récemment, du Conseil d’État du 23 mars 2023 [18], sont en la matière bien connues. Dans le cadre de son contrôle de la procédure d’information et de consultation du CSE et des mesures du PSE, l’autorité administrative doit contrôler le respect de l’obligation de sécurité [19] et de prévention des risques professionnels [20] de l’employeur dans les modalités d’application de l’opération de restructuration projetée. En mettant ainsi l’accent sur la prévention des risques psychosociaux dans le cadre du contrôle administratif du PSE, les parties à la négociation sont-elles incitées à se saisir de cette thématique [21] ? Quelle est sa réception en pratique ? Les résultats de notre panel nous semblent de ce point de vue significatifs. Sur trente accords, un peu plus de la moitié, dix-sept exactement, prévoient des mesures relatives à la prévention des risques psychosociaux et la majorité de ces accords ont été signés postérieurement à la décision du Tribunal des conflits du 8 juin 2020. Bien que ces mesures, lorsqu’elles existent, relèvent davantage de la prévention tertiaire que de la prévention primaire [22], elles soulignent ici l’appropriation par les parties à la négociation de cette thématique et un contenu enrichi du PSE.

De ces premiers éléments d’analyse, il ressort nettement que les PSE négociés ne se réduisent pas à déterminer le montant d’indemnités supra-légales, leur contenu plus diversifié porte bien aussi sur l’accompagnement des salariés dans la sécurisation de leur parcours professionnel. Fort de ce premier constat, l’analyse s’est ensuite concentrée sur le processus de négociation du PSE.

II. Le processus de négociation du PSE : déficit d’appropriation et contexte social

Si l’impossibilité d’obtenir certaines données [23] n’a pas permis de vérifier l’hypothèse d’une corrélation entre le processus de négociation et la qualité du contenu du PSE, il est toutefois possible d’apporter deux éléments d’appréciation.

Le premier porte sur un déficit d’appropriation par les acteurs de moyens d’action permettant d’améliorer la qualité des négociations. Tel est le cas de l’accord de méthode dont la conclusion permet aux acteurs du dialogue social d’organiser le processus de négociation, d’en connaître les enjeux, son objet et son calendrier. Un peu plus d’un quart seulement des accords du panel mentionnent avoir négocié un accord de méthode. Sur les huit accords, trois mentionnent simplement la négociation d’un accord de méthode sans préciser le contenu ; les cinq autres prévoient un allongement du délai préfixe de la procédure d’information consultation du CSE ; trois l’attribution de moyens supplémentaires au CSE et délégués syndicaux et un seul prévoit le recours à l’expert. Tel est également le cas du recours à l’expert prévu à l’article L. 1233-34 du Code du travail N° Lexbase : L1444LKP, dont il est fait mention dans un peu plus de 15 % des accords et dont la mission se limitait, dans notre panel, à l’aspect économique du PSE. Or, la mission de l’expert peut aussi bien porter sur les domaines économique et comptable que sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail ; surtout, le CSE peut mandater un expert afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour mener la négociation du PSE. Les partenaires sociaux ne se saisiraient pas ou imparfaitement de ces leviers d’action qui contribuent pourtant à la loyauté et la qualité des négociations.

Le second concerne le contexte social. Nous n’avions aucune donnée, à l’exception d’une entreprise du panel dans laquelle une grève a éclaté. Cette grève n’a pas mis fin à la négociation, comme on aurait pu le penser, mais a débouché sur la signature d’un accord de fin de conflit qui a enrichi le PSE. Deux mesures sont intéressantes. L’accord prévoit, d’une part, que les dispositions négociées dans le cadre du PSE seront applicables aux prochains PSE, ce qui, dans un mouvement de restructuration permanent, est un enjeu de négociation. Il prévoit, d’autre part, que l’indemnité de rupture négociée dans l’accord collectif portant PSE sera aussi versée aux salariés qui quitteront l’entreprise par rupture conventionnelle ou licenciement pour inaptitude physique (jusqu’à une certaine date). Le conflit social n’est pas antinomique de la négociation, il en fait ici partie.

Ces éléments confortent l’intérêt qu’il y aurait à poursuivre l’hypothèse d’une corrélation entre le processus de négociation et le contenu du PSE et à préciser les connaissances en ce domaine, comme d’ailleurs celles relatives à l’organisation du suivi du PSE dont on sait peu de choses [24].

III. L’organisation du suivi du PSE : plan de reclassement et au-delà

Aux termes de l’article L. 1233-63 du Code du travail N° Lexbase : L8596LGH, le PSE détermine « les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l’article L. 1233-61 ». Comment les accords organisent-ils concrètement ce suivi qui correspond aussi à une exigence d’effectivité ? La commission de suivi s’est imposée en pratique là où le Code du travail ne l’imposait pas. Au-delà de ce constat, deux catégories d’accord peuvent être distinguées : la première, majoritaire, adopte une approche formelle et a minima de l’obligation légale ; la seconde traduit la volonté des acteurs de mettre en place un dispositif de suivi efficace des mesures de reclassement, voire même d’aller au-delà de cette seule mission.

Le suivi des mesures du plan de reclassement. Quelles sont les mesures favorables à un suivi effectif de la commission ? Tout d’abord, les accords qui prennent le soin de détailler l’objet du suivi et donc de clarifier le champ d’action de la commission, se distinguent de ceux qui se contentent d’un rappel à la loi succinct [25]. Ensuite, un suivi effectif suppose d’organiser l’accès à l’information de la commission en prévoyant par exemple un compte rendu d’activité du prestataire chargé du reclassement, la nature des informations que la direction doit communiquer, et des réunions. La quasi-totalité des accords prévoit des réunions périodiques, mais se réunissent-elles vraiment en pratique ? Sont, de ce point de vue, intéressants, les accords qui fournissent un calendrier prévisionnel et choisissent d’adapter le rythme des réunions en fonction des étapes du PSE. Enfin, la composition de la commission peut jouer un rôle dans le suivi effectif, lorsqu’elles prévoient, outre un représentant de la Dreets, un représentant de Pôle emploi, un représentant du cabinet de reclassement. Ces différentes modalités de suivi sont de nature à favoriser un suivi effectif du reclassement. Surtout, le rôle de la commission peut aller au-delà du suivi des mesures du plan de reclassement stricto sensu.

Au-delà du suivi des mesures du plan de reclassement. Certains accords prévoient ainsi l’extension du suivi de la commission au budget du PSE, à la résolution des conflits d’interprétation du PSE. La commission peut aussi être force de proposition pour améliorer l’efficacité de la mise en œuvre du plan, ou avoir le pouvoir de formuler des avis consultatifs, voire de prendre des avis conformes en matière de formation, de création ou reprise d’entreprise [26]. Elle peut même se voir attribuer un véritable rôle décisionnaire pour décider d’un dépassement de budget pour financer une formation, attribuer le bénéfice d’une formation à un salarié ou encore statuer sur des réclamations de salariés portant sur la réalisation du PSE. Lorsque les missions de la commission de suivi sont plus diversifiées, se pose la question des moyens de la commission, certains accords peu nombreux prévoyant des crédits d’heures supplémentaires. Dans le cas où la commission a le pouvoir de rendre des avis, de prendre des décisions, on constate que la prise de décision devient un enjeu. Des accords détaillent sur ce point précisément les cas de partage des voix, la décision finale appartenant le plus souvent à la direction, parfois après avis de l’autorité administrative [27]. La diversification des missions de la commission de suivi a aussi un impact sur sa composition. On constate fréquemment la présence des représentants de la DDETS, de Pôle Emploi, d’un cabinet de reclassement. Plus étonnante est l’extrême diversité des représentants salariés, certains accords prévoyant la présence de membres du CSE, sans présence syndicale, d’autres l’inverse, ou encore la présence du CSE et des syndicats.

Pour finir, nous nous demandons s’il n’y a pas un rôle émergent pour la commission de suivi : veiller à la prévention des risques psychosociaux au cours de l’exécution du PSE [28].

En conclusion, cette recherche sur les PSE négociés permet de préciser certaines hypothèses, d’identifier certaines tendances. Elle soulève aussi plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Elle est une invitation, au-delà des difficultés d’accès aux données, à poursuivre l’étude contextualisée d’un processus de négociation dont l’accord collectif portant PSE n’est pas l’aboutissement, mais qu’une étape.


[1] Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi N° Lexbase : L0394IXU

[2] Assemblée nationale, Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Etude d’impact, 5 mars 2013, p. 35 [en ligne].

[3] En 2021, 60 % des 610 PSE validés et/ou homologués ont fait l’objet d’une validation d’accord. Source : SI-Rupco (DREETS-DGEFP) ; calculs Dares.

[4] En sciences de gestion : V. Pasquier, R. Bourguignon et G. Schmidt, La négociation des plans de sauvegarde de l’emploi, quels arbitrages ? Rapport final, septembre 2020, 106 p. [en ligne].

[5] J’adresse tous mes remerciements à Camila Delle Monache, Claire-Armelle Kolou, Eudaine-Mercia Kibangou et Clarisse Laithier pour leur travail d’analyse, sans lequel cette étude n’aurait pu aboutir.

[6] Pour des raisons de confidentialité, mais aussi parce que le sujet est sensible, douloureux même pour certains directeurs des ressources humaines.

[7] La question de l’accès à ces données reste toutefois posée, notamment pour les besoins de la recherche. Dans notre cas, nous avons dû adapter nos hypothèses de recherche en conséquence. Certaines questions restent dans l’angle mort, ainsi de l’analyse comparée entre les accords portant PSE et les documents unilatéraux ou du rôle de l’autorité administrative au cours de la négociation collective sur le contenu du PSE. De même, il ne nous était, par exemple, pas possible de contacter les entreprises du panel, les accords collectifs nous ayant été communiqués à titre strictement confidentiel.

[8] Dont 13 accords conclus avant 2020 et 17 accords en 2020 et après.

[9] A plus de 90 %. Seules deux entreprises du panel étaient en procédure collective.

[10] A plus de 70 % et 26 % pour le secteur tertiaire.

[11] A hauteur de 53 %.

[12] 95 % des accords concernent une entreprise appartenant à un groupe dont 80 % à un groupe international.

[13] Les deux accords collectifs portant PSE d’une entreprise en difficulté de notre panel se distinguaient nettement des autres accords par leur contenu minimaliste. Le nombre réduit ne nous permet pas de tirer de conclusion même si des hypothèses (moyens financiers réduits, délais contraints de procédure, obligations allégées du liquidateur) peuvent être avancées.

[14] D’autant que l’indemnité supra-légale entraîne un différé spécifique d’indemnisation, hors contrat de sécurisation professionnelle.

[15] Un des accords prévoit même un questionnaire préalable de reclassement à l’étranger pourtant abrogé.

[16] Et alors même que le contrôle administratif de validation de l’accord ne porte pas sur le caractère suffisant du PSE au regard des moyens du groupe ; C. trav., art. L. 1233-57-2 N° Lexbase : L8609LGX ; CE, 7 décembre 2015, n° 386582, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6209NYM.

[17] T. confl., 8 juin 2020, n° 4189 N° Lexbase : A55163NM.

[18] CE, 21 mars 2023, n° 460660 et n° 460924, inédits N° Lexbase : A39099KY ; CE, 21 mars 2023, n° 450012, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A49979KB.

[19] C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY.

[20] C. trav., art. L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R.

[21] A ce jour, le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur les modalités du contrôle de la prévention des risques psychosociaux de l’autorité administrative saisie d’une demande de validation. Sur ce point, notamment : L. de Montvalon, Prise en compte des risques professionnels lors de l’élaboration d’un PSE : des réponses et des questions, RDT, 2023, p. 476 s..

[22] Les mesures des accords consistent le plus souvent en la mise en place d’une cellule d’écoute psychologique, la présence d’un psychologue sur site ou des actions de formation et de sensibilisation. Cela dit, la procédure d’élaboration d’un PSE est-elle le moment adéquat pour se préoccuper de prévention primaire si cela n’a pas déjà été initié par ailleurs dans le cadre d’un accord portant sur les risques psychosociaux ?

[23] Pour rappel, l’impossibilité de contacter les entreprises du panel, les accords nous ayant été principalement communiqués à titre confidentiel par des cabinets d’avocats ou de reclassement et souhait de la Dreets de ne pas communiquer sur sa pratique dans le suivi des négociations.

[24] A noter toutefois, antérieurement à l’introduction par la loi de modernisation sociale des dispositions de l’article L. 1233-63 du Code du travail : C. Cornolti, F. Géa et Y. Moulin, Le suivi des plans sociaux et le devenir des salariés concernés, CEREFIGE-CERIT, sous la dir. de P. Enclos, C. Marraud et G. Schmidt, Rapport Dares, 2000.

[25] Ainsi plutôt que de veiller de manière générale à « la bonne application des mesures d’accompagnement de la mobilité et du reclassement », il s’agira pour la commission de suivre les demande de mobilité Groupe, les congés de reclassement, les demandes d’aide à la création/reprise d’entreprise, les demandes de formation sollicitées par les salariés, l’avancement du dispositif d’accompagnement et des mesures du PSE, la tenue des engagements du cabinet de reclassement et des salariés en congé de reclassement.

[26] Pour valider un choix de formation, dépasser un plafond de prise en charge d’un projet de formation, valider un projet de création ou de reprise d’entreprise.

[27] Certains accords considèrent que l’avis est réputé défavorable ou que la suggestion n’est pas adoptée. Un accord prévoit même qu’en cas de partage des voix, la commission suivra l’avis de la Dreets !

[28] Cela concerne trois accords de notre panel.

newsid:487425

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[Actes de colloques] Retour d'expériences sur les plans sociaux : un passé révolu ?

Lecture: 5 min

N7389BZP

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par Brigitte Reynès, Maître de conférences à l’Université de Toulouse Capitole

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • plans sociaux • expériences de terrain • recherche pluridisciplinaire • licenciement collectif • exclusion sociale

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Dans les années 1990, des recherches ont été menées sur les plans sociaux, notamment une étude à Toulouse à laquelle Brigitte Reynès a contribué. Elle nous délivre ses expériences en matière de plans sociaux.

I. Première expérience

Sur la question des plans sociaux nous avons d’abord mené une recherche pluridisciplinaire associant des juristes et des gestionnaires des ressources humaines. A travers cette recherche il s’agissait de mieux comprendre, en s’appuyant sur une étude de terrain, les interactions complexes qui s’établissent entre les choix de gestion dans le traitement du sureffectif et les règles juridiques tout au long du processus de licenciement collectif : de l’amont du plan social en passant par sa mise en place et jusqu’à son exécution.

L’enquête avait été commanditée par le Commissariat général du plan qui avait intercédé auprès de l’administration du travail pour nous permettre d’accéder, après moult engagements pris, aux plans déposés. Elle s’était prolongée par des monographies d’entreprise et des entretiens pour appréhender in vivo les plans.

A l’époque un premier constat a émergé celui de l’extrême diversité des plans sociaux qui n’étaient pas monochromes ni dans leur contexte ni dans leur contenu. Richesse de mesures pour les uns, mesures minimalistes pour les autres. Aussi bien, pour traduire cette diversité, l’approche terrain nous a convaincu de parler des « plans sociaux » sous une forme plurielle plutôt que du « plan social » dans son acception générique. Du point de vue empirique il nous semble que cette observation vaut encore de nos jours pour le(s) PSE.

Nous étions également dans un contexte extrêmement conflictuel sur le terrain judiciaire puisque beaucoup de plans étudiés avaient donné lieu à des actions devant le tribunal de grande instance en cours de procédure ainsi qu’à des conflits collectifs. L’étude longitudinale des plans sociaux a mis en évidence l’existence de conflits durs et longs sur les plans sociaux.  En particulier dans notre périmètre de recherche, figurait l’affaire ABG SEMCA (Cass. soc. 12 novembre 1996, n° 94-21.994 [LXB= A4057AAI]) qui témoignait de la conflictualité des restructurations dans un contexte complexe de plans sociaux successifs.

Nous nous étions également intéressés à la question du suivi des plans. Or, dans les années 92-94, il n’y avait absolument aucun suivi des plans sociaux. Les plans sociaux n’étaient suivis ni par l’État, ni par les entreprises… ce qui était préoccupant tant au plan de la politique de l’emploi qu’au niveau managérial.  En particulier il n’y avait quasiment pas de retour sur les questions suivantes : est-ce que les objectifs en termes de rétablissement économique de l’entreprise ont été atteints par le biais des plans ou non ? Quel a été le devenir des salariés touchés par ces plans ?  

Sur ces aspects on mesure les progrès réalisés ces 20 dernières années sous l’impulsion du législateur. En particulier les commissions de suivi impliquant les parties prenantes se sont généralisées et contribuent à renforcer concrètement l’évaluation du plan et l’effectivité des mesures.

II. Deuxième expérience

Une autre recherche pluridisciplinaire (droit, sociologie, GRH) pour la Commission européenne a permis d’étudier les liens qui peuvent se nouer entre licenciement collectif et exclusion sociale. Partant de la décision économique, comprise comme un facteur de fragilisation des salariés, l’étude précise comment les dispositifs juridiques, les pratiques d’entreprises et les interventions des pouvoirs publics sont susceptibles d’éviter l’engrenage qui conduit à l’exclusion sociale.

Les 4 équipes impliquées (Allemagne, Italie, Espagne et France) ont mené une recherche comparative sur le licenciement collectif et les plans qui démontre, qu’au-delà des différences des dispositifs en fonction des pays, il existe un socle commun reposant sur la responsabilisation de l’employeur, la concertation avec la représentation du personnel ainsi que sur le rôle donné à l’autorité publique compétente.

En termes de résultats, une convergence est apparue. Malgré des dispositifs juridiques nationaux relativement étoffés en matière de protection, des risques d'exclusion durable de l'emploi se vérifient. Quel que soit le système juridique, les éléments de fragilité sont les mêmes. La protection collective conférée par les mesures d’accompagnement ne résorbe pas totalement les difficultés qui impactent « les salariés fragiles » (en schématisant les salariés âgés, peu qualifiés, anciens). Dans tous les pays, ces facteurs de fragilité se révèlent au moment critique du passage de mesures collectives du plan à l’individualisation du licenciement. 

III. Troisième expérience

Cette expérience rejoint en partie les enseignements de la précédente. Dans le cadre d’un conflit collectif, avec blocage des locaux, j’ai été désignée pour une médiation dans un contexte de fermeture avec établissement d’un plan social.

Cette pratique m’a confrontée à la perception qu’avaient les salariés concernés et leurs représentants de la fermeture du site. Le plus remarquable est d’avoir vécu l’expérience de salariés qui d’emblée ne font pas « le pari du reclassement » en considérant qu’ils ne sont pas « reclassables ».

Pour exprimer leur scepticisme, ils mettaient en avant certains éléments : leur sexe (femmes), leur absence de mobilité y compris entre 2 périphéries de Toulouse, leur âge, leurs formation et ancienneté dans le même poste d’ouvrière. Durant la médiation, Il s’est agi du côté de la direction et du prestataire externe de présenter et expliquer la prise en charge en charge et l’accompagnement au reclassement. Toutefois, le fatalisme était bien présent : leur emploi était perdu et tout s’arrêtait là !

De là la demande faite à la direction de ne pas consacrer autant de moyens et d’argent au reclassement et de plutôt verser aux salariés licenciés des indemnités supra légales et conventionnelles. Aussi bien on réalise l’importance que revêt la représentation que les salariés ont de leur devenir et de leur capacité à occuper un autre emploi.

En conclusion il nous faut croire que la nouvelle version des PSE puisse redonner espoir à ces salariés qui sont impactés par les PSE.  Il serait illusoire de penser que le dispositif juridique en vigueur, aussi sophistiqué soit-il, comme l’est celui issu de loi du 14 juin 2023, puisse à lui seul résoudre tous les problèmes évoqués mais gageons qu’il y contribue…

newsid:487389

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[Actes de colloques] La vision des PSE exposée par les médias

Lecture: 1 min

N7443BZP

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par Master 2 Droit du travail et de la Protection sociale, Université de Lorraine

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • licenciements • médias • communication médiatique • vision

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Pour consulter le book réalisé par les étudiants du Master 2 Droit du travail et de la Protection sociale de l'Université de Lorraine, portant sur le traitement médiatique des PSE, cliquez ici.

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[Actes de colloques] Les PSE décrits par les organisations syndicales

Lecture: 1 min

N7444BZQ

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par Master 2 Droit du travail et de la Protection sociale, Université de Lorraine

Le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • élaboration • négociation • organisations syndicales • communication 

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Pour consulter le book réalisé par les étudiants du Master 2 Droit du travail et de la Protection sociale de l'Université de Lorraine, portant sur la communication des organisations syndicales sur les PSE, cliquez ici.

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Protection sociale complémentaire

[Brèves] Indemnités de congés payés versées par une caisse : exclusion de l’assiette des rémunérations pour le calcul des contributions patronales en matière de retraite et de prévoyance complémentaires

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 22-14.638, F-B N° Lexbase : A58961ZE

Lecture: 2 min

N7472BZR

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par Laïla Bedja

Le 28 Novembre 2023

► Les indemnités de congés payés versées par une caisse de congés payés ne sont pas à prendre en compte dans l’assiette de rémunération servant au calcul des limites d’exonération de cotisations sociales des contributions patronales au financement du régime de retraite complémentaire et du régime de prévoyance complémentaire.

Les faits et procédure. À la suite d’un contrôle, l’Urssaf a signifié un redressement à la société X. Contestant le redressement, elle a saisi d’un recours la juridiction de Sécurité sociale. Le litige portait notamment sur l’intégration de l’indemnité de congés payés versée par une caisse de congés payés dans l’assiette des cotisations pour le calcul du plafond exonératoire de 5 % des contributions patronales au financement du régime de retraite complémentaire et du régime de prévoyance complémentaire.

La cour d’appel. Pour décider que l'indemnité de congés payés est à inclure pour le calcul du plafond de 5 %, l'arrêt énonce que l'article L. 242-1 N° Lexbase : L4677MHP, qui définit l'assiette des cotisations, ne distingue pas selon que l'indemnité de congés payés est versée directement par l'employeur ou par une caisse de congés payés et qu'il vise également les sommes qui sont versées par l'entremise d'un tiers, lesquelles ne sont pas limitées aux pourboires et que la distinction proposée serait créatrice d'une inégalité entre les employeurs selon qu'ils sont tenus ou non d'adhérer à une caisse de congés payés.

L’Urssaf a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. La rémunération soumise à cotisations de Sécurité sociale au sens de l'article D. 242-1, I, du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L3985MEC, pour le calcul du montant du plafond de 5 % de la Sécurité sociale qu'il prévoit, ne comprend pas les indemnités de congés payés versées par une caisse de congés mentionnée à l'article L. 3141-32 du Code du travail N° Lexbase : L6692K9Q, dès lors que la rémunération qui sert de référence au calcul de la limite de l'exclusion d'assiette prévue au I b) de l'article D. 242-1 est celle soumise à cotisations de Sécurité sociale définie à l'article L. 242-1, laquelle comprend seulement les rémunérations versées par l'employeur.

newsid:487472

Rémunération

[Brèves] Loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027 : présentation de la nouvelle procédure de saisie des rémunérations

Réf. : Loi n° 2023-1059, du 20 novembre 2023, d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, art. 47 N° Lexbase : L2962MKW ; Cons. const., décision n° 2023-855 DC, du 16 novembre 2023 N° Lexbase : A61401ZG

Lecture: 3 min

N7492BZI

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par Lisa Poinsot

Le 29 Novembre 2023

Publiée au Journal officiel du 21 novembre 2023, la loi du 20 novembre 2023, d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, présente des dispositions relatives aux relations de travail. Plus précisément, l’article 47 modifie la procédure de saisie des rémunérations.

Jusqu’à présent, la procédure de saisie des rémunérations est mise en œuvre sur autorisation judiciaire, après échec d’une tentative de conciliation menée par le juge. Si la saisie est autorisée, l’employeur se voit notifier par le greffe du tribunal judiciaire un acte de saisie des rémunérations. Il doit ensuite adresser chaque mois au secrétariat-greffe du tribunal judiciaire une somme égale au plus de la quotité saisissable de la rémunération du salarié.

L’article 47 de la loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027 tend à réformer la procédure de saisie des rémunérations qui rejoint désormais le droit commun des procédures civiles d'exécution. 

Par décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel, saisi par 60 députés le 16 octobre 2023 de la question de la constitutionnalité du projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027, a jugé que l’article 47 ne portait pas atteinte au droit au respect de la vie privée. En outre, cet article ne méconnaîtrait ni le droit à un recours juridictionnel effectif ni les droits de la défense et la liberté individuelle.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a jugé l’article 47 conforme à la Constitution. Il a néanmoins émis une réserve en précisant que l’employeur ne peut transmettre que les seules informations strictement nécessaires à l’exécution de la saisie des rémunérations.

Désormais, les commissaires de justice sont chargés de mettre en œuvre l’exécution de la procédure de saisie des rémunérations. Pour cela, il est prévu l’organisation de la formation nécessaire à l’activité de commissaire de justice répartiteur lors d’une procédure de saisie des rémunérations. La liste des commissaires de justice ayant satisfait à cette formation sera diffusée annuellement.

Toutefois, le débiteur a toujours la possibilité de saisir le juge de l’exécution à tout moment d’une contestation de la saisie des rémunérations dont il fait l’objet. De plus, le recours juridictionnel revêt un caractère suspensif dès lors qu’il est exercé par le débiteur dans un délai d’un mois à compter de la signification du commandement de payer.

À noter. L'article 47 de la loi du 20 novembre 2023 entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025. Il est applicable aux cessions des rémunérations et aux procédures de saisie des rémunérations autorisées à cette date.

Pour aller plus loin : 

  • à paraître sur ce sujet un article de M. Aressy, juriste de la Chambre nationale des commissaires de justice, dans la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement du mois de décembre 2023 ;
  • v. ÉTUDE : La protection du salaire, La procédure de saisie du salaire, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1242ET8 ;
  • v. infographie, INFO139, Saisie des rémunérations, Voies d'exécution N° Lexbase : X9586APQ ;
  • lire X. Louise-Alexandrine, La saisie des rémunérations : relooking extrême, Lexbase privé, juin 2023, n° 951 N° Lexbase : N6057BZD ;
  • v. aussi ÉTUDE : La saisie des rémunérations, in Voies d’exécution (dir. N. Fricero, G. Payan), Lexbase  N° Lexbase : E8482E8N.

 

newsid:487492

Salaire

[Brèves] Utilisation de la carte carburant par le salarié à des fins personnelles : la faute de l’employeur ne fait pas obstacle à son action en restitution de l'indu

Réf. : Cass. soc., 8 novembre 2023, n° 22-10.384, F-D N° Lexbase : A85681YY

Lecture: 3 min

N7467BZL

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par Lisa Poinsot

Le 21 Novembre 2023

Le salarié, qui a utilisé la carte carburant de l’entreprise lors de ses congés à des fins personnelles, doit rembourser à l’employeur les sommes dont elle a indûment bénéficié, même si elle ignorait par la faute de l’employeur leur caractère indu.

Faits et procédure. Une salariée utilise la carte carburant de son entreprise lors de ses congés payés. Cette salariée est licenciée pour faute grave en raison de l’usage non professionnel de cette carte carburant.

Contestant son licenciement, la salariée saisit la juridiction prud’homale.

L'employeur, quant à lui, demande alors la restitution des sommes indûment payées à sa salariée.

La cour d’appel juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait que les règles d’utilisation de la carte carburant et du véhicule de service n’ont pas été notifiées à la salariée, ou trop tardivement pour lui être opposables. En outre, la salariée ignorait le caractère indu des sommes dépensées du fait de l’employeur, qui ne l’en avait pas informée de sorte qu’il ne pouvait pas obtenir le remboursement des sommes engagées par la salariée à des fins personnelles au moyen de sa carte carburant.

L’employeur, débouté de sa demande, forme alors un pourvoi en cassation.

Rappel. L’action en paiement de l’indu doit être distinguée de la mise en œuvre de la responsabilité pécuniaire du salarié, qui n’est pas conditionnée par l’existence d’une faute commise par ce dernier.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel au visa des articles L. 1235 N° Lexbase : L1348ABK et 1376 N° Lexbase : L1024KZX du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK. Elle se prononce sur un mécanisme civiliste applicable en droit du travail et qui prévoit que :

  • ce qui a été payé indûment est sujet à répétition ;
  • l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu.

La Haute juridiction affirme donc que la faute commise par l’employeur, en ne notifiant pas ou trop tardivement à la salariée les règles d’utilisation de la carte carburant, n’exonère pas cette dernière de l’obligation de restituer ces sommes.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà Cass. soc., 30 septembre 2010, n° 09-40.114, FP-P+B N° Lexbase : A7596GAL ; Cass. soc., 14 décembre 2004, n° 03-46.836, FS-P+B N° Lexbase : A4914DEQ ; Cass. soc., 14 mars 2018, n° 16-13.916, F-D N° Lexbase : A2092XHX : le fait que l’employeur ait commis une erreur n’est pas de nature à faire obstacle à l’action en restitution de l’indu, sauf si le salarié démontrer l’intention libérale de l’employeur, c’est-à-dire de démontrer que l’employeur avait l’intention de lui abandonner la somme.
  • v. ÉTUDE : Le paiement du salaire, La restitution de l’indu, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0914ETZ.

 

newsid:487467

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Pas d’exonération de l’obligation de sécurité de l’employeur en cas d’imprudence du salarié

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 22-17.733, F-B N° Lexbase : A38011ZS

Lecture: 2 min

N7474BZT

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par Charlotte Moronval

Le 27 Novembre 2023

► L’imprudence du salarié ne dispense pas le juge de vérifier si l’employeur a manqué ou non à son obligation de sécurité.

Faits et procédure. Un salarié, travaillant au sein d’une association, est envoyé à Haïti en tant que responsable d’un programme éducatif. Il est placé en arrêt maladie, après avoir contracté une amibiase, une maladie provoquée par l’absorbation d’une eau non filtrée. Il est ensuite rapatrié en France.

À sa reprise, l’employeur le licencie pour faute grave. Le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts pour manquement de l’association à son obligation de sécurité.

La cour d’appel déboute le salarié de sa demande, retenant, d’une part, que celui-ci reproche à son employeur de lui avoir fait boire de l’eau de ville mal filtrée sans en apporter la preuve, et, d’autre part, qu’il est notoire que l’eau de ville en Haïti n’étant pas potable, il convient de boire de l’eau minérale en bouteille, et que le salarié ne peut en imputer la faute à son employeur dès lors qu’il a manqué à cette obligation de prudence élémentaire.

Le salarié forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, sur le fondement de l’article L. 4121-1 du Code du travail N° Lexbase : L8043LGY.

Elle rappelle que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La cour d’appel aurait dû rechercher si l’employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, l’imprudence du salarié ne dispensant pas le juge de vérifier si les toutes les mesures ont bien été prises.

Pour aller plus loin : 

  • v. aussi : Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-24.350, FS-P+B N° Lexbase : A0333PLW : impossibilité pour le juge de limiter le montant des dommages-intérêts alloués pour manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en raison de l'attitude du salarié ;
  • lire S. Tournaux, Obligation de sécurité de l'employeur : quelles incidences de la faute de la victime ?, Lexbase Social, février 2016, n° 645 N° Lexbase : N1510BWT ;
  • v. ÉTUDE : La prévention des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels, L'obligation de sécurité de l'employeur, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0612E9K.

 

newsid:487474

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Irrecevabilité devant la juridiction prud’homale de l’action en réparation menée par le salarié du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 22-18.848, F-B N° Lexbase : A37981ZP

Lecture: 3 min

N7447BZT

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par Laïla Bedja

Le 23 Novembre 2023

► Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de Sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Il en résulte que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en raison du dépassement de la durée moyenne hebdomadaire de travail invoqué au soutien de la reconnaissance d'une maladie professionnelle relève de la compétence exclusive de la juridiction de Sécurité sociale.

Faits et procédure. Un salarié, engagé en qualité d’ouvrier agricole, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 novembre 2017. Après avoir saisi une juridiction de Sécurité sociale d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité.

La cour d’appel ayant déclaré la juridiction prud’homale incompétente sur sa demande de dommages et intérêts en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, le salarié a formé un pourvoi en cassation arguant notamment que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation (CA Bastia, 17 novembre 2021, n° 21/00143).

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le livre IV du Code de la Sécurité sociale peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit (CSS, art. L. 451-1 N° Lexbase : L4467ADS).

La cour d'appel ayant constaté qu'un appel était en cours d'examen devant la cour, statuant en matière d'affaires de sécurité sociale, à l'occasion d'une instance relative à une maladie professionnelle hors tableau, en lien avec les conditions de travail habituelles du salarié et que la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité était fondée sur les conditions de travail habituelles marquées par une violation des règles de repos et horaires de travail, a retenu que, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à l'obligation de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d'un préjudice né d'une maladie professionnelle dont il exposait avoir été victime et en a exactement déduit que la juridiction prud'homale était incompétente pour statuer sur cette demande.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’incidence de la faute dans la réalisation de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle, L'action en réparation des préjudices personnels exercée par la victime ou ses ayants droit, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E4404EXE.

 

newsid:487447

Social général

[Brèves] Non renvoi d’une QPC relative aux conditions requises pour que le correspondant de presse soit considéré comme journaliste professionnel

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 23-14.979, FS-B N° Lexbase : A37881ZC

Lecture: 5 min

N7465BZI

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par Lisa Poinsot

Le 23 Novembre 2023

N’est pas renvoyée devant le Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions du Code du travail prévoyant les conditions dans lesquelles un correspondant local de presse est assimilé à un journaliste professionnel avec le principe d’égalité devant la loi.

Faits et procédure. Ayant fourni à une entreprise de presse des reportages photographiques en contrepartie d’une rémunération sous forme d’honoraires, un travailleur saisit la juridiction prud’homale afin que soit reconnue l’existence d’un contrat de travail et que la rupture de la relation soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties et les causes devant le tribunal de grande instance (désormais tribunal judiciaire).

La cour d’appel juge la juridiction prud’homale compétente pour connaitre du différend, dit que les requérants sont liés par un contrat de travail.

La même cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 23 février 2023, n° 21/18195 N° Lexbase : A50269GA), statuant sur renvoi après cassation, infirme le jugement rendu par la juridiction prud’homale. Statuant à nouveau, elle dit que le travailleur a collaboré avec l’entreprise sous le statut de correspondant local de presse. Elle considère que ce dernier n’a pas été lié avec la société par un contrat de travail, de sorte qu’elle rejette l’intégralité des demandes au titre de l’existence d’un contrat de travail.

À l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel, il est demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« le second alinéa de l'article L. 7111-3 du Code du travail N° Lexbase : L3072H9N n'est-il pas contraire au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, d'une part, en ce qu'il crée une inégalité de traitement entre le correspondant de presse et le journaliste professionnel en exigeant du correspondant pour qu'il puisse être assimilé à un journaliste professionnel et bénéficier de la présomption de contrat de travail posée par l'article L. 7112-1 du Code du travail N° Lexbase : L3080H9X qu'il justifie non seulement remplir les conditions posées par l'alinéa 1 de l'article L. 7111-3 pour être journaliste professionnel, mais aussi de la fixité de ses revenus, et, d'autre part, en ce que, tel qu'il est interprété de façon constante par la Cour de cassation, il crée une inégalité de traitement entre le correspondant local de presse et les personnes physiques dont l'activité donne lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires énumérés par l'article L. 8221-6 du Code du travail N° Lexbase : L9737L7R dès lors que le correspondant local de presse ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L. 7111-3 du Code du travail tandis qu'il suffit pour les personnes physiques immatriculées aux registres du commerce ou des métiers de prouver, pour renverser la présomption de non-salariat, qu'elles fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ? ».

Autrement dit, la QPC présente deux enjeux :

  • le premier porte sur les dispositions de l’article L. 7111-3, alinéa 2 du Code du travail. Est posée la question du respect du principe d’égalité de traitement entre un journaliste professionnel et un correspondant local de presse ;
  • le second porte sur l’application constante qu’en ferait la Cour de cassation et pose la question du respect du principe d’égalité de traitement entre le correspondant local de presse et les travailleurs soumis à une présomption légale de non-salariat.

La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation décide de ne pas transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.

La Haute juridiction rappelle que le correspondant local de presse, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est assimilé à un journaliste s’il perçoit des rémunérations fixes et répond à la définition du journaliste professionnel.

La différence de traitement dénoncée tenant à la fixité des rémunérations est justifiée par l’objectif d’exclure du champ de la protection offerte par le statut de journaliste professionnel les correspondants qui n’exercent qu’à titre occasionnel. Cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation et en rapport avec l’objet de la loi, elle ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi.

En outre, les règles particulières applicables à une personne exerçant en qualité de correspondant local de presse pour invoquer l'existence d'un contrat de travail en qualité de journaliste, sont justifiées par l'objectif poursuivi par le législateur de garantir l'indépendance des journalistes en prenant en compte les conditions particulières dans lesquelles s'exerce la profession ainsi que par celui de réserver la protection offerte par le statut de journaliste professionnel aux personnes qui répondent aux conditions qu'il détermine. En cela la différence de situation se trouve en rapport direct avec la loi qui l'établit.

Pour aller plus loin : v. déjà Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-26.415, FS-P+B [LXB= A1682XQD] : le juge ne peut considérer le correspondant de presse comme journaliste professionnel qu'à la double condition que soit rapportée la preuve qu’il reçoit des appointements fixes et qu’il tire de son activité, exercée à titre d'occupation principale et régulière, l'essentiel de ses ressources. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 mai 2018 

 

newsid:487465

Social général

[Brèves] Dialogue social de proximité : création d’un espace de ressources ligne

Réf. : Min. Trav., Dialogue social de proximité : un espace ressource en ligne, actualité, 16 novembre 2023

Lecture: 1 min

N7446BZS

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par Lisa Poinsot

Le 22 Novembre 2023

Une nouvelle plateforme de ressources en ligne est lancée par les Observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation collective (ODDS) afin de réunir en un lieu unique les ressources et outils utiles au dialogue social de proximité.

Les Observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation collective (ODDS) avec l’appui du ministère du Travail et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) lancent une plateforme de ressources en ligne : espace-odds.fr.

Cette plateforme met à disposition notamment des ressources et outils pour soutenir le dialogue social en entreprise (ex : fiches pratiques sur le télétravail, les élections du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés, etc.).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’observatoire d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2169GAL.

 

newsid:487446

Sécurité sociale

[Brèves] Nouveau calcul de la pension d’invalidité en cas de nouvel affection déclarée

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-24.920, F-B N° Lexbase : A58911Z9

Lecture: 2 min

N7449BZW

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par Laïla Bedja

Le 22 Novembre 2023

► Selon l’article L. 341-11 du Code de la Sécurité sociale, la pension d'invalidité peut être révisée en raison d'une modification de l'état d'invalidité de l'intéressé ; lorsque le changement de catégorie d'invalidité de la première à la deuxième catégorie est justifié par une nouvelle affection, il appartient à l'organisme de Sécurité sociale, pour établir le montant de la pension d'invalidité due dans les conditions prévues par l’article R. 341-5 du Code précité, de procéder à un nouveau calcul du salaire annuel moyen, tel que défini à l’article R. 341-4 du même code.

Les faits et procédure. Par décision du 25 novembre 2005, la caisse primaire d’assurance maladie a placé une assurée en invalidité de première catégorie en raison de séquelles de poliomyélite, et lui a versé une pension d’invalidité calculée sur la base du salaire annuel moyen des dix meilleures années précédant la constatation de l’état d’invalidité. Par décision du 8 août 2018, la caisse a placé l’assurée en invalidité de deuxième catégorie.

La cour d’appel. Pour débouter l’assurée de son recours, qui faisait valoir qu'elle était atteinte d'une nouvelle affection ayant justifié son passage en invalidité de deuxième catégorie, l'arrêt retient que la pension d'invalidité n'ayant pas été suspendue avant le passage en invalidité de deuxième catégorie, la période de référence pour le calcul de la pension d'invalidité de deuxième catégorie était la même que celle pour le calcul de la pension d'invalidité initiale de première catégorie (CA Amiens, 4 octobre 2021, n° 20/04964).

La décision. Énonçant la solution précitée, selon un moyen relevé d’office, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel (CSS, art. L. 341-11 N° Lexbase : L5073ADA, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 et R. 341-4 N° Lexbase : L6266MBP et R. 341-5 N° Lexbase : L4067IQP, dans leur rédaction issue du décret n° 2011-615 du 31 mai 2011).

newsid:487449

Sécurité sociale

[Brèves] Rappel des conditions de prise en charge des frais de transport par la caisse primaire d’assurance maladie

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-25.194, F-B N° Lexbase : A58951ZD

Lecture: 1 min

N7469BZN

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par Laïla Bedja

Le 22 Novembre 2023

► Sauf prescription médicale attestant de l’urgence, la prise en charge des frais de transport exposés sur une distance excédant 150 kilomètres est subordonnée à l’accord préalable de l’organisme social.

Les faits et procédure. Une caisse primaire d’assurance maladie a refusé de prendre en charge les frais de transport entre Bordeaux et Aurillac exposés le 1er octobre 2018 par l’époux d’une assurée vers une structure de soins. Ce dernier a alors saisi d’un recours la juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

Le tribunal judiciaire. Pour dire que la caisse doit prendre en charge les frais de transport litigieux, le jugement relève que le transport a été réalisé le 1er octobre 2018, avec une prescription du 2 octobre 2018. Pour le tribunal, bien que l’urgence ne soit pas constatée, l’assurée bénéficiait de soins à Bordeaux dans le cadre d’une affection de longue durée.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule le jugement rendu par les premiers juges. Sans urgence attestée par le médecin prescripteur, le transport litigieux ne pouvait être pris en charge à défaut du respect de la formalité de l’entente préalable (CSS, art. R. 322-10 N° Lexbase : L4558LUD, R. 322-10-2 N° Lexbase : L4559LUE et R. 322-10-4 N° Lexbase : L2640I38).

newsid:487469

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