Lexbase Droit privé n°554 du 16 janvier 2014 : Procédure pénale

[Projet, proposition, rapport législatif] Procédure européenne de règlement des petits litiges : Proposition de réforme de la Commission européenne

Réf. : Proposition de Règlement (CE) modifiant les Règlements (CE) n° 861/2007 et n° 1896/2006, Communiqué du 19 novembre 2013, COM(2013) 794 final

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par Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Unversité de Toulon, Membre du CDPC-JCE (UMR CNRS 7318)

le 30 Janvier 2014

Alors que les chantiers menés par l'Union européenne dans le domaine de l'exécution forcée prennent du retard (1), celui relatif à la procédure européenne de règlement des petits litiges respecte parfaitement le calendrier fixé dans le plan d'action (2) mettant en oeuvre le programme de Stockholm du Conseil européen. A cet égard, il convient de signaler l'adoption par la Commission européenne, le 19 novembre 2013, de la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de Règlement des petits litiges (N° Lexbase : L1110HYR) et le Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer (N° Lexbase : L1426IRA) (3). Contrairement à ce que son intitulé peut laisser penser, cette proposition de la Commission européenne concerne principalement la réforme du Règlement (CE) n° 861/2007 (4) ; la révision du Règlement (CE) n° 1896/2006 (5) étant seulement envisagée, de façon marginale, comme une conséquence (6). L'adoption de cette proposition de Règlement s'inscrit dans le processus de "réexamen" prévu à l'article 28 du Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (7). Conformément aux dispositions de cet article, dont on retrouve une déclinaison dans tous les instruments législatifs européens adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire civile, la Commission européenne a présenté -également le 19 novembre 2013- une étude d'impact (8) et un rapport (9) sur l'application de la procédure européenne de règlement des petits litiges.

On le sait, la procédure européenne de Règlement des petits litiges est une procédure uniforme, applicable aux seuls litiges transfrontaliers ne dépassant pas 2 000 euros, qui se superpose aux procédures prévues par les législations des Etats membres. La décision de justice adoptée à l'issue de cette procédure constitue un titre exécutoire européen spécifique, en ce sens où elle peut librement circuler sur le territoire de l'Union -et donc être exécutée dans l'un quelconque des Etats membres- en l'absence de toutes procédures intermédiaires (exequatur) (10). Cette procédure européenne a été élaborée afin de réduire les coûts et d'accélérer le règlement des "petits litiges transfrontaliers" et dans le but, plus général, d'améliorer l'accès à la justice. Le postulat étant que l'importance des coûts engendrés par la résolution juridictionnelle de ce type de litige, au regard du faible montant des demandes, pouvait faire renoncer les justiciables européens à agir en justice. Telle qu'elle a été conçue en 2007, il s'agit d'une procédure écrite reposant sur l'utilisation de formulaires types. Elle se caractérise par une série de simplifications procédurales -notamment au niveau de la communication des actes (11)- et peut être mise en oeuvre sans recourir à un avocat.

Diversement appréciée en doctrine (12), cette procédure européenne est peu utilisée en pratique. En effet, ainsi que le souligne la Commission européenne, le Règlement (CE) n° 861/2007 est encore aujourd'hui largement méconnu (13). Ce constat -qui est partagé par le Parlement européen (14)- l'a conduit à prendre des mesures pour améliorer la connaissance et la maîtrise de cette procédure par ses utilisateurs potentiels (15). Néanmoins, la Commission n'a pas souhaité s'en tenir à cette première catégorie de mesures (16). Elle propose également des réformes substantielles du contenu du Règlement (CE) n° 861/2007. Plus exactement, les réformes proposées concernent tant l'étendue du champ d'application du Règlement (I), que le déroulement proprement dit de la procédure européenne de règlement des petits litiges (II).

I - Etendre le champ d'application de la procédure européenne de règlement des petits litiges

La Commission européenne propose d'étendre le champ d'application de la procédure européenne en réformant deux de ses principales caractéristiques : la définition du caractère transfrontalier des litiges concernés (A) et le montant de ces litiges (B).

A - Elargissement de la définition de litiges transfrontaliers

A l'image de ce qu'elle suggère à l'égard de la future procédure européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (17), la Commission européenne retient, dans sa proposition du 19 novembre 2013, une définition négative et extensive de la notion de litiges transfrontaliers. Ainsi, le Règlement révisé ne devrait pas s'appliquer "lorsque, au moment de la réception du formulaire de demande par la juridiction compétente, tous les éléments suivants, le cas échéant, se trouvent dans un seul Etat membre : a) le domicile ou la résidence habituelle des parties ; b) le lieu d'exécution du contrat ; c) le lieu où les faits sur lesquels se fonde la demande se sont produits ; d) le lieu de l'exécution de la décision ; e) la juridiction compétente" (18). A titre de comparaison, dans sa rédaction actuelle, le Règlement (CE) n° 861/2007 définit, dans son article 3, le litige transfrontalier comme un "litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre autre que l'Etat membre de la juridiction saisie". La Commission justifie l'abandon de cette définition restrictive en tirant argument des possibilités offertes par le Règlement (CE) n° 44/2001 -et, prochainement, le Règlement (UE) n° 1215/2012 (N° Lexbase : L9189IUU)- quant à la désignation de la juridiction internationalement compétente. Selon elle, lorsqu'en vertu du Règlement "Bruxelles I" -ou "Bruxelles I bis"- le "demandeur peut choisir entre la compétence des juridictions de l'Etat membre où le défendeur et lui-même sont domiciliés et celles des juridictions de l'Etat membre dans lequel le contrat est exécuté ou le fait dommageable s'est produit, le fait qu'il choisisse effectivement les juridictions de l'Etat membre du domicile commun ne devrait pas avoir pour effet de le priver de la possibilité de recourir à la procédure européenne de règlement des petits litiges, qui pourrait autrement être utilisée" (19).

Cette réforme, qui étendrait les hypothèses d'utilisation de la procédure européenne de règlement des petits litiges, appelle principalement deux remarques. Tout d'abord, il faut rappeler que cette proposition s'inscrit dans une controverse déjà ancienne qui oppose la Commission européenne et le législateur de l'Union européenne (Conseil de l'Union européenne et Parlement européen). Alors que la première est favorable à l'application des Règlements européens de coopération judiciaire civile aux litiges purement internes, le second y est opposé. Or, reconnaissons que la définition que retient la Commission du champ d'application du Règlement révisé est très proche d'un litige "purement interne" ; du moins, si l'on conçoit le litige purement interne comme un litige où les parties et la juridiction saisie se situent dans le même Etat membre. Ensuite, parmi les critères avancés dans la proposition d'article 3, la Commission européenne ajoute celui du lieu de l'exécution de la décision que prononcera la juridiction saisie. Or, bien souvent, le lieu de cette exécution n'est révélé qu'au moment de l'exécution. Par définition, le Règlement révisé ne devrait pas s'appliquer dans une telle hypothèse dès lors que l'"élément transfrontalier" de l'affaire doit être connu "au moment de la réception du formulaire de demande par la juridiction compétente".

B - Relèvement du montant des litiges jusqu'à 10 000 euros

L'article 28 du Règlement (CE) n° 861/2007 vise expressément, parmi les questions devant être étudiées lors du processus de réexamen, celle relative à la limite du montant des litiges. Sur ce point, la Commission européenne recommande de multiplier par cinq le montant maximal des demandes pouvant être traitées au moyen de cette procédure, en suggérant un plafond de 10 000 euros. Cette somme est appréciée -hors intérêts, frais et débours- au moment de la réception du formulaire de demande par la juridiction compétente (20).

La principale raison avancée pour justifier un tel relèvement tient à la volonté d'accroître l'attrait de cette procédure à l'égard de petites et moyennes entreprises effectuant des transactions transfrontalières. Les études qui ont été menées à l'occasion du processus de réexamen du Règlement (CE) n° 861/2007 révèlent en effet que, dans la majorité des litiges transfrontaliers impliquant ces PME, le montant de la demande est supérieur à 2 000 euros (21). Suivant le raisonnement de la Commission, l'augmentation de ce plafond renforcerait l'efficacité de la justice, ce qui encouragerait les PME à développer leurs activités et, à terme, permettrait de lutter contre la crise économique qui touche les pays de l'Union. En somme, la révision du Règlement (CE) n° 861/2007 constituerait un "facteur de soutien à l'activité économique" (22).

Si l'on peut être séduit par ce raisonnement (23), cette réforme pose des questions quant à l'articulation entre les instruments européens en vigueur dans le domaine de la coopération judiciaire civile. Dans un tel contexte, on peut par exemple se demander dans quelle mesure le maintien de la procédure européenne d'injonction de payer est encore justifié (notamment au regard du principe de proportionnalité de l'action de l'Union européenne visé à l'article 5 du Traité UE N° Lexbase : L2152IPI). A tout le moins, cette réforme aurait sans doute pour conséquence d'accroître l'impression -fondée ou non (selon les commentateurs)- d'un "trop plein" de normes permettant l'exécution d'un titre dans un Etat membre différent de celui dans lequel il a été obtenu.

De façon plus anecdotique, on peut également se demander si la qualification de procédure européenne de règlement des "petits" litiges est toujours pertinente lorsque le montant des demandes avoisine 10 000 euros. Pour expliquer ce choix -qui rappelle le taux de compétence des tribunaux d'instance- la Commission européenne tire argument de l'évolution des législations nationales régissant les procédures simplifiées (24).

II - Faciliter le déroulement de la procédure européenne de règlement des petits litiges

Certaines réformes proposées par la Commission européenne concernent le stade de l'exécution de la décision de justice obtenue à l'issue de la procédure uniforme de règlement des petits litiges. A ce sujet, afin de simplifier cette exécution, il est suggéré (25) de limiter, au seul contenu de la décision, l'obligation de traduction pesant sur la partie qui demande l'exécution (26). Traduire l'intégralité de ce formulaire par des traducteurs certifiés peut en effet s'avérer coûteux et inutile dès lors que les autres champs de ce formulaire sont disponibles dans les différentes langues officielles de l'Union (27).

Néanmoins, la majorité des réformes proposées concerne le processus conduisant à l'obtention de la décision de justice. Tout d'abord, dans le prolongement des orientations définies par le Conseil européen dans le programme de Stockholm (28), la Commission européenne souhaite accroître l'usage des nouvelles technologies de la communication dans le cadre de la procédure européenne de règlement des petits litiges (A). Ensuite, de façon plus originale, elle propose de plafonner les frais de justice afférents à la mise en oeuvre de cette procédure et d'en faciliter le paiement (B).

A - Accroissement de l'usage des nouvelles technologies de la communication

Le développement de ce qu'il convient d'appeler l'"e-Justice européenne" constitue l'un des principaux axes de travail de l'Union européenne dans le domaine de la coopération judiciaire civile (29). Cette importance accordée à la "justice en ligne" trouve d'ailleurs un certain écho dans les législations nationales des Etats membres.

Telle qu'envisagée par la Commission européenne dans sa proposition de Règlement, cette justice en ligne comporte plusieurs aspects et concerne aussi bien les communications entre les parties et la juridiction compétente, que la tenue de l'audience et l'obtention des preuves.

1) A l'égard des communications entre les parties et la juridiction compétente

Dans un souci d'économie de temps et de coûts, la Commission européenne propose que les communications entre les parties et la juridiction compétente se fassent, en principe, par voie électronique (avec accusé de réception), sous réserve que ces moyens de communication "soient acceptables dans le cadre des procédures en vertu du droit national et uniquement si la partie accepte de tels moyens de communication" (30). Cela est déjà possible en ce qui concerne l'introduction de la demande initiale, lorsque cela est accepté par les Etats membres. La solution devrait ainsi être généralisée. A ce sujet, il est recommandé que les Etats soient tenus de veiller à ce que le formulaire de demande puisse non seulement être obtenu sur support papier auprès de toutes les juridictions devant lesquelles la procédure européenne peut être engagée (31), mais également -désormais- "sous forme électronique sur les sites web de ces juridictions ou de l'autorité centrale compétente" (32).

Ce principe d'une communication par voie électronique connaîtrait néanmoins quelques aménagements pour certains actes, en l'occurrence ceux pour lesquels le Règlement (CE) n° 861/2007 prévoit la notification ou la signification aux parties lors du déroulement de la procédure. Ainsi en est-il en ce qui concerne la communication de la demande au défendeur (33) et la communication de la décision au demandeur et au défendeur (34). A ce jour, cette notification doit en principe être réalisée par voie postale avec accusé de réception (35). Le recours à d'autres méthodes de notification n'étant prévu que si la voie postale est impossible. Il ne s'agirait pas de revenir totalement sur cette solution, mais de placer sur un "pied d'égalité la signification ou la notification par voie postale et celle par voie électronique" (36). Notons néanmoins que, là encore, les actes ne pourraient être signifiés ou notifiés par voie électronique que si la partie concernée a préalablement accepté de manière expresse ce mode de communication et, a fortiori, si cette méthode de notification est utilisée dans l'Etat membre concerné (37).

A la vérité, la Commission européenne semble ici passer à côté de l'essentiel. Pour plus de sécurité juridique et afin de mieux respecter les droits de la défense, il aurait été souhaitable qu'elle propose de supprimer l'usage des modes de notification -notamment du formulaire de demande ou de la citation à comparaître à une audience- n'apportant pas la preuve de la réception par le défendeur. Rappelons, en effet, que lorsque la notification par service postal avec accusé de réception n'est pas possible, elle peut être réalisée par toute autre méthode prévue aux articles 13 et 14 du Règlement (CE) n° 805/2004 (N° Lexbase : L1994DYI) portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (38). Cela inclut donc le simple dépôt de l'acte dans la boîte aux lettres du destinataire ! Il s'agit sans doute de l'un des points les plus critiquables du Règlement (CE) n° 861/2007, tout comme d'ailleurs des Règlements (CE) n° 1896/2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer et n° 805/2004 (N° Lexbase : L1994DYI). Il aurait par exemple été opportun de rompre avec le droit européen positif et de suggérer que la signification soit réalisée par un officier ministériel -ou un professionnel équivalent- lorsque la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception s'est avérée impossible : voilà une occasion manquée d'améliorer le dispositif actuel du Règlement (CE) n° 861/2007 ! La proposition -bienvenue- d'étendre la possibilité d'un réexamen de la décision obtenue à l'issue de la procédure européenne de règlement des petits litiges, au moyen d'un allégement des conditions d'exercice de ce réexamen, est sur ce point insuffisante (39).

2) A l'égard de l'organisation de l'audience et des modalités d'obtention des preuves

Dans son dispositif actuel, le Règlement (CE) n° 861/2007 permet aux juridictions compétentes de traiter les demandes sans qu'il soit nécessaire que les parties se déplacent à l'audience. Autrement dit, la procédure européenne est conçue pour se dérouler entièrement par écrit, une audience n'étant organisée que si la juridiction saisie l'estime nécessaire ou si l'une des parties le demande et que la juridiction ne s'y oppose pas (40). En pratique, en revanche, on constate que des audiences sont régulièrement organisées et que la présence physique des parties est souvent requise (41). La Commission européenne voit dans cette situation une cause de frais de déplacement accrus et d'allongement de la durée des procédures. Elle recommande donc de remédier à cette situation, tout en prenant en considération -dans une certaine mesure- la volonté contraire des parties.

Sans toutefois en exclure l'organisation, elle propose, en premier lieu, d'insister sur le caractère exceptionnel des audiences dans le cadre de la procédure européenne des petits litiges. Ainsi, la juridiction compétente ne devrait tenir une audience que si elle "estime qu'il n'est pas possible de rendre la décision sur la base de preuves écrites présentées par les parties ou si l'une des parties en fait la demande" (42). Contrairement à la solution retenue en droit positif, la proposition de Règlement précise les limites du pouvoir d'appréciation de la juridiction. La demande d'audience ne pourrait être rejetée quand "le montant de la demande est supérieur à 2 000 euros" ou lorsque "les deux parties indiquent être disposées à conclure une transaction judiciaire et demandent une audience à cet effet" (43).

En second lieu, lorsque la tenue de ces audiences s'avère nécessaire, elle souhaite consacrer l'obligation, pour les juridictions, de recourir à la vidéoconférence ou à la téléconférence (44), lorsque la partie à l'audience est domiciliée dans un Etat membre différent de celui de la juridiction saisie (45). Il en découle une obligation pour les Etats membres de procéder à l'équipement de leurs juridictions en matériels appropriés. Notons que l'usage de ces nouvelles technologies souffrirait néanmoins une limite : il devrait être reconnu à chaque partie le "droit de comparaitre et d'être entendue en personne", auprès de la juridiction compétente (46), si elle en fait la demande.

Les solutions avancées par la Commission européenne à l'égard de l'obtention des preuves poursuivent la même logique (47). Ainsi, par exemple, la juridiction ne devrait pouvoir obtenir des preuves par expertise ou témoignage oral que s'il "n'est pas possible de rendre la décision sur la base des preuves présentées par les parties". De même, le principe est celui de l'obtention des preuves par déclarations écrites ; l'audition d'une personne étant l'exception. Un renvoi est d'ailleurs effectué aux conditions précitées encadrant l'organisation des audiences.

B - Plafonnement et simplification du paiement des frais de justice

Les frais de justice sont au coeur de deux propositions importantes avancées par la Commission européenne (48) : d'une part, la consécration d'un principe de proportionnalité de ces frais au regard du montant de la demande (1) et, d'autre part, la possibilité de leur paiement à distance (2).

1) Consécration d'un principe de proportionnalité des frais de justice au regard du montant de la demande

La Commission européenne n'entend pas revenir sur la règle en vertu de laquelle la partie perdante supporte in fine les frais de procédure de la partie ayant obtenu gain de cause (49). Elle s'intéresse, en revanche, à la question épineuse du montant des frais de justice. Selon elle, ils ne devraient pas dépasser 10 % du montant de la demande (hors intérêts, frais et débours), sauf à être considérés comme disproportionnés. Par ailleurs, sans condamner la pratique -connue dans plusieurs Etats membres- de prévoir des frais minimums pour dissuader les procédures dilatoires, elle recommande qu'ils ne soient pas supérieurs à 35 euros (50). Si elle se défend de procéder à l'harmonisation des frais de justice en Europe (51), la Commission européenne souhaite néanmoins encadrer la marge d'appréciation des Etats membres en fixant ce double seuil.

2) Prévision de moyens de paiement à distance des frais de justice dans les différents Etats membres

Dans l'objectif de réduire les coûts engendrés par la procédure européenne de règlement des petits litiges, une suggestion -bienvenue- concerne le mode de paiement des frais de justice. Pour la Commission européenne, il serait opportun d'imposer aux Etats membres la mise en place d'un paiement à distance (système de virements bancaires, paiement en ligne), au détriment de la seule possibilité de paiement en espèces ou par timbres qui impose sinon de se déplacer, du moins d'avoir un représentant dans l'Etat membre du for.


(1) Etaient programmées pour l'année 2013 l'adoption du Règlement portant création d'une procédure européenne transfrontière de saisie conservatoire des avoirs bancaires ainsi que d'une proposition de Règlement visant à améliorer la transparence du patrimoine des débiteurs. En dernier lieu, voir à ce sujet la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale (COM(2011) 445 final, 25 juillet 2011) ainsi que la Résolution du Parlement européen du 10 mai 2011 contenant des recommandations à la Commission sur des propositions de mesures provisoires concernant le gel et la transparence du patrimoine des débiteurs dans les cas transfrontaliers (JOUE n° 377 E, 7 décembre 2012, p. 1).
(2) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Mettre en place un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens européens - Plan d'action mettant en oeuvre le programme de Stockholm, COM(2010) 171 final, 20 avril 2010, spéc. p. 28.
(3) Communiqué du 19 novembre 2013, COM(2013) 794 final.
(4) JOUE n° L 199, 31 juillet 2007, p. 1.
(5) JOUE n° L 399, 30 décembre 2006, p. 1.
(6) Il est proposé de réformer l'article 17 du Règlement (CE) n° 1896/2006 relatif aux effets de l'opposition régulièrement formée dans le cadre de la procédure européenne d'injonction de payer. En droit positif, cette opposition entraîne le passage automatique du litige à la procédure civile ordinaire prévue par l'Etat membre du for. La Commission européenne suggère, qu'une fois l'opposition formée, la procédure puisse se poursuivre soit par la procédure civile ordinaire, soit par la procédure européenne de règlement des petits litiges. Cette solution est donc animée par un souci de bonne articulation entre les instruments européens adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire civile et contribue donc à l'émergence d'un droit judiciaire privé européen. Dans le même ordre d'idées, voir l'alignement des "normes minimales pour le réexamen de la décision" (COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 18) sur le modèle de l'article 19 du Règlement (CE) n° 4/2009 relatif au recouvrement des obligations alimentaires (N° Lexbase : L5102ICX).
(7) Aux termes de cet article : "le 1er janvier 2014 au plus tard, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport détaillé réexaminant l'application de la procédure européenne de règlement des petits litiges, y compris concernant la limite du montant du litige visée à l'article 2, paragraphe 1. Ce rapport comporte une évaluation de l'application de la procédure et une étude d'impact élargie pour chaque Etat membre [§ 1]. A cette fin et afin de veiller à ce que les meilleures pratiques au sein de l'Union européenne soient dûment prises en compte et soient conformes aux principes de l'amélioration de la législation, les Etats membres donnent à la Commission des informations sur l'application transfrontalière de la procédure européenne de règlement des petits litiges. Ces informations portent sur les frais de justice, la rapidité de la procédure, l'efficacité, la facilité d'utilisation et les procédures internes des Etats membres de règlement des petits litiges [§ 2]. Le rapport de la Commission est accompagné, le cas échéant, de propositions d'adaptation [§ 3]".
(8) Document de travail des services de la Commission, Résumé de l'analyse d'impact accompagnant la proposition du Règlement 19 novembre 2013, SWD(2013) 460 final.
(9) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, COM(2013) 795 final, 19 novembre 2013.
(10) Règlement (CE) n° 861/2007, art. 1.
(11) Par ex., l'usage de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception y est préféré à la signification par huissiers de justice (Règlement (CE) n° 861/2007, art. 13).
(12) Voir en particulier E. Guinchard in J.-F. Van Drooghenbroeck (sous la coordination de), Droit judiciaire européen et international, la Charte, coll. La jurisprudence du Code judiciaire commentée, vol. V, 2012, p. 589 ; F. Ferrand in S. Guinchard (sous la dir.), Droit et pratique de la procédure civile (Droits interne et de l'Union européenne), Dalloz action, 7e éd., 2011, p. 888 ; M. Nioche in L. Cadiet, E. Jeuland et S. Amrani-Mekki (dir.), Droit processuel civil de l'Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 277.
(13) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 1.2
(14) Par ex., Résolution du Parlement européen du 11 juin 2013 sur l'amélioration de l'accès à la justice : aide judiciaire accordée dans le cadre des litiges civils et commerciaux transfrontaliers (2012/2101(INI), P7_TA-PROV(2013)0240).
(15) COM(2013) 794 final, Proposition de Règlement, art. 11. A titre d'exemple, les Etats membres devraient avoir l'obligation de faire bénéficier les parties "d'une aide pratique pour remplir les formulaires" et d'informer leurs ressortissants sur les autorités à même de fournir une telle assistance. Adde, proposition de Règlement, art. 25.
(16) A distinguer avec la solution qu'elle avait retenue à l'égard du Règlement (CE) n° 1206/2001 relatif à l'obtention des preuves à l'étranger (rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen, et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale, COM(2007) 769 final, 5 décembre 2007).
(17) COM(2011) 445 final, préc., spéc. art. 3.
(18) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, spéc. art. 2, § 2. La Commission va d'ailleurs plus loin dans l'exposé des motifs de cette proposition de règlement en évoquant les demandes pouvant être effectuées, dans le cadre de cette procédure, auprès des juridictions des Etats membres de l'Union par des ressortissants de pays tiers ou à leur encontre (exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.2). La finalité est de permettre l'utilisation de cette procédure européenne "dans toutes les affaires comportant un élément d'extranéité, y compris celles impliquant des pays tiers" (ibid.).
(19) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, spéc. considérant n° 6. Adde, exposé des motifs spéc. pt. 3.1.2.
(20) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 2, § 1.
(21) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.1. et pt. 2.
(22) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 1.2.
(23) Auquel on peut associer la volonté de la Commission européenne d'étendre le principe de la libre circulation des décisions de justice au sein de l'Union.
(24) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.1.
(25) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 21, § 2, point b).
(26) En l'occurrence, le formulaire D annexé au Règlement (CE) n° 861/2007 (annexe IV).
(27) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.7.
(28) Conseil européen, Le programme de Stockholm - Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens, JOUE n° C 115, 4 mai 2010, p. 1, spéc. pt. n° 3.4.1.
(29) Voir déjà Conseil de l'Union Européenne, Plan d'action pluriannuel 2009-2013 relatif à l'e-justice européenne (2009/C75/01), JOUE n° C 75, 31 mars 2009, p. 1.
(30) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 13, § 2.
(31) Cela correspond à la solution retenue en droit positif (Règlement (CE) n° 861/2007, art. 4, § 5).
(32) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 4, § 5.
(33) Règlement (CE) n° 861/2007, art. 5, § 2 (non modifié par la proposition de Règlement).
(34) Règlement (CE) n° 861/2007, art. 7, § 2 (non modifié par la proposition de Règlement).
(35) Règlement (CE) n° 861/2007, art. 13 (non modifié par la proposition de Règlement).
(36) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.3.
(37) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 13, § 1. On retrouve une règle semblable en droit français.
(38) JOUE n° L 143, 30 avril 2004, p. 15.
(39) Par souci d'aligner cette procédure de réexamen sur celle prévue dans le Règlement (CE) n° 4/2009 précité, la Commission propose de supprimer la condition tenant au mode de notification employé. En droit positif, le défendeur qui n'a pas comparu dans l'Etat membre d'origine a le droit de demander le réexamen de la décision rendue en application du Règlement (CE) n° 861/2007 à la condition notamment que le mode de notification du formulaire de demande ou de la citation à comparaître à l'audience ne soit pas assorti de la preuve de la réception par le défendeur en personne. Supprimer cette condition revient donc à permettre le réexamen quel que soit le mode de signification ou de notification utilisé.
(40) L'article 5, § 1 du Règlement (CE) n° 861/2007 dispose, en effet, que la juridiction saisie peut rejeter la demande d'une partie visant à la tenue d'une audience si "elle estime que, compte tenu des particularités de l'espèce, une audience est manifestement inutile pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Ce refus est motivé par écrit. Le refus ne peut pas être contesté séparément".
(41) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.4.
(42) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 5, § 1.
(43) A rapprocher avec le programme de Stockholm, préc., spéc. pt. n° 3.4.1.
(44) Idem.
(45) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 8, § 1.
(46) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 8, § 2.
(47) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 9.
(48) COM(2013) 794 final, proposition de Règlement, art. 15 bis.
(49) Règlement (CE) n° 861/2007, art. 16.
(50) Cette somme correspond à la moyenne des frais de justice minimum prévus dans les Etats membres (COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.5).
(51) COM(2013) 794 final, exposé des motifs, spéc. pt. 3.1.5.

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