Lexbase Affaires n°335 du 18 avril 2013

Lexbase Affaires - Édition n°335

Bancaire

[Brèves] Possibilité d'exclure, par une clause expresse, la transmissibilité de la lettre de change par endossement

Réf. : Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-14.133, FS-P+B (N° Lexbase : A0760KC7)

Lecture: 1 min

N6680BTL

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Le 20 Avril 2013

Si la lettre de change est transmissible par endossement, il est, toutefois, possible d'exclure celui-ci par une clause expresse. Telle est la solution retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2013 (Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-14.133, FS-P+B N° Lexbase : A0760KC7). En l'espèce, le 27 octobre 2008, une banque a escompté deux lettres de change, d'un montant de 750 000 euros chacune, le tiré les ayant acceptées. Le premier effet a été payé à l'échéance, tandis que le second a été rejeté par le tiré lors de sa présentation au motif qu'il comportait la mention "traite non endossable sauf accord du tiré" et que celui-ci n'avait pas été donné. La banque a assigné le tiré en paiement de l'effet rejeté. La cour d'appel de Paris condamne le tiré à payer à la banque une certaine somme, l'arrêt retenant, d'abord, que les deux effets ont été signés et acceptés par le tiré (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 2 février 2012, n° 10/14545 N° Lexbase : A8076IBQ). Par ailleurs, en application de l'article L. 511-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L6661AIK), elle estime que toute lettre de change est transmissible par la voie de l'endossement qui doit être pur et simple, toute condition à laquelle il est subordonné étant réputée non écrite. Enfin, les juges d'appel retiennent que l'acceptation d'une lettre de change par le tiré emporte nécessairement l'accord de ce dernier sur l'endossement ultérieur de l'effet et en déduit que la banque est devenue le légitime porteur de l'effet à la suite de l'escompte de celui-ci. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure la solution des seconds juges : en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de change comportait une mention excluant sa transmission par la voie de l'endossement, sauf accord du tiré, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 511-8, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L6661AIK ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E3148AGP).

newsid:436680

Bancaire

[Brèves] Antitrust : la Commission européenne ouvre une enquête sur les commissions interbancaires pratiquées par MasterCard

Réf. : Commission européenne, communiqué IP/13/314 du 9 avril 2013

Lecture: 2 min

N6657BTQ

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Le 12 Avril 2013

La Commission européenne a ouvert, le 9 avril 2013, une procédure formelle d'examen afin de déterminer si MasterCard entrave ou non la concurrence, en violation des règles de l'UE en matière d'ententes et d'abus de position dominante, sur le marché des paiements par carte dans l'Espace économique européen (EEE). Elle craint que certaines commissions interbancaires et pratiques liées appliquées par l'entreprise ne soient anticoncurrentielles. L'enquête approfondie que la Commission vient d'ouvrir porte sur :
- les commissions interbancaires liées aux paiements effectués par des titulaires de cartes de pays hors EEE ;
- toutes les règles relatives à l'acquisition transfrontalière dans le système MasterCard qui restreignent la possibilité, pour un commerçant, de bénéficier de meilleures conditions offertes par des banques établies ailleurs au sein du marché intérieur ; et
- les règles ou pratiques commerciales de MasterCard dans ce domaine qui renforcent les craintes de la Commission concernant la concurrence (comme l'obligation d'accepter toutes les cartes -"Honour All Cards Rule"-, qui oblige un commerçant à accepter tous les types de cartes MasterCard).
En plus de cette mesure prise pour faire respecter les règles en matière d'ententes et d'abus de position dominante, la Commission entend proposer avant l'été un règlement sur les commissions interbancaires liées aux paiements par carte, qui assurera la sécurité juridique et garantira de manière durable l'existence de règles du jeu équitables pour tous les fournisseurs dans l'ensemble de l'UE. Pour rappel, en 2007, la Commission a déjà interdit à MasterCard de pratiquer des commissions interbancaires transfrontalières au sein de l'EEE (voir IP/07/1959 et MEMO/07/590). En mai 2012, le Tribunal a rejeté le recours formé par Mastercard contre cette décision (TPIUE, 24 mai 2012, aff. T-111/08 N° Lexbase : A1927IMC ; lire N° Lexbase : N2136BTB). MasterCard a introduit un pourvoi. Parallèlement, la Commission examine également des pratiques similaires mises en oeuvre par Visa. Au-delà de ces enquêtes, la Commission a annoncé son intention de proposer avant l'été une réglementation sur les commissions interbancaires pour les cartes de paiement. Une fois adoptée par le Conseil et par le Parlement européen, cette réglementation devrait garantir la sécurité juridique et des conditions de concurrence équitables pour tous les fournisseurs (source : Commission européenne, communiqué IP/13/314 du 9 avril 2013).

newsid:436657

Baux commerciaux

[Le point sur...] Bail commercial et procédure collective : la question des délais de grâce à la lumière de l'article 512 du Code de procédure civile (1)

Lecture: 3 min

N6713BTS

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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et du Centre de droit du sport d'Aix-Marseille

Le 18 Avril 2013

Le propriétaire de locaux donnés à bail commercial à un preneur tombant par la suite en procédure collective est particulièrement malmené par le droit des entreprises en difficulté (2). En effet, sauf à avoir obtenu une décision passée en force de chose jugée au jour du jugement d'ouverture constatant l'acquisition de la clause résolutoire en cas de défaut de paiement de loyers antérieurs (3), le bailleur devra attendre trois mois -contre deux avant la loi de sauvegarde de 2005 (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT)- à compter dudit jugement pour agir en résiliation du bail pour défaut de paiement de loyers postérieurs. Si la mise en demeure de se prononcer sur la poursuite ou pas du bail n'a plus vraiment d'utilité (4), si ce n'est celle d'informer de l'existence d'un tel bail en cours, le bailleur devra au surplus respecter la formalité du commandement de payer et son délai incompressible d'un mois de l'article L. 145-41 du Code commerce (N° Lexbase : L5769AII) pour mettre en oeuvre la clause résolutoire (5). Ce délai d'un mois ne s'ajoute pas nécessairement à celui de trois mois ; il peut même se retrouver à l'intérieur de ces trois mois voire avoir commencé à courir avant ce dernier. Tout dépend au vrai de la diligence du bailleur, et du moment à partir duquel il a entendu faire jouer la clause résolutoire : avant, concomitamment au le jugement d'ouverture, ou après celui-ci. Le délai de trois mois n'empêche pas le bailleur de faire délivrer à son preneur le commandement de payer. Simplement, le délai d'un mois écoulé et le commandement demeuré infructueux, la résiliation ne pourra pas intervenir avant la fin des trois mois. Se pose surtout la question des délais de grâce des articles 1244-1 (N° Lexbase : L1358ABW) à 1244-3 du Code civil (6), auxquels renvoie l'alinéa 2 de l'article L. 145-41 du Code de commerce, que le juge saisi pourrait éventuellement accorder au preneur. La jurisprudence l'a clairement affirmé. De tels délais peuvent être accordés par le juge saisi (7), et venir ainsi augmenter d'autant le délai de trois mois et celui d'un mois précités. Les délais de grâce ont même fait l'objet d'une QPC n'ayant pas abouti (8).

Un texte pourtant semblait y faire expressément échec, à savoir l'article 512 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6643H78) qui disposait, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 (N° Lexbase : L8264IRI), que "le délai de grâce ne peut être accordé au débiteur dont les biens sont saisis par d'autres créanciers, ni à celui qui est en état de règlement judiciaire ou de liquidation des biens [de redressement ou de liquidation judiciaires], ou qui a, par son fait, diminué les garanties qu'il avait données par contrat à son créancier.
Le débiteur perd, dans ces mêmes cas, le bénéfice du délai de grâce qu'il aurait préalablement obtenu".

Mais bizarrement aucun juge n'y a été sensible (9), et le sera à l'avenir encore moins dans la mesure où l'article 34 du décret du 20 janvier 2012 a supprimé le syntagme "ni à celui qui est en état de règlement judiciaire ou de liquidation des biens [de redressement ou de liquidation judiciaires]" (cf. C. proc. civ., art. 512, version à jour du décret du 20 janvier 2012 N° Lexbase : L8427IRK), étant précisé que seul le Code de procédure civile Dalloz 2013 est à jour de cette modification, et non le Code Litec.

N'est-il pas possible, pour autant, de voir dans la procédure collective d'un preneur les deux autres cas de figure faisant obstacle aux délais de grâce, à savoir le débiteur dont les biens sont saisis par d'autres créanciers, et celui qui a, par son fait, diminué les garanties qu'il avait données par contrat à son créancier ?

Si la première hypothèse nous semble naturellement exclue, observation faite qu'elle renvoie à l'article 513 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6645H7A), aux termes duquel "le délai de grâce ne fait pas obstacle aux mesures conservatoires", et donc à la loi "Petroplus" (loi n° 2012-346 du 12 mars 2012, relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet N° Lexbase : L3777ISP) et à son décret d'application (décret n° 2012-1190 du 25 octobre 2012, pris pour l'application de la loi n° 2012-346 du 12 mars 2012 N° Lexbase : L2663IU8) (10), la seconde, en revanche, mérite attention .

En d'autres termes, la mise en procédure collective d'un débiteur peut-elle être assimilée au cas du débiteur qui a, par son fait, diminué les garanties qu'il avait données par contrat à son créancier, et permettre ainsi au bailleur de solliciter l'application de l'article 512 du Code de procédure civile en vue de faire échec aux éventuels délais de grâce que le juge pourrait accorder ?

A notre connaissance, cela n'a encore jamais été jugé, et pour tout dire il est très difficile de trouver de la jurisprudence relative à l'article 512 du Code de procédure civile. Nous ne pensons pas que du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective, et il faudrait distinguer selon qu'il y ait ou non cessation des paiements, un preneur fasse ainsi perdre des garanties à son bailleur. Néanmoins, l'ouverture d'une telle procédure peut être l'occasion pour le cocontractant forcé à poursuivre la relation avec le débiteur défaillant d'imposer certaines conditions qui, si elles ne se réalisent pas, lui permettront de mettre fin au contrat continué, venant dès lors diminuer les garanties. Ainsi, un propriétaire de locaux commerciaux s'était engagé envers le repreneur des actifs de son locataire à réduire le loyer à condition que celui-ci obtienne une garantie bancaire. Or, la garantie promise n'ayant pu être fournie à temps, le locataire a logiquement perdu la réduction de loyer (11). On pense par ailleurs à la caution qui, si elle doit en principe respecter ses engagements, conformément à l'article 1134, aliéna 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), peut aussi en être déchargée dans les conditions de l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP) qui peut trouver à s'appliquer, même en procédure collective (12).

Gageons, quoi qu'il en soit, que nos tribunaux soient plus prolixes sur l'article 512 du Code de procédure civile.


(1) Cet article fait suite à une formation sur les baux commerciaux ayant eu lieu à Nice le 2 avril 2013 dans le cadre de la formation continue des avocats, que nous avons animée aux côtés du Bâtonnier Henri Charles, et du débat initié à cette occasion par Maître Roy Spitz, avocat au barreau de Nice.
(2) Par exemple v., CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 15 janvier 2013 n° 12/17592 (N° Lexbase : A1232I3Z), BRDA, 3/2013, inf. 26 ; les obs. de F. Kendérian, Le sort des clauses résolutoire et de préemption en cas de transfert d'un bail commercial dans le cadre d'un plan de cession de l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 333 du 4 avril 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N6438BTM). Plus favorable au bailleur, toutefois, cf., CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 19 septembre 2012, n° 10/22363 (N° Lexbase : A0819ITI), JCP éd. E, 2013, 1187, note F. Kendérian ; Cass. com., 19 février 2013, n° 12-13.662, FS-P+B (N° Lexbase : A4171I8Y) et les obs de P.-M. Le Corre in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Mars 2013 (1er comm.), Lexbase Hebdo n° 331 du 21 mars 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N6245BTH), également J. Prigent, Résiliation pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs à la liquidation judiciaire : précision sur le point de départ du délai de trois mois, Lexbase Hebdo n° 329 du 28 février 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N6027BTE).
(3) Cass com., 15 février 2011, n° 10-12747, F-D (N° Lexbase : A1641GX3) ; Cass. civ. 3, 17 mai 2011, n° 10-15.957, F-D (N° Lexbase : A2573HS4).
(4) Cass. com., 2 mars 2010, n° 09-10.410, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6008ESC), Bull. civ. IV, n° 266 ; JCP éd. E, 10 juin 2010, 1553, note P.-H. Brault ; P.-M. Le Corre in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de - Mars 2010 (2nd comm.), Lexbase Hebdo n° 387 du 18 mars 2010 - édition privée (N° Lexbase : N5949BNN) ; et toutes les références citées in P.-M. Le Corre, Questions-réponses sur la résiliation du bail commercial après l'ouverture d'une procédure collective, Gaz. Pal, éd. spéc., 18 et 19 janvier 2013, p. 43.
(5) Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-19.331, F-D (N° Lexbase : A6449HUE), Dalloz atualités, 18 juillet 2011, obs. A. Lienhard, et toutes les références citées in P.-M. Le Corre, Questions-réponses sur la résiliation du bail commercial après l'ouverture d'une procédure collective, préc..
(6) Cf. F. Macorig-Venier et M.-H. Monsèrié-Bon, Bail commercial et procédures collectives - Questions d'actualités, Dr. et patrimoine, n° 215, juin 2012, p. 81, et toutes les références citées ; P.-M. Le Corre, Questions-réponses sur la résiliation du bail commercial après l'ouverture d'une procédure collective, préc. et toutes les références citées ; J.-E. Kuntz et V. Nurit, Le bail et la procédure collective : une valse à trois temps, BJED, novembre 2011, p. 349 ; F.-H. Briard, A. Duffour, B. Raclet et J.-D. Barbier, in Des procédures autour du bail commercial - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris de A.-L. Lonné-Clément, Lexbase Hebdo n° 503 du 25 octobre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N4181BTZ).
(7) Cass. civ. 3, 4 mai 2011, n° 10-16.939, FS-D (N° Lexbase : A2575HQG), Loyers et copropriété, 2011, comm. 219, obs. E. Chavance ; Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-25.689, F-P+B (N° Lexbase : A1984H4A), Bull. civ. IV, n° 204 et les obs. de A. Confino et A. Figaro, La mise en oeuvre de la clause résolutoire pour non paiement de loyers et charges postérieurs au jugement de liquidation judiciaire du preneur commerçant et l'octroi de délais, Lexbade Hebdo n° 284 du 16 février 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N0221BTD) ; Cass. com., 30 octobre 2007, n° 05-17.719, F-D (N° Lexbase : A2279DZG), RJDA, 3/2008, n° 238 ; Cass. com., 10 juillet 2001, n° 99-10.397, publié (N° Lexbase : A1717AU7), RJDA, 8-9/2002, n° 910 ; CA Amiens, ch. éco., 2 octobre 2012, n° 10/03307 (N° Lexbase : A6954ITQ), BRDA, 23/2012, inf. 16 ; Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-16.255, FS-P+B (N° Lexbase : A1211DMS), RJDA, 4/2006, n° 391 ; Cass. civ. 3, 19 mai 1999, n° 97-19.608, inédit (N° Lexbase : A9891CWA), RJDA 7/1999 n° 765.
(8) Cass. QPC, 18 juin 2010, n° 09-71.209, P+B (N° Lexbase : A4037E3W) ; Bail commercial et clause résolutoire (suite) : la Cour de cassation garde le cap en refusant de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC sur le délai de grâce et en rappelant les limites à la mise en oeuvre de la clause, obs. F. Kendérian : RTDCom., 2011, p. 57, n° 1.
(9) Par exemple, CA Aix-en-Provence, 1ère ch., sect. C, 25 mars 2010, n° 09/13199 (N° Lexbase : A6190EZB).
(10) Cf., not., P.-M. Le Corre, "Petroplus" : commentaire de la loi et du décret, Lexbase Hebdo n° 308 du 13 septembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N3459BTB).
(11) Cass. civ. 3, 23 janvier 2013 n° 11-25.594, FS-D (N° Lexbase : A8812I3R).
(12) Cass. com., 19 février 2013, n° 11-28.423, F-P+B (N° Lexbase : A4256I87) Dalloz actualité, 27 février 2013, obs. A. Lienhard.

newsid:436713

Baux commerciaux

[Brèves] Application des dispositions de l'article L. 145-39 en présence d'une clause d'échelle mobile prévoyant la prise en compte de la variation de l'indice de référence uniquement en cas de hausse

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 3 avril 2013, n° 11/14299 (N° Lexbase : A4546KBY)

Lecture: 2 min

N6697BT9

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Le 18 Avril 2013

Aucune disposition légale ne prohibant une restriction du mécanisme d'application de la clause d'échelle mobile par la convention des parties, la clause du bail qui prévoit de ne prendre en compte la variation de l'indice de référence qu'en cas de hausse de celui-ci est licite, dès lors que l'indice choisi est lui-même licite. Cette clause du bail demeure cependant, malgré le défaut de réciprocité, une clause dite d'échelle mobile par le choix d'un indice de référence licite susceptible lui-même de varier tant à la hausse qu'à la baisse, même si sa variation n'est prise en compte pour le calcul du loyer qu'en cas de hausse constatée et en faveur d'une partie. Bien que les parties aient expressément convenu que cette clause d'indexation conventionnelle ne se référait pas à la révision triennale prévue par les articles 26 et 27 du décret du 30 septembre 1953 (N° Lexbase : L9107AGE), une telle clause ne peut mettre obstacle à l'application des mécanismes légaux de révision du bail qui sont d'ordre public et s'imposent aux parties et à celle de l'article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5767AIG) en particulier qui prévoit que, chaque fois que par le jeu de la clause d'échelle mobile, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, la révision du loyer et sa fixation à la valeur locative peuvent être demandées, l'article L. 145-39 ne posant aucune autre exigence que la simple constatation de l'augmentation ou la diminution du loyer par le jeu de la clause d'échelle mobile. Aussi, doit être approuvé le premier juge en ce qu'il a retenu que, par le jeu de la clause du bail qualifiée de clause d'échelle mobile, le loyer a été porté à une somme correspondant à une augmentation de plus du quart du montant du loyer préalablement fixé de sorte que l'action en révision du loyer peut donc être mise en oeuvre et est recevable. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 3 avril 2013 (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 3 avril 2013, n° 11/14299 N° Lexbase : A4546KBY). La cour d'appel de Douai avait jugé le contraire dans un arrêt 21 janvier 2010, retenant en effet que si une telle clause est licite et conforme à la liberté contractuelle, elle ne revêt pas l'exigence de variation positive et négative pour entrer dans le champ d'application de l'article L. 145-39 du Code de commerce qui est d'interprétation stricte (CA Douai, 2ème ch., 2ème sect., 21 janvier 2010, n° 08/08568 N° Lexbase : A2518ETG ; cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E0525AGK).

newsid:436697

Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Avril 2013

Lecture: 14 min

N6669BT8

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP

Le 18 Avril 2013

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts publiés au Bulletin rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 mars 2013. Dans le premier commenté par Emmanuelle Le Corre-Broly, la Haute juridiction consacre le caractère obligatoire de la demande en revendication nonobstant la poursuite du contrat (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.729, FS-P+B). Dans le second commentaire de cette chronique, le Professeur La Corre revient sur un arrêt dans lequel la Cour répond à la question de savoir si une dette de loyers d'un bail à usage d'habitation constitue ou non une créance postérieure méritante (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.365, FS-P+B+I).
  • Caractère obligatoire de la demande en revendication nonobstant la poursuite du contrat (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.729, FS-P+B N° Lexbase : A9689I9Q)

En application des dispositions de l'article L. 624-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L3492ICC), le propriétaire d'un bien meuble qui n'est pas titulaire d'un contrat publié est tenu de revendiquer son bien dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc. Quel contenu formel doit revêtir cette demande ? Cette démarche demeure-t-elle impérative lorsque, dans ce même délai, une option pour la continuation du contrat en cours aura été formulée à la suite d'une mise en demeure adressée par le cocontractant d'avoir à opter sur la poursuite du contrat ?

Telles sont les questions au coeur d'un arrêt, rendu le 12 mars 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, appelé à la publication au Bulletin.

Au regard des faits de l'espèce, sur mise en demeure d'avoir à opter sur le sort du contrat adressée par le propriétaire, le locataire d'un bien meuble avait régulièrement poursuivi le contrat, avec l'avis conforme du mandataire judiciaire. Quelques mois après l'ouverture du redressement, la procédure fut convertie en liquidation judiciaire et le mandataire judiciaire désigné en qualité de liquidateur. Le propriétaire avait alors présenté une revendication, dont le bien-fondé fut diversement apprécié par les juges du fond, certains (le juge-commissaire et la cour d'appel) ayant accueilli celle-ci, d'autres (le tribunal) n'y ayant pas fait droit. Pour sa part, la Chambre commerciale casse l'arrêt d'appel (CA Besançon, 27 juillet 2011, n° 10/03007 N° Lexbase : A1176HXT) qui avait considéré que le courrier de demande de prise de position sur la poursuite du contrat, qui avait été transmis au mandataire judiciaire, devait s'analyser en une demande de revendication susceptible d'acquiescement. Sa position est motivée ainsi : "en statuant ainsi, alors que la lettre précitée [la mise en demeure d'avoir à opter sur le sort du contrat], qui n'invitait pas son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété de la bailleresse sur le bien, ne valait pas demande en revendication, la cour d'appel a violé les textes susvisés [articles L. 624-9 et R. 624-13 N° Lexbase : L0913HZT du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 N° Lexbase : L2777ICT et du décret du 12 février 2009 N° Lexbase : L9187ICA]".

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt.

Le premier -le plus évident- tient à ce que la demande en revendication doit impérativement inviter son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété. La solution apparaît parfaitement logique dans la mesure où la revendication a pour objet de rendre opposable à la procédure collective le droit de propriété. Or, aucune invitation en ce sens n'est contenue dans une mise en demeure d'avoir à opter sur la poursuite d'un contrat en cours. Comme l'a remarqué un auteur, il faut en outre constater "que la continuation du contrat en cours et l'action en revendication ne mettent pas en jeu les mêmes rapports juridiques. La continuation du contrat n'intéresse que les rapports entre les parties au contrat, à savoir le cocontractant et le débiteur. Au contraire, l'action en revendication n'a pas d'effet immédiat entre les parties au contrat. Elle intéresse les rapports entre le propriétaire du bien et la procédure collective. Il s'agit, pour le premier, d'opposer son droit de propriété à la procédure collective" (1).

Il n'en demeure pas moins que, ainsi que le souligne l'arrêt rapporté, dans l'hypothèse où le destinataire de la demande en revendication est également celui de la mise en demeure d'avoir à opter, rien n'interdit à celui qui revendique d'interroger le destinataire, en même temps et donc dans le même courrier, sur la poursuite du contrat portant sur le bien revendiqué.

Un second enseignement semble devoir être tiré de cet arrêt. On peut, en effet, en déduire que l'option en faveur de la poursuite du contrat (qui avait été exercée en l'espèce, ainsi que le mentionne le moyen annexé au pourvoi) ne dispense pas le propriétaire d'avoir à revendiquer. Cette question divisait jusqu'alors la doctrine, un auteur considérant que la continuation du contrat ne dispensait pas le propriétaire d'avoir à revendiquer (2), cependant qu'un autre, focalisé sur une jurisprudence ancienne rendue sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction initiale, était d'un avis contraire (3). Cette question est en effet loin d'être nouvelle et sa réponse a connu une évolution induite par les législations successives.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction initiale (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), aucune coordination n'avait été opérée par le législateur entre les règles de la continuation des contrats et celles des revendications. Devant le silence du texte sur la question, la Cour de cassation (4) avait tranché en faveur de l'absence de nécessité de revendiquer lorsque le contrat avait été régulièrement continué à l'intérieur du délai de revendication (à l'époque, trois mois à compter du jugement d'ouverture).

Sous l'empire de la loi de 1985 modifiée par la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7), puis sous l'empire de la loi de sauvegarde dans sa rédaction initiale (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), la question de savoir si le propriétaire était contraint de revendiquer alors que le contrat était poursuivi ne se posait plus car le législateur avait pris le soin de coordonner les règles de la continuation des contrats et des revendications. En effet, si le bien faisait l'objet d'un contrat en cours, le délai de revendication ne commençait à courir qu'à compter de la résiliation ou du terme du contrat (C. com., art. L. 624-9, al. 2, ancien N° Lexbase : L3777HBI). En conséquence, il n'était pas question de revendiquer tant que le contrat était continué puisque le contrat demeurait alors en cours.

Puis l'ordonnance du 18 décembre 2008 a abrogé l'alinéa 2 de l'article L. 624-9, de sorte que le délai de revendication court désormais systématiquement de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc. La question se posait alors de savoir si cela devait redonner de l'intérêt à la jurisprudence rendue sous l'empire de la 1985 et un éminent auteur (5) avait suggéré de reconduire, sous l'empire de l'ordonnance du 18 décembre 2008, la solution selon laquelle la revendication deviendrait inutile lorsqu'une option en faveur de la continuation aurait été formulée sur la continuation du contrat avant l'expiration du délai de revendication.

Une position contraire, vers laquelle semble pencher l'arrêt rapporté, était soutenue par le Professeur Le Corre (6), en raison d'un tout autre contexte législatif. En effet, contrairement à la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction initiale, l'ordonnance du 18 décembre 2008 prévoit une coordination entre les règles de la continuation des contrats en cours et celles de l'action en revendication car l'ordonnance a inséré dans le Code de commerce un article L. 624-10-1 (N° Lexbase : L3522ICG) prévoyant que lorsque le bien fait l'objet d'un contrat en cours, la restitution effective intervient au jour de la résiliation ou du terme du contrat. Il n'y a donc plus place, comme sous l'empire de la loi de 1985 initiale, à faire "parler le mutisme législatif" (7) qui posait problème car le texte ne prévoyait pas à l'époque que la restitution effective du bien (découlant du succès de l'action en revendication) était différée jusqu'au terme du contrat.

La solution qui se dégage de l'arrêt rapporté doit donc être approuvée sans réserve. Elle doit conduire le propriétaire à présenter systématiquement une demande en acquiescement de revendication, cela que le contrat ait ou non été poursuivi. Il veillera, en outre, à ce que son courrier invite effectivement le destinataire à se prononcer sur son droit de propriété.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia Antipolis, membre du CERDP

  • La dette de loyers d'un bail à usage d'habitation, une créance postérieure méritante ? (Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-24.365, FS-P+B+I N° Lexbase : A6604I9H)

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), le législateur exige du créancier qu'il remplisse trois conditions cumulatives pour prétendre être traité comme un créancier postérieur élu, la où, sous l'empire de la législation antérieure, deux conditions suffisaient. Comme par le passé, la créance doit être née après le jugement d'ouverture et être née régulièrement, c'est-à-dire dans le respect des règles de répartition de pouvoirs entre le débiteur et les organes de la procédure collective, règles dites de l'administration contrôlée en période d'observation, règles du dessaisissement en liquidation judiciaire. A ces deux premiers critères traditionnels qualifiés pour le premier de critère chronologique et pour le second de critère organique, s'ajoute, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, un troisième critère : celui de finalité. On évoque ainsi le critère téléologique.

Ce dernier critère a partiellement évolué, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008. Il se décompose en réalité en trois sous-critères alternatifs.

Le premier de ces critères est celui des besoins du déroulement de la procédure. Ce critère se distingue des deux autres sur un point important : il ne connaît pas de limite temporelle autres que celle de la procédure collective elle-même. Tout spécialement, et la remarque est importante, toutes créances nées pendant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure collective sera éligible au traitement préférentiel, alors que, pour les deux autres critères, le législateur va exiger, si la créance apparaît en liquidation judiciaire, qu'elle soit née pendant la seule poursuite provisoire d'activité.

Le deuxième est le critère des besoins de la poursuite de la période d'observation et ceux de la poursuite provisoire d'activité autorisée en liquidation judiciaire. On peut considérer, puisque la période d'observation et celle de poursuite d'activité en liquidation judiciaire sont toutes deux des périodes de poursuite d'activité, qu'il s'agit plus largement du critère des besoins de la poursuite d'activité.

Le troisième critère a évolué. Dans la version d'origine de la loi de sauvegarde des entreprises, le législateur rendait exigible au traitement préférentiel les créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour les besoins de son activité professionnelle. Ces créances devaient en outre être nées soit pendant la période d'observation, soit pendant la poursuite provisoire d'activité autorisée en liquidation judiciaire. Comme les créances nées pour les besoins de la poursuite d'activité, ce type de créances est donc enfermé dans des limites temporelles de naissance, en liquidation judiciaire. L'ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié ce critère en supprimant la restriction qui concernait le lien entre la créance et les besoins de l'activité professionnelle du débiteur. Ainsi, désormais, toute créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, qu'elle soit ou non en rapport avec son activité professionnelle, est éligible au traitement préférentiel. Mais encore faut-il qu'elle soit née en période d'observation, ou, comme l'exige l'article L. 641-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L3405IC4), pendant la poursuite d'activité en liquidation judiciaire.

Précisons immédiatement que, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine, les créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour des besoins extra-professionnels pouvait avoir un régime particulier si elles étaient considérées comme des créances nées pour les besoins de la vie courante. Ces créances postérieures, non éligibles au traitement préférentiel, échappaient à la discipline collective applicable par principe aux créances postérieures non méritantes, globalement traitées comme des créances antérieures. En effet, ces créances postérieures nées pour les besoins de la vie courante pouvaient être payées par le débiteur et échappaient à l'obligation de déclaration au passif.

Le régime qui vient d'être décrit aurait pu être appliqué aux fais de l'espèce si la procédure collective avait été ouverte entre le 1er janvier 2006 et le 14 février 2009. Mais, ouverte à compter du 15 février 2009 -en l'espèce le 25 juin 2009-, s'applique le régime issu de l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Le problème qui se posait en l'espèce était de déterminer les règles applicables à une créance de loyers d'un bail à usage d'habitation, contrat qui avait été poursuivi en liquidation judiciaire et même après la poursuite provisoire d'activité. Si, pour la phase de poursuite provisoire d'activité, il n'y avait pas de difficulté à considérer que les loyers étaient couverts par le régime préférentiel applicable aux créances postérieures, le problème surgissait pour les loyers du bail d'habitation nées au-delà de la poursuite provisoire d'activité.

Le bailleur entendait en obtenir le paiement de la part du liquidateur. Il avait bien compris que s'il appliquait à la lettre les dispositions de l'article L. 641-13 du Code de commerce, il aurait quelques difficultés à faire considérer comme couvert par le traitement préférentiel sa créance de loyers usage d'habitation. Aussi, ingénieusement avait-il essayé de déplacer le débat sur le terrain des dettes nées pour les besoins du déroulement de la procédure. C'était bien vu.

En effet, si le critère de rattachement au traitement préférentiel de la créance de loyers à usage d'habitation est celui de la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, la créance est éligible au traitement préférentiel pendant toute la période d'observation, ainsi que pendant la poursuite provisoire d'activité autorisée en liquidation judiciaire. Peu importe, s'agissant d'une procédure collective ouverte à compter du 15 février 2009, que la créance soit en relation avec l'activité professionnelle du débiteur. En revanche, il apparaît qu'elle ne peut être éligible au traitement préférentiel pour la période suivant l'expiration de la poursuite provisoire de l'activité autorisée en liquidation judiciaire.

Alors, pouvait-il s'agir d'une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure collective ? Non répond, fermement la Cour de cassation, en censurant le jugement du tribunal d'instance : "La créance de loyer d'habitation du débiteur, échue postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de ce dernier, n'est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure".

La solution doit être totalement approuvée. Le législateur a posé trois critères téléologiques distincts d'attribution du traitement préférentiel. Ces critères, par principe, ne sont pas interchangeables. A quoi servirait de poser des critères distincts s'il ne fallait pas leur reconnaître un contenu, et par voie de conséquence, un domaine distinct ? En outre, il n'échappera à personne que le traitement préférentiel accordé à certains créanciers postérieurs est composé, d'une part, de la règle du paiement à l'échéance, et, d'autre part, d'un privilège. N'enseigne-t-on pas que, en droit français, les privilèges sont de droit strict ? Or, cela signifie deux choses : d'une part, ils ne peuvent exister sans texte ; d'autre part, ils ne peuvent être interprétés largement, c'est-à-dire au-delà de ce que prévoient les textes.

A cet égard, on ne peut que dénoncer la tentation de considérer que le traitement préférentiel devrait être accordé sur le seul constat que la créance est utile. Tel n'est pas le problème. Ce concept, qui ajoute à la loi, introduit, dans le domaine de l'interprétation nécessairement strict des privilèges, une dose de subjectivité, indiscutablement source d'insécurité. Il faut, mais il suffit de se demander si la créance répond biens aux prescriptions du législateur.

Schématiquement, on énoncera que la créance est née pour les besoins de la poursuite d'activité si elle peut être rattachée à cette poursuite. Il en sera ainsi spécialement de toutes les obligations légales, fiscales et sociales. La créance en question doit se rattacher à l'activité professionnelle du débiteur.

La créance est la contrepartie d'une prestation lorsque le créancier a fourni une prestation au débiteur, ce qui se rattache schématiquement à la poursuite des contrats en cours et à la conclusion des contrats nouveaux. Peu importe que la créance se rattache à l'activité professionnelle du débiteur.

Ces deux premiers types de créances peuvent être considérés comme contingents par rapport à la procédure collective, ce qui signifie que la créance est née pendant la procédure collective, mais qu'elle aurait parfaitement pu naître en dehors de la poursuite d'activité. Ces créances doivent être nées soit en période d'observation, soit pendant la poursuite d'activité en liquidation judiciaire. Ces créances ne sont plus couvertes par le traitement préférentiel si elles sont nées en liquidation judiciaire en dehors de la poursuite provisoire d'activité.

La créance est née pour les besoins du déroulement de la procédure lorsque la procédure collective est le cadre obligé à la naissance de la créance. Ce type de créance est inhérent à la procédure collective, en ce sens que, par principe, la créance n'aurait pu naître sans l'ouverture de la procédure collective.

Il faut toutefois considérer que certaines créances contingentes seront nées pour les besoins du déroulement de la procédure. Il en ira ainsi pour des créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la liquidation judiciaire, en dehors de la poursuite d'activité, et qui vont permettre de respecter les finalités de la liquidation judiciaire. Ainsi, la poursuite du bail commercial, qui va rendre possible la cession du fonds de commerce en ce compris le droit au bail, rentre dans cette catégorie. En réalité, on peut remarquer que les créances ont continué à naître au-delà des besoins de l'activité. S'il n'avait pas été question de réaliser au mieux les actifs du débiteur -objectif de la liquidation judiciaire-, le bail aurait du être résilié et les locaux restitués au bailleur. Finalement, on s'aperçoit que les loyers supplémentaires qui sont nés, au-delà des stricts besoins de la poursuite d'activité, s'inscrivent dans les besoins du déroulement de la liquidation judiciaire. En ce sens, on peut considérer que ces loyers supplémentaires ne sont pas simplement contingents par rapport à la liquidation judiciaire. S'ils n'avaient pas été question de réaliser le fonds de commerce avec le droit au bail, ces loyers supplémentaires ne seraient pas nés. Ainsi, il apparaît que les loyers supplémentaires nés pour permettre la cession du fonds de commerce sont bien inhérents à la liquidation judiciaire. Ils ne seraient pas nés en nombre aussi importants s'il n'avait été question des exigences du déroulement de la liquidation judiciaire et des opérations de réalisations d'actifs qu'elle comporte.

On le voit, la notion de créance inhérente à la procédure collective peut donc permettre de rendre compte de toutes les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure.

Terminons en indiquant la curieuse situation dans laquelle se trouve en l'espèce le bailleur à usage d'habitation. Il ne peut être payé au titre des loyers du bail nés après expiration de la poursuite d'activité autorisée en liquidation judiciaire -et non simplement échus comme l'énonce la Cour de cassation, l'exigibilité ne permettant pas de répondre du fait générateur d'une créance- puisque sa créance n'est pas éligible au traitement préférentiel. La règle de l'interdiction des paiements de l'article L. 622-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3389ICI) s'applique à lui. Pas davantage, il ne peut agir en résiliation de son contrat, faute de pouvoir fonder son action sur une créance postérieure méritante (C. com., art. L. 622-21, I, 2° N° Lexbase : L3452ICT). Ainsi, il apparaît prisonnier d'un contrat, dont il ne pourra obtenir paiement.

N'est-ce pas beau, ça ? Cela porte un nom : c'est une malfaçon législative, qui ne nous semble guère constitutionnelle en ce qu'elle méconnaît totalement le droit de créance, qui peut être appréhendé comme un droit de propriété, et que le législateur pourrait penser à corriger s'il lui advenait de revoir prochainement sa copie, comme on l'annonce.

Pour cela, le législateur pourra penser à modifier l'article L. 641-13, I du Code de commerce en supprimant à la fin de cette disposition l'expression "pendant ce maintien d'activité" et la remplaçant par l'expression "pendant la liquidation judiciaire". Il n'est en effet pas judicieux d'avoir déconnecté les règles de la continuation des contrats en cours, qui continuent à s'appliquer en dehors de toute poursuite provisoire d'activité en liquidation judiciaire, de celles qui attribuent aux créanciers postérieurs un traitement préférentiel : si le contrat se poursuit pendant la liquidation judiciaire, indépendamment de toute poursuite d'activité, le cocontractant doit pouvoir recevoir son paiement.

Simple et logique, non ?

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise


(1) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 6ème éd., 2012/2013, n° 813.54.
(2) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 813.54.
(3) En ce sens Ph. Pétel, Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II - commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, JCP éd. E, 2009, 1049, n° 37.
(4) Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-19.100, publié (N° Lexbase : A4739AB7), Bull. civ. IV, n° 316, Dr. sociétés, 1994, n° 93, obs. Y. Chaput ; Cass. com., 6 décembre 1994, deux arrêts, n° 92-18.722, publié (N° Lexbase : A3941ACX) et n° 92-16.931, publié (N° Lexbase : A7137ABX), Bull. civ. IV, n° 365 et n° 367, LPA, 23 janvier 1995, p. 10, note B. Soinne, Rev. huissiers, 1995, 449, note Courtier, JCP éd. E, 1995, I, 457, n° 14, obs. Ph. Pétel, JCP éd. E, 1995, II, 698, note L. Leveneur ; Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-16.113, publié (N° Lexbase : A1207ABC), Bull. civ. IV, n° 11, D., 1996, somm. 213, obs. F. Pérochon.
(5) En ce sens Ph. Pétel, Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II - commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008", préc..
(6) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 813.54.
(7) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 813.54.

newsid:436669

Entreprises en difficulté

[Brèves] Pouvoir du juge qui relève son absence de pouvoir juridictionnel pour trancher une contestation relative à une créance déclarée

Réf. : Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-15.414, F-P+B (N° Lexbase : A0815KC8)

Lecture: 1 min

N6678BTI

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Le 19 Avril 2013

La cour d'appel qui relève son absence de pouvoir juridictionnel pour trancher une contestation relative à une créance déclarée doit surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, de sorte qu'elle ne peut pas constater la forclusion édictée par l'article R. 624-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L0905HZK). Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2013 (Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-15.414, F-P+B N° Lexbase : A0815KC8). En l'espèce, un établissement de crédit déclare sa créance correspondant à trois prêts accordés par actes notariés du 10 août 2000 au redressement judiciaire de l'emprunteur ouvert le 1er mars 2007. La déclaration ayant été contestée, le juge-commissaire a, par ordonnance du 28 janvier 2010, considéré que la contestation soulevée par la débitrice sur la nullité des contrats de prêts ne relevait pas de ses pouvoirs juridictionnels. Faute pour la débitrice d'avoir pris l'initiative d'engager une action judiciaire dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du Code de commerce, le créancier a saisi de nouveau le juge-commissaire pour faire admettre sa créance au passif du redressement judiciaire du débiteur. La cour d'appel rejette la créance de la banque, retenant que, même en l'absence de saisine de la juridiction compétente dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 précité, le juge-commissaire et la cour d'appel, statuant en matière de vérification des créances, restaient sans pouvoir pour se prononcer sur la validité de la créance contestée et, par voie de conséquence, sur son admission, constate la forclusion édictée par l'article R. 624-5. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure l'arrêt d'appel au visa des articles L. 624-2 (N° Lexbase : L3758HBS), L. 631-18 (N° Lexbase : L3322ICZ), R. 624-5 et R. 631-29 du Code de commerce (N° Lexbase : L1012HZI ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0434EXD).

newsid:436678

[Brèves] Validité de la mention manuscrite du cautionnement souscrit par une personne physique au profit d'un créancier professionnel : la position moins "rigoriste" de la première chambre civile

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I (N° Lexbase : A0814KC7)

Lecture: 1 min

N6675BTE

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Le 25 Avril 2013

L'évocation du caractère "personnel et solidaire" du cautionnement, d'une part, la substitution du terme "banque" à ceux de "prêteur" et de "créancier", d'autre part, n'affectent ni le sens, ni la portée des mentions manuscrites prescrites par les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et suivant du Code de la consommation. Tel est le sens d'un arrêt rendu la 10 avril 2013 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I N° Lexbase : A0814KC7). En l'espèce, pour prononcer la nullité du cautionnement solidaire souscrit par une personne physique au bénéfice d'une banque et ainsi débouter la banque de sa demande en paiement, une cour d'appel a retenu que la mention manuscrite n'est pas totalement conforme aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7) du Code de la consommation, puisqu'elle énonce : "en me portant caution personnelle et solidaire [du débiteur principal] dans la limite de la somme de 35 000 euros - trente cinq mille euros- couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 13,5 mois -treize mois et demi-, je m'engage à rembourser à la banque les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [le débiteur principal] n'y satisfait pas lui-même en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du Code civil (N° Lexbase : L2256AB8) et en m'obligeant solidairement avec [le débiteur principal] je m'engage à rembourser à la banque sans pouvoir exiger qu'elle poursuive préalablement [le débiteur principal]". Mais, énonçant le principe précité, la première chambre civile censure cette solution au visa des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, semblant ainsi confirmer une analyse moins "rigoriste" que celle de la Chambre commerciale (Cass. com., 5 avril 2011, n° 09-14.358, F-P+B N° Lexbase : A3426HN9 vs. Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 02-17.028, FS-P+B N° Lexbase : A8425DDE et cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E7158A8M).

newsid:436675

[Brèves] Rappel : possibilité pour la caution solidaire d'invoquer l'article 2314 du Code civil

Réf. : Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-14.596, F-P+B (N° Lexbase : A0923KC8)

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N6677BTH

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Le 18 Avril 2013

La caution, peu important que son engagement soit simple ou solidaire, est fondée à invoquer l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP), sous réserve qu'elle dispose d'un recours subrogatoire. Tel est le rappel opéré par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2013 (Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-14.596, F-P+B N° Lexbase : A0923KC8 ; dans le même sens Cass. civ. 1, 27 février 1968, n° 66-13.282 N° Lexbase : A7050DG9). En l'espèce, le 16 septembre 1994, une banque a consenti deux prêts, l'un à une EURL, l'autre à une SCI le dirigeant de ces deux sociétés, s'étant rendu caution solidaire, et la société Compagnie internationale de caution pour le développement (ICD), ultérieurement mise en liquidation judiciaire, "caution simple" à concurrence d'une certaine somme. Les échéances des prêts ayant cessé d'être honorées et la banque ayant fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la SACEM, la caution l'a assignée devant le juge de l'exécution en nullité de cette saisie, et, subsidiairement, a recherché sa responsabilité. La cour d'appel de Montpellier, pour débouter la caution de sa demande tendant à être déchargée de son engagement, retient que ce cautionnement étant solidaire et indivisible, la caution a renoncé au bénéfice de discussion et de division et ne peut se prévaloir du dépérissement de l'engagement donné parla société ICD, caution simple (CA Montpellier, 24 novembre 2011, n° 11/00500 N° Lexbase : A4415H4B). Mais, énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure l'arrêt d'appel au visa de l'article 2314 du Code civil (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E3311A87).

newsid:436677

[Brèves] Sauf clause contraire, le cautionnement garantissant un CDD ne suit pas le contrat prolongé

Réf. : Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-18.019, F-P+B (N° Lexbase : A0883KCP)

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N6679BTK

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Le 23 Avril 2013

Sauf clause contraire, la caution qui a garanti l'exécution d'un contrat à durée déterminée n'est pas tenue de la prolongation des relations contractuelles par les mêmes parties par l'effet des prorogations. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 9 avril 2013 (Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-18.019, F-P+B N° Lexbase : A0883KCP). En l'espèce, une société de raffinage pétrolier a conclu un contrat de location-gérance d'une durée de trois ans, avec un distributeur de carburant. Le même jour, les gérants de cette société, se sont rendus cautions envers la société de raffinage de toute somme que le distributeur de carburant pourrait devoir en vertu du contrat de location-gérance. Ce contrat, prorogé par trois avenants successifs, a pris fin le 31 décembre 2006 et, le 11 juin 2007, le distributeur a été mis en liquidation judiciaire. Après avoir déclaré sa créance, la société de raffinage a assigné les cautions en exécution de leur engagement. Cette demande ayant été rejetée, la créancière a formé un pourvoi en cassation, au soutien duquel elle faisait notamment valoir que l'obligation de reconduire expressément un cautionnement accessoire au contrat initial ne s'impose que lorsque le contrat initial a pris fin, il lui a été substitué un nouveau contrat, ce qui n'est pas le cas lorsque le terme du contrat cautionné a été prorogé. La Cour régulatrice rejette le pourvoi : si le contrat a été prorogé à trois reprises pour prendre fin le 31 décembre 2006, les cautions ne se sont pas engagées comme cautions dans le cadre de ces nouvelles relations contractuelles et, sauf clause contraire, la caution qui a garanti l'exécution d'un contrat à durée déterminée n'est pas tenue de la prolongation des relations contractuelles par les mêmes parties par l'effet des prorogations. Or, ayant ainsi fait ressortir que la prolongation du contrat de location-gérance avait donné naissance à des obligations nouvelles que les cautions n'avaient pas garanties, faute de s'y être engagées dans l'acte de cautionnement ou lors de la signature des avenants, la cour d'appel qui a relevé qu'il n'était pas établi que les créances litigieuses étaient nées antérieurement à l'expiration du contrat initial, a exactement décidé que le cautionnement avait pris fin le 31 mars 2005 (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E0672A8E).

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Internet

[Jurisprudence] La reconnaissance implicite d'un droit voisin au profit du producteur de spectacles

Réf. : T. com. Nanterre, 13 mars 2013, aff. n° 2013R00242 (N° Lexbase : A8072KBL) et T. com. Paris, ord. référé, 20 mars 2013, aff. n° 2013001010 (N° Lexbase : A8073KBM)

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par Antoine Casanova, avocat à la cour, Cabinet Danièle Véret

Le 18 Avril 2013

L'activité consistant en la vente de billets donnant accès à des événements culturels ou sportifs a connu un fort développement ces dernières années, notamment en ligne, avec l'apparition de nombreux sites internet dédiés à cette activité. Très vite, un marché secondaire s'est développé avec pour pratique l'acquisition de billets pour des événements majeurs, dans le but de les revendre à un prix nettement supérieur. Sur ce marché secondaire la plus-value effectuée dépend directement de la pénurie de billets en circulation et donc de l'attractivité de cet événement aux yeux du public. Le législateur a eu la volonté de renforcer le dispositif légal encadrant cette activité, qui n'était régit que par une loi du 27 juin 1919, portant répression du trafic des billets de théâtre. Ainsi, la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012, tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles (N° Lexbase : L3775ISM), prise à cet effet, traduit une nette la volonté du législateur de restreindre le développement du marché secondaire de la vente de billets. Cette loi a ainsi introduit dans le Code pénal un article 313-6-2 (N° Lexbase : L3838ISX), qui figure dans la section relative aux infractions voisines de l'escroquerie et qui prohibe "le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle". Cette infraction est désormais punie d'une peine de 15 000 euros d'amende, peine pouvant être portée à 30 000 euros en cas de récidive (1). Le 13 mars 2013, le tribunal de commerce de Nanterre a rendu la première ordonnance de référé faisant application du nouvel article 313-6-2 du Code pénal, suivi de près par le tribunal de commerce de Paris qui, le 20 mars 2013, a lui aussi, rendu une ordonnance de référé fondée sur cet article.

L'affaire jugée par le tribunal de commerce de Nanterre opposait les sociétés TS3 et Nous, producteurs de plusieurs spectacles culturels, en l'occurrence des concerts, à la société Yamson Event, qui exploite un site de vente en ligne de billets d'événements culturels ou sportifs, exploité sur le nom de domaine www.ticket-concert.com.

Dans l'affaire jugée par le tribunal de commerce de Paris, la société défenderesse était la société Viagogo Inc. Cette société de droit américain exploite un site éponyme qui se présente comme une bourse d'échange de billets entre internautes, pour lequel, elle a déjà, à plusieurs reprises, été condamnée sur le fondement de la loi 27 juin 1919 (2).

Cet article 313-6-2 du Code pénal met un terme définitif au principe de licéité de la revente de billets (I). Le renversement de ce principe conduit, indirectement mais nécessairement, à la reconnaissance d'une sorte de droit voisin au profit du producteur de spectacle (II). Si un certain nombre d'interrogations demeurent quant au régime applicable à la nouvelle infraction établie par l'article 313-6-2 du Code pénal, les décisions rendues respectivement par les tribunaux de commerce de Nanterre et de Paris le 13 et le 20 mars 2013, apportent certaines précisions bienvenues (III).

I - La fin du principe de la licéité de la revente de billets donnant accès aux spectacles et aux manifestations culturelles

Si les ordonnances du 13 et 20 mars 2013 avaient eu pour fondement la loi du 27 juin 1919, il est fort probable qu'elles n'auraient pas été en faveur des producteurs de spectacles. En effet, si le législateur a eu très tôt la volonté de ne pas laisser le marché secondaire des billets de spectacles sans réglementation, les conditions d'application de la loi étaient assez restrictives. Ainsi, aux termes de l'article 1er de cette loi, n'était interdite que la revente ou la tentative de revente de billets pour des "spectacles et concerts subventionnés ou avantagés d'une façon quelconque par l'Etat, les départements ou les communes ou moyennant une prime quelconque" et à la condition que la revente (ou sa tentative) ait été effectuée pour "un prix supérieur à celui affiché dans les théâtres et concerts". Il s'agissait d'une infraction punit par une peine d'amende de 16 à 500 anciens francs. La constitution de cette infraction était donc assez restreinte, puisqu'elle nécessitait la reconnaissance préalable d'une double condition. Il fallait, premièrement, que les billets aient fait l'objet d'une revente à un prix supérieur à celui auquel ils étaient affichés aux guichets officiels du spectacle en question. Il fallait ensuite que le billet revendu concerne un spectacle subventionné ou avantagé par l'Etat, les départements ou les communes.

La jurisprudence a déjà eu l'occasion de préciser que la condition de subvention émanant d'une collectivité publique devait s'interpréter largement et n'était pas limitée aux subventions au sens strict du terme, soit la remise de fonds financiers. En effet, dans son arrêt en date du 6 novembre 2012, la cour d'appel de Rennes a rappelé que l'article 1er de la loi du 27 juin 1919 visait, outre les subventions, "une prime quelconque" (3). Dans cette affaire, qui opposait l'association Les Vieilles Charrues à la société Viagogo Inc., la cour d'appel rappelait que la loi s'appliquait, "non seulement aux manifestations soutenues par l'octroi de fonds publics mais encore à celles bénéficiant d'un avantage quel qu'il soit émanant des collectivités publiques". La cour exposait alors que "l'association intimée justifie [...] avoir bénéficié, pour l'organisation du Festival 2011, de la prise en charge par la municipalité de travaux en régie d'une valeur de 22 000 euros" et que la "collectivité locale a ainsi assumé, au profit du Festival Les Vieilles Charrues, des dépenses qui, à défaut, auraient dû être supportées par l'association organisatrice, ce qui représente un avantage incontestable". La cour avait également relevé que d'autres collectivités publiques avaient entrepris des actions en matière de transport, notamment par la mise en place de tarifs réduits, afin de faciliter l'accès du public au festival, et que "ces actions financées par les collectivités territoriales dans l'intérêt de la manifestation culturelle concernée" constituaient également des avantages au sens de l'article 1er de la loi du 27 juin 1919.

La jurisprudence semblait donc admettre une vision assez large de la "prime quelconque" visée dans la loi du 27 juin 1919 en y assimilant les avantages en nature que les collectivités publiques offrent aux organisateurs de spectacles. Malgré cette interprétation extensive de certaines notions du texte, le principe restait toute de même celui de la licéité de la revente des billets donnant accès aux spectacles. En effet, l'infraction n'était pas constituée dès lors que les spectacles n'avaient pas été subventionnés ou n'avait pas bénéficié d'un "avantage incontestable", et, concernant les spectacles subventionnés, le principe était également celui de la licéité de la revente des billets, pour peu que cette revente se fasse à un prix au maximum égal à celui affiché aux guichets officiels, c'est-à-dire, sans plus-value pour le revendeur.

Voulant endiguer le développement incontrôlé de ce marché secondaire, et conscient que compte tenu des lacunes du texte de 1919 les juridictions ne disposaient pas des outils adéquats, le législateur s'est emparé de la question. Ainsi, dans une réponse à une question parlementaire écrite, le ministère de la Culture et de la Communication constatait, en septembre 2009, que "la revente de billets de spectacle sur internet prend une dimension préoccupante". Il exposait également que "la revente de billets à des prix supérieurs à leur valeur initiale pénalise le consommateur voire l'empêche d'acheter des billets si ces derniers sont à un prix très élevés" et "lèse également les artistes, le surplus payé par le consommateur étant perçu uniquement par des intermédiaires sans reversement à l'artiste concerné" (4).

Le législateur a alors introduit dans la loi d'orientation et de programmation pour performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011, plus connue sous le nom de "LOPSSI 2" (loi n° 2011-267 N° Lexbase : L5066IPC), un article 53 visant à l'insertion d'un article L. 443-2-1 dans le Code de commerce (N° Lexbase : L3888HBM), punissant par une amende de 15 000 euros le fait "sans autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive, culturelle ou commerciale d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente, sur un réseau de communication au public en ligne, des billets d'entrée ou des titres d'accès à une telle manifestation pour en tirer un bénéfice". Mais, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif que la prohibition exposée par le texte contrevenait au principe de nécessité des délits et des peines, s'agissant d'un texte pénal (5).

Le législateur a donc récidivé avec la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 et l'insertion de l'article 313-6-2 dans le Code pénal qui met fin au principe de licéité de la revente habituelle de billets donnant accès à des manifestations culturelles. L'effet de l'insertion de cet article 313-6-2 du Code pénal va même plus loin que la simple répression d'un marché parallèle : il octroie aux producteurs de manifestations culturelles et commerciales un contrôle absolu sur la distribution des billets.

II - La reconnaissance discrète, mais certaine, d'un droit voisin au profit du producteur de manifestations culturelles et commerciales

L'article 313-6-2 du Code pénal a pour effet d'interdire "le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle".

L'infraction est désormais définie de façon beaucoup plus large, et ce, qu'elle soit comparée à l'infraction définie par l'article 1er de la loi du 27 juin 1919 ou à l'infraction envisagée par l'article 53 de la "LOPPSI 2".

En effet, premièrement, l'article 313-6-2 du Code pénal ne fait plus aucune référence au montant de la revente du billet et à son prix initial. Le texte de 1919 ne prohibait que la revente d'un billet pour un prix supérieur à sa valeur faciale initiale, et l'article 53 de la "LOPPSI 2" envisageait, quant à lui, de subordonner l'infraction à un dol spécial, à savoir la volonté de tirer un bénéfice de la revente, ce qui impliquait nécessairement une revente du billet à un prix supérieur à sa valeur initiale. Le législateur a donc préféré abandonner le critère purement objectif de la valeur faciale d'un billet, au profit d'un critère plus subjectif : l'habitude de la pratique. La référence à l'habitude de la pratique a pour effet de classer l'infraction dans la catégorie des infractions d'habitude, ce qui implique que l'élément matériel de l'infraction ait été accompli au moins deux fois (6).

En second lieu, l'infraction n'est plus limitée aux spectacles et manifestations subventionnés ou "avantagés" par une personne publique. L'article 313-6-2 du Code pénal vise désormais toute "manifestation sportive, culturelle ou commerciale" et tout "spectacle vivant". Le champ d'application est donc bien plus large qu'auparavant (même si l'interprétation extensive de la notion de subvention par la jurisprudence l'avait déjà considérablement élargi).

L'article 313-6-2 du Code pénal précise enfin que l'infraction est constituée dès lors que la revente est effectuée "sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle", condition qui ne figurait pas dans la loi du 27 juin 1919. C'est surtout cette dernière composante matérielle de l'infraction qui est la plus intéressante, et ce, essentiellement, en raison de l'effet que celle-ci implique nécessairement sur la production et la distribution de billets pour des manifestations culturelles. Depuis plusieurs années, les producteurs de spectacles vivants réclament au législateur la reconnaissance d'un droit voisin au même titre que celui que le Code de la propriété intellectuelle accorde au producteur d'un phonogramme ou d'un vidéogramme. Les producteurs de spectacles ont donc désormais un droit voisin, à ceci près qu'il n'en porte pas le nom. En effet, ce que l'article 313-6-2 du Code pénal appelle "l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle" a le même effet qu'un droit voisin. Cette disposition a pour effet de permettre au "producteur, à l'organisateur ou au propriétaire des droits d'exploitation" de la manifestation de contrôler entièrement la distribution des billets y donnant accès, et ce tant sur le marché primaire que secondaire.

Désormais, au niveau du marché primaire, les distributeurs de billets se décomposent ainsi en deux catégories : les distributeurs bénéficiant de l'autorisation du producteur et les autres. Seuls ceux qui bénéficient de cette autorisation peuvent vendre les billets donnant accès à la manifestation. En effet, compte tenu de la rédaction de l'article 313-6-2 du Code pénal, il ne sera plus possible pour un distributeur agréé de passer des accords commerciaux avec d'autres distributeurs afin que ceux-ci distribuent les billets donnant accès à la manifestation pour le compte du distributeur agréé. De tels accords commerciaux ne présenteront plus aucune sécurité juridique car ils pourraient à tout moment être remis en cause par le producteur du spectacle puisque, au sens de l'article 313-6-2 du Code pénal, ces accords ne pourront pas être assimilés à une autorisation du producteur ou l'organisateur de la manifestation. Le producteur de spectacles dispose donc d'un contrôle total de la distribution primaire des billets puisque lui seul a la possibilité de donner l'autorisation nécessaire permettant d'échapper à l'article 313-6-2 du Code pénal.

L'article 313-6-2 du Code pénal, et c'était son but, limite drastiquement le marché secondaire, dans la mesure où celui-ci est désormais cantonné à la seule hypothèse de revente occasionnelle des billets (d'ailleurs, compte tenu du caractère extrêmement résiduel, il ne semble pas possible d'y voir un véritable marché au sens économique du terme). A l'égard du marché secondaire, le pouvoir d'autorisation reconnu au producteur de spectacles par l'article 313-6-2 du Code pénal peut même être considéré comme plus avantageux que les droits voisins des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes. En effet, les droits voisins du producteur de phonogrammes et du producteur de vidéogrammes, reconnus respectivement aux articles L. 213-1 (N° Lexbase : L3318ADA) et L. 215-1 (N° Lexbase : L3319ADB) du Code de la propriété intellectuelle, sont susceptibles d'épuisement en vertu de l'article L. 211-6 du même code (N° Lexbase : L2852HPC) (7).

Du fait de la théorie de l'épuisement des droits, les droits voisins reconnus aux producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ne permettent pas à ces derniers de contrôler le marché secondaire, puisque leur droit de contrôle s'est épuisé sur le marché primaire. En revanche, le droit d'autorisation reconnu au producteur de manifestations sportives, culturelles ou commerciales par le nouvel article 313-6-2 du Code pénal ne connaît pas cette limite. En ce sens, son "pseudo" droit voisin est plus avantageux que ceux des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes, ce qui est tout de même paradoxal, dans la mesure où le Code de la propriété intellectuelle ne reconnaît aucun droit au producteur de spectacles.

III - Des précisions quant à l'application pratique de ce nouveau texte

Dans leurs ordonnances respectives des 13 et 20 mars 2013, les tribunaux de commerce de Nanterre et de Paris ont apporté quelques précisions quant à l'utilisation de l'article 313-6-2 du Code pénal.

La première précision commune à ces deux affaires est de nature procédurale. Elle permet de noter qu'en pratique, les producteurs n'agissent pas devant les juridictions répressives, mais utilisent la voie du référé commercial. En effet, dans les deux affaires, les sociétés TS3, Nous Productions et Corida se sont fondées sur l'article 873 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0850H4A) (8) et utilisent l'infraction décrite à l'article 313-6-2 du Code pénal pour caractériser l'existence d'un "trouble manifestement illicite".

Cette pratique n'est pourtant pas nouvelle et les organisateurs de spectacles agissaient déjà de la sorte sous l'empire de la loi du 27 juin 1919 (9). Cela se comprenait aisément, compte tenu des faibles peines prévues par cette loi (une amende de 16 à 500 anciens francs), qui enlevait tout caractère dissuasif à l'infraction. L'augmentation de la peine, qui est dorénavant d'une amende pouvant s'élever jusqu'à 15 000 euros (10), n'a donc pas eu d'effet sur ce point. A l'instar de la contrefaçon, c'est le pan civil de l'infraction qui a leur préférence.

Dans l'affaire jugée par le tribunal de commerce de Paris, la société Viagogo Inc avançait que les demandes de la société Corida devaient être rejetées au motif que cette dernière ne démontrerait pas sa qualité de producteur de spectacles et qu'ainsi elle ne justifierait d'aucun intérêt à agir. Viagogo Inc. tentait ainsi de faire valoir qu'une action fondée sur l'article 313-6-2 du Code pénal était une action attitrée, réservée aux seuls producteurs des spectacles en cause. L'argument n'avait aucune chance d'aboutir, et ce, pour deux raisons principales.

Tout d'abord l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants est une activité réglementée par les articles L. 7122-1 (N° Lexbase : L3157H9S) et suivants du Code du travail (11) et nécessite l'obtention d'une licence (C. trav., art. L. 7122-3 N° Lexbase : L8751IPS), ce dont justifiait la société Corida. De plus, par un faisceau d'indices, Corida démontrait être le producteur des spectacles en cause.

Ensuite, et surtout, car l'action intentée par la société Corida n'était pas fondée principalement sur l'article 313-6-2 du Code pénal, mais sur l'article 873 du Code de procédure civile. L'infraction décrite à l'article 313-6-2 du Code pénal n'était utilisée par la société Corida que pour démontrer l'illicéité du trouble manifeste constitué par la revente des billets de spectacles. En conséquence, dans la mesure où l'article 873 ne subordonne pas l'action qu'il octroie à la démonstration d'une qualité quelconque, toute personne ayant un intérêt à agir peut intenter une action à l'encontre des sociétés procédant à la revente de billets hors autorisation du producteur du spectacle. Ainsi le tribunal de commerce de Paris, après avoir relevé que "tout producteur de spectacles a un intérêt direct dans la façon dont les billets sont commercialisés" confirmait le caractère non attitré de l'action en exposant que "quand bien même les demandeurs ne seraient-ils pas producteurs exclusifs des spectacles revendiqués [...] ou n'en seraient-ils que co-producteurs, ils conserveraient néanmoins leur intérêt propre à agir". D'ailleurs, il apparaît que les producteurs des manifestations sportives ou culturelles ne sont pas les seuls à avoir un intérêt direct à agir afin d'obtenir la cessation du trouble causé par la revente non autorisée des billets donnant accès à des manifestations. En effet, les distributeurs bénéficiant de l'autorisation du producteur ont également un intérêt à agir à l'encontre des sociétés qui se livrent à cette activité car ce marché parallèle leur cause également un préjudice.

La société Viagogo Inc. soutenait également que l'article 313-6-2 du Code pénal n'avait vocation à ne s'appliquer qu'aux seuls éditeurs de sites internet de revente de billets et qu'il ne lui était pas applicable dans la mesure où elle n'était qu'une bourse d'échange de billets entre internautes. La société Viagogo Inc. faisait ainsi valoir qu' "elle n'intervient ni dans la rédaction des annonces, ni dans la fixation du prix, qu'elle ne devient jamais propriétaires des billets vendus, ne prodigue aucun conseil".Viagogo Inc. estimait donc que, n'étant qu'un simple prestataire technique d'hébergement, elle n'était pas soumise à une obligation générale de surveillance des informations qu'elle héberge en vertu de l'article 6-1-7 de la "LCEN" (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 N° Lexbase : L2600DZC) et, qu'en conséquence, on ne pouvait contester son statut de simple hébergeur en lui demandant "de vérifier que les annonces qu'elle publie ne contreviennent pas aux dispositions de l'article 313-6-2 du Code pénal". Le tribunal de commerce de Paris se fonde sur la définition large de l'infraction réprimée par l'article 313-6-2 du Code pénal pour juger que Viagogo Inc. ne pouvait valablement se réfugier derrière sa qualité d'hébergeur. En effet, selon les juges consulaires parisiens, "il n'est pas réfutable qu'en organisant sur internet une bourse de billets de spectacles, Viagogo expose en vue de la vente ou de la cession et fournit les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à des spectacles vivants, de manière habituelle" ce qui correspond bien au comportement prohibé par l'article 313-6-2 du Code pénal. Selon le tribunal de commerce le statut d'hébergeur n'a aucune conséquence sur la consommation de l'infraction et donc sur la caractérisation du trouble manifestement illicite justifiant le succès de l'action fondée sur l'article 873 du Code de procédure civile.

La société Viagogo Inc. avançait, enfin, qu'elle n'était qu'une bourse permettant aux propriétaires de billets de les échanger et, qu'en conséquence, il était nécessaire de démontrer que les auteurs des annonces utilisant son service ne bénéficiaient pas d'une autorisation de revente de la part des producteurs des spectacles puisque ce n'est qu'à défaut d'une telle autorisation que l'infraction serait caractérisée. Le tribunal de commerce de Paris a également rejeté cet argument. Selon lui, en effet, Viagogo Inc. n'établissait pas "que les offres de vente disputées ne sont pas répréhensibles au sens de l'article 313-6-2 du Code pénal", alors que la charge de cette preuve lui revenait.

Cette solution nous paraît très contestable sur ce point. En effet dans la mesure où l'action était fondée sur l'article 873 du Code de procédure civile, il appartenait au demandeur de démontrer l'existence du trouble manifestement illicite. C'était donc aux producteurs de spectacles de rapporter la preuve que les composantes de l'infraction réprimée par l'article 313-6-2 du Code pénal étaient réunies puisque, en l'espèce, le trouble manifestement illicite se confondait avec l'infraction. Le tribunal aurait pu, de façon beaucoup plus simple, se fonder sur la définition assez large de l'article 313-6-2 du Code pénal qui réprime également le fait "de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant". En effet, à partir du moment où la simple "fourniture de moyens en vue de la vente" est, en elle-même, une composante matérielle de l'infraction, le fait d'exploiter un service de communication en ligne permettant la revente de billets, sans l'autorisation des producteurs des spectacles présents sur le service suffit à ce que l'infraction soit consommée, et la juridiction n'avait pas à vérifier si les auteurs des annonces bénéficiaient ou non d'une telle autorisation.

En réduisant à néant les possibilités de développement légal d'un marché secondaire de vente de billets donnant accès à des manifestations culturelles ou sportives, le nouvel article 313-6-2 du Code pénal et ses premières applications donnent un réel pouvoir de contrôle aux producteurs de spectacles. Ce pouvoir de contrôle se rapproche du droit voisin que ces derniers revendiquent depuis longtemps, tout ce qui lui manque étant le nom.


(1) Lorsque l'infraction est commise par une personne morale le montant de 15 000 euros (et le montant de 30 000 euros en cas de récidive) doit être multiplié par cinq. En effet, l'article 313-6-2 du Code pénal figure dans la liste de l'article 313-9 du Code pénal (N° Lexbase : L3853ISI) qui dispose que la détermination de l'amende doit suivre les règles figurant à l'article 131-38 du Code pénal (N° Lexbase : L0410DZ9) qui prévoit que "le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction".
(2) Voir, par exemple, CA Rennes, 6 novembre 2012, n° 11/08734 (N° Lexbase : A6439IWE) et TGI Paris, ord. de référé, 27 février 2012, La Cité de la Musique - Salle Pleyel c/ Viagogo.
(3) Voir, notamment, sur l'arrêt de la CA Rennes, 6 novembre 2012, n° 11/08734, préc. et les obs. de A. Debet, Communication Commerce Electronique n° 2, février 2013, comm. 13.
(4) QE n° 06773 de M. Philippe Dallier, JO Sénat 25 décembre 2008 p. 2579, réponse publ. 24 septembre 2009 p. 2249, 13ème législature (N° Lexbase : L6379IW8).
(5) Voir, Cons. const., décision n° 2011-625 DC, du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (N° Lexbase : A2186G9T), considérants n° 41 à n° 43 ; également les obs. de A. Debet, Communication Commerce Electronique, n° 5, mai 2012, comm. 49.
(6) L'infraction d'habitude se définit comme "l'infraction consommée par la répétition d'une opération matérielle unique qui n'est pas, isolément, délictueuse" (Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14ème édition).
(7) L'article L. 211-6 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2852HPC) dispose que "dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une fixation protégée par un droit voisin a été autorisée par le titulaire du droit ou ses ayants droit sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette fixation ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen".
(8) L'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile permet au juge consulaire de prescrire en référé "même en présence d'une contestation sérieuse [...] les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite".
(9) V., notamment, CA Rennes, 6 novembre 2012, n° 11/08734, préc..
(10) Hors majoration dans le cas d'une commission de l'infraction par une personne morale.
(11) L'article L. 7122-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3159H9U) définit l'entrepreneur de spectacles vivants comme "toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités".

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Soumission de la détermination du titulaire initial des droits d'auteur sur une oeuvre de l'esprit à la règle de conflit de loi édictée par l'article 5-2 de la Convention de Berne

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-12.508, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9953KBA)

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N6667BT4

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Le 18 Avril 2013

La détermination du titulaire initial des droits d'auteur sur une oeuvre de l'esprit est soumise à la règle de conflit de lois édictée par l'article 5-2 de la Convention de Berne, qui désigne la loi du pays où la protection est réclamée. Tel est le principe énoncé par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2013, publié sur son site internet (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-12.508, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9953KBA). En l'espèce, un reporter-cameraman, entré en 1978 au service d'une société américaine qui exploite une chaîne de télévision américaine, a été affecté au bureau de Paris à partir de 1993, puis licencié pour motif économique le 8 octobre 2004. Il a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement, de diverses prétentions salariales et indemnitaires, ainsi que de demandes au titre de la violation de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur du fait de l'exploitation non autorisée des reportages et documentaires dont il indiquait être l'auteur. Pour débouter le reporter-cameraman de ses demandes au titre du droit d'auteur, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 15 décembre 2010, n° 08/11516 N° Lexbase : A1707GPW) a retenu que l'article 5-2 de la Convention de Berne régit le contenu de la protection de l'auteur et de l'oeuvre, mais qu'il ne fournit pas d'indication relative à la titularité des droits, à leur acquisition, non plus qu'à leur cession, de sorte que, dans le silence de ce texte, il y a lieu de faire application de la règle française de conflit de lois. Mais, après avis de la Chambre sociale, la première chambre civile rappelle que, selon l'article 5-2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, la jouissance et l'exercice des droits d'auteur, qui ne sont subordonnés à aucune formalité, sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la Convention, l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée. Aussi, énonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 5-2 de la Convention de Berne, la cour d'appel ayant violé cette disposition par fausse application.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Affaire de l'entente entre société de gestion collective : le TUE annule partiellement la décision de la Commission

Réf. : TUE, 12 avril 2013, aff. T-422/08 (N° Lexbase : A1356KC9)

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Le 18 Avril 2013

Dans un arrêt du 12 avril 2013 le TUE a reproché à la Commission de ne pas avoir apporté de preuves suffisantes à l'existence d'une pratique concertée dans l'affaire de l'entente entre sociétés de gestion collective des droits d'auteur, dont la SACEM, et annule en conséquence partiellement la décision du 16 juillet 2008 (TUE, 12 avril 2013, aff. T-422/08 N° Lexbase : A1356KC9). En effet, la Commission avait interdit à vingt-quatre sociétés de gestion collective européennes de restreindre la concurrence. Ces sociétés étaient membre de la CISAC organisation non gouvernementale sans but lucratif qui représente des sociétés de gestion collective des droits d'auteur relatifs notamment aux oeuvres musicales dans une centaine de pays. La CISAC a élaboré, en 1936, un contrat type pour les accords de représentation réciproque entre ses membres qui sert de modèle pour les accords de représentation réciproque conclus entre ses membres aux fins de la concession de licences couvrant les droits d'exécution publique d'oeuvres musicales. Chaque société de gestion collective s'engage, sur une base de réciprocité, à céder les droits relatifs à son répertoire à toutes les autres sociétés de gestion collective en vue de son exploitation sur leurs territoires respectifs. La décision de la Commission, qui concerne seulement les exploitations des droits d'auteur par l'internet, le satellite et la retransmission par câble, interdisait :
- les clauses d'affiliation, qui restreignent la capacité des auteurs de s'affilier librement aux sociétés de gestion collective de leur choix ;
- les clauses d'exclusivité qui ont pour effet de garantir à toute société de gestion collective, sur le territoire sur lequel elle est établie, une protection territoriale absolue vis-à-vis des autres sociétés de gestion collective en ce qui concerne la concession de licences aux utilisateurs commerciaux ;
- une pratique concertée par laquelle chaque société limite, dans les accords de représentation réciproque, le droit de concéder des licences relatives à son répertoire sur le territoire de l'autre société de gestion collective contractante.
Le Tribunal a donc estimé que la Commission n'a pas apporté de preuves suffisantes : d'une part, elle ne disposait pas de documents prouvant l'existence d'une concertation entre les sociétés de gestion collective quant à la portée territoriale des mandats qu'elles se conféraient ; d'autre part, n'a pas privé de plausibilité la thèse des requérantes selon laquelle le comportement parallèle des sociétés en cause n'était pas dû à une concertation, mais à la nécessité de lutter efficacement contre les utilisations non autorisées des oeuvres musicales. Le Tribunal a rejeté les recours en ce qu'ils visaient l'annulation de la décision de la Commission à l'égard des clauses d'affiliation et d'exclusivité.

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Propriété intellectuelle

[Evénement] Droit d'auteur - droits voisins et preuve de la titularité : quelles exigences ? - Compte-rendu de la réunion de la Commission ouverte Propriété intellectuelle du barreau de Paris du 28 mars 2013

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 18 Avril 2013

La Commission ouverte Propriété intellectuelle du barreau de Paris (COMPI) a tenu, le 28 mars 2013, sa troisième réunion de l'année sous la responsabilité de Maître Fabienne Fajgenbaum, avocat au barreau de Paris. A cette conférence, qui avait pour thème "Droit d'auteur - droits voisins et preuve de la titularité : quelles exigences ?", sont intervenus Gilles Vercken et Eric Lauvaux, avocats à la cour. Les échanges avec la salle, dans laquelle étaient présents de nombreux magistrats et avocats, ont, par ailleurs, été particulièrement denses. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. En préambule des interventions de ses confrères, Maître Fabienne Fajgenbaum a attiré l'attention de l'auditoire sur la complexité soulevée, en pratique, par la preuve de la titularité du droit d'auteur et des droits voisins.

Selon Maître Eric Lauvaux, le sujet abordé n'a pas suscité beaucoup d'intérêt jusqu'à très récemment. Dans les industries culturelles traditionnelles, la pratique de l'écrit est encrée de longue date ; la logique du contrat et de la cession y ont toujours été respectées. Ainsi, dans la production phonographique, il existe, depuis l'institution d'un registre, après guerre, une facilité de preuve en la matière, ce qui fait qu'en définitive, tous les secteurs classiques de la production artistique, et qui sont traditionnellement protégés par le droit d'auteur, ne se sont jamais réellement posés la question de la démonstration de la titularité des droits. C'est donc dans les secteurs industriels, qui n'ont pas cette philosophie du droit d'auteur, que s'est posée cette question (les secteurs tels que la production de bijoux, de meubles, l'habillement, etc., dans lesquels sont protégées des brevets, dessins et modèles). Dans d'autres secteurs d'activité plus récents, comme les jeux vidéo, cette problématique est également présente.
Historiquement, il existe une jurisprudence qui s'est dégagée pour ces créations plus utilitaires que culturelles. Mais aujourd'hui, avec internet, la problématique est tout à fait nouvelle. C'est ce que démontrent les décisions "TFI c/ Youtube" (TGI Paris, 3ème ch., 29 mai 2012, n° 10/11205 N° Lexbase : A3264IRC) et "TF1 c/ Dailymotion" (TGI, Paris, 3ème ch., 13 septembre 2012, n° 09/19255 N° Lexbase : A8084I48), dans lesquelles un producteur, un titulaire de droits, qui se retrouve face à un tiers qui exploite un nombre très importants d'oeuvres (plusieurs dizaines de milliers) sans son accord, doit rapporter la preuve de la titularité de ses droits sur chacune des oeuvres soi-disant contrefaite. Face à ce phénomène de contrefaçon massive se pose dès lors, de façon inédite, la question de la présomption de la titularité des droits. En outre, selon Eric Lauvaux, doit-on considérer qu'il est préférable d'agir sur le terrain de la contrefaçon en réparation d'un préjudice individuel, auquel cas il est exigé de prouver la titularité des droits oeuvre par oeuvre ; ou de laisser agir un organisme professionnel, tel que la SACEM, la SPPP, l'ALPA, et, dans ce cas, se pose la question de savoir s'ils vont agir pour la réparation d'un préjudice individuel ou collectif ; ou, enfin, agir sur le terrain de la concurrence déloyale et donc éviter de prouver la titularité des droits ?

Maître Gilles Vercken rappelle, quant à lui, que, concernant la preuve de la titularité des droits, il y a eu une évolution notable de la jurisprudence, qui, dans un premier temps, a posé le principe d'une présomption de titularité, notamment pour les personnes morales qui exploitent une oeuvre sur le marché avec certains aménagements et, de plus en plus, des exigences complémentaires, tout à fait compréhensibles.

Afin d'exposer les termes du débat, les conférenciers ont donc présenté successivement les principes légaux sur la preuve de la titularité (1), puis leur application par les juges (2).

1 - Rappel des principes légaux sur la preuve de la titularité

Il existe des règles particulières par droit de propriété intellectuelle selon qu'il s'agit du droit d'auteur ou des autres droits de propriété intellectuelle.

En matière de droit d'auteur, l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3337ADX) dispose que "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée". Il est ainsi institué une présomption de titularité des droits d'auteur au profit de la personne qui divulgue l'oeuvre sous son nom.

Concernant les sociétés de gestion collective, plusieurs textes fondent leur compétence pour agir en justice (C. prop. intell., art. L. 321-1 N° Lexbase : L3459ADH et s.). Le législateur ayant pris conscience du problème de preuve de la titularité des droits de ces sociétés a institué, en 1985, l'article L. 321-7 (N° Lexbase : L3465ADP) sur la mise à disposition du répertoire complet ce qui devait les dispenser de fournir la copie complète de tous leurs actes d'adhésion.

Pour les oeuvres indisponibles, la nouvelle loi pose certains principes qui, selon Maître Vercken, manquent de clarté et soulèvent donc quelques difficultés. Ainsi, selon l'article L. 134-6, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3103ISQ), l'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits. Or, comment apporter la preuve que l'on est le seul titulaire d'un droit lorsqu'a priori, on est l'auteur d'origine ? C'est un point qui peut poser des problèmes. Se pose également la question de la preuve pour l'éditeur qui doit disposer du droit de reproduction sous une forme imprimée pour pouvoir éventuellement s'opposer au droit d'autorisation de la société de gestion collective.

Pour les artistes-interprètes, la loi pose une définition (C. prop. intell., art. L. 212-1 N° Lexbase : L3432ADH) mais aucune présomption. Eric Lauvaux précise qu'en ce qui les concerne la preuve est particulièrement complexe. En effet, la preuve est plus facile pour l'exploitant, les producteurs notamment, que pour les titulaires de droit d'origine. Ainsi, pour les enregistrements phonographiques, la plupart du temps les musiciens de l'ensemble orchestral ne figurent pas l'enregistrement d'origine, ce qui rend impossible de rapporter la preuve de l'identité de ces artistes-interprètes.

Il en est de même pour les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, la loi les définit (C. prop. intell., art. L. 213-1 [LXB= L3318ADA] et L. 215-1 N° Lexbase : L3319ADB), puisqu'elle précise qu'il s'agit de la personne qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation, mais ne pose aucune présomption de titularité des droits à leur bénéfice. Certains juges ont pu décider, toutefois, que la mention du "p" pouvait valoir présomption de titularité.
Eric Lauvaux fait remarquer que cette définition est totalement contraire à la pratique de l'industrie, puisque le producteur n'est pas du tout la personne qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation, mais celle qui est désignée comme tel dans le contrat passé avec l'auteur et l'artiste-interprète et qui détermine quels sont ses droits.

Pour les dessins et modèles français, le Code de la propriété intellectuelle pose une présomption de titularité à l'article L. 511-9 (N° Lexbase : L5283AWL) selon lequel, "la protection du dessin ou modèle conférée par les dispositions du présent livre s'acquiert par l'enregistrement. Elle est accordée au créateur ou à son ayant cause. L'auteur de la demande d'enregistrement est, sauf preuve contraire, regardé comme le bénéficiaire de cette protection".
Concernant les dessins et modèles communautaires, Eric Lauvaux rappelle que l'article 14 du Règlement n° 6/2000 (Règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires N° Lexbase : L0711HE3) prévoit la même chose puisque selon son premier alinéa, le droit au dessin ou modèle communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit. L'alinéa 3 de cet article prévoit en outre que lorsqu'un dessin ou modèle est réalisé par un salarié dans l'exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou modèle appartient à l'employeur, sauf convention contraire ou sauf disposition contraire de la législation nationale applicable. Se posent dès lors deux questions :
- quelle est la législation nationale applicable ? Est-ce celle d'origine de la création ou celle de l'Etat dans lequel la protection est demandée ?
- quel est le droit français en la matière : le droit français contient-il une disposition contraire à la présomption de cession des droits à l'employeur ?

Par ailleurs, le Règlement n° 6/2000 dispose en son article 15-1 que, si un dessin ou modèle communautaire non enregistré est divulgué ou revendiqué par une personne qui n'est pas habilitée en vertu de l'article 14 ou si un dessin ou modèle communautaire enregistré a été déposé ou enregistré au nom d'une telle personne, la personne habilitée aux termes dudit article peut, sans préjudice de tous autres droits ou actions, revendiquer d'être reconnue en tant que titulaire légitime du dessin ou modèle communautaire. Enfin, l'article 17 prévoit que la personne au nom de laquelle le dessin ou modèle communautaire est enregistré ou, avant l'enregistrement, la personne au nom de laquelle la demande d'enregistrement d'un dessin ou modèle communautaire a été déposée est réputée être la personne possédant la titularité du droit dans toute procédure devant l'Office ainsi que dans toute autre procédure.

2 - L'application par les juges des principes légaux

2.1 - La position de la jurisprudence

Tout d'abord, sur la présomption de la titularité du droit d'auteur au bénéfice de la personne sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, les juges retiennent qu'il ne suffit pas que le nom soit mentionné sur l'oeuvre, il faut également que la qualité de l'auteur soit clairement établie à travers l'indication de son intervention par rapport à l'oeuvre. Les juges rappellent de manière assez claire que la mention doit être exempte d'ambiguïté sur le lien entre le nom de la personne physique mentionnée et la contribution qu'il a pu apporter à l'oeuvre. Ainsi la mention "avec le concours de" et le fait que la personne ait seulement les rôles de conseil, entremise et suggestion, à l'exclusion de toute directive dans les tournage et montage, comme de toute fourniture de commentaire ou de traduction, caractérisent l'inapplicabilité de la présomption de la qualité d'auteur attachée au nom sous lequel une oeuvre a été divulguée (Cass. civ. 1, 28 octobre 2003 n° 01-03.711, F-P sur le deuxième moyen N° Lexbase : A9914C93 et TGI Paris 3ème, 4ème section, 20 décembre 2012).

En ce qui concerne les personnes morales, ces dernières devaient à l'origine rapporter la preuve de la chaîne des contrats ou de l'existence d'une oeuvre collective. Est ensuite apparue la présomption prétorienne de titularité, censé faciliter l'action en contrefaçon, qui reposait, en premier, lieu sur la preuve de la possession et, en deuxième lieu, sur l'absence de revendication de la ou des personne(s) physique(s). Ce principe a été consacré par un arrêt du 24 mars 1993 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, laquelle a ainsi affirmé : "en l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé les clichés, ces actes de possession étaient de nature à faire présumer, à l'égard des tiers contrefacteurs, que la société SMD était titulaire sur ces oeuvres, quelle que fût leur qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur" (Cass. civ. 1, 24 mars 1993, n° 91-16.543, publié au bulletin N° Lexbase : A3694ACS).

Sur ce dernier point, Eric Lauvaux, rappelle que, dans un arrêt du 28 novembre 2012, la Cour de cassation a pu retenir qu'il existe une présomption de titularité de la société qui exploite, alors même que l'auteur malgache l'avait assignée devant les juridictions malgaches, la contestation devant alors être portée devant les juridictions françaises. En considérant que, dans le cas d'une exploitation d'une oeuvre étrangère en France, la présomption s'applique faute d'assignation de l'auteur devant les juridictions françaises pour faire juger qu'il a cédé ou qu'il n'a pas cédé ses droits, la Cour de cassation va très loin dans l'application de la présomption de cession (Cass. civ. 1, 28 novembre 2012, n° 11-20.531, F-D N° Lexbase : A8620IXK).

Maître Vercken relève que la notion de possession a été ensuite précisée pour la traduire par la preuve des actes d'exploitation non équivoque de l'oeuvre sur le territoire français (Cass. civ. 1, 6 janvier 2011, n° 09-14.505, FS-P+B+I N° Lexbase : A7317GNC). Dès lors que les conditions de commercialisation ou que les actes d'exploitation propres à justifier l'application apparaissent équivoques, il est nécessaire d'indiquer les circonstances de fait et de droit qui fondent la personne morale à agir en contrefaçon (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 9 décembre 2011, n° 10/12909 N° Lexbase : A3776H4M) ou les conditions dans lesquelles cette dernière est investie des droits patrimoniaux de l'auteur (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 8 février 2013, n° 11/23196 N° Lexbase : A6526I7T), ce qui renvoie peu ou prou à rapporter la preuve de la chaîne de contrats.
A l'origine, cette présomption semblait fondée sur l'article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle. Mais la Cour de cassation a abandonné ce fondement, dès lors que présomption de la qualité d'auteur et présomption de la titularité des droits sont deux choses différentes. En effet, l'article L. 131-1 fixe une présomption sur la qualité d'auteur basée sur la divulgation de l'oeuvre, alors que la présomption prétorienne est basée sur un acte d'exploitation et sert à prouver la qualité de titulaire des droits.
Ensuite, l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3341AD4), sur l'oeuvre collective, a été envisagé comme le fondement de cette présomption prétorienne. Il réside là un doute, dans la mesure où la Cour a pu, un temps, abandonner ce fondement précisant expressément que la présomption existe qu'il s'agisse ou non d'une oeuvre collective, alors que, dans des décisions ultérieures, elle reprend le visa de l'article L. 113-5 sans s'en expliquer.
D'autres institutions juridiques ont été envisagées pour fonder cette théorie telle que la théorie de l'apparence qui fut néanmoins rapidement exclue. Certains universitaires ont, enfin, avancé l'idée d'un principe général du droit en rapprochant cette présomption de celle de l'article 2276 du Code civil (N° Lexbase : L7197IAS) selon lequel en fait de meubles, la possession vaut titre, et qui suppose donc que celui qui se présente comme le possesseur légitime bénéficie de la présomption de titularité. Pour Maître Vercken possession et exploitation sont toutefois deux choses différentes. En effet, la simple inscription dans un répertoire qui marque la possession d'une oeuvre ne permet pas aujourd'hui à une société de gestion collective de bénéficier de la présomption de titularité des droits en l'absence de la preuve d'acte d'exploitation.

Comme le rappelle Maître Lauvaux, l'arrêt de principe rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 novembre 2012 étend aux droits voisins, en l'espèce au producteur de phonogramme, la présomption de titularité : en l'absence de toute revendication émanant de la personne physique ou morale qui a pris l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de sons, ou de ses ayants droit, l'exploitation publique, paisible et non équivoque d'un enregistrement par une personne physique ou morale sous son nom, est de nature à faire présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que celle-ci est titulaire sur l'enregistrement des droits (Cass. civ. 1, 14 novembre 2012, n° 11-15.656, FS-P+B+I N° Lexbase : A8661IWP). Cet arrêt va soulever de nombreuses questions car, dans le domaine spécifique des droits voisins, l'exploitation n'est pas faite de façon linéaire ou par une personne qui détient des droits exclusifs. En général les droits sont détenus pour un territoire, pour une durée, pour un mode d'expression, etc.. Dès lors, en produisant un catalogue d'exploitation de droits sur certains enregistrements sur un territoire national, la personne morale pourra-t-elle prouver qu'elle détient les droits contre un site internet qui donne à disposition des enregistrements qui viennent d'un autre Etat et où les droits sur les enregistrements appartiennent à une autre personne ? Si ce principe est considéré comme bienvenu par les producteurs, se pose donc la question de savoir si la Cour de cassation n'est pas allée trop loin en ouvrant inévitablement un nouveau débat.

En matière de dessins et modèles, le principe est le même. En ce qui concerne plus spécifiquement, les dessins et modèles communautaires non-enregistrés, la cour d'appel de Paris applique, dans un arrêt récent, la présomption de cession à l'employeur en matière de modèles communautaires : "s'agissant de sa contestation relative à la titularité du droit revendiqué, c'est à bon droit que la société Dior, qui verse en pièce 5 un croquis de création sur lequel est apposé son nom, oppose à l'appelante les dispositions de l'article 15 du Règlement (CE) n° 6/2002 duquel il résulte que seul le créateur du modèle est habilité à revendiquer des droits sur ce modèle, l'article 14.3° disposant quant à lui que 'lorsqu'un dessin ou modèle est réalisé par un salarié dans l'exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou modèle appartient à l'employeur, sauf convention contraire ou sauf disposition contraire de la législation nationale applicable' ; qu'en l'absence de revendication du créateur ou de la preuve d'éléments contraires, la société Dior qui a divulgué pour la première fois sous son nom ce modèle de chaussures doit être considérée comme titulaire du droit sur le modèle communautaire non enregistré" (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 8 février 2013, n° 11/02407 N° Lexbase : A6527I7U). Précédemment, en 2010, le TGI de Paris a rappelait que la Cour de justice a dit pour droit que le Règlement doit être interprété en ce sens que le droit aux dessins et modèles non-enregistrés appartient au créateur, à moins qu'il n'ait été transféré au moyen d'un contrat à son ayant-droit, de sorte qu'à défaut de justification de la cession de droit la revendication des droits par l'employeur était irrecevable. Cette question n'a pas encore été tranchée par la Cour de cassation.

2.2 - Les grandes questions soulevées par l'application de la présomption par les juges

2.2.1 - Présomption versus chaînes des contrats

Dans certains cas, bien que la preuve de l'exploitation en son nom afin de bénéficier de la présomption soit rapportée, les juges considèrent que la présomption n'est pas suffisante. Il sera exigé de rapporter la preuve de la titularité des droits par la chaîne des contrats. Bien évidemment, plus l'exploitation est massive, plus cette preuve sera difficile à apporter.

Les jugements "TF1 c/ Youtube" et "TF1 c/ Dailymotion" ont mis en lumière la prise en considération de la qualité des contrats pour identifier un lien entre le premier titulaire et la personne qui revendique la qualité de titulaire des droits de producteur de vidéogramme. Quelques éléments importants et troublants peuvent être relevés dans ces décisions. D'abord, et cela est fort logique, il ne suffit pas de prouver qu'un contrat existe habilitant à exploiter selon un mode d'exploitation, mais il faut également prouver que l'acte d'exploitation reproché se situe dans la période durant laquelle la personne était titulaire des droits. En revanche, se pose la question de l'exclusivité qui semble être ici requise et qui laisse entendre qu'à défaut de droit exclusifs la preuve est déclarée irrecevable. En outre, l'identité des modes d'exploitation -de celui qui est poursuivi et de celui pour lequel la titularité des droits est revendiquée- soulève des difficultés : peut-on, en effet, considérer que le titulaire de droits pour la télédiffusion est habilité à agir contre le site internet qui diffuse les mêmes contenus sur internet ? Certaines décisions antérieures peuvent donner des indices. Ainsi, la clause du contrat qui concerne l'exploitation par VHS a-t-elle été considérée comme visant également l'exploitation par DVD ; un phonogramme du commerce est considéré comme étant à la fois le CD et le téléchargement.

Pour Gilles Vercken, ces éléments ouvrent un champ de discussion qui rend la preuve de la titularité au centre du travail de préparation du dossier des avocats.

Toujours sur ces jugements "TF1 c/ Youtube" et "TF1 c/ Dailymotion", il convient de souligner que le fondement de l'action menée par la chaîne de télévision n'était pas l'action de l'entreprise de communication audiovisuelle pour laquelle il était envisageable que la présence du logo ou la fourniture des grilles suffise, mais sur l'action du producteur de vidéogrammes, auquel cas il est tout fait compréhensible que la diffusion par une chaîne de télévision sous son logo n'est pas propre à établir cette qualité dès lors qu'il est définit par la loi comme celui qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation.

2.2.2 - Allongement de la durée de protection

Comme le relève Maître Eric Lauvaux, les données du problème et les chaînes de contrats se complexifient en raison des durées extrêmement longues de protection des droits et du fait que certaines sociétés ayant acquis les droits d'origine aient disparu, cédé les droits, ou encore fusionné. A ce niveau, deux questions se posent par rapport à cette présomption de titularité :

- ne serait-il pas judicieux de prendre en compte la durée de la cession, plutôt que d'accorder, pour les contrats signés pour la durée protection, la prolongation automatique dès lors qu'il y a eu exploitation ?

- qui est le bénéficiaire de l'allongement de la durée de protection ? Ainsi, lorsqu'un auteur a cédé ses droits à un éditeur ou à un producteur, et que l'on allonge la durée de cession des droits de ce dernier et la durée de la protection des droits du producteur, si celui-ci a cédé des droits, doit-on considérer qu'il a cédé l'allongement de la durée de protection ? En d'autre termes le bénéficiaire de l'allongement de la durée de la protection est-il celui qui exploite ou celui qui a effectué l'investissement initial ?

2.2.3 - Le cas particulier des sociétés de gestion collective

La Cour de cassation a rendu, le 19 février 2013 (Cass. civ. 1, 19 février 2013, n° 11-21.310, FS-P+B+I N° Lexbase : A2374I8G), un arrêt de principe aux termes duquel elle a énoncé que "quels que soient ses statuts, une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes ne peut être admise à ester en justice pour défendre les droits individuels d'un artiste-interprète, qu'à la condition qu'elle ait reçu de celui-ci pouvoir d'exercer une telle action, de sorte que la SPEDIDAM était irrecevable à agir pour la défense des intérêts individuels des artistes-interprètes pour lesquels elle ne justifiait ni d'une adhésion ni d'un mandat". Ces sociétés doivent donc, lorsqu'elles agissent pour défendre des droits individuels, rapporter la preuve que l'artiste-interprète, le producteur, a cédé ou donné un mandat de représentation à la société.

A cela s'ajoute un autre arrêt rendu par la Chambre criminelle le 25 septembre 2012 (Cass. crim., 25 septembre 2012, n° 11-84.224, F-P+B N° Lexbase : A3372IUG), par lequel elle condamne un site internet à verser en dommages-intérêts aux sociétés collectives de gestion des droits des producteurs une somme correspondante à la totalité du chiffre d'affaires résultant de la contrefaçon. Le préjudice collectif subi par la profession est donc ici apprécié comme l'ensemble des préjudices individuels, ce qui apparaît quelque peu curieux pour Maître Lauvaux. Indépendamment de la justification de la qualité de la société de gestion collective, elle a le droit d'agir en réparation des préjudices individuels de ses membres et du préjudice collectif.

En cette matière, toutefois, un troisième arrêt rendu le 12 mai 2011 revêt une solution plus tempérée (Cass. civ. 1, 12 mai 2011, n° 10-10.086, F-D N° Lexbase : A1210HRA) : dans cette espèce, la SPEDIDAM demandait l'indemnisation des préjudices individuels de ses membres et la cour d'appel, jugeant qu'il n'y avait pas de justificatif de la qualité de ses membres avait attribué des dommages-intérêts au titre du préjudice collectif. La Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel estimant que les dommages-intérêts dont le paiement était demandé l'étaient au titre du préjudice individuel des artistes et non pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, objet d'une demande distincte.

2.2.4 - Le cas particulier des livres indisponibles

Selon l'article L. 134-6, l'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits. Un décret, publié au Journal officiel du 1er mars 2013 (décret n° 2013-182 du 27 février 2013, portant application des articles L. 134-1 à L. 134-9 du Code de la propriété intellectuelle et relatif à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle N° Lexbase : L2684IWC), est venu préciser que l'auteur devait produire la copie d'une pièce d'identité et une déclaration sur l'honneur attestant sa qualité. (C. prop. intell., art. R. 134-5 N° Lexbase : L2840IW4).

Par ailleurs, concernant la preuve de la qualité d'éditeur, le décret précise que l'éditeur communique toute pièce de nature à justifier de sa qualité d'éditeur du livre concerné. Le site lui-même propose certaines indications : soit le contrat d'édition, soit un acte de cession de fonds de commerce, indiquant probablement la liste des ouvrages concernés, soit encore tout document, courrier, autres contrats attestant d'un accord pour la publication du livre ou un extrait d'un ancien catalogue de titre où figure le ou les titres concernés par la demande. Les textes reviennent donc au contrat et non à l'acte d'exploitation. Dès lors, la preuve par un éditeur qu'il exploite ou qu'il a exploité sur le territoire, sera insuffisante pour justifier de sa qualité.

Maître Lauvaux a fait part d'une réflexion sur les livres indisponibles. Selon lui, en effet, se posera le problème des auteurs étrangers avec des conflits possibles entre l'éditeur étranger, titulaire des droits d'origine, et la présomption de titularité de l'éditeur français.

En conclusion de cette présentation, Maître Fabienne Fajgenbaum relève qu'il est important en la matière de bien distinguer les créations culturelles des créations utilitaires. A ces dernières, qui sont vraiment dans le domaine du droit économique, la jurisprudence semble avoir attaché des principes pragmatiques et bienvenus en matière de présomption de titularité des droits, qui rompent avec les difficultés antérieures de preuve de la cession de l'auteur au profit de la personne morale.
Néanmoins, les divergences de jurisprudence des juridictions du fond sèment quelque peu le doute chez les praticiens. En effet, alors que la jurisprudence semblait ferme et définitive sur la présomption de titularité des personnes morales, le commerce s'est mondialisé et avec lui sont apparus des demandeurs d'une extrême mauvaise foi qui s'approvisionnent dans des pays étrangers en voie de développement, pour l'essentiel, et qui se prévalent, sur ces créations locales, de droits sur le marché européen. Un arrêt rendu le 23 novembre 2012 par la cour d'appel de Paris est, à ce titre, extrêmement révélateur (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 23 novembre 2012, n° 11/18021 N° Lexbase : A5216IXH). En effet, il énonce que, "dans un contexte de commerce mondial, la présomption de possession de l'oeuvre reconnue au profit des personnes morales ne doit être reconnue qu'à la condition qu'elles justifient avoir participé techniquement et financièrement à l'élaboration d'un processus créatif qui leur a permis d'exploiter et de commercialiser le produit sans qu'aucune contestation n'émane des auteurs. Il ne saurait en effet être reconnu la titularité de droits d'auteur à des personnes morales sur des oeuvres dans lesquelles elles n'exercent aucune influence ou n'ont aucun contrôle". Sur le plan du principe cette solution est tout à fait acceptable, dans la mesure où il n'est pas admissible qu'un marché soit paralysé par l'appropriation frauduleuse d'un monopole d'exploitation. Mais, en mettant à mal la présomption, elle est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, comme l'atteste l'arrêt de la première chambre civile du 28 novembre 2012, dont il convient d'appliquer les principes, sauf aux cas d'espèces comme celui précité. Il convient, ainsi, selon Maître Fajgenbaum, d'apporter une attention toute particulière à ce problème et à l'intérêt d'avoir une jurisprudence qui se fixe sur la question, dès lors qu'il existe un réel risque de forum shopping, puisque les entreprises iront attaquer là où elles sont susceptibles d'obtenir le meilleur résultat.

Pour Maître Michel Magnien, avocat, participant à cette conférence, le conseil à donner aux demandeurs est d'être plus que prudents car la jurisprudence est extrêmement aléatoire en la matière, oscillant en quelque sorte entre laxisme excessif et rigueur. Il existe donc un aléa judiciaire très important. Apporter de très nombreux documents et contrats afin de prouver la titularité des droits ne garantit pas que le juge statuera en ce sens. Les jugements "TF1 c/ Youtube" et "TF1 c/ Dailymotion" illustrent parfaitement cette affirmation : la qualité de producteur n'est pas démontrée malgré des conclusions de centaines de pages, plusieurs dizaines de constats d'huissier, une analyse pièce par pièce, etc.. Le fait de pouvoir invoquer une présomption est donc, pour Eric Lauvaux, particulièrement bienvenu dans les cas de contrefaçon de masse sur internet.

Le problème de la preuve se pose tout particulièrement concernant les croquis qui ne seront considérés comme prouvant la qualité d'auteur que s'ils ont date certaine. Or, ce dernier élément est essentiel et impose de ménager sa preuve en datant et en authentifiant les documents, le risque de falsification étant dans ces affaires très présent. L'avocat a, ici, un rôle primordial à jouer dans sa fonction de conseil en invitant ses clients à archiver et conserver les mails, les stades de production, les images fixes et animées, qui serviront à rapporter la preuve de la titularité en cas de contentieux futur.

Pour l'un des participants à cette conférence, se pose la question de savoir si finalement la problématique ne viendrait pas de la faiblesse du fondement de la création prétorienne de cette présomption, qui conduirait aux difficultés auxquelles on est aujourd'hui confronté. Il semblerait que, depuis l'arrêt du 14 novembre 2012, la Cour de cassation, élevant le débat, ait une position nettement plus claire, en fondant la présomption de titularité sur le droit des biens et notamment, sur la prescription acquisitive prévue par l'article 2261 du Code civil (N° Lexbase : L7210IAB) aux termes duquel "pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire". D'ailleurs le rapport de la Cour de cassation pour 1993 revenant sur l'arrêt du 24 mars 1993 (Cass. civ. 1, 24 mars 1993, n° 91-16.543, publié, préc.) mentionnait déjà que la Cour de cassation se fondait sur le droit commun des biens.

Concernant la jurisprudence de la Cour de cassation qui retient que, pour autant que les demandeurs seront déboutés sur le fondement de la contrefaçon, faute de rapporter la preuve de la titularité des droits, ils pourront obtenir la réparation de leur préjudice sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), pour les mêmes faits, il a été rappelé que s'agissant de concurrence déloyale, les juges exigent de démontrer l'existence d'un investissement particulier dont l'agent est spolier par un autre acteur économique qui ponctionne ce dernier. Or, la plupart du temps, aucune preuve n'est rapportée de l'investissement économique. Dès lors que cet investissement n'est pas démontré, en quoi, en effet, pourrait-on considérer que la commercialisation du même objet qu'une personne qui ne détient aucun droit exclusif serait déloyale ? Mais cette notion d'investissement n'est pas, selon Michel Magnien, clairement définie par les juges. D'ailleurs et fort étonnamment, l'investissement publicitaire n'a pas été considéré comme tel, quand bien même celui-ci serait très important.

newsid:436708

Propriété intellectuelle

[Brèves] Absence de protection par le droit d'auteur du nom patronymique en tant que tel

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.525, F-P+B+I (N° Lexbase : A9960KBI)

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N6672BTB

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Le 24 Avril 2013

Le droit moral de l'auteur au respect de son nom est attaché à l'oeuvre de l'esprit qui porte l'empreinte de sa personnalité. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel a retenu que celui qui invoque une atteinte portée à son nom d'artiste et à son nom patronymique ne pouvait prétendre, sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3346ADB), à la protection de son nom patronymique en tant que tel, fût il utilisé pour l'exercice de son activité artistique, ce nom, quelle que soit sa renommée prétendue, ne constituant pas, en lui même, une oeuvre de l'esprit. Tel est le principe énoncé par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.525, F-P+B+I N° Lexbase : A9960KBI). En l'espèce la société américaine Coca Cola commercialise des boissons sous la marque française dénominative "Coca Cola light sango", dont elle est titulaire. Invoquant l'atteinte ainsi portée à son nom d'artiste et à son nom patronymique, M. X a assigné en réparation la société Coca Cola entreprise. Le demandeur a été débouté de ses demandes par la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 12ème, 25 février 2010, n° 09/00120 N° Lexbase : A2481EWS), il a formé un pourvoi en cassation que la Cour régulatrice rejette en énonçant d'abord le principe précité. Elle retient également que les juges d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis, ont, par motifs propres et adoptés, estimé, d'abord, que M. X ne démontrait pas que son patronyme aurait acquis, auprès des consommateurs français ou des professionnels du cinéma ou de l'audiovisuel, une notoriété certaine attachée à sa personnalité et relevé, ensuite, qu'il résultait des extraits des "pages jaunes" obtenues à l'aide du moteur de recherche Google que ce nom était amplement porté, notamment dans le département des Hauts-de-Seine. La Cour approuve donc pleinement les juges du fond d'en avoir déduit que le choix de ce terme pour former une marque ne pouvait induire un risque de confusion susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité du requérant.

newsid:436672

Propriété intellectuelle

[Brèves] Présomption de titularité du droit d'auteur au bénéfice de la personne morale qui exploite l'oeuvre et indépendance de l'action en concurrence déloyale à l'égard de l'action en contrefaçon

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-12.886, F-P+B+I (N° Lexbase : A0817KCA)

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N6674BTD

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Le 18 Avril 2013

D'une part, la société qui exploite de façon paisible et non équivoque des photographies sous son nom, en l'absence de revendication de la ou des personnes les ayant réalisées, est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, titulaire des droits patrimoniaux. D'autre part, la recevabilité de l'action en concurrence déloyale est indépendante de la recevabilité de l'action en contrefaçon. Telle est la solution énoncée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-12.886, F-P+B+I N° Lexbase : A0817KCA). En l'espèce, une société, prétendant que plusieurs photographies qui illustraient son site internet destiné à la vente en ligne de voyages, et sur lesquelles elle déclarait être titulaire des droits d'auteur, étaient reproduites et diffusées sur les sites internet d'une autre société, a assigné cette dernière ainsi qu'une autre société qui aurait agi de concert avec elle, en contrefaçon et en concurrence déloyale. La cour d'appel de Basse-Terre a rejeté ces demandes le 24 octobre 2011 (CA Basse-Terre, 24 novembre 2011, n° 04/00535 N° Lexbase : A3671HZY). Pour rejeter l'action en contrefaçon formée elle retient notamment que la demanderesse ne démontre ni que les photographies litigieuses avaient été divulguées sous son nom, ni qu'elle avait été à l'origine de leur réalisation. Mais énonçant le premier principe précité, la Cour régulatrice censure l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2838HPS) retenant qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société requérante n'exploitait pas de façon paisible et non équivoque, les photographies sous son nom, en sorte qu'en l'absence de revendication de la ou des personnes les ayant réalisées, elle serait présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, titulaires des droits patrimoniaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Ensuite, pour rejeter les demandes en réparation d'actes de concurrence déloyale, les juges du fond ont retenu qu'il n'y a pas lieu d'examiner ses prétentions en raison de son absence de qualité à agir en contrefaçon. Sur ce point, l'arrêt d'appel est également censuré par le juge du droit, qui, énonçant le second principe précité, casse au visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ).

newsid:436674

Sociétés

[Brèves] Non-application de la procédure des conventions réglementées à la clause prévoyant une indemnité de départ dans un contrat de travail conclu avant la nomination du bénéficiaire comme mandataire social

Réf. : Cass. soc., 10 avril 2013, n° 11-25.841, FS-P+B (N° Lexbase : A0793KCD)

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N6745BTY

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Le 18 Avril 2013

Il résulte de la combinaison des articles L. 225-79-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L9222HZL) et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) que n'est pas soumise à la procédure spéciale d'autorisation des conventions conclues entre une société et l'un des membres du directoire, la clause prévoyant une indemnité de départ, contenue dans un contrat de travail conclu régulièrement et sans fraude à une date à laquelle le bénéficiaire n'était pas encore mandataire social. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 10 avril 2013 (Cass. soc., 10 avril 2013, n° 11-25.841, FS-P+B N° Lexbase : A0793KCD). En l'espèce, le 1er septembre 2005, un salarié a été engagé par une société en qualité de directeur Europe du Sud et Amérique, l'article 13 de son contrat de travail stipulant que "dans les cas où, au cours des 24 mois suivant la date d'effet, le président du directoire viendrait à quitter la société, ou un changement de contrôle portant sur plus de 33 % du capital de la société viendrait à survenir, le salarié pourra quitter la société et obtenir une indemnité équivalente au double de la rémunération totale perçue au cours des 12 mois précédant le fait générateur". Le 8 juin 2006, ce salarié a été nommé membre du directoire de la société et, à la suite de la démission, le 22 septembre 2006, du président du directoire et de son remplacement, le salarié a, par courrier du 10 novembre 2006 invoquant les stipulations de son contrat de travail, démissionné. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de l'indemnité prévue par l'article 13 de son contrat. Cette demande ayant été accueillie par la cour d'appel, la société a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle énonce, d'abord, que la clause contractuelle, qui permet au salarié de rompre le contrat de travail, ladite rupture étant imputable à l'employeur, en cas de changement de direction, de contrôle, de fusion-absorption ou de changement significatif d'actionnariat entraînant une modification importante de l'équipe de direction, est licite dès lors qu'elle est justifiée par les fonctions du salarié au sein de l'entreprise et qu'elle ne fait pas échec à la faculté de résiliation unilatérale du contrat par l'une ou l'autre des parties. Aussi, dès lors que la clause litigieuse avait été convenue en raison des avantages que la société tirait du recrutement de ce salarié et de l'importance des fonctions qui lui avaient été attribuées, la cour d'appel en a déduit à bon droit, que l'obligation de l'employeur avait une cause. Ensuite, énonçant le principe précité, elle retient que le contrat de travail contenant la clause contestée ayant été conclu dix mois avant la désignation du salarié comme mandataire social, indépendamment de ce mandat et sans fraude, la procédure d'autorisation ne lui était pas applicable et cette clause devait recevoir application (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E1882AWM).

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Sociétés

[Brèves] Sur la sanction attachée au non-respect de la prohibition du rachat de ses propres actions par une société

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 11 avril 2013, n° 12/07286 (N° Lexbase : A8701KBU)

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N6698BTA

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Le 18 Avril 2013

Dans un arrêt du 11 avril 2013, la cour d'appel de Paris s'est prononcée sur le non-respect d'une clause d'agrément par la société cessionnaire de ses propres actions et sur la sanction attachée au non-respect par cette dernière des règles prohibant le rachat par une société de ses propres actions (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 11 avril 2013, n° 12/07286 N° Lexbase : A8701KBU). En l'espèce, une SAS avait trois associés, deux époux majoritaires (60 %, à raison de 30 % par époux), dont la femme était en outre présidente, et un tiers minoritaire (40 %). Des divergences de vue sur la conduite des affaires sociales étant apparues entre les majoritaires et le minoritaire, un protocole d'accord a été signé prévoyant la cession par ce dernier de sa participation à la société elle-même. N'ayant reçu qu'une partie du prix de cession il a assigné en paiement la société, laquelle a obtenu en première instance la nullité de la cession comme contrevenant au principe de prohibition de détention de ses propres actions. Ayant interjeté appel, le minoritaire obtient gain de cause devant la cour d'appel. Sur le non-respect de la clause d'agrément soulevée par la société acquéreuse, la cour d'appel retient d'abord que si celle-ci est recevable à invoquer la nullité de la cession pour cette raison, elle se trouve non fondée à le faire, dès lors qu'elle ne saurait faire valoir aucun grief puisqu'elle est la bénéficiaire de l'opération et qu'elle a donné son accord à l'opération en signant par le biais de sa présidente l'acte de cession et les chèques de paiement des titres et n'a remis en cause l'opération que dans le cadre de l'assignation à fin de paiement du cédant. En outre, le but de la demande d'agrément posé par la loi et/ou les statuts se trouve rempli dès lors que la cession a de facto permis le contrôle du "nouvel" actionnaire, le capital devenant détenu à 100 % par les actionnaires majoritaires. Par ailleurs, si le schéma de sortie du cédant des actions d'une SAS est contraire à la prohibition légale du rachat par une société de ses propres actions (plus de 10 % du capital social), la sanction d'un rachat par une société de ses propres actions en dehors des exceptions prévues par le législateur n'est pas la nullité, dès lors que l'on ne se trouve pas dans la violation d'une disposition impérative de livre II du Code de commerce ou des lois régissant les contrats mais celle de l'article L. 225-214 du Code de commerce (N° Lexbase : L4621ISX). La prohibition et les conséquences applicables concernent non le cédant, mais le cessionnaire qui, en agissant par le biais de ses associés subsistant et de sa gérante, cherche à échapper aux conséquences du contrat signé entre les parties, et l'on ne saurait opposer à l'associé minoritaire et non gérant les obstacles au rachat par la société de ses propres actions. Dès lors la société cessionnaire est condamnée à verser au cédant le solde du prix des actions cédées (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E9517AQK).

newsid:436698

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