COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 791 DU 24 OCTOBRE 2011 R.G 09/00229-JF/NC
Décision déférée à la cour jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 12 janvier 2007, enregistré sous le n° 04/00535
APPELANTE
LA S.A.S. ANTILLES ON LINE
dont le siège social est
SAINT FRANÇOIS
Représentée par Me Bernard ..., (TOQUE 73) avocat au barreau de GUADELOUPE avocat postulant et plaidant par Me Delphine ...
INTIMÉES
LA S.A.R.L. OULOGER.COM
dont le siège social est
SAINTE-ANNE
Représentée par Me Patrick ... (TOQUE 01), avocat au barreau de GUADELOUPE
LA S.A.R.L. TROPICAL TOUR
dont le siège social est
ABYMES
Représentée par Me Nadia ..., (TOQUE 18) avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 septembre 2011, en audience publique, devant la cour composée de
M. Henry ROBERT, premier président, président
M. Jean DE ROMANS, conseiller,
M. Jacques FOUASSE, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 OCTOBRE 2011
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GREFFIER,
Lors des débats Mme Nita ..., adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Henry ROBERT, premier président, président, et par Mme Nita ..., adjointe administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCÉDURE
La société AOL soutient être propriétaire de clichés qu'elle a mis en ligne sur son site Internet, photographies qui, selon elle, auraient été copiées et diffusées sur les sites appartenant à une société OULOGER.COM et ce, de concert avec la société TROPICAL TOUR ; elle précise qu'elle est propriétaire desdits clichés pour détenir les masters originaux démontrant que ces clichés auraient été pris par ses soins. Elle estime que les faits de contrefaçon invoqués proviennent de ce que des photographies auraient été reproduites comme a pu le constater une Agence pour la protection des programmes les 7 mai, 26 juillet, 3 septembre, 13 et 21 décembre 2004.
Les parties n'ayant pu trouver un terrain d'entente, le contentieux a été soumis à la juridiction commerciale.
Par jugement du 12 janvier 2007, le Tribunal mixte de commerce
- Déboute la société ANTILLES ON LINE de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société TROPICAL TOUR et de la société OULOGER.COM,
- Rejette les demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- Condamne la société ANTILLES ON LINE à payer à chacune des parties défenderesses la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société ANTILLES ON LINE aux dépens.
Par déclaration déposée au greffe le 16 février 2007, la société ANTILLES ON LINE a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et DEMANDES des PARTIES
Par conclusions récapitulatives déposées le 25 janvier 2011, la Société ANTILLES ON LINE fait valoir au soutien de son appel
- sur l'originalité et la divulgation paisible par ANTILLES ON LINE des clichés en cause il résulte d'une jurisprudence constante rendue au visa de l'article L.111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, que les photographies sont des oeuvres de l'esprit sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant la nature des photographies utilisées, dès lors que celui qui revendique la protection légale démontre que les clichés présentent une originalité suffisante manifestant l'empreinte de la 2
personnalité de son auteur ; et s'agissant des prétendues différences entre les clichés figurant dans les CD ROM produits par ANTILLES ON LINE, et ceux relevés dans les procès-verbaux de constat, la Cour remarquera que les clichés se retrouvent à l'identique et que parfois seulement elles ont été "recadrées" par le Webmaster.
- sur la preuve de la détention des droits par ANTILLES ON LINE et son intérêt à agir il est reproché l'absence de mention de copyright, ou de dépôt des "'uvres" par ANTILLES ON LINE or ce n'est pas une condition de protection des oeuvres, la protection du livre 1 du Code de la Propriété Intellectuelle s'opérant "du seul fait de sa création" aux termes mêmes de l'article L 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. Seule ANTILLES ON LINE détient les "MASTER" originaux, c'est-à-dire les fichiers haute définition qui sont les versions originales avant "ompression numérique" pour les disposer sur Internet.
La Société ANTILLES ON LINE demande à la cour de
- ordonner la suppression du site internet "ULOGER.COM" des clichés appartenant à la S.A.S ANTILLES ON LINE, clichés tels que figurant dans les constat "A.P.P." des 7 Mai, 26 Juillet et 3 Septembre 2004, et des clichés dont ANTILLES ON LINE justifie la propriété, et ce sous astreinte de 100 euros/jour de retard à charge des intimées,
- condamner solidairement les intimées à verser à la S.A.S ANTILLES ON LINE la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts, tous préjudices confondus.
- ordonner au besoin la fermeture du site OULOGER.COM, sauf par cette Société de produire les éléments lui permettant d'opérer sur ce marché.
- condamner solidairement les intimées à verser à la S.A.S ANTILLES ON UNE la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC,
- ordonner aux frais des intimées, solidairement, la publication du Jugement à Intervenir dans au moins deux des publications des professionnels du tourisme suivantes
· Tour Hebdo 1 av. Édouard ..., 92 856 Rueil Malmaison Cedex
- L'écho Touristique Paris Cedex 17
- Le Quotidien du Tourisme Clichy Cedex
· Tour Mag 31 bd Charles Moretti - Aussi Buro, 13 014 Marseille
Outre dans les publications informatiques / internet
· Le Journal du Net 8enchmark Group Suresnes Cedex
· L'Internaute Benchmark Group Suresnes Cedex
- Les débouter de toutes leurs demandes reconventionnelles
- Les condamner aux dépens dont les frais de constat "APP".
La société OULOGER.COM, par conclusions du 15 mars 2010, conteste les demandes de l'appelante et expose que
- la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, conformément aux dispositions de l'article L113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.
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Les photos dont il est question, en l'espèce, n'ont jamais été divulguées sous le nom de la société ANTILLES ON LINE. En effet, quand elles apparaissent tant sur le site de la société ANTILLES ON LINE que sur le CD-ROM elles ne portent pas mention d'un copyright prouvant leur authenticité et indiquant qu'elles seraient la propriété exclusive de la société ANTILLES ON LINE.
- ANTILLES ON LINE ne démontre pas davantage qu'elle a été à l'origine de la réalisation de ces images. Il n'est, en effet, pas établi, par la société ANTILLES ON LINE, que les photographies litigieuses montreraient une "démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de son auteur", ainsi que l'exige la Cour de Cassation pour déterminer qu'il y a matière à protection.
- une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur tant qu'elle n'établit pas qu'il s'agit d'une oeuvre collective. Or force est de constater en l'espèce, que la société ANTILLES ON LINE démontre elle-même par la production des pièces qu'elle verse aux débats qu'en aucun cas les photographies dont elle se prétend propriétaire ne peuvent résulter d'une oeuvre collective dans la mesure où les contrats de travail des cinq salariés et les curriculum vitae joints attestent que ces salariés sont des informaticiens, et qu'aucun d'eux n'a réalisé ne serait-ce qu'un simple stage dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques.
- subsidiairement, il sera précisé que la société OULOGER.COM a pour vocation de mettre un site internet à la disposition d'entreprises qui y font apparaître des offres de séjours touristiques ou des annonces publicitaires. Elle n'exerce pas d'activité dans le domaine de l'organisation et de la vente de voyages aux ANTILLES qui est le domaine d'activité de la société ANTILLES ON LINE. La société OULOGER.COM ne se trouve, ainsi pas en concurrence avec la société ANTILLES ON LINE puisqu'elle n'exerce pas dans le même domaine d'activité.
La société OULOGER.COM demande à la Cour de
DÉBOUTER la société ANTILLES ON UNE de l'ensemble de ses prétentions,
CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT
CONDAMNER la société ANTILLES ON LINE à verser à la société OULOGER.COM la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNER la société ANTILLES ON LINE au paiement d'une indemnité de 4.500 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Patrick ... par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
La société TROPICAL TOUR dans des conclusions déposées le 26 novembre 2010 indique
- les questions qui sont posées devant la Cour sont de savoir si la société OULOGER.COM a copié les photographies présentes sur le site AOL afin d'alimenter son propre site et si, de ce fait, la société TROPICAL TOUR a agi de concert avec la société OULOGER.COM, et est coupable de contrefaçon et de concurrence déloyale à l'égard de l'appelante,
- la société AOL ne justifie pas être propriétaire des photographies litigieuses et ne jouit pas paisiblement desdites "photographies litigieuses" l'article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle précise que les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Mais la jurisprudence considère qu'une oeuvre est originale à la condition que cette dernière soit 4
empreinte de la personnalité et de la sensibilité de son auteur. On parle d'originalité qui repose sur l'apport intellectuel de son auteur.
- en l'espèce, les photos n'ont jamais été divulguées sous le nom de la société AOL ; la société AOL ne démontre pas d'avantage qu'elle est à l'origine de la réalisation de ces images et il n'est pas établi une démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de son auteur.
- le régime des oeuvres collectives se rapproche de celui du copyright. Or en l'espèce, aucune mention d'un copyright n'apparaît sur lesdites photos, qui seul attesterait de leur authenticité et de la propriété exclusive à la société ANTILLES ON LINE.
- enfin la société AOL avoue l'absence d'oeuvre créative quand elle soutient que les clichés litigieux sont le résultat de choix des sujets, des éclairages, et angles de prises de vues aléatoires Ainsi, la société AOL rapporte l'absence de composition originale desdits clichés portant l'empreinte de sa personnalité. Or, seules les oeuvres jugées originales sont éligibles à la protection par le droit d'auteur.
La société TROPICAL TOUR demande à la Cour de
DIRE ET JUGER que les fichiers enregistrés sur le CD ROM versé aux débats par la société AOL n'apparaissent pas comme étant constitués à partir de photographies originales, aucune de ces photographies n'étant accompagnée d'un copyright, qui seul permettrait de rapporter leur authenticité.
CONSTATER que c'est à tort que la société AOL tente d'incriminer la société TROPICAL TOUR pour l'apposition de son logo en regard des hôtels qu'elle représente.
DIRE ET JUGER qu'aucune contrefaçon n'est rapportée par la société AOL à l'encontre de la société TROPICAL TOUR.
DIRE ET JUGER qu'aucune concurrence déloyale n'est rapportée par la société AOL à l'encontre de la société TROPICAL TOUR.
En conséquence
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de POINTE A PITRE.
DÉBOUTER la société AOL de l'ensemble de ses prétentions.
Y AJOUTANT
CONDAMNER la société AOL à verser à la société TROPICAL TOUR la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
CONDAMNER la société AOL à verser à la société TROPICAL TOUR la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2011 et l'affaire fixée à l'audience du 12 septembre 2011 pour y être plaidée.
Vu les conclusions déposées à la clôture.
MOTIFS de la DÉCISION
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La question première à examiner est celle de la qualité à agir de l'appelante, c'est-à-dire d'établir ses droits sur les photographies qui figurent sur son site ainsi que sur le site de la société OULOGER.COM.
Il sera d'abord rappelé que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée, conformément aux dispositions de l'article L113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. En l'espèce, les photos litigieuses figurent sur le site d'ANTILLES ON LINE mais il ne peut être affirmé qu'elles ont été divulguées sous le nom de cette société aucun élément ne vient l'établir, étant noté au surplus qu'aucune mention d'un copyright n'y figure, même si cela n'est pas une obligation formelle.
En effet, la société ANTILLES ON LINE réfute cette analyse en exposant qu'il lui est reproché l'absence de mention de copyright, ou de dépôt des "'uvres" alors que ce n'est pas une condition de protection des oeuvres, la protection du livre 1 du Code de la Propriété Intellectuelle s'opérant "du seul fait de sa création" aux termes mêmes de l'article L 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Mais comme rappelé par la société ANTILLES ON LINE elle-même, la protection du livre 1 du Code de la Propriété Intellectuelle s'opère "du seul fait de sa création". Cependant elle ne démontre pas qu'elle a été à l'origine de la réalisation de ces images. Il n'est, en effet, pas établi par la société ANTILLES ON LINE, que les photographies litigieuses montreraient une "démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de son auteur", pour déterminer qu'il y a matière à protection.
De plus, les photographies dont elle se prétend propriétaire ne peuvent résulter d'une oeuvre collective dans la mesure où les contrats de travail des cinq salariés et les curriculum vitae joints attestent que ces salariés sont des informaticiens, et qu'aucun d'eux n'a suivi une formation dans le domaine de la conception et de la réalisation de clichés photographiques.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter l'appelante de ses prétentions en confirmation du jugement dont appel, en relevant qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres demandes de l'appelante compte tenu de l'absence de sa qualité à agir.
- sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
La présente procédure ne peut être analysée en un abus de droit d'agir en justice les demandes de ce chef seront donc rejetées.
- sur les frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés intimées les frais qu'elles ont du engager en cause d'appel pour la défense de leurs droits.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Rejette les demandes de dommages et intérêts,
Condamne la société ANTILLES ON LINE à verser à la société TROPICAL TOUR la somme de 4 000 euros et à la société OULOGER.COM la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
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Condamne la société ANTILLES ON LINE aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Patrick ... et de Maître ... par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Et ont signé le présent arrêt
la greffière, le président,
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