Jurisprudence : CA Montpellier, 24-11-2011, n° 11/00500, Infirmation

CA Montpellier, 24-11-2011, n° 11/00500, Infirmation

A4415H4B

Référence

CA Montpellier, 24-11-2011, n° 11/00500, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5657608-ca-montpellier-24112011-n-1100500-infirmation
Copier


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5° Chambre Section A
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2011
Numéro d'inscription au répertoire général 11/00500
Décision déférée à la Cour Jugement du 11 JANVIER 2011
JUGE DE L'EXÉCUTION DE BEZIERS
N° RG 10/2453

APPELANT
Monsieur Daniel Z
né le ..... à PARIS

SAUVIAN
représenté par la SCP TOUZERY COTTALORDA, avoués à la Cour
assisté de Me Pierre GUIGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE
S.A. BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE pris en la personne de son représentant légal domicilié

NOISIEL
représentée par la SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Cour
assistée de Me VERGNAUD substituant la SCP SIMON, avocats au barreau de BEZIERS
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 Octobre 2011

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 OCTOBRE 2011, en audience publique, Madame Marie ..., ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de
Monsieur Jean-François BRESSON, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la présidence
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Madame Marie CONTE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats Melle Colette ROBIN
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-François BRESSON, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la présidence, et par Melle Colette ROBIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *
Par actes authentiques en date du 16 septembre 1994, la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE a consenti
- un prêt de 590 000, 00 francs à l'EURL Daniel GUICHARD, avec cautionnements solidaires et indivisibles de Daniel Z et de Christine ..., son épouse, d'une part et de la SCI DU MOINEAU d'autre part, et cautionnement simple de la société ICD à hauteur de 333 000, 00 francs,
- un prêt de 2 410 000, 00 francs à la SCI DU MOINEAU, avec cautionnement solidaire et indivisible de Daniel Z et de Christine ..., son épouse, et cautionnement simple de la société ICD à hauteur de 1 666 667, 00 francs.
Par acte en date du 11 juin 2010 la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE a fait diligenter une procédure de saisie-attribution entre les mains de la SACEM pour obtenir paiement d'une somme de 1 144 316, 47 euros, ladite saisie-attribution ayant été dénoncée à Daniel Z le 15 juin 2010.
Le 15 juillet 2010, Daniel Z a fait assigner la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE devant le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de BEZIERS aux fins de voir juger, à titre principal, que l'action de la BMF est prescrite et que la saisie est nulle et de nul effet, à titre subsidiaire qu'il existe des contestations sur la créance de la banque, que ladite créance n'est pas justifiée, et que sa créance à l'égard de la SACEM est insaisissable tenant son caractère alimentaire.

Par jugement du 11 janvier 2011 le Juge de l'exécution a
- prononcé l'irrecevabilité de la demande de Daniel Z pour violation du devoir de conseil et celle fondée sur l'inexistence, le montant et la mise en oeuvre du cautionnement,
- dit que les intérêts moratoires ne sont dus qu'à compter du 22 mars 1999, - débouté Daniel Z de ses autres demandes.

Par acte reçu au greffe de la présente Cour le 24 janvier 2011, Daniel Z a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 31 mars 2011, auxquelles la Cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Daniel Z demande à la Cour
A titre principal,
- de juger que l'action de la banque est prescrite en vertu des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991,
- de juger que la saisie est nulle et de nul effet,
- d'en ordonner la mainlevée,
A titre subsidiaire,
- en l'état du manquement au devoir de conseil imputable à la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE qui a accordé à la SCI DU MOINEAU un crédit ruineux, de juger que la banque est responsable du défaut de remboursement reproché à la SCI DU MOINEAU,
- de juger qu'en application de l'article 2313 du code civil, la caution peut opposer cette exception au créancier et légitimement refuser paiement,
- en l'état du dépérissement imputable à SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE de la caution donnée par la société ICF, de juger la caution déchargée en application des dispositions des articles 2314 et 1134 du code civil,
- de juger la créance éteinte pour les intérêts postérieurs de plus de cinq années à la saisie, la créance partiellement insaisissable en raison de son caractère alimentaire, et d'en fixer la quotité disponible,
- de juger que la créance alléguée n'est pas justifiée, notamment parce que la banque ne peut prétendre aux intérêts, lesquels ne peuvent en application de l'article 2277 ancien du code civil être recouvrés pour la période antérieure de plus de cinq années à l'acte de saisie,
- de condamner la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE à lui verser une somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, d'une part l'action de la BMF est prescrite dans la mesure où l'exécution d'un titre exécutoire ne peut être poursuivie que pendant 10 ans, d'autre part qu'en revanche sa propre action n'est pas prescrite puisqu'il n'a jamais été poursuivi en qualité de caution et que, les règlements ayant été réalisés au nom de la SCI DU MOINEAU, un prétendu règlement du 22 mars 1999 ne peut constituer le point de départ de la prescription.
Il avance que ce n'est qu'au prix de multiples irrégularités que le dossier de prêt monté par la BMF a permis de justifier l'octroi du crédit et que ce montage financier a immédiatement fait la preuve de son incohérence puisque les incidents de paiement se sont multipliés dès les premiers mois ; qu'à défaut pour la SCI DU MOINEAU de disposer de ressources lui permettant de respecter le plan de remboursement envisagé, le prêt abusivement consenti par la BMF à son seul profit a constitué un moyen illusoire et ruineux qui a généré un déficit important au préjudice de l'emprunteur.
Il ajoute que la banque avait l'obligation de mettre en oeuvre la garantie de la caution donnée par la société ICD, ce qu'elle a négligé de faire.
Aux termes de ses écritures notifiées le 9 juin 2011, et auxquelles la Cour renvoie également pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE conclut à la confirmation de la décision entreprise et demande à la Cour de condamner Daniel Z au paiement d'une somme de 2 000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la prescription trentenaire s'est en l'espèce substituée à la prescription décennale et qu'elle n'est dès lors, à ce jour, pas acquise.
Elle avance par ailleurs que la violation de l'obligation de mise en garde ne peut se résoudre que par une demande en paiement de dommages et intérêts et non par la nullité de l'acte ; qu'en outre une telle demande se prescrit par 10 ans ; qu'en l'espèce le délai a couru depuis le 22 mars 1999 et est aujourd'hui expiré.
Elle ajoute que la défaillance des sociétés est due, non pas à un surendettement né des prêts, mais à une dette fiscale.
Elle fait valoir enfin que la société ICD n'était qu'une caution simple, qu'elle justifie de l'information de la caution, et qu'il n'est nullement justifié du caractère alimentaire des droits d'auteur.

MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel, interjeté dans les formes et délais de la loi, est recevable.
Daniel Z entend voir juger, à titre principal, que l'action de la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE est prescrite et que la saisie est nulle et de nul effet.
Si, comme le fait valoir l'appelant, l'exécution d'un titre exécutoire ne peut être poursuivie que pendant 10 ans, en revanche la décision d'admission de la créance de la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE au passif de la SCI DU MOINEAU, débiteur principal d'un des deux crédits et caution de l'autre, intervenue en date du 25 juin 2001, a entraîné la substitution de la prescription trentenaire, désormais décennale en application de la loi du 17 juin 2008 (article 3-1 nouveau de la loi du 9 juillet 1991), à la prescription décennale de l'article L.110-4 du code de commerce.
La prescription trentenaire, qui avait ainsi commencé à courir au 25 juin 2001, et à laquelle s'est substituée une nouvelle prescription décennale à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, n'était par conséquent pas acquise le 11 juin 2010, date à laquelle la société créancière a fait diligenter la procédure de saisie-attribution objet du litige.
Daniel Z fait valoir, à titre subsidiaire, que la banque a manqué à son devoir de conseil et a accordé à la SCI DU MOINEAU un crédit ruineux.
Le premier juge a considéré à tort que cette action de Daniel Z était prescrite.
En effet, le seul courrier de Daniel Z, en date du 22 mars 1999, adressé à la BMF, par lequel il adresse à cette dernière deux chèques (de 10 000, 00 et 25 000, 00 francs) ne peut en aucun cas constituer le point de départ de la prescription prévue par l'article L.110-4 I. du code de commerce dans la mesure où Daniel Z n'indique nullement dans cet envoi agir en sa qualité de caution, et ce d'autant qu'il n'est pas permis de constater que les chèques étaient, ou non, tirés sur son compte personnel.
La caution bénéficiant d'un droit propre à opposer au créancier toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, la prescription ne peut courir à son égard qu'à compter du moment où elle est actionnée en sa qualité de caution.
Force est de constater que la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE n'est pas en mesure de justifier de la date de cet événement.
Si l'action de Daniel Z n'est pas prescrite, en revanche force est de constater d'une part que celui-ci ne produit au débat aucun élément comptable de nature à établir l'octroi, par la banque, d'un crédit ruineux, d'autre part que la responsabilité de l'établissement bancaire n'aurait, en tout état de cause, pas pour conséquence d'entraîner la nullité de la procédure de saisie-attribution.
Par ailleurs, Daniel Z, en sa qualité de caution solidaire et indivisible, ayant renoncé au bénéfice de discussion et de division, ne peut valablement se prévaloir du dépérissement de la caution donnée par la société ICF, laquelle n'intervenait aux actes de prêt qu'en qualité de caution simple.
En outre, Daniel Z avance que la banque ne peut prétendre aux intérêts recouvrés pour la période antérieure de plus de cinq années à l'acte de saisie.
Faute pour l'établissement bancaire de justifier de la date à laquelle elle a mis en demeure Daniel Z, en sa qualité de caution, d'avoir à payer les sommes restants dues au titre des deux contrats de prêt, il convient de considérer qu'en application des dispositions de l'article 2277 ancien du code civil, la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE ne pourra prétendre qu'aux intérêts dus à compter du 15 juin 2005, soit sur les seules cinq années précédant la dénonce de la saisie-attribution à Daniel Z. L'établissement bancaire devra ainsi reprendre les calculs des intérêts tels que figurant aux deux décomptes de créances annexés à l'acte de saisie et ne les faire courir qu'à compter de cette dernière date.
La SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE justifiant, en revanche, de ce qu'elle a procédé, chaque année depuis 1995, à l'information de la caution de l'état de la dette tant de la SCI DU MOINEAU que de l'EURL Daniel GUICHARD, soit au titre des prêts 90570022530 et 90570022540, elle n'encourt pas la déchéance de son droit aux intérêts contractuels.
Le débiteur avance enfin que sa créance, saisie entre les mains de la sacem, serait partiellement insaisissable en raison de son caractère alimentaire.
L'article L. 333-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que les sommes dues en raison de l'exploitation pécuniaire ou de la cession des droits de propriété littéraire ou artistique ont un caractère alimentaire, l'article L.333-3 précisant que la proportion insaisissable de ces sommes ne pourra, en aucun cas, être inférieure aux quatre cinquièmes, lorsqu'elles sont au plus égales annuellement au palier de ressources le plus élevé prévu en application du chapitre V du titre IV du livre Ier du code du travail.
Il convient, en application de ces dispositions, de constater l'insaisissabilité partielle de la créance de Daniel Z détenue par la SACEM et de juger que la saisie-attribution mise en oeuvre par la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE ne produira effet que pour la partie restant disponible en application des dispositions des articles susvisés ainsi que des articles 44 et suivants du décret du 31 juillet 1992, la fixation de la quotité disponible devant être effectuée par les parties faute pour la Cour de connaître le montant des sommes détenues par la SACEM.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Daniel Z, qui succombe partiellement en son appel en supportera les dépens.
L'équité ne commande cependant pas de faire bénéficier la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
LA COUR
Reçoit l'appel de Daniel Z ;
INFIRME partiellement le jugement déféré mais statuant, pour une meilleure compréhension, sur le tout
Constate que n'est pas prescrite l'action de la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE ;
Déboute Daniel Z de ses demandes tendant à voir déclarer nulle la saisie-attribution et à en obtenir la mainlevée ;
Constate que n'est pas prescrite l'action de Daniel Z en sa qualité de caution bénéficiant d'un droit propre ;
Déboute Daniel Z de sa demande tendant à voir retenir la responsabilité de l'établissement bancaire ;
Déboute Daniel Z de sa demande tendant à se voir déchargé du fait du dépérissement de la caution donnée par la société ICF ;
Valide la procédure de saisie-attribution, en date du 11 juin 2010, diligentée par la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE entre les mains de la SACEM ;
Dit toutefois que, pour le calcul de sa créance, la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE ne pourra prétendre qu'aux intérêts dus à compter du 15 juin 2005 ;
Constate qu'a été régulièrement donnée à Daniel Z l'information annuelle légale de la caution et le déboute de sa demande tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE ;
Constate l'insaisissabilité partielle de la créance de Daniel Z détenue par la SACEM ;
Dit que la saisie-attribution mise en oeuvre par la SA BANQUE MONETAIRE ET FINANCIÈRE ne produira effet que pour la partie restant disponible en application des dispositions des articles L. 333-2 et L. 333-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que des articles 44 et suivants du décret du 31 juillet 1992 ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Daniel Z aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE, avoués, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
MG

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - BANQUE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.