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N8897BSC
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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Sous la Direction de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 16 Novembre 2013
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Vie personnelle et vie professionnelle du salarié. L'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 8 novembre 2011 (Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-23.593, F-D) est un "petit arrêt", voué à discrétion du point de vue de la politique de publication des décisions rendues par la Cour suprême, mais il pose une grande question devant laquelle chefs d'entreprise et responsables des ressources humaines restent souvent démunis : celle de la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle des salariés, que les moyens modernes de communication ont accentuée, et donc de sa porosité. Confrontés à cette question, les juges ont souvent un réflexe protecteur : vie privée et vie personnelle du salarié doivent être protégées contre tout risque d'atteinte de la part de l'employeur. Lorsque le salarié confond vie personnelle et vie professionnelle (par quelque moyen que ce soit : abus au temps et lieu de travail des nouvelles technologies de l'information et de la communication, négligence de cette considération simple selon laquelle le temps passé dans l'entreprise et les moyens mis à disposition de l'employeur doivent surtout servir à travailler...) la question est souvent posée dans les mêmes termes : celle de l'obligation pour l'employeur de respecter la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle du salarié. Il est plus rare de s'interroger sur le respect de cette même frontière par les salariés eux-mêmes, qui font parfois entrer délibérément leur vie privée dans l'entreprise, sans que l'employeur ne demande rien... imposant à ce dernier de subir des situations qui n'ont strictement rien à voir avec le travail objet du contrat (adressage sur le lieu de travail de revues à caractère échangiste, pratiques pornographiques ou autres). L'employeur en retour invoque souvent et spontanément la faute, procédant au licenciement disciplinaire du salarié qui n'a pas su laisser sa vie privée en dehors de l'entreprise. Cette piste conduit souvent à des déconvenues : "un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire". Mais l'exception existe et l'arrêt du 8 novembre 2011 en donne une illustration : le licenciement disciplinaire est possible lorsque le fait tiré de la vie personnelle du salarié peut s'analyser comme un manquement à une obligation découlant du contrat de travail. La solution mérite cependant d'être peaufinée pour Lise Casaux-Labrunée, Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole. Lire, Quand le salarié confond vie personnelle et vie professionnelle (N° Lexbase : N8948BS9). |
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Indemnité conventionnelle. La relation de travail du salarié et de son employeur repose à la base sur la conclusion d'un contrat de travail, mais se trouve également soumise à de nombreuses autres sources extérieures à la volonté des parties. Lorsque celles-ci s'entendent pour faire application des dispositions d'un accord collectif auquel l'entreprise n'est pas en principe soumise, un doute peut exister sur l'analyse de la nature, conventionnelle ou contractuelle, des avantages promis au salarié. Dans un arrêt publié rendu le 9 novembre 2011 (Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 09-43.528, FS-P+B), la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que "lorsque les parties contractantes conviennent de l'application au contrat de travail d'une convention collective autre que celle applicable de droit, l'indemnité de licenciement prévue par ladite convention collective revêt la nature d'une indemnité conventionnelle non susceptible d'être réduite par le juge". Or, pour Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, cette affirmation semble erronée en ce qu'elle confond instrumentum et negotium. Lire, La confusion des peines (ou comment qualifier de conventionnelle une indemnité contractuelle de licenciement) (N° Lexbase : N8887BSX). |
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Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-15.294, FS-P+B (N° Lexbase : A9354HZH)
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N8878BSM
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, jonction, n° 10-21.496 à n° 10-21.496 et n° 10-21.501 à n° 10-21.503, FS-P+B (N° Lexbase : A8922HZH)
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N8881BSQ
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 24 Novembre 2011
Résumé
Dans les établissements privés gérant un service social ou médico-social à but non lucratif et dont les dépenses de fonctionnement sont supportées directement ou indirectement par une personne morale de droit public ou un organisme de sécurité sociale, un accord collectif à caractère salarial ne peut légalement prendre effet qu'après agrément ministériel ; que dans un tel système, l'usage doit être soumis aux mêmes conditions. |
Commentaire
I - L'exigence d'agrément des usages d'entreprise dans le secteur social et médico-social
Comme de célèbres travaux l'ont autrefois démontré, les conventions et accords collectifs de travail présentent une nature hybride, contractuelle pour certains de leurs aspects, réglementaire pour d'autres (2).
S'agissant de leur caractère contractuel, il a en principe pour conséquence que les règles générales du droit des contrats s'appliquent aux conventions collectives de travail. En particulier, et cela sous réserve des règles spéciales de capacité des parties et des exigences de l'ordre public, les partenaires sociaux sont libres de négocier et de conclure des accords sur tous les domaines ouverts à la négociation par l'article L. 2221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2237H9Q). Sous les réserves évoquées, le principe demeure donc celui de la liberté contractuelle. En particulier, les pouvoirs publics ne jouent en principe aucun rôle dans la conclusion et l'application des conventions collectives.
En somme, les conventions et accords collectifs de travail, malgré leur effet général, malgré leur domaine qui demeure l'un des plus significatif de l'interventionnisme étatique, ne sont pas subordonnés à l'autorisation, la ratification ou à quelconque aval des pouvoirs publics.
Par exception, il arrive cependant que le pouvoir exécutif soit amené à intervenir pour modifier les effets d'une convention ou d'un accord collectif de travail.
Le cas le plus fréquent demeure celui de l'extension d'une convention collective qui permet de la rendre applicable au-delà du simple champ des entreprises adhérentes à l'une des organisations signataires de l'accord (3). Le Code du travail prévoit, également, la faculté pour le ministre du Travail de procéder à l'élargissement d'une convention collective à une zone géographique ou à un secteur d'activité dans lesquels les partenaires sociaux ne parviennent pas à s'entendre pour mettre en place un accord collectif (4).
Outre ces deux hypothèses, un troisième type d'intervention de l'administration peut survenir dans certains secteurs d'activités très spécifiques pour lesquels l'application d'une convention collective sera subordonnée à l'agrément (5) du ministre de tutelle de l'activité en cause (6). Les principaux secteurs dans lesquels les conventions collectives sont soumises à agrément ministériel sont les organismes de Sécurité sociale (7) et les entreprises du secteur social ou médico-social.
Ainsi, pour ce dernier secteur en particulier, l'article L. 314-6, alinéa 1er, du Code de l'action sociale et des familles dispose que "les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire [...]". L'esprit de ce texte, comme de ceux qui concernent les organismes de Sécurité sociale, est limpide : les avantages qui pourraient être octroyés par un employeur de ce secteur à ses salariés par voie d'accord collectif seront financés par les caisses de l'Etat et/ou de la Sécurité sociale. Il a alors été jugé nécessaire de ne pas permettre que les deniers publics soient engagés sans contrôle.
La procédure d'agrément a été détaillée par un décret du 26 mai 2009 (8) ayant introduit les articles R. 314-197 et suivants du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L3032IEZ). L'agrément est délivré par le ministre en charge de l'Action sociale après avis de la commission nationale d'agrément dont la composition et les modalités d'intervention sont détaillées par l'article R. 314-198 du même code (N° Lexbase : L3004IEY).
La règle de l'article L. 314-6 du Code de l'action sociale et des familles semble claire : seules les conventions collectives de travail devraient être soumises à l'agrément. La Chambre sociale de la Cour de cassation ne l'a cependant pas entendu de cette oreille. Ainsi, par un arrêt rendu en juin 2005 (9), la Chambre sociale a fait application de cette règle à un engagement unilatéral de l'employeur De la même manière, elle s'est opposée à l'application volontaire d'une convention collective, la décision d'application volontaire prise par l'employeur n'ayant pas fait l'objet d'un agrément (10). Nécessairement, la question se pose différemment à l'égard des usages dont l'apparition progressive semble s'opposer à toute demande d'agrément à l'autorité de tutelle. Très pragmatique, la Chambre sociale avait ainsi jugé en 2007 que "la soumission du budget d'une entreprise à l'agrément d'une autorité publique de tutelle n'est pas exclusive d'un usage d'entreprise dès lors que cette autorité de tutelle l'a ratifié" (11). Autrement dit, la validation annuelle du budget de l'établissement valait ratification "tacite" de l'usage d'entreprise. On peut se demander si cette jurisprudence n'est pas remise en cause par l'arrêt sous examen.
Face aux difficultés de recrutement auxquelles étaient confrontées les entreprises du secteur social et médico-social en Guadeloupe dans les années 1970, l'autorité de tutelle de ces établissements avait financé une "prime de vie chère" destinée à rendre ces entreprises plus attractives et, on peut l'imaginer, à attirer une main d'oeuvre métropolitaine. Le marché de l'emploi ayant depuis lors sensiblement évolué, le conseil général de la Guadeloupe décida de ne plus attribuer les fonds correspondant à ces avantages. Privés de cette prime, plusieurs salariés introduisirent une demande en rappel de salaire sur le fondement d'un usage d'entreprise né du paiement pendant de nombreuses années de cette prime de vie chère.
La cour d'appel de Basse-Terre fit droit à la demande des salariés en jugeant que l'usage d'entreprise n'avait pas la nature d'une norme conventionnelle si bien que l'exigence d'un agrément ministériel ne pouvait lui être opposé.
Par un arrêt rendu le 9 novembre 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa de l'article L. 314-6 du Code de l'action sociale et des familles. Adoptant une argumentation parfaitement symétrique à celle utilisée en 2005 à l'égard des engagements unilatéraux de l'employeur (12), la Chambre sociale juge que "dans les établissements privés gérant un service social ou médico-social à but non lucratif et dont les dépenses de fonctionnement sont supportées directement ou indirectement par une personne morale de droit public ou un organisme de Sécurité sociale, un accord collectif à caractère salarial ne peut légalement prendre effet qu'après agrément ministériel ; que dans un tel système, l'usage doit être soumis aux mêmes conditions". De ce raisonnement, elle déduit que, puisque "les avantages consacrés par l'usage en question étaient financés par la puissance publique", la cour d'appel a violé l'article L. 314-6 du Code de l'action sociale et des familles.
Cette décision n'emporte donc pas formellement remise en cause de la jurisprudence de 2007 relative à la ratification des usages puisque le Conseil général de Guadeloupe avait cessé de financer l'avantage en cause, si bien qu'il ne pouvait être défendu qu'il continuait de cautionner l'usage. La décision est logique en ce qu'elle s'inscrit dans une interprétation classique de l'article L. 314-6 du Code de l'action sociale et des familles, par une sorte d'analyse économique de ce texte. Elle ne va pas, pour autant, sans poser quelques questions à l'égard de la nature juridique des usages.
II - La justification de l'agrément des usages dans le secteur social et médico-social
La jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation spécifique aux établissements sociaux et médico-sociaux est davantage connue s'agissant du temps de travail, de la validation des horaires d'équivalence et autres astreintes (13). Toutes ces questions ont en effet donné lieu à un vaste contentieux dont l'objectif résidait précisément dans la préservation des finances publiques et des comptes sociaux.
Contrairement aux entreprises du secteur marchand, les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas financés par leurs profits mais par la sécurité sociale et les finances étatiques. Il n'est donc logiquement pas question de permettre à tel ou tel établissement d'engager des dépenses sur ces budgets sans contrôle. La lecture faite de l'article L. 314-6 du Code de l'action sociale et des familles par la chambre sociale relève donc d'une interprétation téléologique, une approche économique du droit qui impose d'adopter une interprétation extensive afin de préserver l'autorité de tutelle de toute dépense qu'elle n'aurait pas envisagé.
De ce point de vue donc, il n'est guère possible de contester l'interprétation faite. Si, en revanche, on s'arrête à une interprétation littérale du texte, on constate que celui-ci ne vise que "les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite". On peut dès lors sur l'effet collatéral de cette décision consistant à malmener la nature juridique des usages
Les usages doivent-ils être rapprochés des normes collectives de travail ou du contrat de travail. A cette question, nul n'a jamais répondu avec assurance (14). Bien sûr, pour certains aspects, l'usage d'entreprise semble revêtir une nature conventionnelle, comme en témoigne d'ailleurs les règles relatives à sa dénonciation très proches de celle gouvernant la dénonciation d'un accord collectif (15). Pour autant, d'autres règles laissent parfois penser que l'usage peut parfois être rapproché du domaine contractuel. Ainsi, on se souviendra qu'en cas de transfert d'entreprise, les usages existant au moment du transfert ne sont plus applicables qu'aux salariés engagés avant le transfert (16). Le lien entre usage et contrat de travail était alors mis en avant.
En réalité, on peut penser que les usages -et les engagements unilatéraux de l'employeur- ne sont ni des normes conventionnelles, ni des normes contractuelles. Catégorie à part, ces sources unilatérales non négociées de droit du travail ne devraient donc pas entrer dans le champ d'application de l'article L. 314-6 du Code de l'action sociale et des familles, sauf à en altérer la nature juridique. Cet argument de cohérence et de technique juridique faisait cependant peu de poids face aux comptes déficitaires de l'Etat et de la Sécurité sociale...
(1) En se limitant aux seules décisions commentées dans ces colonnes, v. Cass. soc., 13 juin 2007, n° 06-40.823, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8016DWS) et les obs. de G. Auzero, Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social : enfin le bout du tunnel !, Lexbase Hebdo n°266 du 27 juin 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N5840BBW) ; Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-46.295, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9248D8Z) et nos obs., Horaires d'équivalence dans le secteur médico-social : épilogue ?, Lexbase Hebdo n°309 du 18 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3519BGG) ; Cass. soc., 24 novembre 2010, n° 08-44.181, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7516GLX) et les obs. de Ch. Radé, La Cour de cassation et l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CESDH : la saga continue dans le secteur des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif, Lexbase Hebdo n°420 du 8 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8235BQ3) ; Cass. soc., 6 avril 2011, jonction, n° 10-16.203 à n° 10-16.206, n° 10-16.210 à n° 10-16.215, n° 10-16.391, n° 10-16.393, n° 10-16.395, n° 10-16.396, n° 10-16.398 et n° 10-16.400, FS-P+B (N° Lexbase : A3515HNI) et nos obs., Horaires d'équivalence et secteur médico-social : les arguments de contestation s'étiolent..., Lexbase Hebdo n° 437 du 27 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0627BSZ).
(2) P. Durand, Le dualisme de la convention collective, RTD Civ., 1939, p. 353.
(3) C. trav., art. L. 2261-15 et s. (N° Lexbase : L2443H9D).
(4) C. trav., art. L. 2261-17 (N° Lexbase : L2447H9I).
(5) Sur la distinction entre extension et agrément d'une convention collective, v. Cass. soc., 6 avril 2011, n° 10-16.203, préc..
(6) J. Barthélémy, L'agrément des accords collectifs, Dr. soc., 1987, p. 623 ; J. Savatier, La portée de l'exigence d'un agrément administratif des conventions collectives applicables aux établissements médico-sociaux, Dr. soc., 1994, p. 394.
(7) CSS, art. L. 123-1 (N° Lexbase : L3296HWY).
(8) Décret n° 2009-597 du 26 mai 2009, pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004, relative à la modernisation de la sécurité civile et relatif à l'agrément ministériel des conventions et accords dans les établissements sociaux et médico-sociaux (N° Lexbase : L2917IER).
(9) Cass. soc., 8 juin 2005, n° 02-46.465, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A5978DIA) et les obs. de G. Auzero, Etablissements privés gérant un service social et sanitaire à but non lucratif : l'exigence d'agrément étendue aux engagements unilatéraux de l'employeur, Lexbase Hebdo n°173 du 22 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N5632AIG) ; RDSS, 2006, p. 161, note D. Boulmier ; Dr. soc., 2005, p. .939, obs. J. Savatier ; SSL, n° 1233, p. 7, note M. Morand.
(10) Cass. soc., 5 mai 2008, n° 07-40.550, F-P+B (N° Lexbase : A4475D8A) ; RDSS, 2008, p. 732, note S. Hennion-Moreau.
(11) Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 06-43.345, FS-P+B (N° Lexbase : A6029DZC) ; RDSS, 2008, p. 179, obs. D. Boulmier.
(12) Ce qui n'étonne pas compte tenu de la proximité conceptuelle des usages et des engagements unilatéraux de l'employeur.
(13) Cf. supra, note n° 1.
(14) Comme le note Ch. Radé qui relève la "nature ambivalente des usages et engagements unilatéraux collectifs de l'employeur qui s'apparentent pour partie à des normes collectives, proche des accords collectifs, et pour partie à des normes individuelles rattachées au contrat de travail", v. Ch. Radé, L'usage ou l'engagement unilatéral doit être dénoncé auprès de tous les salariés de l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 436 du 14 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9641BRI), obs. sous Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-68.723, F-D (N° Lexbase : A3914HMW).
(15) Sur la procédure de dénonciation des usages et engagements unilatéraux de l'employeur, v. en dernier lieu Cass. soc., 13 octobre 2010, n° 09-13.110, FS-P+B (N° Lexbase : A8619GBT) et nos obs., Dénonciation des usages : une procédure à géométrie variable, Lexbase Hebdo n° 414 du 28 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4381BQC). Ces règles présentent de véritables ressemblances avec la procédure de dénonciation des conventions et accords collectifs de travail, v. l'encyclopédie "Droit du travail" (N° Lexbase : E2251ETK).
(16) Cass. soc., 7 décembre 2005, n° 04-44.594, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8958DLD) et les obs. de Ch. Radé, L'effet relatif des usages et engagements unilatéraux transférés au nouvel employeur, Lexbase Hebdo n° 194 du 15 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1904AKQ). Si l'on suit cet auteur, l'obligation d'informer l'ensemble des salariés de l'entreprise présents au moment de la dénonciation d'un usage suit également cette logique contractuelle, v. Cass. soc., 30 mars 2011, préc..
Décision
Cass. soc., 9 novembre 2011, jonction, n° 10-21.496 à n° 10-21.496 et n° 10-21.501 à n° 10-21.503, FS-P+B (N° Lexbase : A8922HZH) Cassation, CA Basse-Terre, ch. soc., 17 mai 2010 Textes visés : C. act. soc. et fam., art. L. 314-6, alinéa 1er (N° Lexbase : L3511HWX), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 (N° Lexbase : L2678IC8) Mots-clés : convention collective, agrément. secteur social et médico-social, usages d'entreprise Liens base : ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 37800998, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "La valeur juridique de l'accord atypique", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E2359ETK"}}) |
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, deux arrêts, n° 10-25.021, FS-P+B (N° Lexbase : A8919HZD) et n° 10-25.022, FS-P+B (N° Lexbase : A8920HZE)
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N8943BSZ
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"
Le 24 Novembre 2011
Résumé
Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.021, FS-P+B L'article 8 de l'accord d'entreprise du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière ne fixe aucune durée minimale d'activité au-delà de 60 ans. En accordant à la salariée, qui avait poursuivi son activité au-delà de 60 ans, un complément d'indemnité au titre du congé de fin de carrière, la cour d'appel a fait une exacte application du texte conventionnel. Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.022, FS-P+B Selon l'article 8 de l'accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie, les salariés remplissant certaines conditions et poursuivant leur activité professionnelle au-delà de 60 ans bénéficient de l'attribution d'un droit additionnel d'une journée supplémentaire par année d'ancienneté dans l'entreprise pour alimenter leur congé de fin de carrière. Si le salarié n'a pas poursuivi son activité au-delà de 60 ans, il ne remplit pas la condition pour prétendre à l'attribution d'un droit additionnel d'une journée supplémentaire par année d'ancienneté dans l'entreprise pour alimenter le congé de fin de carrière. |
Commentaire
I - Régime conventionnel de l'activité des seniors
La négociation sur l'emploi des seniors s'inscrit dans trois niveaux :
- interprofessionnel (ANI du 13 octobre 2005 ; négociation sur la pénibilité, C. trav., art. L. 4121-3-1 N° Lexbase : L3099IN4 ; décret n° 2011-354 du 30 mars 2011 N° Lexbase : L9033IPA) ;
- de branche. Les branches doivent négocier une fois tous les trois ans sur les conditions de travail ; la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences des salariés âgés ; l'emploi des travailleurs âgés, notamment par l'anticipation des carrières professionnelles ; la prise en compte de la pénibilité du travail (C. trav., art. L. 2241-4 N° Lexbase : L2798ICM).
- d'entreprise. Les entreprises doivent négocier sur la situation des seniors, dans le cadre de la négociation GPEC ; négocier ou établir un plan d'action comprenant des mesures en faveur de l'emploi des seniors (CSS, art. 138-24 N° Lexbase : L3800IMP).
A - Obligation de négocier un accord sur l'emploi des seniors
Le législateur (loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 N° Lexbase : L2678IC8 ; C. trav., art. L. 2241-4 ; CSS, art. L. 138-24 à L. 138-27 N° Lexbase : L3802IMR et L. 241-3 N° Lexbase : L3108ING) (7) et le pouvoir réglementaire (décrets n° 2009-560 N° Lexbase : L2561IEL et n° 2009-564 N° Lexbase : L2565IEQ du 20 mai 2009) (8) avaient mis en place une obligation nouvelle : les entreprises devaient conclure un accord en faveur de l'emploi des salariés âgés ou élaborer un plan d'action dans ce domaine, sous peine d'être soumises à une pénalité.
Les entreprises employant au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe comprenant au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur, lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à l'emploi des salariés âgés. Le montant de la pénalité est fixé à 1 % des rémunérations ou gains versés aux salariés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par un accord ou un plan d'action.
Cet accord, conclu pour une durée maximale de trois ans, doit comporter un objectif chiffré de maintien dans l'emploi ou de recrutement des salariés âgés ; au moins trois actions en faveur de l'emploi des salariés âgés, choisies sur une liste fixée par décret et adaptées aux spécificités de l'entreprise (tutorat, formation, temps partiel de fin de carrière, etc.) ; des modalités de suivi de cet objectif et de ces actions.
La négociation peut se dérouler au niveau de la branche dans le cadre de la négociation de branche triennale sur l'emploi des seniors (C. trav. art. L. 2241-4). Les entreprises dont l'effectif comprend 50 à 300 salariés ne sont pas soumises à la pénalité (CSS, art. L. 138-26 N° Lexbase : L3801IMQ).
B - Accords d'entreprise
La pratique conventionnelle de la gestion des seniors, analysée par la doctrine (mais encore insuffisamment) (9), révèle quelques exemples intéressants. Il en ressort que l'usage de l'expression "congé fin de carrière" varie très sensiblement d'une entreprise à l'autre, et n'exprime pas la même réalité ni ne couvre le même régime juridique.
1 - Congé fin de carrière
- L'accord de la société A. du 23 janvier 2002 (10) a prolongé en 2003 l'accès aux dispositifs de "congés fin de carrière" ou de "cadre de réserve" organisés par un accord du 11 avril 2001, au bénéfice de salariés ayant 55 ans en 2003 et compté au moins vingt ans d'ancienneté dans le groupe. Le congé de fin de carrière A., rémunéré à 65 % du salaire brut, permettait au salarié de cesser son activité jusqu'à l'ouverture de ses droits à retraite. Conservant son statut de salarié, il était dispensé d'activité. Le salarié passé en cadre de réserve était rémunéré 70 % du salaire brut. Il pouvait être rappelé au travail durant les trois premières années de sa suspension d'activité, pour 18 mois au plus.
- La société C. a négocié un accord (11) mettant en place un "congé de fin de carrière". Cette société devait créer en contrepartie au minimum 400 postes pour 2000. Cet accord a permis aux salariés qui avaient 55 ans et plus au 31 décembre 2000 de cesser totalement leur activité avant l'âge de retraite tout en percevant l'équivalent en moyenne de 70 % de leur salaire net actuel, financé par la société C.. Les volontaires qui ont adhéré à ce dispositif sont restés salariés de l'entreprise pendant toute la durée de leur congé fin de carrière, mais ils étaient dispensés d'activité. Ils continuaient d'acquérir normalement les trimestres au titre de la retraite (régime de base sécurité sociale) et les points de retraite complémentaires. Ils étaient couverts par les systèmes de prévoyance mis en place dans l'entreprise et ont continué de bénéficier du dispositif d'épargne salariale.
2 - Compte épargne temps (CET)
Le dispositif a été mis en place par l'entreprise Q., en 2002 (12). L'accord mis en place a prévu que les droits affectés au CET peuvent être utilisés pour permettre au salarié d'anticiper, à partir de 55 ans, son départ à la retraite. Le contrat de travail du salarié en CET n'est pas rompu : il est suspendu. Pendant le congé, le salarié est indemnisé au taux du salaire mensuel en vigueur au moment de son départ, dans la limite du nombre d'heures ou de jours capitalisés. L'indemnité versée a la nature d'un salaire (soumise à ce titre aux cotisations sociales). A l'issue du congé de fin de carrière, le CET est clos à la date de rupture du contrat de travail. L'accord prévoit ainsi que le congé de fin de carrière ne peut être interrompu, sauf cas exceptionnel lié à une modification de la réglementation ne permettant pas le départ à la retraite à l'échéance initialement prévue ; il envisage la rupture du contrat de travail en cours de congé.
II - Régime conventionnel de l'activité des seniors de l'industrie laitière
Les partenaires sociaux des industries laitières ont conclu un certain nombre d'accords relatifs à l'emploi des seniors :
- Accord du 26 septembre 2003, "Rémunérations et congé de fin de carrière" ;
- Accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors ayant pour objet de favoriser la poursuite de leur activité professionnelle ou leur reconversion. L'accord a prévu, pour les salariés affectés à des postes caractérisés par une pénibilité ou un taux d'accidentalité ou d'invalidité supérieurs à la moyenne, une priorité d'affectation à des postes de qualification équivalente (13). Les seniors pouvaient également bénéficier, à compter de leur 50ème anniversaire, d'un aménagement du temps de travail pouvant prendre la forme d'une réduction de la durée quotidienne du travail, d'une réduction du nombre de jours travaillés dans la semaine ou du nombre de semaines travaillées dans le mois ou d'un congé annuel additionnel réduisant la durée collective du travail. De plus, afin d'alimenter le congé de fin de carrière, l'accord a accordé un jour par année d'ancienneté aux salariés concernés par le dispositif des carrières longues ainsi qu'aux salariés poursuivant leur activité professionnelle après 60 ans et justifiant d'au moins 15 ans de travail à la chaîne ou en équipes successives ou impliquant au moins 200 nuits de travail par an ou d'un travail en cave ou impliquant régulièrement des manipulations de charges importantes ou dans une température inférieure à 5 C° ou supérieure à 30 C°. Enfin, l'accord a prévu une majoration de l'allocation de fin de carrière en cas de poursuite de l'activité au-delà de 60 ans ;
- Accord du 22 décembre 2009, relatif à l'emploi des salariés âgés. L'accord contient des objectifs chiffrés et précise les indicateurs de mesure retenus (art. 2). Pour assurer le suivi des objectifs, les indicateurs retenus et l'évolution de leurs résultats seront inclus dans le rapport annuel des données sociales dans la transformation laitière. Cet accord se substitue aux accords du 5 décembre et du 15 décembre 2005 (abrogés).
A - Congé fin de carrière
Les partenaires sociaux ont prévu, dans un certain nombre de conventions collectives, que les salariés peuvent ouvrir et utiliser un CET dans les conditions fixées par accord national paritaire. Ce compte individuel, qui recueille tout ou partie des droits énumérés par l'accord national, acquis par l'intéressé en temps de repos ou en majoration de salaire, permet d'indemniser des congés spécifiques (congé de fin de carrière, congé pour convenance personnelle) ou des congés légaux non rémunérés. Un certain nombre de branche ont retenu ce dispositif : industrie laitière (infra) ; mais aussi Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 (art. 1.12) ; Convention collective nationale pour le personnel d'encadrement de l'industrie de la fabrication de la chaux du 27 avril 1981 (CET, accord du 20 octobre 1998, art. 4) ; Convention collective nationale des personnels des ports de plaisance du 16 mars 1982 (CET, avenant n° 35 du 29 avril 1999, art. 3) ; Convention collective nationale des organismes d'aide ou de maintien à domicile du 11 mai 1983 (Réduction du temps de travail, accord de branche du 24 juin 1999, art. 7.5) ; etc..
1 - Accord du 26 septembre 2003, rémunérations et congé de fin de carrière
Les dispositions, mises en place dans la branche par l'accord du 13 septembre 1996, ont été améliorées par les partenaires sociaux (accord du 26 septembre 2003, art. 6, "Congé de fin de carrière").
Afin d'élargir les possibilités d'utilisation du CET comme congé de fin de carrière, à compter de leur 57ème anniversaire, les salariés qui le souhaitent disposent d'un CET, que les entreprises doivent mettre en place. Ce CET, dont l'alimentation demeure facultative et à la seule initiative des salariés, fonctionne suivant les modalités prévues à l'article 7 de l'accord du 13 septembre 1996 (14).
En cas d'utilisation du CET comme congé de fin de carrière, les droits du salarié sont majorés, à la charge de l'entreprise et exclusivement en temps : de 10 % pour les congés inférieurs à trois mois (inférieurs à 66 jours ouvrés) ; de 15 % pour les congés compris entre trois et six mois (entre 66 et 132 jours ouvrés) ; de 20 % pour les congés supérieurs à six mois (supérieurs à 132 jours ouvrés).
A titre exceptionnel, les salariés qui ont fait valoir leur droit à la retraite au cours des trois années (2004, 2004 et 2005) justifiant d'au moins 25 années d'ancienneté dans l'entreprise, à la date de leur départ en retraite et qui utilisent leur CET comme congé de fin de carrière, ont bénéficié pour un départ en retraite en 2004, d'un abondement supplémentaire de 15 jours sur leur congé de fin de carrière ; pour un départ en retraite en 2005, d'un abondement supplémentaire de 10 jours sur leur congé de fin de carrière ; pour un départ en retraite en 2006, d'un abondement supplémentaire de 5 jours sur leur congé de fin de carrière (Convention de l'industrie laitière, art. 10.14.8).
De plus, afin d'accroître leurs droits au congé de fin de carrière, les salariés qui le souhaitent peuvent exercer seuls le choix de transformer leur allocation de fin de carrière en congé de fin de carrière. L'alimentation du congé de fin de carrière par des éléments de rémunération, telle la prime annuelle, donne lieu à réintégration de ces éléments de rémunération pour le calcul de l'allocation de fin de carrière, dont le montant est ainsi garanti.
La Cour de cassation a été sollicitée, en 2010, sur l'interprétation de ces dispositions. Elle a retenu le principe selon lequel Le droit additionnel au congé de fin de carrière est subordonné à la création du CET dont la mise en place n'est obligatoire pour l'employeur qu'en cas d'initiative préalable du salarié (15).
2 - Accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière
Les dispositions relatives au congé de fin de carrière, résultant de l'accord du 26 septembre 2003, ont été complétées (accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière, art. 8, "congé de fin de carrière", abrogé).
Ont bénéficié de l'attribution d'un droit additionnel d'une journée par année d'ancienneté dans l'entreprise, pour alimenter leur congé de fin de carrière :
- les salariés poursuivant leur activité professionnelle au-delà de 60 ans et justifiant d'au moins 15 années d'un travail à la chaîne ; ou en équipes successives ; ou impliquant au moins 200 nuits de travail par an (au sens de l'article L 213-2 ancien du Code du travail N° Lexbase : L1915HBK) ; ou d'un travail en cave ; ou impliquant régulièrement des manipulations manuelles de charges importantes ; ou dans des conditions de températures particulièrement basses (inférieures à 5°) ou particulièrement élevées (supérieures à 30°) ;
- les salariés concernés par le dispositif des carrières longues.
Ce droit additionnel pouvait être affecté, au choix du salarié, au rachat d'annuités manquantes. Ces dispositions avaient vocation à s'intégrer, au niveau de la branche, aux conclusions de la négociation interprofessionnelle en cours sur la pénibilité.
En l'espèce (n° 10-25.021), la condition relative à la "poursuite de l'activité" au-delà de 60 ans (accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière, art. 8, "Congé de fin de carrière", abrogé) posait une difficulté d'interprétation. L'employeur faisait grief à l'arrêt rendu par les juges du fond (CA Grenoble, ch. soc., 19 juillet 2010, n° 09/04207 N° Lexbase : A1676E79) d'accueillir cette demande : l'article 8 de l'accord du 5 décembre 2005 (préc.) réserve aux salariés poursuivant leur activité professionnelle au-delà de 60 ans un droit additionnel d'une journée supplémentaire par année d'ancienneté dans l'entreprise venant alimenter leur congé de fin de carrière. En jugeant que cette disposition devait bénéficier aux salariés dont le départ à la retraite était survenu seize jours suivant leur 60ème anniversaire, la cour d'appel aurait violé l'article 8 de l'accord d'entreprise du 5 décembre 2005 sur le travail des seniors. La Cour de cassation rejette le pourvoi et accorde au salarié qui a poursuivi son activité au-delà de 60 ans, un complément d'indemnité au titre du congé de fin de carrière, dans la mesure où l'article 8 de l'accord d'entreprise du 5 décembre 2005 ne fixe aucune durée minimale d'activité au-delà de 60 ans.
La seconde décision rendue par la Cour de cassation (n° 10-25.022) ne pose pas de grandes difficultés. Dans cette affaire, M. M., né le 31 octobre 1947, employé à compter du 25 janvier 1966 par la société D., a fait valoir ses droits à la retraite au 31 octobre 2007. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de complément d'indemnité de congé de fin de carrière. Pour accueillir cette demande, l'arrêt (CA Grenoble, ch. soc., 19 juillet 2010, n° 09/04221 N° Lexbase : A1677E7A) a retenu qu'aucune restriction n'est apportée par l'article 8 de l'accord (prec.) au cas où la demande de mise à la retraite serait faite une fois le jour du 60ème anniversaire passé. A partir du moment où une personne a fêté son 60ème anniversaire, elle a dépassé 60 ans et se trouve dans sa 61ème année. La Cour de cassation infirme l'arrêt, le salarié n'ayant pas poursuivi son activité au-delà de 60 ans.
B - Allocation de fin de carrière
En application de la Convention collective nationale de l'industrie laitière du 20 mai 1955, modifiée et recodifiée par avenant n° 34 du 29 juin 2006, l'âge normal de la retraite étant prévu à 65 ans (ou 60 ans en cas d'inaptitude au travail reconnue par la sécurité sociale) (16), le contrat de travail d'un salarié peut être à partir de cet âge, résilié aux fins de retraite à tout moment par l'une ou l'autre des parties (CCN, art. 16-1). Il est alloué une allocation de fin de carrière au salarié qui prend sa retraite. Le montant de cette allocation est égal à la moitié de l'indemnité de licenciement à laquelle l'intéressé aurait pu prétendre en vertu de l'article 15. 5 de la convention (17) en fonction de son ancienneté, mais sans majoration d'âge. L'alimentation du congé de fin de carrière par des éléments de rémunération, telle la prime annuelle, donne lieu à réintégration de ces éléments de rémunération, pour le calcul de l'allocation de fin de carrière, dont le montant est ainsi garanti (CCN, art. 16-2).
Le salarié qui, de sa propre initiative, résilie son contrat de travail à partir de 60 ans pour prendre sa retraite, bénéficie de l'allocation de fin de carrière (CCN, art. 16-2). En outre, l'allocation de fin de carrière est régie par les dispositions de l'accord du 5 décembre 2005 relatif au travail des seniors.
1 - Accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière : carrières longues
Les partenaires sociaux avaient prévus que les salariés remplissant les conditions requises pour ouvrir droit à une possibilité de retraite avant 60 ans, au titre des carrières longues, bénéficient de l'allocation de fin de carrière, prévue par la convention collective de l'industrie laitière. L'accord du 22 décembre 2009 se substitue aux accords du 5 décembre et du 15 décembre 2005.
2 - Accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière : poursuite de l'activité au-delà de 60 ans
Lors du départ en retraite intervenant à la demande du salarié, l'allocation de fin de carrière (18) est majorée, pour un départ à 61 ans, de 5 % ; un départ à 62 ans, 10 % ; un départ à 63 ans, 15 % ; un départ à 64 ans, 20 % ; et enfin un départ à 65 ans et plus, 25 %. Cette disposition avait été retenue par les partenaires sociaux, dans le cadre de l'accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière (art. 10, Augmentation de l'allocation de fin de carrière en cas de poursuite de l'activité au-delà de 60 ans). L'accord du 22 décembre 2009 se substitue aux accords du 5 décembre et du 15 décembre 2005. La logique est celle de la promotion de l'activité des seniors, y compris (et surtout) après l'âge de 60 ans.
(1) Article 5, 11, 12, 15 et 25 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites, portant sur la poursuite de l'activité professionnelle des salariés âgés de 50 ans et plus (N° Lexbase : L9595CAM).
(2) ANI du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des seniors, en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l'emploi.
(3) F. Favennec-Héry, L'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des seniors : un premier pas, JCP éd. S, n° 21, 15 novembre 2005, étude n° 1329, p. 14 ; P.-Y. Verkindt, Changer le regard sur le travail des seniors après l'ANI du 13 octobre 2005, SSL, 31 octobre 2005, n° 1234 ; Ch. Willmann, Promouvoir le 'vieillissement actif' : les modestes propositions des partenaires sociaux, Dr. soc., 2006, p. 144 (nombreuses références citées).
(4) Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.021, FS-P+B (N° Lexbase : A8919HZD).
(5) Mme V., employée depuis le 3 mars 1980 par la société D., a fait valoir ses droits à la retraite au 31 juillet 2006, à l'âge de 60 ans et 15 jours. Se fondant sur les dispositions de l'article 8 de l'accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de complément d'indemnité de congé de fin de carrière. Sur l'indemnité de départ en retraite, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E9747ESS).
(6) Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.022, FS-P+B (N° Lexbase : A8920HZE).
(7) Voir nos obs., Les réformes de la LFSS 2009 relatives à l'emploi des seniors et la branche vieillesse, Lexbase Hebdo n° 333 du 15 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2312BIH).
(8) Congé fin de carrière, les modalités de mise en oeuvre de la pénalité prévue pour les entreprises d'au moins 50 salariés qui n'ont pas, au 1er janvier 2010, conclu d'accord ou élaboré de plan d'action sur l'emploi des seniors (Circ. intermin. DSS/5B/5C n° 2009-374, du 14 décembre 2009 N° Lexbase : L4543IGD). Cette circulaire met en place deux délais supplémentaires pour négocier un accord ou élaborer un plan d'action.
(9) M.-C. Amauger-Lattes et I. Desbarats, La mise à la retraite avant 65 ans : regard critique sur quelques pratiques conventionnelles, JCP éd. S, n° 17, 25 avril 2006, 1326 ; Lamy Négociation collective, Etude 1146 V°, Négocier l'emploi des seniors, 2010 ; Rapport présenté au Conseil d'orientation des retraites (COR), Les formes juridiques de cessation d'activité des salariés âgés de 55-64 ans, juin 2005 ; Les Cahiers du Lirhe, septembre 2005, n° 13.
(10) Accords des 23 janvier et 1er février 2002 sur les fins de carrière et sur le droit syndical au sein du groupe A., LSQ, n° 13607, du 18 mars 2002.
(11) LSQ, n° 12993, du 22 septembre 1999.
(12) Liaisons sociales, n° 238, 20, LSQ, n° 12993, du 22 septembre 1999.
(13) En cas de reclassement à un poste de qualification inférieure, le salarié ayant moins de 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise percevra une indemnité temporaire dégressive, exprimée en pourcentage entre l'ancienne et la nouvelle rémunération, de 100 % les 3 premiers mois, 80 % du 4ème au 6ème mois, 50 % du 7ème au 9ème mois et 30 % du 10ème au 12ème mois. A partir de 15 ans d'ancienneté, le salarié bénéficiera du maintien de son salaire de base.
(14) En application de l'article 10-14.4 de la Convention collective de l'industrie laitière, le CET peut être crédité par : le report de congés payés, dans la limite de 10 jours ouvrés par an (à l'issue de la période prévue pour l'utilisation des congés payés, les jours de congés non utilisés seront reportés dans cette limite sur le CET, sauf opposition du salarié ; le report des congés supplémentaires ou de fractionnement) ; l'affectation des repos compensateurs de remplacement au paiement majoré des heures supplémentaires et des conditions spécifiques de travail (définis aux art. 10. 8,11. 1,11. 4 et 11. 5 de la convention) ; l'affectation, pour l'encadrement et le personnel "forfaité", des mesures de réduction du temps de travail ; la conversion du 13ème mois, qui sera alors affecté en totalité au CET ; tous autres éléments de rémunération, définis par accord d'entreprise ou d'établissement, à l'exception des augmentations générales de salaire.
(15) Cass. soc., 17 novembre 2010, n° 09-68.739, FS-P+B (N° Lexbase : A5870GKM). Un salarié a présenté une demande, acceptée par son employeur, en vue d'un départ à la retraite. Il s'est vu refuser le bénéfice des droits à congé de fin de carrière et a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir leur indemnisation et des dommages-intérêts pour résistance abusive sur le fondement de l'article 8 de l'accord du 5 décembre 2005 relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière, complétant l'accord du 26 septembre 2003 (prévoyant l'attribution d'un droit additionnel d'une journée par année d'ancienneté dans l'entreprise pour alimenter leur congé de fin de carrière). Le conseil de prud'hommes de Pau, le 9 juin 2009, a débouté le salarié. M. X n'ayant jamais soutenu avoir sollicité l'ouverture de son CET, la création de ce compte n'étant donc pas obligatoire pour l'employeur. La Cour de cassation a, néanmoins, cassé le jugement du conseil des prud'hommes. Ce dernier, en condamnant l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts pour perte de rémunération, a modifié l'objet du litige, le salarié demandant des dommages-intérêts pour résistance abusive, et a donc violé l'article 4 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1113H4Y) .
(16) En application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 (N° Lexbase : L3048IN9), l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956. Pour les assurés nés avant cette date, l'âge légal de départ à la retraite sera fixé par décret, de manière croissante à raison de 4 mois par génération et dans la limite de 62 ans. Ce relèvement sera opéré à compter du 1er juillet 2011. Pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951, l'âge d'ouverture est maintenu à 60 ans. Sur la réforme des retraites par la loi du 9 novembre 2010, bibliographie très riche. V. not., outre le numéro spécial de Lexbase Hebdo - édition sociale : F. Kessler, La réforme des retraites et l'allongement de la durée d'activité, JCP éd. S, n° 49, 7 décembre 2010, 1522.
(17) Une indemnité de licenciement distincte du préavis est versée aux salariés : âgés de moins de 65 ans (ou de 60 ans en cas d'inaptitude au travail reconnue par la Sécurité sociale) ; ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise ; congédiés sans faute grave de leur part. Ces 3 conditions doivent être remplies simultanément.
Le montant de cette indemnité est égal à : 1/10 du salaire mensuel par année d'ancienneté pour les salariés ayant une ancienneté inférieure à 5 ans ; 1/5 du salaire mensuel par année d'ancienneté pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à 5 ans (maximum 8 mois). En cas d'années incomplètes, le calcul sera effectué pro rata temporis. Sauf dans le cas où il y a versement d'une allocation de préretraite à l'occasion du licenciement, l'indemnité est majorée de 20 % à partir de 50 ans révolus et jusqu'au 55e anniversaire ; 10 % à partir de 55 ans révolus et jusqu'au 60ème anniversaire.
(18) Prévue à l'article 93 de la convention de l'industrie laitière et l'article 18 de son annexe II.
Décisions
Cass. soc., 9 novembre 2011, deux arrêts, n° 10-25.021, FS-P+B (N° Lexbase : A8919HZD) et n° 10-25.022, FS-P+B (N° Lexbase : A8920HZE) Textes concernés : article 8 de l'accord du 5 décembre 2005, relatif au travail des seniors dans l'industrie laitière, attaché à la convention collective nationale de l'industrie laitière du 20 mai 1955 Mots-clés : congé de fin de carrière, conditions, bénéfice. Liens base : (N° Lexbase : E9747ESS) |
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Réf. : CJUE, 17 novembre 2011, aff. C-435/10 (N° Lexbase : A9210HZ7)
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Réf. : Ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, portant transposition de la Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L2513IRI)
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Réf. : T. confl., 14 novembre 2011, n° 3821 (N° Lexbase : A9234HZZ)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-26.028, FS-P+B (N° Lexbase : A9347HZ9)
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Le 01 Décembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-20.891, FS-P+B (N° Lexbase : A9348HZA)
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Le 10 Décembre 2011
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Réf. : Cass. QPC, 18 novembre 2011, n° 11-40.066, FS-P+B (N° Lexbase : A9520HZM)
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Réf. : Cass. QPC, 18 novembre 2011, n° 11-40.068, P+B (N° Lexbase : A9519HZL)
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Réf. : Cass. QPC, 18 novembre 2011, n° 11-40.067, FS-P+B (N° Lexbase : A9518HZK)
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Réf. : Cass. QPC, 16 novembre 2011, n° 11-40.071, F-P+B (N° Lexbase : A9406HZE)
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Réf. : Circ. DGCS/DGT, NOR: ETST1129731C, du 28 octobre 2011(N° Lexbase : L2568IRK)
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Réf. : Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 10-28.201, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9405HZD)
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Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-23.609, FS-P+B (N° Lexbase : A9353HZG)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 11-13.256, FS-P+B (N° Lexbase : A9402HZA)
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Réf. : Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 11-11.486, FS-P+B (N° Lexbase : A9403HZB)
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Réf. : Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 09-68.427, FS-P+B (N° Lexbase : A9404HZC)
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Le 13 Décembre 2011
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Réf. : Cass. crim., 16 novembre 2011, n° 10-87.866, F-P+B (N° Lexbase : A9397HZ3)
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N8958BSL
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 09-43.528, FS-P+B (N° Lexbase : A8921HZG)
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N8887BSX
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 24 Novembre 2011
Résumé
Lorsque les parties contractantes conviennent de l'application au contrat de travail d'une convention collective autre que celle applicable de droit, l'indemnité de licenciement prévue par ladite convention collective revêt la nature d'une indemnité conventionnelle non susceptible d'être réduite par le juge. |
Commentaire
I - La Cour de cassation et l'analyse de l'indemnité conventionnelle de licenciement voulue par les parties au contrat de travail
L'application de la qualification de clause pénale. La jurisprudence a depuis toujours qualifié de clause pénale la clause du contrat de travail accordant au salarié des indemnités de licenciement d'un montant supérieur aux dispositions légales ou conventionnelles applicables (1). Pour la Cour de cassation, en effet, "l'indemnité contractuellement prévue à la charge de l'employeur, qui met fin au contrat de travail, constitue la réparation forfaitaire d'un préjudice résultant de la cessation de l'exécution du contrat" (2). Cette solution ne s'est jamais démentie (3) dès lors que la clause litigieuse entre bien dans la qualification de clause pénale en raison de sa fonction comminatoire (4).
La jurisprudence a, en revanche, refusé d'appliquer l'article 1152 du Code civil (N° Lexbase : L1253ABZ) aux indemnités versées spontanément en fin de contrat par l'employeur dans la mesure où elles trouvent leur cause dans son intention libérale (5). Un même refus a été formulé à propos des indemnités prévues par le règlement intérieur (6) ou par une convention collective (7).
Problème posé. Mais qu'en est-il lorsque le salarié prétend bénéficier d'une indemnité conventionnelle de licenciement en vertu d'une clause de son contrat de travail qui lui en reconnaît le bénéfice, et ce alors que l'accord collectif en cause n'est pas normalement applicable dans l'entreprise ?
Solutions admises antérieurement. Jusqu'à présent, la Cour de cassation n'avait pas fourni de réponse très claire à cette question.
Dans une affaire précédente, la qualification de clause pénale avait été retenue par les juges du fond alors que le salarié tirait également le droit à l'indemnité conventionnelle de son contrat de travail (8). La Cour de cassation avait également admis la qualification de clause pénale dans une hypothèse où l'indemnité avait été accordée au salarié par une "délibération du conseil d'administration de la société [...] prévoyant qu'en cas de licenciement de l'intéressée, l'indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à vingt quatre mois de salaire" et qui "avait été soumise à la salariée qui avait donné son agrément" (9).
L'exclusion de la clause pénale. Cette fois-ci, la qualification de clause pénale est écartée de la manière la plus claire qui soit, ce qui nous semble extrêmement discutable.
Les faits. Une salariée avait été engagée le 6 juillet 1988, avec reprise d'ancienneté de quinze années, par la Mutuelle française des professions de santé (MFPS) dont elle avait été nommée directrice en octobre 1997. Son contrat de travail, régi par la Convention collective de la mutualité , prévoyait qu'elle pouvait se prévaloir des dispositions plus favorables de la Convention collective des cadres de direction des sociétés d'assurances . Elle avait été licenciée le 14 octobre 2005 et obtenu en appel la condamnation de son employeur à lui payer intégralement l'indemnité de licenciement prévue par la Convention collective des cadres de direction des sociétés d'assurance.
Parmi les arguments avancés dans le pourvoi pour contester le refus de réduire le montant de cette indemnité au titre des pouvoirs que le juge tire de la qualification de clause pénale, l'employeur prétendait notamment que "l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif".
Or, tel n'est pas l'avis de la Chambre qui réaffirme le principe selon lequel "lorsque les parties contractantes conviennent de l'application au contrat de travail d'une convention collective autre que celle applicable de droit, l'indemnité de licenciement prévue par ladite convention collective revêt la nature d'une indemnité conventionnelle non susceptible d'être réduite par le juge".
C'est cette analyse qui nous semble discutable.
II - La qualification d'indemnité conventionnelle de licenciement en question
Justification de la solution. Dans l'hypothèse qui nous intéresse ici, les parties s'entendent pour faire application au salarié des dispositions d'un accord collectif autre que celui qui doit normalement s'appliquer. Elles pourraient décider de contractualiser purement et simplement l'indemnité conventionnelle de licenciement, mais elles ne le font pas et préfèrent faire application de l'indemnité stipulée par un autre accord que celui qui s'applique de plein droit dans l'entreprise. Il s'agit donc, pour la Cour de cassation, de l'hypothèse d'une application volontaire de l'accord collectif en cause ; si les dispositions de l'accord collectif viennent à être révisées, le salarié ne pourra ainsi pas prétendre que son contrat de travail a été modifié car celui-ci, en acceptant la référence à une source externe, accepte par là même que l'objet de cet accord puisse varier.
Critique. L'analyse nous paraît toutefois très artificielle et peu conforme à la nature réelle de cette indemnité.
La possibilité reconnue au juge par l'article 1152 du Code civil de modérer les clauses pénales suppose que l'on soit bien en présence d'une disposition contractuelle, c'est-à-dire qui puise son caractère obligatoire dans la volonté commune des parties et non dans une source externe, comme peut l'être la loi ou le règlement. Appliqué en droit du travail, ce raisonnement suppose que la clause en question ne puise pas son caractère obligatoire dans une source externe à la volonté des parties. Selon la Cour de cassation, tel est le cas lorsque les parties au contrat de travail s'entendent pour faire application de tout ou partie des dispositions d'un accord collectif qui n'est normalement pas applicable dans l'entreprise ; dans cette hypothèse, et toujours à en croire la Cour de cassation, l'indemnité de licenciement conserve sa nature conventionnelle puisqu'elle résulte de l'application de l'accord collectif.
C'est ici que le raisonnement nous semble pêcher. La qualification d'indemnité "conventionnelle" ne peut, en effet, valoir que si l'accord collectif qui contient cette indemnité s'impose à la volonté des parties, c'est-à-dire si l'entreprise s'y trouve soumise en raison du champ d'application de ce dernier. Dans ce cas, les critères d'application de l'accord sont d'ordre public et les parties ne sauraient s'y soustraire ; tout au plus peuvent-elle mettre l'accord en concours avec le contrat de travail et privilégier l'application de ce dernier en stipulant au bénéfice du salarié des dispositions plus favorables que celles concurrentes de l'accord ; mais dans cette hypothèse l'accord collectif demeure applicable, simplement ses dispositions moins favorables ne s'appliqueront pas en raison de leur caractère moins favorable.
Tel n'est pas le cas dans cette affaire. Si l'indemnité de licenciement devait ici s'appliquer, c'était, en effet, uniquement parce que les parties au contrat de travail l'avaient voulu, et nullement parce qu'elles y étaient contraintes. La force obligatoire de l'indemnité résidait donc non pas dans le caractère impératif de l'accord collectif, qui ne s'appliquait pas dans l'entreprise, mais dans la volonté commune des parties, peu important que cette clause soit issue d'un autre accord collectif ; en jugeant le contraire, la Cour de cassation semble donc confondre l'instrumentum, ici l'accord collectif porteur de la clause, et le negotium, c'est-à-dire le contenu même de l'accord qui, en réalité, n'était obligatoire que par le biais du contrat de travail.
(1) H. Blaise, La révision judiciaire des indemnités contractuelles de licenciement, Dr. soc., 1980, p. 365 et s..
(2) Cass. soc., 27 février 1986, n° 84-41.794, publié (N° Lexbase : A7688AGT), Bull. civ. V, n° 49.
(3) Cass. soc., 17 mars 1998, n° 95-43.411, publié (N° Lexbase : A2545ACA), Bull. civ. V, n° 142 ; Cass. soc., 31 mars 1999, n° 97-41.011, inédit (N° Lexbase : A8098C73) ; Cass. soc., 3 décembre 2002, n° 00-44.423, inédit (N° Lexbase : A1981A47) ; Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-45.827, inédit (N° Lexbase : A5107DKD) ; Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 05-43.409, inédit (N° Lexbase : A1131DT3); Cass. soc., 21 février 2007, n° 04-48.103, inédit (N° Lexbase : A2818DUW) ; Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-45.316, inédit (N° Lexbase : A9240D8Q) ; Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 07-45.555, inédit (N° Lexbase : A7236EIT) ; Cass. soc., 18 novembre 2009, n° 08-42.830, inédit (N° Lexbase : A7577ENX) ; Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-41.861, inédit (N° Lexbase : A1503EU9) ; Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-40.426, inédit (N° Lexbase : A2782GQ4) ; Cass. soc., 1er février 2011, n° 09-67.144, inédit (N° Lexbase : A3549GRU).
(4) Cass. soc., 28 septembre 2010, n° 09-41.406, inédit (N° Lexbase : A7625GAN) : n'est pas une clause pénale "la clause en litige [...] convenue dans le but d'inciter le salarié à quitter un emploi stable pour occuper un emploi dans une entreprise dont les difficultés étaient notoires, et qu'elle n'avait pas pour objet de déterminer à l'avance quelle serait la sanction pécuniaire applicable au cas où l'une des parties n'exécuterait pas ses obligations".
(5) Cass. soc., 10 juin 1976, n° 74-40.577, publié (N° Lexbase : A9262CG7), Bull. civ. V, n° 359.
(6) Cass. soc., 26 mai 1999, n° 96-43.614, publié (N° Lexbase : A0841CKD), Bull. civ. V, n° 236.
(7) Cass. soc., 28 mai 2008, n° 07-41.079, inédit (N° Lexbase : A7923D8X). Dans cette affaire le salarié tirait son droit de son contrat de travail.
(8) Cass. soc., 12 janvier 2005, n° 02-42.722, inédit (N° Lexbase : A0148DGL) : "contrat de travail précisant que la 'convention collective des industries des métaux n'est pas applicable au présent contrat en vertu de l'article 1, 6', et stipulant en son article 9 que tout licenciement non motivé par une faute professionnelle grave et notamment en cas de fermeture de l'établissement [...] donnera lieu au versement d'une indemnité de licenciement calculée selon la convention collective précitée, avec reprise d'ancienneté à compter du 1er janvier 1964 [...] la cour d'appel a relevé que l'indemnité litigieuse résultait d'une clause contractuelle prévoyant uniquement son mode de calcul par référence à la convention collective visée au moyen et que cette convention était par ailleurs expressément écartée par le contrat de travail, ce qui excluait tout engagement unilatéral de l'employeur ; qu'ayant retenu que cette clause ne profitait qu'au salarié et limitait la liberté de licenciement, elle a pu décider, sans dénaturation et sans avoir à répondre à des conclusions inopérantes, qu'il s'agissait d'une clause pénale".
(9) Cass. soc., 18 décembre 2001, n° 99-46.366, inédit (N° Lexbase : A7312AX4).
Décision
Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 09-43.528, FS-P+B (N° Lexbase : A8921HZG) Rejet, CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 20 octobre 2009, n° 07/04809 N° Lexbase : A6981EMI) Textes concernés : C. civ., art. 1152 (N° Lexbase : L1253ABZ) Mots-clés : accord collectif, indemnité de licenciement, clause pénale Liens base : (N° Lexbase : E2279ETL) |
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Réf. : Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-23.593, F-D (N° Lexbase : A8898HZL)
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par Lise Casaux-Labrunée, Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole
Le 24 Novembre 2011
Résumé
Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Le salarié, en contact permanent avec des mineurs du fait de ses fonctions, qui imprime des photographies à caractère pédopornographique avec le matériel mis à sa disposition par l'employeur, découvertes dans le logement de fonction occupé par lui dans l'enceinte de l'entreprise, commet une faute professionnelle dont la gravité justifie la rupture immédiate du contrat de travail. |
Commentaire
I - Principe : un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire
Protection de la vie personnelle du salarié. Les questions de frontière entre vie privée/personnelle et vie professionnelle suscitant un abondant contentieux, qui n'est pas prêt de se tarir, le principe a déjà été maintes fois affirmé par la Cour de cassation (1). Il paraît aujourd'hui bien établi, même si des hésitations ont parfois eu lieu sur le fait de savoir si des faits de vie privée pouvaient ou non être sanctionnés sur le terrain disciplinaire lorsqu'il est possible, d'une façon ou d'une autre, de les relier à la vie professionnelle en raison notamment de leur conséquence sur le contrat de travail ou sur la vie de l'entreprise (2). Ce principe est déduit de textes réputés : article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY, droit au respect de la vie privée), article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ([LXB=L479AQR], droit au respect de la vie privée et familiale) (3)... Il implique l'idée de protection : la vie privée du salarié (élargie à sa vie personnelle par construction jurisprudentielle) doit être protégée contre tout risque d'intrusion de la part de l'employeur. Il invite aussi à une certaine séparation entre vie personnelle et vie professionnelle... fort éloignée de ce qui s'observe aujourd'hui dans bien des entreprises où la tendance est plutôt à la confusion entre les deux vies du salarié (voir les résultats des études qui tentent de chiffrer le temps non professionnel passé par les salariés français dans leur entreprise) d'où la recherche par les entreprises de modes de surveillance efficaces, jusqu'aux excès du "surveillermonsalarie.com" (4).
Cantonnement du pouvoir disciplinaire à la vie professionnelle. Quoi qu'il en soit, l'employeur n'a pas prise, via son pouvoir disciplinaire, sur cette vie personnelle que le salarié fait parfois abondamment entrer dans l'entreprise, même si spontanément et de façon compréhensible, il aurait envie de considérer cela comme une faute du seul fait que le temps passé à la vie personnelle en entreprise est du temps en moins pour l'entreprise (sauf les résultats de l'étude menée par le Dr Brent Coker du Département Marketing de l'Université de Melbourne selon laquelle le fait de s'accorder de temps en temps des temps de pause sur Internet améliore la productivité des salariés d'environ 9%...). Si le principe peut être critiqué dans les cas où le salarié fait de lui-même entrer sa vie privée dans l'entreprise et confond ses deux vies, il est indiscutable lorsque les faits de vie privée se déroulent en dehors de l'entreprise. "Quand il n'est plus au travail, le salarié redevient un homme libre et ce qu'il peut faire de (dans) sa vie ne regarde pas l'employeur" (5). Hors du temps et du lieu de travail, le salarié n'est pas en situation de subordination et l'employeur ne peut donc pas exercer, sur les faits commis dans un cadre privé, son pouvoir disciplinaire.
Immunité uniquement disciplinaire. L'immunité dont bénéficie le salarié est-elle totale, y compris lorsque les faits de vie privée ont un impact, d'une manière ou d'une autre, sur la vie de l'entreprise ou sur la bonne exécution du contrat de travail ? Non, bien sûr. Si un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire, le licenciement peut être prononcé pour un motif personnel non disciplinaire lorsque les agissements du salarié ont occasionné un trouble caractérisé au sein de l'entreprise. La solution est ancienne (6). "Ce n'est pas alors le fait de la vie personnelle en soi, mais sa répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise qui conduit à faire du trouble objectif qui en est résulté une cause de licenciement" (7). Ce "trouble objectif", qui gagnerait à être précisé d'un point de vue conceptuel, parce qu'il est amené à jouer un rôle capital en la matière (8), ne peut pas non plus être sanctionné sur le terrain disciplinaire. S'il y a pu avoir hésitation sur ce point, la position de la Chambre sociale exprimée en 2011 paraît désormais claire : "un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans l'entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire" (9).
II - Exception : le licenciement disciplinaire est possible lorsque le fait tiré de la vie personnelle peut s'analyser en un manquement de l'intéressé aux obligations découlant de son contrat de travail
Solution récente. Cette exception n'a été formulée que récemment par la Cour de cassation, et pas toujours dans les mêmes termes. La solution a d'abord été exprimée en mettant en avant l'idée selon laquelle des faits commis dans le cadre de la vie privée pouvaient faire l'objet d'une sanction disciplinaire s'il était possible de les "rattacher à la vie de l'entreprise" (10). Critère fort souple (11)... La formule retenue aujourd'hui paraît plus ferme : "un motif tiré de la vie personnelle ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail" (12). Elle révèle au minimum la volonté des juges de ramener le débat sur le terrain contractuel, ce qui paraît plus clair. On notera, par ailleurs, le rapprochement sur ce point des jurisprudences administratives et judiciaires, Cour de cassation et Conseil d'Etat adoptant désormais une approche identique de ces questions (13).
Solution flottante. Pour autant, si sa formulation est claire, la solution sur le fond soulève de nombreuses questions qui au, final, laisse un sentiment d'insatisfaction, lié au risque que les juges aient ouvert par ce biais une voie permettant de réinvestir l'employeur d'un pouvoir disciplinaire susceptible d'atteindre des faits tirés de la vie personnelle (14).
L'arrêt du 8 novembre 2011 étonne, par exemple, en ce sens que les juges n'ont nullement pris soin de préciser l'obligation contractuelle bafouée. S'agit-il de l'obligation de loyauté qui mériterait d'être explicitée ? S'agit-il d'une obligation de probité (15), comme illustré dans un précédent arrêt ? Plus de rigueur et de précision dans la formulation des décisions serait ici souhaitable pour éviter cette impression de flottement d'une solution qui, mal cadrée, peut conduire à des abus du pouvoir disciplinaire.
L'arrêt surprend, par ailleurs, en ce sens qu'il retient à la charge du salarié "une faute professionnelle dont la gravité justifiait la rupture immédiate du contrat de travail". En l'espèce, le salarié dont les fonctions le mettaient en contact permanent avec des mineurs, avait imprimé avec le matériel mis à sa disposition par l'employeur, pratiquement un millier de photographies à caractère pédopornographique qui avaient été découvertes dans le logement de fonctions qu'il occupait dans l'enceinte de l'entreprise. Au final, on ne sait plus très bien sur quel fondement repose la solution donnée par l'arrêt : manquement à une obligation contractuelle ou faute professionnelle grave trouvant sa source dans la vie personnelle du salarié (dont les éléments constitutifs mériteraient d'être précisés). Nature et importance des fonctions exercées par le salarié, nature des faits en cause, gravité... On ne sait pas trop non plus si les juges, en l'espèce, ont véritablement cherché à identifier un manquement du salarié à l'une de ses obligations contractuelles, ou bien s'ils ont plutôt cherché à caractériser un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise. De la subtilité de la distinction entre disciplinaire et non disciplinaire... Les éléments d'appréciation ne doivent-ils pas mieux être distingués ?
Incohérences. Attention aussi à la cohérence d'ensemble de cette construction jurisprudentielle. Est-il logique qu'un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne puisse justifier un licenciement disciplinaire lorsqu'il occasionne un trouble objectif dans l'entreprise (v. supra), et que le même fait puisse justifier le licenciement disciplinaire lorsqu'il traduit un manquement du salarié à une obligation contractuelle (16) ?
Comment justifier par ailleurs l'exclusion (l'exception à l'exception) à laquelle ont procédé récemment juge judiciaire et juge administratif à propos des décisions de suspension ou de retrait de permis de conduire, dans des cas où ce permis est nécessaire à l'exercice des fonctions des intéressés ? "Le fait pour un salarié recruté sur un emploi de chauffeur, de commettre, dans le cadre de sa vie privée, une infraction de nature à entraîner la suspension de son permis de conduire, ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations contractuelles à l'égard de son employeur" (CE 4° et 5° s-s-r., 15 décembre 2010, n° 316856 N° Lexbase : A6659GNX, formulation pratiquement identique dans Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464, FS-P+B N° Lexbase : A2484HQ3). Pourquoi cette exception, tout de même discutable en ce sens qu'elle peut rendre impossible, au moins momentanément, l'exécution du contrat de travail... et pas telle autre ? Ces décisions montrent en tous cas la volonté des juges de garder une certaine maîtrise sur la qualification des faits de vie privée susceptibles d'être analysés en manquements contractuels.
L'impression qui reste à la lecture de l'arrêt du 8 novembre 2011 est celle d'une construction jurisprudentielle à peine esquissée, qui repose sur un raisonnement juste et séduisant (la vie privée ou personnelle du salarié ne doit pas perturber la bonne exécution du contrat de travail) mais qu'il convient sérieusement de peaufiner.
(1) Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.326, publié (N° Lexbase : A2206AAX) ; Cass. soc., 26 septembre 2001, n° 99-43.636, inédit (N° Lexbase : A1146AWD) ; Cass. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40.803, P+B+R+I (N° Lexbase : A3179DWN) ; Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256, FS-P+B (N° Lexbase : A4139EI7), RDT, 2009, p. 657, obs. C. Mathieu-Géniaut (un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire) ; Cass. soc., 30 juin 2010, n° 09-66.793, FS-P+B (N° Lexbase : A6840E3Q) (une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur).
(2) CE 4° et 5° s-s-r., 15 décembre 2010, n° 316856, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6659GNX), conclusions synthétiques de G. Dumortier, RDT, 2011, p. 99.
(3) "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".
(4) Selon une étude de la société Olféo, société de filtrage de contenus sur Internet, les salariés français passent en moyenne 86 minutes par jour sur Internet, dont 58 minutes pour un usage non professionnel (http://m.intelligence-rh.com Surveillermonsalarie.com : l'espionnage des salariés de moins de 1000 euros, article de S. Bonnegent du 29 octobre 2010).
(5) J.-Y. Frouin, Protection de la personne du salarié, intérêt de l'entreprise et construction prétorienne du droit du travail, JCP éd. S, 2010, p. 1087.
(6) Cass. soc., 17 avril 1991, n° 90-42.636, publié (N° Lexbase : A3738AAP), arrêt "Painsecq", RTD Civ., 1991, p. 706, obs. J. Hauser.
(7) G. Loiseau, Vie personnelle et licenciement disciplinaire, D., 2011, p. 1568.
(8) Ph. Waquet, Vie privée, vie professionnelle et vie personnelle, Dr. soc., 2010, p. 14 ; J.-E. Ray, De l'interférence vie personnelle/vie professionnelle, SSL, n° 1386, p. 12.
(9) Cass. soc., 9 mars 2011, n° 09-42.150, FS-P+B (N° Lexbase : A2470G9D), JCP éd. S, 2011, note J. Mouly.
(10) Cass. soc., 10 décembre 2008, n° 07-41.820, FS-P+B (N° Lexbase : A7240EBR) (propos injurieux tenus contre l'employeur en dehors de l'entreprise mais devant des personnes que le salarié était chargé d'encadrer) ; Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-45.212, F-D (N° Lexbase : A4786D7E) (retrait du permis de conduire pour alcoolémie en dehors du temps de travail, pour un salarié affecté à la conduite de véhicules).
(11) P. Adam, La vie personnelle, une forteresse et quelques souterrains, RDT, 2011, p. 116.
(12) Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256, préc. ; Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464, FS-P+B (N° Lexbase : A2484HQ3), F. Champeaux, De la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle, SSL, n° 1492, p. 12.
(13) CE 4° et 5° s-s-r., 15 décembre 2010, n° 316856, préc., : "un agissement du salarié intervenu en dehors de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat" (à propos de la suspension hors travail du permis de conduire concernant un salarié recruté sur un emploi de chauffeur), JCP éd. G 2011, p. 353, note J Mouly ; P. Adam, op. cit. ; v., également, les conclusions de G. Dumortier précitée.
(14) V. en ce sens, G. Loiseau, précité.
(15) Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 04-44.918, FS-P+B (N° Lexbase : A5597DMA).
(16) V. G. Loiseau, op. cit..
Décision
Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-23.593, F-D (N° Lexbase : A8898HZL) Rejet, CA Grenoble, ch. soc., 23 juin 2010 Textes visés : néant Mots-clés : licenciement, pouvoir disciplinaire, vie personnelle, vie professionnelle, frontières Liens base : (N° Lexbase : E9122ESN) |
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Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-17.015, FS-P+B (N° Lexbase : A9351HZD)
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Le 13 Décembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-18.417, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9352HZE)
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Le 25 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, 2 arrêts, n° 10-30.463, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9350HZC) et n° 10-10.687, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9349HZB)
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Le 13 Décembre 2011
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Réf. : Circ. DGCS, n° 2011/413, du 27 octobre 2011(N° Lexbase : L2523IRU)
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N8900BSG
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : CE, 1° et 6° s-s-r., 16 novembre 2011, n° 339582, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9272HZG)
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N8949BSA
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Le 24 Novembre 2011
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N8880BSP
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Le 24 Novembre 2011
- Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 10-21.232, F-D (N° Lexbase : A9422HZY) : ne bénéficie pas d'un contrat apparent, une personne qui participe, notamment, à la création et au développement de la société et assiste à la procédure collective de celle-ci, dispose d'une totale liberté d'organisation dans l'exercice de son activité professionnelle, donne des instructions au comptable sur le calcul de ses propres congés payés, sur les primes, sur ses frais de déplacement, se situe au même niveau que le directeur général administratif et ne rend pas compte de sa mission à la direction de la société se comportant ainsi comme un cogérant (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7663ESM)
- Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 09-71.651, F-D (N° Lexbase : A9435HZH) : constitue une démission équivoque pouvant être analysée en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur n'a pas respecté son obligation de payer des salaires et n'a pas fait de démarches pour se conformer à ces nouvelles préconisations du médecin du travail .
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-16.353, F-D (N° Lexbase : A9505HZ3) : lorsque les faits allégués la justifient, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par un salarié protégé produit les effets d'un licenciement nul prononcé en violation du statut protecteur, ce dont il résulte que l'indemnité due à ce titre est une indemnité forfaitaire, sans déduction, égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours .
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-17.950, F-D (N° Lexbase : A9515HZG) : le salarié ayant profité de ses fonctions de gardien et de la confiance que lui faisait l'employeur, pour stocker et fabriquer de façon illicite de l'alcool dans les dépendances du château dans des conditions telles qu'elles impliquaient un véritable trafic, cette utilisation abusive des moyens mis à sa disposition dans des conditions susceptibles de mettre en cause l'employeur, se rattache à la vie de l'entreprise et est de nature à y rendre impossible le maintien de l'intéressé et constitue une faute grave (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2761ETG).
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-23.640, F-D (N° Lexbase : A9508HZ8) : la mise à pied disciplinaire d'un délégué syndical, au mépris des dispositions de l'article L. 1332-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1864H9W), est de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat à l'origine de la désignation (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3755ETA).
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-23.265, F-D (N° Lexbase : A9507HZ7) : la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles doit être calculée en application de l'article L. 2323-86 du Code du travail (N° Lexbase : L2957H9E) dans le cadre de l'entreprise, et le taux légal de la contribution est ensuite appliqué à chaque établissement sauf usage ou accord collectif en disposant autrement (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1986ETQ).
- Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 10-16.978, F-D (N° Lexbase : A9438HZL) : l'appartenance de l'employeur à un groupe n'étant pas démontrée et le médecin du travail ayant effectué une étude de poste, l'impossibilité pour l'employeur de transformer ou d'adapter le poste de travail de la salariée, compte tenu notamment tant des contraintes liées à son faible effectif de neuf salariés que de celles liées aux prescriptions du médecin du travail, démontre l'impossibilité de reclasser cette salariée (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3274ETG).
- Cass. soc., 16 novembre 2011, n° 10-20.030, F-D (N° Lexbase : A9441HZP) : l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, nonobstant deux offres de travail temporaire, lorsque, d'une part, il n'a justifié de ses démarches que par la production d'une lettre adressée à une douzaine d'entreprises du groupe et des réponses négatives de certaines d'entre elles, purement formelles au regard de la brièveté du délai entre l'envoi de cette lettre et la convocation à l'entretien préalable et, d'autre part, n'a donné aucune indication sur le nombre de salariés dans l'entreprise, sur l'importance et la composition du groupe auquel il appartenait, sur la nature des postes existant en interne ou au sein du groupe, ni sur les possibilités de mutations, transformations de postes de travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3279ETM).
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-25.704, F-D (N° Lexbase : A9503HZY) : le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; il est ainsi caractérisé lorsque l'employeur, connaissant l'état de grossesse de sa salariée, l'a fait travailler 14 heures de nuit ou a sciemment ouvert son casier personnel qu'il savait lui appartenir sans son autorisation ou lui a infligé un avertissement ayant un caractère non justifié .
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-19.664, F-D (N° Lexbase : A9506HZ4) : l'existence d'une discrimination syndicale est rapportée lorsqu'un salarié établit qu'il dirigeait la principale agence de Martinique et avait vingt-trois salariés sous son autorité ; qu'il a été ensuite muté comme directeur de l'agence bancaire du Marin avec trois salariés sous ses ordres, qu'il était excellemment noté à l'époque des faits, qu'il exerçait concomitamment des responsabilités syndicales et que la banque ne rapporte pas la preuve que cette mutation était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2582ETS).
- Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-16.861, F-D (N° Lexbase : A9511HZB) : une salariée fournit des éléments rendant à tout le moins vraisemblable l'existence d'une telle discrimination lorsque, notamment, les comptes rendus d'entretien d'évaluation mentionnaient l'impossibilité d'apporter un jugement objectif sur l'activité de la salariée ou de fixer un objectif pour l'année à venir en raison de sa faible présence sur le site due à ses mandats représentatifs (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2582ETS).
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Réf. : Ass. plén., 18 novembre 2011, n° 10-16.491, P+B+R+I (N° Lexbase : A9318HZ7)
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N8860BSX
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Le 13 Décembre 2011
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