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N8800BSQ
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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Sous la Direction de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 16 Novembre 2013
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Géolocalisation des salariés. Les développements technologiques contemporains permettent, via notamment le système GPS désormais présent dans la plupart des téléphones mobiles et dans de nombreux véhicules, de localiser en permanence leurs détenteurs, au risque de faire exploser les frontières entre vie privée et vie professionnelle. La Commission nationale de l'informatique et des libertés avait rendu, le 16 mars 2006, une recommandation fixant le cadre restrictif du recours à la géolocalisation des salariés. Reprenant les termes de celle-ci, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 3 novembre 2011 (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036, FS-P+B+R+I), précise les conditions dans lesquelles les employeurs pourront y avoir recours dans des termes qui semblent, pour Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, par certains aspects discutables. Lire, A propos de la géolocalisation des salariés : la CNIL et la Cour de cassation à l'unisson (N° Lexbase : N8765BSG). |
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Répartition du temps de travail. Alors même qu'elle procède d'un souci de clarification et de cohérence, la distinction jurisprudentielle entre les modifications du contrat de travail et les changements des conditions de travail se révèle d'une mise en oeuvre difficile. Les modifications de la répartition du temps de travail le démontrent. Il n'est, en effet, guère facile, à la lecture des arrêts rendus par la Cour de cassation en la matière, de déterminer avec précision et certitude les modifications relevant du pouvoir de direction de l'employeur et celles exigeant l'accord du salarié. Un important arrêt rendu le 3 novembre 2011 par la Chambre sociale (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.702, FS-P+B) apporte une lumière nouvelle à la situation en cause. Pour la Cour de cassation, en effet, sauf atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur. Si l'hésitation n'est plus permise en cas d'atteinte justifiée et proportionnée, il n'en va pas, en revanche, de même dans le cas inverse, pour Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV. Lire, La modification de la répartition des horaires de travail ne doit pas porter une atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié (N° Lexbase : N8736BSD). |
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.702, FS-P+B (N° Lexbase : A5255HZN)
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N8736BSD
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 21 Octobre 2014
Résumé
Sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur. |
Observations
I - Pouvoir de direction de l'employeur et respect du contrat de travail
A la question de savoir si l'employeur peut modifier unilatéralement le contrat de travail conclu avec le salarié, la Cour de cassation a longtemps apporté une réponse nuancée, distinguant les modifications "substantielles", des modifications "non substantielles" du contrat de travail. Tandis que les secondes étaient abandonnées au pouvoir de direction de l'employeur, les premières exigeaient l'accord du salarié pour pouvoir prendre effet. L'appartenance d'une modification litigieuse à l'une ou l'autre des deux catégories était affaire d'appréciation. Tout dépendait de l'incidence du changement sur les conditions de vie et de travail du salarié.
Cette jurisprudence, qui n'était pas dénuée de vertus, pouvait néanmoins être critiquée en ce qu'elle méconnaissait, dans une certaine mesure, la force obligatoire du contrat. Aussi la Cour de cassation a-t-elle fini par abandonner, au milieu des années quatre-vingt dix, son ancienne terminologie pour consacrer une distinction nouvelle entre, d'une part, la modification du contrat de travail, qui suppose le commun accord des parties, et, d'autre part, le changement des conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur (1).
Sans doute plus conforme aux prescriptions de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), cette distinction a rapidement démontré ses limites, suscitant à son tour les critiques d'une partie de la doctrine (2). Elle aurait en effet dû conduire à soumettre la plus minime des modifications du contrat de travail à l'accord des salariés. Si la Cour de cassation a retenu cette solution en matière de rémunération, elle l'a en revanche écarté pour le lieu de travail et pour la répartition du temps de travail. En effet, si la répartition de la durée du travail sur la journée, la semaine ou le mois est largement laissée à la disposition de l'employeur, il en va différemment lorsqu'est en cause le passage d'un horaire fixe à un horaire variable (3) ou le passage, même partiel à un horaire de nuit (4), qui exige l'accord du salarié. Ces différentes solutions ne sont évidemment pas sans rappeler la distinction entre modifications "substantielles" et "non substantielles" du contrat de travail.
Etait en cause en l'espèce, une salariée engagée en décembre 2000 en qualité d'agent de service à temps plein. Travaillant sur un site du lundi au vendredi de 5 heures 30 à 10 heures et de 15 heures à 17 heures ainsi que le samedi de 7 heures 30 à 10 heures, elle avait été affectée sur deux sites par courrier du 6 novembre 2008 selon la répartition de l'horaire de travail suivante : du lundi au jeudi de 15 heures à 17 heures 30 et de 18 heures à 21 heures, le vendredi de 12 heures 30 à 15 heures et de 16 heures à 21 heures et le samedi de 10 heures à 12 heures 30 et de 17 heures à 20 heures. Ayant refusé ces nouveaux horaires qui, selon elle, représentaient un bouleversement de ses conditions de travail, elle a saisi à la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Pour faire droit à cette demande, l'arrêt attaqué avait retenu que si, en principe, une nouvelle répartition du travail sur la journée ne constitue pas une modification du contrat de travail et relève du seul pouvoir de l'employeur, il n'en est pas ainsi lorsque, pour suite de cette nouvelle répartition, le rythme de travail du salarié est totalement bouleversé. En substituant du lundi au vendredi à des horaires de travail majoritairement du matin avec coupure à midi et horaire limité à deux heures en milieu d'après-midi, un horaire exclusivement l'après-midi jusqu'à 21 heures, sans interruption et en augmentant les horaires de travail à effectuer le samedi à 5 heures et demie, se terminant à 20 heures, la société a imposé à la salariée un bouleversement de ses conditions de travail caractérisant une modification du contrat de travail. Par suite, l'accord de la salariée sur cette modification devait être recueilli par l'employeur. En lui imposant sans avoir obtenu son accord cette nouvelle organisation de son travail, la société a manqué à ses obligations contractuelles.
Cette solution pouvait être, sans difficultés, rattachée à la jurisprudence précitée de la Cour de cassation. Compte tenu de son caractère "substantiel", la modification de l'horaire de travail devait être qualifiée de modification du contrat. La Cour de cassation aurait de ce fait pu rejeter le pourvoi formé par l'employeur. Elle a pourtant choisi de censurer l'arrêt en faisant entrer en scène les droits fondamentaux du salarié.
II - Pouvoir de l'employeur et respect des droits fondamentaux du salarié
La décision de la cour d'appel de Dijon est censurée au visa de l'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P) ensemble l'article 1134 du Code civil. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "sauf atteinte excessive au droit des salariés au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur". En conséquence, en se déterminant comme elle l'a fait, "sans préciser si le changement d'horaire portait une atteinte excessive au droit de la salariée au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".
Ainsi que l'indique le visa de la décision, c'est l'article L. 1121-1 du Code du travail qui se trouve au coeur de la solution. Rappelons que selon ce texte "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché". On ne sera évidemment pas surpris que le pouvoir de direction de l'employeur se trouve subordonné à ces exigences. Au fond, en n'interdisant pas les "restrictions" mais en les soumettant à une exigence de justification et de proportionnalité, le texte précité tend à assurer un équilibre entre les libertés fondamentales du salarié et celles de l'employeur (5). La solution de principe retenue par la Cour de cassation peut être approuvée. On reste cependant quelque peu dubitatif devant sa formulation.
Désormais, lorsque l'employeur décide d'instaurer une nouvelle répartition du travail sur la journée, il convient de s'interroger sur le fait de savoir si elle porte ou non une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos. On peut raisonnablement penser, le visa de l'article 1134 du Code civil est en ce sens, que cette question doit être posée y compris lorsque l'employeur se contente de mettre en oeuvre une stipulation contractuelle. Ce faisant, la solution énoncée dans l'arrêt sous examen peut être rapprochée de celle retenue par la Chambre sociale à propos de la mise en oeuvre par l'employeur des clauses de mobilité (6). On pourrait alors arguer que le contrôle ainsi opéré ne s'éloigne guère de la vérification du respect de l'exigence de bonne foi. Il faut toutefois rappeler que celle-ci étant présumée, c'est au salarié de démontrer que son cocontractant a agi de mauvaise foi, tandis qu'il lui "suffit" d'alléguer que la nouvelle répartition des horaires porte une atteinte excessive à ses droits fondamentaux, à charge pour l'employeur de démontrer qu'il n'en va pas ainsi.
Précisément, s'il n'y a pas atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié, il ressort clairement de l'arrêt rapporté que l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur. En d'autres termes, le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre, au risque d'être licencié pour faute.
La difficulté que fait naître la solution retenue par la Cour de cassation réside justement dans la situation inverse, c'est-à-dire celle dans laquelle il est constaté une atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié. A suivre le motif de principe de l'arrêt, la modification ne relève plus du pouvoir de direction de l'employeur. Elle ne peut donc certainement pas être imposée au salarié. Mais est-ce à dire alors qu'elle constitue une modification de son contrat de travail, ce qui suppose qu'elle doive être acceptée pour pouvoir entrer en vigueur ?
Si tel était le cas, l'atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié constituerait, en matière de modification de la répartition des horaires de travail, la clef de distinction entre les modifications du contrat de travail et les changements des conditions de travail. Le progrès serait réel car il était jusqu'alors difficile de trouver une explication à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.
Mais il faut alors admettre qu'une atteinte excessive pourrait être apportée aux droits fondamentaux du salarié, dès lors que celui-ci l'accepte. Il faut, en outre, rappeler que le refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail peut se solder par son licenciement, dès lors que l'employeur entend maintenir sa décision. Il est difficile de se satisfaire de l'une ou de l'autre de ces issues. On doit ici rappeler que tout acte attentatoire à un droit ou une liberté fondamentale est sanctionné par la nullité (7). En amont, il nous semble possible de considérer que dès lors que la nouvelle répartition des horaires porte une atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié, elle ne peut être mise en oeuvre, serait-elle acceptée par le salarié.
On relèvera, pour conclure, que la Cour de cassation s'en tient, dans l'arrêt rapporté, à la répartition du travail sur la journée. Il reste donc à savoir si la solution en cause sera applicable à la répartition du travail sur la semaine, le mois ou l'année. On ne voit pas pourquoi il en irait différemment, l'atteinte excessive aux droits fondamentaux du salarié pouvant être, ici aussi, caractérisée. Il faut ajouter que la source de cette modification pourrait aussi ne pas être prise en compte. En d'autres termes, les salariés pourraient avoir à se plaindre d'une répartition nouvelle imposée par accord collectif...
(1) V. sur la question J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Précis Dalloz, 26ème éd., 2012, § 582 et la jurisprudence citée.
(2) V. notamment, J. Pélissier, Difficultés et dangers de l'élaboration d'une théorie jurisprudentielle : l'exemple de la distinction entre la modification du contrat de travail et les changements des conditions de travail : Mélanges offerts à P. Couvrat, PUF, 2001.
(3) Cass. soc., 14 novembre 2000, n° 98-43.218 (N° Lexbase : A7868AHU) ; Bull. civ. V, n° 365.
(4) Cass. soc., 7 avril 2004, n° 02-41.486, FS-P+B (N° Lexbase : A8426DBP) ; Bull. civ. V, n° 107.
(5) L'employeur peut aussi avoir à se plaindre d'une atteinte à l'un de ses droits fondamentaux. Il en va à notre sens ainsi lorsque, dans sa vie privée, le salarié dénigre son entreprise. Il peut, ce faisant, porter atteinte de manière excessive à la liberté d'entreprendre de son employeur ou/et à son droit de propriété. Le droit à la vie personnelle du salarié doit donc être mis en balance avec les droits fondamentaux de l'employeur.
(6) Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 07-40.523, FS-P+B (N° Lexbase : A8129EAC) ; RDT, 2008, p. 731, avec nos obs. : "Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait Mme M., la mise en oeuvre de la clause contractuelle ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
(7) J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, ouvrage préc., § 629.
Décision
Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.702, FS-P+B (N° Lexbase : A5255HZN) Cassation partielle, CA Dijon, ch. soc., 21 janvier 2010, n° 09/00279 Textes visés : C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) Mots-clefs : horaires de travail, répartition sur la journée, modification, droits fondamentaux du salarié, atteinte excessive. Liens base : (N° Lexbase : E8928ESH) |
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newsid:428736
Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, jonction, n° 10-21.496 à n° 10-21.496 et n° 10-21.501 à n° 10-21.503, FS-P+B (N° Lexbase : A8922HZH)
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N8748BSS
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Décret n° 2011-1481 du 8 novembre 2011 (N° Lexbase : L2393IR3)
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Le 28 Août 2014
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2011, n° 10-23.100, F-P+B (N° Lexbase : A8990HZY)
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N8774BSR
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2010, n° 10-25.804, F-P+B (N° Lexbase : A8989HZX)
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N8769BSL
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5253HZL)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 15 Novembre 2011
Résumé
L'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail. Un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés. |
Commentaire
I - Géolocalisation des salariés et respect des obligations déclaratives des entreprises
Problématique. Qu'on se situe dans le cadre de la santé et de la sécurité au travail, ou dans celui du paiement des heures supplémentaires, l'employeur doit réaliser un décompte de la durée de travail de ses salariés et contrôler celle-ci pour s'assurer de bien respecter les nombreuses obligations qui pèsent sur lui.
Les bases textuelles de cette obligation de contrôle de la durée du travail sont nombreuses et résultent soit des dispositions du droit de l'Union (1), soit du droit interne. Certaines sont applicables à tous les salariés, comme l'article L. 3171-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0780H9R) qui impose à l'employeur de tenir "à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié" (2), ou l'article L. 3171-4 du même Code (N° Lexbase : L0783H9U) aux termes duquel "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié". Ce même texte précise d'ailleurs, dans son alinéa 3, que "si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable".
D'autres dispositions sont propres à certaines catégories de travailleurs, comme celles qui concernent les cadres soumis au régime des forfaits-jours car le contrôle de leur durée du travail constitue l'une des conditions de validité des accords collectifs qui les mettent en place et leur respect une nécessité pour que l'employeur puisse en opposer le régime au salarié (3), l'article L. 3121-46 du Code du travail (N° Lexbase : L3891IBQ) imposant, d'ailleurs, à l'employeur d'organiser un entretien annuel portant notamment sur sa "charge de travail".
L'employeur doit donc contrôler la durée de travail de ses salariés, personne ne le contestera ; mais peut-il utiliser pour ce faire les données de géolocalisation ?
C'est à cette question délicate que répond négativement la Cour de cassation dans cet arrêt en date du 3 novembre 2011, mais dans un contexte très particulier qu'il convient de bien analyser notamment pour en apprécier la portée.
Les faits. Un salarié, engagé en 1993 en qualité de vendeur niveau 4 échelon 2 de la convention collective du commerce de gros, a été affecté sur un secteur d'activité comprenant les départements de l'Yonne et de l'Aube, l'intéressé, tenu à un horaire de 35 heures par semaine, étant libre de s'organiser, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel, selon le contrat de travail, devait faire la preuve de son activité. Le 17 mai 2006, son employeur lui a notifié la mise en place d'un système de géolocalisation sur son véhicule afin de permettre l'amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements et pour permettre une optimisation des visites effectuées. Par lettre du 20 août 2007, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur d'avoir calculé sa rémunération sur la base du système de géolocalisation du véhicule.
La cour d'appel de Paris ayant considéré la prise d'acte justifiée et fait droit aux demandes d'indemnités diverses du salarié, l'employeur avait formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Il reprochait à la cour d'appel d'avoir dénaturé les termes du contrat de travail et d'avoir mal apprécié la finalité de la mise en place du système de géolocalisation.
Ces arguments n'ont pas convaincu la Haute juridiction qui rejette le pourvoi et confirme ainsi l'impossibilité pour l'employeur d'invoquer, dans cette affaire, les informations collectées grâce au système de géolocalisation installé dans le véhicule du salarié dans le cadre du contentieux salarial.
Après avoir repris les termes de l'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P) ("nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché"), la Cour affirme que "l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail". Par ailleurs, la Cour indique "qu'un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés".
Or, la cour d'appel avait constaté, d'une part, "que selon le contrat de travail, le salarié était libre d'organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d'activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention expresse faisait preuve de l'activité du salarié", et, d'autre part, "que le dispositif avait été utilisé à d'autres fins que celles qui avait été portées à la connaissance du salarié". Dans ces conditions, "cette utilisation était illicite et [...] constituait un manquement suffisamment grave justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur".
II - Géolocalisation et protection des données : le rôle central de la CNIL (recommandation du 16 mars 2006)
Géolocalisation et libertés des personnes. La géolocalisation porte évidemment atteinte à de très nombreuses droits ou libertés des personnes en général et des salariés en particulier (4). Dernièrement, la CEDH a d'ailleurs indiqué, comme on pouvait s'y attendre, qu'elle constituait "une ingérence dans la vie privée de l'intéressé, telle que protégée par l'article 8 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L4798AQR)" (5), le droit français dispose, avec la loi dite "informatique et libertés", de règles destinées à concilier les différents intérêts en présence.
Recommandation du 16 mars 2006. L'article 6, 2° de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS) modifiée pose d'une manière générale le principe selon lequel des données à caractère personnel ne peuvent être collectées que "pour des finalités déterminées, explicites et légitimes". La CNIL a émis le 16 mars 2006 une recommandation relative à la mise en oeuvre de dispositifs destinés à géolocaliser les véhicules automobiles utilisés par les employés d'organismes privés ou publics (6).
Détermination des motifs légitimes de recours à la géolocalisation. Dans cette recommandation, la CNIL a souligné les motifs professionnels légitimes qui peuvent justifier le recours à la géolocalisation des salariés, notamment "la spécificité du transport des personnes ou de marchandises par route dont les conditions d'exécution sont encadrées par une réglementation spécifique imposant, notamment, aux employeurs de détenir des informations précises sur l'activité des chauffeurs par l'intermédiaire de la mise en oeuvre de chronotachygraphes".
La CNIL rappelle qu'en raison des atteintes que réalise la géolocalisation aux droits et libertés des personnes, son admission doit être exceptionnelle et les motifs légitimes d'y recourir appréciés avec rigueur ; elle y définit d'ailleurs, elle-même, une liste de motifs considérés comme légitimes et présentés par la Commission comme étant limitative : il s'agit d'assurer "la sûreté ou la sécurité de l'employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs, etc.)", de permettre "une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, (interventions d'urgence, chauffeurs de taxis, flottes de dépannage, etc.)", d'assurer "le suivi et la facturation d'une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d'une prestation de services directement liée à l'utilisation du véhicule (ramassage scolaire, nettoyage des accotements, déneigement routier, patrouilles de service sur le réseau routier, etc.)", et enfin "le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens" ; on aura reconnu au passage la justification également retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt.
La Commission rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 9 de la loi de 1978, les informations collectées ne peuvent être utilisées pour établir l'existence d'infractions pénales, notamment en matière de non-respect des vitesses maximales autorisées. Dans un arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon le 14 septembre 2010 (CA Dijon, ch. soc.,, 14 septembre 2010, n° 09/0057 N° Lexbase : A6974E98), l'employeur prétendait, en effet, exploiter les données collectées notamment pour caractériser des infractions commises par le salarié au Code de la route.
Proportionnalité des atteintes aux libertés des salariés. La CNIL a directement relié "l'absence d'autonomie de l'employé dans l'organisation de son travail" et le caractère proportionné des atteintes à ses libertés en considérant en substance que la mise en oeuvre de la géolocalisation ne faisait pas peser sur ses salariés de contraintes supplémentaires, suggérant en creux que tel ne serait pas le cas de salariés disposant d'une réelle "autonomie dans l'organisation de son travail". C'est donc directement dans la délibération de 2006 que la Cour de cassation a trouvé son critère de l'autonomie du salarié dans l'organisation de son temps de travail présent dans l'arrêt du 3 novembre 2011 (cf. infra).
La CNIL a, également, introduit une différence entre les salariés chargés du transport de biens ou de personnes, et les autres, considérant qu'"il existe ainsi une différence de nature entre la géolocalisation des employés en charge d'une prestation directement liée à l'utilisation d'un véhicule (transport de personnes ou de marchandises mais aussi intervention sur le réseau routier, avec des véhicules spécifiques assurant notamment le déneigement, la collecte des ordures ménagères, etc.) et celle des employés pour lesquels l'utilisation d'un véhicule n'est qu'un moyen d'accomplir leur mission" et qui nécessitent une protection plus particulière.
La CNIL considère, en revanche, que "l'utilisation d'un système de géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu'un employé dispose d'une liberté dans l'organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP, etc.)" car "l'utilisation d'un dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l'employé concerné", ce qui interdit de "collecter des données relatives à la localisation d'un employé en dehors des horaires de travail de ce dernier". La Commission considère donc que les salariés doivent avoir la "possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l'issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées", et rappelle que les salariés "investis d'un mandat électif ou syndical ne doivent pas être l'objet d'une opération de géolocalisation lorsqu'ils agissent dans le cadre de l'exercice de leur mandat", ce qui implique également un droit à la délocalisation lorsqu'ils sont dans l'exercice de ce mandat.
Durée de conservation. Les informations collectées ne peuvent être conservées "que pour une durée pertinente au regard de la finalité du traitement qui a justifié cette géolocalisation", durée estimée par la Commission à deux mois. Mais la CNIL admet que l'employeur puisse conserver cinq ans, dans le cadre de la prescription quinquennale des gains et salaires, les données destinées à assurer "le suivi du temps de travail" au travers des "horaires effectués".
Information préalable des salariés. Enfin, la Commission rappelle que "le responsable du traitement doit procéder, conformément aux dispositions du Code du travail et à la législation applicable aux trois fonctions publiques, à l'information et à la consultation des instances représentatives du personnel avant la mise en oeuvre d'un dispositif de géolocalisation des employés" et que "conformément à l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004 et à l'article 34-1 IV du Code des postes et des communications électroniques (N° Lexbase : L0097IRZ), les employés doivent être informés individuellement, préalablement à la mise en oeuvre du traitement : de la finalité ou des finalités poursuivie(s) par le traitement de géolocalisation ; des catégories de données de localisation traitées ; de la durée de conservation des données de géolocalisation les concernant ; des destinataires ou catégories de destinataires des données ; de l'existence d'un droit d'accès, de rectification et d'opposition et de leurs modalités d'exercice ; le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne". Chaque employé doit enfin "pouvoir avoir accès aux données issues du dispositif de géolocalisation le concernant en s'adressant au service ou à la personne qui lui aura été préalablement indiqué".
Procédure de déclaration. Les entreprises qui remplissent l'ensemble de ces conditions bénéficieront de la procédure de la déclaration simplifiée n° 51 (7).
Importance du respect de la loi "informatique et libertés". Dans cet arrêt qui conduit à écarter en l'espèce les données issues de la géolocalisation du salarié, la Chambre sociale de la Cour de cassation indique qu'"un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés".
Sans même s'interroger sur la conformité de la géolocalisation au regard des dispositions propres au Code du travail assurant la protection des droits et libertés des salariés, les informations collectées par l'employeur grâce à un dispositif de géolocalisation ne pourront donc être exploitées et opposées au salarié qui ce dispositif a été régulièrement déclaré à la CNIL, comme cela avait déjà été jugé à propos des badgeuses (8), et que l'utilisation faite de la géolocalisation est conforme à celle qui a été déclarée, comme l'indique ici la Haute juridiction de manière inédite ; un système déclaré pour améliorer l'activité de l'entreprise ne pourra donc pas servir à mesurer la durée du travail, c'est désormais une certitude.
En refusant de prendre en compte des données collectées illégalement, et en en tirant comme conséquence le droit pour le salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme ainsi, dans le cadre particulier de la prise d'acte et de la mesure du temps de travail du salarié, des solutions adoptées par certaines juridictions du fond, singulièrement par la cour d'appel de Dijon qui, le 14 septembre 2010, avait considéré comme injustifié le licenciement d'un salarié justifié par des données collectées par un dispositif de géolocalisation non déclaré à la CNIL (9).
Cette solution est conforme en tous points à la position adoptée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés en matière de géolocalisation.
Sanction du non-respect des obligations déclaratives. Dans son "guide" la CNIL avait d'ailleurs, elle-même, rappelé que les sanctions encourues par les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations déclaratives sont, outre celles encourues sur le plan pénal (10), l'inopposabilité aux salariés.
Cet arrêt s'inscrit donc dans cette lignée et colle parfaitement aux conclusions de la CNIL, même si théoriquement rien ne l'y oblige puisque les questions en jeu sont distinctes.
Mais il suffit donc que l'employeur n'ait pas respecté les préconisations de la Haute autorité pour qu'il perdre le droit de se prévaloir des informations collectées, et ce sans que la question de la conformité de ces informations aux propres exigences du droit du travail ne soit ici en cause. Il ne s'agit donc ici que d'une application du principe de la légalité de la preuve civile qui interdit de retenir un élément qui aurait été obtenu de manière illicite.
Cette exigence est particulièrement intéressante car elle permet de répondre à certaines questions que l'on pourrait se poser à la lecture de la décision qui, rappelons-le, ne concerne que la géolocalisation comme mode de contrôle de la durée du travail.
Or, on sait que la mise en place de la géolocalisation peut reposer sur d'autres motifs : contrôler les conditions d'utilisation du véhicule assuré en vue d'adapter le calcul de la prime d'assurance, lutter contre le vol des véhicules ou des biens que celui peut transporter, apporter une assistance ou un secours d'urgence en cas d'incident ou d'accident, ou encore améliorer le service rendu par les entreprises à leurs clients.
Position de la CNIL à l'égard de la géolocalisation des véhicules par les assureurs auto. Par une délibération n° 2005-278 du 17 novembre 2005, la CNIL a refusé d'autoriser la mise en oeuvre d'un traitement par l'assureur d'informations collectées par géolocalisation des véhicules dans la mesure où celui-ci supposait la constatations d'infractions au Code de la route relatives aux limitations de vitesse, en contradiction avec l'article 9 de la loi de 1978 qui réserve cette compétence aux seules personnes morales gérant un service public.
La Cnil a, par ailleurs, considéré que la conservation systématiques de données relatives à la localisation des véhicules utilisés à titre privé à des fins de modulation de tarifs d'assurance automobile était de nature à porter atteinte à la liberté d'aller et venir anonymement dans des proportions injustifiées.
Dans sa délibération en date du 8 avril 2010, la CNIL a indiqué que "les données collectées dans le cadre de la mise en oeuvre d'un dispositif de géolocalisation des véhicules par les compagnies d'assurance et les constructeurs automobiles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles le traitement est mis en oeuvre" (11).
Par ailleurs, la CNIL souhaite que la collecte ne fasse pas peser sur les conducteurs un stress qui serait susceptible d'altérer la qualité de leur conduite, "concernant les autres items collectés, la Commission recommande de ne pas les multiplier et de s'en tenir à des dispositifs simples : la multiplication des données contrôlées serait en effet de nature à engendrer pour les conducteurs un sentiment de pression et de surveillance constante aboutissant à l'inverse du but poursuivi. Elle relève notamment que si la collecte des données relatives à la façon de conduire (par exemple, le recueil des accélérations ou décélérations du véhicule, généralement utilisé pour d'autres finalités comme l'éco-conduite) est possible techniquement, leur traitement afin de les traduire en termes de conduite à risque soulève de difficiles problèmes d'interprétation et de proportionnalité".
La durée de conservation doit être strictement limitée au temps nécessaire au traitement.
La CNIL rappelle également qu'en toutes hypothèses les automobilistes doivent être informés des conditions précises d'utilisation de la géolocalisation, et ce conformément à l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 (12). Cette information doit par ailleurs être précise ; dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon le 14 septembre 2010, les magistrats avaient considéré que tel n'était pas le cas d'une note de service indiquant, "de manière sibylline", que "le service E. dispose de moyens informatiques destinés à gérer plus facilement les déplacements et suivi de clientèle".
La CNIL rappelle, d'ailleurs, le droit pour tout conducteur de refuser à tout moment d'être géolocalisé et singulièrement de désactiver le système. Ce droit se traduit par la mise en place d'un système manuel de désactivation, lorsqu'il s'agit de protéger le véhicule contre le vol, mais peut entraîner des conséquences contractuelles singulièrement lorsque les tarifs de l'assurance sont calculés sur le kilométrage exact des véhicules. On peut s'interroger sur la conciliation de ce droit avec l'obligation qui pourrait être faite au salarié d'être géolocalisé pour un motif professionnel légitime.
III - Géolocalisation et contrôle de la durée du travail
Cadre juridique applicable. Quelle que soit la finalité des dispositifs de géolocalisation installés à bord des véhicules d'entreprise confiés aux salariés, ces derniers portent incontestablement atteinte aux droits et libertés des salariés, à commencer par le droit au respect de la vie privée qui survit à la conclusion du contrat de travail (13). C'est dire s'il semble naturel de soumettre la mise en place de ces dispositifs aux conditions procédurales (14) et substantielles imposées à toutes les atteintes réalisées aux droits et libertés (15).
Reprenant, en se les appropriant, les analyses de la CNIL telles qu'elles ressortent explicitement de la recommandation en date du 16 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation pose deux règles qui justifient, indépendamment cette fois-ci de la question du respect par l'employeur de ses obligations déclaratives, la solution adoptée : "l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail".
Or, le moins que l'on puisse dire est que cette analyse est loin d'être indiscutable.
"L'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen". A en croire la Cour de cassation, la géolocalisation serait donc, lorsqu'il s'agit d'assurer le contrôle de la durée du travail (l'arrêt ne contient aucune indication sur d'autres motifs), le pire des moyens acceptables, très certainement parce que l'employeur sait à tout moment où se trouve son salarié.
L'affirmation est étrange car on ne comprend pas en quoi le fait que le salarié soit localisable en permanence serait attentatoire à ses libertés personnelles dès lors qu'il s'agit de mesurer et de contrôler son temps de travail. Certes, il est exclu que l'employeur puisse étendre sa surveillance pendant le temps où le salarié est en pause, ou, à plus forte raison, en dehors de son temps de travail, et le salarié doit pouvoir déconnecter le dispositif de géolocalisation lorsqu'il ne se trouve plus sur son temps de travail, y compris, serait-on tenté de dire, si l'employeur lui interdit l'usage personnel du véhicule professionnel ; il suffira alors à l'employeur de prouver que le véhicule n'a pas été ramené dans l'entreprise en temps et en heure pour caractériser la faute du salarié, sans qu'il soit nécessaire de le géolocaliser.
L'affirmation, par sa généralité, semble alors en décalage avec la méthode même devant conduire à déterminer si une atteinte aux droits et libertés du salarié est ou non justifiée, et proportionnée, car tout est affaire de circonstances.
Dans cette affaire, il semble toutefois que la présence dans le contrat de travail d'une clause lui faisant obligation de "rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel [...] devait faire la preuve de son activité" a joué un rôle important. Si les parties se sont entendues sur la preuve de l'activité du salarié, alors la mise en oeuvre d'un autre dispositif plus attentatoire aux libertés est discutable car l'employeur ne respecte alors pas le contrat de travail. Mais c'est alors vers l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) qu'il convient de rechercher la raison d'être de la décision, plutôt que dans l'article L. 1121-1 du Code du travail qui s'accommode mal de ce genre d'affirmations par trop générales.
Il n'est d'ailleurs pas certain que cette affirmation soit parfaitement opérationnelle dans la mesure où la Cour, reprenant les propres termes de la CNIL, fait exception au principe "lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen". Il ne sert alors à rien de dire que la géolocalisation ne doit être admise pour mesurer la durée du travail que si elle apparaît comme le moyen efficace le moins attentatoire aux droits et libertés du salarié possible, car c'est de l'essence même du contrôle de proportionnalité que de n'admettre comme licite que les moyens les moins attentatoires aux libertés... Bref, la formule nous semble soit inadaptée, soit trop abstraite, soit inutile...
"L'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, [...] n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail". La Cour de cassation ne motive pas non plus cette affirmation qu'elle reprend de la délibération de la CNIL du 16 mars 2006, et c'est sans doute dans cette dernière qu'il convient de la recherche ; or, pour la CNIL, il convient de ne pas infliger à un salarié bénéficiant d'une grande liberté d'organisation dans son travail de contrainte supplémentaire inutile.
Qu'il nous soit de nouveau permis de formuler des réserves concernant la pertinence de cette affirmation et de considérer qu'une affirmation exactement inverse semblerait plus juste. Un salarié qui ne dispose d'aucune liberté dans l'organisation de son travail (exemple du travail posté à heures fixes) n'a nullement besoin d'être géolocalisé dans la mesure où son employeur sait toujours où et quand le trouver, et peut ainsi contrôler de visu s'il respecte les durées légales en matière de travail et de repos. Lorsque le salarié bénéficie, au contraire, d'une large autonomie, c'est là que la géolocalisation présente un intérêt car elle permet de contrôler malgré tout le respect par le salarié de ses temps de travail, de pause et de repos. Il n'est donc pas contradictoire de lier ce mode de contrôle, qui implique une réelle dépendance du salarié, et sa liberté d'action, car les deux s'équilibrent bien au contraire.
Conclusion. Au final, s'il semble justifié de lier la production des éléments de preuve récoltés par le biais d'un système de géolocalisation au respect par l'employeur de ses obligations déclaratives vis-à-vis de la CNIL, il ne semble pas nécessaire de raisonner comme elle dans le cadre des règles de fond applicables aux relations de travail.
(1) Notamment la Directive 2003/88 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), art. 22.
(2) La liste de ces documents est déterminée par les articles D. 3171-16 (N° Lexbase : L9116H9I) et D. 3171-17 (N° Lexbase : L9114H9G) du Code du travail.
(3) Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5499HU9), et voir les obs. de S. Tournaux, Forfaits-jours : compromis à la française !, Lexbase Hebdo n° 447 du 7 juillet 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N6810BSZ).
(4) Lire l'étude Les conditions de mise en place d'un système de géolocalisation, Lexbase Hebdo n° 117 du 21 avril 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1330ABU). Lire également J.-E. Ray, Le droit du travail à l'épreuve des NTIC, Liaisons, 2ème édition, 2001, p. 112 s. ; M.-P. Fenoll-Trousseau et G. Haas, La cybersurveillance dans l'entreprise et le droit, Litec, 2002, n° 19 s. ; I. de Benalcazar, Droit du travail et nouvelles technologies, Montchrestien, 2003, n° 54 s..
(5) CEDH, 2 septembre 2010, Req. 35623/05 (N° Lexbase : A4238E8H). H. Matsopoulou, La surveillance par géolocalisation à l'épreuve de la Convention européenne des droits de l'Homme, D., 2011 p. 724.
(6) Délibération n° 2006-066 du 16 mars 2006. Sur laquelle lire notamment les conseils de S. Niel, Géolocalisation : outil de gestion RH, Les Cahiers du DRH 2008, n° 140.
(7) Délibération du 16 mars 2006, préc..
(8) Cass. soc., 6 avril 2004, n° 01-45.227, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8004DB3), v. nos osb., L'entreprise, espace privé d'exercice des libertés publiques, Lexbase Hebdo n° 116 du 14 avril 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1239ABI).
(9) CA Dijon, ch. soc.,, 14 septembre 2010, n° 09/0057, préc., Gaz. Pal., 28 octobre 2010, n° 301, p. 3, note C. Kleitz.
(10) C. pén., art. 226-16 (N° Lexbase : L4476GTX), 5 ans d'emprisonnement et 300.000 d'euros d'amende.
(11) Délibération n° 2010-096 du 8 avril 2010, portant recommandation relative à la mise en oeuvre, par les compagnies d'assurance et les constructeurs automobiles, de dispositifs de géolocalisation embarqués dans les véhicules.
(12) L'information préalable doit porter sur la ou les finalités poursuivies par le traitement, les catégories de données collectées, la durée de conservation des données de géolocalisation les concernant, les destinataires ou catégories de destinataires des données, l'existence d'un droit d'accès, de rectification et d'opposition et de leurs modalités d'exercice et, le cas échant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne.
(13) Vie privée : Pour vivre heureux, vivons cachés, Gaz. Pal., 28 octobre 2010, n° 301, p. 3.
(14) Information et consultation du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-32 N° Lexbase : L2810H9X), et certainement du CHSCT au titre de ses compétences générales.
(15) Principe de nécessité et de proportionnalité des atteintes (C. trav., art. L. 1121-1).
Décision
Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5253HZL) Rejet, CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 24 mars 2010, n° 08/08498 (N° Lexbase : A2665EUA) Textes concernés : C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) Mots-clés : géolocalisation, licéité, CNIL, durée du travail Liens base : |
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Réf. : Décret n° 2011-1461 du 7 novembre 2011 (N° Lexbase : L2377IRH)
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Le 18 Novembre 2011
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Réf. : Décret n° 2011-1480 du 9 novembre 2011 (N° Lexbase : L2392IRZ)
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Le 18 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2011, n° 10-23.208, F-P+B (N° Lexbase : A8991HZZ)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2011, n° 10-23.275, FS-P+B (N° Lexbase : A8994HZ7)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Décrets du 7 novembre 2011 n° 2011-1449 (N° Lexbase : L2275IRP) et n° 2011-1450 (N° Lexbase : L2276IRQ)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-28.838, F-P+B (N° Lexbase : A8918HZC)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.766, F-P+B (N° Lexbase : A8916HZA)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, jonction, n° 11-60.029 et n° 11-60.032 , F-P+B (N° Lexbase : A8917HZB)
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Le 19 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-11.820, FS-P+B (N° Lexbase : A5256HZP)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"
Le 17 Novembre 2011
Résumé
La cour d'appel devant laquelle n'était pas allégué le transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels en a exactement déduit que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y) n'étaient pas applicables. Si l'entrepreneur entrant, qui doit reprendre 85 % du personnel transférable, n'est pas tenu de faire de nouvelles propositions quand des salariés compris dans cette proportion ont refusé de changer d'employeur, il doit toutefois, lorsqu'il décide de compléter le nombre des salariés pour atteindre ce pourcentage à la suite de défections, choisir en priorité des salariés qui remplissent les conditions conventionnellement prévues pour un transfert. |
La seule discussion juridique possible reste celle des conditions conventionnelles d'application du régime du transfert, puisque les conditions légales et jurisprudentielles n'ont pas pu être examinées, faute d'avoir été soulevées devant le juge du fond : la cour d'appel a retenu que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail n'étaient pas applicables, puisque l'entreprise cessionnaire (la société B.) n'a repris aucun élément incorporel. La Cour de cassation relève, en effet, que devant la cour d'appel n'était pas allégué le transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels. Les juges du fond en ont déduit que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code n'étaient pas applicables. L'analyse doit donc se concentrer sur deux points : le régime conventionnel du transfert et la situation respective des parties.
I - Régime conventionnel du transfert
L'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel et son avenant du 28 janvier 2011 (Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985) sont au coeur de l'analyse, parce que la Cour de cassation s'y réfère expressément.
A - Modalités du transfert
1 - Entreprise entrante
1° - Selon l'accord du 5 mars 2002 (art. 2.5), dès réception de la liste du personnel transférable, l'entreprise entrante convoque les salariés à un entretien individuel dans un délai maximum de dix jours (par lettre recommandée avec accusé de réception ou remises en mains propres contre décharge) : l'entretien intervient dans les dix jours ouvrables suivant la première présentation de la lettre. Des dispositions ont été prises pour les salariés absents (1).
2° - A compter du dernier de ces entretiens individuels, dans un délai de 3 jours ouvrables maximum, l'entreprise entrante communique à l'entreprise sortante (par lettre recommandée avec accusé de réception), la liste du personnel qu'elle se propose de reprendre. La Cour de cassation a précisé, sur ce point, que si l'employeur (la société A.) n'a pas convoqué un salarié à un entretien individuel (ainsi qu'elle y était tenue) puis a refusé de conserver ce salarié à l'issue de son arrêt de travail pour cause de maladie, il a ainsi empêché, sans raison légitime, la mise en oeuvre de la garantie d'emploi prévue par cet accord. L'employeur doit alors contribuer à l'indemnisation du préjudice subi par le salarié, à la suite de la rupture de son contrat de travail (2).
Des dispositions spécifiques ont été retenues par les partenaires sociaux pour les reprises de marché dans l'activité de sûreté aérienne et aéroportuaire régie par l'annexe VIII de la Convention collective nationale (avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, art. 2.3.3)
3° - Cette proposition doit correspondre au minimum à 85 % de la liste du personnel transférable dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l'exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle. C'est bien ce seuil qui, en l'espèce, s'est imposé à l'employeur. L'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 (art. 2.3.2) précise que la liste des salariés que l'entreprise entrante doit obligatoirement reprendre, est constituée : d'une part, de 100 % des salariés figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante qui remplissent les conditions de transfert (fixées à l'article 2.2) et justifient en même temps d'une ancienneté contractuelle de quatre ans ou plus (les conditions d'ancienneté sont appréciées à compter de la date du transfert effectif des personnels transférables) ; d'autre part, de 85 % (arrondis à l'unité inférieure) des salariés transférables (au sens de l'article 2.2) mais qui ne remplissent pas cette condition de quatre ans d'ancienneté contractuelle (3).
4° -L'entreprise entrante informe individuellement les salariés retenus. Elle fixe un rendez-vous pour l'exécution des formalités de transfert (par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge). La proposition de reprise est accompagnée de l'avenant au contrat (visé à l'article 3.2 de l'accord du 5 mars 2002) (4).
En application de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 (art. 3.1.1), concomitamment à l'envoi à l'entreprise sortante de la liste des salariés repris, l'entreprise entrante notifie à chacun d'eux (par un courrier recommandé avec avis de réception ou remis en main propre contre décharge), son transfert en son sein. Elle établit un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionne le changement d'employeur, ainsi qu'elle reprendra l'ensemble des clauses contractuelles qui lui seront applicables. L'avenant au contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent prend fin au jour du retour à son poste du salarié remplacé. En cas d'affectation partielle au périmètre sortant (égale ou supérieure à 50 %, conformément à la condition prévue à l'article 2.2 ci-dessus), le contrat est repris par l'entreprise entrante avec un volume horaire au moins équivalent à la globalité de son horaire précédent effectué sur le périmètre sortant objet du transfert.
L'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 (art. 3.1.2) indique très précisément ce que l'entreprise entrante doit obligatoirement mentionner, pour chaque salarié dont le contrat de travail est transféré :
- ancienneté acquise avec le rappel de la date d'ancienneté contractuelle ;
- niveau, échelon, coefficient et emploi constituant la classification ;
- salaire de base et des primes constantes soumises à cotisation, payées chaque mois et figurant sur les neuf derniers bulletins de paie ainsi que les éventuels éléments bruts de rémunération contractuels à l'exclusion de ceux ayant le même objet déjà pris en charge sous une autre forme par l'entreprise entrante ;
- le salarié transféré aura droit à un congé sans solde équivalant aux droits acquis à la date du transfert et pris conformément aux dispositions légales régissant les conditions de départ en congé payé (5).
Ces diligences s'imposent à l'employeur : sa défaillance est considérée, par la Cour de cassation, comme fautive. Les juges du fond ne peuvent pas décider que le transfert du contrat de travail s'opère par le seul effet de la loi et s'impose au salarié peu important qu'il n'en ait été avisé par l'employeur que postérieurement à la reprise. En effet, le transfert des contrats de travail prévu par l'accord du 5 mars 2002 ne s'opère pas de plein droit. Il est, pour la Cour de cassation, subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ne sont pas remplies. La Cour de cassation va même jusqu'à retenir comme conséquences que :
- le manquement de l'entrepreneur sortant à la procédure d'information conventionnelle, préalable et personnelle, qui constitue une garantie de fond accordée au salarié, fait obstacle au changement d'employeur (6) ;
- l'action indemnitaire dont dispose le salarié contre l'entrepreneur entrant qui a empêché sans raison légitime le changement d'employeur n'est pas exclusive de celle qu'il peut exercer contre l'entrepreneur sortant qui a pris l'initiative de la rupture du contrat de travail, alors que celui-ci se poursuivait avec lui, sans préjudice de son recours éventuel contre le nouveau titulaire du marché, si sa carence a fait obstacle au changement d'employeur (7) ;
- la procédure conventionnelle constitue une garantie dont l'inobservation a pour effet de rendre sans cause réelle et sérieuse un licenciement motivé par le seul refus du passage au service du repreneur (8).
2 - Entreprise sortante
L'accord du 5 mars 2002 (art. 2.5) et l'avenant du 28 janvier 2011 (art. 2.3.1) ont prévu que l'entreprise sortante a la possibilité de conserve tout ou partie de son personnel en vue de l'affecter à d'autres marchés. A défaut, l'entreprise sortante transfert le personnel.
1° - Elle communique à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable dans les dix jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître (9).
2° - L'avenant du 28 janvier 2011 (art. 2.3.1) précise que l'entreprise sortante adresse aux salariés concernés un courrier les informant qu'ils sont susceptibles d'être transférés. Ce courrier doit obligatoirement mentionner la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert. Elle informe également par courrier le comité d'entreprise (ou les délégués du personnel) de ce transfert ainsi que des dates précédemment mentionnées, en y joignant copie du courrier de l'entreprise entrante et en lui communiquant les éléments permettant de circonscrire le périmètre sortant en termes d'effectifs.
3° - En application de l'avenant du 28 janvier 2011 (art. 3.2) à l'accord du 5 mars 2002, il est prévu que sur la base d'un arrêté de comptes qu'elle établit, l'entreprise sortante règle au salarié toute rémunération (congés payés acquis et en cours, solde des primes dues quelles qu'elles soient, heures supplémentaires, heures complémentaires) et plus généralement toutes indemnités, quelle qu'en soit la nature, acquises au moment du transfert. Cet arrêté de compte précise également le nombre de jours de congés acquis détaillés par période de référence. Elle délivre également un certificat de travail et toutes attestations (formation initiale, formation qualifiante, etc.).
Si le jour même du transfert, l'employeur a fait signer aux salariés un contrat prévoyant l'intégration d'une prime (en l'espèce, prime "CELAR") dans leur salaire de base, la Cour de cassation en déduit qu'une modification de leur contrat de travail, en sorte que cette condition mise par l'employeur à la reprise des salariés tend à éluder les dispositions impératives de l'article 3.2 de l'accord du 5 mars 2002 sur la reprise du personnel lors de la perte d'un marché (10).
B - Conditions de transfert
1 - Conditions d'ancienneté
En application de l'accord du 5 mars 2002 (art. 2.4.1), les salariés susceptibles d'être transférés doivent totaliser six mois d'ancienneté sur le site concerné, dont quatre mois de présence au minimum. Les six mois d'ancienneté sur le site sont appréciés à compter de la date effective du transfert du contrat de prestations.
2 - Conditions relatives aux contrats de travail
Les salariés travaillant sur plusieurs sites entrent dans le champ d'application de l'accord du 5 mars 2002 (art. 2.4.2), pour les seuls salariés occupés à plus de 50 % de leur temps de travail sur le site, cette condition étant appréciée sur les six mois qui précèdent le transfert du site. L'entreprise entrante doit alors proposer au salarié transféré un volume horaire équivalent à la globalité de son horaire précédent.
Les salariés travaillant sur plusieurs sites et ne remplissant pas les conditions demeurent salariés de l'entreprise sortante qui devra leur proposer un volume horaire équivalant à celui dont ils bénéficiaient avant le transfert de marché.
Seuls les contrats à durée indéterminée sont concernés : tous les contrats à durée déterminée (et notamment les contrats liés à la formation professionnelle du type contrat de professionnalisation, d'alternance, etc. qu'ils soient à durée déterminée ou indéterminée) sont exclus du champ d'application de l'accord du 5 mars 2002.
II - Situation respective des parties
A - Droit pour les salariés, de refuser de changer d'employeur
Les partenaires sociaux (accord du 5 mars 2002, art. 3.3) ont prévu que si le salarié accepte son transfert, il doit signer l'avenant à son contrat de travail avec l'entreprise entrante avant son entrée en service. Le salarié, ayant refusé son transfert, demeure salarié de l'entreprise sortante. Dans cette hypothèse, l'entreprise sortante prendra une mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse fondée sur le refus d'une modification non substantielle du contrat de travail. L'indemnité de licenciement éventuelle sera versée avec le solde de tout compte.
1 - Le salarié ne peut refuser un transfert
Normalement, le salarié ne peut refuser le transfert (11) : dans cette hypothèse, le licenciement prononcé par l'employeur sortant en raison de ce refus, est sans effet, puisque le salarié est passé, de plein droit, au service du repreneur (12).
2 - Le salarié peut refuser un transfert
Lorsque le transfert du salarié résulte d'un accord collectif dans le secteur des services et que les conditions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, il peut être soutenu, dans ce cas, que le salarié peut refuser le transfert. La solution a été admise en 2008 par la Cour de cassation : lorsque les conditions d'application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY) ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail du salarié ne peut s'opérer qu'avec son consentement exprès (13).
En 2010, la Cour de cassation a admis que le refus du salarié de changer d'employeur ne constitue pas en lui-même, hors le cas du maintien de plein droit du contrat de travail avec le nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, une cause de licenciement (14). En effet, l'article 3.3 de l'accord du 5 mars 2002 ne peut faire obstacle à l'appréciation par le juge du caractère réel et sérieux du licenciement.
En l'espèce, la Cour de cassation reconnaît que si l'entrepreneur entrant (qui doit reprendre 85 % du personnel transférable) n'est pas tenu de faire de nouvelles propositions quand des salariés compris dans cette proportion ont refusé de changer d'employeur.
B - Obligation, pour l'employeur, de proposer loyalement un transfert du contrat de travail
L'obligation à la charge de l'employeur est de nature juridique complexe. Elle est d'abord fixée par le Code du travail : la Cour de cassation a affirmé le principe selon lequel les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail sont d'ordre public (15). Toute clause d'une convention de cession d'une entité économique autonome qui ne prévoit la reprise que d'une partie du personnel, est réputée non écrite (16). Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet de la loi (17).
L'obligation à la charge de l'employeur peut également être de nature conventionnelle, en réponse à la jurisprudence mise en place par la Cour de cassation, selon laquelle à elle seule, l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire ne réalise pas le transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise (18). Les branches d'activité dans lesquelles des prestataires de services se succédaient (restauration collective, gardiennage, nettoyage de locaux, manutention ferroviaire...) se sont dotées d'accords collectifs permettant le transfert des salariés employés sur le site, de l'entreprise sortante à l'entreprise entrante. Des accords ont été conclus dans les branches de la manutention ferroviaire ; les entreprises de prévention et de sécurité (accord du 18 octobre 1995 ; arrêté ministériel du 29 avril 1996, JO 8 mai, p. 6929) ; les entreprises de restauration des collectivités et les entreprises de propreté (19).
L'arrêt rapporté porte spécifiquement sur l'obligation, à la charge des entreprises du secteur d'activité de "prévention et de sécurité". Les partenaires sociaux (accord du 5 mars 2002) et la Cour de cassation ont mis en place un certain nombre d'obligations à la charge des entreprises :
1° - Etablir un arrêté de compte (entreprise sortante). L'arrêté de compte inclut toute rémunération (congés payés acquis et en cours, solde des primes dues quelles qu'elles soient, heures supplémentaires, heures complémentaires) et plus généralement toutes indemnités, quelle qu'en soit la nature, dues à la date de fin de contrat. Cet arrêté de compte précise également le nombre de jours de congés acquis détaillés par période de référence (20). Elle délivre également un certificat de travail et toutes attestations (formation initiale, formation qualifiante, etc.). L'entreprise sortante transmet au nouveau prestataire une copie des six derniers bulletins de paie, la dernière fiche d'aptitude médicale et les documents indiqués dans l'annexe I. Tout litige portant sur la période précédant la reprise est de la responsabilité de l'entreprise sortante (accord du 5 mars 2002, art. 3.1).
2° - Etablir un avenant au contrat de travail (entreprise entrante). L'entreprise entrante établit à chaque salarié un avenant au contrat de travail mentionnant obligatoirement : reprise de l'ancienneté acquise ; reprise des niveau, échelon et coefficient ; reprise du salaire de base et des primes constantes soumises à cotisations, payées chaque mois et figurant sur les six derniers bulletins de paie ainsi que des éventuels éléments de rémunération contractuels ; reprise des droits acquis en matière de congés payés (nombre de jours et/ou montant)( l'accord du 5 mars 2002, art. 3.2). Le personnel bénéficie des accords collectifs et des régimes de retraite et de prévoyance de l'entreprise entrante qui se substituent à ceux de l'entreprise sortante dès le premier jour de la reprise du marché. Les autres éléments de salaire non soumis à cotisations sociales ne sont pas repris, sauf ceux prévus par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité. Toutefois, les accords collectifs et les usages de l'entreprise entrante bénéficient aux salariés transférés. Les usages ou autres avantages individuels ou collectifs en vigueur au sein de l'entreprise sortante ne sont pas transférés.
Statuant dans le cadre de l'accord du 5 mars 2002, la Cour de cassation considère que le transfert des contrats de travail ne s'opère pas de plein droit. Il est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ne sont pas remplies. Aussi, lorsque l'entreprise entrante n'a pas rempli ses obligations au regard de cet accord, le transfert du contrat de travail n'a pas eu lieu. Il en résulte que le salarié dispose de deux actions : à l'encontre de l'entrepreneur entrant qui, par sa négligence, a fait obstacle au transfert de son contrat de travail ; à l'encontre de l'entreprise sortante qui est toujours son employeur, à charge pour cette dernière de se retourner contre l'entreprise entrante défaillante (21).
3° - Exécuter de bonne foi ses obligations. En l'espèce, la Cour de cassation relève que, lorsque l'employeur décide de compléter le nombre des salariés pour atteindre le pourcentage (85 %) à la suite de défections, il doit choisir en priorité des salariés qui remplissent les conditions conventionnellement prévues pour un transfert. Or, les juges du fond ont décidé que la société n'avait pas l'obligation de reprendre le contrat de travail du salarié en application de l'accord du 5 mars 2002. En effet, la société avait l'obligation de reprendre onze contrats de travail sur quatorze et que sur onze salariés, seuls sept avaient accepté leur transfert. Si la société a repris les contrats de quatre autres salariés choisis parmi ceux qui ne remplissaient pas les conditions conventionnelles pour être transférés sans faire de proposition de reprise à M. R. qui travaillait sur le site depuis 1999 et faisait partie des "transférables", cette reprise n'a pas été exécutée de façon déloyale au regard des obligations conventionnelles. La Cour de cassation retient exactement l'inverse : la société a manqué à son obligation d'exécuter loyalement les dispositions de l'accord du 5 mars 2002.
(1) Les salariés qui, sans s'être manifestés, ne se sont pas présentés à l'entretien doivent justifier de leur absence sous un délai de 24 heures. A l'issue de ce délai, et faute d'avoir justifié cette absence, ils sont exclus de la liste du personnel transférable. Les salariés absents pour congés de toute nature sont reçus à leur retour.
(2) Cass. soc., 19 octobre 2010, n° 09-40.834, F-D (N° Lexbase : A4233GCR).
(3) Pour le seul calcul de l'effectif transférable, lorsqu'un salarié en CDI en absence est temporairement remplacé par un salarié en CDD, il n'est pris en compte qu'une seule unité de salarié. Ces pourcentages et plus généralement les obligations de reprise du personnel s'appliquent au périmètre sortant, c'est-à-dire sans qu'il y ait lieu de prendre en compte une éventuelle modification du volume ou des qualifications professionnelles requises au sein du périmètre entrant.
(4) Cette proposition doit mentionner le délai maximal de réponse fixé à quatre jours ouvrables et rappelle que l'absence de réponse est considérée comme un refus. A l'issue du délai de réponse, l'entreprise entrante informe, sous 48 heures (par lettre recommandée avec accusé de réception) l'entreprise sortante de la liste des salariés ayant accepté ou refusé le transfert. Le refus d'un salarié d'intégrer l'entreprise entrante n'oblige pas cette dernière à proposer une liste complémentaire.
(5) Dans le cas où des dates de congés auraient déjà été convenues avec l'entreprise sortante, l'entreprise entrante devra accorder le congé sans solde dans le respect de ces dates. Il ne pourra être demandé au salarié concerné de "récupérer" les heures de congés sans solde (c'est-à-dire d'accomplir ultérieurement un nombre équivalent d'heures de travail effectif en compensation), ces heures devant être intégrées dans le temps de travail contractuel dû par ce salarié au sein de l'entreprise entrante et ce, quels que soient le mode et la périodicité du décompte du temps de travail en vigueur dans cette entreprise.
(6) Cass. soc., 11 janvier 2011, n° 09-68.676, F-D (N° Lexbase : A9761GP9).
(7) Cass. soc., 19 octobre 2010, n° 09-40.834, préc. ; dans le même sens, et selon la même formulation, Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-43.722, FS-P+B (N° Lexbase : A3521EP4), Bull. civ., V, n° 273.
(8) Cass. soc., 11 mars 2003, n° 01-40.863, publié (N° Lexbase : A3882A7W).
(9) Cette liste sera accompagnée d'une copie du contrat de travail pour chacun des salariés concernés, ainsi que des justificatifs des formations et les demandes de congés.
(10) Cass. soc., 21 octobre 2009, jonction, n° 08-43.828, n° 08-43.829, n° 08-43.830 et n° 08-43.831, F-D (N° Lexbase : A2773EMN).
(11) Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-44.006, inédit (N° Lexbase : A0067AZI), Bull. civ. V, n° 221.
(12) Cass. soc., 14 décembre 2004, n° 03-41.713, publié (N° Lexbase : A4899DE8), Bull. civ. V, n° 331.
(13) Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45.836, F-D (N° Lexbase : A8783D7G).
(14) Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-44.026, F-D (N° Lexbase : A8114ETP).
(15) Cass. soc., 13 juin 1990, n° 86-45.216, publié (N° Lexbase : A4230ACN), Bull. civ. V, n° 273 ; Cass. soc., 22 juin 1993, n° 90-44.705, publié (N° Lexbase : A6396ABI), Bull. civ. V, n° 171.
(16) Cass. ch. mixte, 7 juillet 2006, P+B+R+I, n° 07-14.788 (N° Lexbase : A4285DQR), Bull. ch. mixte, n° 5.
(17) Cass. soc., 26 septembre 1990, n° 87-41.092, publié (N° Lexbase : A9055AAM), Bull. civ. V, n° 392 ; Cass. soc., 16 janvier 1990, n° 88-40.054, publié (N° Lexbase : A7846AGP), Bull. civ. V, n° 11.
(18) Ass. plén., 15 novembre 1985, n° 82-40301 (N° Lexbase : A1163AAC), JCP 1986, II, 20705, note G. Flécheux et M. Bazex ; D., 1986, jurispr. p. 1, concl. G. Picca, obs. G. Couturier.
(19) P. Morvan, Restructurations en droit social, LexisNexis Litec, 2007, n° 276 ; A. Martinon, Essai sur la stabilité du contrat de travail à durée indéterminée, Dalloz, 2005, n° 488.
(20) Toutefois, en ce qui concerne les congés payés, un accord écrit peut être passé, pour transférer les droits aux congés acquis et en cours, de l'entreprise sortante à l'entreprise entrante, le personnel repris pouvant normalement prendre des congés avec le même maintien de salaire qu'il aurait eu précédemment. Dans ce cas, le personnel en sera informé et le sortant devra obligatoirement régler à l'entrant les sommes dues au titre de ces congés payés (charges comprises) au plus tard à la date de reprise.
(21) Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-43.722, P+B, préc. ; A. Martinon, Petite synthèse sur le transfert conventionnel, JCP éd. S, n° 12, 23 mars 2010, 1112.
Décision
Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-11.820, FS-P+B (N° Lexbase : A5256HZP) Cassation, CA Lyon, ch. soc., sect. A, 30 juin 2009, n° 08/03611 (N° Lexbase : A1899ES7) Textes concernés : C. trav., art. L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) Mots-clés : activité surveillance /gardiennage, transfert d'entreprise, convention, entreprise entrante, obligations de reprise de salariés, obligation de loyauté. Liens base : (N° Lexbase : E8846ESG) |
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.021, FS-P+B (N° Lexbase : A8919HZD)
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Le 22 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-25.022, FS-P+B (N° Lexbase : A8920HZE)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 09-43.528, FS-P+B (N° Lexbase : A8921HZG)
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Le 23 Novembre 2011
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Réf. : CA Bourges, ch. soc., 16 septembre 2011, n° 10/01735 (N° Lexbase : A9102HZ7)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 6 septembre 2011, n° 10/12618 (N° Lexbase : A6678HXM)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2011, n° 10-19.278, FS-P+B (N° Lexbase : A8992HZ3)
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Le 17 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2011, n° 10-20.516, FS-P+B (N° Lexbase : A8993HZ4)
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Le 17 Novembre 2011
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Le 17 Novembre 2011
- Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-10.320, F-D (N° Lexbase : A8983HZQ) : une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée, le caractère prévisible dès son embauche, pour la salariée de sa mutation n'ayant pas d'importance (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8748ESS).
- Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-23.593, F-D (N° Lexbase : A8898HZL) : caractérise une faute professionnelle dont la gravité justifie la rupture immédiate du contrat de travail, l'impression par un salarié, dont les fonctions le mettaient en contact permanent avec des mineurs, avec le matériel mis à sa disposition par l'employeur de 929 photographies à caractère pédo-pornographique découvertes dans le logement de fonction qu'il occupait dans l'enceinte du centre (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9122ESN).
- Cass. soc., 9 novembre 2011, jonction, n° 11-11.007 et n° 11-60.074, F-D (N° Lexbase : A8948HZG) : une union syndicale peut, sauf stipulation contraire de ses statuts, exercer les droits conférés aux syndicats dans le cadre du champ géographique et professionnel qui est le sien ; une section syndicale est ainsi constituée, d'une part, à la date de désignation du représentant de ladite section syndicale l'union, qui était constituée depuis plus de deux années, n'avait pas encore un syndicat affilié au sein de la société, et, d'autre part, si elle justifiait de deux adhérents dans l'entreprise. Par ailleurs, en cas de contestation sur l'existence d'une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise, dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1824ETQ).
- Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-23.437, F-D (N° Lexbase : A8952HZL) : peuvent constituer une unité économique et sociale, les entités, y compris celles qui ne comportent pas de personnel, lorsque que sont caractérisées une concentration des pouvoirs et une complémentarité des activités ainsi qu'une unité sociale résultant de la centralisation de la gestion du personnel confiée à un directeur des ressources humaines unique, de l'application d'une même convention collective, de la mise en oeuvre de culture et pratiques communes, de la signature et de la mise en oeuvre d'un accord GPEC organisant la mobilité géographique et professionnelle entre les entités, de la mise en place d'une formation commune à l'ensemble du personne (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1633ETN).
- Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-19.339, F-D (N° Lexbase : A8894HZG) : porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie personnelle et familiale d'une salariée, le passage d'un jour de travail du samedi au mercredi justifié par des motifs n'existant pas et la connaissance par le directeur du magasin, beau-frère de la salariée, de l'incompatibilité de ce changement d'horaire avec les obligations familiales impérieuses de cette dernière (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8928ESH).
- Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-14.587, F-D (N° Lexbase : A8974HZE) : une salariée ne peut refuser une modification de ses horaires de travail, lorsque ledit horaire de 18 heures à 6 heures n'est pas contractualisé et que le nouvel horaire fixé par l'employeur maintient l'intéressée en travail de jour et de nuit, le salarié ne démontrant pas en quoi les nouveaux horaires arrêtés dans l'intérêt de l'établissement hospitalier étaient incompatibles avec ses contraintes de trajet et ses obligations familiales (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8928ESH).
- Cass. soc., 9 novembre 2011, n° 10-11.658, F-D (N° Lexbase : A8984HZR) : lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d'objectifs fixés annuellement par l'employeur, le défaut de fixation desdits objectifs constitue un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0852ETQ).
- Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 09-67.786, F-D (N° Lexbase : A8893HZE) : constitue une faute de l'employeur, dont il doit réparation, son refus de mettre en place un régime de participation des salariés aux résultats de l'entreprise alors qu'elle avait franchi le seuil de cinquante salariés, la violation de ses obligations légales étant de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif des salariés et de la profession représentée par les syndicats (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1001ETA).
- Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-22.828, F-D (N° Lexbase : A8896HZI) : en cas de rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors les cas prévus par l'article L. 6222-18 du Code du travail (N° Lexbase : L9755IEZ), l'employeur est tenu de payer les salaires jusqu'à la date de la résiliation fixée par le juge ; celui-ci peut la fixer au jour où l'une des parties a manqué gravement à ses obligations, en l'espèce, le comportement fautif du salarié (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1332ETI).
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Réf. : Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.637, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5251HZI)
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N8738BSG
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 28 Août 2014
Résumé
Les accords collectifs applicables à l'entreprise imposant que le salarié ait au moins de six ans de pratique en qualité de cadre pour être classé à la position 3.1 et, ainsi, être susceptible de conclure une convention de forfait-jours, le salarié qui ne disposait pas d'une telle ancienneté ne pouvait bénéficier de cette classification et n'était pas susceptible de relever du régime du forfait jours qui lui avait été appliqué. |
Commentaire
I - L'impossible surclassement du salarié du fait de la conclusion d'une convention de forfait irrégulière
Si le volet temps de travail de la loi du 20 août 2008 a modifié sensiblement le régime juridique des conventions de forfait dans les entreprises (2), cette loi n'a pas modifié l'une des conditions essentielles permettant la mise en place de forfaits (3) : le principe et les modalités de conclusion des conventions de forfait doivent avoir été prévus par accord collectif (4).
Cette condition existait, en effet, dès l'adoption de la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000 (5). L'article L. 212-15-3 III du Code du travail (N° Lexbase : L3870DCC), alors applicable, prévoyait en particulier que "cette convention ou cet accord doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours. La convention ou l'accord définit les catégories de salariés concernés pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps" (6). Or, la loi du 20 août 2008 n'ayant pas remis en cause les accords collectifs conclus sous l'empire de la loi ancienne, ces accords demeurent applicables lorsqu'ils n'ont pas été dénoncés (7).
Les accords collectifs ont donc, depuis l'origine, pour mission de déterminer les catégories de salariés concernés par la possibilité de conclure une convention de forfait. La liberté des partenaires sociaux n'est cependant pas totale puisque le législateur impose qu'au minimum la durée du temps de travail des catégories de salariés concernés ne puisse être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps.
Les conventions de forfait-jours constituant une dérogation importante aux règles de principe gouvernant le temps de travail des salariés dans l'entreprise (8), elles constituent une exception si bien qu'en particulier, les conventions et accords collectif encadrant leur conclusion et leur fonctionnement doivent être interprétés strictement (9). Singulièrement, si le salarié "ne relève pas, vérification faite, d'une catégorie à laquelle la convention de forfait en cause est accessible, il y a lieu de lui appliquer le droit commun de la durée du travail" (10).
C'est à propos de l'application faite par un employeur des dispositions conventionnelles en matière de forfait-jours que la Chambre sociale de la Cour de cassation était saisie dans cette affaire.
En l'espèce, un salarié avait été engagé en 2001 en qualité de consultant selon la classification professionnelle II-2, échelon 130, classification établie par la Convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets de conseil et sociétés de conseil . Lors de son embauche avait été stipulée une convention de forfait-jours. Pourtant, l'article 4 de l'accord étendu du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail stipulait que les salariés susceptibles de conclure une convention de forfait-jours devaient "bénéficier de la position 3 de la convention collective (en général les positions 3.2 et 3.3, et dans certains cas 3.1) ou avoir une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, ou être mandataire social". En outre, l'annexe II de la Convention syntec prévoyait que "relèvent de la position 2.3 les ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier". Compte tenu de son ancienneté, le salarié ne pouvait relever de la position 2.3 et, a fortiori, de la position 3.2 imposée pour la conclusion d'un forfait-jours (11). Tirant argument de l'existence de la convention de forfait-jours, le salarié demandait ainsi aux juges du fond un rappel de salaire fondé sur la position 3 de la classification conventionnelle dont il estimait relever.
La cour d'appel de Versailles fit droit à la demande du salarié. Constatant que le salarié avait été engagé en qualité de cadre autonome comme l'exige l'article 4 de l'accord relatif à la durée du travail, la cour releva que le salarié, ayant conclu une convention de forfait, n'avait pas bénéficié du bon échelon dès le départ de la relation contractuelle, peu important qu'il n'ait pas disposé au moment de son embauche de six années d'expérience, l'employeur disposant, selon elle, de la faculté d'attribuer une classification supérieure au salarié quand bien même celui-ci ne remplirait pas les conditions conventionnelles.
Cette décision est cassée par la Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 3 novembre 2011 au visa de l'article L. 212-15-3 III du Code du travail tel qu'applicable à l'époque des faits, de l'article 4 de l'accord sur le temps de travail et de l'annexe II de la Convention syntec. Après avoir rappelé en chapeau la substance des dispositions conventionnelles relatives à la conclusion de conventions de forfaits-jours dans cette entreprise, la Chambre sociale juge "que le salarié qui avait moins de six ans de pratique en qualité de cadre, ne pouvait être classé à la position 3.1, ce dont il se déduisait qu'il n'était pas susceptible de relever du régime du forfait jours qui lui avait été appliqué".
Cette décision, qui confirme la volonté d'un contrôle étroit de la Chambre sociale sur les conventions de forfait-jours, permet donc de rompre tout lien entre surclassement du salarié et conclusion d'une conventions de forfaits-jours. En somme, et cela de manière fort logique nous allons le voir, le salarié ne peut bénéficier d'un surclassement dans les catégories professionnelles qui aurait pour effet de valider une convention de forfait initialement irrégulière faute que l'exigence d'une classification suffisante ait été respectée.
II - Sur le fond : l'identification raisonnable des liens entre conventions de forfait et classifications professionnelles
Il paraît raisonnable de ne pas valider, a posteriori, une convention de forfait dont les conditions de validité conventionnelles n'avaient pas été respectées. L'argument du salarié, comme des juges d'appel d'ailleurs, consistait à modifier rétroactivement la classification professionnelle du salarié en raisonnant à partir de la validité supposée de la convention de forfait. Dit autrement, les juges d'appel tiraient d'un élément de régime juridique -la mise en place d'un forfait-jours- l'existence d'une condition de validité -la classification adéquate du salarié-. Sur le plan technique, le raisonnement logique était donc inversé puisqu'il convient, habituellement, de rechercher si une condition de validité est remplie pour déterminer si un mécanisme est valable et non de présumer la validité du mécanisme pour affirmer que la condition était remplie. Il faut donc approuver la Chambre sociale de ne pas avoir accueilli ce raisonnement perverti.
L'argumentation de la Chambre sociale est d'autant plus logique qu'elle s'inscrit dans une politique jurisprudentielle stricte à l'égard des conventions de forfait. La Chambre sociale adopte, en effet, une position de contrôle strict et autoritaire du contenu des accords collectifs encadrant les conventions de forfait (12). A quoi servirait la rigueur d'un tel contrôle si, ultérieurement, l'application de la convention pouvait être contournée par les parties au contrat de travail (13) ? Si l'on ajoute, enfin, que les conventions et accords collectifs relatifs aux conventions de forfait doivent être interprétés strictement compte tenu de leur caractère exceptionnel et dérogatoire, on comprend alors parfaitement que la Chambre sociale ait refusé le changement de classification demandé par le salarié.
A nouveau, la Chambre sociale manifeste donc sa volonté d'encadrer aussi strictement que possible l'application des dispositions législatives et conventionnelles relatives aux conventions de forfait-jours (14). Sans qu'il soit nécessaire de revenir trop amplement sur cette question, cette position est parfaitement compréhensible, non seulement parce que le régime des conventions de forfait-jours est particulièrement dérogatoire et, pour tout dire, défavorable aux salariés qui les acceptent, mais surtout parce que plane au dessus du régime français des forfaits-jours l'épée de Damoclès du droit européen (15).
Sur le fond toujours, la décision rendue semble en outre conforme aux règles posées en matière de surclassement du salarié.
A plusieurs reprises, la Chambre sociale a affirmé que l'employeur pouvait librement attribuer au salarié une classification professionnelle supérieure à celle à laquelle il pourrait bénéficier au vu des classifications conventionnellement établies (16). Au mois de janvier 2010, la Chambre sociale avait affiné le régime de ces surclassements en exigeant que l'employeur exprime une volonté claire et non équivoque de reconnaître au salarié une qualification supérieure à celle résultant des fonctions réellement exercées (17).
Or, on pouvait légitimement se demander si la conclusion d'une convention de forfait-jours, réservée aux salariés disposant d'une classification supérieure à celle qui résultait des fonctions réellement exercées par le salarié, ne constituait pas une expression de volonté claire et non équivoque de surclasser le salarié. Rappelons, en effet, que la conclusion d'une convention de forfait implique nécessairement l'existence d'une volonté claire et non équivoque puisque, par l'effet de la loi (18) comme de la jurisprudence avant elle (19), la convention de forfait doit impérativement être conclue par écrit.
Assez logiquement là encore, la Chambre sociale refuse de déduire de la volonté de conclure une convention de forfait celle de surclasser le salarié. En effet, s'appuyer sur une telle volonté secondaire pour conclure à une volonté primaire de surclasser le salarié reviendrait à faire appel à une volonté tacite de l'employeur ce qui, justement, n'est plus possible depuis janvier 2010. Sachant qu'il est déjà difficile de justifier, sur un plan technique, l'existence même de ces hypothèses de surclassement (20), il semble donc sage et cohérent de ne pas ouvrir indirectement la porte aux volontés tacites en la matière.
Si, sur le fond, le raisonnement de la Chambre sociale peut donc être salué, la technique utilisée soulève davantage la critique.
III - Sur la forme : l'usage de procédés procéduraux étonnants
La technique adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation est tout sauf orthodoxe. Un étudiant en droit à qui serait confié comme exercice le soin de commenter l'arrêt sous examen pourrait, en effet, demeurer perplexe quant à l'identification du problème juridique posé par l'arrêt. A aucun moment la question de la validité de la convention de forfait-jours n'est invoquée par les moyens soulevés par le demandeur. L'employeur, qui d'ailleurs n'avait aucun intérêt à contester l'existence de la convention de forfait, se contentait en effet de contester le surclassement professionnel et ses conséquences salariales. La question posée à la Chambre sociale aurait pu être synthétisée, dans une copie d'examen, de la manière suivante : "la conclusion d'une convention de forfait, réservée aux salariés disposant d'une classification conventionnelle suffisante, permet-elle de conclure que le salarié disposait de fait d'une telle classification, quand bien même son contrat de travail stipulait une classification inférieure ?".
Or, à ce moyen soulevé par le pourvoi, la Chambre sociale ne répond que très imparfaitement. En concluant que le salarié "ne pouvait être classé à la position 3.1, ce dont il se déduisait qu'il n'était pas susceptible de relever du régime du forfait jours qui lui avait été appliqué", la Chambre sociale s'intéresse davantage aux conditions de validité du forfait-jours plutôt qu'à la recherche de la véritable classification professionnelle du salarié et, partant, à la rémunération effective à laquelle il était en droit de prétendre (21).
Le procédé est d'autant plus surprenant que la Chambre sociale aurait pu se contenter, au vu des conditions exigées par les accords collectifs en matière de classification, de constater que l'employeur n'avait à aucun moment exprimé la volonté claire et non équivoque de surclasser le salarié. Faute d'un tel surclassement, le salarié ne pouvait exiger davantage que la classification conventionnelle à laquelle il avait réellement droit, c'est-à-dire, faute d'une ancienneté suffisante, d'une classification à la position 2. Il ne semblait donc pas indispensable, quand bien même l'argument juridique ait été soulevé (22), d'analyser la validité de la convention de forfait pour conclure à l'absence de surclassement du salarié.
Assurément, la méthode est cavalière, cela d'autant que le fort degré de publicité de l'arrêt pourrait signifier que la Chambre sociale ait conscience de cette entorse aux règles élémentaires de procédure civile impliquant que le juge soit tenu par l'objet du litige identifié par les parties. Ce procédé devrait avoir pour effet d'inciter le conseil du salarié à demander, auprès de la cour d'appel de renvoi, la remise en cause de la convention de forfait. Quand bien même le salarié n'introduirait pas cette requête, on peut même se demander si, compte tenu de la particularité du procédé et du degré de publicité de l'arrêt, les juges de renvoi ne seront pas incités à soulever d'office un tel moyen.
(1) Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5499HU9) et nos obs., Forfaits-jours : compromis à la française !, Lexbase Hebdo n°447 du 6 juillet 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N6810BSZ).
(2) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ) et nos obs., Articles 18 et 19 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : les heures supplémentaires et les conventions de forfait, Lexbase Hebdo n° 318 du 17 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1808BHG).
(3) C. trav., art. L. 3121-39 (N° Lexbase : L3942IBM).
(4) La modification essentielle de la loi de 2008 en la matière tient à l'articulation des niveaux de négociation, l'accord collectif devant être prioritairement conclu au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, le niveau de la branche étant rendu subsidiaire par la loi.
(5) Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (N° Lexbase : L0988AH3).
(6) Les catégories pouvant aujourd'hui conclure des conventions de forfait ont été modifiées : peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable ; peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, les salariés dont la durée de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour exercer leurs responsabilités (C. trav., art. L. 3121-43 N° Lexbase : L3869IBW).
(7) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, art. 19-III.
(8) Dérogation si importante que l'on a pu penser que, sous l'influence du droit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les forfaits-jours pourraient être amenés à disparaître. Leur validité de principe a pourtant été confirmée par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui, cependant, exerce à leur égard un contrôle plus serré que jamais. V. Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, préc..
(9) V. les obs. de G. Auzero, Les conventions individuelles de forfait dans le collimateur de la Cour de cassation, sous Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6062D7N), Lexbase Hebdo n° 300 du 9 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6557BEL), in fine.
(10) J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Dalloz, 26ème édition, p. 795.
(11) Quoique cela ne soit pas précisé par la décision, on peut supposer que les deux conditions alternatives (rémunération importante ou mandat social) n'étaient pas elles non plus remplies.
(12) Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.876, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2447DZN) et les obs. de G. Auzero, Le forfait jours sous la surveillance de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0155BD4). Adde. H. Gosselin, Le contrôle du juge sur le forfait-jours, SSL, 2007, n° 1327 ; D., 2007, AJ, p. 2876, obs. L. Perrin ; RDT, 2008, p. 110, obs. M. Véricel.
(13) La Chambre sociale étend d'ailleurs ce contrôle à l'application de l'accord : "dès lors que le salarié n'appartient pas à l'une des catégories de cadres expressément visées par l'accord collectif applicable dans l'entreprise, il ne peut être soumis à une convention de forfait en jours", Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, préc..
(14) Sur cette tendance, v. H. Gosselin, préc..
(15) V. déjà, S. Tournaux, Forfaits-jours, compromis à la française, préc. Adde. M. Miné, Le droit du temps de travail à la lumière de la Charte sociale européenne, SSL, 2011, n° 1475, p. 7 ; S. Laulom, L'enchevêtrement des sources internationales du droit du travail : à propos des décisions du Comité européen des droits sociaux du 23 juin 2010, RDT, 2011 p. 298.
(16) Par ex. Cass. soc., 17 juillet 1996, n° 93-46.014, publié (N° Lexbase : A9561ABQ).
(17) Cass. soc., 12 janvier 2010, n° 08-42.835, (N° Lexbase : A3055EQ9) et nos obs., Le surprenant surclassement du salarié !, Lexbase Hebdo n°380 du 27 janvier 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N9745BMU).
(18) C. trav., art. L. 3121-39 (N° Lexbase : L3942IBM).
(19) Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, préc..
(20) Le surprenant surclassement du salarié !, préc..
(21) Les visas, intégralement consacrés au forfait-jours, renforcent encore ce sentiment.
(22) Cela fut le cas, notamment, des arguments relatifs au principe à travail égal, salaire égal, qui ne sont même pas évoqués par la chambre sociale alors qu'ils avaient été invoqués par les moyens, v. moyens annexés au pourvoi.
Décision
Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.637, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5251HZI) Cassation, CA Versailles, 11ème ch., 26 janvier 2010, n° 08/02998 (N° Lexbase : A1785EWZ) Textes visés : C. trav., art. L. 212-15-3 III (N° Lexbase : L3870DCC) dans sa rédaction à l'époque des faits ; accord du 22 juin 1999, étendu par arrêté du 21 décembre 1999, relatif à la durée du travail, art. 4 ; annexe II du 15 décembre 1987, relative à la classification, de la Convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets de conseil et sociétés de conseil Mots-clés : convention de forfait, forfait-jours, classifications professionnelles. Liens base : (N° Lexbase : E0542ETA) |
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