ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
17 novembre 2011 (*)
" Directive 80/987/CEE - Protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur - Indemnité d'insolvabilité - Paiement subordonné à la condition d'enregistrement en tant que demandeur d'emploi "
Dans l'affaire C-435/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas), par décision du 8 septembre 2010, parvenue à la Cour le 13 septembre 2010, dans la procédure
J. C. van Ardennen
contre
Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal, MM. K. Schiemann (rapporteur), L. Bay Larsen et E. Jaraðiûnas, juges,
avocat général : M. Y. Bot,
greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 8 septembre 2011,
considérant les observations présentées :
- pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen, par Mme M. Mollee, en qualité d'agent,
- pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d'agents,
- pour la Commission européenne, par MM. J. Enegren et F. Wilman, en qualité d'agents,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1. - La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 4, 5 et 10 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (JO L 283, p. 23), telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 270, p. 10, ci-après la " directive 80/987 ").
2. - Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant M. van Ardennen au Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (conseil d'administration de l'Institut de gestion des assurances pour les salariés, ci-après l'" UWV ") au sujet du refus par ce dernier de lui verser l'intégralité de l'indemnité d'insolvabilité au motif qu'il ne s'est pas fait enregistrer en tant que demandeur d'emploi auprès de la Centrale organisatie voor Werk en Inkomen (Organisation centrale du travail et des revenus, ci-après la " CWI ") dans le délai requis.
Le cadre juridique
La réglementation de l'Union
3. - En vertu de l'article 3 de la directive 80/987 :
" Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l'article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail.
Les créances prises en charge par l'institution de garantie sont les rémunérations impayées correspondant à une période se situant avant et/ou, le cas échéant, après une date déterminée par les États membres. "
4. - L'article 4 de cette directive dispose :
" 1. Les États membres ont la faculté de limiter l'obligation de paiement des institutions de garantie visée à l'article 3.
2. Lorsque les États membres font usage de la faculté visée au paragraphe 1, ils fixent la durée de la période donnant lieu au paiement des créances impayées par l'institution de garantie. Cette durée ne peut toutefois être inférieure à une période portant sur la rémunération des trois derniers mois de la relation de travail se situant avant et/ou après la date visée à l'article 3. Les États membres peuvent inscrire cette période minimale de trois mois dans une période de référence dont la durée ne peut être inférieure à six mois.
Les États membres qui prévoient une période de référence d'au moins dix-huit mois peuvent limiter la période donnant lieu au paiement des créances impayées par l'institution de garantie à huit semaines. Dans ce cas, les périodes les plus favorables au travailleur sont retenues pour le calcul de la période minimale.
3. En outre, les États membres peuvent assigner des plafonds aux paiements effectués par l'institution de garantie. Ces plafonds ne doivent pas être inférieurs à un seuil socialement compatible avec l'objectif social de la présente directive.
Lorsque les États membres font usage de cette faculté, ils communiquent à la Commission les méthodes selon lesquelles ils fixent le plafond. "
5. - Aux termes de l'article 5 de ladite directive :
" Les États membres fixent les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie en observant notamment les principes suivants :
a) le patrimoine des institutions doit être indépendant du capital d'exploitation des employeurs et être constitué de telle façon qu'il ne puisse être saisi au cours d'une procédure en cas d'insolvabilité;
b) les employeurs doivent contribuer au financement, à moins que celui-ci ne soit assuré intégralement par les pouvoirs publics;
c) l'obligation de paiement des institutions existe indépendamment de l'exécution des obligations de contribuer au financement. "
6. - L'article 10 de la directive 80/987 énonce :
" La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres :
a) de prendre les mesures nécessaires en vue d'éviter des abus;
b) de refuser ou de réduire l'obligation de paiement visée à l'article 3 ou l'obligation de garantie visée à l'article 7 s'il apparaît que l'exécution de l'obligation ne se justifie pas en raison de l'existence de liens particuliers entre le travailleur salarié et l'employeur et d'intérêts communs concrétisés par une collusion entre ceux-ci;
c) de refuser ou de réduire l'obligation de paiement visée à l'article 3 ou l'obligation de garantie visée à l'article 7 dans les cas où le travailleur salarié possédait seul ou conjointement avec ses parents proches, une partie essentielle de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur et exerçait une influence considérable sur ses activités. "
La réglementation nationale
7. - Le chapitre IV de la loi sur le chômage (Werkloosheidswet, ci-après la " WW ") concerne la reprise des obligations résultant de la relation de travail en cas d'incapacité de payer de l'employeur. En vertu de l'article 61 de la WW, qui fait partie dudit chapitre IV, a droit à une indemnité tout travailleur qui doit réclamer son salaire, son pécule de vacances ou son indemnité de vacances à un employeur qui est déclaré en faillite.
8. - L'article 64 de la WW prévoit :
" 1. Le droit à l'indemnité visé au présent chapitre comporte :
a. le salaire afférent au maximum à treize semaines précédant immédiatement :
1. le jour auquel la relation de travail a pris fin par licenciement;
2. le jour auquel la relation de travail a pris fin par accord mutuel;
3. le jour auquel la relation de travail a pris fin de plein droit ou
4. le jour de la dénonciation du contrat;
b. le salaire afférent au maximum au délai de préavis applicable au travailleur [...]
c. le pécule de vacances, l'allocation de vacances et les sommes que l'employeur doit à des tiers au titre de la relation de travail avec le travailleur [...] "
9. - Aux termes de l'article 65 de la WW :
" 1. Sont entièrement déduits de l'indemnité visée à l'article 64 :
a. les revenus du travail en qualité de travailleur ou au titre des activités pour lesquelles le travailleur ne peut pas être considéré comme tel, effectuées au cours de la période visée à l'article 64, paragraphe 1, sous a) et b);
[...] "
10. - Il ressort de l'article 2, paragraphe 1, de l'arrêté sur l'enregistrement auprès de la CWI (Besluit registratie CWI, Nederlandse Staatscourant 2002, n° 229) que le travailleur qui a droit à une indemnité au titre du chapitre IV de la WW est tenu de se faire enregistrer en tant que demandeur d'emploi auprès de la CWI au plus tard le premier jour ouvrable suivant le lendemain du jour où le délai de préavis visé à l'article 64, paragraphe 1, sous b), de la WW a commencé à courir.
11. - L'article 40, paragraphe 1, de la loi sur les faillites (Faillissementswet) dispose :
" 1. Les travailleurs au service d'employeurs faillis peuvent dénoncer leur contrat de travail et, réciproquement, le curateur peut dénoncer leur contrat de travail dans les termes prévus par celui-ci ou par la loi, étant entendu, cependant, que le contrat de travail peut être dénoncé en toute hypothèse avec un préavis de six semaines. [...] "
12. - L'article 3 de l'arrêté fixant les mesures que l'UWV peut appliquer (Maatregelenbesluit UWV, Nederlandse Staatscourant 2004, n° 163) énonce :
" [...]
En cas d'inexécution ou d'exécution incorrecte d'une obligation énoncée dans la première catégorie [...] de la WW [...] et à moins qu'un avertissement soit jugé suffisant, le montant et la durée sont les suivants :
[...]
c. 20 % sur le délai tardif avec un maximum de 52 semaines si le délai fixé est dépassé de plus de [
] jours de calendrier. "
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13. - M. van Ardennen était employé, depuis le 1er août 1985, au sein de l'entreprise Fruit Sellers International BV, déclarée en faillite le 28 novembre 2006. Le salaire de M. van Ardennen a été intégralement versé, de sorte qu'il n'y avait pas d'arriéré salarial.
14. - Après avoir, sans succès, essayé de créer sa propre entreprise, M. van Ardennen s'est inscrit, le 15 mai 2007, auprès de la CWI et a introduit, le 20 mai 2007, une demande d'indemnité de chômage. Il ne s'est enregistré en tant que demandeur d'emploi que le 29 mai 2007.
15. - Le 7 juin 2007, M. van Ardennen a introduit une demande d'indemnité d'insolvabilité auprès de l'UWV.
16. - Par décision du 11 septembre 2007, l'UWV a accordé à M. van Ardennen une indemnité d'insolvabilité pour des créances impayées pour la période allant du 29 novembre 2006 au 12 février 2007. Selon les explications fournies par l'UWV, cette période correspond au délai de préavis visé à l'article 64, paragraphe 1, sous b), de la WW. Cette indemnité incluait les montants suivants, à savoir une rémunération brute de 26 505,15 euros représentant le salaire, les frais de voiture, le pécule de vacances et l'allocation de vacances ainsi qu'une rémunération nette de 1 200 euros à titre de remboursement des frais professionnels.
17. - L'UWV a toutefois réduit cette somme de 20 %, en application du chapitre IV de la WW, sanctionnant ainsi le fait que M. van Ardennen ne s'est pas fait enregistrer dans le délai requis en tant que demandeur d'emploi.
18. - La réclamation de M. van Ardennen a été rejetée par l'UWV par décision du 18 décembre 2007, toujours au motif que la WW imposait l'obligation de se faire enregistrer en tant que demandeur d'emploi auprès de la CWI et de faire proroger cet enregistrement.
19. - Le recours formé contre cette décision par M. van Ardennen devant le Rechtbank ayant été également jugé non fondé pour le même motif, celui-ci s'est pourvu en appel devant le Centrale Raad van Beroep.
20. - Selon les explications de l'UWV, conformément à l'article 65 de la WW, sont entièrement déduits de l'indemnité visée à l'article 64 de cette loi les revenus du travail effectué pendant la période de référence. L'UWV fait valoir que l'obligation d'enregistrement en tant que demandeur d'emploi vise à augmenter les chances que le travailleur en cause obtienne un emploi pendant cette période et, partant, à minimiser les charges du fonds de garantie.
21. - La juridiction de renvoi soutient qu'une telle ratio legis de l'obligation d'enregistrement soulève la question de savoir si les revenus du travail qu'une personne perçoit au cours de la période durant laquelle elle a droit à l'indemnité d'insolvabilité peuvent être déduits de celle-ci. Elle se réfère à l'arrêt du 10 juillet 1997, Maso e.a. (C-373/95, Rec. p. I-4051), dans lequel la Cour a jugé qu'un État membre ne peut pas interdire le cumul de montants garantis par la directive 80/987 avec une indemnité telle que l'indemnité de mobilité en cause dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, parce que cette indemnité ne résulte pas d'un contrat ou d'une relation de travail puisqu'elle n'est versée au travailleur qu'après son licenciement et ne vise donc pas à rémunérer des activités exercées dans le cadre d'une relation de travail.
22. - Selon la juridiction de renvoi, il pourrait être déduit implicitement dudit arrêt qu'un tel cumul pourrait être interdit s'il s'agissait de rémunérer les activités exercées au cours de la période de référence.
23. - Cette même juridiction estime que l'article 4, paragraphe 3, de la directive 80/987 n'interdit pas d'adopter une règle ayant pour but une telle interdiction de cumul. Eu égard à l'objectif de cette directive, il semblerait justifié de déduire du montant de l'indemnité d'insolvabilité les revenus que le travailleur a effectivement perçus au cours du délai de préavis pour des travaux qu'il aurait exécutés parce qu'une telle déduction n'affecte pas la protection minimale garantie par ladite directive.
24. - La juridiction de renvoi considère que les articles 4, 5 et 10 de la directive 80/987 permettent aux États membres non seulement de fixer les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie, mais, dans certaines circonstances, de limiter également la protection que cette directive vise à garantir aux travailleurs (voir, dans le contexte de l'application de certains délais de prescription, arrêts du 18 septembre 2003, Pflücke, C-125/01, Rec. p. I-9375, et du 16 juillet 2009, Visciano, C-69/08, Rec. p. I-6741). La juridiction de renvoi ajoute qu'elle n'est pas en mesure de déterminer clairement si l'obligation d'enregistrement en tant que demandeur d'emploi est une disposition qu'un État membre pourrait adopter de manière générale sur la base de ces dispositions de la directive 80/987.
25. - Éprouvant ainsi des doutes quant à la compatibilité avec les dispositions de la directive 80/987 de l'obligation d'enregistrement en tant que demandeur d'emploi afin de bénéficier de l'indemnité d'insolvabilité et de la réduction du montant de cette indemnité en cas d'enregistrement tardif, le Centrale Raad van Beroep a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
" 1) La directive [80/987], en particulier ses articles 4, 5 et 10, doit-elle être interprétée en ce sens que serait, d'une manière générale, incompatible avec elle une réglementation nationale qui subordonne la possibilité pour les travailleurs dont l'employeur se trouve en situation d'insolvabilité de faire valoir (en plénitude) leur droit à la reprise des créances salariales impayées à l'obligation de se faire enregistrer en tant que demandeur d'emploi au plus tard le premier jour ouvrable suivant le jour où il a été ou aurait raisonnablement dû être mis fin à la relation de travail?
En cas de réponse négative :
2) La directive [80/987], en particulier ses articles 4, 5 et 10, doit-elle être interprétée en ce sens qu'est incompatible avec elle une réglementation nationale qui impose cette obligation d'enregistrement également aux travailleurs qui, au cours du délai de préavis, ont exercé des activités en qualité d'indépendant?
3) La directive [80/987], en particulier ses articles 4, 5 et 10, doit-elle être interprétée en ce sens qu'est incompatible avec elle une réglementation nationale sur la base de laquelle l'inexécution (dans le délai) de cette obligation d'enregistrement peut entraîner le non-paiement partiel de l'indemnité d'insolvabilité, le moment auquel cette obligation est exécutée étant également déterminant pour l'ampleur et la durée de cette mesure de non-paiement partiel? "
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
26. - Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la directive 80/987 doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui subordonne la possibilité, pour les travailleurs dont l'employeur se trouve en situation d'insolvabilité, de faire valoir intégralement leur droit au paiement des créances salariales impayées, telles que celles en cause au principal, à l'obligation de se faire enregistrer en tant que demandeur d'emploi.
27. - À cet égard, il convient tout d'abord de rappeler qu'il découle de la jurisprudence de la Cour que la finalité sociale de la directive 80/987 consiste à garantir à tous les travailleurs salariés un minimum de protection au niveau de l'Union européenne en cas d'insolvabilité de l'employeur par le paiement des créances impayées résultant de contrats ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à une période déterminée (voir arrêts du 4 mars 2004, Barsotti e.a., C-19/01, C-50/01 et C-84/01, Rec. p. I-2005, point 35, ainsi que Visciano, précité, point 27).
28. - C'est à ces fins que l'article 3 de la directive 80/987 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l'article 4 de ladite directive, le paiement desdites créances impayées des travailleurs salariés.
29. - En ce qui concerne le litige au principal, il ressort du dossier que M. van Ardennen s'est vu refuser l'intégralité du paiement du salaire afférent au délai de préavis, prévu à l'article 64, paragraphe 1, sous b), de la WW en raison du fait qu'il s'est inscrit tardivement en tant que demandeur d'emploi.
30. - Il importe de souligner qu'il ressort du dossier soumis à la Cour que le recours de M. van Ardennen au fonds de garantie est bel et bien fondé sur l'existence d'une créance non contestée et reconnue par la réglementation nationale néerlandaise, à savoir l'article 64, paragraphe 1, sous b), de la WW. Le paiement d'une telle créance, objectivement due par l'employeur ayant fait faillite, relève de l'article 3 de la directive 80/987 et est garanti par celle-ci.
31. - À cet égard, il convient de rappeler que ce n'est que par voie d'exception que les États membres ont la faculté, en vertu de l'article 4 de la directive 80/987, de limiter l'obligation de paiement visée à l'article 3 de celle-ci. Une telle limitation est envisageable tant en ce qui concerne la durée de la période donnant lieu au paiement, conformément à l'article 4, paragraphe 2, de ladite directive qu'en ce qui concerne le plafond d'un tel paiement, conformément à l'article 4, paragraphe 3, de la même directive.
32. - La directive 80/987 requiert, à ce même article 4, paragraphe 3, que lorsqu'un État membre fait usage de la faculté de fixer ledit plafond, il le communique à la Commission.
33. - Il ressort du dossier que la législation en cause au principal ne prévoit pas de plafond de remboursement et ne relève donc pas de la faculté prévue à l'article 4, paragraphe 3, de la directive 80/987.
34. - Par ailleurs, il convient de noter que l'article 4 de la directive 80/987 doit être interprété de façon restrictive et conforme à sa finalité sociale, qui est d'assurer un minimum de protection à tous les travailleurs (voir arrêt du 14 juillet 1998, Regeling, C-125/97, Rec. p. I-4493, point 20). À cet effet, les cas dans lesquels il est permis de circonscrire l'obligation de paiement des institutions de garantie sont énumérés limitativement par la directive 80/987 et les dispositions concernées doivent faire l'objet d'une interprétation stricte, eu égard à leur caractère dérogatoire et à l'objectif de cette directive.
35. - Dans cette optique, force est de constater qu'il serait contraire à la finalité de la directive 80/987 d'interpréter celle-ci, et notamment ses articles 3 et 4, de façon à ce qu'un travailleur, dans la situation du requérant au principal, soit soumis, en raison du non-respect de l'obligation d'enregistrement en tant que demandeur d'emploi dans un délai donné prévue par la règle nationale en cause au principal, à une diminution forfaitaire et automatique du remboursement de ses créances salariales et ne puisse donc pas bénéficier de la garantie pour les pertes de salaires qu'il a effectivement subies pendant la période de référence.
36. - En outre, pour ce qui est de la jurisprudence invoquée par la juridiction de renvoi et citée au point 24 du présent arrêt, il convient de relever, comme l'a observé à juste titre la Commission, qu'une obligation d'enregistrement en tant que demandeur d'emploi dans un délai déterminé telle que celle en cause au principal et dont le non-respect se traduit par une diminution de l'indemnité d'insolvabilité versée n'est pas de nature comparable avec un délai de forclusion ou de prescription pour l'introduction d'une demande d'indemnité d'insolvabilité.
37. - Il importe encore de préciser qu'il ne s'agit pas, dans l'affaire au principal, du versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la directive 80/987, versement que l'article 4 de cette directive autorise les États membres à limiter (voir, en ce sens, arrêt Barsotti e.a., précité, point 34). Dès lors, indépendamment de la question de savoir si la directive 80/987 s'oppose à une règle prévoyant que les revenus que l'intéressé a effectivement perçus au cours du délai de préavis sont déduits du montant de l'indemnité, une règle nationale qui, à l'instar de celle en cause au principal, réduit le montant du remboursement de créances salariales de manière forfaitaire et automatique porte directement atteinte au minimum de protection poursuivi par la directive 80/987 en cas d'insolvabilité de l'employeur.
38. - Par ailleurs, si l'article 10 de la directive 80/987 permet aux États membres de prendre les mesures nécessaires en vue d'éviter des abus, la décision de renvoi ne comporte aucun élément qui tendrait à établir l'existence d'un quelconque abus que l'obligation d'enregistrement en cause au principal aurait pour objet de prévenir. En outre, lors de l'audience, l'UWV a expressément confirmé que la justification de cette obligation ne reposait aucunement sur ledit article 10.
39. - Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 3 et 4 de la directive 80/987 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui subordonne la possibilité, pour les travailleurs dont l'employeur se trouve en situation d'insolvabilité, de faire valoir intégralement leur droit au paiement des créances salariales impayées, telles que celles en cause au principal, à l'obligation de se faire enregistrer en tant que demandeur d'emploi.
Sur les deuxième et troisième questions
40. - Compte tenu de la réponse affirmative apportée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.
Sur les dépens
41. - La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
Les articles 3 et 4 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui subordonne la possibilité, pour les travailleurs dont l'employeur se trouve en situation d'insolvabilité, de faire valoir intégralement leur droit au paiement des créances salariales impayées, telles que celles en cause au principal, à l'obligation de se faire enregistrer en tant que demandeur d'emploi.
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.