La lettre juridique n°295 du 6 mars 2008 : Responsabilité

[Jurisprudence] Accidents de la circulation : nouvelle illustration de l'appréciation extensive faite par la Cour de cassation des conditions de mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 1985

Réf. : Cass. crim., 15 janvier 2008, n° 07-80.800, Société électricité Domange, F-P+F+I (N° Lexbase : A7369D4P)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

L'importance du contentieux en matière d'accidents de la circulation ne se dément décidément pas. Continuent ainsi régulièrement de se poser, en dépit des interventions répétées de la Cour de cassation, des difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9), applicable, aux termes de son article 1er, "même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres". Le régime d'indemnisation prévu par la loi, qu'il s'agisse, du côté du conducteur, de l'incidence de sa faute (art. 4) sur la réparation de son dommage (1) ou, du côté du non conducteur, de l'appréciation de sa "faute inexcusable cause exclusive de l'accident" (art. 3), a d'ailleurs donné lieu à de vifs débats. Mais ce sont aussi, en amont, les conditions même de mise en oeuvre du dispositif légal qui génèrent du contentieux, comme en témoigne une fois encore un nouvel arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 15 janvier dernier. En l'espèce, un électromécanicien au service d'une société avait été mortellement blessé au moment où, pour changer les lampes du hall d'un atelier, il manoeuvrait, avec l'aide d'un ouvrier intérimaire désigné dans les heures précédent l'accident, une nacelle autoportée de location, mise le matin même à la disposition de la société sans aucune démonstration de fonctionnement. On laissera ici de côté l'aspect pénal du litige pour relever, au plan civil, que la société, qui avait dû indemniser les conséquences du dommage, avait appelé en garantie son assureur auprès duquel elle avait souscrit une police "multirisques professionnels". Les juges du fond avaient, cependant, pour la débouter de sa demande, fait valoir que les dispositions contractuelles excluant la garantie des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur et survenus lors d'un accident régi par la loi du 5 juillet 1985 avaient, ici, vocation à s'appliquer "dès lors que, les faits s'étant produits au moment où [la victime] effectuait une marche arrière pour positionner la nacelle sous une lampe, l'engin qu'il manoeuvrait et qui se déplaçait en roulant était impliqué en tant que véhicule dans un accident de la circulation". La Cour de cassation approuve cette solution et juge "qu'en décidant ainsi, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen [en l'occurrence les articles 1er de la loi du 5 juillet 1985 et 1134 du Code civil N° Lexbase : L1234ABC], en a fait, au contraire, l'exacte application".

La solution, tant elle était parfaitement prévisible, ne justifie pas que l'on y insiste longuement. Tout au plus, faut-il ici rapidement relever que l'arrêt confirme l'appréciation extensive que fait la Cour de cassation depuis de nombreuses années déjà des conditions de mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 1985. On n'ignore pas, en effet, qu'elle entend très largement la notion "d'implication" pour, finalement, considérer qu'un véhicule est impliqué dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident (2). C'est, ensuite, encore très largement qu'elle entend non seulement les notions de "conducteur d'un véhicule terrestre à moteur" (3), mais aussi celle "d'accident de la circulation" (4). Encore très récemment, le lecteur de cette revue se souvient peut-être qu'un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 25 octobre 2007 (préc.) a considéré, pour approuver les premiers juges, "qu'ayant retenu que le véhicule était stationné dans un atelier de réparation automobile, qui n'est pas un lieu impropre au stationnement d'un véhicule, et que, mis en mouvement par le démarrage du moteur alors qu'une vitesse était enclenchée, il avait percuté [l'employé], la cour d'appel a exactement décidé que ce véhicule était impliqué dans un accident de la circulation au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, peu important qu'il se fût trouvé sur un pont élévateur". Plus récemment encore, à propos d'un dommage qui s'était réalisé au cours d'une opération de déchargement de plaques de béton sur un chantier, les plaques de béton étant arrimées sur la benne de son camion, et dans une affaire dans laquelle il s'agissait de savoir si un accident de la circulation pouvait être retenu, ce qui rendait la loi du 5 juillet 1985 applicable et excluait, par suite, le principe posé par l'article 706-3, 1°, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) de l'indemnisation de toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction, la même deuxième chambre civile de la Cour de cassation décidait que "l'accident survenu au moment du déchargement du camion sans instrument de levage, constituait un accident de la circulation" (5).


(1) Ass. Plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I (N° Lexbase : A9501DUG) et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I (N° Lexbase : A9499DUD), BICC 15 juin 2007, rapp. Gallet, avis Charpenel, JCP éd. G, 2007, II, 10078, note P. Jourdain, D., 2007, p. 1839, note H. Groutel, et p. 2906, obs. Ph. Brun ; Cass. crim., 27 novembre 2007, n° 07-81.585, Compagnie Monceau générale assurances, F-P+F (N° Lexbase : A0861D3B) et nos obs., Accidents de la circulation : le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale du dommage, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N5925BDS), JCP éd. G, 2008, 10022, note D. Bakouche.
(2) Cass. civ. 2, 18 mars 1998, n° 96-13.726, Fonds de garantie automobile (FGA) c/ Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF) et autres, (N° Lexbase : A2686ACH), Bull. civ. II, n° 88 ; pour une illustration récente de cette tendance, voir encore Cass. civ. 2, 4 juillet 2007, n° 06-14.484, Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), FS-P+B (N° Lexbase : A0822DXQ).
(3) Pour une illustration récente, voir not. Cass. civ. 2, 25 octobre 2007, n° 05-21.807, Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), FS-P+B (N° Lexbase : A2528DZN) et nos obs., Appréciation des notions de "conducteur" et d'"accident de la circulation" au sens de la loi du 5 juillet 1985, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0115BDM).
(4) Voir not., à propos d'un accident causé par un girobroyeur : Cass. civ. 2, 5 janvier 1994, n° 92-13.245, Caisse mutuelle d'assurance et de prévoyance c/ M. Caneiro et autres (N° Lexbase : A6879ABE), Bull. civ. II, n° 1 ; causé par un tracteur : Cass. civ. 2, 6 juin 2002, n° 00-10.187, M. André Deshors c/ M. Marcel Lidove, FS-P+B (N° Lexbase : A8490AY4), Bull. civ. II, n° 114 ; causé sur un chantier par une pelleteuse : Cass. civ. 2, 30 juin 2004, n° 02-15.488, Société Colas Sud-Ouest c/ Société Rougeron, FS-P+B (N° Lexbase : A8916DC9), Bull. civ. II, n° 334 ; causé par un engin agricole de chargement d'une remorque de maïs : Cass. civ. 2, 19 février 1997, n° 95-14.279, Compagnie La Union et Le Phénix espagnol et autres c/ Union départementale des associations familiales des Landes et autres (N° Lexbase : A0461AC3), Bull. civ. II, n° 42.
(5) Cass. civ. 2, 7 février 2008, n° 07-13.397, Fonds de garantie des actes de terrorisme et d'autres infractions, FS-P+B (N° Lexbase : A7348D4W), et nos obs., L'exclusion de l'indemnisation des victimes d'infraction pour les atteintes donnant lieu à l'application de la loi du 5 juillet 1985 en matière d'accidents de la circulation, Lexbase Hebdo n° 293 du 21 février 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N1935BEE) ; et, sur le même arrêt, les obs. de Ch. Radé, Les victimes d'accidents du travail injustement privées du régime d'indemnisation des victimes d'infraction en présence d'une faute intentionnelle, Lexbase Hebdo n° 293 du 21 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1900BE4).

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