Le Quotidien du 22 septembre 2021

Le Quotidien

Avocats/Procédure

[Questions à...] « C'est rajouter du travail qui n'est pas utile ! » - Questions à Maître Florian Borg à propos des propositions de la DACS en matière de structuration des écritures

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par Marie Le Guerroué et Joséphine Pasieczny

Le 22 Septembre 2021


Le 27 août 2021, la Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) a communiqué au CNB un projet de réforme en matière de structuration et de présentation des pièces en procédure civile. La note envisage tout particulièrement d’imposer une synthèse des moyens à la fin de la discussion tout en précisant que celle-ci ne pourra excéder les 10 % des écritures dans la limite des 1 000 mots. Le projet a emporté la colère de nombreux avocats et a conduit le CNB à adopter, vendredi 17 septembre, une résolution dénonçant une atteinte grave à l’indépendance des avocats et aux droits de la défense.

Florian Borg, avocat au barreau de Lille, élu au SAF et secrétaire du CNB a présenté le rapport sur le projet lors de l’assemblée générale du CNB. Il a accepté pour Lexbase Avocats et Lexradio de revenir sur les enjeux d’une telle proposition de réforme.

Cette interview est également à retrouver en podcast sur Lexradio.


 

*Crédit photo Thomas Appert

Lexbase Avocats : Quelles sont les mesures prévues par la DACS dans le cadre de ce projet de réforme ? 

Florian Borg : Pour le moment, nous sommes au stade des discussions entre les services du ministère et les instances représentatives de la profession. Ce projet consiste à réformer le Code de procédure civile pour rationaliser les écritures et les pièces en matière de procédure civile, tant en première instance qu’en appel. Concrètement, il y a deux mesures bien précises qui sont prévues. La première, et la plus problématique, consiste à demander aux avocats de faire une synthèse de leurs écritures et de leurs moyens dans leurs écritures. Une synthèse qui est prévue autour de 10 % dans la limite de 1 000 mots, donc c'est assez technique. Il faut également souligner que cette synthèse et, le fait que les moyens soient repris dans cette synthèse, est sanctionné par le rejet des moyens. Les moyens ne seront pas étudiés. Donc si vous mettez les moyens dans le texte mais pas dans la synthèse ou, dans la synthèse mais pas dans le texte, ils ne seront pas retenus. La deuxième mesure est l’instauration d’un bordereau unique de pièces avec des libellés suffisamment explicites et précis. Ce bordereau de pièces sera repris de la même manière en première instance et en appel. Voilà les deux mesures qui sont principalement prévues dans la proposition de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice.

Lexbase Avocats :  À votre avis, quelles sont les motivations d’une telle réforme ?

Florian Borg : On peut s'en souvenir, le ministère avait mis en place en janvier 2021 un groupe de travail sur les délais de fonctionnement de la justice afin de prendre en compte à la fois les délais qui avaient augmenté tant par la pandémie de la Covid et, soi-disant, par la grève des avocats concernant les retraites. Ce groupe de travail, qui était composé à la fois de magistrats et de Bâtonnières et Bâtonniers, avait proposé un certain nombre de points, dont un qui était la rationalisation des écritures. Il faut, toutefois, savoir que cela n’était pas proposé dans le cadre d'une réforme, mais dans le cadre de conventions entre les barreaux et les tribunaux. Sauf que, dans la proposition de la DACS, cela s'est transformé en proposition de modification du Code de procédure civile. Ce qui est particulier, c'est qu’on ne comprend pas en quoi ces éléments vont faire réduire les stocks et les délais des dossiers de justice. Car tout le monde le sait, en réalité, pour accélérer la justice il faut d'abord des moyens. Ici, il ne s’agit pas de moyens, mais de rationalisation des écritures. Cela ne va pas donner moins de travail aux greffes ni moins de travail aux juges. En revanche, cela va donner plus de travail aux avocats et surtout des risques supplémentaires de voir rejeter leurs écritures et donc des risques pour l’accès à la justice. Si l'idée est de réduire les délais en fermant l'accès à la justice, on ne voit pas bien comment on pourra obtenir une bonne justice.

La crainte qui est très vive dans la profession est de remettre sur le tapis des réformes de type « Magendie » en procédure d'appel. La procédure « Magendie » a complexifié la procédure d'appel et entraîné un certain nombre de rejets de dossiers et de caducité. Finalement, ces dossiers ne sont pas jugés et l’accès à la justice est fermé. Pour nous, réduire les délais en fermant l’accès à la justice n’est pas une bonne chose d'autant plus qu’elle crée un certain nombre de chausse-trappes dans le travail de l'avocat et cela a assez peu de sens dans l'amélioration du travail et du débat judiciaire.

Lexbase Avocats : Pourquoi les avocats y voient-ils une atteinte à l’indépendance de leur profession et aux droits de la défense ?

Florian Borg : Alors, sur l'indépendance, vouloir rationaliser les écritures c'est un peu dicter ce que les avocats vont porter devant un juge. Si les avocats portent un mauvais dossier devant un juge, ce dossier sera rejeté et c'est comme cela que les choses se passent aujourd'hui.

Si les avocats portent un bon dossier avec une bonne structuration, ils auront plus de chances d’être entendus par le juge. La solution est donc déjà là. La crainte aujourd’hui est de devoir rajouter des éléments dans la procédure qui n'apportent rien au débat judiciaire. Se dire que l’on va calculer 10 % de nos conclusions dans la limite de 1 000 mots pour faire une synthèse, c'est rajouter du travail qui n'est pas utile. Cela peut être utile dans des dossiers très complexes et très volumineux, mais les avocats font déjà un plan au début de leurs écritures. Vouloir généraliser cette structuration à l’ensemble des écritures dans des dossiers où il y a des questions de fait cela n’a aucune utilité, sauf à se dire que le magistrat ne va pas lire les écritures et s’arrêter à la synthèse.

On complexifie le dossier. La plaidoirie aussi est aujourd'hui réduite, nous sommes souvent en dépôt de dossier. Si c’est pour remplir un formulaire, on ne voit pas très bien où est la place de l’avocat mais surtout où est la place de la justice et du débat judiciaire. C’est pour ces raisons qu’il y a une crainte, surtout avec une rentrée qui est un peu compliquée pour tout le monde en période de Covid. Nous rencontrons déjà des difficultés comme, par exemple, sur la réforme de la prise de dates. Les choses ne sont pas encore abouties, les tribunaux ne sont pas prêts. On s’arrache déjà les cheveux sur prises de dates pour des assignations avec des risques de prescription et le délai et on souhaite nous rajouter des éléments qui n’ont pas de sens !

Lexbase Avocats : D’autres solutions alternatives ont-elles déjà été proposées pour réduire les délais de jugement ?

Florian Borg : La première des solutions, comme je l'ai rappelé, c'est déjà d’augmenter les moyens de la justice civile. Les moyens de la justice ont été très souvent augmentés ces dernières années, mais c'est en général en direction de la justice pénale et surtout de la détention. La profession le dit de manière quasi unanime, la question des délais se règle d'abord par la question des moyens. Avoir aujourd'hui dans certains prud'hommes des convocations en audience de plaidoirie en 2023, c'est un véritable déni judiciaire ! Commençons par cette question.

Nous savons qu'il y aura des annonces sur une augmentation du budget pour 2022. Nous attendons de voir le contenu dans le projet de loi de finances pour savoir à quoi cela correspond. Mais si, une fois encore les moyens ne sont pas mis sur la justice civile, on n'en sortira pas. On continuera à détourner les dossiers de la justice civile par des mesures alternatives, soit en fermant et en complexifiant la procédure, soit en renvoyant les gens vers des procédés alternatifs au contentieux judiciaire, qui en soi, peut être une bonne chose pour régler les conflits, mais quand on a besoin de saisir un tribunal, il faut toujours pouvoir le faire, quel que soit le contentieux.

Lexbase Avocats : Le CNB a donc adopté une résolution vendredi dernier. Quels messages l’institution souhaite-t-elle faire passer à la Chancellerie ?

Florian Borg : Le fait que l'assemblée générale du CNB ait rejeté ce projet n'empêche pas que nous continuions à avoir des échanges réguliers avec la Chancellerie. En réalité, le message qui est passé auprès de la Chancellerie est de dire, si nous devons discuter, discutons à partir d'éléments sérieux comme nous le faisons sur d'autres dossiers et engageons un travail plus global parce que nous avons des propositions à faire en matière de procédure civile. Cela concerne aussi, et c'est une demande très forte du conseil national des barreaux et des avocats, de réviser la procédure « Magendie » pour la remettre à plat et de rediscuter de la procédure d'appel. Nous n’arrivons pas à avoir un dialogue sur la procédure d’appel que déjà on nous ouvre un nouveau dialogue sur la procédure en première instance. Le message que l'on fait passer à la Chancellerie là-dessus est que, sur la procédure civile, il y a des moyens à donner, des réformes à faire, mais des réformes à faire non pas pour fermer la procédure, mais pour l'améliorer et qu'elle soit sérieuse avec des propositions sérieuses et pas des propositions qui visent à empêcher les parties d’accéder au juge.

Pour en savoir plus : lire aussi, Ch. Simon, Structuration des écritures : levée de bouclier contre la Chancellerie, Le Quotidien Lexbase, 22 septembre 2021 (N° Lexbase : N8805BYR).

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Couple - Mariage

[Brèves] Mariage bigame : versement d’une pension de réversion à la seconde épouse en l’absence d’annulation du mariage !

Réf. : CA Nancy, 7 septembre 2021, n° 19/03624 (N° Lexbase : A646443S)

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N8771BYI

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par Aude Lelouvier

Le 21 Septembre 2021

► En application de la jurisprudence retenue par la Cour de cassation en matière de pension de réversion dans l’hypothèse de mariages bigames, la seconde épouse peut prétendre au bénéfice d’une pension de réversion dès lors que son mariage n’a pas été annulé et qu'elle bénéficie alors de la qualité de conjoint survivant.

En l’espèce, en 1951, deux personnes ont contracté mariage en Algérie. En 1962, l’époux s’est remarié en France avec une seconde personne. L’époux est décédé le 13 novembre 2000.

La caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) a accordé à la seconde épouse le bénéfice de la pension de réversion de son défunt époux à compter du 1er décembre 2000.

Le 29 juin 2004, la première épouse a déposé une demande de pension de réversion, laquelle a été rejetée par la CRAM avec confirmation par la commission de recours amiable.

La première épouse a saisi le tribunal des affaires de Sécurité sociale de Nancy, lequel, par jugement du 21 mai 2008, l’a déboutée de sa demande. Celle-ci a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 15 juillet 2009, la cour d’appel de Nancy a infirmé le jugement déféré et déclaré la première épouse bénéficiaire de l’intégralité de la pension de réversion du défunt époux considérant que « le fait qu’aucune décision n’ait prononcé la nullité du second mariage et ne l’ait déclaré putatif à l’égard de la seconde épouse interdit tout partage de la pension de réversion entre les deux épouses successives et implique son versement intégral à la première des deux ».

Le 26 mars 2013, la seconde épouse a formé tierce opposition à cet arrêt. La réouverture des débats a été ordonnée par arrêt du 12 janvier 2020, et la seconde épouse a sollicité de la cour in fine de juger que la totalité de la pension de réversion lui était due.

Ainsi, la cour d’appel de Nancy devait déterminer si la seconde épouse pouvait bénéficier de la pension de réversion de son défunt époux alors même que leur mariage faisait l’objet d’une situation de bigamie prohibée par l’ordre juridique français.

Les magistrats de la cour d’appel rappelaient tout d’abord que « l’article L. 353-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4556IR8), dans sa rédaction à la date du décès de l’assuré, [prévoit] qu’en cas de décès de ce dernier, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion s’il satisfait à des conditions de ressources personnelles, de durée de mariage et d’âge ». Néanmoins, ils précisaient la position de la Cour de cassation quant aux conséquences résultant d’une situation de bigamie prohibée par la conception française de l’ordre public international.

C’est ainsi que les juges du fond ont mis en exergue que conformément à la position de la Haute Cour, « un organisme de Sécurité sociale ne (peut) rejeter une demande de versement d’une pension et solliciter le remboursement des sommes perçues au titre de conjoint survivant alors qu’en l’absence d’annulation du mariage l’intéressé avait la qualité de conjoint survivant ».

Ce n’est que rappeler la position de la Cour de cassation, en vertu de laquelle les juges ne peuvent priver d’effets un mariage pour cause de bigamie, alors qu’en l’absence d’annulation de ce mariage, la veuve a qualité de conjoint survivant (Cass. civ. 2, 9 octobre 2014, n° 13-22.499, F-D N° Lexbase : A2092MY7 et Cass. civ. 2, 5 novembre 2015, n° 14-25.565, F-D N° Lexbase : A0147NWD). 

Par conséquent, la cour d’appel a considéré que la seconde épouse remplissait toujours les conditions lui permettant de bénéficier de la pension de réversion de son époux défunt.

Bien que la cour d’appel ait poursuivi la ligne directrice instaurée par la Cour de cassation, cette position semble pour l’heure compromise. En effet, l’article 29 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (N° Lexbase : L6128L74) prévoit désormais d’introduire à l’article L. 161-23-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7463L7K) la disposition suivante : « Sous réserve des engagements internationaux de la France, une pension de réversion au titre de tout régime de retraite de base et complémentaire, légal ou rendu légalement obligatoire, ne peut être versée qu'à un seul conjoint survivant. En cas de pluralité de conjoints survivants, la pension de réversion est versée au conjoint survivant de l'assuré décédé dont le mariage a été contracté, dans le respect des dispositions de l'article 147 du Code civil (N° Lexbase : L1573ABU), à la date la plus ancienne ». En d’autres termes, la jurisprudence de la Cour de cassation arrive à son terme. Désormais, seule la première épouse pourra bénéficier d’une pension de réversion ! (V. L. Bedja, Pension de réversion et polygamie : nouvelle réglementation par la loi confortant le respect des principes de la République, Lexbase Social, septembre 2021, n° 875 (N° Lexbase : N8591BYT).

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Divorce

[Brèves] Rejet de l’exception de litispendance lorsque le juge français du divorce a été déclaré compétent par décision passée en force de chose jugée : épisode 2 !

Réf. : Cass. civ. 1, 15 septembre 2021, n° 20-19.640, FS-B (N° Lexbase : A918444W)

Lecture: 5 min

N8810BYX

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par Aude Lelouvier

Le 23 Septembre 2021

► La compétence du juge aux affaires familiales français acquise par ordonnance de non-conciliation passée en force de chose jugée ne saurait être remise en cause par exception de litispendance invoquée dans l’instance au fond du divorce.

Dans cet arrêt, deux époux franco-tunisiens ont saisi les juridictions tunisiennes le 14 décembre 2010 d’une demande en divorce, lequel a été prononcé par un arrêt du 19 novembre 2012 devenu irrévocable. Cependant, le 11 avril 2011, l’épouse a saisi les juridictions françaises d’une requête en divorce.

Par ordonnance de non-conciliation du 20 juin 2011, le juge aux affaires familiales a rejeté l’exception de litispendance soulevée par l’époux, lequel n’en a pas relevé appel. Néanmoins, dans l’instance au fond, l’époux a opposé à la demande en divorce de l’épouse l’autorité de la chose jugée attachée au jugement de divorce tunisien.

À la suite d’un jugement rendu en première instance, la cour d’appel de Metz (CA Metz, 24 mai 2016, n° 15/03168 N° Lexbase : A3562RQY) a accueilli cette fin de non-recevoir considérant que le jugement de divorce tunisien n’était pas contraire à une décision française ayant autorité de la chose jugée.

Par arrêt du 12 juillet 2017 (Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, n° 16-22.158, FS-P+B N° Lexbase : A9725WM7), la Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif que « le juge aux affaires familiales avait déclaré le juge français compétent pour connaitre du divorce par une décision passée en force de chose jugée ». En d’autres termes, la Haute cour rappelait que dès lors que le juge aux affaires familiales a déclaré le juge français compétent pour connaître du divorce, par une décision passée en force de chose jugée, il ne peut accueillir l’exception de litispendance soulevée devant la cour d’appel statuant au fond (v. A.-L. Lonné-Clément, Lexbase Droit privé, juillet 2017, n° 707 N° Lexbase : N9561BWZ).

La cour d’appel de Paris, par arrêt du 30 juin 2020, statuant sur renvoi après cassation, a décidé que le jugement de divorce tunisien n’était pas contraire à l’ordonnance de non-conciliation passée en force de chose jugée dans la mesure où le juge aux affaires familiales n’a statué quant à la compétence et à la loi applicable que pour la conciliation prévue aux articles 252 (N° Lexbase : A918444W) et 257 (N° Lexbase : L7170IMI) du Code civil, sans préjuger de la compétence du juge qui serait saisi au fond de l’instance.

En d’autres termes, la cour d’appel, malgré l’arrêt du 12 juillet 2017, retient une compatibilité de décisions en retenant que la compétence du juge aux affaires familiales français se restreignait à la phase de conciliation sans que cela concerne l’instance au fond.

La Cour de cassation, dans cet arrêt, censure donc de nouveau l’arrêt d’appel au visa de l’article 15 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l’exécution des décisions juridiques du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie, et au visa de l’article 1110 du Code de procédure civile dans sa rédaction antérieure (N° Lexbase : L1625H4X).

Ainsi, elle rappelle qu’en vertu de cette convention bilatérale, « les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l’autre État à la condition, notamment, que la décision ne soit pas contraire à une décision judiciaire rendue dans l’État requis et y ayant autorité de la chose jugée ».

Puis, elle précise qu’en vertu des dispositions du Code de procédure civile, « en matière de divorce, l’exception de litispendance ne peut être invoquée que devant le juge aux affaires familiales avant toute tentative de conciliation. La décision rendue de ce chef est revêtue de l’autorité de la chose jugée et l’appel est immédiatement recevable, même si l’ordonnance rendue ne met pas fin à l’instance ».  

Au regard de ces dispositions, les Hauts magistrats donnent une nouvelle leçon de droit aux juges du fond en leur enseignant qu’au visa de la convention franco-tunisienne et des dispositions du Code de procédure civile, dès lors que le juge français a reconnu sa compétence en matière de divorce par une décision passée en force de chose jugée, sa compétence ne peut être remise en cause postérieurement, et ce même si cette décision intervient dans le cadre de la tentative de conciliation.

En effet, souvenons-nous qu’en l’espèce, la saisine des juridictions tunisiennes a eu lieu en 2010, et l’ordonnance de non-conciliation du juge français, par laquelle l’exception de litispendance a été rejetée, a été rendue et est passée en force de chose jugée en 2011. Par conséquent, la décision de divorce tunisienne intervenue en 2012 ne saurait produire d’effet, la compétence du juge aux affaires familiales étant d’ores et déjà acquise à cette date.

La Haute cour entérine donc sa position et indique que : dès lors que le juge aux affaires familiales français a reconnu sa compétence par une décision passée en force de chose jugée, sa compétence ne saurait être remise en cause, sans qu’il y ait lieu de distinguer la phase de conciliation de l’instance au fond.

Néanmoins, grâce à la réforme du divorce, cette problématique ne sera plus soulevée devant les tribunaux puisque la procédure de divorce ne se scinde plus en deux temps procéduraux, mais se déroule en une seule et même procédure.

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Domaine public

[Brèves] Pas d’indemnité majorée au titre d’une occupation sans droit ni titre du domaine public fluvial pour l’ancien propriétaire du bateau !

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 13 septembre 2021, n° 443019, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9244447)

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par Yann Le Foll

Le 21 Septembre 2021

►VNF ne peut légalement mettre à la charge des requérants une indemnité majorée au titre d’une occupation sans droit ni titre du domaine public fluvial par un navire dont ils n’étaient plus propriétaires à la date de l’occupation en cause et dont ils n’avaient plus la garde au seul motif que la vente du bateau n'est pas opposable aux tiers faute d'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 4121-2 du Code des transports (N° Lexbase : L7532INB).

Indemnité représentative du montant de la redevance due pour occupation du domaine public – principe et application

Dans l'hypothèse où le gestionnaire d'une dépendance du domaine public fluvial poursuit l'indemnisation du préjudice résultant de l'occupation sans titre de cette dépendance par un navire, il est fondé à mettre les sommes correspondantes à la charge soit de la personne qui est propriétaire de ce navire ou qui en a la garde, soit de la personne qui l'occupe, soit de l'une et de l'autre en fonction des avantages respectifs qu'elles ont retirés de l'occupation.

Lorsque, par ailleurs, le navire a fait l'objet d'une cession sans que les formalités prévues par les dispositions précitées de l'article L. 4121-2 du Code des transports aient été accomplies, de sorte que cette cession n'est pas opposable aux tiers, l'autorité gestionnaire du domaine est fondée à poursuivre l'indemnisation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de ce domaine auprès du cédant ou, si elle a connaissance de la cession, du cessionnaire.

La cour administrative d'appel (CAA Lyon, 4ème ch., 25 juin 2020, n° 19LY04588 N° Lexbase : A28373RI) a donc pu se fonder sur ce que la vente du bateau, intervenue par acte sous seing privé le 23 septembre 2015, n'était pas opposable aux tiers, faute pour les acquéreurs d'avoir accompli les formalités d'inscription au registre du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent qui leur incombaient et alors même que les vendeurs auraient accompli toutes les démarches, y compris contentieuses, pour contraindre les acquéreurs à accomplir ces formalités, pour juger que VNF avait légalement pu mettre à la charge des propriétaires du navire une indemnité représentative du montant de la redevance dont ils auraient dû s'acquitter pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré.

Majoration de 100 % de l'indemnité d'occupation égale à la redevance due pour occupation du domaine public – principe et (non) application

Par sa décision n° 2013-341 QPC du 27 septembre 2013 (N° Lexbase : A8221KL3), le Conseil constitutionnel a jugé qu'en prévoyant une majoration de 100 % de l'indemnité d'occupation égale à la redevance qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, l'article L. 2125-8 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4545IQE) instituait une sanction ayant le caractère d'une punition, réprimant le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial.

Dès lors, en jugeant que VNF avait légalement pu établir la majoration de 100 % prévue par l'article L. 2125-8 précité au nom des anciens propriétaires au seul motif que la vente de leur bateau n'était pas opposable aux tiers faute d'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 4121-2 du Code des transports, sans rechercher s’ils pouvaient être regardés, au cours des périodes couvertes par les titres exécutoires en litige, comme les personnes ayant commis l'infraction de stationnement sans autorisation, ou comme les personnes pour le compte desquelles cette infraction a été commise, ou encore comme les personnes ayant la garde effective du bateau, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit au regard du principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait.

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Marchés publics

[Brèves] Réglementation des concours restreints de maîtrise d'œuvre

Réf. : QE n° 21740 de M. Yves Détraigne, JO Sénat, 25 mars 2021, réponse publ. 10 juin 2021 p. 3701, 15ème législature (N° Lexbase : L8855L74)

Lecture: 3 min

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par Yann Le Foll

Le 21 Septembre 2021

► Un parlementaire interroge la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales sur la question des marchés publics et, plus particulièrement, sur les concours restreints de maîtrise d'œuvre lancés par une collectivité territoriale.

Technique d'achat prévue à l'article L. 2125-1 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L7085LQH), le concours permet à un acheteur de choisir, après mise en concurrence et avis d'un jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et de l'architecture. Le concours peut être ouvert ou restreint, auquel cas l'acheteur établit des critères de sélection des participants au concours et fixe, au vu de l'avis du jury, la liste des candidats admis à concourir. Le jury procède, après leur examen, à un classement des plans ou projets des opérateurs économiques admis à participer au concours, et l'acheteur choisit, sur la base de l'avis du jury, le ou les lauréats du concours.

L'article R. 2162-22 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4404LRK) dispose que le jury est composé de personnes indépendantes des participants au concours. Lorsqu'une qualification professionnelle particulière est exigée pour participer à un concours, au moins un tiers des membres du jury doit posséder cette qualification ou une qualification équivalente. En outre, s'agissant des concours organisés par les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, l'article R. 2162-24 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4409LRQ) précise que les membres élus de la commission d'appel d'offres (CAO) font partie du jury. En dehors de ces règles, chaque acheteur est libre de définir les modalités de désignation des membres du jury autres que ceux qui sont membres élus de la CAO.

Ainsi, une collectivité territoriale peut décider de confier cette désignation à l'assemblée délibérante, à l'exécutif ou au président du jury si celui-ci a la qualité de président de la CAO. La délégation prévue au 4° de l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9915LM8), par laquelle le conseil municipal confie au maire la compétence pour « prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget », peut permettre au maire de prendre les décisions relatives à l'organisation et au déroulement du concours, dans la mesure où ce dernier peut être assimilé à une mesure concernant la préparation du marché. En effet, bien qu'il ne constitue pas à proprement parler une procédure d'achat public, le concours peut être regardé comme une étape préparatoire au marché, indissociable de la procédure de passation qui sera ensuite engagée et de l'attribution au lauréat du concours.

Dès lors, les décisions relatives à l'organisation et au déroulement du concours, telles que la fixation du nombre de candidats admis à poursuivre la phase d'offres, du montant de la prime attribuée aux candidats ayant remis une esquisse ou du montant de l'indemnité attribuée aux membres qualifiés composant le jury, peuvent être prises par le maire par délégation du conseil municipal. Néanmoins, le conseil municipal doit expressément prévoir, dans sa délibération portant délégation, que ces décisions sont déléguées au maire, au regard de l'exigence de précision quant à l'étendue de la délégation (CE 3° et 8° s-s-r., 2 février 2000, n° 117920, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9201AGU).

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Procédure civile

[Point de vue...] Structuration des écritures : levée de bouclier contre la Chancellerie

Lecture: 9 min

N8805BYR

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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris

Le 21 Septembre 2021


Mots-clés : procédure civile • profession d’avocat • conclusions • structuration des écritures • réforme • DACS


Les propos de l'auteur sont faits à titre personnel et n’engagent en rien les associations professionnelles dont il est membre.

La Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) a produit une note le 27 août 2021 faisant des propositions pour la structuration des écritures des parties. Ce n’est pas la première fois que des tentatives sont faites en ce sens (I). Mais ses dernières propositions (II) sont choquantes (III) et enflamment déjà la profession d’avocat (VI). Qu’en sortira-t-il ? A priori, rien de bon (V).

I. La précédente tentative de structuration des écritures

La structuration des écritures des parties est un serpent de mer qui ressurgit épisodiquement au motif que la qualité des écritures judiciaires se dégraderait depuis quelques années. Les maux invoqués sont une longueur excessive des conclusions, une absence de plan, de cohérence et la mauvaise rédaction du dispositif des conclusions (Droit & Procédure, La structuration des conclusions, 2017).

Mais la montagne n’avait, jusqu’à présent, accouché que d’une souris. L’article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7253LED) sur les conclusions devant la cour d’appel, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile (N° Lexbase : L2696LEL), prévoit en effet que :
« les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. »

Des dispositions similaires concernent les conclusions devant le tribunal judiciaire et se trouvent à l’article 768 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9310LTY) depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile (N° Lexbase : L8421LT3).

Pas de quoi fouetter un chat cependant, d’autant qu’aucune sanction n’est attachée à la violation de ces dispositions. Elles n’ont donc qu’une portée indicative sur la façon dont présenter formellement ses conclusions.

II. Les dernières propositions de la DACS

Les dernières propositions de la DACS vont beaucoup plus loin et prennent un tour nettement punitif pour les parties et leurs avocats.

La DACS propose en effet d’imposer aux parties une synthèse de leurs moyens à la fin de la partie « discussion » de leurs conclusions. La longueur de cette synthèse ne pourrait dépasser 10 % des conclusions dans la limite de mille mots, soit environ deux pages maximum selon la DACS.

La DACS indique qu’il n’apparaît pas opportun de prévoir une sanction particulière en cas d’absence de synthèse des moyens dans les conclusions. En effet, dans une telle hypothèse, une voie de recours devrait être prévue pour pouvoir contester l’irrecevabilité ainsi prononcée. Si cela apparaît possible en première instance, ce serait particulièrement complexe à intégrer à la procédure d’appel qui est encadrée par des délais stricts d’après la DACS.

Louable intention, il est vrai que les règles de procédure n’ont pas pour but de complexifier le traitement des dossiers.

De façon totalement ubuesque, la DACS poursuit cependant en indiquant qu’il serait toutefois possible de reproduire le dispositif qui existe déjà pour les prétentions et de prévoir que le tribunal n’est valablement saisi que des moyens développés dans la discussion et récapitulés dans la synthèse.

Résumons : afin de ne pas alourdir la procédure, les juges pourraient donc considérer n’être saisis de rien pour la simple et unique raison qu’un résumé des moyens des parties ne leur a pas été fourni. Plus fort encore, cette décision des juges refusant de juger pour une raison de pure forme serait sans recours possible car il ne s’agirait pas d’une sanction procédurale pour la partie ainsi privée de son droit d’être entendue par la justice.

III. L’institutionnalisation du déni de justice

La proposition de la DACS a un nom, cela s’appelle un déni de justice. Cela constitue un délit pénal puni de 7 500 euros d'amende et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques pour une durée de cinq à vingt ans aux termes de l’article 434-7-1 du Code pénal (N° Lexbase : L1777AMR).

Certes, l’article 4 du Code civil (N° Lexbase : L2229AB8) donne une interprétation restrictive du déni de justice, centrée autour de la loi :

« le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »

Mais l’article L. 141-3 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L4739H9E) est beaucoup plus large :

« les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :
« 2° S'il y a déni de justice.
« Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées. »

Par ailleurs, l’article 30 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1167H4Y), se trouvant dans ses dispositions liminaires, est clair :

- « l’action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. »
- « Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention. »

L’action, c’est donc le droit d’être entendu au fond. La forme ne peut prendre le pas que de façon exceptionnelle sur ce principe fondamental.

On retrouve cette même idée à l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) qui garantit un droit d’accès effectif au juge. Comme la Cour de cassation le rappelait dans un colloque de 2000, « si ce droit, qui n’est pas absolu, peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État », « les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même » (Cour de cassation, L’application, par le juge français, de l’article 6-1 de la CEDH).

IV. Les réactions de la profession d’avocat

Les réactions ne se sont pas faites attendre du côté des avocats. Le 17 septembre 2021, la FNUJA twittait ainsi « s’oppos[er] à la proposition visant, non pas à la structuration des écritures devant le tribunal judiciaire et la cour d’appel, mais à leur standardisation qui, sous couvert du souhait affiché d’accélérer le traitement judiciaire des dossiers, portera atteinte au droit à un procès équitable ».

Quant au Conseil national des Barreaux, il votait le même jour une résolution aux termes de laquelle il « s’oppose à l’accroissement abusif des contraintes méthodologiques assimilées à des règles processuelles assorties de sanctions irréversibles, qui génèrent une augmentation des incidents de procédure, des recours, ainsi qu’un alourdissement et un allongement des procès dans le but illusoire de compenser l’absence chronique des moyens dévolus à la justice » et « rappelle que les règles procédurales ne sont pas destinées à la gestion des flux mais à favoriser des décisions judiciaires de qualité ».

Il conclut en soulignant que « le justiciable attend d’une bonne justice d’être entendu dans un délai raisonnable, ce qui est strictement inverse à une telle proposition qui entrave l’accès au juge et porte atteinte au droit à un procès équitable ».

V. Que peut-on espérer demain ?

Les précédentes réformes de la procédure civile tendent à montrer que la DACS ne tient pas compte de l’avis des avocats. Son objectif est clair et unique : vider les stocks des tribunaux, quitte à barrer l’accès au juge en créant des obstacles formels avant et après sa saisine (obligation de recours préalable à un mode de règlement alternatif des litiges ; règles de forme alambiquées sans réel apport pour le bon déroulement du procès mais assorties de sanctions permettant de rejeter des demandes sans les juger au fond si elles ne sont pas respectées à la lettre).

Il est donc vraisemblable que, une fois de plus, la DACS passe sa réforme sans autre forme de procès. Même si les faits lui donnent tort et que les délais continuent de s’allonger devant les juridictions, comme devant les cours d’appel à la suite des réformes Magendie, elle continue ainsi son bonhomme de chemin, sûre d’elle et de la pertinence des réformes qu’elle empile de plus en plus vite.

Car, depuis son décret de réforme de la procédure civile du 11 décembre 2019, la DACS a déjà produit un nouveau décret de réforme (Décret n° 2020-1452, du 27 novembre 2020, voir C. Simon, Même joueur joue encore : la réforme de la réforme de la procédure civile, Lexbase Droit privé, décembre 2020, n° 847 (N° Lexbase : N5622BYU) et un autre est en cours d’examen devant le Conseil d’État et devrait être publié sous peu. La dernière réforme annoncée sera donc la quatrième en moins de deux ans.

Le sentiment de l’auteur de ses lignes est ainsi d’assister à la course d’un poulet sans tête. Cela serait comique s’il n’en subissait pas lui-même les effets au quotidien, en tant que praticien, et s’il n’anticipait que cette nouvelle réforme n’améliorera en rien le traitement de ses dossiers judiciaires. Au contraire, malgré ce que la DACS croit, quand les tribunaux expulsent des dossiers sur la forme, sans les juger sur le fond, ils ne disparaissent pas : des recours sont tentés, même si la DACS les pense inexistants, et des contentieux de responsabilité civile professionnelle des avocats naissent. La charge des tribunaux s’accroit ainsi mécaniquement, avec des dossiers de forme, sans améliorer le traitement des « vrais » dossiers, de fond. Et c’est de cette façon que le poulet rebondit de mur en mur, croyant avancer droit quand, en réalité, il titube.

Pour aller plus loin : Retrouvez l'interview de Florian Borg, avocat au barreau de Lille, élu au SAF, secrétaire au CNB et rapporteur du projet lors de l’Assemblée Générale du CNB, qui a accepté pour Lexbase Avocats (N° Lexbase : N8820BYC) et Lexradio [podcast]  de revenir sur les enjeux d’une telle proposition de réforme.

 

newsid:478805

Représentation du personnel

[Brèves] Transmission d’une QPC sur la qualité d’électeur au CSE de dirigeants de magasin

Réf. : Cass. QPC, 15 septembre 2021, n° 21-40.013, FS-B (N° Lexbase : A922144B)

Lecture: 3 min

N8808BYU

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par Charlotte Moronval

Le 21 Septembre 2021

► Est transmise au Conseil constitutionnel, la QPC portant sur l'exclusion des salariés assimilés à l’employeur de l'électorat pour les élections professionnelles, en ce qu’elle porterait atteinte au principe constitutionnel de participation des travailleurs prévu par le point 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU).

Dans les faits. Une société de la grande distribution organise la mise en place d'un CSE au sein d'établissements. Pour un des établissements, le premier tour des élections a eu lieu du 26 au 29 novembre 2019. Une fédération syndicale saisit le tribunal d’instance aux fins d'annulation des élections professionnelles pour le troisième collège, titulaires et suppléants, au sein de cet établissement, au motif que les directeurs de magasin avaient été inscrits en qualité d'électeurs. L'affaire est renvoyée au tribunal judiciaire et réinscrite, à la demande de la fédération syndicale, au vu de l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans une affaire connexe (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233, F-P N° Lexbase : A47664NT, lire Ch. Moronval, Lexbase Social, avril 2021, n° 861 N° Lexbase : N7146BYC). Le 18 mai 2021, un syndicat sollicite la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité.

La QPC. Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« La disposition de l'article L. 2314-18 du Code du travail (N° Lexbase : L8492LGM) telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d'électeur aux élections professionnelles, et en n'encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n'être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? ».

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale considère que la question est sérieuse et la renvoie au Conseil constitutionnel.

Rappel. Les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du Code du travail (N° Lexbase : L8491LGL) sont interprétés en ce sens que ne peuvent ni exercer un mandat de représentation du personnel ni être électeurs les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel.

Dès lors, l'article L. 2314-18 du Code du travail, en ce qu'il écarte les personnes inéligibles en application de l'article L. 2314-19 du même code de la possibilité de participer en tant qu'électeur à l'élection des membres du comité social et économique, pourrait être considéré comme instituant une atteinte non proportionnée au principe de participation des travailleurs reconnu à l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

newsid:478808

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Impact d’un recours gracieux sur le délai de prescription de l’action en contestation du licenciement

Réf. : Cass. soc., 8 septembre 2021, n° 19-22.251, FS-B (N° Lexbase : A894443N)

Lecture: 2 min

N8747BYM

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par Charlotte Moronval

Le 21 Septembre 2021

► Dans le cadre d’une action en justice portant sur la rupture du contrat de travail, le point de départ de la prescription est la date de rupture du contrat de travail mais en cas de recours interne ouvert au salarié contre la décision de son employeur, le délai de prescription court à compter de la notification de la décision du directeur général statuant sur recours gracieux.

Faits et procédure. Le 7 mars 2013, une salariée, dont le contrat de travail est soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières, est licenciée pour faute grave, mesure consistant statutairement en une mesure de mise à la retraite d’office. Le 30 mars 2013, elle forme un recours gracieux auprès du directeur général de la société qui maintient la sanction puis saisit la juridiction prud’homale le 10 juillet 2015 de diverses demandes en paiement au titre de la rupture de son contrat de travail.

Pour juger l’action de la salariée prescrite, la cour d’appel (CA Metz, 20 mai 2019, n° 18/00783 N° Lexbase : A8868ZB3) retient que le point de départ de la prescription est la date de rupture du contrat de travail, soit le 9 mars 2013, date de notification de la lettre de licenciement et que l’introduction d’un recours gracieux devant le directeur général de la société n’étant pas une demande en justice, elle ne saurait avoir ni effet interruptif, ni suspensif sur le cours de la prescription. Elle ajoute que la loi du 14 juin 2013 (N° Lexbase : L0394IXU), promulguée le 17 juin 2013, ayant réduit le délai de prescription à deux ans, ce nouveau délai commençait à courir le 17 juin 2013, alors que l’action a été engagée le 10 juillet 2015.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. Le délai de prescription de l’action en contestation du licenciement courait à compter de la notification de la décision du directeur général statuant sur recours gracieux.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les compétences du conseil de prud’hommes, Les litiges liés à la rupture du contrat de travail, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E4960EXY).

 

newsid:478747

[Brèves] Mention manuscrite : cession par un associé de ses droits sociaux et notion de créancier professionnel

Réf. : Cass. com., 8 septembre 2021, n° 20-17.035, FS-D (N° Lexbase : A258944N)

Lecture: 3 min

N8743BYH

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par Vincent Téchené

Le 21 Septembre 2021

► La cession par un associé des droits qu'il détient dans le capital d'une société ou le remboursement des avances qu'il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l'exercice d'une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée ;

Par conséquent, la créance de ce dernier au titre du cautionnement garantissant le prix de cession de ses parts sociales et le remboursement de son compte courant d'associé n'est pas née dans l'exercice de sa profession ni ne se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même accessoire, de sorte que ce dernier n’étant pas un créancier professionnel, le formalisme légal concernant les mentions manuscrites de la caution n'est pas applicable.

Faits et procédure. Les associés d’une société ont cédé l'intégralité des parts sociales composant le capital de cette dernière moyennant le prix de 15 000 euros payable en cinq échéances, la société cédée s'engageant à rembourser à l’un des associés son compte courant d'associé d'un montant de 90 000 euros.

Par le même acte, le dirigeant de la société acquéreuse des parts sociales s'est rendu caution solidaire du règlement du solde du prix de vente et du remboursement du solde du compte courant. Les deux dernières échéances n'ayant pas été payées, le bénéficiaire du cautionnement a assigné la caution en exécution de son engagement. La caution soutenait, pour sa part, que son engagement était nul, faute d’avoir respecté les prescriptions légales relatives à la mention manuscrite.

La cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 25 juin 2019, n° 16/08704 N° Lexbase : A4039ZGP) ayant retenu que l’engagement de la caution n'encourait pas la nullité, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle qu’au sens des articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI), devenu L.  331-1 (N° Lexbase : L1165K7B), et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7), devenu L. 331-2 (N° Lexbase : L1164K7A), du Code de la consommation, le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale (v. déjà, Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-15.910, FS-P+B+I N° Lexbase : A7351EI4) – Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B N° Lexbase : A5284IAX – Cass. com., 27 septembre 2017, n° 15-24.895, F-P+B+I N° Lexbase : A1400WTZ ; G. Piette, Lexbase Affaires, novembre 2017, n° 530 N° Lexbase : N1168BXK).

Dès lors, énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

Précision. Si l’associé personne physique n’est pas un professionnel, la Cour de cassation a, en revanche, considéré qu’en procédant à une acquisition de parts d'une société et à un apport en compte courant au bénéfice de cette dernière, une société, bénéficiaire du cautionnement, a entendu réaliser un investissement en rapport direct avec une activité de diversification, de sorte que du chef de la créance née d'un tel investissement, fût-il accessoire au regard de son activité principale, cette société doit être regardée comme un créancier professionnel (Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-15.910, FS-P+B+I, préc).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les conditions de formation du cautionnement, La notion de « créanciers professionnels », in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E1858GA3).

 

newsid:478743

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Application d’un taux de TVA distinct pour des prestations réalisées par des forains sédentaires et par des forains itinérants validée par la CJUE

Réf. : CJUE, 9 septembre 2021, aff. C-406/20, Phantasialand (N° Lexbase : A8959439)

Lecture: 2 min

N8712BYC

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par Marie-Claire Sgarra

Le 21 Septembre 2021

La législation européenne ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle, d’une part, les prestations réalisées par des forains itinérants et, d’autre part, celles réalisées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs sont soumises à des taux de TVA distincts, l’un réduit, l’autre normal, à condition que le principe de neutralité fiscale soit respecté ;

► Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que la juridiction de renvoi, lorsqu’elle éprouve des difficultés particulières en vérifiant le respect du principe de neutralité fiscale, sollicite, dans les conditions prévues en droit national, une expertise destinée à éclairer son jugement.

Les faits : selon le requérant, est contraire au principe de neutralité fiscale le fait que, en vertu de la réglementation nationale, un taux réduit de TVA est appliqué aux opérations réalisées par les forains non-sédentaires à l’occasion de foires à caractère saisonnier et temporaire, alors que celles réalisées par les forains sédentaires, telles que celles en cause au principal, sont soumises au taux normal de TVA.

🔎 Rappel : la Directive TVA ne contient pas de définition de la notion de « foires », ni de celle de « parcs d’attractions ».

S’agissant du sens habituel en langage courant des expressions « parc d’attractions » et « foires », ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, l’expression « parc d’attractions » désigne un terrain aménagé, comportant diverses installations destinées à la détente et à l’amusement, tandis qu’une « foire », bien qu’elle soit, en général, également dotée de telles installations, se caractérise par le fait qu’elle a lieu, quoiqu’avec une certaine régularité, pendant une période temporaire.

⚖️ Réponse de la Cour : relèvent de la notion de « foires » les prestations des forains qui opèrent temporairement au moyen d’installations itinérantes, alors que la notion de « parcs d’attractions » recouvre les activités exercées par les forains sédentaires, revêtant un caractère durable. En revanche, la notion de « parcs d’attractions » ne saurait être interprétée comme englobant les prestations des forains itinérants, dès lors que la notion de « foires » n’aurait, dans cette hypothèse, plus de champ d’application propre.

👉 Un État membre peut appliquer un taux réduit de TVA aux prestations effectuées par des forains itinérants, tout en appliquant le taux normal à celles effectuées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs.

newsid:478712

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