Le Quotidien du 23 septembre 2021

Le Quotidien

Autorité parentale

[Brèves] Garde de l’enfant fondée sur l’orientation sexuelle de la mère : violation du principe de non-discrimination et du droit au respect de la vie privée !

Réf. : CEDH, 16 septembre 2021, Req. 20741/10, X c. Pologne [en anglais]

Lecture: 5 min

N8816BY8

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par Aude Lelouvier

Le 22 Septembre 2021

► Conformément au principe de non-discrimination combiné au droit au respect de la vie privée garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, la décision statuant sur la garde d’un enfant ne saurait dépendre de l’orientation sexuelle de l’un des parents.

Dans cette affaire, un lourd contentieux familial s’est ouvert à propos de la garde de quatre enfants, et particulièrement du petit dernier. La mère, entretenant une relation avec une autre femme, a demandé le divorce en 2005, lequel a été prononcé la même année lui accordant la garde de ses quatre enfants. Cependant, en 2006, le père des enfants a saisi les juridictions polonaises aux fins de modifier le régime de garde.

Au regard des différents rapports d’expertise relatifs à la capacité parentale respective de chaque parent, et faisant expressément état de l’homosexualité de la mère et de sa relation amoureuse avec une autre femme, les juridictions polonaises ont accordé l’ensemble des droits parentaux au père. Néanmoins, conformément à l’accord des parents, le plus jeune de leurs enfants est resté vivre avec sa mère.

C’est la raison pour laquelle, en 2008, la mère a demandé la révision de la décision accordant l’ensemble des droits parentaux au père en ce qui concerne leur plus jeune fils. Sa demande a de nouveau été rejetée, les tribunaux polonais considérant que la mère se préoccupait davantage de sa relation amoureuse avec sa petite amie. En sus, son enfant lui a été retiré pour être remis au père.

Elle a alors contesté l’impartialité du juge. Pour autant, les juridictions polonaises se sont de nouveau prononcées en 2009 et lui ont refusé les droits parentaux réclamés sur son plus jeune enfant considérant notamment que cette décision est « justifiée par le stade actuel du développement de l’enfant et le rôle plus important du père dans la création du modèle masculin [de l’enfant] ». Cette décision a été confirmée en appel.

La mère a donc introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme le 18 mars 2010 invoquant l’article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) relatif au principe de non-discrimination combiné à l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) relatif au droit au respect de la vie privée considérant que la garde de son enfant lui a été refusée en raison de son orientation sexuelle.

La Cour européenne des droits de l’Homme s’est alors attelée à déterminer s’il y avait eu une différence de traitement à l’égard de la requérante avec un quelconque parent en raison de son orientation sexuelle. C’est ainsi, qu’en épluchant les différents rapports d’expertise, ainsi que les décisions de justice des juridictions polonaises, la Cour a en premier lieu constaté que « les références à l'homosexualité du requérant et à sa relation avec [son amie] étaient prédominantes dans la première procédure concernant [le plus jeune des enfants] et ses frères et sœurs », et en second lieu que ces rapports d’expertise et cette première procédure ont eu une incidence décisive sur la seconde procédure relative à la garde du plus jeune fils.

En outre, la Cour européenne arrive à « la conclusion incontournable » selon laquelle l’ « orientation sexuelle [de la requérante] et sa relation avec une autre femme étaient systématiquement au centre des délibérations à son égard et omniprésente à tous les stades de la procédure judiciaire », et en conséquence qu’ « il y avait donc une différence de traitement entre le requérant et tout autre parent souhaitant avoir la garde complète de son enfant » et que « cette différence était fondée sur son orientation sexuelle ».

Ainsi, après avoir considéré cette différence de traitement, la Cour devait se demander si ce traitement discriminatoire avait une justification objective et raisonnable. Or, la Cour relève que, bien que les tribunaux polonais se soient attachés à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant notamment en tenant compte de la stabilité de cohabitation de l’enfant avec ses frères et sœurs, « la référence au "modèle masculin" a été répétée à chaque étape de la procédure finale en tant que considération essentielle dans l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'enfant ».

La Cour a alors considéré que « la référence discriminatoire à l'importance d'un modèle masculin pour l'éducation du garçon […] a été un facteur décisif » dans le rejet des demandes de la mère, et surtout que « cette considération l'emportait sur les autres arguments » comme le jeune âge de l’enfant, son lien fort avec sa mère, l’accord du père, etc. En tout état de cause, la Cour indique qu’elle « ne peut ignorer que les juridictions internes ont considéré qu'une appréciation positive des compétences de la requérante en tant qu'aidante principale de ses enfants dépendait de l'arrêt de sa relation avec [son amie]. Les juridictions ont qualifié sa relation d'"implication excessive" et d'"attitude" qui avait besoin d'être "corrigée" et s'attendait à ce que la relation soit "abandonnée" et que [son amie] soit "exclue de la vie de famille" ».

C’est la raison pour laquelle, la Cour européenne ne peut que conclure à la violation de l’article 14 combiné à l’article 8 de la CESDH puisque « les autorités internes ont opéré une distinction fondée uniquement ou de manière décisive sur des considérations relatives à son orientation sexuelle, distinction qui n'est pas acceptable au regard de la Convention ».

newsid:478816

Contrat de travail

[Brèves] Rupture d’un CDD avant son terme : étendue du préjudice indemnisable

Réf. : Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 19-21.311, FS-B (N° Lexbase : A9190447)

Lecture: 3 min

N8855BYM

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par Charlotte Moronval

Le 22 Septembre 2021

► Un artiste salarié, dont le contrat à durée déterminée a été rompu avant son terme de manière illicite, peut réclamer la réparation d’un préjudice causé par la perte de chance de percevoir des gains liés à la vente et à l’exploitation d’albums non produits.

Dans les faits. Une société de production signe avec un artiste un contrat à durée déterminée, suivant lequel ce dernier concédait à la société de production l'exclusivité de la fixation de ses interprétations, de la reproduction sur tous supports, par tout procédé de la communication au public de ses enregistrements audio et/ou audiovisuels d'oeuvres musicales pour le monde entier en vue de la réalisation de trois albums phonographiques, moyennant :

  • le versement d’un salaire par enregistrement ;
  • de redevances assises sur le produit de la vente des enregistrements et d'avances sur les redevances.

Après la réalisation et la commercialisation du premier album, la société de production a mis fin au contrat de façon anticipée.

Procédure. L’artiste a saisi la juridiction prud’homale pour qu’il soit jugé que le contrat avait été abusivement rompu avant le terme fixé et que lui soient allouées des sommes en conséquence. Il est débouté de sa demande par la cour d’appel et forme donc un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. Elle rappelle que l’article L. 1243-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2988IQQ) fixe seulement le montant minimum des dommages-intérêts dus au salarié, dont le contrat à durée déterminée a été rompu avant son terme de manière illicite, à un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

Ce montant ne limite pas le préjudice dont le salarié peut réclamer réparation aux seules rémunérations dont il aurait été privé, en sorte que ce dernier peut réclamer la réparation d’un préjudice causé par la perte de chance de percevoir des gains liés à la vente et à l’exploitation des albums non produits dès lors qu’il rapporte la preuve du caractère direct et certain de ce préjudice et que celui-ci constitue une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.

Pour en savoir plus :

  • v. déjà Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-12.306, FS-P+B (N° Lexbase : A2904ZIE) : le juge peut retenir que la rupture illicite des contrats à durée déterminée avait empêché la réalisation de deux des albums faisant l'objet des contrats, que les salariés justifiaient d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance de percevoir les gains liés à la vente et à l'exploitation de ces œuvres, préjudice qui constitue une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ;
  • lire notamment Ch. Radé, L’indemnisation du salarié en cas de rupture injustifiée du CDD, Lexbase Social, septembre 2019, n° 795 (N° Lexbase : N0324BYN) ;
  • v. également ÉTUDE : La rupture ou la fin de contrat à durée déterminée, Les sanctions pour rupture anticipée du CDD du fait de l'employeur, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E48473Y8).

newsid:478855

Droit financier

[Brèves] Diffusion de fausses informations : la cour d’appel de Paris confirme la condamnation de Bloomberg mais allège la sanction

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 16 septembre 2021, n° 20/03031 (N° Lexbase : A952644L)

Lecture: 7 min

N8841BY4

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par Vincent Téchené

Le 22 Septembre 2021

► Est confirmée par la cour d’appel de Paris, la condamnation d’une agence de presse pour avoir diffusé de fausses informations sur une société cotée, sans les avoir préalablement vérifiées, les communiqués de presse litigieux ayant eu pour conséquence une baisse substantielle et rapide de son cours de bourse ;

En revanche, la sanction pécuniaire doit être allégée, dès lors qu’il doit être tenu compte de l’importante réactivité de l’agence de presse pour interrompre puis supprimer la diffusion des dépêches en cause et publier ensuite une série de rectificatifs et démentis.

Faits et procédure. Le 22 novembre 2016, entre 16h06m04s et 16h07, deux journalistes du Speed Desk du bureau parisien de l’agence de presse de la société Bloomberg LP ont publié diverses dépêches sur les terminaux Bloomberg reprenant, en substance, le contenu d’un communiqué de presse frauduleux intitulé « Vinci lance une révision de ses comptes consolidés pour l'année 2015 et le 1er semestre 2016 », reçu à 16h05.

L’activité du Speed Desk consiste en la publication d’informations financières en temps réel, extraites de communiqués de presse ou d’autres sources et relayées sous forme de flash ou alertes.

Ce communiqué mentionnait notamment la découverte d’irrégularités comptables très graves nécessitant une révision des comptes consolidés de Vinci au titre de l’exercice 2015 et du premier semestre de l’exercice 2016, avec pour conséquence la constatation d’une perte nette en lieu et place de profits pour la période considérée, ainsi que le licenciement de son directeur financier.

Consécutivement à la diffusion de ces dépêches, dont le contenu a également été relayé par d’autres médias, le cours du titre Vinci a enregistré une baisse de 18,28 %.

Dans une décision du 11 décembre 2019, la Commission des sanctions de l’AMF a infligé à la société Bloomberg LP une sanction de 5 millions d’euros pour avoir diffusé des informations qu’elle aurait dû savoir fausses et susceptibles de fixer le cours du titre Vinci à un niveau anormal ou artificiel (AMF, décision du 11 décembre 2019, sanction N° Lexbase : L0925LUS ; V. Téchené, Lexbase Affaires, décembre 2019, n° 618 N° Lexbase : N1655BYX). Bloomberg a formé un recours contre cette décision.

Décision. La cour d’appel de Paris a donc confirmé sur le fond la décision de la Commission des sanctions ; elle l’infirme néanmoins en ce qui concerne la sanction.

Des 26 pages de l’arrêt, on relèvera plusieurs éléments importants.

  • Application des règles sur les abus de marchés aux journalistes

Ainsi les juges d’appel retiennent qu’il résulte du libellé clair et précis de l’article 21 du Règlement « MAR » (Règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 N° Lexbase : L4814I3P), lequel institue un régime spécifique destiné à concilier la lutte contre les abus de marché avec les exigences découlant de la liberté de la presse, combiné à celui des articles 12 et 15 du Règlement, que ce texte ne limite, ni ne subordonne le prononcé d’une sanction contre un journaliste ou un organe de presse, du chef de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, au cas où il serait démontré que celui-ci aurait tiré un avantage de cette diffusion ou aurait agi dans l’intention d’induire le marché en erreur.

  • Principe de légalité des délits et des peines

La cour d’appel retient sur ce point qu’il ressort du libellé de ce même article 21 que le caractère licite ou illicite de la diffusion d’une information est apprécié en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la liberté d’expression dans les autres médias et des règles ou codes régissant la profession de journaliste. Il en va particulièrement ainsi pour déterminer si un journaliste ou un organe de presse ayant diffusé des informations fausses ou trompeuses aurait dû savoir, au sens de l’article 12 du Règlement « MAR », que lesdites informations présentaient ces caractéristiques.

En outre, la circonstance selon laquelle il n’existerait pas en France, à la différence d’autres pays européens, de régulation contraignante de la profession de journaliste, n’est pas de nature à remettre en cause, au nom du principe de légalité des délits et des peines, l’application en l’espèce de l’article 21 du Règlement « MAR ».

Par ailleurs, les juges parisiens précisent qu’en tant que professionnel averti du monde de la presse, l’agence de presse avait nécessairement connaissance de l’abondante et constante jurisprudence de la CEDH sur les devoirs et responsabilités des journalistes, notamment en ce qui concerne l’étendue de l’obligation de vérification de déclarations factuelles à caractère diffamatoire, ainsi que des chartes (Charte de Munich sur les devoirs et les droits des journalistes de 1971 et Charte française d’éthique professionnelle des journalistes, dite Déclaration de Bordeaux de 2019).

Ainsi, Bloomberg était pleinement en mesure, à partir du libellé de l’article 21 du Règlement « MAR », renvoyant aux règles pertinentes en la matière, à la fois accessibles et prévisibles, d’évaluer à un degré raisonnable les risques encourus en cas de diffusion de fausses informations, quitte à s’entourer des conseils de juristes spécialisés.

  • Matérialité du manquement  

La cour d’appel relève, ensuite, que les dépêches litigieuses revêtent un caractère diffamatoire particulièrement grave. En effet, elles font état d’une série de faits précis et convergents mettant directement en cause la gestion et la solidité financière d’une société déterminée. Dès lors, en alléguant ainsi que Vinci connaît une importante dégradation de sa situation financière, les dépêches en cause affectent gravement sa réputation de société cotée. La diffusion de ces dépêches en cours de bourse, dont certaines à deux reprises, a amplifié la gravité de ces allégations. Il s’en est d’ailleurs suivi une chute brutale du cours du titre.

Ainsi, les juges parisiens retiennent-ils que les dépêches litigieuses présentent toutes les caractéristiques de la diffamation, et ce à un niveau de gravité élevé, ce qui exclut la possibilité de délier les journalistes ayant rédigé ces dépêches de leur obligation habituelle de vérification des faits allégués.

Or, ici, ne procédant à aucune de ces vérifications avant la diffusion des dépêches, alors que la simple lecture du communiqué, dans son intégralité, aurait dû les conduire, eu égard à la gravité des allégations, au moment de leur diffusion et à l’emploi de formules manifestement inhabituelles, à s’interroger sur l’authenticité de celui-ci et à procéder immédiatement à des vérifications qui leur auraient permis de détecter rapidement qu’il était faux, les journalistes concernés ont méconnu l’étendue de leurs devoirs et responsabilités.

La cour d’appel ajoute que la circonstance que les informations financières nécessitent une diffusion rapide, notamment, afin d’assurer la transparence des marchés et l’égale information des investisseurs en temps utile, ne remet pas en cause cette analyse.

Les journalistes auraient donc dû savoir que les informations diffusées dans les dépêches en cause étaient fausses.

Enfin, la diffusion des dépêches en cause ayant été réalisée sur les terminaux de Bloomberg, cette dernière a directement participé audit manquement en tant qu’auteur de la diffusion, de sorte que sa responsabilité est engagée.

  • Sanction

En revanche, pour les juges d’appel, c’est à tort que la Commission des sanctions n’a pas tenu compte de l’importante réactivité de Bloomberg pour interrompre puis supprimer la diffusion des dépêches en cause et publier ensuite une série de rectificatifs et démentis.

La cour estime qu’il y a lieu de réformer la décision attaquée sur le montant de la sanction et de fixer celui-ci à 3 millions d’euros (au lieu des 5 millions prononcés par la Commission des sanctions).

newsid:478841

Entreprises en difficulté

[Textes] La nouvelle réforme d’automne du droit des entreprises en difficulté : l’ordonnance du 15 septembre 2021

Réf. : Ordonnance n° 2021-1193, du 15 septembre 2021, portant modification du livre VI du Code de commerce (N° Lexbase : L8998L7E)

Lecture: 18 min

N8833BYS

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par Georges Teboul, avocat à la Cour, AMCO

Le 22 Septembre 2021


Mots-clés : réforme • transposition de la Directive n° 2019/1023 • conciliation • sauvegarde • sauvegarde accélérée • redressement judicaire • classe de créanciers • sûretés et garanties

L’ordonnance de réforme du livre VI du Code de commerce relatif au droit des entreprises en difficulté a été publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021. Ce texte pris en application de deux habilitations contenues dans la loi « PACTE » modifie, d’une part, les dispositions du livre VI du Code de commerce relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés et, d'autre part, adopte les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la Directive « restructuration et insolvabilité ».


 

Les praticiens attendaient depuis de nombreux mois l’ordonnance qui vient de paraître (ordonnance n° 2021-1193, du 15 septembre 2021, portant modification du livre VI du Code de commerce).

Ce texte est enfin paru au Journal officiel du 16 septembre 2021 après de nombreuses péripéties. En effet, deux projets de texte avaient été annoncés, l’un sur une réforme du droit des sûretés et l’autre sur la transposition de la Directive de juin 2019 (Directive n° 2019/1023 du 11 juin 2021 N° Lexbase : L6745LQU) et ces textes qui devaient en principe être promulgués dans le délai d’habilitation de deux ans établi par la loi « PACTE » de 2019 (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK) et par la Directive ont vu le jour avec un retard justifié par le surcroît de travail très important provoqué par la crise de la covid-19, ce que chacun peut comprendre.

La conséquence est que ce texte du 15 septembre sera applicable dès le 1er octobre (mais pas pour les procédures en cours, heureusement), ce qui va encore compliquer la vie des praticiens mais ils y sont malheureusement habitués … Nous ne souhaitons pas ici reproduire en le paraphrasant ce texte, mais attirer l’attention du praticien sur son articulation et sur les modifications essentielles.

Il s’agit en effet de créer une procédure spécifique dédiée à la transposition de la Directive n° 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur les cas de restructurations préventives, la remise des dettes et les mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures de restructuration (c’est une paraphrase), tout en modifiant certaines dispositions du livre VI du Code de commerce pour faciliter la transition avec les mesures transitoires de la crise covid, de réformer le droit des sûretés, ce qui est un objectif ambitieux.

Reprenons dans l’ordre ces principales modifications :

  • La prévention

Nous savons que, dans un cadre transitoire, la conciliation a été prorogeable pour une durée de 10 mois jusqu’à la fin 2021, ce qui est bien commode pour traiter des difficultés d’une période où la visibilité était absente avec des éléments prévisionnels difficiles à établir.

Les juges de la prévention ont en outre disposé sur requête (et non par assignation) d’un pouvoir de blocage des mesures d’exécution qui a été bienvenu à un moment où certains créanciers pouvaient être tentés de profiter de la situation, avec un pouvoir de modération bien entendu, pour tenir compte de la situation du créancier considéré.

Au-delà de ces modifications sur lesquelles, nous avons eu l’occasion d’écrire, ce texte revient à nouveau sur la prévention.

La prévention/détection : il s’agit ici de pérenniser l’accélération de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes et d’informer dès l’origine, le président du tribunal de commerce, ce qui avait été établi dès l’ordonnance du 20 mai 2020 (ordonnance n° 2020-596 N° Lexbase : L1695LX3) au début de la crise. Il s’agit ici essentiellement des articles 2 et 3 de l’ordonnance modifiant l'article L. 611-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L9105L7D) permettant, dès le refus du dirigeant, d’informer aussitôt après la première information, le président du tribunal compétent.

En outre, dès l’envoi de la convocation et non plus à l’issue de l’entretien avec le dirigeant, le président peut recueillir différents renseignements qui étaient auparavant prévus à l’article L. 611-2 : l’accélération sera ainsi bien visible.

Sur la conciliation, le texte de l’article L. 611-7, alinéa 5 (N° Lexbase : L9110L7K), est bien étoffé. Jusqu’ici, le débiteur mis en demeure ou poursuivi pouvait demander l’application des dispositions sur l’obtention d’un délai de grâce de 2 ans, comme prévu à l’article 1343-5 du Code civil (N° Lexbase : L0688KZI). À présent, le débiteur peut faire cette demande lorsque le créancier n’a pas accepté dans le délai imparti par le conciliateur, la demande de suspension d’exigibilité de la créance (cela reprend les dispositions covid ainsi pérennisées, à juste titre).

Dans ce cas, le juge peut reporter ou échelonner le règlement des créances non échues dans la limite de la durée de la mission du conciliateur.

Il est dommage, à cet égard, qu’il ne soit pas envisagé de pérenniser la mesure de possibilité de prolongement de la durée de la conciliation jusqu’à dix mois après la fin de l’année. Une certaine souplesse aurait cependant été nécessaire pour faciliter le retour à une activité normale qui n’est pas encore visible dans tous les secteurs concernés.

Les garants auront vocation à bénéficier de ces délais (article 7 de l’ordonnance et modifications du 1er alinéa de l’article L. 611-10-2 N° Lexbase : L9111L7L). En outre, est reprise à l’article 8 de l’ordonnance, une modification de l’article L. 611-10 (N° Lexbase : L3243IC4) par la création d’un quatrième paragraphe sur le fait que la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences.

Cela peut paraître surprenant, les clauses qui sont la conséquence d’un accord annulé, ayant ainsi vocation à perdurer. Si un créancier a bénéficié de nouvelles sûretés dans le cadre d’un accord, est-il normal qu’il les conserve ? A priori, il semble que non, comme la Cour de cassation [1] l’avait jugé. Cette affaire était cependant très spécifique avec des éléments argués de faux …

  • La sauvegarde

Il faut retenir que la sauvegarde fait l’objet d’une double réforme.

D’une part, les sauvegardes de droit commun sont concernées par la réforme, dès lors qu’il n’existe plus de comité de créanciers mais des classes de créanciers soumises à de nouvelles règles.

D’autre part, la procédure dite européenne de transposition de la Directive donne lieu à une procédure de sauvegarde spécifique. Cette procédure de sauvegarde sera réservée aux plus grandes entreprises et ne concernera nécessairement qu’un nombre limité d’entre elles.

À cet égard, une procédure de sauvegarde accélérée va pouvoir être ouverte à la demande d’un débiteur déjà engagé en conciliation qui va justifier avoir élaboré un projet de plan permettant d’assurer, d’une manière crédible, la pérennité sociale.

Un délai de quatre mois maximum est prévu pour justifier du caractère « accéléré » indiqué ci-avant et il faut un soutien minimum des créanciers dans les conditions requises.

Le plan devra être arrêté dans un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, ce délai étant prorogeable jusqu’à quatre mois maximum.

Autre nouveauté intéressante, cette sauvegarde sera possible même si un état de cessation des paiements existe mais il devra dater de moins de 45 jours précédant la demande. Cette procédure de sauvegarde accélérée ne prendra effet qu’à l’égard des parties affectées par le projet de plan. Le débiteur établit la liste des créances de chaque partie affectée ayant participé à la conciliation (C. com., art. L. 622-24, al 1er N° Lexbase : L8803LQ4). Si des accords de subordination existent, ils devront avoir été portés à la connaissance du débiteur, dès avant l’ouverture de la procédure. Le passif devra être certifié par le commissaire aux comptes ou à défaut par l’expert-comptable.

Le mandataire judiciaire transmettra à chaque partie affectée figurant sur la liste, l’extrait de la liste déposée concernant sa créance et le dépôt de la liste au greffe vaudra déclaration au nom des parties affectées, si elles n’adressent pas leur déclaration de créances dans les conditions prévues aux articles L. 622-24 à L. 622-26.

Dans l’ordonnance, ces dispositions figurent aux articles 11 à 38. Pendant cette procédure, le juge-commissaire pourra autoriser le débiteur à faire certains actes (consentir une sûreté réelle conventionnelle en garantie d’une créance postérieure, faire un acte de disposition étranger à la gestion courante, compromettre ou transiger et si ces modifications sont déterminantes, le procureur devra donner préalablement son avis) : il s’agit ici de l’article L. 622-7 (N° Lexbase : L7285IZT) modifié et de l’article 15 de l’ordonnance.

La difficulté consistera à manier le régime complexe des classes de créanciers dans un délai aussi bref mais la conciliation devra avoir permis d’effectuer le travail indispensable de préparation.

Pendant cette procédure spécifique, la paralysie des procédures d’exécution est prévue à l’article L. 622-21 (N° Lexbase : L3452ICT ; ord., art. 19) avec une interdiction de tout accroissement de l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel, ce qui constitue une innovation intéressante.

Cependant, l’accroissement de l’assiette pourra résulter d’une cession de créance prévue à l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9528LGY), s’il s’agit d’exécuter un contrat cadre antérieur à l’ouverture de la procédure sera autorisé.

Les privilèges concernant les apports de trésorerie pour assurer la poursuite de l’activité pour la durée de la procédure seront garantis par de nouvelles dispositions insérées au 3 de l’article L. 622-17 (N° Lexbase : L9123L7Z ; ord., art. 18). Toutes mesures d’exécution sur les meubles et les immeubles seront paralysées ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture (C. com., art. L. 622-21 ; ord., art. 19).

Les modalités des déclarations de créances par les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie sont également prévues par la réforme avec les modalités de leur déclaration de créances (ord., art. 22 et s.).

Les dispositions du plan sont précisées, notamment aux articles 28 et suivants, le projet de plan mentionnant les engagements d’effectuer des apports de trésorerie pris pour l’exécution du plan (C. com., art. L. 626-2, 1er N° Lexbase : L9134L7G). En outre, une disposition importante concerne également le passif qui doit être pris en compte lors de la présentation du plan, une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes permettant d’encadrer les engagements pris pour le règlement du passif et porte sur les créances déclarées admises ou non contestées ainsi que sur les créances identifiables, notamment celles dont le délai de déclaration n’est pas expiré (C. com., art. L. 626-10, al. 2 N° Lexbase : L9138L7L).

En ce qui concerne les privilèges résultant des apports de trésorerie, ils ne s’appliquent pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital et ils ne peuvent bénéficier aux créanciers au titre de leur concours antérieur à l’ouverture de la procédure (C. com., art. L. 626-10, 3, al. 3 N° Lexbase : L2756LBP ; ord., art. 31).

En outre, au titre du plan, à compter de la sixième année, le dividende devra être de 10 % (C. com., art.  L. 626-18 N° Lexbase : L9139L7M ; ord., art. 32). Cette liste n’est pas exhaustive mais nous évoquons ce qui paraît particulièrement utile aux praticiens.

Le texte évoque longuement les modalités des prises de décisions par les classes de créanciers, leur composition à l’initiative de l’administrateur et les vérifications auxquelles le tribunal doit procéder.

Au titre des classes de parties affectées, ces dispositions concernent les entreprises atteignant des seuils qui seront fixés par décret et dont nous avons déjà une idée (C. com., art. L. 626-29 N° Lexbase : L9145L7T ; ord., art. 37). Il s’agira sans doute des seuils prévus pour les tribunaux de commerce spécialisés (TCS).

Les articles cruciaux concernant le fonctionnement de système de classes se trouvent au niveau de l’article 37 de l’ordonnance avec la modification des articles L. 626-29 sur les seuils d’application, en tenant compte des contrôles inter société, la définition des parties affectées, le droit de vote, la présentation du projet de plan par le débiteur avec le concours de l’administrateur, les vérifications du tribunal prévues à l’article L. 626-31 (N° Lexbase : L7302IZH), la fin de la mission du commissaire à l’exécution du plan à l’article L. 626-31-1 (N° Lexbase : L9150L7Z), et les conditions permettant au tribunal d’arrêter un plan même lorsque ce plan n’est pas approuvé (C. com., art. L. 626-32 N° Lexbase : L7303IZI sur ce que l’on appelle l’application forcée interclasses).

Nous reviendrons ultérieurement sur ce système de classes qui est complexe et qui méritera un examen plus approfondi [2].

  • La sauvegarde « classique »

Il faut retenir que malheureusement, la procédure de sauvegarde ne pourra plus excéder un délai de douze mois (C. com., art. L. 621-3 N° Lexbase : L2761LBU ; ord., art. 13), la prorogation exceptionnelle de six mois à la demande du parquet n’étant plus autorisée, celle-ci étant réservée au redressement (C. com., art. L. 631-7 N° Lexbase : L8623LQG ; ord., art. 41).

En outre, le système des classes sera désormais généralisé, là où un comité était préalablement nécessaire. Cela ne concernera pas les entreprises de taille petite et moyenne qui n’étaient pas obligées de constituer des comités et les seuils seront à cet égard certainement reconduits par le décret attendu.

  • D’autres innovations importantes sur les sûretés et garanties

Pour assurer une cohésion avec les modifications sur les sûretés, le texte prévoit de se référer désormais à une sûreté réelle conventionnelle au lieu d’évoquer une hypothèque, un gage ou un nantissement. Il s’agit de garantir une créance postérieure.

Précisons ici l’augmentation des prérogatives du ministère public qui devra fournir ses observations lorsque le juge-commissaire autorise le débiteur à exercer le droit prévu à l’article 1699 du Code civil (N° Lexbase : L1809ABM) notamment – cet article concerne la cession d’un droit litigieux permettant au débiteur de rembourser le cessionnaire du prix réel de la cession outre ses frais et intérêts.

Le créancier qui est titulaire d’une sûreté réelle constituée en garantie de la dette d’un tiers sera soumis à l’arrêt des poursuites et des voies d’exécution (C. com., art. L. 622-21 ; ord., art. 19).

Des précisions sont formulées sur l’inopposabilité au débiteur des créances non déclarées et non relevées de forclusion, ce qui aura une incidence sur les sûretés (C. com., art. L. 622-21, L. 622-25 N° Lexbase : L9126L77 et L. 622-26 N° Lexbase : L9127L78).

Nous avons vu que les garants personnes physiques seront mieux protégés car ils pourront déclarer leur créance avant paiement, devront se voir notifier l’état des créances si on doit le leur opposer et ces garants seront protégés pendant le plan de redressement et non plus seulement par le plan de sauvegarde : il s’agit donc là d’une importante innovation prévue aux articles 22 à 25 et 43 de l’ordonnance. Les articles concernés sont les articles L. 622-33 N° Lexbase : L9128L79), un nouvel article L. 622-34 (N° Lexbase : L9129L7A), L. 624-3-1 (N° Lexbase : L9132L7D) et L. 631-14 (N° Lexbase : L9175L7X le dernier alinéa de cet article est supprimé).

De nouveaux privilèges sont créés pour les apporteurs de capitaux, tant durant la période d’observation qu’après l’adoption du plan. L’article l. 622-17 leur fera désormais une place et le plan devra spécifier d’une manière distincte les apports de trésorerie effectués pour favoriser l’exécution du plan de sauvegarde, ce qui ne s’appliquera pas aux apports consentis par les actionnaires et associés dans le cadre d’une augmentation de capital (C. com., art. L. 622-17, L. 626-20 N° Lexbase : L9141L7P, L. 626-2 N° Lexbase : L9134L7G, L. 626-10 N° Lexbase : L9138L7L et L. 626-26 N° Lexbase : L9144L7S ; ord., art. 18, 28, 31, 33 et 36  articles 18, 28, 31, 33 et 36).

Au titre de la modification du plan sur les modalités d’apurement du passif, les créanciers seront consultés et leur défaut de réponse vaudra acceptation, sauf si une remise de dette ou une conversion de titres en capital est demandée : dans ce cas, l’acceptation ne pourra être implicite. Il faut se référer ici aux articles 31, 32 et 36 de l’ordonnance et aux articles L. 626-10 et L. 626-18 (N° Lexbase : L9139L7M) sur le minimum de 10 % à compter de la sixième année, et L. 626-26 sur la modification substantielle du plan.

Au titre du rétablissement professionnel, les conditions sont assouplies. Ainsi, les personnes physiques dont l’actif ne comportera pas de biens immobiliers seront concernées sans prendre garde au montant du chiffre d’affaires ou au nombre de salariés.

Le débiteur, propriétaire de sa résidence principale pourra bénéficier du rétablissement professionnel (C. com., art. L. 641-2 N° Lexbase : L9191L7K ; ord., art. 52 et C. com., art. L. 645-1 N° Lexbase : L9210L7A sur les biens insaisissables de droit non pris en compte pour déterminer la valeur de l’actif).

Une innovation importante concerne la clarification de l’ordre de classement des créances prévu aux articles 61 et 62 de l’ordonnance réécrivant l’article L. 643-8 (N° Lexbase : L9208L78) et prévoyant un ordre de règlement, outre une modification de l’article L. 644-4 (N° Lexbase : L9209L79) sur les propositions de répartition formulées par le liquidateur qui évalue par ailleurs le montant des frais de justice (C. com., art. L. 644-4 ; ord., art.  63).

  • Les classes de créanciers

Nous avons indiqué que cela fera l’objet ultérieurement d’une étude approfondie, mais il paraît utile, d’ores et déjà d’indiquer quelques principes.

Les classes seront applicables au-delà de certains seuils dont nous savons qu’il s’agira certainement des seuils des tribunaux de commerce spécialisés (TCS). La sauvegarde accélérée devrait concerner moins de 100 entreprises par an, mais avec un nombre important d’emplois.

En sauvegarde accélérée, deux classes pourront être constituées et cela sera même possible en-dessous des seuils à la demande du débiteur.

Une innovation importante concerne l’obligation de notifier dès le début de la procédure, les accords de subordination pour clarifier le débat car ces créanciers devront être traités distinctement.

Il appartiendra à l’administrateur judiciaire d’établir des listes de classes en fonction de critères objectifs et transparents, une communauté d’intérêts devant réellement exister entre les créanciers avec, en cas de désaccord, un recours au juge-commissaire.

En sauvegarde, aucun plan concurrent ne devrait pouvoir être présenté.

Les créances de « new money » ne devraient se voir imposer ni remise ni délai et le vote sera rapide à la majorité des deux tiers des créances ou des voix.

Il appartiendra au tribunal de vérifier les règles fixées sur l’égalité de traitement, la communauté d’intérêts et notamment, le fait que le créancier ne sera pas placé dans une situation inéquitable moins favorable qu’en cas de liquidation judiciaire ou de cession. Le tribunal devra donc vérifier la règle du meilleur intérêt dit en anglais « best interest creditor ».

Le tribunal pourra rejeter le plan si les conditions ne sont pas remplies ou si la pérennité n’apparaît pas assurée.

L’application forcée sera possible même si certaines classes n’ont pas voté le projet de plan. Il devra exister cependant une majorité de classes favorables au plan avec au minimum une classe disposant des sûretés ou un rang au-dessus des chirographaires. Les possibilités de contestations sont ouvertes aux parties affectées au débiteur, au ministère public, au mandataire judiciaire et l’administrateur judiciaire pourra donc saisir le juge-commissaire s’il le souhaite.

Un plan concurrent sera possible en redressement judiciaire mais pas en sauvegarde.

Tout cela méritera naturellement d’être frotté à la pratique, mais en l’état, ces dispositions apparaissent plutôt encourageantes, comme nous l’indiquions dès le mois de juillet après avoir pu échanger avec la Chancellerie sur le projet d’ordonnance de transposition [3].

Chacun pourra constater que la Chancellerie a tenu ce cap difficile et nous saisissons cette nouvelle occasion pour la féliciter du travail important qui a été accompli dans des conditions difficiles et tout en préservant, pour l’essentiel, un système de traitement des difficultés français qui est plutôt satisfaisant et efficace.


[1] Cass. com., 21 octobre 2020, n° 17-31.663, F-D (N° Lexbase : A87513YR).

[2] . V. pour le détail not. K. Lemercier et F. Mercier, Réforme de droit des entreprises en difficulté : instauration des classes de parties affectées, Dalloz Actualité du 21 septembre 2021.

[3] G. Teboul, Dalloz Actualité du 22 juillet 2021.

newsid:478833

Filiation

[Brèves] Nationalité étrangère de la mère : application d’office de l’article 311-14 du Code civil à l’action en contestation de paternité !

Réf. : Cass. civ. 1, 15 septembre 2021, n° 19-22.588, F-D (N° Lexbase : A918044R)

Lecture: 3 min

N8819BYB

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par Aude Lelouvier

Le 23 Septembre 2021

► Conformément à l’article 3 du Code civil (N° Lexbase : L2228AB7), en matière de droits indisponibles, le juge doit appliquer d’office les règles de conflit de lois ; c’est ainsi que le juge est tenu d’appliquer l’article 311-14 du Code civil (N° Lexbase : L8858G9X) lorsqu’une action en contestation de paternité est intentée devant sa juridiction et qu’il constate la nationalité slovaque de la mère de l’enfant.

En l’espèce, une fillette est née à Genève le 5 juillet 2013 d’une mère de nationalité slovaque et de son époux. Le 20 novembre 2013, un tiers a assigné les parents de l’enfant en contestation de paternité et établissement de paternité à l’égard de la jeune fille.

À la suite d’une décision rendue en première instance, la cour d’appel de Lyon par arrêt du 9 janvier 2019 a ordonné une expertise génétique et par arrêt du 2 juillet 2019 (CA Lyon, 2 juillet 2019, n° 18/04159 N° Lexbase : A4492ZHT) a jugé que l’époux de la mère n’était pas le père de la fillette, et en conséquence que le tiers était le père de l’enfant. La mère et son époux se sont donc pourvus en cassation.

En effet, les parents reprochent aux juges du fond d’avoir écarté la règle de conflit de lois applicable à la filiation prévue par l’article 311-14 du Code civil alors même que cette disposition prévoit qu’en matière de filiation, il convient d’appliquer la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant. Par conséquent, ils considèrent que les juges du fond auraient dû appliquer la loi slovaque, d’autant plus qu’il s’agit de droits indisponibles.

Par conséquent, la Cour de cassation devait déterminer si l’action en contestation de paternité est régie par les règles de conflit de lois applicables à la filiation et prévue par l’article 311-14 du Code civil.

C’est ainsi que la Cour de cassation a rappelé, au visa des articles 311-14 et 3 du Code civil, que :

1° - La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ;

2° - Le juge français, en matière de droits indisponibles, est tenu d’appliquer d’office la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent.

Dès lors, la Haute Cour ne pouvait que censurer la décision de la cour d’appel qui retient notamment que l’article 311-14 du Code civil ne s’applique pas à une contestation de paternité.

En effet, par pure et simple application des règles du droit international privé, les magistrats du Quai de l’Horloge indiquent aux juges du fond qu’ils sont tenus d’appliquer les règles de conflit de lois en matière de filiation puisqu’il s’agit de droits indisponibles, et que la règle de conflit prévue par l’article 311-14 englobe le contentieux de la filiation. C’est pourquoi dans la mesure où les juges du fond avaient relevé la nationalité slovaque de la mère, ils auraient dû en tirer les conséquences logiques.

De ce fait, l’arrêt du 9 janvier 2019 doit être cassé pour violation de la loi, et par voie de conséquence, doit entraîner la nullité de l’arrêt du 2 juillet 2019.

newsid:478819

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Effet rétroactif d’une fusion-absorption : le CE valide la doctrine administrative

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 13 septembre 2021, n° 451564, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9246449)

Lecture: 6 min

N8797BYH

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par Marie-Claire Sgarra

Le 22 Septembre 2021

Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 13 septembre 2021, validé la doctrine administrative relative à la limitation de l’effet rétroactif d’une fusion-absorption en l’absence de clôture d’exercice comptable au cours de l'année précédant l’opération.

Les faits : une société demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance a refusé d'abroger les paragraphes 80, 90 et 110 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 BOFiP - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 (N° Lexbase : X5909ALG) par lesquels le ministre a fait connaître son interprétation de la loi fiscale en ce qui concerne les conséquences à tirer, en matière d'imposition des bénéfices des sociétés, des clauses des traités de fusion prévoyant une date d'effet rétroactif.

🔎 Principes (CGI, art. 38 N° Lexbase : L7146LZP

  • Un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période.
  • Ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise.
  • Si parmi ces opérations figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus.

👉 Par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité doivent affecter les résultats de l'exercice au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus.

 

⚖️ Plusieurs rappels du CE

✔ Dans le cas d'une fusion de deux sociétés, qui ont convenu de donner effet à la fusion à une date antérieure à celle à laquelle la convention de fusion a été définitivement conclue, rien ne s'oppose à ce que soient prises en compte toutes les conséquences de la fusion, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante, dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention a été définitivement conclue.

⚠️ Toutefois, les effets de la fusion, qui ne saurait exercer une influence sur le bilan de clôture du ou des exercices précédents de chacune des deux sociétés concernées, et donc sur les bénéfices imposables dégagés par celles-ci au cours de ces exercices, ne sauraient remonter à une date antérieure à la plus récente des dates d'ouverture des exercices des deux sociétés au cours desquels la convention a définitivement été conclue.

👉 Il résulte de ce qui précède que la société n'est pas fondée à soutenir qu'en énonçant qu'une date d'effet rétroactif donnée à un traité de fusion ou d'apport reste sans influence sur le bilan de clôture de l'exercice de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport qui précède celui au cours duquel la fusion ou l'apport a été conclue et que, par suite, lorsqu'une telle date d'effet rétroactif est antérieure à la date de clôture de cet exercice, les opérations réalisées jusqu'à cette dernière par la société absorbée ou apporteuse depuis la date d'effet conventionnelle doivent être imposées au nom de la société absorbée ou apporteuse, le paragraphe 110 des commentaires administratifs publiés au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 donnerait de la loi une interprétation méconnaissant sa portée.

✔ Aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 du CGI (N° Lexbase : L1140HLS), si aucun bilan n'est dressé au cours d'une année quelconque, l'impôt dû au titre de la même année est établi sur les bénéfices de la période écoulée depuis la fin de la dernière période imposée ou, dans le cas d'entreprise nouvelle, depuis le commencement des opérations jusqu'au 31 décembre de l'année considérée. Ces mêmes bénéfices viennent ensuite en déduction des résultats du bilan dans lesquels ils sont compris.

👉 D'une part, aucune disposition ne prévoit qu'il pourrait être dérogé à l'obligation mentionnée au point précédent à raison d'événements ou clauses contractuelles postérieurs au 31 décembre de l'année considérée, qu'ils interviennent avant ou après la date de dépôt de la déclaration liée à cette obligation. La société n'est par suite pas fondée à soutenir qu'en énonçant que lorsqu'une société n'a pas clos d'exercice au cours de l'année civile précédant celle de sa fusion avec une autre entité ou de l'apport de ses actifs à une autre entité, l'effet rétroactif donné conventionnellement à cette opération ne saurait dispenser cette société de déposer au titre de ladite année civile une déclaration de résultats, le paragraphe 80 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 donnerait de cet article une interprétation inexacte.

👉 D'autre part, dans le cas où une société n'a pas clos d'exercice au cours de l'année civile précédant celle de sa fusion avec une autre entité ou de l'apport de ses actifs à une autre entité, l'obligation dans laquelle elle se trouve de déterminer le bénéfice résultant des opérations réalisées entre la date de clôture de son précédent exercice et le 31 décembre de l'année considérée et de le soumettre à l'impôt fait obstacle à ce que l'effet rétroactif donné conventionnellement à l'opération de fusion ou d'apport puisse, dans ce cas particulier, remonter antérieurement au 1er janvier de l'année au cours de laquelle cette opération est conclue. La société n'est ainsi pas davantage fondée à soutenir que le paragraphe 90 des commentaires administratifs en litige, en énonçant une telle règle, donnerait de la loi une interprétation qui en méconnaitrait la portée.

newsid:478797

Fiscalité internationale

[Brèves] Régime applicable aux carburants consommés par les navires de plaisance : fin de la dolce vita pour l’Italie !

Réf. : CJUE, 16 septembre 2021, aff. C-341/20, Commission européenne c/ République italienne (N° Lexbase : A564244Q)

Lecture: 4 min

N8837BYX

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par Marie-Claire Sgarra

Le 22 Septembre 2021

En octroyant le bénéfice de l’exonération des droits d’accise aux carburants utilisés par des bateaux de plaisance privés exclusivement lorsque ces bateaux font l’objet d’un contrat d’affrètement, indépendamment de la façon dont ils sont réellement utilisés, la République italienne a manqué aux obligations découlant de la Directive n° 2003/96.

Les faits :

  • la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République italienne l’invitant à présenter ses observations sur la violation présumée du droit de l’Union en ce que, en accordant le bénéfice de l’exonération des droits d’accise pour des carburants utilisés par des bateaux de plaisance privés sous contrat d’affrètement, sans refuser explicitement cet avantage en cas d’utilisation privée du bateau par l’utilisateur final, la République italienne manquerait aux obligations découlant de la Directive n° 2003/96 (Directive (CE) n° 2003/96 du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité N° Lexbase : L0826GTR) ;
  • la République italienne a répondu que l’analyse de la Commission procédait d’une ambiguïté qui pouvait être levée en se reportant aux définitions des contrats de location et d’affrètement en vigueur en Italie dans le secteur maritime ;
  • la Commission a confirmé son grief selon lequel la réglementation italienne refusait ou octroyait le bénéfice de l’exonération des droits d’accise indépendamment de l’utilisation effective du bateau ; la Commission, estimant non satisfaisantes les explications fournies par la République italienne, a introduit le présent recours en manquement.

🔎 Rappel : la Directive n° 2003/96 prévoit une exonération en faveur des produits énergétiques fournis en vue d'une utilisation, comme carburant ou combustible pour la navigation dans des eaux communautaires, autre qu'à bord de bateaux de plaisance privés.

L’exonération fiscale est liée au fait que les produits énergétiques soient utilisés comme carburant pour la navigation dans des eaux de l’Union à des fins commerciales, c’est-à-dire lorsqu’un bateau sert directement à une prestation de services (par exemple, de transport) à titre onéreux.

👉 La Cour en conclut que l’octroi ou le refus de l’exonération dépendent de la manière dont le bateau est utilisé par l’utilisateur final (donc, en cas d’affrètement, par l’affréteur), à savoir si ce bateau est utilisé à des fins commerciales (octroi) ou à des fins autres que commerciales (refus). Le fait que l’affrètement d’un bateau constitue une activité commerciale pour le fréteur est dépourvu de pertinence par rapport à l’exonération fiscale en cause.

Seule la nature (commerciale ou de plaisance privée) de l’activité de l’utilisateur final du bateau détermine l’octroi ou le refus de l’exonération.

👉 La Cour observe que la circonstance que l’affrètement puisse comporter, outre la mise à disposition du bateau lui-même, celle d’un équipage, et que le fréteur puisse, ce faisant, conserver la maîtrise de la conduite technique et nautique du bateau, ne saurait remettre en cause le fait que l’affréteur reste contractuellement maître de l’utilisation du bateau affrété, de sorte que c’est la nature de cette dernière utilisation qui détermine l’octroi éventuel du bénéfice de l’exonération des droits d’accise.

👉 La Cour précise qu’il existe des relations contractuelles formellement qualifiées de contrats d’affrètement, comprenant la prestation d’un ensemble de services autres que les services de navigation, comparables à ceux qui sont proposés aux passagers d’un navire de croisière, et dont l’« affréteur » ne bénéficie en réalité qu’en tant que personne transportée, sans avoir aucune maîtrise de l’utilisation du bateau. Dans ce cas, le bateau pourrait être considéré, aux fins de l’octroi de l’exonération en cause, comme utilisé à des fins commerciales.

newsid:478837

Responsabilité

[Brèves] Point de départ de la prescription : droit antérieur, droit positif, et application de la loi dans le temps

Réf. : Cass. civ. 1, 16 septembre 2021, n° 20-17.623 (N° Lexbase : A564844X) et 20-17.625 (N° Lexbase : A564944Y), FS-B+C

Lecture: 4 min

N8846BYB

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 22 Septembre 2021

► La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu deux arrêts le 16 septembre 2021, dont la large publication témoigne de l’importance des questions concernant la prescription en présence d’une situation de faiblesse dont étaient victimes des vendeurs ayant cédé différents immeubles ; le premier précise l’application de l’actuel article 2224 du Code civil, le second, l’articulation entre le droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, dont est issu l’article 2224, et le droit résultant de cette réforme.

Point de départ de la prescription et article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC). Dans le premier arrêt (n° 20-17.623), la vente avait eu lieu après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I). Seul l’article 2224 du Code civil était en cause. Il s’agissait d’identifier le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité extra-contractuelle en présence d’une situation de faiblesse. En effet, les vendeurs avaient intenté leur action plus de cinq ans après la réitération de l’acte, ce qui justifia la décision de la cour d’appel d’Agen de déclarer l’action prescrite. Les juges du fond avaient en effet considéré que c’était à compter de la réitération de l’acte authentique que les vendeurs avaient eu connaissance de la réalisation du dommage, en conséquence de quoi, c’était à compter de cette date que la prescription commençait à courir.

La cassation intervient au visa de l’article 2224 du Code civil, lequel dispose que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ». Constatant qu’ « il n’était pas discuté par les parties que (les vendeurs) étaient, au moment de la réitération de l’acte de vente […], dans un état de sujétion psychologique », elle en déduit que « la prescription n’avait pas pu commencer à courir à cette date ». Par conséquent, la situation de faiblesse permet de décaler le point de départ de la prescription.

Point de départ de la prescription et ancien article 2270-1 du Code civil (N° Lexbase : L2557ABC). Dans le second arrêt (n° 20-17.625), l’application dans le temps de la loi du 17 juin 2008 était en cause. En effet, la vente avait été conclue moins d’un an avant l’avènement de loi du 17 juin 2008. Application de l’ancien article 2270-1 ou application de l’article 2224 du Code civil issu de cette réforme ? La Cour de cassation, dans un arrêt à motivation enrichie, pose les principes directeurs (v. loi du 17 juin 2008, art. 26, II). D’une part, « les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». D’autre part, et s’agissant du point de départ de la prescription, alors que la loi nouvelle, l’article 2224 du Code civil, a introduit un élément subjectif dans le point de départ de la prescription (le délai ne court que « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »), introduisant ainsi un point de départ « glissant », elle rappelle des solutions d’ores et déjà consacrées. Ainsi, s’agissant du point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité extra-contractuelle, l’ancien article 2270-1 demeure applicable dès lors que « le délai a commencé à courir avant l’entrée en vigueur de ce texte ». La solution n’est pas nouvelle (Cass. civ. 3, 24 janvier 2019, n° 17-25.793, FS-P+B+I N° Lexbase : A0097YU7). Quant au délai de prescription, l’article 2224 s’applique aux prescriptions en cours à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008. Néanmoins, la durée totale ne saurait excéder la durée de dix ans, durée prévue par l’ancien article 2270-1, alinéa 1er, du Code civil. Rappelée, la solution avait d’ores et déjà été affirmée (Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 18-23.723, FS-D N° Lexbase : A74993EH). Dès lors, l’arrêt d’appel, qui avait appliqué le nouvel article 2224 relativement au point de départ de la prescription, est cassé.

newsid:478846

Urbanisme

[Brèves] Piscine olympique à Aubervilliers : le permis de construire suspendu

Réf. : CAA Paris, 20 septembre 2021, n° 21PA04871 (N° Lexbase : A9647443)

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par Yann Le Foll

Le 22 Septembre 2021

Le permis de construire de la nouvelle piscine d’Aubervilliers, qui doit servir de bassin d'entraînement pendant les Jeux olympiques de Paris 2024 est suspendu, des doutes sérieux sur sa légalité étant apparus, de même que la méconnaissance du plan local d'urbanisme intercommunal alléguée.

Faits. Était demandée la suspension de l'exécution de l'arrêté PC 93 001 20 A0049 du 21 juillet 2021 par lequel le maire de la commune d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a accordé à cette commune un permis de construire pour la construction d'un centre nautique d'une surface de plancher de 6 913 m², dont 6 620 m² concernant le centre aquatique, et 293 m² concernant l'espace de restauration.

Légalité externe de l’arrêté 

Il résulte de ces dispositions combinées des articles L. 2121-29 (N° Lexbase : L8543AAN) et L. 2122-22 (N° Lexbase : L9915LM8) du Code général des collectivités territoriales et de l'article R. 423-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7772ICT) qu’un maire ne peut solliciter une demande de permis de construire au nom de sa commune sans y avoir été expressément autorisé par le conseil municipal et que l'absence d'une telle autorisation, qui constitue un préalable nécessaire, est de nature à rendre illégal l'arrêté accordant le permis de construire. Or, la délégation de pouvoir du conseil municipal ne valait en l’espèce que pour les projets d’un montant maximal de 30 millions d’euros, contre 33 608 489,79 euros HT pour le projet en litige.

Légalité interne de l’arrêté – méconnaissance du PLUi

Les requérants soutiennent que le projet litigieux méconnait les dispositions des articles L. 152-1 (N° Lexbase : L2606KID) et L. 421-6 (N° Lexbase : L2609K9I) du Code de l'urbanisme, dès lors qu'il est contraire aux dispositions du règlement du PLUi, en ce qui concerne, d'une part, la destination des constructions en zone UGp, où l'article 1.2 dudit règlement subordonne la réalisation des constructions à destination de commerce à la double condition que l'activité de commerce soit liée et nécessaire au fonctionnement de l'équipement collectif au sein duquel elle est exercée et, d'autre part, l'obligation de compensation des arbres abattus, prévue par l'article 3.2.3 du même règlement.

Destination des constructions en zone UGp. Le projet de centre nautique comporte deux destinations distinctes, une destination de commerce (pour une surface de 293 m²) et une destination de service public ou d'intérêt collectif (pour une surface de 6 620 m²), que la surface de commerce correspond à l'espace de restauration, prévu pour être installé au niveau R + 1 de la construction. Il ressort également des pièces du dossier et il n'est pas contesté que ce restaurant disposera d'une totale indépendance fonctionnelle puisqu'il sera accessible à une clientèle extérieure au moyen d'un accès dédié depuis l'espace public, et qu'il sera ouvert en dehors des plages horaires du centre nautique.

Ainsi, eu égard à l'indépendance fonctionnelle ainsi envisagée pour l'espace de restauration, l'activité de ce dernier, à la supposer même « liée » au fonctionnement du centre nautique par les caractéristiques de sa situation prévue au niveau R + 1 de l'équipement, ne saurait être regardée comme « nécessaire » audit fonctionnement, au sens et pour l'application des articles L. 152-et L. 421-6 du Code de l'urbanisme.

Compensation des arbres abattus. La réalisation du projet conduisait à abattre 67 arbres, dont 48 sur le terrain d'assiette et 19 autres, en dehors dudit terrain, dans la zone d'aménagement concerté, alors que le permis de construire n'envisage, au titre de la compensation exigée par les dispositions réglementaires citées au point 28, que la replantation de 47 arbres, dont 35 sur le terrain d'assiette.

Il s'ensuit que le permis de construire litigieux méconnaît ces dispositions de l'article 3.2.3 du règlement du PLUi pour l’application desquelles, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis de construire, le nombre d'arbres abattus est déterminé compte tenu de l'état du terrain existant à la date du dépôt de la demande, et non en fonction des modifications postérieures de cet état.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le plan local d'urbanisme, Le contenu du règlement, des règles et des documents graphiques, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall) (N° Lexbase : E0754E9S).

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