La lettre juridique n°779 du 11 avril 2019

La lettre juridique - Édition n°779

Justice

[Textes] Loi "Justice" : évolution ou révolution numérique pour les avocats ?

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

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par Eric Le Quellenec, Avocat, Directeur du département informatique conseil, cabinet Alain Bensoussan Lexing, Membre du Conseil de l’Ordre de Paris

Le 10 Avril 2019


Mots-clefs : Commentaire • Loi "Justice" • Avocats • Numérique • Dématérialisation 


 

Promulguée le 23 mars 2019 [1] après décision du Conseil constitutionnel [2], la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) place le numérique au cœur de ses ambitions pour toutes les juridictions civiles, pénales et administratives. Entre autres mesures, la vidéoconférence obligatoire pour certaines audiences pénales et la mise en œuvre d’une plateforme numérique de médiation pour les petits litiges ont pu susciter les craintes du défenseur des droits [3], comme des instances représentatives de la profession d’avocat [4]. Il n’en demeure pas moins que les impacts pratiques de cette nouvelle loi pour les avocats ne sont pas neutres, l’évolution numérique fait son chemin et pourrait même dans certains domaines être qualifiée de révolution. Les principales dispositions numériques de cette loi sont abordées dans les développements qui suivent.

 

→ Litiges de la consommation courante et plateformes de médiation certifiées

 

Pour les litiges visés à l’article 3, en l’occurrence dont une somme n'excède pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance doit, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation.

 

La volonté claire du législateur est de ne pas creuser une certaine forme de discrimination entre les parties pouvant facilement se rendre dans une maison de justice pour ce type de procédures, de celles qui ne disposeraient pas des mêmes facilités. La solution d’une procédure en ligne paraît alors la mieux adaptée. Ces services en ligne devront respecter le principe de confidentialité.

 

Le législateur entend promouvoir les services de plateforme certifiée [5] par des tiers habilités, conformément à un référentiel prévu par décret en Conseil d’Etat. Les organismes certificateurs seront accrédités par le COFRAC sur la base d’un cahier des charges pris par le Garde des Sceaux.

Cette certification est cependant facultative. Le Conseil constitutionnel a considéré que dans la mesure où la certification n’est pas obligatoire, il n’y avait pas de limite quant à l’accès au juge par le justiciable [6].

 

Selon l’article 4, en aucun cas ces services ne peuvent avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel. Lorsque ce service est proposé à l'aide d'un tel traitement, les parties doivent en être informées par une mention explicite et doivent expressément y consentir. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par le responsable de traitement à toute partie qui en fait la demande. La plateforme en ligne doit s'assurer de la maîtrise du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la partie qui en fait la demande la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard.

 

Face au succès de plateformes équivalentes outre-Atlantique [7], nul doute que de nombreux acteurs vont rapidement proposer leurs services. Au Canada, le barreau du Québec a encouragé les avocats à s’inscrire dans ce type de «démarches à distance» [8].

 

→ Création d’un dispositif de dépôt de plainte en ligne

 

L’article 14 prévoit que les victimes pourront, désormais, déposer leur plainte en ligne sans devoir se déplacer au commissariat ou en brigade de gendarmerie. Les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif doivent être précisées par voie réglementaire.

 

En outre, les victimes qui souhaitent demander une réparation financière du préjudice subi devant le tribunal pourront désormais se constituer partie civile par voie électronique.

 

→ Injonction de payer : vers le zéro papier

 

L’article 27 de la loi permet que les demandes d'injonction de payer selon un certain montant fixé par décret en Conseil d’Etat peuvent être formées par voie dématérialisée devant le tribunal de grande instance. Cet article fait écho au rapport d’amélioration et de simplification de la procédure civile remis le 15 janvier 2018 à la ministre de la Justice. 

 

En application de l’article 26 de la loi, les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer statuant sur une demande initiale n'excédant pas un montant défini par décret en Conseil d'Etat et les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d'une somme n'excédant pas ce montant peuvent, à l'initiative des parties lorsqu'elles en sont expressément d'accord, être traitées dans le cadre d'une procédure dématérialisée. Dans ce cas, la procédure se déroule sans audience. Cette disposition est proprement révolutionnaire, c’est la première fois dans l’histoire du droit français qu’une procédure serait traitées entièrement à distance.

 

Le tribunal peut décider de tenir une audience, s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. Un nouveau contentieux sur le déroulement physique ou virtuel du traitement de l’affaire ne manquera pas d’émerger alors que la loi prévoit aussi que le tribunal peut, par décision spécialement motivée, rejeter cette demande s'il estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une audience n'est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Le refus de tenir une audience ne pourra être contesté indépendamment du jugement sur le fond.

 

→ Visio-conférence en détention provisoire : statu quo

 

Après la censure du Conseil constitutionnel de l’article 54 de la loi, il ne reste rien du projet de rendre obligatoire la visioconférence pour les audiences du juge des libertés et de la détention. L’accord du détenu provisoire reste donc nécessaire, ce qui était un point majeur dans les actions menées notamment par le barreau de Paris.

 

Il faut relever que le Conseil constitutionnel avait pris une position radicalement différente pour les «vidéo-audiences» sans consentement pour les demandeurs d’asile en centre de rétention [9]. La différence de nature entre ces deux types de procédure explique sans doute une telle différence d’appréciation.

 

→ L’open data des décisions de justice oui mais pas sans pseudonymisation

 

Aux termes de l’article 33 de la loi, les greffiers des deux ordres, judiciaire et administratif, doivent effectuer la pseudonymisation des décisions [10] demandées par des tiers. Le nom des parties mais aussi des juges et des greffiers si leur sécurité ou leur vie privée sont en jeu doivent être masqués. Le néologisme «pseudonymisation» signifie selon le RGPD [11] que la donnée personnelle n’est plus reconnaissable sans avoir recours à des informations supplémentaires. Le Conseil constitutionnel parle toujours d’anonymisation, laquelle empêche tout rapprochement avec une personne physique, ce, de manière irréversible. Cette distinction sémantique, sans doute passée inaperçue n’empêche pas le Conseil constitutionnel de déclarer l’article 33 conforme à la Constitution.

 

Une rapide interprétation de ces dispositions fait apparaître en creux que le nom des avocats, lui, peut rester en clair, en toute hypothèse. Cela n’est pas si surprenant alors que la Cour de cassation [12] elle-même avait considéré qu’à l’instar de n’importe quel autre prestataire de service, l’avocat peut faire l’objet d’une évaluation en ligne. Il n’est plus une personne physique au sens du RGPD mais un professionnel évaluable.

 

L’open data pourra sans doute enfin se développer mais au prix d’un transfert de travail pour les greffes. Faut-il rappeler que les décrets pour favoriser l’open data en application de la loi pour une République numérique [13] n’ont jamais été publiés, faute en particulier d’un référentiel technique partagé par tous les acteurs techniques du domaine pour la pseudonymisation des décisions de justice.

Avec cette nouvelle loi de programmation, il faut craindre que dans un futur proche, les nouvelles dispositions sur la pseudonymisation des données aient un effet inverse de celui recherché : faute d’outil technique adapté, chaque demande de communication risque de prendre beaucoup plus de temps qu’auparavant, si la demande est traitée. La loi prévoit d’ailleurs que les demandes abusives, par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique, pourront être rejetées.

 

Les avocats «legaltechers» qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure de la justice prédictive devront aussi veiller à ce que les données d'identité des magistrats et des membres du greffe ne fassent pas l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées. Le manquement à cette règle est sanctionné par plusieurs dispositions du Code pénal [14] avec une peine encourue maximale de 5 ans de prison et 300 000 euros d’amende.

 

→ Des actes 100 % numériques en matière pénale

 

Aux termes de l’article 50 de la loi de nombreuses décisions en matière pénale, y compris en phase d’instruction, pourront être rendues «nativement» sous la forme numérique. Pour l’avocat pénaliste, c’est l’espoir de pouvoir avoir accès en temps quasi réel aux décisions concernant ses clients. Encore faudra-t-il pour cela que la plateforme Portalis [15] puisse le permettre. Dans l’intervalle, le RPVA qui ne s’applique que depuis 5 ans seulement en matière pénale [16] pourrait être le support idéal de mise à disposition de ces décisions.

 

Enfin, certaines formalités sont supprimées pour faciliter les démarches juridiques. Ainsi en va-t-il de l’obligation de signature page par page ou mention par mention, de l’apposition d’un sceau pour certains actes, de l’obligation de conserver un original papier alors même que celui-ci a été numérisé, de la distinction entre actes originaux et copies, ou encore de l’obligation de placer sous scellé physique des documents ou contenus multimédia utiles à la manifestation de la vérité.

 

[1] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 complétée de la circulaire n° CIV/04/2019 du 25 mars 2019 (N° Lexbase : L9136LP3).

[2] Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : A5079Y4U).

[3] Défenseur des droits, Rapport du 14 janvier 2019 sur «Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics», p. 31 ; Avis n° 18-26 sur ledit projet de loi du 31 octobre 2018.

[4] Dossier Projet de loi de programmation pour la justice : les avocats mobilisés, disponible sur le site internet du CNB ; Pétition nationale des avocats de France contre le PJL Justice sur Change.org, Communiqué du barreau de Paris.

[5] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, art. 4.

[6] Considérants 25 à 28.

[7] Il est possible de citer les deux plus populaires plateformes aux Etats-Unis d’Amérique : Cybersettle et Smartsettle.

[8] Médiation à distanceManuel de pratique de la médiation civile et commerciale à distance, barreau du Québec.

[9] Voir, notamment, les considérants 27 et 30 de la décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018.

[10] Il est bien question de toute décision en matière civile, sauf, pour les décisions en chambre du conseil, le Conseil constitutionnel ayant usé de son pouvoir de censure pour le 2° du paragraphe V de l'article 33 de la loi, notamment pour les matières relatives à l’état et à la capacité des personnes.

[11] Article 4, 5) du Règlement européen général sur la protection des données personnelles du 27 avril 2016, n° 2016/679.

[12] Cass. civ. 1, 11 mai 2017, n° 16-13.669, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4627WCD).

[13] Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, dite «Lemaire», art. 21.

[14] C. pén., art. 226-18 (N° Lexbase : L4480GT4), 226-24 (N° Lexbase : L2353IEU) et 226-31 (N° Lexbase : L2319AMT) dudit code.

[15] Le rapport annexé à la loi annonce une mise à disposition de ce service en 2020.

[16] V. Bensoussan, Accomplissement de formalités pénales, post, 13 février 2013.

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Justice

[Textes] «Dites : article 33» - Docteur Knock, Mister Data. L’Open data des décisions de justice dans la loi «Justice 2018-2022»

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

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par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR et ancien avocat, CREDO - IODE Rennes, Vice-doyen de la faculté de Droit - UCO Angers

Le 10 Avril 2019


Mots-clefs : Commentaire • Loi "Justice" • Open data • Article 33


 

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, validée par les Sages [1] et votée malgré les critiques récurrentes des praticiens, magistrats et avocats, et des justiciables, couvertes par le bruit des pavés et la militarisation de Paris, vient préciser dans son article 33 le cadre de la mise en œuvre de l’open data des décisions de justice. Si le Code de justice administrative, en son article L. 10 (N° Lexbase : Z11171RG), et le Code de l’organisation judiciaire, en son article L. 111-13 (N° Lexbase : Z11162RG), sont modifiés pour mettre à disposition du public, à titre gratuit et sous forme électronique, les décisions de justice, c’est avant tout les modalités de mise à disposition qui nous intéressent ici.

 

I - La protection de l’individu face à la transparence des données

 

Si la loi «pour une République numérique» [2] du 7 octobre 2016, dans son article 21, était venue préciser, en créant l’article L. 111-13 sur la mise à disposition du public à titre gratuit des décisions de justice, que cette mise à disposition devait être réalisée dans le respect de la vie privée des personnes concernées, et tout en suivant une «analyse du risque de ré-identification des personnes», le nouveau texte de loi vient prendre le contrepied des tenants de la transparence absolue, car l’analyse préalable du risque de ré-identification se voit transformée en une pseudonymisation obligatoire de l’ensemble des parties et des tiers à l’instance. C’était une question majeure du rapport «Cadiet», qui avait d’ailleurs bien insisté sur les risques liés à la pseudonymisation des décisions de justice mises en open data [3]. La CNIL, en 2001, avait déjà recommandé que soient anonymisées par les bases de jurisprudence les données personnelles des parties à l’instance [4], et le Règlement européen n° 2016/679 (N° Lexbase : L0189K8I) avait surenchéri quelques années après [5].


Il faut bien ici distinguer la mise à disposition du public de la décision de justice via l’open data, que l’on qualifie de «publication», et la possibilité qu’a le justiciable de se faire délivrer, au greffe, copie d’une décision de justice, que l’on qualifie dès lors de procédé de «publicité». Si la loi du 23 mars 2019 vient préciser que les décisions de justice diffusées en open data seront anonymisées, elle vient aussi modifier la législation antérieure. En effet, quand le greffe transmettait la copie d’une décision à un tiers sur le fondement des dispositions des articles 11-2 et 11-3 de la loi du 5 juillet 1972 (N° Lexbase : L9939H3I), la pseudonymisation n’était pas la norme [6] ; or, avec le nouvel article L. 111-14 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : Z65879RE) créé par l’article 33 de la loi du 23 mars, le greffe aura la possibilité d’occulter, dans le cadre d’une communication d’une décision à un tiers, des éléments visant à préserver la sécurité ou le respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision [7] :

 

«Les éléments permettant d’identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage».

 

La loi de programmation «Justice 2018-2022» ajoute aussi, dans son article 33, un volet de protection important qui est celui des magistrats. L’absence d’anonymisation des magistrats dans les décisions intégrées à l’open data était déjà perçue comme un risque conséquent par la mission «Cadiet». Cette dernière avait, dans sa recommandation n° 5, préconisé un élargissement de cette protection à l’ensemble des acteurs du procès, conseillant une «pseudonymisation à l’égard de l’ensemble des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, sans la limiter aux parties et témoins» [8]. L’interprétation faite de cette recommandation par le Sénat le 3 octobre 2018 allait d’ailleurs dans le sens d’une anonymisation des magistrats au sein des décisions, puisqu’il préconisait que ces dernières ne contiennent aucune «information de nature à identifier les magistrats» [9]. La loi du 23 mars 2019 vient inclure dans le processus d’anonymisation les magistrats, mais aussi les greffiers, dans les cas où la divulgation d’informations les concernant serait «de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage» [10].

 

L’anonymisation des magistrats a toujours fait débat, et sans doute le mouvement d’individualisation de la société entraîne-t-il le fait que le magistrat du XXIème siècle soit moins enclin, aujourd’hui, à se sacrifier sur l’autel de la République pour l’idéologie en vogue de la transparence. Bruno Pireyre, président de la chambre à la Cour de cassation et directeur du SDR, rappelait en 2018 que la pseudonymisation était soumise, «par nature, au péril d’être perturbé par les velléités de ré-identification d’acteurs de toute sorte, inspirés par des mobiles illégitimes ou illicites : prospection commerciale ou politique, indiscrétion, malveillance, projets criminels» [11].

 

On comprend donc que, face au risque d’atteinte à la sécurité des personnes et à leur vie privée, qu’elles soient parties à l’instance, tiers ou professionnels du droit, c’est une dynamique de protection des individus qui a primé, et non la transparence absolue.

 

Restent les avocats, tout de noir vêtus, marchant dans un cortège unifié vers le martyr de la défense. Eux seuls ont été écartés de la possible pseudonymisation, selon leurs propres volontés, puisque l’assemblée générale du Conseil national des barreaux, dans une résolution du 3 février 2017, avait «décidé que les noms des avocats devaient être conservés et portés à la connaissance du public, excepté lorsque ces derniers sont parties au jugement» [12].

 

Au-delà des risques individuels, c’est aussi le risque institutionnel qui a été traité au sein de ces dispositions relatives à l’open data des décisions de justice.

 

 

II - L’indépendance de la justice face au fichage des magistrats

 

En donnant un cadre légal à l’anonymisation des magistrats, la loi va clairement à l’encontre de la position du premier président de la Cour de cassation Bertrand Louvel et des premiers présidents des cours d’appel [13], ceux-ci affirmant que cette anonymisation est contraire au principe selon lequel le juge rend la Justice au nom du peuple français, et que l’évaluation d’un risque pour la sécurité des magistrats était trop délicate à réaliser (de là à dire que ce risque n’existait pas, il n’y avait qu’un pas). On peut lire cette position, en effet, dans le rapport «Cadiet», en ces termes :

 

«Le  premier  président  de  la  Cour  de  cassation  n’est  pas  favorable  à  l’anonymisation  des  noms  des  juges […] Il existe à cela […] une raison de principe : les noms des juges qui rendent la justice au nom du peuple français ne peuvent être tenus secrets à l’égard des citoyens. […] Les juges rendent la Justice au nom du peuple français».

 

Là où la loi vient protéger l’intégrité des magistrats et l’indépendance de la Justice, c’est en condamnant pénalement [14] les utilisations qui seraient faites des données relatives aux magistrats et aux greffes. Le législateur a cherché par-là à ce que l’open data ne devienne pas un moyen de procéder à des opérations de ranking ou de profilage qui viseraient, entre autres, à évaluer les chances de succès en fonction des juridictions. Un choix des juges qui aurait été guidé par la technique, en somme, et ce en fonction des volontés individuelles [15].

 

C’est donc l’éthique judiciaire qui a été privilégiée par la loi, quand cette dernière dispose que «les données d’identité des magistrats et des membres du greffe ne peuvent faire l’objet d’une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d’évaluer, d’analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées».

 

Et c’est cette même éthique qui a aussi été privilégiée -qui l’aurait-cru ?- par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 21 mars, soutenait qu’en refusant l’utilisation des données relatives aux magistrats et aux greffes figurant dans les décisions de justice, on empêchait ainsi «qu’une telle réutilisation permette, par des traitements de données à caractère personnel, de réaliser un profilage des professionnels de justice à partir des décisions rendues, pouvant conduire à des pressions ou des stratégies de choix de juridiction de nature à altérer le fonctionnement de la justice» [16].

 

Les risques de la justice prédictive [17] sont ainsi clairement établis tant par le Palais royal que par le Palais Bourbon, conscients, finalement, de cette «face plus sombre [de la justice prédictive] qu’il nous faut tenir en lisière : celle qui procède d’un mésusage, intentionnel ou non, des outils algorithmiques» [18]. Avis, donc, à toute Legaltech ou tout organisme qui oserait se servir de l’open data pour établir des classements des juridictions, pour établir des probabilités relatives aux chances de succès selon les affaires devant tel ou tel magistrat, ou pour orienter insidieusement les décisions à venir.

 

Au-delà des risques institutionnels, c’est enfin le risque social qu’il nous faut aborder, car ce dernier n’est pas évoqué dans la loi du 23 mars 2019.

 

 

III - Une ordonnance… médicale, sans docteur et sans patient

 

Restent toutefois des contours bien flous dans la mise en œuvre de l’open data. Si la Cour de cassation est, fondamentalement, l’institution qui doit être en charge de l’open data, nul n’ignore que des acteurs privés tournent autour de ce nouveau «marché du droit» [19], acteurs par ailleurs reconnus aux termes de l’article 4 de la loi de programmation 2018-2022. Et l’on sait désormais que certains d’entre eux reçoivent, pour une même mission, des sommes plus de seize fois supérieures à celle allouée à la Cour de cassation pour ce travail [20]. Alors, quel acteur, quel docteur, l’Etat va-t-il soutenir pour l’élaboration de ce traitement ? On sait que la Cour de cassation, tout comme le Conseil national des barreaux, a déjà tiré la sonnette d’alarme des pouvoirs publics dans une déclaration commune du 25 mars 2019 en rappelant que la Cour suprême «a vocation à se voir confier, dans le prolongement naturel de ses missions, la responsabilité de la collecte et de la diffusion en open data des décisions de justice judiciaires» [21].

 

On n’ignore pas non plus que des déserts informatiques existent en France, tout comme un grand nombre de justiciables qui n’ont pas la capacité réelle d’accéder à ce «tout numérique» dans lequel on inclue désormais le judiciaire. Le rapport annexé à la loi du 23 mars 2019 relève d’ailleurs, à juste titre, l’écart qui existe entre le texte normatif et la réalité sociologique française :

 

«Le service public de la justice doit également mettre en capacité l’ensemble de ses usagers, mais aussi de ses acteurs, de mieux mesurer l’évolution de son activité et de la qualité du service rendu. […] Dans un contexte de profonde évolution de l’institution judiciaire, les dispositifs d’accès au droit seront essentiels pour que le justiciable ne soit pas désorienté. […] Pour la plupart des citoyens, l’accès au droit sera en effet facilité avec la dématérialisation progressive des procédures de justice, la possibilité de saisir en ligne la justice, le développement de l’offre en ligne de résolution amiable des différends, l’open data. Mais il conviendra de veiller à ce que les personnes les plus éloignées du numérique trouvent également une réponse dans les points d’accès au droit et soient accompagnées dans leurs contacts avec la justice pour que la dématérialisation ne devienne pas, pour elle, un obstacle vers le juge et la justice».

 

Et si le gouvernement semble confiant tant sur l’accompagnement de la population dans cette mutation numérique, que sur la proximité des institutions judiciaires qui devrait perdurer malgré la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance [22], on peut se permettre de critiquer une telle candeur, ou de douter d’un souci profond du justiciable français.

 

Le défenseur des droits, dans un rapport rendu il y a quelques semaines, relevait l’existence de «zones blanches et grises» sur le territoire [23], rappelant qu’au nom de l’égal accès au service public de la justice, principe à valeur constitutionnel, la question d’une dématérialisation déréglée devait être posée.

 

Certains s’inquiétaient de l’absence de transparence de l’action publique de la nouvelle loi au regard des dispositions relatives à l’anonymisation, sans doute faudrait-il plus s’inquiéter des moyens donnés à la Justice française pour que tout justiciable puisse, d’une part, y avoir accès, et d’autre part, être jugé en équité.

 

Trouver des remèdes à des maladies qui n’existent pas pour des patients chimériques, c’est sans doute là le propre du triomphe de la médecine idéologique. Docteur Knock, êtes-vous là ?

 

 

 

 

[1] Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019 (N° Lexbase : A5080Y4W).

[2] Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (N° Lexbase : L4795LAT).

[3] L. Cadiet (dir.), L’Open data des décisions de justice, 2018, La documentation française, Rapport au Garde des sceaux, n° 114 sq., pp. 65-66.

[4] CNIL, Délibération n° 01-6057 du 29 novembre 2001 portant recommandation sur la diffusion de données personnelles sur internet par les banques de données et jurisprudence. On peut y lier qu’il «serait souhaitable que les éditeurs de bases de données de décisions de justice librement accessibles sur des sites Internet s’abstiennent, dans le souci du respect de la vie privée des personnes physiques concernées et de l’indispensable «droit à l’oubli», d’y faire figurer le nom et l’adresse des parties au procès ou des témoins ; que les éditeurs de bases de données de décisions de justice accessibles par Internet, moyennant paiement par abonnement ou à l’acte ou par CD-ROM, s’abstiennent, à l’avenir, dans le souci du respect de la vie privée des personnes concernées, d’y faire figurer l’adresse des parties au procès ou des témoins».

[5] Règlement européen (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016. Règlement relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la Directive 95/46/CE (Règlement général sur la protection des données).

[6] Loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile.

[7] On consultera les n° 96 et suivants de la décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2019 susvisée.

[8] L. Cadiet (dir.), L’Open Data des décisions de justice, op. cit., p. 37.

[9] F.-N. Buffet et Y. Détraigne, Rapport n° 11 sur le Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, 3 octobre 2018 : «La mise à disposition électronique de l’ensemble des décisions devrait consister à diffuser ces décisions sans information de nature à identifier les magistrats et les parties, de façon systématique et non au cas par cas, afin d’éviter tout risque d’exploitation inappropriée de ces données».

[10] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 33, IV, 1°.

[11] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance publique dans le développement de la legaltech au service de la justice ?, Forum parlementaire de la LegalTech, La technologie au service de la justice, 18 juin 2018.

[12] CNB, Résolution du 3 février 2017, Open data des décisions judiciaires et anonymisation des acteurs du procès.

[13] L. Cadiet (dir.), L’Open Data des décisions de justice, op. cit., n° 72, p. 46.

[14] Peines prévues aux articles 226-18 (N° Lexbase : L4480GT4), 226-24 (N° Lexbase : L2353IEU) et 226-31 (N° Lexbase : L2319AMT) du Code pénal.

[15] On sait, pourtant, que le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, était très favorable à l’absence d’anonymisation et à l’utilisation «prédictive» des données relatives aux magistrats aux fins de perfectionner les décisions de justice : «En outre, l’open data a une fonction prédictive, permettant d’anticiper les décisions judiciaires à partir des courants jurisprudentiels, et il est important que les juges puissent, individuellement ou collégialement, analyser par eux-mêmes les éventuelles divergences marquant leur activité juridictionnelle, grâce au concours de la communauté  des  auxiliaires  de  justice,  et  apprécier  en  toute  indépendance  les  suites  qu’il  convient  de  donner  à  leurs  propres analyses» ; L. Cadiet (dir.), L’Open Data des décisions de justice, op. cit., n° 72, p. 46.

[16] Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : A5079Y4U), n° 93.

[17] S. Lebreton-Derrien (dir.), La justice prédictive, Archives de philosophie du droit, t. 60, Dalloz, 2018.

[18] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance… , op. cit..

[19] L. Cadiet (dir.), L’Open Data des décisions de justice, op. cit., n° 2.

[20] V., Malgré ses démêlés avec le barreau, Doctrine gagne le jackpot via le plan d'investissement d'avenir, article disponible sur le site de La lettre A ; v., nos obs., Analyse du risque et responsabilité exclusive - La Cour de cassation face à l’Open data : retour sur les propos du président Bruno Pireyre, Lexbase Professions, 2019, n° 281 (N° Lexbase : N7969BXG).

[21] Déclaration commune de la Cour de cassation et du CNB du 25 mars 2019 : «Le premier président de la Cour de cassation et la présidente du Conseil national des barreaux, approfondissant la réflexion menée dans le cadre de la mission d’étude et de préfiguration sur l’ouverture au public des décisions de justice, ont souhaité rappeler les principes essentiels à l’organisation de la mise en œuvre d’un open data judiciaire. La Cour de cassation, qui a vocation à se voir confier, dans le prolongement naturel de ses missions, la responsabilité de la collecte et de la diffusion en open data des décisions de justice judiciaires, va maintenant œuvrer pour la mise en place d’une autorité de régulation des algorithmes utilisés pour l’exploitation des bases de données de jurisprudence en association étroite avec les juridictions du fond, le Conseil national des barreaux et les autres partenaires concernés. Cette déclaration commune a été signée par le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, et la présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl, en présence de Bruno Pireyre, président de chambre à la Cour de cassation, le lundi 25 mars 2019, au 5 quai de l’Horloge».

[22] Réponse du ministère de la Justice à la question écrite n° 04822 du sénateur Christian Cambon, publiée dans le JO Sénat du 21 mars 2019, p. 1573 : «La dématérialisation a pour objet de renforcer l’efficacité du traitement des procédures et notamment concernant les délais. Elle offre en outre une simplification des démarches pour le justiciable. Elle n’est nullement exclusive de l’accueil physique et du traitement en présentiel qui demeure au plus près du justiciable notamment grâce au SAUJ - Service d’Accueil Unique du Justiciable».

[23] Défenseur des droits, Dématérialisation et inégalités d’accès au service public, janvier 2019, p. 14.

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Justice

[Textes] Loi de programmation et de réforme pour la justice, pas de réelle révolution pour le droit du travail

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

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par Marion Galy, Maître de conférences à l’Université Bretagne Sud, Lab-LEX (EA7480)

Le 10 Avril 2019

Réforme pour la justice • droit du travail • fusion des tribunaux d’instance et de grande instance • modes alternatifs de règlement des différends (MARD)

 

Résumé

 

Sans procéder à une véritable métamorphose de la justice du travail, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) intéresse tout de même le droit du travail sous différents aspects. Parmi les nombreuses dispositions, deux d’entre elles méritent particulièrement que l’on y prête attention. D’une part, la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance semble permettre de réduire la dispersion actuelle du contentieux du travail. D’autre part, les nouvelles dispositions relatives aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD) auront certainement pour effet d’encourager encore davantage ce type de règlement en droit du travail.

 

Malgré une forte mobilisation du monde judiciaire [1] et après une censure partielle du Conseil constitutionnel [2], la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice [3] a finalement été promulguée. L’entrée en vigueur de ses dispositions sera progressive. Deux circulaires du ministère de la Justice viennent sur ce point d’être adressées aux chefs de juridiction. Les dispositions en matière civile et en matière pénale dont l’entrée en vigueur est immédiate (sans que des mesures d’application ne soient nécessaires) sont distinguées des dispositions dont l’entrée en vigueur est conditionnée à la publication d’un décret d’application et des dispositions dont l’entrée en vigueur est différée. Ces circulaires s’accompagnent de fiches thématiques détaillées pour les dispositions entrant en vigueur immédiatement et de tableaux de concordance permettant une lecture plus aisée des textes consolidés.

Ces supports constituent de précieux outils au regard de l’ampleur de la réforme. C’est non seulement la justice civile mais également la justice pénale, la justice administrative et l’administration pénitentiaire qui sont embrassées par la présente loi. Pour rappel, cette réforme fait suite aux «chantiers de la justice», lancés par le Premier ministre et la garde des Sceaux le 6 octobre 2017. «Au nombre de cinq, ces chantiers ont traité de la transformation numérique, de l’amélioration et de la simplification des procédures civile d’une part, pénale, d’autre part, de l’adaptation du réseau des juridictions, du sens et de l’efficacité des peines. Deux référents ont été désignés sur chaque chantier afin de conduire une intense concertation avec les acteurs concernés. Plusieurs centaines d’auditions, l’envoi de questionnaires, une consultation numérique ont donné aux référents une matière riche pour faire des propositions d’évolution souvent ambitieuses, toujours en réponse aux attentes des acteurs consultés» [4]. Parmi les mesures les plus emblématiques de la réforme, sont généralement cités la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, la tentative de règlement amiable préalable à certaines demandes en matière civile, la suppression de l’obligation de tenir une audience de conciliation en matière de divorce sans consentement mutuel, la mise en place d’une juridiction nationale unique pour les injonctions de payer, l’expérimentation d’une Cour criminelle composée de juges professionnels, la création d’un parquet national antiterroriste, l’expérimentation de cours d’appel spécialisées ou encore le recours à l’ordonnance pour réformer la justice des mineurs [5].

Sous certains de ces aspects, la présente loi intéresse également la justice du travail. En comparaison avec d’autres réformes intervenues ces dernières années [6], l’impact est certes mesuré, mais il n’en demeure pas moins réel. Un certain nombre de mesures générales ont, en effet, vocation à s’appliquer aux juridictions du travail. On pense, tout d’abord, à l’amélioration du financement de la justice sur une période de quatre ans avec pour ambition de porter le budget de la justice de 7 à 8,3 milliards d’euros et de créer 6 500 emplois [7]. On peut, ensuite, évoquer la clarification du régime de la diffusion en open data des décisions de justice et aux conditions de délivrance des décisions de justice aux tiers [8]. Pour éviter toute dérive, il est d’ailleurs prévu que les données d’identité des magistrats et des membres du greffe ne pourront pas faire l’objet d’une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d’évaluer, d’analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées. Le Gouvernement est, en outre, habilité à prendre par voie d’ordonnance des mesures pour unifier et harmoniser le traitement des procédures au fond en la forme des référés [9]. Plus anecdotique, car opérée à droit constant, est l’introduction dans le Code du travail du principe de l’absence de représentation obligatoire par avocat des parties devant le conseil de prud’hommes. Cette modification vise à améliorer la lisibilité des dispositions concernant la représentation devant les CPH. Mais les règles applicables restent inchangées [10].

Deux autres mesures méritent une étude plus approfondie. On vise en premier lieu la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance qui devrait contribuer à réduire la dispersion du contentieux, si décriée en droit du travail [11]. La complexité du contentieux, résultant aujourd’hui de la spécialisation organique, pourrait toutefois persister sous une autre forme, celle de la spécialisation territoriale [12] (I). On peut, en second lieu, évoquer l’ensemble des mesures contenues dans la loi et relatives aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD). En droit du travail, de nombreux textes ont déjà eu pour objet ces dernières années de promouvoir les MARD [13]. Sans opérer une véritable révolution, les dispositions de la présente loi méritent néanmoins d’être étudiées en ce qu’elles visent à «développer la culture du règlement alternatif des différends» [14] (II).

 

I - La réduction partielle de la dispersion du contentieux du travail

 

La fusion des tribunaux d’instance et de grande instance. Depuis longtemps évoquée, la suppression des tribunaux d’instance est désormais avérée. L’article 95 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit, en effet, la substitution des tribunaux judiciaires aux actuels tribunaux d’instance et de grande instance au 1er janvier 2020 [15]. Sur ce point, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, et dans un délai de douze mois, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour tirer les conséquences, dans les textes et Codes en vigueur ainsi que dans les dispositions introduites ou modifiées par la présente loi, de cette substitution. Des modifications pourront notamment être apportées pour remédier aux éventuelles erreurs et omissions de la présente loi, et abroger les dispositions devenues sans objet [16].

Toute la question demeure, en réalité, de savoir si cette fusion marquera le début d’une réforme plus ambitieuse consistant à mettre en place une juridiction de première instance unique, englobant notamment le conseil de prud’hommes [17]. Cette idée avait notamment surgi à l’occasion des réflexions menées autour de la réforme de la Justice du XXIème siècle en 2013. L’un des rapports [18], commandé par la ministre de la Justice, garde des Sceaux, Christiane Taubira, avait en effet proposé la création d’un tribunal de première instance divisé en sept pôles [19]. Au tribunal de proximité devait s’ajouter un tribunal civil, un tribunal familial, un tribunal de l’enfance, un tribunal pénal, un tribunal commercial et un tribunal social quant à lui divisé en deux sections : le tribunal du travail et le tribunal des affaires sociales [20]. A l’occasion de la présente réforme et des chantiers de la justice qui l’ont précédée, le rapport Agostini/Molfessis se faisait à nouveau le relais de cette idée : la fusion proposée des tribunaux d’instance et de grande instance constituait seulement une étape d’un projet plus ambitieux. Le tribunal judiciaire devait, en effet, à terme, «regrouper, dans des chambres spécialisées, le contentieux dévolu aux conseils de prud’hommes, voire celui relevant des tribunaux de commerce» [21]. Néanmoins, pas plus que la loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle [22], la présente loi n’a abouti ni au tribunal de première instance, ni au regroupement du contentieux du travail. Il est simplement prévu que «lorsqu’un conseil de prud’hommes aura son siège dans la même commune que le siège d’un tribunal judiciaire ou de l’une de ses chambres de proximité, le greffe du tribunal judiciaire comprendra, d’une part, les services de greffe de cette juridiction et, d’autre part, le service de greffe du conseil des prud’hommes, dans des conditions propres à garantir le bon fonctionnement du conseil de prud’hommes» [23].

 

Une simplification attendue du contentieux du travail. Sans unifier totalement le contentieux du travail de première instance, la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance laisse tout de même augurer une certaine simplification de celui-ci [24]. En effet, l’une des causes de sa dispersion disparaît. Ce partage de compétences était d’ailleurs parfois critiqué comme se réalisant «par défaut», ou «dans des conditions qui […] complexifient inutilement la situation» [25]. Certains auteurs allaient jusqu’à souhaiter la suppression de ce partage de compétences et envisageaient un transfert de compétence tantôt au profit du tribunal d’instance [26], tantôt au profit du tribunal de grande instance [27].

A l’étude, la complexité qui résulte actuellement de ce partage de compétences mérite tout de même d’être relativisée. Une clarification des répartitions de compétences entre les deux juridictions a progressivement été opérée. Aujourd’hui, seul un nombre résiduel d’incertitudes persiste. Ces dernières tiennent essentiellement à l’absence d’attribution expresse de certains contentieux. On peut, par exemple, évoquer les désignations qui échappent à la compétence du tribunal d’instance. En l’absence d’une attribution générale de compétence pour l’ensemble des désignations professionnelles intervenues dans l’entreprise, le tribunal d’instance n’est actuellement compétent qu’à l’égard des seules désignations pour lesquelles il existe une attribution spéciale de compétence. Les autres relèvent par défaut, de la compétence du tribunal de grande instance [28]. Il peut ainsi exister un décalage entre la perception que peut avoir le justiciable du tribunal d’instance comme juge des élections et des désignations professionnelles et le caractère limité de sa compétence en ce domaine. Des incertitudes sont ensuite observables dans le contentieux de la reconnaissance d’une unité économique et sociale. En effet, malgré l’admission des actions en reconnaissance d’UES à titre principal et la diversification des conséquences liées à une telle reconnaissance [29], la Cour de cassation n’a jamais remis en cause l’attribution prétorienne de compétence au profit du tribunal d’instance [30]. Elle a même réaffirmé cette compétence dans un avis en 2007 en s’appuyant sur la prééminence du lien entre la reconnaissance d’une UES et la mise en place des institutions représentatives du personnel [31]. Pourtant, l’absence de texte spécifique consacrant cette compétence [32], ajoutée à la déconnexion de la reconnaissance d’une UES du contentieux électoral depuis la loi du 20 août 2008 [33], fragilisent l’affirmation d’une compétence du tribunal d’instance [34].

En procédant à une fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, la présente réforme semble ainsi mettre un terme aux incertitudes sus-évoquées. En effet, la multiplication des juridictions compétentes en droit peut être critiquée lorsqu’elle provoque des difficultés de choix pour le justiciable [35]. Elle favorise alors le recours aux procédures de règlement des incidents de compétence et entraîne l’accroissement de la durée globale du procès avant d’arriver au jugement sur le fond [36]. Dans le cadre d’une juridiction de première instance unique, de telles difficultés n’existent pas puisque la répartition s’effectue en interne par des mesures d’administration judiciaire [37].

 

Une simplification incertaine. La simplification annoncée pourrait, en réalité, n’être qu’apparente. Il faudra bien entendu attendre la publication des ordonnances pour pouvoir se prononcer avec certitude. Mais le rapport annexé à la présente loi fournit déjà, sur ce point, quelques informations. Il est en effet précisé que «l’objectif est d’évoluer progressivement vers deux types de procédure selon la nature du contentieux : une procédure orale sans représentation obligatoire pour les contentieux les plus simples, une procédure écrite avec représentation obligatoire pour les autres contentieux. Le contentieux traité actuellement dans les tribunaux d’instance doit rester sans représentation obligatoire pour faciliter l’accès au juge» [38]. Qu’en déduire alors pour le droit du travail ? Les litiges du droit du travail relevant aujourd’hui du tribunal d’instance -à savoir certaines actions personnelles et mobilières d’une valeur inférieure à dix mille euros [39], les litiges relatifs au contrat de travail des marins et des capitaines [40] et ceux relatifs aux désignations et élections organisées dans l’entreprise [41]- conserveront-ils leur spécificité au sein du futur tribunal judiciaire ? La lecture du rapport annexé laisse entrevoir une tout autre analyse. Il est, en effet, indiqué que la représentation obligatoire sera étendue à plusieurs contentieux complexes ou très sensibles comme les litiges relatifs aux élections professionnelles [42]. Cette mesure est déjà critiquée par certains auteurs [43]. Ces derniers rappellent, en effet, que les syndicats ont acquis en ce domaine une compétence certaine et qu’ils n’ont parfois rien à envier à certains avocats non spécialistes de ces questions. On peut, sur ce point, penser qu’une mesure similaire à celle existante pour la représentation obligatoire devant la Chambre sociale des cours d’appel sera consacrée et que la représentation par un défenseur syndical sera admise. 

Une autre mesure semble compromettre encore davantage la simplification évoquée du contentieux du travail. Il est, en effet, prévu que, dans les départements dans lesquels sont implantés plusieurs tribunaux judiciaires, certains d’entre eux pourront se voir confier par décret, sur proposition des chefs de cour et après avis des chefs de juridiction concernés, des contentieux spécialisés sur l’ensemble du ressort [44]. Le contentieux électoral sera-t-il concerné ? On peut le supposer. Sur ce point, le rapport Guinchard avait déjà mis en évidence, il y a quelques années, la nécessité de spécialiser certains magistrats du tribunal d’instance dans la «matière complexe et sensible» du contentieux électoral et s’était prononcé en faveur d’une concentration de ce contentieux dans un seul tribunal d’instance par tribunal de grande instance [45].

Avec cette mesure, le risque que la complexité des répartitions de compétences resurgisse via la spécialisation territoriale doit ainsi être envisagé. Si certains tribunaux judiciaires spécialement désignés devaient se voir confier l’actuelle compétence des tribunaux d’instance en droit du travail, l’avancée serait ainsi réduite à peau de chagrin. Dans ces circonstances, il serait souhaitable que soient, a minima, supprimées les difficultés actuelles des répartitions de compétences précédemment mises en évidence. A cette fin, il faudrait attribuer à ces tribunaux spécialement désignés une compétence générale pour le contentieux des élections professionnelles et des désignations [46] et préciser expressément la juridiction compétente pour le contentieux de l’UES. Cette réforme serait également l’occasion de clarifier le contentieux de la participation, actuellement source d’incertitudes. Il convient, sur ce point, de supprimer dans l’article R. 3326-1 du Code du travail (N° Lexbase : L4037IAR) la référence à l’article R. 311-1, abrogé, du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L0751IEK) afin d’éviter toute référence à la compétence générale du tribunal de grande instance qui conduit certains auteurs à considérer à tort qu’il existe en matière de participation un partage de compétences entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance [47]. Ces quelques mesures seraient à même de juguler les difficultés résultant de la pluralité juridictionnelle territoriale ainsi créée.

 

 

II - La promotion des modes alternatifs de règlement des différends

 

Généralisation de la faculté d’enjoindre le recours à la médiation. Parmi les mesures visant à promouvoir les modes alternatifs de règlement des différends, la présente loi généralise la possibilité pour le juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qu’il désigne [48]. Cette faculté lui est désormais ouverte en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible et qu’il n’a pas recueilli l’accord des parties [49]. Jusqu’à présent, l’article 22-2 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative (N° Lexbase : L1139ATD) interdisait la désignation par le juge d’un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps. Dans les autres domaines, cette possibilité pour le juge de désigner un médiateur était uniquement envisagée au stade des «tentatives préalable de conciliation». Au-delà de cet article, d’autres textes étendaient cependant cette possibilité à d’autres étapes de la procédure. Depuis le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (N° Lexbase : L2693K8A), c’était notamment le cas en droit du travail. En vertu de l’article R. 1471-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2665K89), le bureau de conciliation et d’orientation et le bureau de jugement peuvent, quel que soit le stade de la procédure, proposer un processus de médiation voire enjoindre de rencontrer un médiateur. Si cette généralisation aura ainsi un impact limité pour le conseil de prud’hommes, elle ne sera pas sans effet devant les autres juridictions du travail ou encore au stade de l’appel. Elle devrait, par ailleurs, et en tout état de cause, avoir pour conséquence «d’amplifier la pression en faveur du déploiement des modes alternatifs de règlement des litiges» [50].

 

Le recours préalable obligatoire aux MARD pour certains litiges. A compter du 1er janvier 2020, une tentative de conciliation, médiation ou procédure participative sera obligatoire avant toute saisine du tribunal de grande instance (alors devenu le tribunal judiciaire), sous peine d’irrecevabilité de la demande [51]. Le périmètre de cette obligation demeure encore incertain. Le texte prévoit, en effet, qu’au-delà des conflits de voisinage, cette obligation concernera les litiges tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant. C’est un décret en Conseil d’Etat qui déterminera les matières entrant dans le champ d’application des conflits de voisinage et le montant en deçà duquel les litiges sont soumis à ladite obligation. Sur ce point, il convient de rappeler que l’actuel article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3) concerne les seules saisines du tribunal d’instance opérées par déclaration au greffe, autrement dit les demandes de nature civile dont le montant ne dépasse pas 4 000 euros.

A l’instar de ce qui existe actuellement, ce préalable obligatoire souffrira, par ailleurs, d’un certain nombre d’exceptions [52]. En effet, la tentative obligatoire de conciliation, de médiation, ou de procédure participative n’existera pas :

- si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

- lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

- si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;

- si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

 

Concernant ces exceptions, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d’interprétation dans sa  décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 (N° Lexbase : A5079Y4U). L’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, dans sa nouvelle rédaction, a en effet été déclaré conforme à la Constitution sous réserve que le pouvoir réglementaire définisse la notion de «motif légitime» et précise le «délai raisonnable» d’indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent [53]. Dans l’attente des décrets, on peut déjà préciser qu’en employant le terme notamment, le législateur n’a pas souhaité réduire le motif légitime à la seule hypothèse de l’indisponibilité du conciliateur. D’autres motifs légitimes devront ainsi être définis par le pouvoir règlementaire. Sur ce point, on peut déjà anticiper que les requêtes in futurum ne seront pas concernées par cette tentative de conciliation dans la mesure où il ne s’agit pas d’une procédure contradictoire.

A l’heure actuelle, la saisine du tribunal d’instance n’a pas à être précédée d’une tentative de conciliation lorsque les parties justifient «d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige» [54]. Cette exception n’a pas été reprise dans l’article 4 issu de la présente loi. Sauf à ce que le pouvoir règlementaire l’inclut dans le motif légitime, on peut donc conclure à un resserrement des conditions permettant de se soustraire à l’obligation de recourir aux MARD. A compter du 1er janvier 2020, il faudra ainsi distinguer ces litiges -soumis à une obligation renforcée et préalable de recourir à un MARD et les autres assignation, requête ou déclaration pour lesquelles l’exigence de «diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige» semble plus souple [55]. La mention de ces diligences n’est d’ailleurs pas requise en présence d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public. En droit du travail, le contentieux électoral qui relèvera des futurs tribunaux judiciaires ne devrait pas être soumis à cette obligation renforcée de recours préalable aux MARD puisqu’il ne tend pas au paiement d’une certaine somme. Il ne sera d’ailleurs pas davantage soumis à l’exigence de diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. La Cour de cassation a, en effet, récemment estimé qu’un tribunal d’instance ne peut juger irrecevable la requête d’un syndicat en annulation du protocole d’accord préélectoral en raison du défaut de diligences accomplies en vue de parvenir à une résolution amiable du litige [56]. Un employeur et des organisations syndicales ne peuvent conclure un accord pour se faire juge de la validité des élections professionnelles dans la mesure où la matière intéresse l’ordre public.

 

La reconnaissance et la réglementation des services en ligne. Tout en l’autorisant, la présente réforme vise à sécuriser le cadre juridique de l’offre en ligne de résolution amiable des différends [57]. La loi de programmation soumet, en effet, les personnes proposant un service en ligne de conciliation, de médiation, d’arbitrage ou d’aide à la saisine des juridictions à un certain nombre d’obligations : une obligation d’information sur le déroulement de la procédure, une obligation de protection des données à caractère personnel et une obligation de confidentialité. Les personnes physiques ou morales qui concourent au fonctionnement des services en ligne de médiation, conciliation, arbitrage ont, en sus, l’obligation d’accomplir leur mission avec impartialité, indépendance, compétence et diligence. Une certification facultative des services en ligne de médiation, conciliation ou d’arbitrage sera mise en place pour ceux qui le souhaiteraient, sur la base d’un cahier des charges établi par le ministère de la Justice. Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions de délivrance et de retrait de la certification ainsi que les conditions dans lesquelles sera assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage.

Plus intéressante encore est la référence au recours, par ces services en ligne, à un traitement automatisé du règlement des litiges. Ce recours n’est pas interdit, il est seulement encadré. Il est prévu que ces services en ligne «ne peuvent avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel» [58]. La proportion n’est, en revanche, pas précisée, et aucun plafond n’est fixé. Seule une information du consommateur est requise. Sur ce point, les décrets devront être particulièrement rigoureux afin que des plaideurs recourant à ces modes de résolution des différends puissent se prononcer en conscience au regard de la qualité des dispositifs, sans être influencés par le seul critère du coût [59].

 

[1] Sur cette mobilisation du monde judiciaire : J. Mucchielli, Les professions judiciaires manifestent : «le gouvernement veut supprimer l'accès au juge», D. actu., 11 avril 2018.

[2] Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC (N° Lexbase : A5079Y4U). Qualifiée par le Conseil constitutionnel lui-même dans son communiqué de décision la plus longue qu’il ait jamais rendue, la décision du 21 mars 2019 censure près d’une quinzaine d’articles. On peut notamment citer la censure du transfert au directeur des CAF le soin de réviser la pension alimentaire, de la mesure modifiant le cadre juridique des interceptions de correspondances émises par la voie de communications électroniques, le recours à des techniques spéciales d’enquête dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire pour tous les crimes et non plus seulement pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, de la mesure autorisant les officiers de police judiciaire à adresser à certaines conditions une réquisition sans autorisation du procureur de la République ou encore de la mesure permettant de recourir sans l’accord de l’intéressé à des moyens de télécommunication audio-visuelle lors des débats relatifs à la prolongation d’une mesure de détention provisoire. Pour davantage de précisions : L. Garnerie, Réforme de la justice : censure partielle du Conseil constitutionnel, Gazette du Palais, 26 mars 2019, n° 12, p. 5.

[3] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Elle est accompagnée d’une loi organique tirant notamment les conséquences de la substitution des tribunaux judiciaires au tribunaux d’instance et de grande instance (loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019,  relative au renforcement de l’organisation des juridictions N° Lexbase : L6739LPB ; Cons. const., décision n° 2019-779 DC du 21 mars 2019 N° Lexbase : A5080Y4W).

[4] Rapport annexé à la loi, p. 82.

[5] L. Garnerie, Réforme de la justice : censure partielle du Conseil constitutionnel, op. cit..

[6] On citera la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016, relative à la désignation des conseillers prud'hommes (N° Lexbase : L3872K7K), le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (N° Lexbase : L2693K8A), la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3), le décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, portant diverses dispositions procédurales relatives aux juridictions du travail (N° Lexbase : L4724LEP), l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L7629LGN) et le décret n° 2017-1698 du 15 décembre 2017, portant diverses mesures relatives à la procédure suivie devant le conseil de prud’hommes (N° Lexbase : L6193LHT).

[7] Certains auteurs émettent cependant des réserves sur le caractère suffisant des mesures annoncées et sur leur réel impact en droit du travail. L’augmentation du budget comprend, en effet, une part importante consacrée à l’augmentation du nombre de places en prison, ce qui absorbera une partie significative des futurs budgets : F. Guiomard, Loi de programmation et de réforme de la justice : quel impact sur la justice du travail ?, RDT, 2019, p. 203.

[8] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 33 (CJA, art. L. 10 N° Lexbase : L7370LPN et L. 10-1 (N° Lexbase : L7189LPX) ; COJ, art. L. 111-13 N° Lexbase : L7368LPL et L. 111-14 N° Lexbase : L7190LPY). V. C.-S. Pinat, Loi de réforme de la justice : procédure civile, Dalloz actu., 2 avril 2019.

[9] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 33. L’ordonnance de référé ne doit pas être confondue avec le jugement rendu «en la forme des référés», qui est un jugement au fond, qui se caractérise par son caractère exécutoire et qui bénéficie de l’autorité de la chose jugée. Sur ce point : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 10ème éd., LexisNexis 2017, coll. Manuel, n° 91, p. 95.

[10] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 5, II (C. trav., art. L. 1453-1, nouveau).

[11] B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux autour du contrat de travail, Thèse de 3ème cycle, 1982, dactyl., 300 p. ; G. Lyon-Caen, A propos d’une réorganisation des juridictions sociales, D., 1969, chron. IV, p. 21 ; P. Durand, La réorganisation des juridictions du travail, Dr. soc., 1943, p. 363. Sur l’émergence possible d’un pluralisme juridictionnel en ce domaine, voir nos obs., Le pluralisme juridictionnel en droit du travail, Thèse Université de Bordeaux, dactyl., 2017, 440 p..

[12] Sur la distinction entre spécialisation organique et spécialisation fonctionnelle, voir : S. Guinchard, Rapport de synthèse, in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT, 2012, p. 223.

[13] M. Beckers, Médiation, procédure participative et arbitrage : la grande braderie de la justice sociale, Dr. ouvr., 2016, p. 128 ; D. Baugard, La procédure participative et la médiation conventionnelle en matière prud’homale, Cah. soc., 2015, p. 665 ; F. Guiomard, Que faire de la médiation conventionnelle et de la procédure participative en droit du travail ?, RDT, 2015, p. 628.

[14] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, titre de la section 1.

[15] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 109, XXIII.

[16] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, article 107, I.

[17] Sur le débat entourant sa mise en place, voir : N. Fricero, La fusion des juridictions civiles du premier degré en question, in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT, 2012, p. 107. En faveur de cette création : C. Bléry, Plaidoyer pour une simplification des règles internes de compétence en matière judiciaire, Procédures 2008, ét. 3, p. 7. Pour une critique, voir : Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La Documentation française, 2008, p. 187 et suiv. et plus récemment : S. Guinchard, Prolégomènes : pour réformer la procédure civile, D., 2017, p. 2488, spéc. p. 2294.

[18] Dans l’optique d’une réforme de la justice du XXIème siècle, Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, ministre de la Justice, avait également commandé trois autres rapports : l’un sur l’évolution des missions du juge (Rapport de l’Institut des Hautes Etudes de la Justice, A. Garapon et alii., La prudence et l’autorité : l’office du juge au XXIème siècle, La Documentation Française, juillet 2013), un deuxième sur la conception et l’organisation de la justice civile (P. Delmas-Goyon, Le juge du XXIème siècle. Un citoyen acteur, une équipe de justice, La Documentation Française, décembre 2013) et un dernier sur la réforme du Parquet (J.-L. Nadal, Refonder le ministère Public, La Documentation Française, novembre 2013).

[19] Rapport Marshall, Les juridictions du XXIème siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice, rapport remis à la garde des Sceaux, ministre de la Justice, décembre 2013.

[20] Sur les difficultés d’intégrer les conseils de prud’hommes au sein d’un éventuel tribunal de première instance, voir : Rapport V. Klès et Y. Détraigne, Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance, Rapport d’information n° 54 (2013-2014) fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 octobre 2013, spéc. p. 66 et suiv..

[21] Rapport F. Agostini et N. Molfessis, Amélioration et simplification de la procédure civile, janvier 2018, spéc. p. 15.

[22] Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle, préc..

[23] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 95 (futur article L. 123-1 du Code de l’organisation judiciaire).

[24] En ce sens : F. Guiomard, Un nouveau programme pour la justice du travail, RDT,  2018, p. 229.

[25] L. Pécaut-Rivolier, Le paradoxe d’un contentieux éclaté, in Ph. Waquet (dir.), 13 paradoxes en droit du travail, Lamy 2012, coll. Lamy Axe droit, 2012, p. 383, spéc. p. 391.

[26] Ibid.. Cette dernière envisage que le tribunal d’instance pourrait devenir le juge naturel du contentieux des institutions représentatives du personnel, qu’il s’agisse du fonctionnement, des expertises, des difficultés dans le déroulement des séances, mais également de l’ensemble des litiges collectifs, à la condition que des moyens soient alloués à ces juges.

[27] Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle, rapport remis à la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, juillet 2014, p. 14, spéc. p. 53. Est envisagée la réunion entre les «mains d’un juge spécialisé de tous les contentieux généralistes de droit du travail, collectifs ou individuels, qui ne sont pas dévolus à un juge particulier».

[28] Relèvent notamment de la compétence du tribunal de grande instance la désignation du salarié mandaté par les organisations syndicales représentatives pour négocier dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, la désignation des représentants dans le comité d’entreprise européen institué par accord, mais également la désignation des représentants dans les instances de représentation instituées par accord pour la constitution d’une société européenne, d’une société coopérative européenne ou d’une société issue d’une fusion transfrontalière. Il en va de même du contentieux de la désignation du représentant de proximité, créé par l’article 1 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales. Aucun décret n’a en effet attribué ce contentieux au tribunal d’instance.

[29] Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-60.135, publié (N° Lexbase : A5244DC9), Bull. civ, V, n° 157 ; Dr. soc., 2004, p. 913, obs. J. Savatier ; A. Cœuret, Le juge compétent pour connaître de l’UES, SSL, 2007, n° 1303, p. 7.

[30] Voir notamment : Cass. soc., 29 octobre 2003, n° 02-60.820, F-P+B (N° Lexbase : A0116DAK), Bull. civ, V, n° 267.

[31] Cass. avis, 19 mars 2007, n° 06-00.020, inédit (N° Lexbase : A3996ICY) : JCP éd. S, 2007, 1458, note G. Blanc-Jouvan ; JSL, 2007, n° 211, note J.-E. Tourreil. Voir les critiques formulées à l’encontre de cet avis : Ph. Waquet, Le contentieux électoral et la procédure d’avis devant la Cour de cassation, RDT, 2007, p. 540 et T. Grumbach, La compétence du tribunal d’instance en matière d’UES, au cœur d’un conflit de logiques, RDT, 2007, p. 743.

[32] L’article L. 2313-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8471LGT) vise en effet la possible reconnaissance de l’UES par «décision de justice», sans davantage de précision. La compétence du tribunal d’instance pour les actions mobilières ne permet pas davantage d’affirmer sa compétence dans la mesure où la demande de reconnaissance d’une UES présente un caractère indéterminé.

[33] Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 11-20.232 (N° Lexbase : A8982IBB), Bull. civ, V, n° 37 ; obs. G. Auzero, Toutes les décisions en matière de reconnaissance d'une UES sont désormais susceptibles d'appel !, Lexbase, éd. soc., 2012, n° 473 (N° Lexbase : N0226BTK). Voir également L. Pécaut-Rivolier, L’unité économique et sociale, quel avenir ?, in Dossier spécial Les périmètres sociaux de l’entreprise, Dr. soc., 2012, p. 974, spéc. p. 978. La Cour de cassation reconnaît, elle-même, dans cet arrêt que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, «la demande en reconnaissance ne peut plus […] être formulée à l’occasion d’un contentieux en matière d’élection professionnelle ou de désignation de représentants syndicaux». Elle réaffirme toutefois dans le communiqué relatif à cet arrêt la compétence du tribunal d’instance en reprenant les termes de son avis de 2007.

[34] En ce sens, M. Cloitre, L’unité économique et sociale, Thèse Université de Rennes I, dactyl., 2013, p. 194 et suiv. Contra : M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, 3ème éd., D., 2015, coll. Guides D., n° 611-45.

[35] C. Bléry, La notion de spécialisation, in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT, 2012, p. 13, spéc. p. 19, spéc. p. 21.

[36] S. Guinchard, Rapport de synthèse, in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT, 2012, p. 223, spéc. p. 230.

[37] En ce sens : C. Bléry, La notion de spécialisation, op. cit., spéc. p. 21.

[38] Rapport annexé, p. 84.

[39] COJ, art. L. 221-4 (N° Lexbase : L7861HNH).

[40] Décret n° 2015-219 du 27 février 2015, relatif à la résolution des litiges individuels entre les marins et leurs employeurs (N° Lexbase : L0416I8W), art. 12. Sur ce décret, voir : I. Jarry, Regard sur le décret du 27 février 2015 relatif à la résolution des litiges individuels entre les marins et leurs employeurs, DMF, 2015, n° 768, p. 358.

[41] La compétence du tribunal d’instance dans le contentieux des élections est relativement vaste. Elle concerne, en effet, non seulement l’élection des membres du comité social et économique, les élections organisées sur un plan régional pour la mesure de la représentativité dans les entreprises de moins de onze salariés mais également toutes les consultations organisées dans l’entreprise.

[42] Rapport annexé, p. 84. Le caractère «complexe et sensible» du contentieux électoral avait déjà été mis en évidence dans la rapport Guinchard : Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, op. cit., p. 244.

[43] F. Guiomard, Loi de programmation et de réforme de la justice : quel impact sur la justice du travail ?, op. cit..

[44] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 95 (futur article L. 211-9-3 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : Z74133RE).

[45] Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, op. cit., p. 244. Selon ce dernier, le contentieux des élections professionnelles ne requiert pas de proximité géographique particulière.

[46] Egalement en faveur d’une telle attribution, voir : S. Hunter-Falck, Le double paradoxe du juge départiteur, in Ph. Waquet (dir.), 13 paradoxes en droit du travail, Lamy 2012, coll. Lamy Axe droit 2012, p. 411.

[47] En ce sens, C. Gaillard et A. Sybillin, Prud’hommes, Rép. proc. civ., D., 2014, n° 205. Ces derniers se réfèrent d’ailleurs à des arrêts datant d’une époque où la compétence du tribunal d’instance était expressément visée par l’article R. 442-26 du Code du travail (N° Lexbase : L6507DBM). Voir notamment : Cass. soc., 20 octobre 1977, n° 76-40.880, publié (N° Lexbase : A3136CIY), Bull. civ., V, n° 558 ; Dr. soc., 1978, p. 127, obs. J. Savatier.

[48] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 3..

[49] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 3, I (article 22-2 modifié de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative).

[50] F. Guiomard, Loi de programmation et de réforme de la justice : quel impact sur la justice du travail ?, op. cit.

[51] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 3, II (article 4 modifié de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle).

[52] Futur article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3).

[53] Cons. const., décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 (N° Lexbase : A5079Y4U), § 20.

[54] Actuel article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle.

[55] C. proc. civ., art. 56 (N° Lexbase : L1441I8U) et 58 (N° Lexbase : L1442I8W).

[56] Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-60.067, FS-P+B (N° Lexbase : A6725YRI).

[57] Nouveaux articles 4-1 et suivants de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle.

[58] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 3 (nouvel article 4-3 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle).

[59] Sur cette crainte : F. Guiomard, Loi de programmation et de réforme de la justice : quel impact sur la justice du travail ?, op. cit..

 


 

♦ Pour en savoir plus sur la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC), cf. le numéro spécial dédié à la réforme dans la revue Profession n° 283 du 11 avril 2019 (N° Lexbase : N8440BXU).

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Justice

[Textes] Loi "Justice" - Dispositions pénales. Une loi rédigée par le ministère de l'Intérieur ?

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

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par Laure Heinich et Clotilde Lepetit, Avocates au Barreau de Paris, 7 Bac avocats, Anciennes Secrétaires de la Conférence

Le 10 Avril 2019


Mots-clefs : Commentaire • Texte • Loi "Justice" •  Dispositions pénales 


 

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été́ publiée au Journal officiel du 24 mars et entre en application.

Treize de ses articles ont été censurés par le Conseil constitutionnel estimant que l’équilibre entre l’exigence de sécurité et le droit à la vie privée et la dignité n’était pas préservé.

Après cette censure, il n’est pas interdit de s’interroger encore.

Les pouvoirs d’enquête et du Parquet se trouvent étendus et renforcés sans que l’accroissement des droits des parties par l’intermédiaire de leur avocat n’ait été pensé.

L’objectif final ne dupe personne : la suppression du juge d’instruction et du contradictoire afférent.

Sans être exhaustif, nous présentons les évolutions essentielles de la loi qui préfigurent une Justice réduisant l’accès à un juge et, par corolaire, la participation du justiciable à son propre procès.

 

La phase d’enquête

 

  • Le recueil des plaintes

 

L’article 15-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7395LPL) énonce explicitement que les OPJ et APJ sont tenus de recevoir les plaintes dans les commissariats, y compris dans les lieux territorialement incompétents. Cet article est la manifestation de la réalité des victimes qui se trouvent souvent éconduites lorsqu’elles souhaitent déposer une plainte, alors même que la loi prescrivait déjà la possibilité de déposer une plainte en tout lieu.

La nouveauté réside un peu plus tard dans le même article 15-3-1 (N° Lexbase : L7192LP3) qui permet aux plaignants de déposer plainte par voie électronique. Il est légitime de craindre que les plaignants soient, finalement, incités par les services de police, surchargés, à déposer leur plainte de cette manière.

 

Lorsqu’ils sont récipiendaires de la plainte, les policiers pourront ne s’identifier que par leur numéro de matricule et non plus par leur nom.

 

  • L’extension des pouvoirs des enquêteurs

 

→ Les perquisitions

 

Sur autorisation motivée du JLD, la loi élargit la possibilité de procéder à des perquisitions et visites domiciliaires sans assentiment dans le cadre de l’enquête préliminaire à tous délits punis de trois ans au lieu de cinq ans d’emprisonnement.

 

Par l’instauration d’un nouvel article 802-2 (N° Lexbase : L7201LPE), la loi introduit la contestation pour toute personne qui n’a pas été poursuivie devant une juridiction d’instruction ou de jugement de saisir le JLD d’une demande tendant à son annulation. La saisine devra s’effectuer au plus tôt six mois après l’accomplissement de cet acte et dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle le justiciable concerné aura eu connaissance de cette mesure.

S’agissant des perquisitions concernant un avocat, les règles protectrices de l’article 56-1 (N° Lexbase : L2843HI7) sont étendues à toutes les perquisitions prévues par des lois spéciales et à toutes les visites domiciliaires effectuées par une quelconque autorité administrative.

 

→ La géolocalisation

 

Dans le même sens, la loi permet le recours à la géolocalisation pour toutes les infractions punies de moins de trois ans. En cas « d’urgence » celle-ci peut être prescrite ou mise en place par un OPJ sur simple information du procureur de la république qui peut en prescrire la mainlevée.

 

→ Anonymisation des enquêteurs 

 

La possibilité d’un recours à l’anonymisation pour les agents de police national et de la gendarmerie est élargie aux actes pour lesquels ils «interviennent» dès lors que leur vie pourrait être mise en danger par leur mission. Les parties pourront saisir les juges d’instruction ou de jugement compétents aux fins de sollicitation de l’identification des fonctionnaires si celle-ci est nécessaire pour l’exercice de la défense. 

 

  • La garde à vue

 

La loi prévoit la possibilité de prolonger la garde à vue en raison du seul déferrement sauf s’il existe un «petit dépôt» au sein du palais de justice compétent.

La loi supprime la présentation obligatoire du gardé à vue au procureur de la République en cas de prolongation de la mesure au-delà de 24 heures. Alors que les procureurs usaient déjà souvent de la faculté de ne pas se faire présenter les gardés à vue en raison des contraintes de service, l’exception va donc devenir la règle. Le justiciable privé de sa liberté ne pourra même plus s’entretenir, pendant le temps de sa privation, avec celui qui en est le responsable mais qui n’en n’est plus le comptable.

Par ailleurs, la loi restreint l’information de l’avocat en cas de transport du gardé à vue dès lors que la personne ne fera pas l’objet d’une audition. Le justiciable, alors dans les geôles de la Républiques, peut donc être transporté en tout lieu sans que personne n’ait à en être informé…

A titre expérimental, il est prévu de pouvoir procéder à l’enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités prévoyant la notification des droits. Il faudra réclamer lesdits enregistrements pour vérifier la notification des droits…ils ne seront plus mentionnés sur PV.

 

Terrorisme et criminalité organisée

 

La JIRS de Paris dispose d’une compétence nationale concurrente pour la criminalité et la délinquance organisées.

La loi modifie le «délit d’entreprise individuelle terroriste» qui inclut désormais également la tentative comme le fait lui-même (C. pén., art. 421-2-6 N° Lexbase : Z12763RG).

La loi crée un nouvel article 706-80-1 (N° Lexbase : L7231LPI) relatif aux livraisons surveillées. Dans le cadre d’une opération de surveillance, le Parquet ou le juge d’instruction peut demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder à l’interpellation de ces personnes soupçonnées afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

La loi régit également l’opération de surveillance ou transport de biens ou produits tirés de la commission d’infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 (N° Lexbase : L2154LHA), 706-73-1 (N° Lexbase : L2153LH9) ou 706-74 (N° Lexbase : L2792KGI) effectuée par les services d’enquête (création de l’article 706-80-2 N° Lexbase : L7232LPK). Lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, le procureur ou le juge d’instruction peuvent autoriser les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité́, les agents de police judiciaire, à livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets ou produits, sans être pénalement responsables.

Bien qu’il soit précisé que ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction, la question pourrait être soulevée.

 

Recours aux techniques spéciales d’enquête

 

Concernant les techniques spéciales d’enquête, lesquelles restent cantonnées à la criminalité organisée, elles peuvent être ordonnées dans les enquêtes préliminaires par le JLD saisi par le Parquet. En cas d’urgence, l’autorisation pourra être délivrée par le Procureur de la république et validée de façon motivée par le JLD dans les 24 heures qui suivront.

 

L’instruction 

 

La loi introduit de nouvelles prérogatives au Parquet à l’ouverture d’une information, qu’elle soit à son initiative ou à celle de la partie civile.

Lorsqu’il requiert l’ouverture d’une information, le procureur de la République peut autoriser la poursuite des investigations par ses services de police durant une durée de 48 heures pour tout délit puni d’une peine supérieure ou égale à trois ans si la recherche de la manifestation de la vérité́ l’exige (nouvel article 80-5 N° Lexbase : L7206LPL). Cette autorisation fait l’objet d’une décision écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite a été́ autorisée, le juge d’instruction pouvant à tout moment mettre un terme à ces opérations.

La loi modifie également l’article 81 (N° Lexbase : L7468LPB) qui introduit la possibilité pour les avocats de déposer des demandes d’actes par lettre recommandée avec accusé de réception, même lorsqu'ils exercent dans le ressort de la juridiction.

La loi introduit par ailleurs la possibilité d’ouverture de scellés par le juge d’instruction en l’absence du mis en examen si son avocat est présent ou a été́ convoqué. Cette modification réduit encore la participation du justiciable à son propre procès.

 

→ La plainte avec constitution de partie civile

 

La loi prévoit la possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile après désistement de l’action civile et ce, par dérogation à l’article 5 (N° Lexbase : L9883IQ4).

Après dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. Le procureur de la République peut demander au juge d’instruction un délai supplémentaire de trois mois pour permettre la poursuite des investigations avant de faire connaitre ses réquisitions. La décision du juge d’instruction constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours (C. proc. pén., art. 86 N° Lexbase : L7457LPU).

En tout état de cause, la loi introduit la possibilité pour le juge d’instruction de rendre une ordonnance de refus d'informer sur demande du procureur de la République quand la citation directe est possible.

Dans la pratique, le Parquetier d’audience prend rarement des réquisitions quand l’affaire arrive sur citation directe, estimant qu’il s’agit d’une «affaire entre parties» au sujet desquelles il n’aurait pas à demander l’application de la loi. On peut craindre que le justiciable se retrouve sans soutien de l’action publique et dans l’impossibilité de saisir un juge d’instruction.

Il apparaît que cette loi bien qu’elle affiche le contraire, rend plus difficile le parcours de la partie civile.

 

→ La chambre de l’instruction

 

La loi introduit un nouvel article 170-1 (N° Lexbase : L7205LPK) qui prévoit la possibilité pour le président de la chambre de l’instruction de statuer à juge unique sur certaines demandes lorsque la solution «parait s’imposer de façon manifeste».

Si la décision qui s’impose consiste dans l’annulation des actes ou pièces de la procédure, elle peut, en cas d’accord du ministère public être prise par Ordonnance sans l’audience de l’article 199 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4955K8Z).

L’auteur de la requête en annulation peut cependant demander que celle-ci soit examinée par la chambre de l’instruction.

La loi prévoit également un nouvel article 145-4-2 (N° Lexbase : L7222LP8) prévoyant le recours devant le président de la chambre de l’instruction contre l’interdiction de correspondance d’un détenu et pour toutes les décisions de l’autorité́ judiciaire concernant les modalités d’exécution d’une détention provisoire, notamment les sorties sous escorte.

 

→ La clôture information

 

La loi modifie les dispositions de l’article 175 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5026K8N). S’ils entendent pouvoir formuler des observations ou des demandes après la clôture de l’instruction, les avocats doivent le notifier par écrit. Ils peuvent le faire dans les 15 jours suivant chaque interrogatoire, en tout cas jusqu’à 15 jours après la notification de la fin de l’information judiciaire. Le cas échéant, le délai pour formuler les observations demeure inchangé.

La loi uniformise les délais d’appel des parties à l’instruction, le Parquet disposant également d’un délai de 10 jours.

 

→ L’action civile

 

La loi introduit un nouvel article 391 (N° Lexbase : L7390LPE) lorsque l’avis d’audience a été adressé à la victime mais qu’il n’est pas établi qu’elle l’ait reçu. Le tribunal qui peut statuer sur l’action publique en l’absence de la victime, peut renvoyer le jugement de l’affaire sur l’action civile à une audience ultérieure, la victime devant en être avisée.

 

La Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité

 

La loi aggrave le quantum de la peine pouvant être prononcée, laquelle est portée de 1 an à 3 ans d’emprisonnement. La peine proposée peut comporter une révocation de sursis, le relèvement d’une interdiction, d’une déchéance ou d’une incapacité, ou la non-inscription au bulletin n° 2 ou n° 3 du casier judiciaire.

Le pouvoir pour le Président de ne pas homologuer la proposition acceptée a été élargi (C. proc. pén., art. 495-11-1 N° Lexbase : Z69423RE) notamment s’il estime que la nature des faits, la personnalité́ de l’intéressé́, la situation de la victime ou les intérêts de la société́ justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime le nécessitent.

 

Création d’une nouvelle procédure : la comparution différée article 397-1-1 (N° Lexbase : Z70377RE)

 

Alors que les avocats dénoncent la procédure de comparution immédiate qui ne permet pas l’exercice effectif des droits de la défense, la loi crée une nouvelle procédure qui s’y ajoute au lieu de s’y substituer.

Si l’affaire n’est pas en état d’être jugée selon la procédure de comparution immédiate en raison de l’absence de résultats d’examens techniques ou médicaux déjà̀ sollicités, le procureur de la République peut poursuivre devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution à délai différé.

Le prévenu est alors présenté devant le JLD, qui statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. La détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à trois ans, c’est à dire la quasi-totalité des délits. L’ordonnance rendue est susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction.

Le prévenu doit comparaitre devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, à défaut de quoi il est mis fin d’office au contrôle judiciaire, à l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou à la détention provisoire.

Jusqu’à l’audience de jugement, le prévenu ou son avocat peuvent demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu’ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité. Si le prévenu est détenu, la demande peut être faite au moyen d’une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire.

Lorsqu’il est fait application des dispositions du présent article, la victime en est avisée par tout moyen et peut alors se constituer partie civile.

 

Le jugement

 

La loi étend le recours à la procédure du juge unique en matière correctionnelle aux délits de moins de cinq ans. L’appel de ces jugements se fera également à juge unique.

Le législateur semblerait-il considérer que les modalités de la composition d’un tribunal, sa collégialité, influerait peu sur la qualité du délibéré ?

Dans le même ordre d’idée, se trouve supprimée la validation par le juge d’une composition pénale pour les délits de moins de trois ans.

 

La cour d’assises

 

La loi inscrit dans ses dispositions l’exigence de motivation des peines prononcées par la cour d’assises, consacrant ainsi la décision déjà entreprise par le conseil constitutionnel saisi sur question prioritaire de constitutionnalité.

Désormais, la liste des 5 témoins transmise par l’accusé au ministère public doit l’être, non plus 5 jours avant l’ouverture des débats mais 1 mois et 10 jours. La liste des témoins cités en qualité de témoins, doit être signifiée entre parties 1 mois avant l’ouverture des débats et non plus 24 heures.

Alors que le président était jusqu’à présent le seul membre de la cour à avoir connaissance du dossier d’instruction, la copie sera désormais également mise à la disposition des assesseurs, rompant cette égalité qui pouvait exister entre les assesseurs et les jurés et creusant une brèche dans le principe de l’oralité.

 

En cas de cour d’assises spéciales, les magistrats se retireront pour délibérer en possession de l’entier dossier de la procédure.

Autre brèche, les témoins qui devaient d’abord déposer spontanément avant d’être interrogés, pourront désormais être interrompus par des questions que souhaiterait lui poser le Président.

Quant à l’appel, il pourra désormais être limité à la peine, les témoins entendus étant alors uniquement ceux nécessaires à l’appréciation du quantum.

Enfin la loi met en place, à titre expérimental pendant une durée de trois ans, une cour criminelle composée d’un président et quatre assesseurs pour juger les majeurs accusés d’un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale. La cour criminelle délibèrera en possession de l’entier dossier de la procédure.

Mise en place uniquement pour réduire les coûts liés à la réunion des jurés et prétendument pour pallier le nombre de «correctionnalisation» des affaires de viols, on objectera que cette cour criminelle aura précisément les apparences des tribunaux correctionnels, jugeant les viols à moindre frais que les autres crimes. Comme s’ils ne le valaient pas.

 

La peine

 

→ Révocation du sursis 

 

Lorsque la juridiction ordonne la révocation du sursis en totalité ou en partie, elle peut, par décision spéciale et motivée, faire incarcérer le condamné.

 

→ Création de la peine de probation

 

La contrainte pénale a été renommée en «peine de probation». Il faut espérer que ce nouveau baptême relève d’une volonté de faire vivre cette peine, ni plaidée par les avocats, ni prononcée par les juridictions.

 

→ Aménagement de peine

 

Les peines ne seront plus aménageables jusqu’à deux ans, le seuil ayant été abaissé à un an d’emprisonnement ferme. Les tribunaux prendront-ils sans délai la mesure de cette évolution en revoyant à la baisse leurs décisions pour éviter les mandats de dépôts ou vivrons-nous un nouvel essor de la population carcérale en raison de l’abaissement de ce seuil ?

Par ailleurs, et dans le sens contraire, la loi interdit le prononcé de peines d’emprisonnement de moins d’un mois, ces peines ne conduisant effectivement qu’à la désinsertion sociale. La loi contraint encore le magistrat à aménager ab initio les peines de 1 à 6 mois.

 

*  *

*

Cette loi de gestion des coûts qui ne dit pas son nom s’apparente à une loi de défiance à l’encontre de toutes les parties y compris la victime. Elle consacre un recul des droits de la défense qui sont un marqueur démocratique dont il faut s’inquiéter.

D’aucuns souligneront peut-être qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer, cette loi n’étant pas plus attentatoire aux droits que les précédentes. Mais c’est précisément l’accumulation des lois en ce sens qui fait qu’une d’entre elle sera définitive.

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Justice

[Questions à...] Loi "Justice" - Cinq questions à Nicole Belloubet, ministre de la Justice et Garde des Sceaux

Lecture: 4 min

N8508BXE

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par Marie Le Guerroué, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition professions

Le 10 Avril 2019


Mots-clefs : Interview • Nicole Belloubet • Loi "Justice" • Conseil constitutionnel 


 

La "loi de programmation et de réforme pour la Justice" a été publiée au Journal officiel le 24 mars 2019. La Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, qui a porté le texte pendant plusieurs mois, a accepté pour Lexbase Professions de revenir sur son adoption et sur la décision de censure partielle du Conseil constitutionnel.

Lexbase Professions : Après avoir été saisi par quatre recours parlementaires, le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 21 mars dernier sur la loi de programmation et de réforme pour la Justice. S’il a validé la grande majorité des dispositions de la loi, il a aussi déclaré certaines d’entre-elles inconstitutionnelles. Malgré cette censure partielle, pensez-vous que la loi, telle que publiée, remplira les objectifs que vous vous étiez fixés ?

 

Nicole Belloubet : Je prends acte de la décision du Conseil constitutionnel. Mais je retiens surtout que, par la décision la plus longue jamais rendue, il a validé l’essentiel de cette réforme.

 

En matière civile, la loi permet le développement des modes alternatifs de règlement des litiges en étendant l’obligation du recours à un mode amiable des différends et en encadrant mieux les plateformes électroniques de règlement amiable des litiges. Elle simplifie la procédure de divorce contentieux pour les justiciables. Elle renforce également l’efficacité de la protection des majeurs protégés et renforce leurs droits.

 

Elle simplifie la procédure pénale pour faciliter l’action des services enquêteurs et de la justice avec l’extension des enquêtes sous pseudonyme pour lutter contre la cybercriminalité, l’extension de l’amende forfaitaire pour l’usage de stupéfiants, la création d’une procédure de comparution différée intermédiaire entre la comparution immédiate et l’information judiciaire. Elle crée également un parquet national antiterroriste et permet d’expérimenter les cours criminelles pour permettre de juger plus rapidement les crimes punis d’une peine de 20 ans au plus.

 

En matière de politique des peines, la loi crée une nouvelle politique des peines avec l’interdiction des peines de moins d’un mois, la création d’une peine autonome de de détention à domicile et l’exécution systématique des peines de prison supérieurs à un an. C’est un changement total de philosophie.

 

La loi met en place une nouvelle organisation judiciaire avec la création des tribunaux judiciaires fusionnant tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance et la possibilité de mettre en place des pôles de spécialisation entre les tribunaux judiciaires d’un même département.

 

La loi va également nous permettre d’ouvrir le chantier majeur de la réforme de l’ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs.

 

Avec l’augmentation des moyens de la justice et la transformation numérique, la loi de programmation et de réforme pour la Justice permettra la réforme d’ensemble de l’institution judiciaire que je souhaite.

 

Lexbase Professions : Les mois qui ont précédé l’adoption de la loi ont été marqués par une mobilisation importante des professionnels du droit. Ils avaient, notamment, alerté sur l’inconstitutionnalité de certaines dispositions comme celles de l’article 7 confiant au directeur de la CAF la révision des prestations compensatoires. Comment expliquez-vous que le dialogue entre le monde judiciaire et la Chancellerie n’ait pas pu aboutir ? N’aurait-il pas permis d’éviter la censure de certaines dispositions ?

 

Nicole Belloubet : Je souhaitais expérimenter la possibilité pour les caisses d’allocations familiales de réviser rapidement le montant des pensions alimentaires. Cette expérimentation aurait permis de répondre à la situation difficile de nombreuses femmes divorcées. La question des pensions alimentaires est d’ailleurs l’un des principaux points concernant le fonctionnement du service public de la justice qui est remonté du Grand Débat. Ceci est possible dans d’autres pays. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’une telle expérimentation était contraire à la Constitution. J’en prends acte. Maintenant, il vaut avancer.

 

Lexbase Professions : Le Conseil constitutionnel a particulièrement censuré certaines dispositions pénales. Il a, notamment, considéré que la possibilité de recourir à des techniques spéciales d’enquête pour tout crime -et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées- n’apparaissait pas justifié et a souligné la faiblesse des garanties apportées par le contrôle du JLD. Faut-il déduire de cette censure la nécessité de créer un véritable juge de l’enquête ?

 

Nicole Belloubet : La simplification du recours aux techniques spéciales d’enquête nous avait été demandée par de nombreux praticiens. Nous souhaitions notamment pouvoir les utiliser en cas de crimes. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il fallait maintenir un régime plus encadré et donc, plus complexe. Pour autant, je ne crois pas que le Conseil ait souhaité remettre en cause l’institution du juge de la liberté et de la détention en tant que telle.

 

Lexbase Professions : Vous avez indiqué être surprise que le Conseil constitutionnel n’ait pas autorisé l’usage de la vidéo-audience pour les audiences de prolongation de détention provisoire alors qu’il avait validé son usage pour les audiences statuant sur les recours des étrangers détenus en centre de rétention administrative, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?  

 

Nicole Belloubet : Comme vous l’indiquez, le Conseil constitutionnel avait validé, il y a seulement quelques mois, le recours à la vidéo-audience pour les audiences statuant sur les recours des étrangers détenus en centre de rétention administrative. Il semblait cohérent de s’appuyer sur cette décision pour estimer que l’usage de la vidéo-audience était possible pour statuer sur les recours des prévenus contestant la prolongation de leur détention provisoire.

 

Lexbase Professions : Pensez-vous qu’un dialogue constructif pourra se renouer avec les professionnels du droit ? Et, notamment, concernant l’élaboration des décrets d’application de la loi ou la réforme de la Justice des mineurs ?

 

Nicole Belloubet : J’ai toujours été dans un dialogue régulier et respectueux avec les professionnels du droit. J’ai reçu les représentants des avocats il y a quelques jours pour écouter leurs propositions sur la réforme de l’ordonnance de 1945. Nous consulterons les professionnels du droit sur les textes d’application. Nous l’avons déjà fait pour le décret sur la communication électronique ou le décret sur le juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme.

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Justice

[Textes] Loi «Justice» : les principales dispositions en procédure civile

Réf. : Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC)

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par Charles Croze, Avocat, SCP Deygas Perrachon & Associés

Le 11 Avril 2019


Mots-clefs : Commentaire de texte • Loi "Justice" • Procédure civile • Règlements alternatifs des différends • Assistance et représentation • Voies d’exécution • Divorce


 

 

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dite «Loi Belloubet» publiée au Journal officiel du 24 mars 2019, va modifier les règles applicables en matière de procédure civile, en matière de procédure pénale, en matière de procédure administrative et, également, en matière d’organisation judiciaire. L’objectif de cette contribution est de donner un aperçu des principales dispositions en matière judiciaire et tout particulièrement en procédure civile.

 

1°/ Tout d’abord, la loi apporte différentes modifications et innovations en matière de règlements alternatifs des différends. 

Elle prévoit, notamment, qu’un médiateur peut désormais être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et séparation de corps et qu’en tout état de cause de la procédure, même en référé, le juge peut enjoindre de rencontrer un médiateur, même sans l’accord des parties (article 3 modifiant les articles 22-1 à 22-3 de la  loi n° 95-125, 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative N° Lexbase : L1139ATD).

Par ailleurs, le même article 3 modifie l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (N° Lexbase : L1605LB3) qui prévoyait l’irrecevabilité de la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe susceptible d’être relevée d’office par le juge si aucune tentative de conciliation préalable via un conciliateur de justice n’a été mise en œuvre, sauf des cas limitativement énumérés qui sont la demande d’homologation par les parties d’un accord, la justification que d’autres diligences ont été entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, l’invocation d’un motif légitime. Désormais, le texte prévoit l’irrecevabilité susceptible d’être relevée d’office par le juge de la saisine du tribunal de grande instance si la demande tend au paiement d’une somme inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d’Etat ou est relative à un conflit de voisinage, en l’absence de tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, ou de tentative de médiation ou de tentative de procédure participative, sauf les hypothèses de demande d’homologation par les parties d’un accord, les cas où un recours préalable est imposé, la justification d’un motif légitime ou si le juge ou l’autorité administrative doit tenter une conciliation préalable. Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2020 étant précisé que le Conseil constitutionnel a précisé qu’il incombera au pouvoir réglementaire de définir ce qu’il convient d’entendre par motif légitime (Cons. const., décisions du 21 mars 2019, n° 2019-778 DC N° Lexbase : A5079Y4U).

Enfin, l’article 4 astreint les personnes proposant des services en ligne de conciliation ou de médiation, mais encore d’arbitrage au respect de la réglementation de protection des données à caractère personnel et de confidentialité, mais aussi à une obligation d’information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée. Il en est de même des personnes offrant un service en ligne d’aide à la saisine des juridictions. L’ensemble de ces acteurs du mode alternatif de règlement des différends en ligne et de l’assistance à la saisine des juridictions doit s’abstenir de toute activité d’assistance ou de représentation au sens de l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ). Il leur est aussi interdit de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé sauf à respecter les obligations résultant de l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971. Les mêmes personnes se doivent de respecter une «déontologie» fondée sur l’impartialité, l’indépendance, la compétence et la diligence. Ces dispositions sont d’application immédiate.

 

2°/ La loi s’attache ensuite aux modalités d’assistance et de représentation devant les juridictions. 

La loi créant les tribunaux judiciaires qui remplaceront les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance (art. 95, cf. infra), le principe deviendra la représentation obligatoire en matière civile, même au titre des matières qui relevaient du tribunal d’instance. Toutefois, désormais, l’article 2 de la loi n° 2007-1727 du 20 décembre 2007 (N° Lexbase : L7717HYH) prévoit que, par exception, dans certaines matière, en raison de leur nature ou compte tenu de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal judiciaire, outre par un avocat, par leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle un pacs a été conclu, les parents ou alliés en ligne directe, les parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus, les personnes attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. La loi renvoi à un décret en Conseil d’Etat pour préciser les critères de nature à dispenser d’une représentation obligatoire (art. 5). 

En outre, un nouvel article L. 1453-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5967IRG) est créé reprenant les modalités d’assistance et de représentation devant le conseil des prud’hommes : comparution en personne, assistance ou représentation par avocat ou via des salariés ou employeurs appartenant à la même branche d’activité, les défenseurs syndicaux, le conjoint, le partenaire lié par un pacs, le concubin. Pour l’employeur, celui-ci peut aussi se faire assister ou représenter par un membre de l’entreprise ou de l’établissement. Le mandataire s’il n’est avocat doit justifier d’un pouvoir spécial. Devant le bureau de conciliation et d’orientation, le pouvoir doit habiliter à concilier et à prendre part aux mesures d’orientation (art. 5).

Enfin, devant le juge de l’exécution, le nouvel article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L5790H9C) autorise l’absence d’avocat lorsque la demande est relative à l’expulsion, lorsqu’elle a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme qui n’excède pas un montant déterminé par décret en Conseil d’Etat (art. 5).

 

3°/ Sur un tout autre plan, l’article 6 de la loi donne compétence aux notaires pour établir les actes de notoriété. L’article 8 supprime le délai de deux ans avant lequel un changement de régime matrimonial peut intervenir (C. civ., art. 1397 N° Lexbase : L1045KZQ) et remplace l’homologation du tribunal par la possibilité pour le notaire de saisir le juge des tutelles. Ces dispositions sont d’application immédiate.

 

4°/ En matière de voies d’exécution, l’article 14 de la loi modifie très légèrement la procédure de recouvrement des petites créances par huissier de justice en précisant que l’huissier peut envoyer une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou un message transmis par voie électronique. 

L’article L. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : Z10696RG) interdit au créancier de procéder à la saisie de plusieurs immeubles de son débiteur sauf si la saisie d’un seul n’est pas suffisante pour désintéresser les créanciers inscrits. Il est enfin créé un alinéa au sein de l’article L. 322-1 (N° Lexbase : Z10691RG) prévoyant qu’en cas d’accord entre le débiteur, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure ainsi que le créancier mentionné au 1° bis de l’article 2374 du Code civil (N° Lexbase : L0240LN9), les biens immobiliers peuvent également être vendus de gré à gré après l’orientation en vente forcée et jusqu’à l’ouverture des enchères.

En matière de saisie-attribution, l’article 15 modifie l’article L. 211-1-1 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : Z67777RE) et précise que lorsque le tiers saisi est un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, les actes lui sont transmis par voie électronique. Il en est de même en matière de saisie conservatoire (art. L. 523-1-1 N° Lexbase : Z67783RE).

L’ensemble de ces dispositions sont d’application immédiate.

 

5°/ La procédure de divorce est modifiée via les articles 233 (N° Lexbase : L2791DZE), s’agissant du divorce accepté, 238 (N° Lexbase : L2794DZI), s’agissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal, mais aussi au titre de nombreuses autres dispositions du Code civil. A cet égard, on observera que le délai de séparation des époux dans le cadre d’une procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal est ramené à un an. On observera aussi (art. 22) que l’audience de conciliation est supprimée dans les hypothèses de divorces sans consentement mutuel. Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 1erseptembre 2020.

Par ailleurs, différentes dispositions dont les articles 249 (N° Lexbase : L1761H4Y) et 249-3 (N° Lexbase : Z10504RG) du Code civil sont modifiées et traitent des problématiques de divorce d’un majeur en tutelle. C’est ainsi que dans l’instance en divorce, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur et le majeur en curatelle exerce l’action lui-même avec l’assistance de son curateur. Néanmoins, le protégé peut accepter seul le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.

Enfin, dans l’hypothèse où une demande de mesure de protection juridique est déposée ou en cours, la demande en divorce ne peut être examinée qu’avec l’intervention du jugement se prononçant sur la mise en place de la mesure (C. civ., art. 249-3). Néanmoins, le juge peut prendre les mesures conservatoires sans attendre.

 

6°/ La loi réforme aussi la procédure devant le tribunal de grande instance par l’article 26 qui crée un article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : Z64051RE) au terme duquel la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. Dans ce cas, la procédure est exclusivement écrite. Néanmoins, le même article ajoute que le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.

Par ailleurs, un nouvel article L. 212-5-2 du Code de l’organisation judiciaire est créé prévoyant que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer statuant sur une demande inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d’Etat et les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d’Etat peuvent, à la demande des parties lorsqu’elles en sont d’accord, être traitées dans le cadre d’une procédure dématérialisée, sans audience. Cette disposition entrera en vigueur au plus tard le 1erjanvier 2022.

En matière d’injonction de payer (art. 27), un tribunal de grande instance désigné par décret (COJ, art. L. 211-17 N° Lexbase : Z11029RG) sera compétent pour les demandes d’injonction de payer relevant de la compétence tribunal de grande instance et celles formées en application du règlement 1896-2006 du 12 décembre 2006 (N° Lexbase : L1426IRA). Le tribunal sera saisi par voie dématérialisée. Les oppositions seront formées devant le tribunal de grande instance spécialement désigné qui via le greffe transmet aux tribunaux de grande instance territorialement compétents. Cette disposition entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2021.

Enfin, en matière de procédures en la forme des référés, le gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures pour modifier les dispositions afférentes à ces procédures devant les juridictions judiciaires en vue d’unifier le traitement des procédures au fond à bref délai (art. 28).

 

7°/ La loi (art. 33 et s.) modifie le Code de l’organisation judiciaire en vue de permettre l’accès aux décisions de justice, sous format électronique, de manière gratuite, tout en prévoyant que l’identité des personnes physiques est occultée et qu’il peut en être de même de l’identité des parties, des tiers, des magistrats et des membres du greffe si la divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage (COJ, art. L. 111-3 N° Lexbase : L2356LKH et L. 111-4 N° Lexbase : L5792IRX).

 

8°/ L’article 95 de la loi prévoit le remplacement des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance par les tribunaux judiciaires (COJ, art. L. 121-1 N° Lexbase : L7813HNP). Le contentieux qui relève actuellement du tribunal d’instance relèvera demain du tribunal judiciaire. Lorsque plusieurs tribunaux judiciaires existeront dans un même département, certains pourront être spécialement désignés par décret pour connaître seuls, dans l’ensemble de ce département, de certaines des matières civiles dont la liste sera déterminée par décret en Conseil d’Etat. Cette faculté est même ouverte à des tribunaux judiciaires dans des départements différents mais proches géographiquement (COJ, art. L. 211-9-9).

Il est encore prévu que le tribunal judiciaire peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres de proximité dénommées «tribunaux de proximité» dont le siège et le ressort ainsi que les compétences matérielles sont fixées par décret (COJ, L. 212-8 N° Lexbase : L2840IPU). La mise en place des tribunaux judiciaires est prévue pour le 1er janvier 2020.

 

9°/ Il est enfin créé un juge des contentieux de la protection. Il s’agira d’un juge du tribunal judiciaire (COJ, L. 213-4-1 N° Lexbase : Z74620RE) qui exercera les fonctions de juge des tutelles des majeurs et qui connaîtra, notamment, de la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs, des mesures d’accompagnement judiciaire, des actions relatives à l’exercice du mandat de protection future, des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, pour passer seul un acte, de la constatation de la présomption d’absence, des demandes de désignation d’une personne habilitée et des actions relatives à l’habilitation familiale prévue par le Code civil (COJ, art. L. 213-4-2 N° Lexbase : Z74631RE).

Le même juge aura à connaître des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre (COJ, art. L. 213-4-3 N° Lexbase : Z74636RE), mais encore des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement  (N° Lexbase : L4772AGT) (COJ, art. L. 213-4-4 N° Lexbase : Z74638RE).

Enfin, le même juge aura compétence sur les actions relatives à l’inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement (COJ, art. L. 213-4-6 N° Lexbase : Z74643RE), des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel (COJ, art. L. 213-4-7 N° Lexbase : Z74649RE).

Il aura la faculté de renvoyer à la formation collégiale du tribunal judiciaire qui inclura le jugement des contentieux de la protection (COJ, art. L. 213-4-8 N° Lexbase : Z74653RE).

La mise en place du juge des contentieux de la protection interviendra le 1er janvier 2020.

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