La lettre juridique n°775 du 14 mars 2019 : Justice

[Le point sur...] «Analyse du risque» et «responsabilité exclusive» - La Cour de cassation face à l’Open data : retour sur les propos du président Bruno Pireyre.

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par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR, UCO Angers - IODE Rennes 1

le 14 Mars 2019

Mots-clefs : Analyse • Cour de cassation • Bruno Pireyre • Open data • décisions de justice

 

Le 31 janvier 2019, le président Bruno Pireyre, président de chambre à la Cour de cassation, répondait aux questions du Journal spécial des sociétés en tant que directeur du service de documentation, des études et du rapport (SDER), des services des relations internationales et de la communication [1]. C’était l’occasion de revenir sur le rôle de la Cour de cassation dans la mise en œuvre de l’Open data des décisions de justice, à la suite du rapport dit «Cadiet» [2], et plus particulièrement sur les risques que peut entraîner cet Open data et sur la responsabilité de la Cour de cassation à cet égard, tant comme institution formalisant la diffusion dématérialisée des décisions de justice, que comme Haute juridiction française, et donc partie prenante de la jurisprudence à diffuser. Il n’est donc pas ici question de rappeler les développements déjà abondants dans la littérature juridique sur l’Open data et la justice prédictive [3], mais de se pencher sur les dernières réflexions du président Bruno Pireyre, directement concerné par ces modifications technologiques car en charge, à la Cour de cassation, de ce SDER qui accueille désormais, pour l’année 2019 et dans le cadre de la mission publique ETALAB, deux data scientists et un développeur informatique qui seront amenés à «développer des outils toujours plus performants d’anonymisation des décisions de justice» [4].

 

 

I - La responsabilité de la Cour de cassation face à l’Open Data

 

Le président Pireyre affirme tout d’abord que cette mission confiée à la Cour de cassation, dont le rôle sera exclusif, s’inscrit «dans le prolongement naturel de ses missions présentes, la responsabilité exclusive de la diffusion en Open data des décisions de justice judiciaires qui sera faite en application de l’article L. 111-13 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L4880LAY)», article dont on notera qu’il dispose à ce jour que «les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées», et que «cette mise à disposition du public est précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes». La première question qu’il apparaît essentiel de se poser ici est de savoir en quoi cette diffusion numérique serait une continuation d’un «prolongement naturel des missions» de la Cour de cassation. Le même Bruno Pireyre nous donne certainement l’explication de cette idée de prolongement naturel dans la conférence qu’il dispensa à Athènes le 29 septembre 2017, ce dernier évoquant à l’époque la mission «d’harmonisation de la jurisprudence et de la pratique judiciaire». Il affirmait, à propos de la diffusion numérique de la jurisprudence de la Cour, que «ces diffusions peuvent être regardées comme un prolongement de l’activité juridictionnelle en tant qu’elles contribuent activement à la bonne connaissance de la jurisprudence et, ce faisant, participent à la mission d’unification du droit de la Cour de cassation» [5]. L’idée de «prolongement» était déjà là ; mais on peine toujours à comprendre en quoi la fonction unificatrice de la Cour de cassation passe par une unification de la source informatisée des décisions de justice. C’est sans doute au regard du rôle historique du SDER dans la diffusion de la jurisprudence que l’on peut trouver une réponse à cela. En effet, la Cour de cassation a été, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, chargée d’établir un fichier central de sa propre jurisprudence [6], puis un fichier central de la jurisprudence des cours et tribunaux [7], avant que ne soit confiée à son service de documentation et d’études créé en 1956 la tâche de participer à la «conception des moyens de traitement automatisé de données jurisprudentielles mis en œuvre par la Cour de cassation» [8].

 

Le président Pireyre continue en évoquant le fait que cette mission de diffusion en Open data comprend trois volets : «la collecte automatisée de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions du périmètre juridictionnel» de la Cour de cassation ; le «traitement» de cette jurisprudence, «en particulier la pseudonymisation» ; et enfin sa «diffusion». Quid de la «sécurisation» qui devrait suivre la diffusion ? On ne saurait s’arrêter à une mission d’ouverture de bases de données ; encore faudrait-il contrôler postérieurement l’usage de ces bases et de leur contenu. Quid aussi de la responsabilité qui en découle de la Cour de cassation, et qui semble s’arrêter, dans les divers propos tenus depuis quelques temps, à «l’ouverture», mais pas à l’existence même de l’Open data ? Si la question se pose, on sait qu’elle peut être techniquement solutionnée, les data scientists et le développeur susvisés travaillant actuellement au quai de l’horloge sur ces questions. Il reste que le monde numérique demeure très incertain, notamment quand on connaît les défaillances possibles du machine learning

 

La question posée par la suite au président Pireyre sur la «fracture territoriale» qu’accroitrait cette Open data est essentielle. Elle s’appuie, tout d’abord, sur le rapport Dématérialisation et inégalités d’accès au service public du Défenseur des droits [9], rapport qui soulignait aussi que, à cause de «zones blanches et grises» sur le territoire français [10], et d’une inégalité d’accès à internet et aux équipements informatiques, la dématérialisation croissante du service public allait à l’encontre de ce principe à valeur constitutionnel qui expose que «toute personne a un droit égal à l’accès au service public, participe de manière égale aux charges financières résultant de ce service, et doit être traitée de la même façon que tout autre usager». Déjà, en 2017, le même Défenseur des droits alertait : 

 

«Les problèmes d’accès à l’information, de coordination et de mauvais fonctionnement des services informatiques mis en place soulignent à quel point il est nécessaire de conserver des lieux d’accueil physique sur l’ensemble du territoire et de veiller, à chaque fois qu’une procédure est dématérialisée, à ce qu’une voie alternative - papier, téléphonique ou humaine- soit toujours proposée en parallèle. Le maintien d’une pluralité de moyens d’accès aux services publics pourrait être financé par les économies générées par la dématérialisation des services publics. La persistance de ‘zones blanches et grises’ contribue également à entraver l’accès aux droits de certaines personnes, notamment en zone rurale, et en particulier de celles en situation de précarité, pour lesquelles les difficultés de transport accentuent le problème. L’accès limité à internet dans ces territoires porte atteinte au service universel»[11].

 

La réponse à cette interrogation sur la fracture sociale et territoriale est malheureusement limitée par les capacités techniques dont bénéficie la Cour de cassation. En effet, si la question porte sur le risque de discrimination qu’entraînerait une fracture renforcée par cet Open data, la réponse ne traite que des efforts de la Cour de cassation de mettre en Open access sa propre jurisprudence, reléguant la question de l’égalité citoyenne à «l’action de la puissance publique» et à la «politique publique de l’Etat». Mais, quand on sait que la Cour de cassation n’a pas encore, pour ses propres décisions, les moyens techniques de se conformer aux exigences de l’Open data, comment pourrait-elle, d’une part, avoir les moyens de réaliser cette mission qui touche l’ensemble des décisions de justice de toutes les institutions judiciaires françaises, et d’autre part, favoriser l’égalité d’accès à ces décisions pour l’ensemble des justiciables ? On comprend bien que la recommandation n° 16 du rapport «Cadiet» souhaite que l’on développe «sur le site internet de la Cour de cassation un canal de diffusion de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions de l’ordre judiciaire assurant la mise en valeur de celle-ci», mais la Haute juridiction a-t-elle les moyens matériels et humains pour s’atteler à une telle tâche ? Passer d’une diffusion de 15 000 décisions (nombre de décisions de la Cour de cassation actuellement diffusées par Légifrance) aux presque 4 millions de décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire s’avère un travail plus que complexe, laborieux et coûteux. L’Etat doit soutenir plus amplement la Cour pour, sans poncif aucun, se donner les moyens de sa politique.

 

Les volontés sont présentes et incontestables. Le SDER de la Cour de cassation est en constant travail pour que soit mis en œuvre cet Open data. Le Premier président Louvel avait affirmé que «la Cour de cassation, riche de son expérience, dispose aussi de la technologie nécessaire pour préparer l’avenir. Elle est prête à assumer tout son rôle majeur dans le développement de l’Open data et à en devenir le pilote», les bases Jurinet et Jurica étant des pierres angulaires à ne pas négliger. Le rapport «Cadiet» soulignait encore qu’il était «nécessaire que la Cour de cassation développe sur son site Internet un outil similaire [à ArianeWeb] assurant la mise en valeur de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions de l’ordre judiciaire» [12].Mais l’Etat donne-t-il tous les moyens nécessaires à la Cour suprême de remplir cette mission ? En 2016, déjà, Jean-Jacques Urvoas évoquait la «clochardisation de la Justice». La même année, Bertrand Louvel évoquait le manque de moyens de la Justice [13]. Le directeur général de Lexbase, Fabien Girard de Barros, soulignait à juste titre que «ce qu’on appelle la libération des décisions de justice. Ce n’est pas une libération naturelle. C’est délégué et cher» [14], et qu’à ce jour, «seuls les grands éditeurs ont les moyens financiers pour acheter les données et effectuer ce retraitement ensuite». Le rapport «Cadiet» a beau indiqué que «la mise en place de ces alternatives ne pourrait être réalisée, de surcroît, qu’au prix d’un effort financier significatif de la part de l’Etat» ; le fait-il ? Il apparaîtrait aberrant de confier à une institution une responsabilité aussi importante que celle de la transparence judiciaire sans lui en octroyer les moyens financiers et humains. Or, si certaines legaltech semblent bénéficier de la part de l’Etat des sommes conséquentes, la Cour de cassation semble moins privilégiée que le secteur privé, pour une mission qui demeure d’ordre public. En effet, la SAS Forseti, plus connu des juristes et du grand public sous le nom de «Doctrine.fr» s’est vue octroyée 5 millions d’euros [15] par l’Etat, en particulier la Banque Publique d’Investissement (BPI), à la suite du grand plan d’investissement d’avenir (PIA) lancé par le secrétariat général pour l’investissement. Malgré des critiques acerbes des barreaux et des greffes, la start’up bénéficie d’un premier versement de 2,1 millions d’euros, sans qu’aucun résultat ne soit visible à ce jour. En comparaison, certaines legaltechs étrangères à ces versements de la BPI fournissent des services bien réels [16]. Avec ces 5 millions versés par l’Etat à un acteur privé, nous sommes bien loin des quelques 300 000 euros octroyés à la Cour de cassation pour mettre en œuvre cet Open data. L’Etat libéral se crée donc, d’un côté, un champion privé, et de l’autre prive «sa» Haute juridiction de moyens qui devraient lui permettre d’être l’acteur exclusif de cette révolution numérique. «Et en même temps».

 

Si la «collecte» de la jurisprudence, comme la «diffusion», ne sont que des fonctions -hautement complexes, il faut le souligner- de «boîte aux lettres» assumées par la Cour de cassation, c’est avant tout le traitement des décisions de justice qui implique des risques conséquents, qu’il s’agisse de la question de la pseudonymisation ou celle de la justice prédictive. En effet, la responsabilité de la diffusion implique de fait, comme l’évoque le président Pireyre, le devoir de «procéder, en lien avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à l’analyse du risque associé à la diffusion des décisions». Cette analyse du risque était bien soulignée dans le rapport «Cadiet», notamment à travers les développements sur la pseudonymisation, l’anonymisation et la justice prédictive, thématiques reprises par le président Pireyre dans la suite de son entretien.

 

 

II - Les risques de l’Open data face à la Cour de cassation

 

A travers l’approche de deux risques inhérents à l’Open data, à savoir la préservation des intérêts privés issue de la mise à disposition des décisions de justice, d’une part, et la mise en œuvre de la justice prédictive, d’autre part, le président Pireyre revient sur les deux écueils dans lesquels il est fondamental de ne pas sombrer : l’identification des personnes apparaissant dans les décisions de justice (magistrats, avocats, parties, etc.), et le dévoiement des outils d’Intelligence Artificielle servant au développement de la justice prévisionnelle.

 

Le 18 juin 2018, Bruno Pireyre soulignait déjà que «le défi principal auquel est confronté l’Open data juridictionnel tient à l’impérieuse nécessité pour les responsables du dispositif selon le cas de recevoir et de se doter des moyens juridiques et techniques de maîtriser aussi vite qu’il se pourra les risques de grande ampleur secrétés par celui-ci» [17].

 

Tel qu’il est actuellement rédigé, le projet de loi de réforme de la justice 2018-2022 [18] indique en son article 19 que «les nom et prénom des personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d’identifier les parties, les tiers, les magistrats et les fonctionnaires de greffe».

 

La question de cette anonymisation / pseudonymisation des décisions de justice n’est pas nouvelle [19], et a d’ailleurs été traitée comme un risque conséquent de l’Open data par la mission «Cadiet», notamment dans sa recommandation n° 5 qui élargissait cette protection à l’ensemble des acteurs du procès, conseillant une «pseudonymisation à l’égard de l’ensemble des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, sans la limiter aux parties et témoins» [20]. Ce n’était pas là prôner l’anonymisation des magistrats qui avaient rendu la décision, mais une interprétation large de cette recommandation aurait pu conduire à cela, comme le préconisait d’ailleurs [21] le rapport du Sénat du 3 octobre 2018. Cela serait alors allé à l’encontre de la volonté politique de transparence de la justice, mais aussi, entre autres choses et normativement parlant, de l’article L. 10 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4939LA8) qui dispose que «les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus».

 

Face à une position prudentielle qui soulignait une irréversibilité de la procédure [22], le projet de loi fait de la pseudonymisation des professionnels de la justice une exception au principe de transparence, uniquement dans les cas d’un risque «d’atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée». Transparence -réflexion parallèle- que l’on n’ose guère remettre en cause, tant elle semble imposée et louable, mais dont on ignore si elle demeure bien réelle, l’accès véritable aux décisions restant lié à la compréhension technique et scientifique du cœur de ces décisions, c’est-à-dire le droit en tant qu’ «art» [23].

 

Il est dommage qu’en abordant cette question, le président Pireyre ne se soit pas prononcé en faveur de l’une ou l’autre des solutions envisagées, relevant simplement que l’anonymisation du nom des magistrats faisait débat. Pourtant, le risque est bien présent, et c’est Bruno Pireyre qui soulignait déjà ce dernier en juin 2018 quand il rappelait que la pseudonymisation était soumise, «par nature, au péril d’être perturbé par les velléités de ré-identification d’acteurs de toute sorte, inspirés par des mobiles illégitimes ou illicites : prospection commerciale ou politique, indiscrétion, malveillance, projets criminels»[24].

 

Les tenants de la sécurité affirment que les inconvénients de la transparence concernant les noms et prénoms du personnel judiciaire sont tels que le risque s’avère trop grand en comparaison de la sécurité qu’apporterait, de manière préventive, la pseudonymisation automatique. Mais d’autres, comme Bertrand Louvel, ou comme les premiers présidents des cours d’appel [25], affirment que cette anonymisation va à l’encontre du principe selon lequel le juge rend la Justice au nom du peuple français, à l’encontre de la transparence visée par l’Open data. On aurait alors aimé que le président Pireyre, même si l’on sent en filigrane qu’il s’accorde avec son premier président, se prononce sur cette prise de risques, risques potentiels d’atteinte à l’intégrité des magistrats, mais aussi risques plus qu’envisageables de ranking ou de profilage.

 

Enfin, dernier point abordé par Bruno Pireyre : la justice prédictive, elle aussi source de risques, que l’interrogé ne place d’ailleurs pas sous le boisseau. Il avait déjà évoqué, quelques mois auparavant, cette ambiguïté que revêt la justice prédictive, qui fascine et déroute : «Il en est une [une face] lumineuse, qui ouvre sur une prévisibilité de la justice, une sécurité du droit, mieux assurées et mieux connues, la connaissance universelle étant l’instrument privilégié de l’harmonisation de la jurisprudence pour laquelle tant reste à faire. Mais il est une face plus sombre qu’il nous faut tenir en lisière : celle qui procède d’un mésusage, intentionnel ou non, des outils algorithmiques» [26].

 

Les risques quant à cette justice prédictive qui découlerait de la mise en œuvre de l’Open datasont de deux ordres principaux : l’absence de contrôle des algorithmes de l’I.A., et la soumission du juge aux solutions proposées par lesdits algorithmes. C’est face à ces deux dangers que le président Pireyre soutient, d’une part, qu’il faut que l’Etat ait, au moyen d’un organisme public ad hoc, le contrôle sur les codeurs, en imposant une «transparence des algorithmes», et d’autre part que les solutions proposées par les Intelligences Artificielles dédiées à la justice prédictive ne soient pas des solutions judiciaires mais bien des outils de réflexion pour le magistrat et pour les parties. En ce sens, si ces éléments peuvent «éclairer le juge», ils devront nécessairement être soumis aux débats afin que des solutions antérieures ne s’imposent pas, d’elles-mêmes et hors contexte, aux parties, et qu’ainsi le principe du contradictoire soit respecté, tout comme d’ailleurs, des principes et droits fondamentaux comme l’indépendance et l’impartialité des magistrats [27].

 

Le 1er février 2019, le Premier président Louvel prononçait un remarquable discours devant les nouveaux auditeurs de l’Ecole nationale de la magistrature dans lequel il rappelait les principes fondamentaux de la magistrature : loyauté, indépendance, dignité, humilité. Il terminait enfin en rappelant que la récompense de la magistrature était «le respect et la confiance du public», gageons que la Cour de cassation soit récompensée, en tenant justement compte de ce «public» de justiciables dans la mise en œuvre de l’Open Data. Gageons aussi que le progrès ne soit pas recherché pour lui-même, mais que l’éthique soit la finalité des évolutions techniques, comme le rappelait Bruno Pireyre quand il évoquait ce monde judiciaire où «s’affrontent une technologie digitale ouvrant sur un champ presque infini de bouleversement, et des considérations éthiques, escortées par la préoccupation du devenir social» [28].

 

[1] On retrouve aussi, dans les grandes lignes, quelques développements similaires dans l’entretien réalisé par Dalloz avec le président Bruno Pireyre, «Open data des décisions de justice : plusieurs incertitudes affectent encore ce processus complexe», du 28 novembre 2018.

[2] L’Open data des décisions de justice, par la Mission d’étude et de préfiguration sur l’Open data des décisions de justice (dir. L. Cadiet), Rapport, novembre 2017.

[3] Voir, entre autres (car la liste ne saurait être exhaustive) : L. Augagneur, D’où jugez-vous ? Un paradoxe entre justice prédictive et réforme de la motivation des décisionsJCP éd. G., 2018, 341 ; B. Barraud, Un algorithme capable de prédire les décisions des juges : vers une robotisation de la justice ?, Les cahiers de la justice, 2017, 121 ; B. Barraud, Avocats et magistrats à l’ère des algorithmes : modernisation ou gadgétisation de la justice ?, Revue pratique de la prospective et de l’innovation, n° 2, octobre 2017, dossier 11 ; E. Barthe, L’Intelligence Artificielle et le droit,I2D - Information, données & documents, 2017/2, vol. 54, p. 23 ; P.-L. Boyer, L'Open Data en marche : miroir de l’évolution sociétale, Lexbase Prof., 2018, n° 259 ; S. Dhonte, La justice prédictive ne tuera pas le métier d’avocatGaz. Pal., n° 6, 7 février 2017, p. 9 ; B. Dondero, Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire, D., 2017, 532 ; S.-M. Ferrié, Les algorithmes à l’épreuve du droit au procès équitable, Procédures, 2018, n° 4, p. 4 ; N. Fricero, Collecte, diffusion et exploitation des décisions de justice : quelles limites ? quels contrôles ? A propos de l’Open data des décisions de justice, JCPG. 2018, 168 ; A. Garapon, Les enjeux de la justice prédictive, JCP éd. G., 2017.47 ; L. Garnerie, Délivrer un résultat en un temps moindre, c’est aussi cela la valeur ajoutée ! Entretien avec Olivier Chaduteau, Gaz. Pal., n° 4, 24 janvier 2017, p. 9 ; L. Godefroy, La performativité de la justice prédictive, D., 2018, 1979 ; F. Guérandier, Réflexions sur la justice prédictiveGaz. Pal., n° 13, 3 avril 2018, p. 15 ; D. Iweins, La justice prédictive, nouvel allié des professionnels du droit ?, Gaz. Pal., n° 1, 3 janvier 2017, p. 5 ; Y. Meneceur, Quel avenir pour la justice prédictive ? Enjeux et limites des algorithmes d’anticipation des décisions de justice, JCP éd. G., 2018, 190 ; F. Rouvière, Le raisonnement par algorithmes : le fantasme du juge-robot, RTDciv. 2018, 530 ; I. Sayn, Connaître la production des juridictions ou prédire les décisions de justice ?, Les cahiers de la justice, 2019, à paraître ; A. Tercinet, Réflexions sur la justice prédictive en France à l’aune du rapport CEPEJ 2018, JCP éd. E, 2018, 1058. On attend aussi avec impatience la publication des actes du colloque La justice prédictive. Risques et avenir d’une justice virtuelle, 6 avril 2018, S. Lebreton-Derrien (dir.),

[4] V., la page dédiée sur le site internet de la Cour de cassation.

[5] B. Pireyre, L’harmonisation de la jurisprudence et de la pratique judiciaire, conférence de haut niveau - Conseil de l’Europe, Athènes, 29 septembre 2017.

[6] Loi n° 47-1366 du 23 juillet 1947, art. 10 et s...

[7] Décret n° 72-54 du 19 janvier 1972.

[8] Code de l’organisation judiciaire, art. R. 433-2 (N° Lexbase : L6380IAK).

[9] Défenseur des droits, Dématérialisation et inégalités d’accès au service public, janvier 2019.

[10] Défenseur des droits, Dématérialisation…, op. cit., p. 14.

[11] Défenseur des droits, Rapport annuel, 2017, p. 54. Voir, aussi, J.-F. Beynelet D. Casas(dir.), Transformation numérique, Chantiers de la Justice, 2018, p. 10.

[12] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 69.

[13] Comment sauver le soldat justice, entretien avec Bertrand Louvel, Le Point, 6 avril 2016.

[14] Open data des décisions de justice : où en est-on en France ?, entretien accordé au Journal spécial des Sociétés le 8 novembre 2011.

[15] 4 999 944 euros. Le grand plan d’investissement. Lauréats du concours d’innovation, 2018, p. 61.

[16] A titre d’exemple, on peut citer l’outil d’analyse et de statistique LegalMetrics, développé par Lexbase, outil désormais ouvert aux quelques 30 000 avocats de province.

[17] B. Pireyre, La technologie au service de la justice, Forum parlementaire de la LegalTech, 18 juin 2018.

[18] Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice, adopté par l’Assemblée Nationale le 23 janvier 2019.

[19] Déjà, en 2000, Emmanuel Lesueur de Givry, conseiller à la Cour de cassation, dans une étude sur «la question de l’anonymisation des décisions de justice», soutenait que «les noms des magistrats et des auxiliaires de justice ne devraient pas être soumis à l’anonymisation, sauf circonstances exceptionnelles sur demande des intéressés». E. Lesueur de Givry, La question de l’anonymisation des décisions de justice, Rapport annuel de la Cour de cassation, 2000. Voir aussi l’allocution de B. Louvel, La technologie au service de la justice ?, Forum parlementaire de la LegalTech, La technologie au service de la justice, 18 juin 2018.

[20] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 37.

[21] F.-N. Buffet et Y. Détraigne, Rapport n° 11 sur le Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, 3 octobre 2018 : «La mise à disposition électronique de l’ensemble des décisions devrait consister à diffuser ces décisions sans information de nature à identifier les magistrats et les parties, de façon systématique et non au cas par cas, afin d’éviter tout risque d’exploitation inappropriée de ces données».

[22] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 50.

[23] A ce sujet, I. Sayn, Connaître la production des juridictions ou prédire les décisions de justice ?, Les cahiers de la justice, 2019, à paraître : «Les enjeux politiques de ces développements sont importants, au rang desquels se trouve la possibilité de renforcer la confiance des justiciables dans leur justice, parce que celle-ci se donnerait à voir. Mais l’accessibilité́ à une masse considérable de décisions préalablement anonymisées ou pseudonymisées ne permet pas, à elle seule, un accès à la connaissance de la production de ces juridictions : les décisions doivent être analysées pour fournir des informations utilisables».

[24] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance publique dans le développement de la legaltech au service de la justice ?, Forum parlementaire de la LegalTech, La technologie au service de la justice, 18 juin 2018.

[25] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 46.

[26] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance…op. cit..

[27] Voir les propos de Didier Cholet qui évoque les risques d’une «standardisation» du procès face à l’indépendance du magistrat, et d’une statistisation algorithmique du procès face à l’impartialité du juge. D. Cholet, La Justice prédictive et les principes fondamentaux du procès civilinS. Lebreton-Derrien (dir.), colloque «La justice prédictive…, op. cit.», 6 avril 2018, Laval.

[28] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance… , op. cit..

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